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octobre, novembre, décembre 2015

N° 160

FONCABA

PB- PP

BELGIE(N) - BELGIQUE

Formation de cadres africains Rue du Progrès 333/03 B-1030 Bruxelles (Belgique) - Tél: 02/2010383 Fax: 02/2051739 e-mail: info@kba-foncaba.be www.kba-foncaba.be

KARIBU BURUNDI & CONGO: DIALOGUE ET ACTION SOLIDARITÉ: QUE SIGNIFIE-T-ELLE POUR VOUS? Bureau de dépot Gent X – P602401 4e trimestre 2015


contenu 4 BURUNDI : CONSTRUIRE UNE NATION ET UNE PAIX POUR TOUS Aujourd’hui, le Burundi vit une crise grave. La violence et la mort sont quasi quotidiennes. Le dialogue prévu tarde à se mettre en place. Des initiatives de paix comme signes d’espoir aussi. 10 CONGO Le président Kabila a décidé d’organiser le dialogue national avec toutes les parties concernées. Certaines refusent et veulent aller directement aux élections. D’autres, comme l’Eglise Catholique, l’acceptent mais sous certaines conditions. Surtout ne pas toucher à la Constitution. Un nouvel espoir pour le peuple congolais ? 18 UN LEGS POUR LA FONCABA 20 VOTRE CADEAU DE NOEL POUR L’AFRIQUE 21 LA SOLIDARITE : POUR VOUS ? Un mot que l’on s’approprie facilement, parfois à tort. C’est une valeur riche et profondément humaine. Des témoignages.

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editorial Chères amies, chers amis, Le vendredi 13 novembre à Paris, plus de 120 victimes tuées par des attentats terroristes. En France et partout ailleurs, c’est la consternation, des pleurs, la fureur et l’angoisse. Mais il y a aussi beaucoup de solidarité : des rassemblements de milliers de personnes, des fleurs, des bougies. Huit jours après à Bruxelles, le Conseil National de sécurité fixe l’alerte au niveau 4 : des mesures draconiennes du gouvernement. Ici aussi, à Molenbeek, la solidarité se manifeste entre près de 3.000 habitants de différentes nationalités et de religions. Des musulmans, des chrétiens et des non croyants se réunissent sur la place communale sur un tapis de bougies de symbole « Paece & Love ». Les petits chanteurs de la croix de bois chantent « Dites-moi pourquoi toutes ces guerres, la haine, le sang et la misère. On est tous né sur cette terre, pour vivre heureux comme des frères. Dites papa, pourquoi ces morts, au nom de Dieu de tous les bords … ». Aujourd’hui, dans la région des Grands Lacs, des groupes choisissent la violence et les armes pour acquérir ou bien garder le pouvoir. Les intérêts économiques priment, alors que la population ne veut plus de guerre. Elle veut vivre en paix et participer aux activités de développement. Des organisations locales, partenaires de la FONCABA, accompagnent la population pour défendre ses droits et à consolider la paix. Noël ; le Christ sauveur est né. Il compte sur nous pour participer à réaliser son rêve. Celui de construire un monde sans violence. Un monde sans Kalashnikovs ni bombes. Un monde sans guerres, sans haine ni intolérance. Un monde de justice, de paix et d’amour. Un monde où nous pouvons tous et toutes vivre heureux comme des sœurs et des frères. Noël, fête de la paix. La FONCABA vous souhaite une excellente fête de Noël et une heureuse année 2016. Merci d’avance de votre cadeau de Noël pour nos projets contribuant à réaliser la paix dans la région des Grands Lacs. M-Bernadette Zubatse, directrice Luc Bonte, président

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BURUNDI CONSTRUIRE UNE NATION ET UNE PAIX POUR TOUS Depuis avril 2015, le Burundi vit une crise grave. Une crise majeure qui, selon divers analystes, au mois de novembre 2015, a déjà fait plus de 320 tués, plus de 200.000 réfugiés – sans oublier les milliers de ceux qui ont quitté leurs foyers pour trouver un refuge momentané chez un parent ou un ami résidant ailleurs dans le pays. Sur Dr. Angelo Barampama Mad. Daphrose Ntarataze l’échiquier mondial, différents acteurs s’inquiètent et s’activent: les Nations Unies et leurs différents organes, dont le Conseil de Sécurité; plusieurs pays membres de l’Union européenne; l’Union Africaine et son Conseil de Paix et de Sécurité; la Communauté des Pays de l’Afrique de l’Est; les Etats-Unis d’Amériqu; différentes autres instances internationales comme la Cour Pénale Internationale, et l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, pour ne citer que ceuxlà. Madame Daphrose Ntarataze et Docteur Angelo Barampama, oeuvrant dans le projet « Cercles de Paix et développement au Burundi », suivent de très près la situation du pays. Selon eux, « Il est plus que temps d’arrêter la descente aux enfers du peuple burundais ».

Dans un message de novembre 2015, le président Barack Obama lui-même en personne s’est adressé aux Burundais, en leur rappelant ce dont ils sont capables d’accomplir de bon lorsqu’ils sont unis, la possibilité qu’ils ont à construire un avenir meilleur et plus paisible. Le 28 novembre 2015, à la fin de son voyage en Ouganda, le Pape François a également fait écho de la gravité de la situation burundaise et a 4

demandé de prier. La dégradation de la situation dans ce pays date depuis avril 2015. La violation flagrante des droits humains est de plus en plus massive en commençant par le plus fondamental de tous : du droit à la vie. On en vient à se demander si le pays ne va pas renouer avec ses vieux démons, avec à la clé les horreurs que l’on a connues par le passé: tueries et massacres suivis de

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La paix sur des collines verdoyantes : un souhait profond destructions massives de biens et d’infrastructures, de défilotage des liens sociaux et culturels, hypothèques de l’avenir pour des générations futures.

LA COLORATION ETHNIQUE : UN PARAVENT BIEN FACILE Avec la crise de 1993 à 2003, les négociations et la signature de l’Accord de Paix d’Arusha, le problème ethnique a été largement débattu et des solutions proposées. L’accord a abouti au cessez le feu et la fin à la guerre. Le vivre ensemble avec entre autres à la clé, la reconnaissance des ethnies, désormais inscrite dans la constitution et les textes de loi. Dorénavant des quotas ethniques existent au sein de l’administration et des forces de défense nationale. Malgré l’incohérence, cette institutionnalisation ethnique a au moins le mérite de démystifier le problème ethnique et ne plus en faire un tabou. De ce fait même, elle a contribué à décrisper les esprits et à assainir le vivre ensemble dans le pays. A tel point que, vu de l’intérieur, l’appartenance ethnique ne posait plus problème jusqu’il y a peu, on en parlait sans ambages. Des Hutu et des Tutsi se retrouvaient désormais pour ensemble lutter pour des valeurs universelles : droit à la vie,

Le problème ethnique n’est plus un tabou dignité humaine, justice, bien-être et vivre ensemble dans l’harmonie. Avant et après avril 2015, Hutu et Tutsi se sont mobilisés pour le respect des droits fondamentaux, des droits sociaux, de la liberté de pensée et d’expression, du droit de réunion et d’organisation, certains même au péril de leur vie. Tous ces droits supposent bien entendu qu’il y ait une administration effectivement au service de tous et dans laquelle tout le monde se reconnaît. La Constitution issue de l’Accord d’Arusha, en dépit de ses imperfections, devrait alors en être garant.

