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C’est vrai que c’est faux
C ourtoi sie: Claude Cossette
Quand on admet comme également valables toutes les opinions, tous les raisonnements, on ne raisonne plus. Le vrai ou le faux, c’est alors du pareil au même et c’est alors À chacun sa vérité comme le rappelle le titre que Pirandello a donné à sa pièce à succès.
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LE MENSONGE EMPRISONNE
Le lendemain de la cérémonie d’investiture du président Trump, un de ses conseillers, un dénommé Spicer, prétend que l’évènement a attiré «la plus grande assistance à s’être présentée à une investiture». Or, sur les photos, on constate au contraire que la foule était plutôt clairsemée. Le jour suivant, un journaliste de la télé demande à la relationniste Kellyanne Conway d’expliquer pourquoi Spicer a de toute évidence menti. Elle répond qu’il n’a pas menti «qu’il a simplement présenté des faits alternatifs». Le journaliste lui lance alors: «Les faits alternatifs ne sont pas des faits, ce sont des mensonges». Jusqu’à ce que Kellyanne lance l’expression «fait alternatif», un fait qui n’était pas conforme au réel, on appelait ça une fausseté, une tromperie ou un mensonge. Il n’existe pas de faits alternatifs, il n’y a que des faits qui correspondent à la réalité, sinon ce ne sont pas des faits, mais des croyances, des hallucinations ou… des menteries. Imaginons une personne qui affirme: «Cette fois-ci, je ne vous mens pas, je vous dis la vérité: je mens toujours». C’est une affirmation contradictoire: cette personne semble dire la vérité en avouant qu’elle ment toujours. Mais si elle ment toujours, elle est donc en train de mentir et c’est un mensonge de dire qu’elle est menteuse. Alors, elle ment ou dit vrai? Nœud impossible à dénouer, car nous faisons face ici à un paradoxe, un serpent qui s’avale lui-même par la queue. Une absurdité!
LA VÉRITÉ LIBÈRE
Ordinairement, le vrai a meilleur goût que le faux. Beaucoup de personnes sont séduites par le faux, l’imitation, mais elles conservent un attrait viscéral pour le vrai, l’authentique, puisqu’elles essayent continuellement de se faire croire que ce faux est du vrai. On peut bien affirmer n’importe quoi, mais on ne peut pas penser n’importe quoi. Pour distinguer le vrai du faux, on fait appel à l’intelligence, à la logique. On peut tolérer les demi-vérités, mais quand la vérité est connue avec la certitude de la démonstration, de la science, il n’est pas besoin de tergiverser: la tolérance n’oblige pas à tolérer les absurdités. Sur certains sujets, on pourra raisonner autant que l’on voudra, mais sans arriver à conclure. C’est le cas pour les choses les plus importantes, celles qui nous tarabiscotent comme les questions sur le sens de la vie, l’existence de l’âme ou la valeur de nos principes. C’est ce qui s’appelle philosopher. Là, la tolérance est indiquée. Depuis toujours, les plaideurs, politiciens et autres prêcheurs pratiquent la rhétorique qui est l’art de persuader sans démontrer, de discourir de manière à séduire, à emporter l’adhésion en usant d’astuces: exagération, répétition, jeux de mots, bref, en jouant les demi-vérités. On recourra également aux sentiments: préjugés, flatterie, peur, ainsi de suite: demi-faussetés!
C’est ici que le scientifique suscite l’admiration. Il ne poursuit qu’une seule quête: le vrai. Il ne finasse pas; quand il affirme, c’est qu’il sait. Il ne croit pas; il sait, il détient la preuve de ce qu’il avance. Il n’énonce que du vrai supporté par l’expérimentation et la raison. Il n’y a pas là place aux entourloupettes alternatives. Le philosophe André Comte-Sponville raconte que ce qui a vraiment changé sa vie, ce fut de «découvrir que vérité et bonheur allaient ensemble». Il y a 2000 ans, le prophète Jésus avait transmis la même idée à ses disciples: «Vous connaîtrez la vérité et elle vous rendra libres».