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Chairs complexes
«Parfois, je me trouve belle, mais je ne suis pas totalement satisfaite de mon visage. J’aimerais qu’il soit plus symétrique», confie Diane Osseyi. À la naissance, les tissus de sa lèvre supérieure et de son palais n’étaient pas fusionnés. Quatre opérations plus tard, les traces de l’ancienne fente labio-palatine ne se voient presque plus. Parcours d’une battante.
Diane est née au Togo avec une fente labio-palatine. La fente labiale (quand elle touche la lèvre) et palatine (lorsqu’elle touche le palais) est rare, une naissance sur 1000 dans les populations caucasiennes, deux fois moins fréquentes au sein des populations noires africaines. La malformation congénitale est la plupart du temps visible à l’échographie, mais les parents de Diane l’ont découvert à la naissance. «Ils étaient choqués, ils n’en avaient jamais entendu parler, mais le médecin les a rassurés», tempère-t-elle. À 1 an, elle a subi deux opérations coup sur coup. Une première chirurgie pour combler les trous au niveau de la lèvre et du palais, suivie d’une seconde au palais, qui n’était pas bien fermé.
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RUMEURS ET SORCELLERIE
La malformation a mis sa famille à l’épreuve. «Bébé, mes parents me sortaient durant la nuit, car, en journée, c’était trop compliqué», rapporte Diane. Certains individus ignorant l’existence des fentes labio-palatines ont tenu des propos loin de toute rationalité médicale: «Il arrive que les enfants comme moi soient considérés comme des sorciers».
Confrontée à ces rumeurs, la famille de Diane a dû rester forte «Dans la société, certains ne voulaient pas que je continue de vivre. Ils demandaient à mes parents ce que cet enfant pourrait leur apporter de bon». À l’école, Diane est passée au travers des rares moqueries portées sur l’apparence et la prononciation du son S. «Heureusement, j’avais une bonne bande de copines», estime-t-elle. «Je n’ai reçu aucune question de leur part. J’avais l’impression qu’elles ne voyaient pas mes différences. Certaines les ont remarquées récemment, lorsque j’ai parlé de mes opérations sur mon compte Instagram», ajoute l’étudiante.
Aujourd’hui, à 24 ans, l’étudiante de l’Université Laval se souvient du rapport complexe qu’elle entretenait avec son visage: «Ça a commencé à l’adolescence. J’appréciais tout sauf mon visage. Je pouvais même déchirer des photos de moi».
: Victor Lhoest Crédit Image
La foi a aidé Diane à s’accepter. Aujourd’hui, elle veut informer le public de cette malformation sur son compte Instagram (@_dianawoods) et envisage de s’associer à des organismes pour aider à son tour
LE COÛT DE LA SYMÉTRIE
«En tant que fille, je me sentais différente», témoigne Diane. Les chirurgies réparatrices de son enfance avaient laissé Diane complexée par un visage qu’elle jugeait dissymétrique. «À 17 ans, j’ai réécrit à ma chirurgienne pour avancer ma mâchoire supérieure et avoir un profil plus «effilé»», relate-t-elle. Pour accepter de le faire, Diane a eu un déclic. À l’époque, un homme de son cercle religieux l’a abordée: «Il m’a demandé pourquoi je ne me faisais pas réparer. Il avait vu un documentaire à propos de cette malformation», relate-t-elle. Patiente et consciente du coût de la chirurgie, elle comptait payer de sa poche pour se faire opérer. «Je pouvais garder mon visage comme tel jusqu’à ce que je puisse moi-même payer mes frais d’opération», explique Diane, pragmatique.
Diane a donc subi deux opérations esthétiques. Une ostéotomie maxillaire (mâchoire) puis nasale. Elle hésite encore à se faire refaire les dents. «Le dentiste m’a dit que je n’en avais pas besoin. Mais au fond de moi, je voudrais quand même le faire», avoue-t-elle.
UN MENTAL DE BATTANTE
Fiers du parcours de leur fille, le père et la mère de Diane l’ont toujours soutenu «Mon père était avec moi pour mes deux dernières opérations», rapporte fièrement Diane. Elle ajoute: «Ils ont un album photos de moi, avant et après l’opération. Ils sont contents du résultat».
Les traits redessinés, Diane garde un comportement forgé par son passé. «J’ai un mental de battante!», assure-t-elle. «Ces deux dernières opérations m’ont aidé à avoir plus confiance en moi. Avant, j’avais peur du regard des autres. Maintenant, j’apprécie mon reflet», souligne la jeune femme. «J’ai aussi développé la comédie. Je faisais rire les gens pour pouvoir les distraire et me sentir plus considérée», confie-t-elle. L’étudiante de maîtrise en agroéconomie a toujours mis son éducation au premier plan. «C’était peut-être un moyen de ne pas me préoccuper d’un physique qui me dérangeait», constate la jeune femme. Désormais, elle souhaite se mettre en valeur avec un peu de maquillage. «Je ne suis pas encore une experte, mais j’avance bien», dit-elle amusée.