DES CRISES POLITIQUES MAQUILLANT LA MISÈRE SOCIALE De 1965 à 2015, tous les 6 ans en moyenne, le Burundi a connu une crise socio-politique accompagnée de violations massives des droits humains. Le résultat en est une descente en enfer qui n’en finit pas. Selon le classement du Rapport mondial sur le développement humain de 1990, le Burundi occupait le 11ièmerang de l’«indice de développement humain - IDH» sur

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L’inquiétude sur l’avenir du pays est immense au sein de la population 130 pays. En novembre 2015, il est en queue de peloton. D’après des estimations du Fonds Monétaire International, c’est le pays le plus pauvre du monde. Il ferme la marche des 25 pays les plus pauvres de la Planète. C’est aussi le pays où l’on a le plus faim au monde. Il n’est pas nécessaire de faire des études poussées pour s’en rendre compte, pour autant qu’on ouvre les yeux et les oreilles. Ce mal burundais est profond. Il découle de causes diverses. Sa coloration ethnique n’est qu’un paravent qui permet de couvrir divers intérêts individuels ou de petits groupes au détriment du plus grand nombre des citoyens. Il semble que l’on ait touché le fond et qu’il est plus que temps d’arrêter cette descente aux enfers aux conséquences imprévisibles. Il appartient aux Burundais d’apporter une solution durable sur le (vrai) faux problème d’ethnisme, qui gangrène le pays depuis plus d’un demi-siècle. C’est d’autant plus le temps en tenant compte de la croissance rapide de la population, la surexploitation 6

C’est le pays où l’on a le plus faim au monde des sols, le changement climatique, l’environnement économique ainsi que la politique régionale et internationale.

L’ÉCOUTE ET LA VÉRITÉ : DEUX CONDITIONS DU CHANGEMENT Pour sortir de la crise, les Burundais doivent se dire la Vérité en face, sans faux-fuyant, en confrontant, chacun, sa vérité à celle de l’autre, en confrontant les points de vue de chacun, quand bien même ils seraient fort tranchés. Comme le rappelle Tierno Bokar, il convient de ne pas perdre de vue que si, moi, j’ai ma vérité, l’autre a aussi la sienne et que « la Vérité n’appartient à personne ». « Ma vérité, comme ta vérité, écrit-il, ne sont que des fractions de la Vérité. Ce sont des croissants de lune situés de part et d’autre du cercle

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Des guérisseuses et guérisseurs traditionnels s’y mettent pour cultiver des plantes médicinales. Il est temps de guérir le pays « malade »

Le dialogue, la seule voie de sortie de la crise KBA I FONCABA 160 I OCTOBRE, NOVEMBRE, DÉCEMBRE 2015

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Ecouter l’autre, dans sa différence, une manière de respecter sa personne et sa dignité.

parfait de la pleine lune, autrement dit de la Vérité. Il nous faut d’abord nous retourner l’un vers l’autre, prendre conscience que l’autre existe, et commencer à l’écouter».1 Commencer à écouter l’autre, dans sa différence, voilà une manière de respecter sa personne et sa dignité. De cette façon-là, le dialogue et les négociations entre les parties au conflit burundais, tant prônés par les uns et les autres, peuvent alors avoir un sens et être porteurs. D’après notre expérience dans les Cercles de paix, l’écoute de l’autre, avec empathie, contribue à rapprocher les cœurs, à créer la confiance et guérir les blessures. L’écoute empathique supplante la peur. Or en général, le Burundais et la Burundaise vit dans la peur de l’autre, la peur du présent et la peur du lendemain.

Si, moi, j’ai ma vérité, l’autre a aussi la sienne Cette peur se transfère de l’un à l’autre, mais aussi aux générations futures. Et comment en serait-il autrement, lorsque, la perspective des gens se ramène à quelques jours, voire même à quelques heures. Une connaissance qui venait très récemment de Bujumbura et à qui nous demandions comment elle allait, nous confia : « Je vais bien ! Mais notre espérance de vie là-bas n’est que de 24 heures ! ». Si l’on se couche, on ne sait pas si l’on se lève. Et si l’on se lève le matin, on ne sait pas si l’on se couche encore vivant le soir. Vu leur passéetleur présent, les Burundais-e-s n’envisagent pas sereinement

Tierno Bokar cité par Amadou Hampâté Bâ, dans Oui mon commandant ! Mémoires (II), Actes Sud, 1994.

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Exercice de regard et d’écoute au cours d’un Cercle de Paix leur avenir. C’est pour cette raison qu’ils devraient accepter de se soigner pour revenir aux valeurs humaines fondamentales résumées pour la plupart dans celle de l’«Ubuntu ». Face au danger, aujourd’hui le choix conscient ou d’instinct est le sauvequi-peut ou l’immobilisme : la vie pour soi ou pour les autres. Des gens risquent leur propre vie pour sauver celles des autres. C’est par exemple le cas des secouristes (professionnels ou non), des militants des droits humains, des cas des jeunes artisans de paix qui risquent leur vie chaque jour.

UN OUTIL DU CHANGEMENT À DISPOSITION : DES CERCLES DE PAIX, CERCLES DE VIE De janvier 2012 à juin 2015, 22 cercles de paix se sont tenus au Burundi dans le cadre d’un projet piloté par Femmes Artisans de Paix – un des programmes d’Initiatives et Changement International, organisme basé en Suisse.

