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Survivre dans la jungle urbaine

ARBRES

SURVIVRE DANS LA JUNGLE URBAINE

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Augmenter le nombre d’arbres en ville est de plus en plus nécessaire. À Québec, un programme prévoit d’en planter 100000 d’ici 2027. Au-delà de ce nombre impressionnant, les acteurs et actrices du verdissement devront relever bien d’autres défis.

Chaque fois que la menace d’abattre des arbres dans des parcs ou le long des boulevards pèse, des citoyens s’élèvent contre ces coupes et prônent l’importance de préserver les arbres. D’autant qu’en ville, les végétaux sont malmenés: le réchauffement climatique, le sel de déglaçage ou encore les espaces bétonnés sont autant d’obstacles rattachés au «stress de la ville». Professeure à l’Université Laval et cotitulaire de la Chaire de recherche sur l’arbre urbain et son milieu, Alyson Munson s’intéresse à la racine de ce problème. Elle étudie le lien entre le sol et les plantes. «Un sous-sol de qualité est une clé pour que la végétation soit plus durable dans le temps», assure-t-elle. La professeure tente de trouver dans la terre des causes à la mortalité des arbres. En particulier celle des jeunes, plus importante dans les sections récemment construites. «On regarde d’abord la texture du sol. On mesure la quantité de sable ou de texture fine comme l’argile. Ça joue sur la fertilité», rapporte Alyson Munson. Si les vieux troncs du boulevard René-Lévesque semblent capables d’accumuler les printemps sans vaciller, le dossier du tram laisse planer la possibilité d’abattre les gros arbres. Dans la forêt tropicale la chute d’un grand arbre est un gain de place qui profite aux jeunes pousses, mais dans la jungle urbaine de Québec, prendre racine est laborieux. «Il faut au minimum cinq arbres pour en remplacer un. J’ai même vu des articles qui parlent de 20 nouveaux pour se substituer à un plus vieux», avance Alyson Munson.

ERREURS DU PASSÉ

L’objectif annoncé est d’atteindre 35% d’indice de canopée d’ici les trois prochaines années. Une explication sur le site de la Ville de Québec permet de mieux comprendre. «Cet indicateur exprime la surface occupée par la cime des arbres. Plus le chiffre est élevé, plus le territoire est couvert d’arbres.» Planter des arbres a plusieurs avantages comme créer des zones ombragées ou atténuer la pollution de l’air. Mais des erreurs de plantation commises dans le passé ont encore

des répercussions aujourd’hui. Dans les années 1980, les frênes plantés massivement avaient la cote. Les agriles – insectes parasitaires – ont trouvé de quoi se nourrir dans cette abondance d’arbres de la même essence. Alyson Munson en convient, «c’est un désastre pour une ville comme Québec parce qu’on en a planté tellement pendant plusieurs années. C’est un arbre résistant, mais c’est le problème de ne mettre qu’une espèce. Si quelque chose arrive comme un insecte exotique, on les perd tous en même temps.» La canopée de Québec continue de connaître des pertes importantes.

«On a beaucoup de mal à recruter des gens compétents [...] formés pour les soins des arbres.» Julie Molard

PROJET PILOTE

Inutile donc de planter une seule espèce en ligne droite pour verdir une ville. La nécessaire répartition d’essences sur le territoire ne peut pas se faire sans les habitants qui composent la ville. Sur le terrain, Julie Molard l’a bien compris: l’implication citoyenne participe à la survie des arbres. «Autant pour leur entretien que pour leur surveillance», constate la directrice générale de l’association forestière des deux rives (AF2R). Les projets de verdissement sont nombreux, à l’échelle des ruelles vertes ou de la ville entière. Un projet mis en place par la Ville de Québec regroupe une vingtaine d’organismes, dont l’AF2R. Autour de la Table (de concertation) Canopée, l’objectif de verdir la ville confronte la théorie à la pratique. «Planter des arbres en ville coûte cher», lance Julie Molard avant de nuancer «Ça dépend des secteurs. Déminéraliser [enlever l’asphalte] une cour d’école ou un stationnement, c’est ce qui augmente les coûts.». La quête de financement s’accompagne d’une campagne de concertation avec la population. Des conifères qui bouchent la vue, ou des branches qui laisseraient des fruits tomber trop proche de garderies font partie des arguments d’opposition à prendre en compte. L’association prend note pour trouver des compromis. L’objectif de sensibiliser s’accompagne d’une transmission de connaissances. La directrice insiste sur ce dernier point, d’autant que dans le domaine de foresterie urbaine, les formations sont rares. «On a beaucoup de mal à recruter des gens compétents dans ce domaine. On rencontre des techniciens ou ingénieurs forestiers, mais ils ne sont pas formés pour les soins des arbres». Pour survivre en ville, les arbres méritent bien un guide.

VICTOR LHOEST

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