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Le séducteur

Entre 1987 et 1994, je fréquentais une clinique pour apprendre à gérer mes émotions de pmd (tripolaire). Quand on attendait nos rendez-vous dans le salon des fumeurs (eh oui, cela a déjà existé un salon des fumeurs), on jasait avec nos semblables, tous et toutes plus ou moins écorché(e)s de sensibilité. Parfois, quand j’étais à fleur de peau, je descendais dans la cave pour décrire mon trouble à l’aide de métaphores, d’images et de paraboles sur un ordinateur des premières générations avec des disquettes 5 pouces et quart. Puis, après avoir imprimé mon propos, je le faisais lire par mes comparses pour avoir leur avis. Je me rappelle, une fois, d’un grand type aux cheveux longs et moustache noire, qui, après avoir lu mon texte, s’est exclamé: «Toi, tu devais écrire une histoire qui commence par «Il était une fois»

VOILÀ. TOUT SIMPLEMENT. C’ÉTAIT UN ÉLOGE. TOUT ÉTAIT DIT.

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Un des premiers fans de ma jeune carrière. Je salue bien bas ce premier lecteur de naguère en retrouvant le texte qui suit, caché dans mon ordinateur et qui commence par: «Il était une fois une belle fille, une belle femme, une belle flamme, qui aimait les chocolats chauds après les sports d’hiver. Après le ski alpin, le ski de fond, le patin à glace, toujours elle se concoctait un bon chocolat chaud ou s’en payait un dans un café bistrot ou chez un chocolatier ayant pignon sur rue non loin de son activité. Elle aimait bien faire des sports d’hiver avec des garçons qu’elle connaissait peu, mais qu’elle voulait connaître plus. Elle pensait, elle disait qu’une activité dans la froidure en disait plus sur le caractère de ses prétendants que leurs mille discours, bien souvent creux.

Après ses activités, elle avait les joues rosies par le froid et le sourire gouailleur. Et moi, je la trouvais jolie, peu importe d’où elle venait, ce qu’elle venait de faire, où elle allait. Et moi, je la trouvais aguichante, charmé par ses courbes tout en rondeur, généreuses là où il le faut et par un je ne sais quoi dans sa personnalité qui me faisait sentir tout «drôle» à l’intérieur et me faisait rougir à mon tour, mais pas à cause du froid. Mais pourrais-je la séduire un jour? Voilà une question qui me tarabustait malgré que, comme la fille femme flamme était le fruit de mon imagination, dans le fond, dans mon fond, il n’en tenait qu’à moi d’organiser une rencontre virtuelle (comme on dit, comme c’est la mode depuis quelque temps, un Zoom ou un Skype), et de sortir mes charmes calqués sur les charmes légendaires de tous les Don Juan de la terre qui ont traversé les âges, et de passer à l’action, en mode chasseur comme tout bon mâle qui se respecte. Dans le fond, elle était restée une petite fille devenue un beau brin de jolie femme, avec des hanches et avec des seins pour accueillir mes mains fébriles, un petit ventre pour y reposer ma tête, lorsque couché à ses côtés, une jolie bouche aux lèvres charnues, de grands yeux mystérieux où je perds mon latin et le nord, un petit nez retroussé à la Cléopâtre comme dans Astérix, de beaux bras pour m’enlacer, de petites mains que je prends plaisir à bécoter tout en chantant «Valentine» de Maurice Chevalier et un sens de l’humour acéré toujours prêt à rire des autres comme d’elle-même.

Je la rencontre chez Temporel — bistrot mythique s’il en est un —, murs en pierres avec photos et textes de Félix Leclerc dessus, bonne musique, chaises et tables en bois, bon menu, situé sur la rue Couillard dans le Vieux-Québec. Nous nous dirigeons vers le deuxième étage, car c’est là que nous pouvons brancher nos ordinateurs. Je fais remarquer à ma douce, un graffiti, dans l’escalier, que je trouve rigolo. Une citation de Jean Anouilh. «Pourquoi contredire une femme? Il est tellement plus simple d’attendre qu’elle change d’avis!» Ce à quoi ma dulcinée réplique, goguenarde: «Si qui prend mari, prend pays!... Par contre… «Qui prend épouse prend pelouse!!! Lol! (à suivre peut-être)

: Photostockeditor Crédit photo

BERNARD ST-ONGE,

enjoliveur du quotidien à votre service

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