L’approche amène les gens à trouver en eux-mêmes les fondements de la paix intérieure. Elle impulse une dynamique de changement individuel et communautaire, de quiétude et de paix qui se répercute sur l’environnement proche et large. Elle contribue à l’édification d’une famille humaine basée sur des fondements éthiques librement consentis. En s’engageant individuellement à briser les chaînes de la haine et de la violence, chacun contribue à la construction d’une communauté apaisée et apaisante. Le processus impulse une dynamique de transformation personnelle qui se répercute sur la communauté environnante. Au Burundi, cette approche des Cercles de Paix se nourrit des valeurs d’Ubuntu et des valeurs de paix pour construire une nation où tout le monde se sent chez soi. Daphrose Ntarataze, Cheffe du projet «Cercles de Paix et développement au Burundi», et Angelo Barampama,Géographe, formateur bénévole

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CONGO UN DIALOGUE DE PLUS? Depuis quelques mois, le Président Joseph Kabila parle d’un dialogue qui doit débuter bientôt pour décrisper la situation politique et baliser la voie vers les élections. Dans son dernier message adressé à la Nation à la fin du mois de novembre, il a défini les contours de cet imminent dialogue qu’il justifie par les défis qui doivent être discutés par rapport aux élections, notamment la problématique de nouveaux majeurs, le système électoral, le calendrier électoral, le financement du processus, etc. Mr. Bagenda Balagizi, secrétaire général du Comité Anti Bwaki (CAB) à Bukavu, se pose de réelles questions sur cette stratégie de dialogue. Mr. Bagenda Balagizi

Les défis soulevés par le Président de la République sont majeurs et constituent de réels préalables pour des élections crédibles. Ils avaient déjà été évoqués, à plusieurs reprises, par l’opposition politique et la Société civile. Car c’est depuis 2010 que les réclamations sur la révision du fichier électoral sont entendues. Et c’est depuis deux ans que l’on évoque la question du financement des élections. L’adresse du Président de la République, attendue depuis longtemps, semble venir un peu en retard. Il apparaît, pour l’opinion, déphasé et plutôt provocateur quand il tente de remettre en cause des dispositions pourtant déjà consacrées par la Constitution ou alors déjà réglées précédemment, comme cette idée de recensement. Les Congolais attendent les élections en 2016, les mandats et les échéances étant fixés par la Constitution. Les Ins10

titutions de l’Etat, y compris la CENI, sont censées maitriser les textes et la durée des mandats. Elles n’ont pas besoin de tenir des dialogues comme préalable aux élections. Si chaque institution joue normalement son rôle, en toute transparence et responsabilité, et qu’elle respecte les délais constitutionnels, on n’a nullement besoin de dialoguer.

LE DIALOGUE : UNE STRATÉGIE DE DISTRACTION C’une arme pour cacher l’absence de leadership et de volonté politique. C’est une ruse et une démarche de charme pour justifier des actes anti-constitutionnels, une tentative pour noyer des réclamations justes et fondées. On l’a vu en 2013 avec les Concertations Nationales organisées pour faire taire les contestations provoquées par les fraudes électorales de 2011 et pour

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Dans l’espoir que le Président ne découpe pas la Constitution

donner une certaine légitimité aux institutions et au personnel politique nés de ces mauvaises élections. On a ainsi distrait la classe politique et l’opinion par rapport aux vraies revendications, en leur faisant miroiter de nouvelles chimères. On n’a jamais voulu investir de la volonté et des moyens en vue des élections de 2016. De bonnes décisions prises depuis 2005 et coulées, pour certaines, dans la Constitution, n’ont jamais été exécutées, tout simplement parce qu’on n’a jamais voulu que le pays quitte sa situation d’Etat atypique, en éternelle instabilité, pour devenir une Nation moderne et bien gouvernée. On préfère aller de dialogues en dialogues au lieu de mettre en place les cadres et les dispositions prévus par la Constitution. Comment comprendre le fait qu’en autant d’années de pouvoir, on n’a jamais voulu organiser le recensement, que les élections provinciales n’aient pas eu lieu

Le dialogue, une arme pour cacher l’absence de leadership et de volonté politique

pour remplacer les assemblées provinciales dont les mandats sont caduques depuis 2011? Comment imaginer qu’en autant d’années de pouvoir, on n’ait jamais voulu donner la carte d’identité aux Congolais? On ne peut autrement comprendre que les élections locales n’aient jamais été organisées depuis 2006, soit dix ans après, et qu’on soit encore en train de poser la question du budget et du financement des élections alors que celles-ci sont tenues tous les cinq ans. C’est qu’en réalité l’Etat ne fonctionne pas, le pays n’est pas tenu comme il faut. Ailleurs le recensement de la population est automatique parce que les services de l’Etat civil fonctionnent.

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Concertations, dialogues,…que des paroles ! Nous les mamans, nous cultivons pour nourrir nos familles La simple opération d’enrôlement des électeurs suffit pour la prise en compte de nouveaux majeurs.

DES BUDGETS POUR LE DIALOGUE OU POUR LES ÉLECTIONS? Le dialogue actuel, comme les Concertations nationales, va engloutir de grosses ressources financières alors que l’on se plaint de ne pas avoir suffisamment d’argent pour financer les élections. S’agissant du financement des élections, là encore on fait exprès de compliquer l’équation. Depuis 2006, le budget des élections ne fait que grossir démesurément. Cette démesure budgétaire est due aux salaires faramineux des responsables de la CENI, aux multiples et inutiles missions à l’étranger, aux gros frais de fonctionnement et à la lenteur qui caractérise le fonctionnement ainsi 12

Le pays n’est pas tenu comme il faut

que la prise et l’exécution des décisions. Au Congo, la CENI est devenue une institution permanente, comme si les élections étaient organisées chaque année, alors qu’ailleurs les Commissions Electorales sont ponctuelles et leur durée de vie est limitée dans le temps. Et la mise sous coupe de cette CENI ne lui a jamais permis de bien fonctionner, de garantir la liberté et la transparence des élections et d’arrêter un calendrier électoral qui s’impose à tous. Au Congo, les équipements pour les élections sont achetés à chaque élec-

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Avec des élections transparentes, on n’a pas besoin de passer par des dialogues tion. Les véhicules, les ordinateurs, les chaises... disparaissent aussitôt après le vote. Des véhicules et des machines encore en bon état sont cannibalisés ou tout simplement détournés. Le budget des élections est volontairement démultiplié pour satisfaire la gloutonnerie des responsables et cadres de la CENI et pour justifier le report des élections ou le tripatouillage des modes électoraux, sachant bien à l’avance qu’on ne pourra jamais atteindre le budget arrêté. Curieusement, des sommes faramineuses sont dépensées dans des fêtes d’anniversaire et dans des voyages des délégations alors qu’on dit ne pas avoir

de quoi organiser le vote des gouverneurs de province. Quand on a bien organisé les choses et qu’on envisage les élections libres et transparentes, dans le respect des dispositions constitutionnelles, on n’a pas besoin de passer par des dialogues interminables et aux contours flous. On est encore en train de parler de calendrier électoral alors que tout le monde, en premier lieu le Chef de l’Etat, sait que les élections ont lieu tous les cinq ans ! On n’a rien fait pour les préparer, jusqu’à la veille.

