Le Verdict | numéro septembre — octobre 2019

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SEPTEMBRE - OCTOBRE 2019 JOURNAL DES ÉTUDIANTS EN DROIT UNIVERSITÉ LAVAL

ENVIRONNEMENT Marcher pour le climat Inaction gouvernementale Perceptions d’ailleurs

Crédit photo: Dominique Gobeil


SOMMAIRE

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DOSSIER CLIMAT

6

CHRONIQUES

Marcher pour le futur

Ironique

Lisa Say 7

L’environnement, «qu’ôssé ça donne» ?

L’apathie gouvernementale, la vraie menace William Gaudreault

8

Perceptions environnementales Jérémie Wyatt

M. Gros Bon-Sens Automobile

Nouvelle concurrence dans le segment du luxe électrique 10

Patrick Baghdisar 24

REPORTAGES

PORTRAITS

36

Me Jean-François Morin : carburer aux élections Dominique Gobeil

37

Natasha Tremblay : passionnée de politique Simone Pilote

12

38

26

La fiducie au service de la relève agricole

Francesca Lefebvre 26 Pro Bono : promouvoir l’accès à la justice Andréanne Filion 28 Deux comités à découvrir

31

Les multiples questions autochtones Dominique Gobeil 32 Quand le droit est un jeu Annie Côté 34

Crédit éléments visuels : Canva


ÉQUIPE Dominique Gobeil

N O I N I OP

Rédactrice en chef

Philippe Lavoie-Paradis

Vice-président finances

Simone Pilote

S’informer, droit et devoir Dominique Gobeil

Vice-présidente marketing

4

Le mème du Verdict Paul-David Chouinard 5 La peur de l’étranger; pendant de l’ignorance Sirena Reslan Ramadan 14

Patrick Baghdisar

Représentant 1re année

Réflexion patrimoniale Gabriel Boivin

16

Le malheur d’une épaule Kassandra Rousseau 18 L’utilitarisme étatique et la moralité kantienne Shawn Foster

21

Révision des textes Graphisme Dominique Gobeil, Simone Pilote

Mise en page

Dominique Gobeil

Gabrielle Gobeil

Nous joindre :

leverdict.redaction @gmail.com

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ÉDITORIAL

4

par Dominique Gobeil Rédactrice en chef

S’informer, droit et devoir Nouvelle année, nouvelle équipe, nouvelles idées. C’est avec fierté que Le Verdict vous présente son premier numéro pour l’année 2019-2020, conçu dans la réflexion et la motivation cet automne, avec une esthétique renouvelée.

La crise des médias, qui secoue les journaux de Groupe Capitales Médias comme Le Soleil, affecte la qualité et la diversité de l’information. Crédit photo : Dominique Gobeil

La dernière saison a été marquée par la mobilisation citoyenne pour l’action climatique, rendant l’environnement incontournable pour notre couverture et notre dossier principal, dès la page 6. Elle a aussi été chargée en émotions pour les artisans de l’information écrite. Bien que la crise des médias sévit depuis plusieurs années avec l’avènement des géants du numérique et la migration des revenus publicitaires, elle n’a jamais semblé aussi urgente. Groupe Capitales Médias, qui opère six quotidiens régionaux au Québec, a dû se placer à l’abri de ses créanciers. La qualité et la diversité de l’information locale sont devenues des enjeux sérieux pour les communautés, déjà éprouvées par la perte de plusieurs hebdomadaires notamment, qui sont soucieuses de leurs particularités et conscientes que les médias sont intégrés au tissu social. L’auteure de ces lignes connaît bien la situation, pour la vivre de l’intérieur en tant que journaliste employée chez Le Soleil. La liberté

de la presse, garantie par la Charte canadienne des droits et libertés, et le droit du public à l’information ont évidemment été des considérations majeures dans la confection de cette édition. Elles ont guidé le recrutement des journalistes bénévoles et le choix des sujets couverts au sein de la faculté, tout en laissant une large tribune à vos opinions. Ainsi, les initiatives qui rythment la vie des étudiants en droit sont mises de l’avant, comme les bons coups du milieu sont partagés dans les pages des journaux québécois. Par exemple, vous pourrez lire des reportages qui présentent deux nouveaux comités appuyés par l’Association des étudiants et étudiantes en droit, à partir de la page 31. D’autres journalistes ont assisté à des événements organisés par des comités et vous dressent un compte-rendu. Il n’est pas possible de parler de toutes les activités, puisque ce numéro compterait un nombre exponentiel de pages, mais il y a encore de l’espace pour les plumes motivées au sein de la faculté! Vous remarquerez que l’accès à la justice passe souvent par la vulgarisation du savoir juridique et la transmission de l’information, à travers la mission de Pro Bono, qu’on découvre en page 28. Autant les juristes que les journalistes ont donc ce rôle particulier à jouer dans la société, en informant leurs concitoyens pour une saine démocratie. Pour les personnes plus réservées, il existe la possibilité d’écrire sous un avatar de chroniqueur. Vous en trouverez un exemple sous les traits iro-


MÈME

5

par Paul-David Chouinard

Variété Tous les sujets sont les bienvenus. Si cela vous intéresse en tant qu’étudiant en droit, il y a certainement quelqu’un d’autre qui aura des intérêts similaires parmi les centaines d’étudiants que nous sommes au baccalauréat. Notre représentant de première année vous partage de cette façon sa passion pour l’automobile, rendez-vous à la page 24. Nous voulions aussi oser et refléter tendances actuelles en vous présentant le mème gagnant du concours du Verdict, dans la page suivante. Cela vous rappellera peut-être les caricatures qui font la marque de certains journaux. Si s’informer est un droit et un devoir, au titre que cela nous permet de prendre des décisions éclairées, on pourrait dire de la même chose du vote, alors que la campagne électorale fédérale vient juste de se terminer. Il existe aussi une garantie constitutionnelle à ce sujet, et ce droit demeure essentiel à la démocratie, mais il serait peu utile sans information pour nous guider. L’issue du scrutin était encore inconnue au moment de mettre sous presse, mais cela ne nous a pas empêchés de vous concocter deux portraits, l’un sur le parcours d’un juriste et l’autre sur l’implication d’une étudiante en droit, inspirés par cette thématique, pour conclure cette édition. Bonne lecture!

En plus de pouvoir ensuite le partager sur les réseaux sociaux, vous ferez sourire nos lecteurs!

Crédit éléments visuels : captures d’écran

niques de M. Gros Bon-Sens, dans les pages 12 et 13.

Pour vous, un mème transmet mieux votre opinion qu’un texte? Envoyez-nous vos suggestions pour le prochain numéro.


DOSSIER

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CLIMAT

7 par Lisa Say

Marcher pour le futur «Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse.» — ALBERT CAMUS, discours de réception du Prix Nobel de littérature, Oslo, le 10 décembre 1957

(1) Climate crisis : 6 million people join latest wave of global protests, The Guardian, 20 septembre 2019, [https ://www.theguardian.com/ environment/2019/sep/21/acrossthe-globe-millions-join-biggest-climate-protest-ever] (2) Global Climate Strike : September 20-27, [https ://globalclimatestrike.net/] (3) La Planète s’invite au Parlement : Nos revendications, [https :// laplanetesinvite.org/] (4) BAILLARGEON, Stéphane et SHIELDS Alexandre, Marée humaine pour le climat dans les rues de Montréal, Le Devoir, 27 septembre 2019, [https ://www.ledevoir.com/ societe/environnement/563 610/ journee-de-greve-pour-le-climat]

Le 27 septembre dernier, la planète entière a tremblé devant l’ampleur de la vague des manifestants lors de la marche pour le climat, marche qui d’ailleurs, a été considérée comme la plus importante mobilisation citoyenne pour l’environnement à ce jour (1). En effet, selon des statistiques transmises par le mouvement Global Earth Strike sur les réseaux sociaux, ce sont plus de 7,6 millions de citoyens de tous âges et de tous horizons, dans 185 pays (2), qui sont descendus dans les rues afin de revendiquer une loi qui force à réduire les émissions de gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré, ainsi qu’une interdiction complète d’exploitation des combustibles fossiles (3). Au Québec, la plus grande manifestation a eu lieu à Montréal, où 500 000 personnes sont allées marcher (4). Si cette marche a suscité un aussi grand engouement, c’est parce que l’environnement ainsi que les changements climatiques sont devenus une préoccupation grandissante. De plus en plus, nous réalisons combien les écosystèmes sont fragiles. La protection de la biodiversité s’impose comme une nécessité pas seulement pour nous, mais aussi pour la génération de demain, qui aura à subir les contrecoups de notre

inaction d’aujourd’hui face au réchauffement climatique, qu’elle soit gouvernementale ou personnelle. Néanmoins, une loi s’inscrit dans le tissu social et a force de coercition. Si les autorités gouvernementales s’engagent à en adopter une, ses effets juridiques quant à sa violation peuvent dissuader la paresse d’agir. Les changements climatiques accentuent aussi les inégalités sociales, puisque l’accès à certaines ressources deviendra dans les prochaines années de plus en plus difficile pour certaines populations à travers le globe. Plus qu’une lutte contre les changements climatiques, c’est aussi une justice climatique qui est revendiquée à travers le mouvement. Mais au-delà de la marche, au-delà des slogans revendicateurs, au-delà de la simple bonne volonté, le plus important tient en un mot : action. La marche n’avait qu’une portée symbolique, elle ne peut incarner les actions concrètes que peuvent poser les citoyens et le gouvernement afin de participer à un développement durable qui serait le moins dommageable possible pour la biodiversité et pour les générations futures. Si, tel que le dit Albert Camus, notre génération est vouée à empêcher que le monde ne se défasse, il faut réagir. Maintenant.


