
3 minute read
La discrimination injectable
J’écris pour le magazine de rue La dont il est perçu par Quête depuis approximativement la société. Réduit à deux ans. Durant ces deux ellipses une question simple: autour du soleil, j’ai traité de nom- subit-il des discrimibreux sujets, toujours dans la pers- nations résultant de pective de donner une voix à des su- sa consommation de jets sociétaux, souvent orientés vers drogues injectables? l’itinérance. Tel est l’objectif louable D’aucune façon cet du magazine. Cet article ne fera pas article ne se déclare exception, mais son sujet confron- un filigrane sur la vie tera la porcelaine du bon chic bon de tous les consomgenre: la consommation de drogues mateurs de drogues injectables (héroïne, fentanyl, mor- injectables, mais bien phine ou dilaudid). un aperçu dans la vie Sur un plan personnel, les différents de Louis. sujets traités mensuellement ont fa- « C’est quelque chose vorisé mon contact et une meilleure que je ne veux même compréhension avec des réalités qui plus, mais je n’ai pas le m’étaient inconnues à ce jour. D’aucu- choix, je deviens mane façon ignorées par désintérêt, bien lade comme un chien au contraire, mais plutôt parce que si j’en manque, je suis certains sujets sont parfois relayés obligé de consommer à l’obscurantisme collectif. Comme quoi le plus sophistiqué des singes est parfois aussi le plus ignorant de certaines réalités qui l’entourent. pour être capable de fonctionner », mentionne Louis. Ce dernier me confie qu’il s’est beau coup isolé à cause de sa consom son isolement. Est-ce que certains jugements préconçus sur la consommation de drogues injectables nous prédisposent à nous éloigner des Merci donc, cher lecteur, de m’aider à mation. Isolement qui a eu un effet consommateurs, alors que le réflexe organiser mes pen- insidieux sur sa vie naturel est d’aider un ami dans le sées et mieux com- sociale puisqu’il a besoin? La discrimination est parprendre mes hori- « C’est certain que les gens rapidement perdu fois plus tamisée et sournoise que le zons, ma propre ont un regard différent, on contact avec un en- sens qu’on lui attribue collectivement. compréhension regarde les gens en fonction tourage sobre qui « C’est certain que les gens ont un red’un sujet passant de ce qu’ils font. Pour eux, aurait possiblement gard différent, on regarde les gens en fréquemment par tu deviens uniquement un pu l’épauler. Louis fonction de ce qu’ils font. Pour eux, l’écriture. Les fleurs, toxicomane » gravite donc, depuis tu deviens uniquement un toxicomamême les plus fanées, ont besoin de ~Louis un certain temps, dans un entourage ne », affirme Louis. soleil. de consommateurs RENCONTRE AVEC LOUIS d’opioïdes et me raconte, sans désaveu à cet entourage, que c’est une des Après plusieurs années de sobriété, difficultés du chemin escarpé vers la Louis a rechuté, en 2015, dans la sobriété. « Quand tu décides d’arrêconsommation d’opioïdes. Cinq an- ter de consommer, il faut refaire son nées gouvernées par des billes cris- cercle social au complet. Je ne me tallines de morphine qu’il écrase, mé- fais plus des amis aussi facilement lange à de l’eau distillée, puis s’injecte. qu’avant. Ce n’est pas évident d’avoir Il admet d’ailleurs sans repentir avoir des amis sobres quand tu t’injectes », consommé quelques heures avant déclare Louis. notre rencontre, ses yeux vitreux comme témoins. Force est de constater que la seringue… ça fait peur et ça fait fuir. Bien L’objectif de ma rencontre avec ce qu’à l’occasion, pour des raisons comdernier était d’avoir une conversation préhensibles aux dires de Louis, sa franche et sans tabous sur sa consom- consommation a éloigné des proches mation, mais aussi sur la manière et des amis de longues dates, le blessant parfois au passage et accentuant
UN CHOIX EN SANTÉ
Advertisement
Le système de santé québécois peut parfois servir de fenêtre pour illustrer les inégalités et les discriminations de notre société. Louis fait d’ailleurs un constat lapidaire de la manière dont sont reçus et perçus les consommateurs de drogues injectables dans ce milieu. « À l’hôpital ou à la pharmacie, aussitôt que tu dis que tu es un consommateur, tu te fais fermer toutes les portes. Tu te tires dans le pied si tu le mentionnes, on ne voudra plus rien te prescrire d’autre que des Advils », se désole Louis. Le consommateur se retrouve donc devant un choix qu’un individu ne