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Parler pour parler
C ourtoi sie: Claude Cossette
« PARLER POUR PARLER LÀ… »
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Langue, langage, parole. De quoi parle-t-on? La langue est le moyen de communication orale propre à une collectivité. Au Québec, c’est le français. Le langage est la manière dont on utilise une langue. Ici, nous parlons le français québécois. À moi la parole maintenant!
LES MOTS POUR LE DIRE
L’ampleur du vocabulaire diffère selon les personnes. En français, cela va de 3000 mots pour l’adulte moyen à 25 000 mots pour la personne cultivée. Et ces mots sont utilisés de diverses manières. Nous recourons au langage soutenu quand nous parlons devant une assemblée ou que nous écrivons: «Mon automobile a été emboutie par un bouteur». Nous utilisons un langage standard quand nous discutons avec des personnes que l’on connaît peu: «Un bulldozer a frappé ma voiture». Et nous utilisons le langage familier pour échanger entre copains: «Un bull a défoncé mon char». Quant au langage vulgaire, il est surtout utilisé par les personnes qui aiment fanfaronner: «Un calvaire de bull a déconcrissé ma minoune».
Par ailleurs, le langage adopté varie considérablement. La langue de bois du politicien est plus plate que la langue musicale du rappeur, la langue spécialisée du professionnel est plus précise que la langue terne du bureaucrate, la langue ampoulée du bourgeois est plus conformiste que la langue colorée de l’ouvrier. Le linguiste Roman Jakobson a montré que la langue remplit plusieurs fonctions. La première de ces fonctions, qu’il qualifie de référentielle, consiste à pouvoir, à l’aide de sons et par convention, représenter objectivement des éléments de la vie, objets physiques aussi bien que concepts abstraits: «C’est un chirurgien». La deuxième, la fonction expressive, permet d’extérioriser ses propres émotions: «J’en ai peur». La troisième, dite conative, sert à provoquer une réaction: «Ne m’approchez pas!». J’en citerai une dernière, la fonction phatique, qui sert simplement à vérifier que la communication est établie: «Vous comprenez là?». Bon, arrêtons là le petit exposé professoral et venons-en à des choses plus concrètes: à quoi sert la langue dans la vie quotidienne?
UNE LANGUE POUR COMMUNIQUER
Un sondage récent mené par Léger révélait que 62 % des Québécois se disent pessimistes face à l’avenir du français. On peut les comprendre quand on réalise que les Québécois ne totalisent qu’un maigre 2 % de la mer anglophone d’Amérique du Nord. Néanmoins, le français nous sert à communiquer tous les jours. Tout le monde possède la capacité de communiquer avec ses proches. Comme par osmose, chacun acquiert la maîtrise de sa langue maternelle, son vocabulaire et la façon de l’utiliser. C’est une capacité propre à tous les humains. Le système fonctionne parce que les règles sont respectées par une entente tacite entre les usagers. Et il n’y a pas vraiment de mauvaise façon de parler sa propre langue, la seule condition étant d’être compris par ses interlocuteurs. Les mots pour désigner une chose ou une idée sont précisés par l’usage commun. Ce n’est ni la grammaire écrite ni le dictionnaire en vogue qui établissent les règles. Ces ouvrages ne font que relever par écrit les usages changeants qui sont observés dans la population. C’est ainsi que le dictionnaire inclut de nouveaux mots chaque année et que le français de Champlain est à peine déchiffrable par les lecteurs d’aujourd’hui. Pour l’écriture, c’est autre chose. L’écriture oblige à une pensée plus claire et exprimée avec plus de précision. Cela nécessite donc de connaître les codes avec plus de subtilité. C’est alors que compte le temps de chaque verbe, l’orthographe de chaque mot, la valeur de chaque qualificatif, de même que la ponctuation qui rythme le texte. Savoir écrire correctement est capital dans le monde d’aujourd’hui. C’est même le mode obligé dans certaines circonstances, par exemple pour les lois, les contrats, les jugements ou les notices techniques. Cela implique donc en contrepartie de savoir lire. Bien lire! Théoriquement, près de 100 % des Québécois savent lire, mais la recherche montre que 40 % d’entre nous sont peu performants. Ces personnes sont, par exemple, incapables de lire à une vitesse acceptable, de comprendre exactement ce qu’exprime un texte, insuffisamment en l’occurrence pour comparer le contenu de deux textes similaires. Un handicap pour ces individus comme pour la société. Mais, parler pour parler là… la langue sert aussi à apprendre, à demander, à remercier, à chanter, à prier, à aimer.