Le Verdict | numéro janvier — février 2020

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JANVIER - FÉVRIER 2020 JOURNAL DES ÉTUDIANTS EN DROIT UNIVERSITÉ LAVAL

DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE

Économie sociale — Précarité financière — Croissance chez Stein Monast — Étudiants entrepreneurs — Liberté financière — Modèle alternatif


SOMMAIRE

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DOSSIER DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE Entre deux mondes

Simone Pilote

Projet observation 11

Les oubliés de la prospérité Lisa Say 14 Stein Monast : un cabinet où s’épanouir 16

Philippe Lavoie-Paradis Portraits d’étudiants entrepreneurs Dominique Gobeil

William Bolduc 6 Ironique Comment punir les riches pour leur succès M. Gros Bon-Sens

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24

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Automobile

40 ans, toutes ses dents... et beaucoup d’argent! Francesca Lefebvre

La Thaïlande, le royaume souriant

Sony, le géant de l’automobile Patrick Baghdisar

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ACTUALITÉS Colloque FEDQ : récit d’un débat légendaire Paul-David Chouinard

4 4

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ÉQUIPE Dominique Gobeil

RÉFLEXION

Rédactrice en chef

Éthique et réfugiés 31

Shawn Foster

Philippe Lavoie-Paradis

Vice-président finances

Simone Pilote

Vice-présidente marketing

Analyse

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Ward c. Gabriel : la liberté d’expression sans filtre

Représentant 1re année Photographe

28

Claire Menvrès

POÉSIE

Patrick Baghdisar

34

mots à mes maux

Eugénie-Laurence Fafard Drareni 34

Révision des textes Photo à la une Dominique Gobeil

Patrick Baghdisar

Mise en page

leverdict.redaction @gmail.com

Dominique Gobeil

Nous joindre :

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ACTUALITÉS

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Colloque FEDQ : récit d’un débat légendaire

«La vie, c’est comme une boîte de chocolats : on ne sait jamais sur quoi on va tomber.»

Cette phrase prononce par un certain Forest Gump est à l’image de la dernière journée du Colloque 2020 de la Fédération des étudiants en droit du Québec (FEDQ). Nous étions au lendemain d’une soirée bien arrosée. Pour clore notre fin de semaine à Sherbrooke, un débat était organisé entre les différentes universités. Nous devions débattre du bien-fondé de la nouvelle loi sur la laïcité du Québec, contre les étudiants de McGill, une tâche qui s’annonçait corsée, mais pas insurmontable. Un seul détail posait problème et pas le moindre : aucun étudiant de Laval n’avait préparé de texte. La pire humiliation de l’histoire de la fac se profilait dangereusement à l’horizon. Après concertation, on décida à l’unanimité de revenir à Québec. Tant pis pour le décorum et la politesse. Les organisateurs de Sherbrooke tentèrent par tous les moyens de nous faire participer au débat. Aucun argument ne réussit à convaincre les étudiants entêtés que nous sommes à revenir sur notre décision. C’était avant que les fins esprits de la fac de Sherbrooke ne décident de sortir leur argument béton : «1000 $ de pizzas vous attendent». Il n’en fallait pas plus pour convaincre nos ventres affamés.

Nous nous rendîmes donc au pavillon des sciences pour manger ladite pizza. Quelle ne fut pas notre surprise de voir un auditorium plein à craquer avec un panel d’experts en droit. Bref, tout était en place pour commencer le débat. Nous décidâmes de rebrousser chemin, mais les étudiants de Sherbrooke avaient pensé à tout. Ils avaient averti notre chauffeur d’autobus d’attendre la fin du débat avant de partir. Ils nous avaient tendu un piège! Nous étions sans issue. Après quelques moments de tergiversation, nous nous résignions à assister aux autres débats, sans avoir la moindre idée de la manière avec laquelle nous allions nous sortir de ce pétrin.

Les autres débats débutèrent. À peine eut-on entendu les premiers arguments de l’Université de Montréal que nous savions notre sort scellé. Nous n’avions aucune chance de faire tête aux discours étoffés des autres universités. Notre moral était au plus bas. L’honneur de notre faculté allait être entaché à jamais. Mais alors que nous ne nous faisions plus aucun espoir, deux étudiants de Laval — Frédéric Côté et Dominique Gobeil — décidèrent de prendre les choses en main. Ils allaient participer à ce débat contre McGill un point c’est tout. L’honneur de notre université était en jeu! Armé de son assiette en carton tachée de sauce à pizza sur laquelle il avait écrit les grandes lignes de son discours, Fred arriva sur scène avec la confiance

d’un jeune avocat à sa première plaidoirie. Dominique l’accompagnait, munie de quelques notes gribouillées sur un morceau de papier dans les minutes précédant le débat. Pas besoin d’avoir la tête à Einstein pour comprendre que nous n’étions pas dans une situation idéale pour l’emporter.

Tensions dans l’air L’atmosphère était tendue. Les cœurs de tous les étudiants de l’Université Laval présents battaient au même rythme que ceux de nos deux fiers représentants. Le débat débuta par une présentation impeccable des étudiants de McGill qui, fidèles à leur réputation, faisaient étalage de toute leur éloquence. Puis vint le tour de l’Université Laval. Dominique lança les hostilités avec cette boutade : «On s’excuse si notre présentation semble improvisée... Ça vous rappellera peut-être un reproche fait à la CAQ, c’est-à-dire d’avoir improvisé la loi sur la laïcité». Tonnerre d’applaudissements! Les étudiants de McGill étaient bouche bée! Les visages mi- surpris mi-offusqués des juges valaient le détour. Dominique se lança ensuite dans une longue tirade. Elle présenta ses arguments de manière claire et concise. Personne n’aurait pu prévoir que ce discours avait été préparé quelques minutes auparavant.


5 par Paul-David Chouinard Puis vint le tour de Fred. Conscient du peu d’arguments dont il disposait, il décida d’adopter l’approche humoristique. Son anecdote sur son enseignante à l’école primaire qui portait un signe religieux, une dénommée MarieMarthe, fit rire toute l’assistance. Fred, voyant l’engouement créé par son premier argument, décida d’en remettre une couche : «Tant qu’à lui enlever son voile, on ne va pas aussi lui demander de se couper une main». Il n’en fallait pas plus pour créer un éclat de rire général. Tant les étudiants de Sherbrooke que ceux de Montréal s’esclaffaient bruyamment. Les étudiants de McGill revinrent avec leur contre-argument tout aussi bien structuré que l’était leur introduction. Lorsque l’étudiante de McGill fit mention de l’argument basé sur Marie-Marthe, Fred ne se gêna pas pour lui couper pour la parole en plein discours afin de corriger sa prononciation du prénom. Dominique conclut le débat avec brio, en résumant l’ensemble de ses arguments avec justesse et clarté. Les étudiants de toutes les universités applaudirent à la fin de ce débat, qui fut on ne peut plus divertissant. Lorsque les juges allèrent en délibéré, personne ne se faisait d’espoir sur les chances de succès de l’Université Laval. Pourtant, tous les étudiants avaient le sourire aux lèvres : nos deux courageux venaient de nous sauver d’une humiliation quasi inévitable. Ils avaient parfaitement remonté la barre et nous ne pouvions que nous en réjouir. Mieux, ils avaient diverti 200 étudiants en droit de toutes les universités au Québec.