UNE DÉCENTRALISATION NON EFFECTIVE Au contraire, tout a été mis en oeuvre pour en ajouter à la confusion et au blocage. Alors que la décentralisation souffre de manque de volonté pour son effectivité, y compris le transfert des

Elections 2011. Attendre un nouveau calendrier électoral KBA I FONCABA 160 I OCTOBRE, NOVEMBRE, DÉCEMBRE 2015

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Est-ce dans cette pharmacie de la liberté que les Congolais doivent chercher leur liberté ?

capitaux vers les provinces et le découpage territorial décidé depuis 2005, on se précipite de nommer des «gouverneurs-commissaires» à la tête des entités encore fictives, en violation de la Constitution. On n’a jamais su quelle décision prendre, et quand la prendre, et les bonnes décisions n’ont jamais été prises au bon moment ! On préfère multiplier les messes politiciennes au lieu de s’occuper de l’essentiel. Et comme toujours, les conclusions et recommandations des dialogues et concertations ne sont jamais mises en oeuvre. L’Afrique Centrale et les Grands-lacs en particulier traversent de mauvaises pratiques de reniement, de violations des textes et de glissement des mandats. Les atermoiements dans le financement des élections, dans la fixation des calendriers électoraux, dans l’enrôlement de nouveaux majeurs et la révision du fichier électoral,... sont des stratégies 14

de violation des Constitution et de coups d’Etat continus.

UNE POPULATION MENAÇANTE Face à de telles stratégies, les revendications de la population, les actions de la Société civile et des oppositions politiques sont perçues comme des menaces par les pouvoirs en place qui ont privatisé les services de l’ordre et la justice. Au Congo, on a vu le pouvoir judiciaire se mêler dans le mode de désignation des gouverneurs-commissaires de nouvelles provinces. Le Procureur général a déjà annoncé les couleurs en menaçant tous ceux qui tenteraient d’organiser des manifestations pour réclamer le respect de la Constitution. Au moment où l’on pousse au dialogue, des questions vitales comme la sécurité des populations, la paie des agents de l’Etat, la lutte contre la corruption, l’impunité et les tracasseries,... demeurent oubliées. Les massacres à répétition

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On peut pas mentir à un peuple tout le

temps

des populations à Beni ne sont nullement une préoccupation des dirigeants, c’est comme si ils se commettaient dans un pays imaginaire.

d’Afrique finissent par s’écrouler. C’est alors que leurs meilleurs éléments se précipitent pourquitter le navire avant qu’il ne sombre, quand ils ne sont pas ceux-là mêmes qui comprennent qu’ils ne peuvent plus continuer à soutenir un système contreproductif qui a longtemps étalé ses limites.

Bagenda Balagizi, Bukavu, décembre 2015

On ne peut pas tricher tout le temps, et on peut pas mentir à un peuple tout le temps! L’échec dans la tentative de piéger la loi électorale discutée en janvier 2015 est un indicateur de la capacité d’un peuple à refuser de se faire continuellement avoir. Quelque soit la force du mur et son étanchéité, des lézards finissent par y trouver passage. Et les régimes forts

La reconstruction du Congo sera un chemin long et difficile KBA I FONCABA 160 I OCTOBRE, NOVEMBRE, DÉCEMBRE 2015

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POINT DE VUE DE LA CONFERENCE EPISCOPALE NATIONALE DU CONGO SUR LE DIALOGUE NATIONAL 1. A l’heure où semble imminente la tenue du dialogue national proposé par Son Excellence Monsieur le Président de la République, la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) voudrait apporter sa modeste contribution pour que le dialogue envisagé puisse consolider notre système démocratique et ainsi être porteur d’un avenir meilleur pour notre pays. 2. A cet effet, la CENCO implore du Seigneur, Maître des temps et des circonstances, sa lumière pour qu’elle éclaire les cœurs et les esprits de toutes les forces vives de la Nation appelées au dialogue, afin qu’en privilégiant l’intérêt supérieur de la République, elles apportent leur concours à la construction d’un Congo réellement démocratique. 3. Pour réussir ce grand pari, toutes les parties prenantes au dialogue doivent s’engager sincèrement, de prime abord et sans atermoiement, au respect de la souveraineté nationale, de l’intégrité territoriale et de l’ordre constitutionnel.

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4. C’est pourquoi la CENCO estime urgent de rappeler son point de vue exprimé au Président de la République lors des consultations organisées en vue du dialogue national. Le point de vue de la CENCO se résume dans les deux points suivants : 1° Le rappel du fait que « le dialogue est une voie royale et pacifique de sortie de crise. Il est un élément constructif de tout système démocratique » 2°La nécessité de souligner que ce dialogue devrait se dérouler dans le respect absolu du cadre constitutionnel et institutionnel en vigueur. Concevoir la démarche ou procéder autrement comporterait le danger, aux conséquences incalculables pour la Nation, de rouvrir le débat sur la révision ou le changement de Constitution dans ses articles verrouillés ou, en tout cas, d’en envisager la perspective. 5. En clair, pour la CENCO, ni dans son déroulement, ni dans ses conclusions et recommandations, le dialogue ne peut énerver directement ou indirectement la lettre et l’esprit de la Constitution de la République ni ignorer les institutions républicaines prévues par elle.

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Cela implique notamment que : 1° Toutes les parties s’engagent à respecter la Constitution et les Institutions de la République ; 2° Aucune transition ne soit organisée, car contraire à la Constitution ; 3° Aucune institution extraordinaire ne soit créée ; 4° Les délais constitutionnels concernant l’organisation des scrutins soient respectés.

6. Quant au calendrier électoral, la CENCO avait proposé un réaménagement dans l’ordre suivant : élections provinciales (députés provinciaux, gouverneurs et sénateurs), législatives et présidentielle en 2016. Dans ces conditions, les élections locales, municipales et urbaines pourraient se tenir en 2017, en se donnant ainsi le temps et les moyens de mieux les préparer.

selon le cas, au sein des institutions. Un climat de confiance entre les acteurs politiques est nécessaire pour la réussite du processus électoral. 8. Il est nécessaire que la Communauté Internationale maintienne son appui au processus électoral en cours et se porte garante de la bonne fin des conclusions et recommandations du dialogue national afin d’éviter de nouveaux blocages qui résulteraient de la mauvaise foi de l’une ou de l’autre des parties. 9. Que la Vierge Marie, Reine de la Paix et Notre Dame du Congo, nous obtienne de son Fils, la grâce de la réussite du processus électoral, dont dépend l’avenir de la nation congolaise.

