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Trouver du travail sans parler le français

Les immigrants en provenance de pays non francophones qui s’installent au Québec font face à un grand défi: commencer une nouvelle étape de leur vie sans parler la langue nécessaire pour travailler. Benoit Songa, directeur du Centre R.I.R.E. 2000, considère que la langue n’est pas toujours un facteur de discrimination dans le processus d’embauche. Toutefois, il encourage les nouveaux arrivants qu’il côtoie à suivre un programme de francisation afin de favoriser leur bonne intégration.

Un cours de francisation offert par des bénévoles dans le sous-sol de l’Église Saint-Joseph-de-Bordeaux à Montréal.

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Benoit Songa affirme que les nouveaux arrivants font face à deux difficultés principales lorsqu’ils s’installent au Québec: apprendre la langue française et trouver un emploi. Le handicap linguistique limite bien évidemment les possibilités d’emplois d’un nouvel arrivant, mais M. Songa ne le qualifie pas nécessairement de discrimination. Selon lui, si la langue française est requise pour un emploi, le nouvel arrivant qui ne la parle pas n’est tout simplement pas qualifié pour l’emploi. Le directeur reconnaît qu’il existe néanmoins de l’intolérance linguistique dans le processus d’embauche envers les personnes qui maîtrisent moins bien le français. Il explique que si « le français n’est pas requis pour un emploi et que le candidat répond aux critères d’embauche, alors il sera peut-être question de discrimination s’il n’est pas retenu ». Toutefois, M. Songa estime que ces cas sont minoritaires.

Selon Benoit Songa, l’autre difficulté rencontrée par les nouveaux arrivants au moment de se trouver de l’emploi au Québec relève d’une incompréhension de la culture québécoise de travail et d’un manque de reconnaissance des compétences professionnelles. « R.I.R.E. 2000 oriente les nouveaux arrivants de sorte qu’ils acceptent des emplois qui ne correspondent pas nécessairement à leurs profils académique et professionnel, mais qui leur permettront de s’intégrer et de surmonter leur handicap linguistique », déclare-t-il. « Ils doivent se dire que même si leur nouvel emploi ne correspond pas à leur profil [l’expérience de travail] va les aider à améliorer leur français et à progresser professionnellement », considère Benoit Songa. Les nouveaux arrivants qui se tournent vers R.I.R.E 2000 sont incités à accepter des emplois de premier échelon, afin de s’immerger dans leur nouvelle culture d’accueil, d’être entourés de francophones et d’acquérir de l’expérience de travail québécoise, affirme le directeur. Selon Songa, ce sont tous des atouts pour leur développement personnel et professionnel au Québec. R.I.R.E. 2000 offre également des opportunités de stages aux jeunes nouvellement installés à Québec. « Tout d’abord, l’organisation forme les jeunes quant aux savoir-faire et être, ainsi qu’à la culture québécoise. Ensuite, des stages d’environ 20 semaines dans des entreprises partenaires de l’organisation leur sont accessibles afin de compléter leur intégration », explique Benoit Songa.

PAS D’INTÉGRATION SANS UNE BONNE FRANCISATION

Hakima Kalif est consultante en immigration pour les Sœurs Oblates Franciscaines de Saint-Joseph, une congrégation religieuse qui a parrainé plus de 500 réfugiés depuis la crise humanitaire syrienne de 2015. Selon elle, « les programmes de francisation au Québec sont loin d’être infaillibles ». En plus d’accompagner les nouveaux arrivants dans leurs démarches juridiques du processus d’immigration, Mme Kalif a eu à donner plusieurs cours de francisation. Elle explique que depuis l’abolition des Centres d’orientation et de formation des immigrants (COFI) en l’an 2000, le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) a relayé la tâche de la francisation aux établissements scolaires québécois et aux organismes privés. « Sans l’encadrement du MIFI, les organisations dotées d’un volet de francisation ont la liberté de réaliser cette mission à leur guise », déclare-telle. À son avis, cela engendrerait des divergences majeures dans les programmes de francisation et, par conséquent, dans les niveaux de maîtrise de la langue des nouveaux arrivants.

Hakima Kalif témoigne que les jeunes arrivants s’adaptent rapidement à la culture et à la langue grâce à l’école. Cependant, elle remarque que les parents peinent souvent à trouver du travail et à se bâtir un cercle social, puisqu’ils ne parlent pas bien le français. Selon elle, si une personne ne maîtrise pas le français, alors elle ne pourra pas communiquer avec sa société d’accueil et, si elle ne communique pas avec sa société d’accueil, alors elle aura beaucoup de difficulté à s’intégrer. « C’est un cercle vicieux. Si une personne nouvellement arrivée ne s’intègre pas, alors elle sera isolée et n’apprendra jamais la langue », déclare-t-elle. Hakima Kalif affirme que les organismes chargés de la francisation des nouveaux arrivants travaillent à leur intégration avant tout, « puisqu’ils leur offrent plus qu’un pays d’accueil: [les organismes] offrent aux immigrants une communauté d’accueil ».

DINA JEHHAR

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