Mème réalisé par Jeanne Bellavance ; tiré de Facebook

Ce dîner pizza réserva donc son lot de surprises. Bien qu’au final, les juges accordèrent la victoire à McGill, ils tinrent à souligner la résilience et le courage de Dominique et Frédéric. De quoi finir le colloque sur une bonne note. Forest Gump avait raison : quand on ouvre une boîte de chocolat, on n’est jamais certain de ce qu’on va découvrir. Dans notre cas, la boîte de chocolat nous fit passer par toute la gamme

des émotions certes, mais de belles émotions. Elle nous permit de révéler au grand jour le courage et la détermination de deux personnes dévouées pour leur faculté. C’est un débat dont on parlera encore dans les mois, voire les années à venir. Mais je suis certain qu’on en parlera pour les bonnes raisons. C’est ce qui en fait un événement mémorable.


PROJET

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THAÏLANDE Le «royaume

Habitants

67 millions Système juridique

civil

Capitale

Bangkok Chef d’État

Roi Rama X Régime

Monarchie constitutionelle

Cette nouvelle section du journal a pour but de faire connaître le droit à travers le monde en s’éloignant des systèmes juridiques que les étudiants en droit au Québec ont l’habitude d’étudier. Un pays à la fois sera observé brièvement, à travers le droit public (notamment la constitution) et le droit international en relation avec ce pays. Ayant vécu plusieurs années en Asie, j’ai personnellement plus d’expérience avec ce continent, mais des pays partout à travers la planète seront également observés. Pour commencer, j’aimerais vous présenter la Thaïlande, le «royaume souriant». Quoiqu’à l’autre bout du monde, il est surprenant de découvrir de nombreux éléments similaires à notre système canadien et québécois. Pour obtenir de l’information, j’ai eu l’aide de deux étudiants universitaires de Bangkok, Sinee et Chayut, deux grands amis à moi. Malgré mes connaissances en langues asiatiques, je ne peux parler thaïlandais, nos discussions se sont donc déroulées en français et en anglais.


OBSERVATION 7

par William Bolduc La Thaïlande est un pays de l’Asie du Sud-Est avec une longue et passionnante histoire portée par un peuple fier. L’histoire du droit dans ce pays remonte à bien longtemps. Pour des raisons historiques, la Thaïlande, qui n’a jamais été une colonie, a tout de même été forcée par les puissances occidentales à se «civiliser» durant le 19e siècle et au début du 20e siècle, ce qui a en quelque sorte provoquer la modernisation du pays. Se basant sur le droit allemand et japonais, avec quelques éléments du droit français et suisse, le royaume de Siam a pu construire son propre système de droit.

souriant»

Durant le règne de Rama V, il fut décidé d’avoir un système de droit civil. Le fils du roi ayant étudié au RoyaumeUni, quelques éléments du droit procédural thaïlandais fut basé sur la common law. Donc, la Thaïlande a un droit civil dans lequel le demandeur, et non la cour, a le fardeau de la preuve, sauf exceptions. Évidemment, ce pays a également un code civil et commercial, qui fut adopté durant les années 1920. La première constitution du royaume de Siam fut celle du règne du roi Rama VII en 1932. La modification la plus récente fut celle de 2017 confirmée par référendum national. La section 2 et 3 de la constitution du royaume de Thaïlande énoncent que la Thaïlande a un régime démocratique bicaméral avec le roi comme chef d’État. Certains articles protègent le roi et sa famille de manière absolue. En effet, l’article 112 du code criminel empêche quiconque de dire du mal sur ceux-ci (lèse-majesté). Le rôle du roi est surprenamment le contraire de la Couronne canadienne dans sa constitution formelle. Crédit photo : Canva

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PROJET

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En théorie, le roi n’a pas de pouvoir accordé par la constitution, sauf pour ce qui est de la sanction royale d’un projet de loi voté par le parlement dans lequel il a l’obligation de l’accorder. En pratique, son peuple et les leaders du pays ont un énorme respect pour leur roi et ont aussi tendance respecter son opinion. Il existe un article (section 5) similaire à l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 dans lequel il est déclaré que la constitution est la loi suprême du pays. La constitution fait aussi clairement mention des conventions constitutionnelles dans cette même section. Ceux-ci fonctionnent de manière similaire au Canada avec un accent sur le roi et sa protection. Une grande partie de la constitution est dévolue à la protection de la personne. Il est également intéressant d’observer le chapitre IV qui énonce les obligations des habitants, notamment l’obligation de servir dans les forces armées (section 50). La Thaïlande est un pays dualiste dans lequel une loi en droit interne doit être adoptée pour mettre en application un traité international. En 1963, la Thaïlande (avec l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines et Singapour) créa l’organisation intergouvernementale régionale ASEAN. Aujourd’hui, avec 10 pays membres comprenant 647 million d’habitants, cette organisation a pour but de créer un libre marché économique dans l’Asie du Sud-Est. Malheureusement pour la Thaïlande, cela n’a pas beaucoup d’impact pour le pays. L’une des plus grandes réussites fut l’échange de travailleurs professionnels (notamment les médecins, architectes, ingénieurs et infirmières) à travers les frontières des pays membres. Selon Sinee et Chayut, il est plus juste de considérer cette organisation comme un sommet des leaders similaire au G7 pour discuter.

Parcours de juriste Sinee, âgée de 19 ans, est présentement à sa dernière année à la faculté de droit de son université. Après avoir suivi un parcours similaire au Québec avec le senior high school (secondaire 4, 5 et 6), Sinee est en-

trée à la faculté de droit, mais en ayant déjà fait des cours de droit au secondaire. Il existe l’école et l’examen du barreau thaïlandais qui permettent de travailler comme juriste au gouvernement, ce dont Sinee a l’intention de faire dès l’année prochaine.