Fait à Kinshasa, le 12 novembre 2015 Nicolas DJOMO, Evêque de Tshumbe, Président de la CENCO

7. La CENCO souhaite vivement que les conclusions du dialogue qui doivent aller dans le strict respect de la Constitution soient consignées dans un Accord politique électoral liant toutes les composantes représentées aux assises. En même temps, que les composantes s’engagent à traduire rapidement ces conclusions en actes juridiques et administratifs,

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Un legs pour la FONCABA Votre engagement pour l’Afrique continue après vous La FONCABA est ravie de recevoir une donation ou un legs pour ses projets d’Afrique. Comme dernières volontés, la plupart des personnes font un testament. C’est une occasion de traduire leurs pensées pour leur famille, mais également d’offrir une partie de leurs avoirs sous forme de legs ou de donation à une asbl qui travaille dans un pays en voie de développement. La FONCABA est une asbl habilitée à recevoir des legs et des donations qu’elle utilise pour ses projets de formation en Afrique. Il suffit d’insérer dans le document la formule suivante : « Je lègue à l’asbl FONCABA à 1030 Bruxelles, la somme de …………….,…….. euro ou …………………… (biens meubles et)………………(immeubles) à l’adresse…………………pour la formation de cadres africains ». Comme le droit de succession est une matière assez compliquée, il est recommandé de consulter un notaire qui fera un petit calcul et vous donnera un avis correspondant à vos souhaits. Pour des informations complémentaires à la FONCABA. Contact : M-Bernadette Zubatse, Directrice Tél.: 02 2010383 ou info@kba-foncaba.be

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Le legs en duo Aussi bien vos héritiers que la FONCABA y gagnent LE LEGS EN DUO Le legs en duo est une donation par testament de biens meubles et/ou immeubles à une ou plusieurs personnes et en même temps à une asbl reconnue comme la FONCABA. Cette technique prévoit qu’en l’occurrence la FONCABA peut prendre en charge les droits de succession de la personne qui reçoit la donation. Si celle-ci est destinée à un parent lointain ou à un ami, celui-ci devra payer normalement beaucoup de droits de succession (jusque 65%). La FONCABA comme asbl ne paiera que 7% (8,8% en Flandres et 12,5% en région bruxelloise).

3 CONDITIONS: • vous devez rédiger un testament. • vous léguez une partie de vos biens à une ou plusieurs personnes • vous léguez la partie restante à une institution agréée (comme la FONCABA) qui aura à sa charge le paiement de la totalité des droits de succession.

Tout le monde y gagne! GRÂCE À LA TECHNIQUE DU LEGS EN DUO, VOUS LAISSEREZ AUTANT (SINON PLUS) À VOTRE AMI OU À VOTRE NIÈCE, TOUT EN SOUTENANT LES PROJETS DE LA FONCABA. KBA I FONCABA 160 I OCTOBRE, NOVEMBRE, DÉCEMBRE 2015

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VOTRE CADEAU DE NOËL POUR L’AFRIQUE

Pour des millions de personnes en Afrique qui vivent dans une extrême pauvreté, “il n’y a pas de place pour eux dans l’auberge”, comme le dit le récit de Noël dans l’évangile. La FONCABA veut continuer à appuyer ses partenaires en Afrique qui rendent à leur population sa dignité et lui donnent une perspective d’avenir. La FONCABA a besoin de vous pour le réaliser. UN TRÈS BEAU CADEAU DE NOËL, N’EST-CE PAS ? Veuillez utiliser le bulletin de virement dans ce KARIBU. VOTRE CADEAU FAIT LA DIFFERENCE MILLE, MILLE MERCI 20

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Solidarité, pour vous?

Que signifie-t-elle aujourd’hui? Est-ce qu’on ne l’utilise pas à tort et à travers pour être ‘politiquement correct’? Est-ce que chacun-e ne l’interprète pas à sa manière ? Est-ce qu’on se rend compte de sa richesse ? Est-ce qu’on réalise ce qu’elle implique ? Souvent on l’utilise dans des discours, des programmes politiques, des manifestations ou évènements pour faire bonne figure. Et pourtant, elle nous interpelle dans notre manière d’être. Des femmes et des hommes d’Afrique et d’ici s’expriment et témoignent.

Solidarité: mon ADN Je suis née au Burundi. Mon métier d’origine est « Assistante sociale », ce qui me prédispose à une forte sensibilité à la relation d’aide, à la compassion, à la solidarité avec mon prochain. Après des études universitaires, je me suis spécialisée dans la direction d’établissements sociaux et médico-sociaux. J’ai eu la chance d’avoir des parents aimants, qui n’ont eu de cesse de « nous » inculquer à mes sœurs, mes frères et moi-même, les valeurs de respect, d’amour, d’amitié, de fraternité et de tolérance. Mon père, assassiné à 45 ans aux premières heures du génocide des Hutu en mai 1972 au Burundi, était un homme exceptionnel qui n’a fait que du bien autour de lui. C’était « UN GRAND HOMME ». Ma famille a été anéantie. Assassinés : mon frère aîné, jeune marié, 25 ans, ma sœur, brillante étudiante, 23 ans, mes oncles, mes cousins-cousines, mes tantes, et un nombre incalculable d’amis de ma famille. Ma mère ne s’est jamais relevée de cet « Ikiza » (catastrophe). Elle s’est trouvée de ce fait veuve à 43 ans avec huit enfants à charge, âgés de 3 à 17 ans, survivants du génocide ! Grâce à la solidarité de certaines personnes qui ont pris le risque de « se mouiller » pour elle, elle a pu nous cacher, nous mettre à l’abri, et par la suite, nous donner les moyens de rester aux études et d’être ce que nous sommes devenus aujourd’hui : des femmes, des hommes et des citoyens libres et debout ! Parmi les enfants survivants, j’étais la plus âgée. J’avais été l’enfant cadette, je suis devenue au lendemain d’évènements traumatisants l’ainée de la famille. A 17 ans, j’ai été amenée à apporter le soutien, le réconfort et la force indispensables à ma mère pour l’aider à tenir … Elle a été forte. Son courage et sa détermination incroyables m’ont inspirée, ils ont été mon moteur quand je n’y croyais plus et qu’il fallait que je me transcende pour survivre : ma mère et mes frères avaient besoin de moi. Cette solidarité familiale s’imposait à moi-même si je n’y étais pas préparée, ni obligée. C’était une volonté de ma part, d’aider KBA I FONCABA 160 I OCTOBRE, NOVEMBRE, DÉCEMBRE 2015

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Une attention particulière pour les personnes âgées ma maman à nous sortir de la terrible situation dans laquelle nous ont plongés les organisateurs du génocide de notre communauté. Nous avons veillé sur nos petits frères et sœurs survivants. Nous avons tout partagé avec eux aussi bien pendant mes études qu’après.