DOSSIER

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par William Gaudreault

L’apathie gouvernementale, la vraie menace «Nous sommes au début d’une extinction de masse et tout ce dont vous pouvez parler, c’est d’argent et de contes de fées de croissance économique éternelle. Comment osez-vous?», disait Greta Thunberg en septembre dernier aux quelques dirigeants présents au décevant Sommet sur le climat. Rapidement, la jeune militante fut critiquée par ses innombrables détracteurs. On disait que son discours était alarmiste, exagéré, disproportionné, etc. Certains s’en sont même pris à son apparence, à sa différence… je ne nommerai aucun nom. Il reste que son discours fut le plus marquant depuis fort longtemps. Il s’agissait d’une expression la plus pure de la colère des jeunes d’aujourd’hui et des générations à venir… Mais, bon, on n’a pas le droit d’être en colère, paraît-il. Toutes les expressions de colère et de mécontentement ne sont pas bien reçues, et ce, même devant une imminence de mort, car «il ne faut pas choquer». Nous ne pouvons pas manifester, notre place étant à l’école, à apprendre comment «s’adapter» — et non le résoudre, comme auraient voulu répondre tous les étudiants du Québec dans leur examen ministériel — au dérèglement climatique, disait si bien le ministre de l’Environnement, Jean-François Roberge. On critique les jeunes par tous les fronts. On les traite d’alarmistes, de fous. On leur dit que c’est impossible de

souffrir d’écoanxiété. On leur dit de «vivre leur vie de jeune» et de laisser le problème «aux adultes». Regardez où cela nous a menés… Des jeunes intentent des poursuites contre les États pour atteinte au droit à la vie, manifestent dans les rues, agissent à la place des leaders, etc. Les jeunes agissent à la place des adultes. Malgré une cascade de données alarmantes pouvant noyer le plus fervent des climatosceptiques — le rapport de 728 pages du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est un excellent exemple — les gouvernements réussissent à garder la tête hors de l’eau et à faire comme si de rien n’était. Attention, je ne dis pas que tous n’ont pas bu la tasse au moins une fois et n’ont pas réalisé l’ampleur du problème. Nous avons pris conscience du monde physique qui nous entoure et possédons une encyclopédie d’informations sur le monde qui nous entoure et les enjeux sur le climat. Tous les gouvernements ne sont pas restés les bras croisés, mais ils avancent à pas de tortue et Dieu sait si la tortue dépassera ce lièvre nom-

mé «Crise climatique». Pourquoi tant d’inaction de la part de nos leaders? Pourquoi aucun geste n’est-il posé? Pourquoi ne portent-ils pas attention à nos demandes? Nous voulons vivre. Est-ce trop demander? Le GIEC est catégorique : limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C pourrait faire la différence entre la vie et la mort pour bon nombre d’humains et d’écosystèmes dans les prochaines décennies. Les belles promesses et les mots vides de l’Accord de Paris ne suffisent plus. Cela nécessitera un virage à 180 degrés, virage que peu de gouvernements sont prêts à effectuer. «Ça coûtera trop cher», disentils, mais ils devraient savoir mieux que quiconque que l’argent ne se mange pas. «On ne veut rien brusquer», nous expliquent-ils, mais leur inaction nous brusquera inévitablement. Le virage sera brutal d’une manière ou d’une autre. Il faut changer radicalement de mode de vie, changer notre façon de manger, de nous déplacer, de nous construire et, surtout, de produire et de consommer de l’énergie, et cela, en peu de temps. Il faut — pour parler en bon québécois — «se virer sur un dix cennes». Nous devons intervenir et faire bouger les choses. Nos gouvernements ne se réveilleront pas du jour au lendemain en lisant les rapports des experts. C’est la pression qui a toujours fait bouger le monde. Nos jours sont comptés. Nous avons le droit de vivre.


CLIMAT

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DOSSIER

10

par Jérémie Wyatt

Perceptions environnementales

En excluant les climatosceptiques, tout le monde s’entend pour dire que les changements climatiques sont un phénomène mondial. Évidemment, ce ne sont pas toutes les régions du monde qui en subiront les mêmes conséquences ni en même temps, mais les dangers liés aux changements climatiques ne s’arrêtent pas aux frontières d’une province, d’un État ou même d’un continent. S’il y a bien un moment dans l’histoire de l’humanité où toute la planète devrait se sentir concernée, c’est maintenant. Cela dit, les États passent beaucoup de temps à comparer leurs actions avec celles des autres pays. Que ce soit pour blâmer les pays qui en font moins que nous ou idolâtrer ceux qui semblent en faire plus, toutes les

raisons sont bonnes pour se tourner vers ce qui se fait ailleurs. Cependant, selon moi, cette approche ne devrait pas être préconisée, puisqu’elle se base souvent sur les perceptions plutôt que sur la réalité.

leurs» ? Nous avons souvent tendance à admirer d’autres pays qui en font plus que nous pour l’environnement, qui recyclent plus, qui émettent moins de gaz à effet de serre (GES), etc. Certes, ce que font ces autres pays est admirable, mais ça ne veut pas dire pour autant qu’ils soient parfaits. Prenons l’exemple des Pays-Bas, un pays que je découvre depuis plus d’un mois. Le stéréotype est bien fondé, presque tout le monde se déplace en vélo un peu partout, et le système de transport en commun est mieux adapté et plus utilisé que ce à quoi nous sommes habitués au Canada, ce qui contribue certainement à réduire leurs émissions de GES.

Avez-vous déjà entendu l’expression «l’herbe est toujours plus verte ail-

Par contre, dans d’autres domaines, les Néerlandais ont des années de retard


CLIMAT sur le Canada. Le tri de déchets est à peine présent, et c’est surtout le papier qui est recyclé. Le plastique ne l’est que très peu, l’aluminium non plus, et le compostage des matières organiques ne semble pas exister ici. Alors qu’au Canada, les initiatives visant à réduire l’utilisation des bouteilles de plastique à usage unique se multiplient (par exemple, l’annonce de Familiprix qui arrêtera de vendre des bouteilles d’eau de moins de 750 mL dès janvier (1) ), je n’ai toujours pas vu un seul point de remplissage d’eau dans un endroit public aux Pays-Bas. Dans le même ordre d’idées, la cafétéria de mon université n’offre que des ustensiles jetables, et toute la nourriture est servie soit sur des couverts jetables, ou dans des emballages de plastique. Côté réduction des déchets, on a vu mieux… Qu’un pays comme les Pays-Bas, dont environ le tiers de la superficie se trouve sous le niveau de la mer et qui se trouve au premier plan des conséquences associées aux changements climatiques, n’accorde pas plus d’importance au recyclage et à la réduction de déchets me sidère. Je sursaute chaque fois que je passe à côté de la cafétéria de l’université et que je constate la quantité de déchets qui est produite, et je cherche encore des points d’eau pour remplir ma bouteille réutilisable! Des comportements qui sont maintenant des réflexes au Canada sont encore l’exception dans ce pays moderne d’Europe qu’on considère comme un des champions de la lutte contre les changements climatiques. Cela dit, tout n’est pas négatif aux Pays-Bas. En effet, il y a à Amsterdam un incinérateur de déchets du type «Waste-to-Energy», qui génère chaleur et électricité pour les maisonnées de la région à la suite de l’incinération des déchets. Il s’agit du plus performant en son genre au monde (2). Certes, ce n’est pas exactement de

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l’énergie «verte» et la production de GES générée par la production de ces déchets ainsi que leur incinération est certainement assez importante, c’est tout de même une solution qui cadre bien avec le principe de la réutilisation, et c’est sans doute mieux que d’enfouir les déchets! Ainsi, à force de croire que les autres sont meilleurs que nous et de nous fier à ce qui se fait ailleurs, nous sommes peut-être portés à réduire nos efforts. Nous pouvons peut-être penser que, comme d’autres en font plus, nous pouvons nous permettre d’en faire moins. Outre le fait qu’avec cette manière de penser, nous nous déresponsabilisons vraiment de ce qui, je le répète, est un problème mondial qui devrait être la priorité de tous, il se peut que collectivement, nos actions diminuent. Si tout le monde en fait moins parce qu’il suppose que quelqu’un d’autre en fait plus, nous réduisons nos chances de changer les choses et de nous en sortir. C’est d’autant plus vrai si dans les faits, nos modèles n’en font pas autant qu’on le pense. Les marches pour le climat qui ont eu lieu partout dans le monde, les 20 et 27 septembre, sont la preuve que nous

pouvons nous mobiliser collectivement et qu’il y a une réelle volonté d’agir de la part des gens. Cependant, il faut plus que de la volonté, il faut des gestes. Si tout le monde pour qui l’environnement tient à cœur s’était dit «je n’irai pas à la marche parce que j’ai [insérer engagement quelconque] en même temps, mais il y a surement d’autres personnes qui vont y aller», de quoi auraient eu l’air les marches? Est-ce que le message passerait de la même façon? Permettez-moi d’en douter. C’est pour cela que je crois fermement que malgré la dimension internationale de cette problématique, nous devons tous, autant au plan individuel qu’étatique, changer ce sur quoi nous avons un contrôle, et accorder un peu moins d’attention à ce qui se fait ailleurs. (1) https ://www.lapresse.ca/actualites/environnement/201 909/25/015 242 771-plus-de-caisses-de-bouteillesdeau-chez-familiprix.php (2) Pour plus d’information, voici le site web de l’incinérateur : https ://www. aebamsterdam.com/ Photos du dossier : Dominique Gobeil, lors de la marche unitaire pour le climat à Québec le 27 septembre 2019


CHRONIQUE

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par M. Gros Bon-Sens

L’ENVIRONNEMENT,

Le 27 septembre 2019, on manifestait dans les rues de Montréal, de Québec et d’un tas de villes dans le monde pour appeler à l’action afin de protéger l’environnement et le climat. Deux jours auparavant, le 25 septembre 2019, l’Assemblée nationale votait à l’unanimité une motion reconnaissant l’urgence climatique et la nécessité d’y réagir. Le 23 septembre 2019, la jeune militante écologiste Greta Thunberg haranguait les dirigeants du monde à l’Organisation des Nations Unies en les accusant de l’avoir trahi et d’avoir détruit ses rêves et ses espoirs en raison de leur inaction face à l’apocalypse annoncée par les changements climatiques. S’il y a une chose qu’on peut dire, c’est que l’environnement a été choyé cette semaine-là!

Une attention médiatique mondiale, des séances publiques d’humiliation de politiciens démocratiquement élus, des déferlantes de citoyens réclamant

qu’on fasse les efforts à leur place pour être plus écologique… Voyons donc, c’est quand la dernière fois qu’on a eu le droit à une semaine de l’économie où on a manifesté pour qu’on force le gouvernement à financer

adéquatement nos entreprises et garder nos emplois chez nous? Ou une semaine de l’immigration pour réclamer un meilleur contrôle des quotas d’immigration pour mieux les accueillir? Il faudrait qu’on m’explique. Ça fait au moins depuis les années 1980, au moins depuis la publication de Silent Spring de Rachel Carson, qu’on est au courant des effets du réchauffement climatique et de ces effets sur notre environnement. Pendant ces quarante années, on n’a pas pris des grosses mesures


IRONIQUE «QU’ÔSSÉ ÇA DONNE» ? drastiques comme Greta et les autres militants écolos nous le demandent et, pourtant nous sommes encore là! Notre mode de vie n’a pas été modifié par un déluge de catastrophes naturelles. L’océan n’a pas monté jusqu’à tous nous noyer. La température n’a pas monté jusqu’à faire disparaître nos hivers. Alors si en quarante de cris d’alarme, aucune de ces prophéties de malheurs ne s’est réalisée, pourquoi y a-t-il urgence MAINTENANT?

Certains vont me dire que certaines de ces prédictions se sont déjà réalisées. Peut-être bien, mais encore là, le consensus scientifique n’est unanime (il n’y qu’à peine 97 % des scientifiques qui l’approuvent!). Il y a de l’incertitude quant aux effets du réchauffement climatique. Alors, pourquoi s’imposer des modifications aussi substantielles à nos économies et nos modes de vie pour un impact incertain sur un concept aussi vague que «l’environnement» ? Franchement! Parce qu’il faut se poser la question : c’est quoi «l’environnement» et à quoi ça sert? Pour la plupart d’entre nous, c’est la nature donc les animaux, les arbres, le ciel, la mer. Bref

tout ce qui n’est pas humain et le produit de notre civilisation. C’est plate, les enfants, mais il faut faire des choix : c’est la société humaine et tout ces systèmes et structures qu’on nous demande de changer pour que «l’environnement» continue d’être le même. Un de ces deux-là doit être modifié pour que l’autre puisse survivre. Ce n’est pas comme si nous faisions partie de cet environnement et que nous en dépendions! Nous, on est civilisés. Alors, que choisirezvous? Pensez à ça, la prochaine fois que vous descendrez dans la rue pour demander que les gouvernements nous forcent à faire ce choix. Faites vos propres choix, moi je veux garder notre civilisation. Si vous avez peur que ce modèle soit insoutenable et que la chute de l’environnement signifie notre chute à tous, soyez verts dans votre coin, mais ne nous l’imposez pas! Après tout, comment mes choix impacteraient-ils les vôtres?