OBSERVATION 99

Normalement, cette étape prend plus d’un an à être accomplie. Il n’est tout de fois pas nécessaire de passer par cette école pour travailler en droit privé. L’objectif de Sinee est de devenir juge et pour y arriver, il est nécessaire d’avoir minimum 25 ans d’âge et deux ans de pratique légale. Des critères similaires sont applicables pour

devenir procureur. Pour la pratique légale obligatoire, Sinee a l’intention d’enseigner la loi à l’université pour gagner de l’expérience dans divers domaines légaux. Par la suite, après avoir passé un examen bien difficile, elle pourra ainsi réaliser son rêve de juriste, devenir juge.

La figure mythique de Garuda représente l’emblême des monarques thaïlandais et du pays.

Sinee Ittiwannaphong Faculty of Law, Ramkhamhaeng University

Le pavillon royal est situé au coeur du parc floral de Rajapruek, près de Chiang Maï. Crédit photo : Canva

Chayut Ittiwannaphong Faculty of Arts, Chulalongkorn University


DOSSIER

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DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE


11 par Simone Pilote

Entre deux mondes LA CONCILIATION DES ENTREPRISES D’ÉCONOMIE SOCIALE ET DES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS

L’entreprise à profit traditionnelle perd petit à petit en popularité maintenant que l’impact social semble nécessaire à sa survie. En effet, une lutte entre deux courants se faufile à travers l’administration des entreprises. D’une part, l’un porté principalement par les jeunes souhaite un changement social, et l’autre, représenté par les générations plus âgées, continue à avoir comme premier objectif de maximiser les profits. Comment peut-on alors réunir ces deux écoles de pensées? Pourtant, la conciliation de ces deux objectifs apparaît maintenant possible. Crédit photo : Patrick Baghdisar

«On réfléchit aux entreprises d’économie sociale et entreprises traditionnelles comme deux silos, deux gestions et idées complètement différentes. Toutefois, les lignes entre les deux commencent à devenir réellement floues», avance le professeur agrégé à la Faculté de droit de l’Université Laval, Ivan Tchotourian. Selon la Loi sur l’économie sociale (RLRQ, chapitre E-1.1.1), l’entreprise d’économie sociale exerce des activités économiques à des fins sociales, c’est-à-dire qu’elle vend ou échange des biens et services non pas dans le but de faire du profit, mais plutôt dans celui de répondre aux besoins de ses membres ou de la communauté qui l’accueille. Elle prend la forme de coopératives, de mutuelles ou d’organismes à but non lucratif exerçant des activités marchandes. Depuis quelques années, le concept d’économie sociale opère de nombreux changements au niveau juridique. En 2013, Industrie Canada a consacré un chapitre entier à la «structure de constitution en société pour les entreprises socialement responsables» dans sa réforme future de la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Au Québec, la Loi sur l’économie sociale a reconnu la contribution de l’économie sociale au développement socioéconomique du Québec et a affirmé promouvoir et Suite page 12


DOSSIER

12

Suite de la page 11

soutenir le développement de l’économie sociale. Finalement, le gouvernement provincial a publié son Plan d’action gouvernementale en économie sociale pour 2015-2020. Au Québec, on compte 11 200 entreprises d’économie sociale réparties dans tous les secteurs d’activités. Présentes partout dans la province, elles génèrent annuellement 47,8 G $ de revenus , lesquels sont réinvestis dans leur mission et dans la communauté. Elles emploient 220 000 personnes. L’économie sociale est une façon d’entreprendre qui rejoint beaucoup la jeunesse, et ce, pour ses valeurs. Selon un sondage sur l’entrepreneuriat chez les moins de 35 ans au Québec réalisé par Léger pour le Chantier d’économie sociale, 82 % des Québécois âgés de 18 à 34 ans jugent important d’évoluer dans une organisation qui répond aux besoins de ses membres ou de la communauté, améliore la société et donne le droit de vote à ses membres. Ce mode de gestion innovateur entraîne toutefois son lot de questionnements. Sommes-nous prêts à faire des sacrifices importants quant à la mission des sociétés par actions, soit de réaliser du profit et de les distribuer à leurs actionnaires? Selon M. Tchotourian, il faut arriver à concilier l’entreprise d’économie sociale et l’entreprise traditionnelle. «Pour qu’une entreprise marche et attire de nombreux actionnaires, il faut nécessairement un certain objectif lucratif. Il s’agit en fait de trouver l’équilibre entre raisonnable et responsable. Le système capitaliste n’est pas à jeter à la poubelle, mais à faire évoluer. Tout cela semble possible grâce à un capitalisme renouvelé», fait part le

professeur, qui aborde les affaires et la gouvernance des entreprises dans ses recherches.

parence et de responsabilité et génèrent des gains sociaux et environnementaux positifs.

Certaines actions ont déjà été mises en place afin de favoriser l’impact social des sociétés par actions. Par exemple, les entreprises certifiées B Corp sont des entreprises bénéfiques sur le plan social. Leur objectif ne se limite pas à générer des profits, elles cherchent aussi à créer de la valeur pour la société. Elles respectent des normes élevées en matière de trans-

Cependant, le vrai changement doit provenir des administrateurs de sociétés par actions. Ces derniers sont responsables de la supervision et de la gestion générale des activités d’une société. Ils détiennent donc le pouvoir de modifier les orientations de l’entreprise, en distribuant des dividendes à organisme communautaire par exemple.


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«Pour qu’une entreprise marche et attire de nombreux actionnaires, il faut nécessairement un certain objectif lucratif. Il s’agit en fait de trouver l’équilibre entre raisonnable et responsable. Le système capitaliste n’est pas à jeter à la poubelle, mais à faire évoluer. Tout cela semble possible grâce à un capitalisme renouvelé.» Crédit photo : Canva, Lisa Fotios

«Il n’y a présentement aucune jurisprudence au Québec qui présente des actionnaires qui se sont retournés contre leurs administrateurs après que ces derniers aient pris des décisions visant un impact sociétal tout en sachant que ces décisions auraient une répercussion sur les profits de la société», déclare M. Tchotourian. La Cour suprême a affirmé en 2008, dans BCE Inc. c Détenteurs de débentures de 1976, que : «[…]en agissant au mieux des intérêts de la société, les administrateurs peuvent être obligés de

considérer les effets de leurs décisions sur les parties intéressées […]. C’est ce qu’on entend lorsqu’on affirme qu’un administrateur doit agir au mieux des intérêts de la société en tant qu’entreprise socialement responsable». En définitive, en tant qu’étudiant et membre d’une jeune génération, nous avons un rôle à jouer dans l’économie. En priorisant des produits issus d’entreprises «sociales», les autres devront à leur tour adopter un type de gestion qui ressemble davantage à nos valeurs.

