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Jongué au pays Teranga
JONGUÉ, SÉDUIRE AU PAYS DE LA TERANGA
La séduction, un mélange de codes culturels, regorge de savoir-faire et de secrets de beauté ancestraux. Pour les Sénégalaises, la séduction est une seconde nature, si bien qu’elles ont introduit un concept bien à elles, le Jongué. Devenu une tradition qui se transmet de génération en génération, cet art de charmer au féminin occupe une grande place dans les relations homme-femme. Une question se pose alors: pourrait-on s’en inspirer au Québec?
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Rares sont les représentations de la gent féminine faisant le premier pas. Que ce soit sur le papier ou le grand écran, l’homme continue d’être le gouvernail du navire. Mais pour cruiser au Québec, les règles changent. En effet, les femmes québécoises sont en général perçues comme étant plus entreprenantes que les hommes. «C’est plus accepté ici», soutient Victoria, jeune étudiante de 20 ans. Selon elle, l’importance accordée à l’égalité des sexes y est pour quelque chose. Cette volonté de briser les stéréotypes liés au genre s’invite également dans les codes de séduction.
De son côté, Adja révèle que bien qu’elles aient leurs propres méthodes de séduction, les femmes de chez elle ne sont pas invitées à faire le premier pas. Au Sénégal, la séduction s’avère être plus qu’une norme, si ce n’est un art à savoir bien manier. Ce qu’on appelle le Jongué, est un concept devenu une tradition où, les femmes armées de leurs accessoires féminins, vont répandre leur charme. «Le jongué c’est comme un arsenal de séduction pour la femme», révèle la jeune Dakaroise. Ce concept qui a une place importante dans la culture sénégalaise regroupe un bon nombre d’éléments qui doivent être soignés au millimètre près. Nous retrouvons parmi eux la façon de s’exprimer, d’attacher le foulard, ou encore de porter le pagne et les chaînes autour de la taille, appelées bine bine. «C’est important d’être jongué, aucun détail n’est laissé au hasard, c’est un système qui se met en place», souligne-t-elle.
Bine bine
SÉDUCTION SOUS-MARINE
Dans une société africaine où les relations homme-femme tendent à évoluer avec l’apparition de la nouvelle génération, les règles en matière de séduction restent inchangées, si bien qu’elles séduisent encore ceux et celles qui les pratiquent. Si les femmes québécoises ne vont pas hésiter à aborder l’objet de leur désir, c’est dans le regard et la démarche que les habitantes de la Teranga vont exprimer leur désir de plaire. «Au Sénégal, on a une façon particulière de regarder les hommes qu’on aime bien», déclare Adja. Un seul mot d’ordre, la subtilité. Adopter une certaine attitude et un langage corporel sans jamais exprimer verbalement l’attirance que l’on ressent est une règle d’or. Cette autre ligne est franchie par le sexe opposé. «Les hommes ne vont pas avoir froid aux yeux pour dire qu’ils apprécient une fille», assure Adja. L’importance de jouer sur la subtilité repose en grande partie sur les mœurs de la société sénégalaise selon l’étudiante en droit. En effet, un pays où la démonstration des preuves d’amour en public est une pratique très peu commune, et dont la majorité de la population est de confession musulmane. «C’est très important d’être subtile. C’est un pays où il faut vraiment être pudique dans sa façon de montrer les choses», confie-t-elle.
Portées en majorité par les Africaines de l’Ouest, les chaînes autour des hanches font partie des armes de séduction des femmes. Appelées bine bine au Sénégal, elles sont vendues en masse dans les marchés locaux. On y retrouve des tailles et des couleurs différentes, ainsi que des messages personnalisés contenant parfois des phrases provocatrices. : Ismaël Moya Crédit photo
MAINTENIR ET BRISER LES CODES
Les rôles de séduction évoluent différemment d’une société à l’autre. Au Québec, où les hommes sont plus discrets et moins expressifs que les femmes, la thérapeute en relation d’aide et sexualité Nathalie Bouchard nous éclaire à ce sujet dans le webmagazine L’Outarde Libérée. Selon elle, cette notion de la femme québécoise entreprenante et «chasseuse» tient son origine de la radicalisation du féminisme après les années 1950, période où les libertés individuelles étaient sous le contrôle de l’Église. À ce sujet, Adja apporte une perspective différente. «Au Sénégal, cela est mal vu pour une femme d’être aussi entreprenante qu’un homme», déclare-t-elle. Celle qui qualifie ce système «d’ancienne école» ne considère cependant pas cela comme un mal en soi. En parallèle, la Dakaroise explique que les codes évoluent dans les zones où les jeunes sont plus présents, notamment dans la ville de SaintLouis. Les femmes ne sont d’ailleurs pas toutes concernées par cette approche, et certaines osent même faire le premier pas, bien que cela se fasse toujours par le biais de la discrétion.
OCÉANE KOUASSI