Crédit icône: Canva Crédit photo : Dominique Gobeil

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OPINION

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par Sirena Reslan Ramadan

La peur de l’étranger; pendant de l’ignorance La peur. Émotion si forte, qui nous envahit, nous maîtrise et nous fige face aux moments les plus importants de notre vie. Émotion dont la composition est un mélange d’angoisse, de crainte, de méfiance; un obstacle à franchir. Nous y sommes tous confrontés.

Qu’y a-t-il de l’autre côté du mur? L’inconnu. Certes, c’est la source première d’où jaillit cette peur, mais nous savons que c’est là que réside une partie de la beauté de la vie. Réussir à gravir une montagne, dont le sommet, quoique bien présent, nous semblait inexistant ou nous paraissait inatteignable. Et l’étranger? Qui est-il? Est-ce celui dont la différence est incontestablement évidente et si flagrante aux yeux de celui qui regarde? Qui est cet autre se tenant face à nous? Un simple inconnu, un citoyen d’un pays différent? Deux mots. Une expression. Et des conséquences néfastes. La peur de l’étranger ou autre appellation socialement connue; la xénophobie. Étonnant et troublant à la fois, comment cette expression puisse illustrer tant de mépris, tant de haine et tant d’hostilité à l’égard de celui qui est différent. À l’égard de celui qui nous est étranger. Étranger de par ses valeurs, de par sa culture, de par sa religion, de par sa couleur de peau. Et que voyons-nous au-delà de cet étranger? Qu’y a-t-il de l’autre côté de ce mur, de l’autre côté de la frontière? Une réalité. Ahurissante, criante, voire alarmante.

Elle représente la vision et imprègne la pensée d’un nombre drastique d’individus, de peuples. Engendre des conflits. Fait des victimes. Laisse des traces, des marques, des stigmates. Nul besoin de nommer cet évènement notoire, fragment de notre histoire, qui a causé la mort de six millions d’individus étrangers, différents de par leur religion. Déchirante histoire qui se continue, encore aujourd’hui. La scène mondiale est encore témoin d’atrocités, parfois flagrantes, sinon violentes. Quelques évènements frappants : 29 janvier 2017, fusillade à la mosquée de Québec; 21 novembre 2017, attentat dans une mosquée au Nigeria; 28 octobre 2018, fusillade dans une synagogue à Pittsburgh; 15 mars 2019, attentat dans deux mosquées en Nouvelle-Zélande; 21 avril 2019, attentat dans trois églises au Sri Lanka. Quel est le dénominateur commun? L’étranger. Cet individu autre se trouvant de l’autre côté du mur, de l’autre côté de la frontière. Et que dire de ces vagues migratoires, grands titres des journaux et première expression tombant sous le coup de la plume du journaliste? Ces vagues, de plus en plus pressantes, qui affluent tout en provoquant une troublante croissance de l’intolérance marquée par la méfiance et par la haine chez celui qui accueille.


La haine. Ce sentiment violent qui prend naissance, se cultive et s’attise par la propagation de discours politiques racistes et xénophobes. Nous n’avons qu’à regarder ce qui se déroule chez nos voisins du Sud. Toutefois, nul besoin de s’attarder à ce qui se déroule au-delà de nos frontières pour constater ce fort mépris, cette manifeste hostilité envers l’étranger. Quand celui-ci cogne à la porte, quand il devient plus proche, la peur tend à monter. Il est perçu comme celui qui envahit. Il devient l’intrus. Il devient cet autre. Alors celui se tenant face à lui tend à vouloir prendre ses distances, à construire un mur, à retracer la frontière. La peur de l’étranger. Mélange de jugement, d’incompréhension et pendant de l’ignorance. Or, nous le savons, cette ignorance nourrit la peur. Cette ignorance a aussi un prix. La violence. Dans la décision grandement controversée rendue sous la plume du juge Huot; R. c. Bissonnette (1), on peut y lire le passage suivant : «L’intolérance et le racisme pourrissent notre tissu social» (2). Mais, qu’y a-t-il de l’autre côté du mur, de l’autre côté de la frontière, lorsque des valeurs telles que la solidarité et l’ouverture d’esprit sont mises de l’avant? Lorsqu’on accorde davantage d’importance à la compréhension plutôt qu’au jugement de l’autre? Que voyons-nous au-delà de cet étranger? Un être humain. Certes, ne l’oublions pas, «être, c’est être différent» (3). Mais, n’est-ce pas là que réside la beauté de l’humanité? (1) R. c. Bissonnette, 2019 QCCS 354 (2) Id., par. 1201. (3) MEMMI A., «Le racisme», Paris, Gallimard, 1994. Crédit photo : Canva

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OPINION

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par Gabriel Boivin

Réflexion patrimoniale Maintenant que la rédaction de mon opinion juridique dans le cours de Documentation est terminée, j’ai l’honneur de signer un premier article dans notre journal facultaire. Cette fois, aucunement question de plan cartésien ou de plan analytique, on y va avec le cœur, histoire de vous faire part d’une réflexion partiellement législative. Au début du mois d’avril dernier, La Presse et Le Devoir rapportaient qu’un monastère presque centenaire et surtout patrimonial frôlait la démolition. Une intervention rapide de la ministre de la Culture suspend finalement le permis de démolition, octroyé par la Ville elle-même. Un sursis de 30 jours est alors accordé pour trouver une solution et ainsi éviter de «vivre une autre Maison Boileau». Cette situation qui s’est déroulée à Berthierville dans Lanaudière – coin de pays que je connais très bien pour y être né – m’a amené à réfléchir sur la conservation du patrimoine immobilier au Québec. Bien entendu, une loi et des règlements encadrent cela. La Loi sur le patrimoine dicte les principales règles en matière de conservation et de mise en valeur des biens patrimoniaux québécois. De plus, les municipalités ont la possibilité d’édicter des règlements et de mettre en place des politiques concernant le patrimoine local et propre à chaque collectivité. De passage dans le patelin lanaudois, j’ai, à l’occasion d’une marche

printanière, pris le temps d’observer les maisons sises sur la rue bordant le fleuve. Sur 800 mètres on retrouve une trentaine de maisons. Plus de la moitié sont considérées comme patrimoniales et classées comme telles par la Ville. Malheureusement, au moins cinq d’entre elles sont vides, inhabitées. Et bien d’autres ne tarderont pas à l’être puisqu’elles sont habitées par des personnes âgées. Alors qu’un monastère, imposant, presque autant que le pavillon Charles-De Koninck (DKN), vide depuis 7 ans, a passé à deux doigts de la démolition – et encore, rien ne garantit qu’il ne sera pas démoli en fin de compte –, je m’interroge sur notre relation avec le patrimoine et toutes ces «vieilles bâtisses» qui constituent le Québec. D’une part, on rédige divers règlements, avec pour objectif d’éviter une dégradation du patrimoine et pour conserver le cachet de ces maisons ancestrales, mais d’autre part, avec cette réglementation, on impose moult contraintes, techniques et monétaires, aux propriétaires, qui bien souvent peinent à les remplir.

La plus belle illustration de cette situation est sans doute l’île d’Orléans. En mars dernier, Radio-Canada diffusait un reportage montrant le désespoir de certains habitants de l’Île qui veulent faire des rénovations sur leur maison. Malheureusement, ceux-ci doivent passer par un processus extrêmement compliqué et qui n’aboutit trop souvent à rien, notamment car les charges financières imposées sont trop élevées. Je déplore de voir tant de nouvelles constructions, alors qu’un peu partout au Québec, des bâtiments centenaires qui ont une richesse à la fois architecturale et sentimentale s’écroulent ou sont laissés à l’abandon. À mon sens, le moderne manque parfois de relief, de matériaux nobles, et surtout, d’histoire. Parce qu’il ne s’agit pas uniquement d’architecture. Il y a l’aspect sentimental; l’âme collective. Ce sont les générations qui nous précèdent qui vivent à travers ces bâtiments. Alors qu’à une époque on bâtissait en pensant durable et beau; aujourd’hui, on construit principalement en pensant rapide et rentable. Les décideurs publics, ou ce fa-


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meux législateur, auront beau adopter lois, règlements et politiques, concernant le patrimoine, si la rénovation et l’entretien ne sont pas facilités comme dans les exemples mentionnés, il sera difficile de conserver ces richesses collectives. À mes yeux, ce serait une grande tristesse de voir ces monum e n t s tomber

les uns après les autres. Il faut une situation législative qui aide réellement l’action des gens tout en respectant le cachet de ces maisons. Permettre une conversation entre des investisseurs potentiels et les communautés qui ont un intérêt sentimental et historique afin de déterminer les besoins pour passer à l’action serait une avenue à considérer. Mon plus grand souhait est de voir des personnes, des jeunes de surcroît, prendre soin de ces bâtiments construits il y a plusieurs décennies, qui sont remplis d’histoire et de souvenirs pour s’investir à leur redonner leur lustre d’autrefois.

Je déplore de voir tant de nouvelles constructions, alors qu’un peu partout au Québec, des bâtiments centenaires qui ont une richesse à la fois architecturale et sentimentale s’écroulent ou sont laissés à l’abandon. À mon sens, le moderne manque parfois de relief, de matériaux nobles, et surtout, d’histoire. Crédit icône : Canva


TÉMOIGNAGE

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par Kassandra Rousseau

Le malheur d’une épaule 210 minutes. C’est le temps qu’il m’a fallu pour trouver une jupe politiquement acceptable pour une visite à la Cour du Québec. Stress. 180 minutes. C’est le temps durant lequel j’ai présenté bénévolement une conférence sur les normes du travail. Fierté. Deux minutes. C’est le temps pour lire un courriel qui critiquait mon manque de professionnalisme en raison de mon habillement à cette même conférence. Déception.

C’était une journée d’hiver. Je cherchais désespérément une jupe dans tous les magasins, en éliminant toutes celles trop courtes, trop excentriques ou trop colorées. Quand je trouvais finalement une jupe sobre, je devais toujours l’essayer pour vérifier que la longueur était au minimum à 3 pouces en haut des genoux en position assise. J’ai fait cette mascarade dans presque tous les commerces de Place Sainte-Foy. En fait, il serait peu exagéré d’affirmer que je prends énormément de temps et d’énergie au quotidien à assem-


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Crédit photo : Canva

bler parfaitement le pantalon ni trop actuel, ni trop négligé à la chemise ni trop originale, ni trop décolletée. La garde-robe se doit assurément d’être excessivement diversifiée pour couvrir tous les évènements prévus par le droit : cocktail, conférence, visite de cabinets, entrevue…Toutes des opportunités merveilleuses et enrichissantes qui peuvent virer au cauchemar si on ne respecte pas un code vestimentaire désuet entretenu par le droit même. Je me souviendrais toujours de la douleur aiguë que j’ai ressentie après une soirée de plus de 6h en talons hauts, ces souffre-dou-

leur pour femme qui n’ont pas encore trouvé leur égal au niveau professionnel, pour le malheur de mes pieds.

rigoureux dans lequel seuls semblent être emprisonnés les gens de prestige, des affaires et du droit.