— Ivan Tchotourian


DOSSIER

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par Lisa Say

Les oubliés de la prospérité

«La relation de causalité entre croissance économique et réduction de la pauvreté n’est pas aussi univoque que ce qu’il est généralement admis.» — Centre d’étude sur la pauvreté et l’exclusion (1) Qui dit développement économique entend emploi, richesse, satisfaction des besoins et, peut-être, une certaine forme de bonheur. Or, bien que ce concept fait miroiter bien des rêves, le développement économique n’apporte pas les bienfaits escomptés pour tous, et certainement pas de la même manière. Au Canada, le taux de chômage a atteint 5,5 % en octobre 2019 et 4,8 % au Québec, un creux historique sans précédent (2). De prime abord, on peut penser que ce taux de chômage bas, corollaire du plein emploi, sortirait les personnes en situation de vulnérabilité financière du gouffre dans laquelle elles se trouvent. Or, il n’en est rien. Le nombre de personnes vivant dans la pauvreté a augmenté. Les statistiques de 2017 montrent qu’elles composaient 14,4 % de la population canadienne, et leur nombre ne cesse d’augmenter depuis (3). Mais au Canada, qu’est-ce qu’au juste, être pauvre? Plusieurs définitions de la pauvreté peuvent être données, mais le Canada a retenu la mesure du panier de consommation (MPC) comme indicateur de la pauvreté. L’indice nous permet de définir que les personnes

en situation de vulnérabilité financière sont celles dont le revenu est inférieur à la mesure du panier de consommation, c’est à dire inférieure aux revenus nécessaires pour subvenir à leurs besoins de base, tels que le logement, le transport, la nourriture. Ce revenu s’élève à environ 17 720 $, du moins dans la grande région de Montréal (4). Il faut toutefois faire attention à ne pas circonscrire la pauvreté à cette seule donnée. La réalité est beaucoup plus complexe qu’une simple affaire de chiffres. Par pauvreté, il faut aussi entendre précarité d’emploi, temps partiel, horaire changeant, insécurité, contraintes. Derrière ces huit lettres, la pauvreté cache bien des visages.

Inégalité des chances Si la pauvreté préoccupe, c’est parce qu’elle vient défier l’idée que chaque personne a également de chances qu’une autre de réussir dans la vie. Une personne dont le revenu est excessivement modeste est davantage sujette aux problèmes de santé. En effet, du fait de sa situation précaire, elle est constamment exposée au stress face aux alinéas de la vie. C’est ce stress continu qui, sur le long terme, diminue son espérance de vie et la qualité de sa santé.

Dans une étude menée par le neuroendocrinologue américain Robert M. Sapolsky, il a été démontré qu’une hiérarchie sociale existe chez les babouins mâles dans la jungle du Kenya. Ceux situés tout en haut de la pyramide sociale avaient une meilleure santé, car en période de stress, leur système endocrinien était en mesure de retourner plus rapidement à la normale, ce qui n’était pas le cas pour les babouins dominés (5). Le stress, stimulus externe négatif, est perçu par l’hypothalamus, qui agit sur l’hypophyse, qui à son tour agit sur les glandes surrénales. Ces dernières élèvent le niveau d’une hormone appelée glucocorticoïde présente dans le sang. Normalement, les glucocorticoïdes agissent comme anti-inflammatoires. À un niveau trop élevé cependant, ils ont des effets néfastes sur la digestion, la tension artérielle ou encore, sur les cellules neuronales en les vieillissant prématurément. À l’échelle humaine, le même raisonnement s’applique : plus on est issu d’un milieu aisé, plus on a un coussin relativement confortable de ressources financières nous permettant de faire face à des imprévus. Or, les plus pauvres, eux, vivent constamment dans la précarité et un facteur minime peut venir bousculer ce fragile équilibre. La pauvreté est un problème social auquel il convient que l’on s’y intéresse puisqu’elle a des conséquences non négligeables sur la santé des personnes touchées, mais aussi parce qu’elle vient compromettre l’égalité des chances de tous d’avoir une vie meilleure.


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Sources (1) Isabelle PORTER et Marco BÉLAIRCIRINO, « Les oubliés du plein-emploi » dans Le Devoir, 11 mai 2019. [https://www. ledevoir.com/societe/554167/les-oubliesdu-plein-emploi-l-embellie-economiqueCrédit photo : Canva laisse-en-plan-des-milliers-de-prestataireset-de-petits-salaries]

Crédit photo : Canva

Bien que des initiatives comme la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, adoptée par le gouvernement québécois en 2002, peuvent être saluées, la bataille n’est pas encore gagnée. Si la pauvreté persiste encore de nos jours, c’est aussi parce que les préjugés dont sont victimes les pauvres les enferment dans le cercle vicieux de la précarité financière. Dans l’imaginaire collectif, il existe des «bons» pauvres et des «mauvais» pauvres. Tandis que les premiers travaillent d’arrache-pied pour se sortir de la pauvreté, les seconds paressent, refusent de remuer le petit doigt afin d’améliorer leur situation, préférant se

pendre au crochet de l’aide sociale. Or, la vie n’est pas un conte de fées, il n’y a pas toujours des «méchants vilains» et des «gentils héros». Chaque personne possède sa nuance de gris ainsi que des contraintes propres à sa situation et ne peut être réduite à un simple adjectif. Il faut cesser de catégoriser. Travaillons donc, collectivement, à combattre les préjugés à l’égard des personnes en situation de précarité. Nous devons viser désormais non pas seulement un développement économique, mais un développement qui serait durable, à la fois respectueux de l’environnement, mais aussi des droits les plus fondamentaux de la personne humaine, tels que le droit à la dignité.

(2) La Presse Canadienne, « Le chômage à 5,5 % au Canada et à 4,8 % au Québec » dans Radio-Canada Information, 11 octobre 2019. [https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1341604/chomage-canada-quebecseptembre] (3) Olivier ARBOUR-MASSE, Sébastien GAUDET et Thomas CHRISTOPHERSON (réalisateurs), « Pourquoi y a-t-il encore autant de pauvreté au Canada? » (capsule vidéo) dans Radio-Canada Information. 17 décembre 2019. 10min., [https://www.rad. ca/dossier/pauvrete/262/pourquoi-y-a-til-encore-autant-de-pauvrete-au-canada] (4) Ibid. (5) Marc RENAUD et Louise BOUCHARD, «Expliquer l’inexpliqué: l’environnement social comme facteur-clé de la santé», dans Interface, mars-avril, 1994, p. 15-24.


