4 minute read

Les multiples questions autochtones| DOMINIQUE GOBEIL

par Dominique Gobeil

Les multiples questions autochtones

Advertisement

Discrimination systémique constatée par la commission Viens; accès à l’eau potable pour les communautés; représentation dans les institutions publiques; protection du territoire ancestral; sauvegarde de la culture; reconnaissance du statut de Métis; compensation des victimes des pensionnats… Les enjeux autochtones sont variés, nombreux et de plus en plus présents dans l’espace public. Ils méritent aussi d’être mis de l’avant à la Faculté de droit, plaident les coresponsables du nouveau comité Justice et enjeux autochtones de l’Université Laval.

«On était en retard quand on se compare aux autres facultés!», mentionnent les cofondateurs Laurie Beaulieu et Marc-Antoine Bolduc, en compagnie de leurs collègues Alexane Picard, Florence Tremblay et LaurieAnn Laveau. Leur comité a été reconnu officiellement à l’assemblée générale de septembre dernier de l’Association des étudiants et étudiantes en droit (AED), après un été d’efforts intenses et une année de réflexion.

L’absence du mot «droit» dans le nom du comité n’est pas anodine. «Ce n’est pas un hasard, annoncent les coresponsables. Justice est un terme plus large et englobant pour nous. Aussi, on peut avoir tendance à percevoir le droit de façon très occidentalisée, par exemple, alors que les rapports de justice peuvent être perçus de façon complètement différente dans la coutume autochtone. On veut aussi s’ouvrir aux autres programmes pour parler des enjeux de façon multidisciplinaire. Les étudiants en sciences politiques, en histoire, en anthropologie… tous sont les bienvenus à participer à nos activités!»

Justice et enjeux autochtones souhaite collaborer avec les autres comités de l’AED pour l’organisation d’activités, lorsque des intérêts se recoupent. Son mandat est de favoriser les conditions pour que les questions touchant les Premières Nations, les Inuits et les Métis soient davantage traitées dans les murs de l’université. Par exemple, le comité est partenaire des Débats Face à face pour élaborer les sujets en quarts de finale du 14 novembre.

«On n’a pas le monopole de la vertu ou de la vérité, assure Marc-Antoine Bolduc. Mais on ne sent pas comme des imposteurs, parce que notre but c’est que tout le monde soit plus renseigné.»

«On s’implique parce que ça nous intéresse», renchérit Florence Tremblay.

Notons que la représentante de première année du comité Laurie-Ann Laveau, élue en septembre, est membre de la Nation huronne-wendat de Wendake, dans la région de Québec.

Diversité et esprit critique

Plusieurs enjeux ont été énumérés au début de cet article. Ils ont été pigés dans l’actualité récente. Pourtant, les coresponsables du comité se sont bien gardés de donner des exemples précis. «Il y en a tellement. On ne peut pas commencer à les hiérarchiser… On organise nos activités selon les opportunités qui se présentent à nous», commentent-ils.

On souligne toutefois l’appel à l’action lancé aux écoles de droit par la Commission de vérité et de réconciliation du Canada en 2015 afin qu’un cours obligatoire soit dispensé sur les peuples autochtones. Il y aurait là l’occasion de développer davantage l’esprit critique des étudiants, estiment les membres du comité motivés par l’interculturalité.

Laurie-Ann Laveau, Florence Tremblay, Marc-Antoine Bolduc, Laurie Beaulieu et Alexane Picard composent le comité Justice et enjeux autochtones.

Laurie-Ann Laveau, Florence Tremblay, Marc-Antoine Bolduc, Laurie Beaulieu et Alexane Picard composent le comité Justice et enjeux autochtones.

Le Verdict

Le rapport demandait aussi que les avocats reçoivent une «formation appropriée en matière de compétences culturelles», en visant la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada.

«En tant que juristes, nous pouvons être des acteurs de changement. Juste de prendre connaissance de la réalité des peuples autochtones au Canada, c’est un bon départ, soutiennent les coresponsables. Mais pour vouloir du changement, il faut voir qu’il y a un problème. En droit, les étudiants sont souvent animés par un sentiment de justice et veulent s’engager à défendre des injustices. Notre comité a donc un côté plus activiste.»

Le droit comme une science humaine

Le 10 octobre, Justice et enjeux autochtones a accueilli M e Christina Caron, du bureau de Cain Lamarre à Québec, pour la première conférence du comité. L’avocate est titulaire d’une maîtrise spécialisée en droit constitutionnel et autochtone et a entamé en 2016 un doctorat en sociologie du droit. «Elle a abordé le droit autochtone comme une science humaine et a parlé des mythes qu’on peut avoir sur la profession. Par exemple, être spécialisée dans ce domaine ne veut pas dire qu’il faut toujours aller dans le Nord chez les communautés. Il y a beaucoup de travail à distance possible avec les technologies», relatent Laurie Beaulieu et Marc-Antoine Bolduc.

En travaillant en pratique privée, M e Caron peut accompagner les clients autochtones dans leurs démarches pour défendre leurs intérêts contre le gouvernement. «Elle a développé une précieuse expérience en matière de revendications particulières mettant en cause les obligations fiduciaires de la Couronne fédérale envers les Premières Nations», peut-on lire sur le site Internet de Cain Lamarre.

«Il y a plusieurs branches au sein du droit autochtone», rappelle aussi le comité.

«En tant que juristes, nous pouvons être des acteurs de changement. [...] Mais pour vouloir du changement, il faut voir qu’il y a un problème.»