Quelques semaines plus tard, lors d’une conférence sur les normes du travail que j’animais bénévolement, on m’a souligné mon manque de professionnalisme par l’apparition malheureuse de mes épaules. Je plaide coupable. En effet, je portais la même jupe qu’à ma visite de la Cour du Québec, un chandail rayé qui ne couvrait pas totalement mes épaules ainsi qu’un veston. Pendant la rencontre, le climat m’a poussé à retirer ledit veston, découvrant ainsi mes épaules au grand jour. On ne se souviendra pas de mon sourire, de ma joie de vivre, de l’information que j’ai transmise ou encore des trois heures passées bénévolement à donner la conférence, mais on se souviendra malheureusement, mais certainement, de cette pauvre épaule, saillante et victorieuse : symbole manifeste et infaillible de mon manque de professionnalisme et de ma pudeur. Ni mon ventre, ni mes seins, ni mes cuisses n’auront traumatisé aucune âme ce jour-là, seulement mes épaules dénudées.

Je tiens à d’abord préciser l’importance et le respect que je porte envers les codes vestimentaires en général. En effet, il me semble qu’il y ait une nécessité minimale de s’habiller convenablement lorsqu’on représente des personnes. Cependant, je ne peux m’empêcher de me questionner à savoir si l’effort que les femmes font à couvrir toutes les parties socialement sexualisées de leurs corps est équivalent à celui d’un homme. Ne vous méprenez pas, je suis parfaitement consciente que les hommes peuvent également être victimes de commentaire sur leur habillement.

Un peu choquée et déçue de moimême, je me suis effectivement remise en question sur mon professionnalisme et mes choix d’habillements. Je dépense pourtant tellement d’argent, de temps et d’énergie tous les jours à tenter de me vêtir convenablement pour mon domaine d’études, je ne pouvais qu’en rester pantoise. Les personnes assistant à la conférence n’avaient pourtant pas semblé offusquées par la vision de mes épaules. Seuls des juristes y avaient vu l’affront suprême des mœurs même de l’accoutrement. Pourquoi alors ne pas se questionner et se remettre en question sur la perception d’un code vestimentaire

À cet effet, je me souviendrais toujours de l’histoire du jeune avocat qui avait été brutalement refusé à la Cour puisqu’il portait un complet rosé au lieu d’un complet étant considéré comme «sobre». Un brillant avocat, avec tout l’avenir devant lui, qui s’est vu complètement manquer de respect et qui s’est vu refuser d’être écouté par la couleur de son complet. Ce qui me dérange le plus de ce système, c’est qu’à la Cour comme à ma conférence, la valeur de votre professionnalisme et de votre argumentation seront conditionnés aux vêtements que vous portez, ce qui me semble absurde et déplacé en 2019. La valeur de votre être et de vos propos ne devrait JAMAIS être dévaluée sur la base de votre accoutrement, peu importe dans quel domaine vous travaillez. L’unique jupe qui correspondait finalement à tous les critères déterminés m’a coûté le prix exorbitant de Suite page 20


TÉMOIGNAGE

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80 $. Pour une jeune étudiante laissée à elle-même, 80 $ représente son moyen de transport pendant un mois complet et un minimum d’épicerie. Le coût social et financier pour être minimalement respecté en droit me semble astronomique. L’entretien par les acteurs du droit d’un style vestimentaire qui pue la prospérité, l’opportunisme et la bonne fortune dérange mon esprit de justice, qui me dit que l’on devrait se concentrer sur la façon dont vous pouvez rendre le monde plus juste et non sur votre façon de couvrir votre décolleté. Cet entretien constant de l’image professionnelle que l’on renvoie est une véritable source d’anxiété et de frustration, tant financièrement que socialement. La vague d’humanisme et d’ouverture qui

L’entretien par les acteurs du droit d’un style vestimentaire qui pue la prospérité, l’opportunisme et la bonne fortune dérange mon esprit de justice, qui me dit que l’on devrait se concentrer sur la façon dont vous pouvez rendre le monde plus juste et non sur votre façon de couvrir votre décolleté. Crédit photo : Canva

touche notre société ne semble pas être tombée dans l’oreille des juristes, qui se devraient d’être pourtant actuels et représentatifs du milieu dans lequel ils évoluent. Il y a très certainement un cheminement possible à concevoir dans la perception et la considération que l’on a des vêtements portés par la personne, surtout en considérant que la sexualisation de certaines parties du corps est subjective à la société dans laquelle une personne évolue. Revoir ce qui est pour nous professionnel ou non pour permettre une plus grande diversité et une plus grande liberté serait un mouvement rafraîchissant. Le fait de porter deux fois la même robe ne devrait pas être une source de stress plus que le fait de dépen-

ser notre argent pour s’en procurer à chaque évènement. Bien que je suis au courant que nos valeurs sont toutes différentes sur le sujet, tant les hommes que les femmes m’ont confirmé avoir beaucoup plus dépensé en vêtements que jamais depuis qu’ils sont dans le programme. Je comprends qu’un changement de garde-robe s’impose lorsqu’on devient des notaires ou des avocats, mais est-ce normal de sentir cette pression aussi tôt dans le baccalauréat? Est-ce normal de s’infliger certaines souffrances pour entretenir une image essentielle à notre futur? Et finalement, avec tous les beaux mouvements sur une consommation plus intelligente et écologiquement responsable, est-ce absurde d’être aussi exigeant?


RÉFLEXION

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par Shawn Foster

L’utilitarisme étatique et la moralité kantienne Le 16 octobre 1970 marque la date de la mise en vigueur de la Loi sur les mesures de guerre (ci-après la «Loi»), à la requête du premier ministre de l’époque, en réaction à l’enlèvement, commis par le Front de libération du Québec (FLQ), de deux individus : James Richard Cross, diplomate anglais, et Stéphane Laporte, ancien ministre de l’Immigration et du Travail. Opérante, la Loi confère nombre de prérogatives au Gouverneur en Conseil; notamment : «le pouvoir de faire et autoriser tels actes et choses et de faire de temps à autre tels ordres et tels règlements qu’il peut [...] juger nécessaire ou à propos pour la sécurité, la défense, la paix, l’ordre et le bien-être du Canada [...]», comme nous pouvons le lire au chapitre 206 de la Loi. Ceci inclut «a) la censure et le contrôle et la suppression de publications [...] b) l’arrestation, la détention, l’exclusion et la déportation [...] f) la prise de possession [sans permission], le contrôle, la confiscation et la disposition de biens et de leur usage». Ainsi sera-t-il légitime, entre autres, de perquisitionner un domicile sans mandat ou de détenir, sans accusation, n’importe qui pendant 90 jours. Au bilan, ce sont 497 personnes qui ont été arrêtées puis emprisonnées, dont seulement 62 d’entre elles ont été formellement accusées.

telle violation de droits et libertés, auxquels nous accordons une valeur fondamentale parce qu’ils nous permettent, ultimement, de nous épanouir, contribue à ce que le philosophe allemand, Emmanuel Kant, dénonce – à savoir, d’utiliser les Hommes comme des moyens et non des fins.

Il appert, ici, que l’utilité prévaut vis-àvis de l’individu, puisqu’on se permet de brimer la liberté d’individus au nom de la collectivité. Or, de légitimer une

Quant à l’utilitarisme, il se définit, chez John Stuart Mill, philosophe en la matière par excellence, comme étant la «doctrine qui donne comme

L’état et l’utilitarisme Au Canada, l’État a toujours revêtu «les traits d’un protecteur bienveillant de la communauté (1)». S’il convient de faire une telle assertion, portons notre attention, cependant, sur l’usage du mot «communauté» et non «d’individus», ce qui aurait davantage évoqué la protection individuelle de tous. Or, il est bien question d’une communauté, dont les individus font partie. La nuance est certes subtile, mais elle marque la caractéristique utilitariste de l’État.

fondement à la morale l’utilité ou le principe du plus grand bonheur (2)». En d’autres termes, il soutient que la seule chose désirable comme fin soit le bonheur; c’est-à-dire le plaisir et l’absence de douleur pour le plus grand nombre. En ce sens : la fin justifie les moyens. Afin d’en montrer l’essence, considérons la conjoncture suivante : cinq personnes sont coincées sur des rails de chemin de fer et le train approche. Sur une autre voie, il n’y a qu’une personne de coincée. Le témoin de la scène a l’opportunité de faire bifurquer le train qui approche. Selon la doctrine utilitariste, agir de façon morale serait de faire en sorte de maximiser le bonheur, donc de sauver les cinq, à cause de leur nombre, pour y laisser l’autre. En outre, une telle décision serait considérée comme utile, du fait que cinq personnes en valent plus qu’une, selon la pensée utilitariste. En constatant les prérogatives telles que le droit de détenir, sans accusation, n’importe qui pendant 90 jours, résultant en 497 personnes arrêtées et emprisonnées arbitrairement, dont seulement 62 ont été formellement accusées, tel que mentionné préalablement, le droit de perquisitionner un domicile sans mandat ou, même, que le simple fait de s’être déclaré indépendantiste aurait suffi pour se faire détenir, nous voyons l’utilitarisme à l’oeuvre. Suite page 22


RÉFLEXION

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Kant et l’utilitarisme Emmanuel Kant, philosophe des Lumières, affirme d’emblée que tous les humains sont dignes parce qu’ils sont les porteurs de la loi morale, en tant qu’êtres autonomes, car ils sont rationnels. Il appert donc qu’il rejette la pensée utilitariste. Effectivement, celui-ci opine que «l’homme

(1) PELLETIER, Réjean et TREMBLAY, Manon. (2009) Le parlementarisme canadien. Québec, Canada: Les Presses de l’Université Laval, p. 16. (2) MILL, John Stuart. (2010) L’utilitarisme. Paris, France: Éditions Flammarion, p. 31. (3) KANT, Emmanuel. (1993) Fondements de la métaphysique des moeurs. Paris, France: Éditions Le Livre de Poche, p. 104. (4) PIOTTE, Jean-Marc. (2005) Les grands penseurs du monde occidental. Montréal, Québec: Éditions Fides, p. 332 (5) Ibid, p. 333. (6) Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, op. cit., p. 105. (7) Jean-Marc Piotte, Les grands penseurs du monde occidental, op. cit., p. 332. (8) Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, op. cit., p. 58 à 59. (9) Ibid, p. 85. (10) KANT, Emmanuel. (1985) Critique de la raison pratique. Paris, France: Éditions Folio, p.40 à 41. (11) Jean-Marc Piotte, Les grands penseurs du monde occidental, op. cit., p. 334.

[...] existe comme fin en soi, et non pas simplement comme moyen dont telle ou telle volonté puisse user à son gré (3)». C’est donc dire qu’il n’y a pas de mal à être un moyen dans une quelconque conjoncture, pourvu qu’en agissant pour atteindre des buts, nous soyons toujours, en même temps, considérés comme étant des fins. Et ce qui pourvoit de la dignité à l’humain, justement, c’est d’être considéré comme une fin. Chez Kant, c’est en agissant de façon autonome – c’està-dire en étant son propre législateur de nos devoirs moraux – que nous pouvons devenir notre propre fin.