PUBLIREPORTAGE

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Stein Monast, un cabinet

Me Gilles-Étienne Lemieux et Me Valérie Lachance pratiquent en litige et en droit corporatif chez Stein Monast. Crédit photo : Dominique Gobeil


17 par Philippe Lavoie-Paradis Vice-président aux finances

où s’épanouir La frénésie de la Course aux stages étant à nos portes, il importe aux étudiants comme aux cabinets d’avocats de révéler leur personnalité en vue de trouver le partenaire idéal dans cette valse à trois temps. Pour ce faire, Stein Monast a reçu Le Verdict dans ses bureaux de la rue Dalhousie pour un agréable entretien avec Me Valérie Lachance, avocate en droit corporatif et commercial, et Me Gilles-Étienne Lemieux, avocat en litige civil et commercial. Diplômés collégiaux en sciences humaines et en sciences de la nature, leur amour du droit s’est découvert plutôt tardivement. Me Lachance, Barreau 2017, a d’abord été initiée au milieu des affaires par divers échanges avec des gens de son entourage. Après ses études à la Faculté de droit de l’Université Laval, et la réussite des examens du Barreau, elle a préféré le secteur des affaires pour son importance dans la prévention des litiges et les conseils au client qui se font d’égal à égal. De son côté, Me Lemieux, Barreau 2015, a complété un baccalauréat en pharmacologie en vue de travailler en développement du médicament. À la fois désenchanté par les perspectives d’emploi qui l’auraient confiné dans un laboratoire et intrigué par la perspective du droit dans

le domaine pharmaceutique, il s’est lancé à pieds joints dans l’aventure qu’est le baccalauréat en droit à l’Université Laval. Il a en définitive préféré la pratique du litige pour sa possibilité d’approfondir ses connaissances dans plusieurs domaines.

Curiosité et sens pratique Le métier d’avocat requiert une curiosité intellectuelle, autant dans les secteurs associés au litige que dans les secteurs associés au droit des affaires. Premièrement, il faut porter une attention aux activités et aux besoins du client, connaître sa vision et comprendre ses enjeux quotidiens afin de mieux le conseiller juridiquement. Deuxièmement, il importe de connaître et comprendre son dossier sous tous ses angles puisque l’un des objectifs de la pratique est de présenter une position et les arguments qui la soutiennent pour tenter de convaincre. Cette curiosité n’aide

pas qu’à parfaire des connaissances théoriques, mais également un sens pratique : «Le sens pratique, ça ne s’apprend pas à l’école. C’est ce qu’on dit à l’interne : ça prend cinq ans à comprendre un peu comment ça fonctionne et développer des réflexes en droit des affaires [...] d’où l’importance d’avoir des mentors et des avocats plus expérimentés qui sont là pour l’enseignement et qui prennent le temps de nous former», mentionne Me Lachance. Tous deux produits de la fameuse course, Me Lachance et Me Lemieux ont été attirés par l’accessibilité des avocats d’expérience chez Stein Monast et l’ambiance de travail où les valeurs d’entraide sont primordiales. Il n’y existe aucune hiérarchie, en ce sens qu’un stagiaire et un associé sont respectés de la même façon. L’on y ressent une collégialité hors pair qui a pour conséquence de vite faire tomber le vouvoiement. C’est le côté humain qui est en avant-plan pour ce cabinet de la Capitale-Nationale. D’après les deux avocats, le cabinet québécois n’a rien à envier aux autres. «J’assimile Stein Monast à un grand cabinet qui a un peu plus la personnalité d’un petit cabinet : le côté humain est important et, du côté juridique, nous n’avons pas des dossiers d’une moins grande envergure pour autant», s’enthousiasme Me Lemieux. Au contraire, on y retrouve des gens professionnels et humains qui travaillent dans des dossiers importants, spécialisés et diversifiés pour des clients qui le Suite page 18


PUBLIREPORTAGE

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sont tout autant. «On ne s’enfle pas la tête à travailler dans de plus gros dossiers. On ne change pas notre attitude pour autant et on le fait dans un grand plaisir de travailler ensemble», ajoute-t-il.

Une croissance remarquable Le cabinet se spécialise dans une vaste gamme de secteurs classiques, tels que le droit des affaires, le droit des assurances, le droit du travail et la responsabilité civile et professionnelle, pour ne nommer que ceux-là.

On y retrouve une bonne équipe de plus de soixante-dix avocats et notaires, dont de jeunes avocats qui constituent une belle relève, observe Me Lachance.

L’incontournable course Les deux avocats recommandent à quiconque ayant un intérêt marqué pour la pratique privée de participer au processus de la Course aux stages. Qu’on le veuille ou non, ladite course est désormais la principale porte d’entrée pour pratiquer en grand cabinet au Québec, notent-ils. Un stage signé Stein Monast permet de toucher à moult domaines du droit et il est toujours possible d’accoster un avocat œuvrant dans un domaine précis pour

«Ici, particulièrement, je pense que c’est encore plus vrai, les notes ne sont pas la chose la plus importante… ultimement, c’est l’individu.» — Me Valérie Lachance Également, afin de mieux répondre à la demande grandissante de leur clientèle d’affaires touchée par la sévère pénurie de main-d’œuvre, ce cabinet innovateur s’est nouvellement formé une expertise en droit de l’immigration. Il y a des besoins criants, remarquent Me Lachance et Me Lemieux. De l’assistance est nécessaire autant du côté des employeurs que des potentiels travailleurs à l’étranger pour être guidés à travers les processus. Bien conscient de sa croissance enviable, Stein Monast peut se targuer d’avoir embauché au-delà d’une vingtaine de personnes depuis 2018.

être impliqué dans l’un de ses dossiers. Même si, au final, l’étudiant n’obtient pas de stage, le simple fait de participer à l’aventure pourra permettre de se faire un nom qui restera en tête si l’étudiant est apprécié. De surcroît, il importe, selon Me Lachance et Me Lemieux, d’y participer sans égard au dossier académique. En effet, différents facteurs influencent la cote et les recruteurs en sont bien conscients : le secret réside dans la façon de présenter son dossier, incluant ses points forts et ses anicroches. Bref, tout dossier d’entrevue bien préparé peut être valorisé. Selon Me Lemieux, un candidat étant avenant et articulé, qui présente beaucoup d’entregent, qui démontre une volonté d’approfondir ses connaissances dans des domaines variés aura autant l’opportunité d’obtenir un stage chez Stein Monast que quelqu’un plus intraverti, mais possédant un dossier académique supérieur. En effet, comme le précise Me Lachance : «Ici, particulièrement, je pense que c’est encore plus vrai, les notes ne sont pas la chose la plus importante… ultimement, c’est l’individu».


