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Le naturel sur Internet une tendance?

On prêche corps et âme qu’il est important d’être vrai, soi-même, naturel, authentique… Mais comment percevoir l’authenticité d’une personne? Une image fidèle à ellemême, direz-vous. Or, ces mots magiques correspondent également à une nouvelle tendance sur les plateformes numériques. Le défi persiste: montrer son authenticité de façon naturelle sur Instagram, c’est de plus en plus travaillé.

Après avoir régné en maître pendant plusieurs années, Instagram est de plus en plus critiqué pour son esthétisme uniforme. La photographe Ellen Marie Saethre-McGuirk, professeure d’art et de design à l’Université Nord, en Norvège, a décelé des similitudes techniques dans les photographies partagées sur la plateforme. Elle a découvert que les caméras de téléphones cellulaires, captant inadéquatement l’ombre et la lumière intense, créent les mêmes défauts dans les clichés. Les instagrammers utilisent aussi des filtres similaires donc les résultats sont de plus en plus uniformes. L’effet de répétition pose également des balises quant à l’esthétisme « réclamée » sur la plateforme.

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L’ « INSTALOG » DE VANCOUVER

Plus que jamais, des sites naturels sont envahis par des photographes amateurs en quête de la photo idéale. Situé dans le parc provincial Joffre Lakes en Colombie-Britannique, on y trouve même un « instalog », un vulgaire tronc d’arbre échoué depuis la rive, mais assez large pour que l’on puisse s’y tenir debout le temps de poser quelques instants pour Instagram. Situé dans l’État de Washington, aux États-Unis, le Vance Creek Bridge, un pont désaffecté en pleine forêt, a dû être démoli à la suite d’actes de vandalisme répétés depuis 2012. Or, les réseaux sociaux ont contribué à la popularité de ces lieux. Plusieurs personnes apprennent l’existence de ce genre d’espace vert grâce à la géolocalisation sur Instagram, Facebook ou Pinterest. Le hic? Certaines personnes ne sont pas toujours en nature pour se ressourcer… D’après une moyenne calculée en 2019 par le magazine environnemental canadien Beside, 11 nouvelles publications à la seconde utilisent le #nature.

La section française du Fonds mondial pour la nature (WWF) a reconnu que « la géolocalisation sur Instagram des lieux préservés met en péril la biodiversité ». En septembre 2019, le mot-clic #joffrelakes était plus populaire que le compte de l’agence gouvernementale responsable de sa gestion. Parlant de mot-clic, la gloire du #nofilter témoigne également d’une volonté de « retour au naturel », en se prenant en photo sans ajouter de filtre pour modifier son apparence. Certains sites offrent toutefois la capacité de détecter la présence d’un filtre dissimulé, tel que FilterFakers, permettant de débusquer les malins qui utilisent à tort l’identification. De son côté, l’application Dispo est née d’une valorisation « du bon vieux temps technologique ». Comme avec un appareil analogique, il n’est possible de découvrir ses clichés, impossibles à modifier ou à filtrer, que le lendemain matin.

FAIRE DU BEAU AVEC DU LAID

Les photos humoristiques « Instagram vs réalité » ont gagné en popularité ces dernières années alors que les influenceurs et les célébrités multiplient les « photo dumps », des compilations de clichés variés et inesthétiques. L’esthétique du laid revient donc à la mode: les « ploucsters » (mélange de ploucs et hipsters), les Crocs, les longs bas blancs, les chapeaux de pêche… Rapidement, force est de constater que l’imperfection rime, malgré tout, avec mise en scène et codification. C’est pour cette raison que certains utilisateurs d’Instagram se créent un second compte, un Finstagram (mélange de fake et Instagram), à contrario au compte principal, le Rinstagram (mélange de real et Instagram), pour publier des photos ou vidéos généralement drôles ou embarrassantes, dont seuls leurs amis les plus proches peuvent avoir accès. Au final, il y aura toujours une certaine frontière entre ce que l’on publie, ce que l’on veut publier, ce que l’on peut publier et ce que l’on devrait publier. Cependant, n’est-ce pas l’objectif des réseaux sociaux que d’estomper ces barrières?

ÉRIKA BISAILLON

Authenticité...

...partagée

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