Moralité kantienne Pour ce faire, il fonde sa morale sur la raison humaine, plus particulièrement sur «la raison pratique qui est en relation avec le bien (4)», puisqu’elle donne à l’humain, cet homo rationalis, la loi «a priori de son devoir moral (5)». En effet, c’est la raison, qui est universelle, qui détermine le devoir, chez Kant; c’est-àdire l’obligation d’accomplir une action par respect de la loi morale que l’on s’impose à soi-même. L’une des formulations de la loi étant : «Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen (6)». Ainsi l’action morale ne résidet-elle pas «dans le but poursuivi ni dans le résultat obtenu (7)», mais bien dans le respect de la raison pratique ou du devoir, dans l’intention. La morale est donc «quelque chose qui a en soi sa valeur tout entière» et dont l’«utilité ou l’inutilité ne peut en rien accroître ou diminuer cette valeur (8)». Par extension, nous remarquons que des actions peuvent de facto être conformes à loi, mais ne posséder aucun caractère moral.

L’impératif catégorique kantien «L’impératif catégorique serait celui qui représenterait une action comme nécessaire pour elle-même, et sans rapport à un autre but, comme nécessairement objective (9)». Par «objective», Kant entend que l’action est nécessaire pour elle-même. Grâce à notre faculté singulière qu’est la raison, c’est à partir de là que nous sommes aptes à nous imposer notre propre loi morale : l’impératif catégorique. Ainsi la loi réside-t-elle en nous – ce pourquoi Kant dira qu’elle est a priori; c’est-à-dire préalable à tout fait, tout évènement. En prime, comme l’imposition de notre devoir moral passe par la raison, force est de constater que ceci s’ancre directement dans l’époque de Kant, témoignant ainsi de l’espoir en la raison qu’avaient les philosophes des Lumières. De surcroît, ceci montre que la nature de la moralité n’est guère aussi relative qu’elle semble l’être dans la pensée utilitariste, en ceci que cette dernière définit elle-même ce qui est considéré comme utile ou bien, ce qui est inéluctablement tributaire des intérêts des sujets. Comme l’énonce Kant : «un principe qui ne se fonde que sur la condition subjective de la capacité de ressentir du plaisir ou de la peine [...] ne peut servir de loi pour cette capacité ellemême (10)». Pour Kant, c’est l’impératif catégorique qui définit la loi morale, car il «représente une action bonne en elle-même, comme nécessaire en soi, indépendamment de toute fin désirée ou de tout résultat atteint (11)». Il en est à se demander comment auraient été la vie de ces 497 personnes si l’État avait adopté une approche kantienne.


diverti ssement

Divertissement

Il y a de la place pour toutes les plumes dans Le Verdict. Parce qu’en droit, on a aussi le droit de lire pour le plaisir. Il y en a pour tous les goûts dans notre nouvelle section de chroniques, appelée à évoluer au rythme de vos suggestions. Dans ce premier numéro de l’année, on vous présente une chronique automobile, à lire dans les prochaines pages.

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CHRONIQUE

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par Patrick Baghdisar

NOUVELLE CONCURRENCE DANS LE SEGMENT DU LUXE ÉLECTRIQUE Alors que le PDG de Tesla prétend vouloir plus de concurrence dans ce segment pour aider la civilisation humaine à passer aux voitures électriques, jusqu’à présent, aucun grand concurrent n’a relevé son défi. Je connais bien les BMW i3, Audi avec l’e-TRON, Nissan avec la Leaf, Chevrolet avec la Bolt, Volkswagen avec la e-Golf, Kia avec la Soul EV et Hyundai avec la Kona électrique, mais aucune voiture n’a fait plus de bruit dans ce segment que Porsche avec la nouvelle Taycan. Pour vous mettre rapidement au courant, nous avons entendu parler de nombreuses compagnies de voitures électriques telles que Remac, Faraday et Rivian qui vont directement concurrencer Tesla et les «battre» à leur propre jeu. Cependant, ces entreprises n’ont pas encore sorti leur première voiture de production. Maintenant que Porsche entre en jeu, c’est une tout autre histoire. Qu’est-ce qui différencie Porsche de BMW, Audi et les autres grands constructeurs avec leurs voitures électriques, vous demandez-vous? D’une part, Porsche développe depuis de nombreuses années sa Mission E et ne l’a lancée qu’une fois prête, et pas

seulement pour la compétition. Deuxièmement, Porsche vise directement à concurrencer le segment du luxe de ce marché. Un modèle Taycan Turbo «de base» avec 670 chevaux a un PDSF de 173 900 dollars canadiens, alors que la version turbo avec 750 chevaux sera vendue pour 213 900 $. Même si la Porsche Taycan n’a pas techniquement de turbo, elle a gardé son nom en hommage à ses autres modèles où la variante Turbo S signifie généralement la version haut de gamme. Que signifie tout cela? En comparant les deux niveaux de finition supérieurs de Taycan Turbo S et du Tesla Model S Performance, le Tesla n’est pas seulement moins cher, mais a une batterie

plus grande de 100 kWh contre 93,4 kWh. Lorsque l’on compare la puissance, le Taycan Turbo S est capable de suramplifier pendant de courtes périodes de temps pour produire environ 751 chevaux et 774 livres-pied de couple, ce qui est suffisant pour amener la voiture à 60 mi/h en 2,6 secondes, puis à une vitesse maximale de 162 mi/h environ. Sans la fonction de suralimentation, les moteurs produisent 617 chevaux-vapeur et un couple non spécifié, tandis que le modèle S Performance produit environ 762 chevauxvapeur et 723 livres-pied de couple. Soixante mi/h arrivent en 2,4 secondes un peu plus vite, et la vitesse maximale est un peu plus élevée à 163. N’oublions pas non plus que le Tesla dispose d’un


AUTOMOBILE réseau de «supercharger» dans le monde entier qui permet de recharger les voitures plus rapidement et est munie d’une capacité d’autopilotage qui, selon Elon Musk, dans un avenir proche, lui permettra de conduire en toute autonomie. Bien qu’objectivement parlant, le Tesla puisse sembler la meilleure option puisque le modèle haut de gamme avec une capacité de vente totale ne coûtera que 143 590 dollars canadiens. La Porsche a aussi quelques trucs à faire pour remonter

ses manches. Avec son architecture 800 volts, le modèle peut fonctionner à un ampérage plus faible, ce qui se traduit par moins de panne thermique (ce qui est un gros avantage pour les personnes qui conduisent leur voiture sur les pistes de course) et des temps de charge plus rapides. N’oublions pas non plus que l’intérieur de la nouvelle Porsche, comme toujours, est une œuvre d’art en soi et qu’elle dispose de concessionnaires dans le monde entier, ce qui signifie que les pièces peuvent arriver

Une autre année, un autre «dieselgate»

installé des «defeat devices» ou des «dispositifs d’invalidation» en français dans des centaines de milliers de moteurs diesel aux États-Unis depuis 2009. Les voitures vendues pouvaient détecter le moment où elles étaient mises à l’essai, ce qui modifiait la performance en conséquence afin d’améliorer les résultats d’émissions. Tous les détails de son fonctionnement sont incomplets et c’est tout ce que l’EPA a dit au public.

Au fur et à mesure que le temps passe, que la technologie évolue, nous devenons plus conscients de notre environnement et de l’impact que nous pourrions avoir. Un autre aspect important dont nous, les humains, prenons de plus en plus conscience est l’environnement.

De plus, ce logiciel a été utilisé dans les marques Volkswagen, Porsche, Audi, Seat et Skoda afin de répondre aux normes de pollution des gaz d’échappement. Dans le monde entier, le nombre de véhicules atteint 11 millions. D’ici 2019, la Commission européenne a maintenant inculpé BMW et Daimler (Mercedes-Benz) pour la même raison. Aucun chiffre exact n’a encore été communiqué, mais Daimler a déjà rappelé plus de 700 000 véhicules diesel dans le monde, dont 280 000 en Allemagne. Cela concerne de nombreuses versions diesel de Mercedes, telles que les classes C et E, ainsi que le modèle GLK. Selon Margrethe Vestager, commissaire européenne chargée de la concurrence, «les en-

Par exemple, la jeune Greta Thunberg nous a récemment parlé de l’environnement, et s’est exclamé en disant «qu’elle nous surveillerait» et comment le gouvernement devrait faire davantage pour l’environnement. En 2015, l’Agence américaine pour la protection de l’environnement (EPA) a signalé que le constructeur automobile allemand Volkswagen avait

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plus rapidement (un gros problème que Tesla rencontre en tant que nouveau concurrent dans le monde de l’automobile) et que les réparations prennent moins de temps. Dans l’ensemble, ce sont deux voitures superbes et si l’argent n’était pas un problème, je prendrais probablement la nouvelle Taycan Turbo S plutôt que le modèle S Performance. Mais comme nous vivons dans un monde réaliste où l’argent est un problème, je ne peux pas vraiment justifier la grande discussion sur les prix entre les deux modèles.

treprises peuvent coopérer de différentes manières pour améliorer la qualité de leurs produits. Toutefois, les règles de concurrence de l’UE ne leur permettent pas de s’entendre exactement sur le contraire : ne pas améliorer leurs produits, ne pas rivaliser en matière de qualité». En plus d’être mauvais pour l’environnement, pour nous consommateurs, «on nous a peut-être refusé la possibilité d’acheter des voitures avec la meilleure technologie disponible». Y aura-t-il d’autres avantages que d’imposer des amendes aux grandes entreprises pour de grosses sommes d’argent? Au cours des dix dernières années et plus, les constructeurs automobiles ont investi une fortune dans la production de véhicules diesel - avec l’appui de nombreux gouvernements - croyant qu’ils sont meilleurs pour l’environnement. Les dernières données scientifiques suggèrent que ce n’est pas le cas, et il y a même des mesures visant à limiter les voitures diesel dans certaines villes. Avec le ralentissement des ventes de diesel, les fabricants pourraient être poussés vers des alternatives plus écologiques.


REPORTAGE

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par Francesca Lefebvre

Une fiducie au service de la relève agricole Crédit photo: Canva

L’agriculture : un domaine peu connu, mais qui pourtant, nous fournit trois repas par jour. Alors que la société est confrontée à l’étalement urbain et à la spéculation par les groupes d’investissement, il semble que les fiducies d’utilité sociale agricoles (FUSA) soient une perspective d’avenir pour la relève agricole. Le 3 octobre dernier se tenait une conférence donnée par Mme Catherine Avard, agronome, et Me Julie Lebreux, notaire. Voici quelques explications sur cette avenue méconnue, mais bien intéressante.

Dans le Code civil Qu’est-ce qu’une fiducie? Selon l’article 1260 du Code civil du Québec (C.c.Q.), une fiducie est définie comme «un acte par lequel une personne, le constituant, transfère de son patrimoine à un autre patrimoine qu’il constitue, les biens qu’il affecte à une fin particulière et qu’un fiduciaire s’oblige, par le fait de son acceptation, à détenir et à administrer». Il existe

aussi plusieurs types de fiducies, comme les fiducies «à des fins personnelles, ou à des fins d’utilité privée et sociale» (art. 1266 C.c.Q.). Dans le cas des fiducies d’utilité sociale, elles servent à une communauté «dans un but d’intérêt général» (art. 1270 C.c.Q.).