19 9 DOSSIER par Dominique Gobeil

Portraits d’étudiants entrepreneurs Alors que certains profitent de chaque occasion au baccalauréat en droit pour aiguiser leur sens des affaires et s’outiller pour la suite une fois qu’ils seront diplômés, d’autres jonglent entre leurs cours et leur entreprise déjà lancée. Voici un aperçu du parcours de trois étudiants à la fibre entrepreneuriale bien développée.

Alexis Vertefeuille Originaire de Gatineau, Alexis Vertefeuille a été marqué par les inondations ayant sévi dans sa région il y a trois ans. Les difficultés vécues par les sinistrés l’ont mené à fonder Sinistar, une entreprise se chargeant d’offrir un logement temporaire et meublé aux victimes des éléments. «Il faut vraiment que tu aimes ça pour te lancer dans un projet. Si c’est seulement pour des raisons financières, tu n’iras pas loin», affirme le bachelier en droit, qui étudie à l’École du Barreau de Québec depuis janvier. Le déclic pour Alexis Vertefeuille a été une conversation avec une vieille amie: sa mère logeait à l’hôtel depuis des semaines puisqu’un incendie avait ravagé sa maison. En plus de ne pas pouvoir profiter du confort de son foyer, elle devait aussi renoncer à la compagnie de son chien. Le jeune homme dis-

posait d’une maison meublée à louer, normalement offerte aux touristes, mais libre à ce moment. Il fallait d’abord appeler l’expert en sinistres pour approuver l’arrangement tout indiqué. «C’est comme ça que j’ai mis le pied dans le domaine...» Celui qui avait étudié dans le domaine des finances s’est rendu compte que les besoins des sinistrés étaient grands, mais que l’offre en relocalisation adaptée était pratiquement inexistante. Un site Internet a été développé et des ententes ont été prises avec des propriétaires qui fournissent des logements. Beaucoup utilisaient auparavant la plateforme Airbnb avant que ce type d’hébergement soit réglementé. Il appert que les relations avec les sociétés d’assurances sont beaucoup plus stables, note Alexis Vertefeuille. Tout est une question de contrats pour l’entrepreneur, alors que Sinistar offre des services et se trouve au milieu des échanges entre sinistrés, fournisseurs, assureurs et même la Croix-Rouge. Dans cette optique, le baccalauréat en droit achevé en deux ans et demi lui a été fort utile. Il a géré son entreprise en même temps tout au long.

«Ça se faisait bien à distance, je pouvais m’en occuper n’importe quand dans mes temps libres. Ce n’est pas dur quand tu aimes ça, souligne Alexis Vertefeuille. C’est une question de choisir ses priorités.» Sinistar compte maintenant quelques employés et une fondation à son nom pour soutenir les Québécois victimes de sinistres. Son président a été nommé Jeune entrepreneur de l’année 2019 au gala Excelor de la Chambre de commerce de Gatineau. À 23 ans, il était d’ailleurs le plus jeune lauréat de l’histoire de ce prix, causant la surprise parmi l’auditoire. «Pour moi, c’est une fierté d’être là pour les sinistrés et de ne jamais les laisser tomber, d’être là pour les bonnes raisons et de faire une différence dans leur vie.»


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On peut apercevoir Soraya Blouin au centre, entourée de mannequins présentant la collection d’été. Crédit photo : Lavendya

Soraya Blouin Si le choix d’une tenue représente souvent un dilemme pour les étudiants en droit, le défi était relevé d’un cran dans les dernières années pour Soraya Blouin, alors qu’elle a élaboré trois collections de vêtements pour sa marque Lavendya. Le projet de la jeune femme de 20 ans a pris forme vers la fin de ses études au cégep à Québec. «Si je devais le refaire, je commencerais encore plus tôt!» lance-t-elle en entrevue. C’est que, maintenant en quatrième session du baccalauréat en droit, l’entrepreneure a décidé de ralentir les activités de Lavendya. La mode

reste toutefois bien ancrée dans son quotidien, puisqu’elle sera mannequin au défilé présenté le 14 mars avec ses collègues de la faculté, au profit du Fonds Raphaël Giguère et Chantal Bussières pour la Fondation CHU du Québec. «Avoir une entreprise, je considère que c’est un travail à temps plein, et étudier au baccalauréat en droit, c’est une tâche à temps plein aussi. Ç’a été difficile de conjuguer les deux», avoue Soraya Blouin, tout en soulignant les capacités d’organisation développées durant cette aventure. Son côté créatif était aussi formidablement exploité. L’expérience formatrice lui aura aussi permis d’acquérir assez de solidité financière pour l’achat d’une première propriété tout récemment. «Au lieu de m’éparpiller, j’aime mieux investir 100 % de mes énergies dans mes études.»

Pour l’anecdote, la passionnée faisait affaire avec un fournisseur de Shanghai. «Je faisais mes appels durant la nuit… Ça décalait tout mon horaire!» Avis aux curieux: les robes, blouses, jupes et pantalons Lavendya sont toujours disponibles en ligne. On les trouve aussi parfois dans des boutiques éphémères. «Éventuellement, je voudrais revoir le modèle d’affaires. Il y aurait quelques choses à corriger pour relever le niveau. Le marché des vêtements est presque saturé. Avec les multinationales, c’est difficile d’accoter les prix», décrit Soraya Blouin, qui ne dirait pas non également pour s’allier une personne associée. Pour elle, Lavendya est synonyme de féminité, d’élégance, de bon goût et de raffinement, des valeurs qu’elle désire encore promouvoir. Même s’il est certain que l’étudiante compte accéder à l’École du Barreau, la suite reste à définir. On peut prédire une chose: ce sera avec style!