LA COMPLICITÉ SOLIDAIRE Entre 1972 et 1975, j’ai rencontré des personnes exceptionnelles qui m’ont sauvée de tous les dangers qui me guettaient. J’ai eu la chance d’avoir en particulier une directrice : « Sœur Mariette Desmet » de la Congrégation des sœurs du Cœur Immaculée de Marie. Son rôle a été déterminant. Cette religieuse aujourd’hui décédée mais omniprésente dans mon parcours de vie est un modèle de sainteté. Je profite de cette occasion pour lui rendre un vibrant hommage. En effet, mes camarades et moi-même avons échappé in extremis à la rafle organisée par l’ancien Gouverneur de la Province de Gitega « Mulele ». Au péril de sa vie, la Sœur Mariette Desmet s’est interposée lorsque le chef de la patrouille venue nous arrêter a donné l’ordre de nous faire monter dans sa camionnette « pfakwurira ». Miracle d’une Femme, d’une Sainte …! Elle s’est juste sentie solidaire de nos souffrances, de nos peurs et elle a couru le risque de mourir pour nous. D’autres camarades n’étaient jamais revenus à l’école suite aux premiers « interrogatoires ». Elle a porté comme nous le poids de l’horreur. C’était plus que de la solidarité… J’ai par ailleurs bénéficié de complicités solidairement actives pour quitter le 22

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Burundi et trouver refuge dans les différents pays. C’est grâce à l’accueil bienveillant et amical de personnes dont la première des valeurs est la solidarité que j’ai pu poursuivre mes études, trouver du travail et envisager de me construire et de me reconstruire.

PRENDRE LE RISQUE DE LA SOLIDARITÉ 25 années plus tard, il m’a été donné de me retrouver dans une situation où moi-même j’ai été amenée à prendre le risque de sauver des enfants. Une fois encore j’ai bénéficié de l’heureux concours d’une de mes sœurs et de nos amis qui ont tout mis en œuvre pour me sortir de la situation. Je ne les remercierai jamais assez… La solidarité est le leitmotiv de mon parcours. Pendant 15 ans, j’ai œuvré au sein d’une institution caritative qui finance des projets d’aide et d’éducation au développement. Cette forme de solidarité ne me suffisait pas : j’avais besoin de transcender en pratique quotidienne ce que je considère comme une « professsion de foi solidaire ». C’est pourquoi j’ai choisi de travailler auprès des personnes fragiles, en situation de handicap ou en difficultés sociales. Il me semble que consacrer sa vie à l’amélioration du quotidien de son prochain au travers d’actions de solidarités actives, n’est pas un hasard. C’est sûrement une façon inconsciente de justifier la vie, de répondre à la question « Pourquoi avons-nous survécu et pas eux?» ou plus simplement de rendre à d’autres ce

La solidarité est cette force qui les a poussé à “se mouiller” pour maman et d’autres veuves KBA I FONCABA 160 I OCTOBRE, NOVEMBRE, DÉCEMBRE 2015

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qui nous a été donné, en guise de remerciements à nos bienfaiteurs. Dans tous les cas, être solidaire constitue le socle de ma résilience. J’essaie de transmettre ces valeurs à mes enfants et aux générations futures par l’exemple. Je continue bien évidemment, avec l’aide de mes sœurs, à soutenir au quotidien ma mère âgée, invalide et malade, ainsi que certains de mes proches, afin de répondre à des besoins ponctuels.

LES PETITS RUISSEAUX FONT DE GRANDES RIVIÈRES Cependant, ces actions individuelles ne sauraient supplanter le travail d’une fondation comme la FONCABA. Les besoins sont en effet immenses. Seuls des états ou des ONG peuvent être à la hauteur pour répondre aux besoins de développement et d’éducation des populations. Depuis quelques années, les états européens ont pris le pli de réorganiser l’aide au développement en révisant les conditions initiales sans formaliser la transparence de l’attribution des fonds. La conséquence directe a été de réduire considérablement les crédits alloués à certaines associations d’aide au développement, malgré la qualité des projets présentés. L’évolution de leur vision sur ce plan politique est contreproductive. Il apparaît clairement que le but recherché est que les enveloppes distribuées profitent plutôt aux Etats donateurs. Cette logique ne pourra pas tenir longtemps. En effet, le constat déplorable des mouvements actuels des réfugiés qui arrivent en masse au sein de l’espace européen vient contrarier cette vision égoïste des pays pourvoyeurs de fonds. Contenir les hommes qui ont faim est impossible. Une fois que le diagnostic de la cause est identifié le proverbe chinois qui dit que « Quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson.» devrait s’appliquer. C’est aujourd’hui la seule alternative efficace pour le futur. Les Etats donateurs devraient accepter en outre qu’ils n’ont pas la science infuse et que l’homme qui a faim est seul capable d’identifier le poisson comestible qu’il doit pêcher … D’où l’importance de la solidarité qui doit s’inscrire dans le respect des peuples dans leurs choix et non des choix imposés par les partenaires du Nord qui excluent précisément toute notion de mutualité ou de réciprocité. Ne restons pas les bras ballants. A travers nos dons, prenons nos responsabilités en donnant les moyens à nos associations puis, exigeons de nos personnels politiques de prendre les bonnes décisions pour que la vraie solidarité internationale soit une réalité. Liberata Kantungeko, directrice d’établissement médico-social, Paris

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Solidarité: la source de vie

Grâce à la solidarité, des milliers de Congolais peuvent survivre La solidarité peut être comprise comme le sentiment qui pousse les membres d’une communauté à s’accorder de l’aide entre eux sur fond des conditions naturelles partagées qui font que nul ne peut choisir d’avance ce qu’il va être demain et que le sort de l’un aujourd’hui peut être le sort de l’autre demain. Elle peut se traduire dans l’engagement des pays riches de la communauté internationale de consacrer 0,07 % de leur PIB à l’aide au développement des pays pauvres pour aider à l’amélioration des conditions de vie des populations vulnérables. Elle peut se traduire également dans le soutien mutuel que s’accordent les chefs d’Etats et de Gouvernements des pays africains dans leur quête de pouvoir. Nous voyons aussi la solidarité dans ces petits gestes que quelques Congolais anonymes ont posés à l’endroit d’une centaine des réfugiés burundais qui avaient assiégé le Bureau de représentation du Haut Commissariat des Nations Unies aux Réfugiés (HCR) au Katanga, à Lubumbashi, entre août et septembre 2015. Ils réagissaient en réaction au refus du HCR de leur apporter assistance du fait qu’ils avaient déserté leur camp situé à Uvira dans la province du Sud-Kivu, conditionnant toute assistance par leur retour au camp. Vivant dans la précarité totale, en plein air, passant la nuit à la belle étoile avec les enfants, ils ont bénéficié, de manière spontanée, de l’assistance des personnes de bonne volonté qui leur ont apporté des vivres. Au Congo (RDC), sans la solidarité plusieurs personnes ne seraient plus en vie compte tenu de la crise que traverse le pays voilà plus de 15 ans. La solidarité s’organise au niveau familiale, des églises et des mutuelles. L’Etat n’a rien organisé. Et c’est ça le défi pour la République Démocratique du Congo: parce que les familles sont essoufflées.