L’agriculture Quel est le rapport avec l’agriculture? Les FUSA sont créées par des agriculteurs qui désirent que l’exploitation de leurs terres se poursuive, mais selon certaines conditions qu’ils décident. Par exemple, certains peuvent décider qu’elle soit utilisée uniquement pour l’agriculture

biologique, alors que d’autres pourraient exiger que la leur ne soit utilisée qu’à des fins de grandes cultures. Comme ce type de fiducie est d’utilité sociale, il s’ensuit qu’elle doit servir à la communauté : les FUSA permettent un rapport de proximité entre l’agriculteur et les consommateurs puisqu’elles fournissent de la nourriture aux communautés locales. En outre, elles ont comme objectifs de permettre à la relève de s’établir plus facilement et de protéger le territoire agricole ad vitam æternam. En effet, les fiducies d’utilité sociale agricoles sont bonnes à perpétuité, c’est-à-dire que leur affectation ne peut pas être modifiée (à moins d’un ordre de la Cour dans un cas où l’objectif de la fiducie ne peut plus être poursuivi ou s’il devient trop coûteux de le faire). Elle est insaisissable et il n’est pas possible de la vendre. Ainsi, l’agriculteur s’assure que son bien sera toujours utilisé pour poursuivre le but qu’il lui a fixé.


Comment fonctionne une fiducie d’utilité sociale agricole (FUSA) ? Processus de création Tout d’abord, l’agriculteur (le constituant) crée la FUSA par un acte notarié dans lequel il détermine l’affectation qu’aura sa terre, soit les conditions à respecter pour son exploitation. Les fiduciaires (personnes responsables d’administrer la fiducie) sont aussi déterminés par cet acte juridique. Ensuite, le constituant vend ou donne sa terre agricole à la FUSA. Il faut comprendre que le terrain est divisé en deux parties superposées distinctes : le tréfonds et la propriété superficiaire. Le tréfonds représente le dessous de la terre arable alors que la propriété superficiaire se compose de la partie cultivable et tout ce qui se trouve dessus (les produits de la récolte et les bâtiments qui peuvent être présents, comme dans le cas d’une ferme laitière). C’est le tréfonds qui est vendu ou donné par le constituant à la FUSA, alors que la propriété superficiaire est vendue, donnée ou louée à un nouvel agriculteur pour lui permettre de l’exploiter par le biais d’une servitude. Lorsque ce dernier prend sa retraite, il peut vendre sa ferme à une relève, sans avoir à lui vendre le fond de terre à un prix exorbitant. Le cycle se répète indéfiniment, et le terrain conserve la même affectation en tout temps, peu importe qui en tire profit.

Les petits «hics» Les FUSA doivent passer par plusieurs actes notariés et un certain accompagnement doit être disponible pour le constituant tout au long du processus, ce qui engendre des frais. Il peut aussi être difficile de convaincre un producteur de former une FUSA étant donné que sa terre représente souvent son fonds de pension. Puisque les fiducies n’ont pas le

Le constituant crée la FUSA.

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Le cédant donne ou vend le tréfonds à la FUSA

Il détermine son affectation et désigne les premiers fiduciaires

Le cédant donne ou vend la propriété superficiaire à une relève. L’agriculteur devient propriétaire superficiaire

L’agriculteur bénéficie d’une servitude pour l’usage de tréfonds.

L’agriculteur vend sa ferme à la juste valeur marchande

La ferme demeure abordable. L’affectation est respectée à perpétuité Crédit photo: Canva

financement pour acheter les biens à valeur marchande, cela implique que l’agriculteur doit donner ou vendre sa terre à un prix moindre, une façon de procéder qui n’est pas toujours très alléchante pour lui. En terminant, les FUSA s’adressent aux agriculteurs pour qui ce métier est une véritable passion et qui souhaitent voir ce domaine se développer encore longtemps, tout en redonnant

à la communauté. Il faut garder en tête que ce ne sont pas tous les pays du monde qui ont la chance d’avoir autant de sols cultivables. Maintenant qu’il y a de plus en plus de bouches à nourrir, l’agriculture est un sujet important qui se doit d’être connu et compris de tous. Par le maintien de la terre à l’état exploitable, c’est non seulement notre indépendance alimentaire, mais aussi notre patrimoine et notre histoire qui sont conservés.


REPORTAGE

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par Andréanne Filion

Nul n’est censé ignorer la loi. Dans le contexte juridique canadien actuel, cette expression est malheureusement plus lourde de conséquences qu’elle n’a de sens. Qui peut prétendre connaître la loi dans ses moindres détails, du plus obscur alinéa au tout dernier amendement?

En réalité, même un juriste de formation peut parfois s’y perdre, ce qui augure mal pour le reste de la population. On oublie trop souvent que l’accès à la justice repose autant sur la publicité de la loi que sur la capacité à la comprendre et à l’interpréter. Or, à quoi sert un droit si son bénéficiaire est incapable de s’en prévaloir, faute des ressources et des connaissances nécessaires?

les divers projets chapeautés par Pro Bono pour l’année 2019-2020. Au fil des discours et des discussions, il est apparu que l’accès à la justice est un enjeu actuel aux facettes multiples qui justifie l’existence d’un organisme tel que PBSC.

Le Réseau National d’étudiants Pro Bono, mieux connu sous son acronyme anglophone « PBSC », fait de l’accès à la justice son cheval de bataille depuis plus de deux décennies. Ce fut d’ailleurs la thématique sousjacente de la soirée de lancement des activités de la Section de l’Université Laval de cet organisme à but non lucratif. En effet, le 19 septembre dernier, les étudiants intéressés à postuler en tant que bénévoles furent invités à échanger avec plusieurs acteurs des mondes juridique, académique et communautaire. Étaient présents entre autres deux avocats de McCarthy Tétrault, Me Isabelle PépinLapointe et Me Mathieu Leblanc, Me Dominic Roux, Vice-doyen aux études et à l’expérience étudiante ainsi que Me Philippe-André Tessier, invité d’honneur et président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ).

L’accès à la justice ne repose pas uniquement sur l’accès à un tribunal, explique Me Tessier. Il s’agit surtout de favoriser l’accès de la population à des ressources, à des connaissances qu’une personne aurait difficilement pu acquérir par elle-même. Faisant référence aux paroles de l’Honorable René Dussault, ancien juge de la Cour d’appel, Me Tessier souligne à quel point le juriste est privilégié dans son savoir, un privilège qui lui impose l’obligation de redonner à la société en transmettant ses connaissances à son tour.

Plusieurs personnes ont également répondu à l’appel afin de représenter

L’information juridique

La transmission d’information juridique est effectivement au coeur des nombreux projets du Réseau PBSC, mais tous ne s’y prennent pas de la même façon. En effet, les initiatives visant à favoriser l’accès à la justice peuvent prendre une multitude de formes puisqu’il existe tout autant de communautés et de personnes vulnérables, chacune ayant des besoins, des réalités et


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LISTE DES PROJETS 2019-2019

François Winter, directeur général de l’organisme L’A-Droit, et Antoine Pelletier, membre de l’exécutif de la section locale de Pro Bono. Crédit photo: comité Pro Bono

des ressources différentes. Malgré cela, tous s’entendent sur la nécessité de procéder à la vulgarisation de l’information juridique afin d’en faciliter la compréhension de la part de la population. « Comment les gens vont-ils s’informer dans quelques années? » se questionne François Winter, directeur général de l’organisme A-Droit des Chaudières-Appalaches. Cette question est des plus pertinentes puisque dans un monde perpétuellement changeant, où les technologies de l’information sont désormais omniprésentes, il est important de diffuser l’information juridique de manière à rejoindre un public aussi large que possible. Ainsi, en collaboration avec le Réseau PBSC, M. Winter souhaite que l’information juridique soit enregistrée sous forme de baladodiffusions (« podcasts »), rendues disponibles sur l’application Ressources Santé Mentale. L’emploi de cette technologie aurait pour but de rejoindre les personnes qui éprouvent des difficultés de lecture, qu’elles soient analphabètes ou non voyantes, ainsi que celles qui préfèrent tout simplement entendre l’information plutôt que la lire. L’organisme Violence info opte plutôt pour une combinaison entre

une clinique d’information juridique et la rédaction d’un guide. À court terme, les femmes qui font appel à leurs services ainsi que leurs intervenantes peuvent obtenir des réponses aux questions de droit qui les préoccupent. À long terme, un guide d’information juridique destiné à cette clientèle spécifique regroupera les questions, leurs réponses ainsi que quelques notions de procédure civile (délais, formalités, etc.). Nathalie Igonène, directrice de l’organisme, espère que la diffusion de ce document permettra de favoriser l’autonomie des femmes victimes de violence et atténuera certaines de leurs craintes face au système de justice civile et pénale. L’un des plus grands obstacles à l’accès à la justice demeure encore et toujours le manque de ressources financières. Ceux qui désirent obtenir un avis juridique n’ont pas toujours les moyens de retenir les services d’un avocat, ce qui a un impact direct sur leur capacité à faire valoir leurs droits. C’est dans cette optique qu’un organisme tel que le Réseau PBSC peut faire une réelle différence, car plus il existe de services abordables ou gratuits offerts aux populations vulnérables et défavorisées, meilleures sont leurs chances d’accès à la justice.

• Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées (AQDR) • Avocats sans frontières Canada (ASFC) • Association canadienne des libertés civiles (ACLC) • Centre d’études en droit économique (CÉDÉ) • Comité logement d’aide aux locataires • AJP - Étudiant.e.s en droit d’aider • Épilepsie section de Québec • Juripop • L’A-Droit • Projet écoles • Sources vives • Violence info

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REPORTAGE

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Pourquoi s’impliquer? Les raisons de s’engager dans une cause telle que celle défendue par PBSC sont aussi nombreuses qu’elles sont uniques à chacun. L’étudiant qui choisit de faire don de son temps et de ses connaissances à des populations vulnérables et aux organismes qui les desservent peut le faire par pur altruisme ou par désir d’acquérir une expérience pratique en milieu juridique ou communautaire. À ce sujet, Me Roux souligne que l’engagement d’un étudiant en droit envers la justice sociale lui permettra de devenir un acteur de changement dans sa communauté. Il précise l’importance de l’implication Pro Bono aux yeux de la Faculté de Droit, qui a pour objectif de former des juristes capables de réfléchir et de se mobiliser face aux grands enjeux de la société, dont l’accès à la justice. On incite donc les étudiants à s’impliquer pendant leurs études dans l’espoir d’éveiller en eux le désir de le faire tout au long de leur carrière. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle McCarthy Tétrault oeuvre en partenariat avec le Réseau PBSC à l’échelle nationale depuis 2004. Comme l’indiquent Me Pépin-Lapointe et Me Leblanc, le cabinet appelle ses avocats à poser des gestes concrets auprès de la population, que ce soit en s’impliquant dans le Réseau PBSC ou en prenant en charge des causes pro bono. Un comité interne a d’ailleurs été créé afin d’effectuer la sélection des dossiers et le cabinet assume les frais de sous-traitance des demandes à caractère administratif. McCarthy Tétrault verrait l’engagement de ses ressources dans le pro bono comme un investissement dans la communauté et le bien-être de la population, un bel exemple pour tous les juristes qui oeuvrent dans le domaine privé.