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Émile Bresse L’annonce prochaine de la saison des impôts donne sûrement envie à plusieurs de grincer des dents. Mais pour un travailleur autonome comme Émile Bresse oeuvrant dans ce domaine depuis ses 17 ans, c’est plutôt une période de frénésie qui s’amorce. L’étudiant de cinquième session au baccalauréat en droit a commencé en tant que salarié pour une entreprise offrant des services en comptabilité. «J’aimais rencontrer les clients», fait part celui qui place les relations humaines, et non les chiffres, au centre de son travail. Émile Bresse a ensuite joint l’équipe de son père, un syndic de faillite. Il devait produire des déclarations de revenus particulières afin de vérifier la dette fiscale des clients. Mais puisque des déboires financiers peuvent survenir à n’importe quel moment, ces derniers devaient aussi préparer une déclaration «normale» à la fin de l’année, pour les revenus suivant la déclaration de la faillite. Ils n’avaient cependant plus l’aide du syndic pour ce faire. Clairement, il y avait un besoin à combler… et une opportunité d’affaires pour l’étudiant de bientôt 22 ans. «Au début, j’ai assisté quelques clients. La deuxième année, j’en avais une quarantaine, et environ 85 l’an dernier», déclare Émile Bresse. Même s’il pouvait être pro-

ductif durant ses temps libres, la logistique lui a demandé des efforts non négligeables, avec les appels téléphoniques pour les prises de rendez-vous et les rencontres à travers les cours à l’université. «Il faut consacrer beaucoup de temps aux clients, explique Émile Bresse. Pour les faillites, ils ont vécu quelque chose de pas très agréable. Certains ont perdu leur maison et sont plus sensibles. On ne fait pas juste parler d’impôts, on leur demande aussi comment ça va. Il faut prendre le temps de vulgariser, de comprendre leur situation, de leur montrer des stratégies, et même de les réconforter.» Le jeune homme semble toujours avoir eu un côté entrepreneurial, alors qu’il offrait ses services au voisinage pour arracher les pissenlits et ramasser les feuilles sur les terrains. «J’aime gérer mes affaires!» Il est aussi bien connu pour présider le comité de la Dissidence, le café des étudiants en droit, une expérience qu’il adore. Intéressé par la fiscalité et les domaines «plus techniques», Émile Bresse a suivi ses cours hors discipline dans des matières comme la comptabilité et les finances, ce qu’il juge très utile pour une pratique en droit des affaires. «Je ne ferme la porte à rien», précise-t-il.


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par Francesca Lefebvre

40 ans, toutes ses dents… et beaucoup d’argent! Aborder le sujet de la liberté financière lorsqu’on est encore étudiant, ça semble assez farfelu, mais parler d’une retraite à 40 ans, alors qu’on est toujours sur les bancs d’école, c’est définitivement exagéré! Pourtant, cette réalité semble de plus en plus d’actualité. En effet, cette idée vient en fait du livre Your Money or Your Life paru en 1992 et gagne en popularité depuis les dernières années (1). Aussi mieux connue sous le nom du Fire movement (Financial Independance, Retire Early (2)), cette façon de voir les choses est maintenant de plus en plus médiatisée et certaines personnes en ont même fait l’expérience! Je ne parle pas ici des Bill Gates, Mark Zuckerberg et autres génies de l’ère actuelle, mais bien de personnes tout à fait normales comme vous et moi.

La théorie… C’est assez simple : pour profiter de sa retraite le plus tôt possible, il faut beaucoup d’argent de côté. Pour y arriver, différentes techniques pour épargner sont bien connues afin d’augmenter rapidement la somme en banque. Tout d’abord, il faut se débarrasser des dettes. Rien de pire pour l’épargne que de vivre à crédit! Le financement s’accumule : au début, nous ne voyons

que le petit 35 $ par semaine pour la nouvelle voiture et on se dit qu’on peut acheter plein d’autres choses, que même si toutes ces dépenses accumulées totalisent 100 $ par mois, ce n’est pas énorme quand on a un bon salaire… Mais quand tous ces biens sont financés sur cinq, sept ou dix ans, ce sont des dépenses qui seront présentes pendant encore longtemps et peuvent mettre un frein important à notre épargne, lorsqu’on y additionne également celles nécessaires, comme la maison, la nourriture, les vêtements, etc. Une fois le manège si agréable du crédit en marche, il est difficile de s’en sortir! Donc, la première étape : dire au revoir aux dettes et au crédit le plus possible. Puis vient le vif du sujet, soit de déterminer avec quel montant il nous est possible de vivre la vie désirée. Cela dépend de chacun : certains veulent aller au restaurant trois fois par semaine alors que d’autres préfèrent cuisiner tranquilles à la maison. Les dépenses ne seront pas les mêmes, mais il faut savoir quels «sacrifices» nous sommes prêts à faire pour épargner le plus possible. Sauf qu’il ne faut pas seulement se concentrer sur maintenant : après tout, la retraite, c’est pour plus

tard! Il faut aussi penser au genre de retraite désirée. Les voyages? Le camping? Les activités? Encore une fois, les coûts ne seront pas les mêmes pour tous, mais c’est de savoir ce que chacun désire qui est le plus important. Une fois le futur clair, nous sommes en mesure de déterminer quel montant il sera nécessaire d’obtenir avant de prendre sa retraite. Une fois la base mise en place, il s’agit seulement de couper les dépenses inutiles — ou du moins, essayer de les réduire — pour garder le plus d’argent possible dans ses poches. Ensuite, il ne reste plus qu’à garder les sommes qui ne sont pas dépensées pour les investir ou les conserver dans un compte épargne. Facile comme tout, pas vrai? Mais la difficulté, c’est de savoir quand commencer à épargner et combien de temps nous souhaitons que cela dure. Plus c’est tôt, mieux c’est : il est plus facile de moins se priver et de mettre de côté des sommes moins volumineuses et il nous reste beaucoup plus de temps


pour accomplir notre objectif. Par contre, il ne faut pas l’oublier, ou tout simplement laisser l’épargne de côté en se disant : «Pas grave, j’ai encore plein de temps devant moi!» Une fois qu’on a atteint un certain âge, la retraite s’approche, et ce, de plus en plus rapidement. C’est pourquoi, selon le Fire movement, il faudrait être en mesure d’épargner au minimum 50 % de son salaire pour arriver à un montant assez confortable pour prendre sa retraite dans les 10 années suivantes (3). 50 %, nous sommes tous d’accord, c’est beaucoup, surtout lorsqu’on apprend que le taux d’épargne moyen des Québécois était de 5,3 % en 2018 (4)! L’écart est assez important entre 5,3 % et 50 %, mais rien n’empêche d’essayer d’épargner un petit 10 % à 20 %. De plus, comme expliqué précédemment, plus on commence tôt, moins la somme à épargner est faramineuse, puisqu’on dispose de plus de temps!