Fabien Mbayo, secrétaire exécutif du CAEDH, partenaire de la FONCABA, Lubumbashi (RDC)

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Solidarité: une affaire pour tous Nous ne pouvons pas contester qu’il existe différentes formes de solidarité qui, par leur diversité, nous renvoient à chaque fois à une fraternité entre les humains. Celle qui nous interpelle est circonscrite au domaine dit « social ». Nous ne voudrions pas parler La solidarité, une affaire pour tous de cette solidarité qui résulte d’un individualisme qui privilégie les droits ou les intérêts d’un seul individu, mais plutôt de cette solidarité qui fait appel à la générosité et/ou partage. Partage des opinions, des biens matériels (en nature ou en numéraire), du temps, etc. C’est cette forme de solidarité qui,selon nous, devrait être une affaire qui concerne tout le monde sans distinction de statut social, de race, de religion. Nous devrions donc nous sentir tous concernés. Nous constatons qu’autour de nous, les besoins humains ont atteint un seuil insoutenable dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’autosuffisance alimentaire, de l’accès à l’eau potable, de l’énergie et du développement en général. Pour certaines personnes, c’est une question de survie. Comment être solidaire avec ces laissés-pour-compte de la société, pour soulager un tant soit peu leurs souffrances ? qui sont restés sur le quai après le passage du dernier train ? C’est dans ce contexte, que les actions à mener doivent être multiples et multiformes mais surtout dans les relations humaines. Notre solidarité est plus souvent d’ordre éthique qu’autre chose. L’un des exemples concrets, est celui qui donne son temps à une association ou à une ONG qui œuvre pour améliorer le sort de ces « démunis » en consacrant des heures de bénévolat, ou en dépensant toute son énergie dans la défense de leurs droits. Généralement lorsque l’on aborde la problématique de la solidarité, on la voit comme étant unilatérale ou unidirectionnelle, cependant il ne faut pas perdre de vue que cette solidarité peut s’exercer dans le sens inverse, c’est-à-dire des plus démunis aux plus aisées. Ce qui rejoindrait la fable de La Fontaine qui dit qu’on a souvent besoin d’un plus petit que soi.

Hildegrade Birara, Abidjan (Côte d’Ivoire)

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Solidarité: se laisser toucher par les pauvres Tant que vous faites une option pour les pauvres, vous n’êtes pas pauvre vousmême. Vous êtes encore toujours celui qui à partir de sa propre richesse et son propre pouvoir va vers les autres pour les aider. Peut-être qu’aujourd’hui nous devenons plus une Eglise avec les pauvres. Et un jour, une Eglise de pauvres.

UNE EGLISE EN ‘ÉTAT DE SORTIE‘ : SORTIR POUR DONNER LA VIE DE JÉSUS-CHRIST L’Eglise en sortie est une Eglise aux portes ouvertes. C’est un désir exprimé par tant de personnes: gardons au moins durant le jour les portes de nos églises ouvertes, avec les risques… et même la nuit ! Sortir vers les autres, parce que Dieu lui-même ‘est sorti’ (kénose) pour aller aux périphéries humaines et y laisser résonner le Kérygme premier, le ‘Je t’aime’ de Dieu, qui par sa proximité aimante et salvatrice, répond à une soif infinie chez l’homme. Tout simplement, se situer comme Eglise à la périphérie, devenant pauvre avec les pauvres, exclue avec les exclus, partageant avec nos contemporains les plus démunis leur condition humaine. S’impliquer, laver les pieds, s’abaisser, toucher la ‘chair blessée du Christ’ et dire, de la part de Dieu : « Je t’aime ». Un ‘Je t’aime’, qui par sa proximité aimante et salvatrice, répond à la soif infinie de l’homme. Ce kérygme est préalable à l’obligation morale et religieuse, n’impose pas la vérité et appelle à une libre réponse ; il remplit l’homme de vitalité et de joie. Et exige donc de l’évangélisateur qui la ‘met en œuvre’, d’être proche, ouvert au dialogue dans une réciprocité continuelle, à être patient en tenant compte des limites et finalement à témoigner d’un accueil cordial qui ne condamne pas. Bien sûr, ‘une telle Eglise risque d’être accidentée, blessée et sale’, écrit François, mais c’est toujours mieux qu’une Eglise ‘malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités (…) Tant de nos frères vivent sans la force, la lumière et la consolation de l’amitié de Jésus Christ, sans une communauté de foi qui les accueille, sans un horizon de sens et de vie (…) Dehors, il y a une multitude affamée, et Jésus qui nous répète sans arrêt : ‘Donnez-leur vous-mêmes à manger’ (Mc 6,37).

SE LAISSER INTERPELER Une humilité de base qui accepte de ne plus dominer ni maîtriser les autres et le monde autour de nous, mais une attitude d’accueil, de réceptivité qui exprime par là la confiance en Dieu qui toujours a l’initiative dans l’histoire de salut !

… PAR LE CRI DU PAUVRE Ibrahim Show, jeune musulman Mauritanien sans papiers est venu prier avec nous le Vendredi Saint 2006 en notre Eglise Notre Dame Immaculée de Cureghem. Cette prière, nous l’avons accueillie en communauté célébrante comme le cri de 28