Enfin, en tant qu’étudiant, il peut être difficile de concilier des études à temps plein, un emploi et une vie sociale (plus ou moins) équilibrée. Pourquoi ajouter à tout cela un engagement dans le Réseau PBSC? L’implication dans l’un des divers projets chapeautés par l’organisme offre à l’étudiant l’occasion de mettre en pratique les acquis d’une formation en droit dans un contexte concret. Il peut être très gratifiant de savoir que les quelques heures investies chaque semaine auront un impact réel sur des personnes réelles. Il s’agit d’une expérience enrichissante dont tous sortiront grandis, arborant une vision plus concrète du monde juridique et de ses enjeux. Peu importe ce qui motive la décision de s’engager, tant que le coeur y est, toutes les raisons sont bonnes pour s’impliquer auprès de sa communauté. La journaliste bénévole est aussi bénévole pour le comité Pro Bono.

À SURVEILLER Si vous regrettez d’avoir manqué votre chance de vous impliquer dans le Réseau national d’étudiants Pro Bono cette année, sachez que tout n’est pas perdu! En effet, le 21 novembre prochain se tiendra la neuvième édition du Casino Pro Bono, une soirée de financement alliant jeux de hasard, cocktails et réseautage. Il s’agit de l’occasion rêvée de s’amuser pour une bonne cause juste avant les examens finaux.

Sarah Li et Selma Adam, coordonnatrices du comité Pro Bono; le vice-recteur Dominic Roux ; le président de la CDPDJ Philippe-André Tessier ; Me Isabelle Pépin-Lapointe et Me Mathieu Leblanc, avocats chez McCarthy Tétrault. Crédit photo: Alexane Picard


Près de trente comités ou organisations dépendent de l’Association des étudiants et étudiantes en droit de l’Université Laval (AED) ou lui sont affiliés. Les possibilités pour s’impliquer, développer des compétences et découvrir les branches de notre domaine sont déjà nombreuses. Mais il semble y avoir encore de la place pour les initiatives. L’émergence de la compétition académique Enjeux du droit et du comité Justice et enjeux autochtones en est la preuve. Pleins feux sur la naissance de deux projets prometteurs.

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DEUX COMITÉS À DÉCOUVRIR

Crédit photo : Dominique Gobeil


REPORTAGE

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par Dominique Gobeil

Les multiples questions autochtones Discrimination systémique constatée par la commission Viens; accès à l’eau potable pour les communautés; représentation dans les institutions publiques; protection du territoire ancestral; sauvegarde de la culture; reconnaissance du statut de Métis; compensation des victimes des pensionnats… Les enjeux autochtones sont variés, nombreux et de plus en plus présents dans l’espace public. Ils méritent aussi d’être mis de l’avant à la Faculté de droit, plaident les coresponsables du nouveau comité Justice et enjeux autochtones de l’Université Laval.

«On était en retard quand on se compare aux autres facultés!», mentionnent les cofondateurs Laurie Beaulieu et Marc-Antoine Bolduc, en compagnie de leurs collègues Alexane Picard, Florence Tremblay et LaurieAnn Laveau. Leur comité a été reconnu officiellement à l’assemblée générale de septembre dernier de l’Association des étudiants et étudiantes en droit (AED), après un été d’efforts intenses et une année de réflexion. L’absence du mot «droit» dans le nom du comité n’est pas anodine. «Ce n’est pas un hasard, annoncent les coresponsables. Justice est un terme plus large et englobant pour nous. Aussi, on peut avoir tendance à percevoir le droit de façon très occidentalisée, par exemple, alors que les rapports de justice peuvent être perçus de façon complètement différente dans la coutume autochtone. On veut aussi s’ouvrir aux autres programmes pour parler des enjeux de façon multidisciplinaire. Les étudiants en sciences politiques, en histoire, en anthropologie… tous sont les bienvenus à participer à nos activités!» Justice et enjeux autochtones souhaite collaborer avec les autres comités de l’AED pour l’organisation d’activités, lorsque des intérêts se recoupent. Son mandat est de favoriser les conditions pour que les questions touchant les Premières Nations, les Inuits et les Métis soient davantage traitées dans les murs de l’université. Par exemple, le comité est partenaire

des Débats Face à face pour élaborer les sujets en quarts de finale du 14 novembre. «On n’a pas le monopole de la vertu ou de la vérité, assure Marc-Antoine Bolduc. Mais on ne sent pas comme des imposteurs, parce que notre but c’est que tout le monde soit plus renseigné.» «On s’implique parce que ça nous intéresse», renchérit Florence Tremblay. Notons que la représentante de première année du comité Laurie-Ann Laveau, élue en septembre, est membre de la Nation huronne-wendat de Wendake, dans la région de Québec.

Diversité et esprit critique Plusieurs enjeux ont été énumérés au début de cet article. Ils ont été pigés dans l’actualité récente. Pourtant, les coresponsables du comité se sont bien gardés de donner des exemples précis. «Il y en a tellement. On ne peut pas commencer à les hiérarchiser… On organise nos activités selon les opportunités qui se présentent à nous», commentent-ils. On souligne toutefois l’appel à l’action lancé aux écoles de droit par la Commission de vérité et de réconciliation du Canada en 2015 afin qu’un cours obligatoire soit dispensé sur les peuples autochtones. Il y aurait là l’occasion de développer davantage


33 Laurie-Ann Laveau, Florence Tremblay, Marc-Antoine Bolduc, Laurie Beaulieu et Alexane Picard composent le comité Justice et enjeux autochtones. Crédit photo : Dominique Gobeil

l’esprit critique des étudiants, estiment les membres du comité motivés par l’interculturalité. Le rapport demandait aussi que les avocats reçoivent une «formation appropriée en matière de compétences culturelles», en visant la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada. «En tant que juristes, nous pouvons être des acteurs de changement. Juste de prendre connaissance de la réalité des peuples autochtones au Canada, c’est un bon départ, soutiennent les coresponsables. Mais pour vouloir du changement, il faut voir qu’il y a un problème. En droit, les étudiants sont souvent animés par un sentiment de justice et veulent s’engager à défendre des injustices. Notre comité a donc un côté plus activiste.»

Le droit comme une science humaine Le 10 octobre, Justice et enjeux autochtones a accueilli Me Christina Caron, du bureau de Cain Lamarre à Québec, pour la première conférence du comité. L’avocate est titulaire d’une maîtrise spécialisée en droit constitutionnel et autochtone et a entamé en 2016 un doctorat en sociologie du droit.

«Elle a abordé le droit autochtone comme une science humaine et a parlé des mythes qu’on peut avoir sur la profession. Par exemple, être spécialisée dans ce domaine ne veut pas dire qu’il faut toujours aller dans le Nord chez les communautés. Il y a beaucoup de travail à distance possible avec les technologies», relatent Laurie Beaulieu et Marc-Antoine Bolduc. En travaillant en pratique privée, M Caron peut accompagner les clients autochtones dans leurs démarches pour défendre leurs intérêts contre le gouvernement. «Elle a développé une précieuse expérience en matière de revendications particulières mettant en cause les obligations fiduciaires de la Couronne fédérale envers les Premières Nations», peut-on lire sur le site Internet de Cain Lamarre. e

«Il y a plusieurs branches au sein du droit autochtone», rappelle aussi le comité.

Prochaines activités La commissaire Michèle Audette, de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, prononcera une conférence le 20 novembre sur l’heure du dîner à l’invitation du comité. Ori-

«En tant que juristes, nous pouvons être des acteurs de changement. [...] Mais pour vouloir du changement, il faut voir qu’il y a un problème.» ginaire de la communauté innue de Uashat-Maliotenam sur la Côte-Nord, Mme Audette a entre autres présidé l’Association des femmes autochtones du Canada. Le 6 novembre, les curieux sont aussi conviés à un atelier de couvertures où la culture autochtone sera à l’honneur. Pour la petite histoire, c’est après avoir participé à cette activité l’an dernier que les cofondateurs du comité ont décidé d’unir leurs forces. «J’avais déjà pensé au projet de mon côté, mais ç’a connecté avec Laurie! Il y avait au début des réserves à ce qu’un nouveau comité soit formé, puisqu’il y en a déjà beaucoup, mais finalement on a senti de l’ouverture», raconte Marc-Antoine Bolduc, soucieux de la pérennité de ce projet. Une campagne de financement a d’ailleurs été organisée plus tôt durant la session, avec la vente de produits zéro déchet.


REPORTAGE

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Au centre, les cofondateurs Catherine Hébert et Mathieu Brisson sont entourés du reste de leur équipe, soit Francis Boivin-Desgagné, Charlotte Lessard-Hamel, Samuel Gendron et Jasmine Godin. Crédit photo : fournie par le comité Enjeux du droit

Lundi 23 septembre 2019, huit heures du matin. Une nouvelle compétition juridique est née, les inscriptions sont commencées. Une compétition universitaire inconnue, fraîchement sortie de l’imagination de deux troisièmes années. Des mois de travail passés dans l’ombre sont enfin révélés au grand jour : trois volets compétitifs diversifiés, six cas d’espèce variés, de nombreux partenaires de divers milieux et surtout, un évènement qui se veut incontournable. Il n’en faut pas plus pour éveiller la curiosité. Il est maintenant onze heures du matin, les deux semaines d’inscriptions sont terminées : les Enjeux du droit affichent complet.


