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Qui sort du moule dérange la foule

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Poème d'amour

Poème d'amour

Le 10 juin 2016, le Canada ajoutait l’« identité ou l’expression de genre » comme motif illicite de discrimination à la Charte canadienne des droits et libertés. Or, quatre ans plus tard, encore énormément de personnes transgenres ou non binaires n’osent pas sortir du placard. Elles choisissent de taire leur réelle identité souvent par crainte d’être ostracisées, malgré une reconnaissance publiquement affirmée de la diversité sexuelle.

Il y a encore du chemin à faire avant que le Québec soit totalement ouvert à la diversité, estime Mykaell Blais, coordonnateur des services de formation pour le Groupe régional d’intervention sociale de Québec (GRIS-Québec). Créé en 1996, cet

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organisme a pour objectif de favoriser l’inclusion de la diversité sexuelle et de genre en misant sur l’éducation ainsi que la sensibilisation. Plusieurs stéréotypes ancrés dans les mentalités persistent, car nombreux sont ceux qui n’entrent pas en interaction fréquemment avec des gens de la communauté LGBTQ+. D’où l’importance de renseigner la société soutient l’ancien enseignant. Selon lui, en plus de démystifier la communauté, une meilleure visibilité permet de briser les préjugés envers les personnes LGBTQ+. À l’heure actuelle, la diversité n’est pas assez représentée publiquement. « C’est très mal vu » d’être transgenre ou non binaire, explique M. Blais. Sur le plan social, l’incompréhension ainsi que la méconnaissance des besoins particuliers de ces personnes engendrent plusieurs conséquences. Le responsable des formations de l’organisme d’intervention GRIS-Québec évoque notamment des situations d’exclusion, d’injustice, d’intimidation, de rejet et de transphobie.

Ainsi, selon lui, « il y a beaucoup de gens qui vont choisir de taire leur réelle identité de genre » ou orientation sexuelle. Et ce, pour obtenir les mêmes chances que les autres dans différentes sphères importantes de leur vie. Plusieurs considèrent, par exemple, que sortir du placard auprès de leur entourage professionnel peut avoir un impact négatif sur leur carrière, indique-t-il. Il explique que cette discrimination peut se manifester aussi dans les lieux publics, à l’école, dans les réseaux sociaux comme dans les services de soins de santé.

PARCOURS DOULOUREUX

Pour Léo Smith, étudiant en techniques policières, plusieurs années ont été nécessaires avant d’accepter sa transidentité. Au début, « même après mon coming « Dans la première année de transition chez les personnes transgenres […], près de la moitié vont faire une tentative de suicide. » out, j’essayais de me convaincre que j’étais toujours une fille, parce que j’avais peur de comment les gens ~ Mykaell Blais de GRIS-Québec allaient réagir. » La majorité des personnes transidentitaires ont souvent une faible estime de soi quand elles amorcent leur transition. Même si elles présentent les attributs physiques d’une femme ou d’un homme, elles se sentent emprisonnées dans un corps incompatible avec leur identité de genre. Lorsqu’elles sont sujettes à du harcèlement discriminatoire, la douleur qu’elles ressentent déjà est multipliée. « C’est comme mettre du Depuis 1978, le drapeau aux couleurs de l’arc-en-ciel représente la communauté LGBTQ+. Il rappelle l’harmonie, la paix, mais surtout la diversité. Crédit photo : Ashley L. Duffus, Getty Images sel une blessure qui est déjà ouverte », déclare Léo Smith. Cette forme d’intimidation peut entraîner diverses répercussions fâcheuses, telles que l’anxiété, l’isolement ou la dépression qui peuvent parfois mener à des idées suicidaires. En effet, M. Blais confie que « dans la première année de transition chez les personnes transgenres […], près de la moitié vont faire une tentative de suicide. »

ÉTIQUETTES GENRÉES

Comme tout dans la société est catégorisé comme relevant des hommes ou des femmes, les individus qui ne se conforment pas à ces étiquettes risquent davantage de subir de la discrimination. C’est un problème considérable pour les membres de la communauté LGBTQ+, car « plusieurs d’entre eux ont des intérêts en dehors de ceux normalement associés à leur genre », confesse Mykaell Blais.

s’empressent même d’entamer leur transition très rapidement, uniquement parce qu’ils « veulent tellement être reconnus pour ce qu’ils sont. » Selon lui, ils croient qu’il s’agit de la seule façon d’y arriver. Des personnes plus âgées, souhaitant amorcer un processus de transition, abandonnent aussi très fréquemment face aux critères physiques que projette la société. M. Blais admet que ces dernières ne pensent alors pas être en mesure de se plier aux images genrées nécessaires pour être acceptées. Selon lui, le Québec doit « valider la diversité » et approuver le fait que les corps ne sont pas obligés d’être genrés. Il applaudit les représentations publiques de plus en plus nombreuses et favorables à l’égard des membres la communauté LGBTQ+. Mais, il croit qu’il doit y en avoir encore davantage avant qu’ils puissent enfin se sentir acceptés inconditionnellement au Québec.

MÉLINA POULIN

Petit lexique

Une personne transgenre est un individu dont le sexe assigné à la naissance ne correspond pas à son identité de genre. L’adjectif non binaire se dit d’une personne dont le genre n’est pas strictement « homme » ni strictement « femme » ou qui n’est aucun des deux. LGBTQ+ est un acronyme utilisé pour désignés les lesbiennes, les gais, les bisexuel-le-s, les transidentitaires, et les queers ou en questionnement. Il est communément utilisé pour décrire les personnes ayant des orientations sexuelles et des identités de genre statistiquement minoritaires. L’identité de genre correspond au sentiment d’appartenir au genre masculin et/ou féminin. Dans le cas où la personne a une identité de genre conforme à son sexe, elle est cisgenre.

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