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Une politique de portes ouvertes pour les chercheurs d’asile : un défi Jésus lui-même sur la croix : Père, pourquoi m’as-tu abandonné ! Le cri du pauvre à notre porte, le cri de celui qui est sans papiers, sans-droits, sans logements, le voilà soudain au cœur de nos célébrations! Ce Vendredi Saint 2006 fut pour la paroisse Notre Dame Immaculée un temps de grâce qui ne se révèlerait comme tel qu’après une longue expérience de souffrance et de désappropriation. Sans doute, pour se laisser toucher et interpeller par ce cri, faut-il qu’il résonne au sein d’une communauté croyante qui fait mémoire du Crucifié ressuscité. Sans doute faut-il une expérience de souffrance et de solidarité pour être ému par ce cri. Sans doute faut-il une certaine praxis diaconale, un ‘vivre avec’ et une proximité pour accueillir le cri du pauvre et le relier à la voix du Christ lui-même. Qu’est-ce qui faisait que précisément l’étranger, le Samaritain interrompait son chemin pour se rapprocher du blessé le long de la route et que le prêtre et le lévite, le pouvoir religieux en place, ne se laissaient pas détourner de leur tâche ‘si importante’ ? Ce fut donc un moment de grâce de pouvoir sonner le mercredi 25 avril 2006 à 10 heures les cloches de Notre Dame Immaculée pour dire, par quelques mots mais par des gestes surtout que l’’Eglise Notre Dame ouvrait largement ses portes et son cœur à la cause juste des chercheurs d’asile: qu’elle accueillait au nom du Christ ses frères et sœurs en humanité ; même si cette ouverture faisait peur - nous ne savions pas où elle nous mènerait - , même si nous savions qu’elle laisserait des cicatrices dans nos pierres et nos cœurs - nous nous disions : que sont-elles comparées aux blessures que portent dans leurs cœurs et dans leurs corps tant de réfugiés de par le monde… !’

Jan Claes, curé à Laken et Heizel (PE Cardijn), Anderlecht

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Solidarité: une attitude responsable La solidarité caractérise des personnes qui choisissent ou ressentent en eux le désir d’assister une autre personne et réciproquement. Elle se distingue de l’altruisme. L’altruiste peut souhaiter aider autrui sans pour autant se sentir concerné par ce qui lui ar- Solidaire avec la future génération rive, et inversement on peut se rendre solidaire d’autrui simplement par intérêt. La solidarité au sein d’une société s’exprime en particulier envers les plus pauvres ou des groupes ou personnes vulnérables, à court, moyen ou long terme, à échelle locale ou plus large (solidarité internationale). Elle peut prendre la forme d’une aide pécuniaire, d’un soutien moral, ou d’une aide en nature (nourriture, etc.), de l’accueil de réfugiés, etc. On parle aussi de solidarité transgénérationnelle (envers les générations futures), et de solidarité écologique. Le mot « solidarité » s’applique à l’attitude responsable consistant à aider les personnes qui en ont le plus besoin. Le souci d’aider les plus démunis et les exclus de la société repose sur la conscience d’un lien réel, fondé dans l’humanité et dans la citoyenneté. Un homme ne peut être étranger à un autre homme en raison de l’humanité qui leur est commune ; a fortiori, le citoyen est solidaire des autres citoyens. La solidarité est un lien social d’engagement et de dépendance réciproques entre des personnes, généralement des membres d’un même groupe, liés par une communauté de destin (famille, village, profession, entreprise, nation, etc.).

Geneviève Uwimana, gestionnaire des finances à Agakura, partenaire de la FONCABA, Bujumbura

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La FONCABA investit dans la formation de partenaires locaux autour de 5 thèmes : l’agriculture familiale et la sécurité alimentaire, la démocratie et les droits de l’homme, la prévention de conflits et la construction de la paix, l’éducation des jeunes et l’empowerment des femmes. La FONCABA développe une relation de partenariat honnête, ouverte et profonde, sur un pied d’égalité et basée sur le dialogue. La FONCABA choisit aussi une approche intégrale de l’homme et de sa communauté : les aspects économique, social, politique, culturel et spirituel s’y retrouvent.

LES PROJETS

La FONCABA est une ONG de solidarité internationale, reconnue comme telle par les autorités belges, spécialisée dans le renforcement de la société civile en Afrique. Par des formations, les partenaires locaux et leurs groupes de base reçoivent la possibilité d’augmenter leurs compétences et de restituer leurs connaissances de manière efficace à d’autres. La FONCABA collabore directement et sur base de réciprocité avec des organisations africaines locales.

ACTIONS DANS LE NORD

ACTIONS DANS LE SUD

LA FONCABA

Tout sur la FONCABA su r www.kba-fon caba.be

Les projets: • sont adaptés à la spécificité culturelle de la population locale • stimulent la culture démocratique • créent l’autopromotion • renforcent l’empowerment de la femme • prennent soin du système écologique • ne sont pas imposés mais naissent au sein de la population locale

La FONCABA participe à l’éducation au développement concernant la problématique Nord-Sud et sensibilise les intéressés, les organisations sociales et les sympathisants autour de l’importance de renforcer de manière durable les individus et les groupes au Sud sur base d’un dialogue honnête. La FONCABA participe activement aux campagnes du mouvement Nord-Sud, 11.1111 et le CNCD, comme l’action sur les objectifs millénaires, donne des avis (principalement sur l’Afrique Centrale) et attire l’attention sur les thèmes dans la revue KARIBU et via le site web.

Et Vous? La FONCABA est soutenue par des dons pour une partie de son travail de formation avec des organisations partenaires en Afrique. C’est pourquoi la FONCABA vous remercie 1000 x ! FINTRO : BE 94 1430 6786 22 14 (Pour les dons de 40 euros ou plus, vous recevez une attestation fiscale) KBA I FONCABA 160 I OCTOBRE, NOVEMBRE, DÉCEMBRE 2015

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Karibu est la revue de l’asbl FONCABA et paraît quatre fois par an. Abonnement: La revue est envoyée gratuitement à tous les intéressés

La FONCABA est une ONG reconnue par les autorités, spécialisée dans le renforcement des capacités de la société civile en Afrique. En optant pour la collaboration directe avec des partenaires locaux, les projets obtiennent des résultats durables et un grand ancrage dans la communauté locale. La FONCABA donne des outils pour que les Africains puissent prendre leur propre processus de développement en mains.

Rédaction: M-Bernadette Zubatse Luc Bonte Erick-Bayard Rwantango Dries Fransen Jean Lefèbvre Joke Simons Nicole Denié Adresse: Rue du Progrès 333/03 B-1030 Bruxelles Tél. : 02 201 03 83 Fax : 02 205 17 39 e-mail : info@kba-foncaba.be www.kba-foncaba.be Editeur responsable: M-Bernadette Zubatse (Rue du Progrès 333/03 – 1030 Bruxelles) Photos: FONCABA, CAEDH, Angelo Barampama, Jan Claes Layout et impression: De Riemaecker Printing bvba www.deriemaecker.be

Les articles n’expriment pas nécessairement l’opinion de la FONCABA. Cette revue est imprimée sur papier recyclé. Dit tijdschrift verschijnt ook in het Nederlands

OBJECTIFS DU MILLENAIRE

191 pays ont signé un accord pour réduire la pauvreté vers 2015. Aidez-nous de rappeler aux politiciens leur promesse et à relever le défi. La pauvreté doit disparaître de notre planète!


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