35 par Annie Côté

Quand le droit est un jeu Ce sont 108 étudiantes et étudiants de la faculté de droit de l’université Laval qui ont répondu à l’appel des Enjeux du droit le lundi 23 septembre 2019 dernier. Basée sur le principe de la résolution de cas et inspirée des nombreux jeux similaires des programmes en administration, cette toute nouvelle compétition a pour objectif de permettre aux apprentis juristes d’appliquer dans un contexte pratique les notions théoriques vues au baccalauréat. La mission? «Rassembler des acteurs juridiques et du milieu des affaires annuellement avec des étudiants de droit», dans un cadre ludique, pour «que ressortent des idées novatrices sur des enjeux juridiques», résument les cofondateurs. D’où le nom, d’ailleurs, de la compétition. C’est du moins ce que souhaitent Catherine Hébert et Mathieu Brisson, cofondateurs et coprésidents des Enjeux du droit. Devant créer un projet d’affaires dans le cadre du profil entrepreneurial du baccalauréat en droit, ils ont été inspirés par des compétitions équivalentes du milieu de l’administration, tels les Jeux du Commerce, le Happening Marketing, l’Omnium Financier et le Symposium GRH. Ces compétitions formatrices et reconnues sur le marché du travail marquent le parcours universitaire de ses participants et amplifient le sentiment d’appartenance de la communauté étudiante envers son université. C’est d’ailleurs le but de nos deux entrepreneurs, de faire de cette compétition «un incontournable pour tous les étudiants en droit». Pour recréer ce sentiment d’appartenance à plus petite échelle dans la faculté, quoi de mieux que de regrou-

per les 36 équipes en trois grandes maisons, appelées «délégations», qui se feront compétition pour remporter la Coupe des Enjeux du droit. «Le but est de créer des liens d’amitié [au sein des équipes], pas juste des liens professionnels», ajoute Catherine. Un cocktail ouvrira la compétition le vendredi 17 janvier 2020 en soirée. Le cœur de la compétition aura lieu dès le lendemain matin, où les 108 étudiantes et étudiants participants, inscrits en 36 équipes de trois personnes, «dispose[ront] de quelques heures pour résoudre un cas juridique ou entrepreneurial», peut-on lire sur une publication des Enjeux du droit. À la fin de la résolution de cas, chaque équipe disposera de 15 minutes pour livrer sa réponse devant «un panel de juges composés d’avocats, professeurs, entrepreneurs, comptables et juges». Les cas portent sur des domaines variés du droit et de l’entrepreneuriat pour rejoindre les goûts du plus grand nombre possible. Enfin, les équipes qui résoudront des cas davantage de type «académique» participeront également au Quiz des Codes rouges, jeu-questionnaire mettant de l’avant la rapidité des équipes à trouver une réponse dans leurs codes civil et de procédure civile. Tant les résultats des résolutions de cas que ceux du Quiz seront comptabilisés pour déclarer les équipes gagnantes. Un souper-gala en soirée clôturera la compétition avec remises de prix et de la Coupe des Enjeux du droit. Bien que le cœur de la compétition soit concentré le temps d’une seule journée, l’expérience est enrichie d’activi-

tés et conférences qui auront lieu tout au long de l’année universitaire. Sont au rendez-vous deux conférences à l’automne sur les finances personnelles et la communication respectivement, et une à l’hiver sur l’entrée sur le marché du travail. Au surplus, un grand panel d’entrepreneurs d’ici, le 27 novembre prochain, «où entrepreneuriat et droit se rencontrent», explique les cofondateurs. Et tout cela sans compter les activités organisées par les coordonnateurs des délégations! Une compétition d’une telle envergure ne se crée bien évidemment pas toute seule. Les cofondateurs, qui ont travaillé dans l’ombre pendant des mois avant d’annoncer la compétition, ont investi temps et argent dans ce beau projet qui leur tient à cœur. Ils ont également reçu l’aide d’un mentor, Pierre-Antoine Lavoie, ex-président des Jeux du Commerce et du Happening Marketing, et l’aval de nombreux commanditaires souhaitant ardemment investir dans le projet. «C’était rassurant d’avoir une personne-ressource [et] une aussi belle réponse des partenaires, de la faculté et des étudiants», explique Mathieu. «L’objectif à long terme est aussi de léguer cette compétition à la faculté [et] d’en faire une compétition de niveau provincial», ajoute Catherine, d’où l’importance de faire de cette compétition une compétition «solide». Et la réponse des étudiants dans tout cela? Il semble qu’ils n’auraient pu rêver mieux. La journaliste bénévole est aussi inscrite à la compétition.


UNE SESSION EN CAMPAGNE ÉLECTORALE Le 21 octobre, les citoyens ont élu les députés de la 43e législature du Parlement du Canada. La campagne électorale a rythmé la première moitié de la session d’automne et Le Verdict s’en est inspiré pour le thème de sa première série de portraits. Dans chaque édition, des pratiques du droit méconnues et des parcours scolaires hors de l’ordinaire vous seront présentés. Pour ce numéro, découvrez la vie d’un juriste chez Élections Canada et l’implication d’une étudiante de deuxième année comme candidate.

Crédit photo : Canva


PORTRAIT

37 par Dominique Gobeil

ME JEAN-FRANÇOIS MORIN

Carburer aux élections Conseiller juridique chez Élections Canada, Me JeanFrançois Morin se dit avant tout «passionné par la démocratie». Alors que la campagne électorale fédérale représente une période d’ébullition pour le service juridique, la motivation est à son comble pour celui diplômé en 2003 du baccalauréat en droit de l’Université Laval. «En droit, on fait souvent la distinction entre une obligation de moyens et une obligation de résultat. Pour moi, on parle ici de la deuxième. On ne peut pas se réveiller le lendemain du scrutin en se disant qu’on a fait de notre mieux, mais que ce n’a pas marché!», indique le membre du Barreau du Québec, assermenté en 2005. Me Morin n’aurait jamais pensé travailler en droit électoral lorsqu’il étudiait au baccalauréat. Le droit autochtone ou le droit fiscal étaient plutôt dans ses préférences. Mais il a participé durant quatre ans au Parlement Jeunesse du Québec, une simulation non partisane se déroulant à l’Assemblée nationale durant le temps des Fêtes. C’est surtout le processus de création des lois qui

Me Jean-François Morin lors d’une intervention au comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Crédit photo : Sénat du Canada

l’intéressait, lui qui ne s’est jamais impliqué dans un parti. Comme stagiaire, Me Jean-François Morin a travaillé pour le Directeur général des élections du Québec, où il a oeuvré trois ans. Il a vécu les élections générales municipales de 2005 et celles provinciales de 2007, avant de déménager à Ottawa en 2008. Il a aussi été envoyé à l’international comme expert technique pour l’Organisation des Nations Unies, lors des élections présidentielles en République démocratique du Congo.

mation, Me Morin retrouve en campagne électorale un certain «esprit de corps», comme lors de son passage dans les Forces armées canadiennes.

«J’ai une carrière sinueuse, commente-t-il en riant. J’ai eu un hiatus militaire de 2016 à 2018.»

«Le travail évolue beaucoup en fonction du cycle électoral», convient Me Jean-François Morin, qui se trouve «toujours très occupé». Au moment de l’entrevue téléphonique, la période de candidature venait juste d’être clôturée. Les directeurs de scrutin disposaient alors de 48 heures pour confirmer les candidatures, et beaucoup de questions à ce sujet étaient posées au conseiller juridique. Celles-ci peuvent émaner des 338 circonscriptions à travers le pays.

Soucieux de fournir aux électeurs et aux candidats la bonne infor-

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Les tâches au service juridique sont très variées. Par exemple, juste après une élection, Me Morin peut être appelé à se déplacer dans une circonscription où se tient un dépouillement judiciaire. Son rôle consiste alors à assister le juge, le directeur de scrutin et les partis, en toute indépendance. En matière de règles électorales spéciales, «le directeur général des élections peut prendre les instructions qu’il juge nécessaires pour en réaliser l’objet» (article 179, Loi électorale du Canada). Il sera alors conseillé par les avocats à son service, comme Me Morin. Sa mission est notamment de diriger et de surveiller les opérations électorales, de veiller à ce que les fonctionnaires électoraux agissent avec équité et impartialité et de donner des instructions aux fonctionnaires électoraux (article 16). Notons que le directeur relève directement du Parlement, et non d’un ministre. Lorsqu’il s’agit de mener des enquêtes

quant à l’application de la loi, c’est plutôt le Commissaire aux élections fédérales qui s’en occupe. Le service juridique d’Élections Canada est sollicité pour la mise à jour de la Loi électorale. Les avocats doivent alors répondre aux questions des parlementaires. Le directeur général des élections a aussi la tâche d’établir des lignes directrices et des notes d’interprétation, qu’on retrouve sur son son site Internet. Celles-ci portent sur des sujets variés, comme la publicité électorale sur le Web ou l’usage des cryptomonnaies. «Ce ne sont pas des questions que le législateur avait en tête lors de la rédaction de la loi», exprime Me Jean-François Morin. S’il y a une chose sur laquelle l’avocat insiste, c’est bien l’importance d’assurer l’intégrité du processus électoral. Car après tout, le droit de vote et celui de se porter candidat sont garantis à l’article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés.

APPEL À TOUS

Vous connaissez un étudiant qui sort des sentiers battus tout en suivant les cours du baccalauréat en droit? Les bons coups des juristes en formation méritent aussi d’être soulignés. Écriveznous pour nous parler de vos histoires!

Natasha Tremblay n’incarne pas exactement le portrait classique d’une candidate à l’élection fédérale. En plus de tenter de se faire une place parmi les sièges à la Chambre des communes à Ottawa, la candidate du Parti conservateur dans la circonscription fédérale Avignon–La Mitis–Matane– Matapédia étudie en droit à l’Université Laval. En entrevue avec Le Verdict, au pavillon Charles-De Koninck immédiatement après un cours de droit pénal, la «candidate-étudiante» nous a exposé les hauts et les bas de la conciliation étude et politique. Au moment d’écrire ces lignes, Natasha Tremblay est troisième dans les sondages avec 10 % des voix. Attachée politique du conservateur Peter Van Loan à temps plein pendant quatre mois, Natasha est rapidement tombée en amour avec la politique. En septembre dernier le Parti conservateur l’a approché afin qu’elle se présente comme candidate, Sans hésitation, elle a accepté. C’est donc lors de sa première semaine de cours du trimestre d’automne que Natasha a entamé une course contre la montre


PORTRAIT

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par Simone Pilote Vice-présidente au marketing

NATASHA TREMBLAY

Passionnée de politique la politique. Comme le député est un législateur, mes études me permettront de bien comprendre les projets de loi et tout ce qui concerne le fonctionnement du système fédéral», déclare la candidate conservatrice. Elle se présente à ses trois cours hebdomadaires, en plus de participer à l’école d’automne sur l’Union européenne lors de la semaine de lecture. Nécessairement, il y a eu une période d’adaptation, mais rapidement elle a trouvé l’équilibre nécessaire entre les lectures et la campagne. C’est la fin de semaine qu’elle se rend dans sa circonscription. Ses déplacements lui prennent beaucoup de temps. En effet, le territoire de sa circonscription s’étend sur deux vastes régions administratives québécoises, soient le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie-Îlesde-la-Madeleine. Il ne lui faut surtout pas sous-estimer le temps de la route. «Lorsque je me rends à Matane, cela me prend environ 3 heures 30 minutes, mais conduire jusqu’à Carleton représente le double du temps», souligne l’étudiante en droit. Lorsqu’elle est à Québec, elle fait campagne principalement grâce aux réseaux sociaux.

Crédit photo : Dominique Gobeil

jusqu’au 21 octobre, le jour de scrutin. La conciliation école et politique n’est pas sans repos! Mais pas question de négliger les études pour Natasha.

«L’école est tout aussi importante que les élections. Je considère une formation juridique particulièrement utile pour toute personne désirant faire de

Peu importe le résultat, l’étudiante de deuxième année à la faculté voit cette expérience comme un apprentissage extraordinaire. «Aux dernières élections, l’ancien candidat avait obtenu 6 % des voix alors que moi, selon les sondages, je peux compter sur 10 % de l’électorat. Il s’agit à d’un excellent début», confie-t-elle.


APPEL DE TEXTES 25 NOVEMBRE Pour la prochaine édition à paraître en décembre, laissez-vous inspirer par notre thématique sur la santé, les sciences et les technologies! Portraits, chroniques, poèmes, reportages... tous les genres sont permis. Des sujets d’entrevue peuvent vous être proposés. Il est également possible d’écrire sur tout ce qui vous tient à coeur. Venez discuter de votre idée via notre page Facebook!


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