… avant la pratique Aussi surprenant que cela puisse paraître, au moins un couple de Québécois bien ordinaire a réussi l’exploit de se retrouver à la retraite à 38 et 37 ans! Jean-Sébastien Pilotte et VanAnh Hoang ont fait quelques entrevues sur le sujet et Jean-Sébastien tient aussi le blogue Jeune retraité où il donne quelques informations sur le sujet. Lui travaillait dans le marketing et elle était pharmacienne. Leurs

23 9 trucs? Jean-Sébastien écrit sur son blogue qu’ils investissent principalement en bourse, dépensent le moins possible sur la voiture et louent plutôt que d’acheter une habitation (5), toutes des petites astuces qui ont fait leurs preuves! Ce couple est sans enfants, mais un autre exemple québécois est donné par l’homme (malheureusement anonyme) qui tient le blogue Retraite 101. Une de ses plus récentes publications porte justement sur le fait qu’il a réussi à épargner 64 % de ses revenus dans la dernière année (6)! Et il a réussi à faire tout cela en étant le seul salaire de son ménage, avec un enfant à charge et un deuxième en route. Un dernier exemple serait celui de Peter Adeney, un Canadien ayant travaillé comme ingénieur informatique et ayant fait de bons investissements sans trop dépenser, ce qui lui a permis de devenir retraité à 30 ans (7). Sa femme et lui ont décidé d’essayer de ne pas dépenser plus de 50 % de leurs revenus. À la suite de leur retraite assez précoce, ils ont pu profiter de ce temps pour élever leur fils.

Des sacrifices équilibrés J’ai mentionné qu’il fallait déterminer les «sacrifices» que nous étions prêts à faire pour épargner. Mais certaines personnes adoptent seulement un style de vie différent ou se sont toujours habituées à vivre sans avoir à dépenser leur chèque de paie toutes les semaines! Si vous discutiez avec ce genre de personnes (ou cherchez un peu sur le sujet), elles vous répondraient qu’elles n’ont jamais eu l’impression qu’elles se «privaient» ou «sacrifiaient» quoi que ce soit. L’important est donc de trouver un équilibre dans tout le système afin

d’être heureux! Sans oublier qu’il existe quelques trucs intéressants, comme investir une partie de ses sommes dans des placements sûrs pour qu’elles fructifient : il n’est pas nécessaire d’investir une somme énorme, mais la laisser de côté, à un taux d’intérêt assez avantageux, peut faire des miracles! Si jamais vous désirez en savoir plus, n’hésitez pas à chercher sur Internet, c’est une réalité qui a de plus en plus sa place et pour laquelle des ressources sont maintenant disponibles!

Sources (1) «The Fire Movement : Can big, fast savings make you a millionaire?», site des CPA du Canada : https ://www.cpacanada. ca/en/news/world/2019-10-23-fire-movement (2) Ibid. (3) Ibid. (4) Document Le Québec chiffres en main édition 2019 : https ://www.stat.gouv. qc.ca/quebec-chiffre-main/pdf/qcm2019_ fr.pdf (5) «Mon plan de retraite», Jeune retraité, http ://www.jeuneretraite.ca/commentprendre-sa-retraite-jeune/ (6) «Mon taux d’épargne a fracassé les 60 % en 2019», Retraite 101, http :// retraite101.com/mon-taux-epargne-a-fracasse-les-60-en-2019/? fbclid=IwAR1nkZ2 nnjY4PtwZQRlgERlvgFwb3H5Ne6ojkcf5q pQDO27qiuO6J2r3f3Y (7) «MR. MONEY MUSTACHE BATTANT, ÉCONOME ET… RETRAITÉ À 30 ANS», La Presse +, http ://plus.lapresse.ca/ screens/c09e4a9e-0065-4a24-ba4f97b632de1396__7C___0.html


CHRONIQUE

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Comment punir les riches pour leur succès Avez-vous déjà entendu parler de l’ALDEA (Agence de liaison pour le développement de l’économie alternative)? Il s’agit d’un regroupement français qui revendiquait et proposait l’adoption d’un modèle économique qui prendrait en compte les plus démunis par une pratique d’autogestion économique par les communautés.

Donc, un modèle économique qui se définirait non pas par la recherche d’un plus grand profit et d’une croissance économique infinie. Une solution de rechange aux théories économiques traditionnelles. Il s’agissait d’un mouvement contestataire établi à la suite des évènements de Mai 68. Mai 68… ça part bien notre affaire! On voit déjà qu’il s’agit d’une «théorie» économique mise en place par des pseudo-révolutionnaires qui cherchent avant tout à rejeter la responsabilité de leurs échecs sur la société et sur le système que celleci a mis en place. Selon ces communistes de salon, la pauvreté dont eux et une bonne partie de la population souffrent ainsi qu’une grande part des problèmes sociaux qui s’en suivent viendraient d’un système économique qui favorise le maintien d’énormes inégalités sociales… Et quoi encore? Nous ne sommes pas dans un système de caste brahmanique où chaque individu est confiné à une position sociale qu’il ne peut quitter! Le féodalisme et l’esclavagisme sont choses du passé grâce à l’apparition de l’économie libérale et capitaliste! C’est bien connu, voyons! Elle permet à n’importe quelle personne, peu importe sa race, son sexe, sa religion, son lieu d’origine, de faire fortune si elle y met l’effort suffisant. «Pull yourself by the bootstrap!» comme on dit! Malgré tout, certains paresseux refusant d’investir le temps, l’énergie et l’argent nécessaires à leur succès économique préfèrent plutôt militer et revendiquer une économie à


IRONIQUE 295

par M. Gros Bon-Sens

échelle humaine qui prendrait soin d’eux et des autres pauvres qui sont, à leurs yeux, victimes du système. Car, disent-ils, dans cette course à la fortune, tous ne partent pas sur un même pied d’égalité… Mais bien sûr! Vous ne nous apprenez rien! Mais doit-on pour autant pénaliser les plus riches pour la situation défavorable dans laquelle se trouve la majorité de la population? Non! Quel message enverrions-nous si on disait aux riches qu’ils devraient se départir d’une partie de leur fortune pour donner une meilleure chance dans la vie aux plus démunis? Ce serait leur dire que le succès ne leur est pas accessible et qu’ils n’ont pas à travailler! On se retrouverait avec une société totalement improductive, sans aucun attrait pour le travail! Savoir qu’en devenant riche, on ne va que plus donner! Quel intérêt?

Responsables en plus Je vous voir venir ma gang de snoreaux. Vous allez me dire que je réponds à côté de la question. Que l’autre demande de ces économies alternatives, ce n’est pas seulement qu’elles soient «solidaires», mais aussi qu’elles soient responsables et qu’elles prennent en compte tous les coûts qui lui étaient autrefois extérieurs. Les coûts humains, sociaux et environnementaux. Qu’elles repensent la thèse centrale de l’économie traditionnelle : la croissance et le développement économique. Ne vous inquiétez pas, j’y réponds. À la suite des travaux du Club de Rome en 1972, la notion de la décroissance économique fut avan-

cée afin de contrer les problèmes environnementaux et les problèmes d’inégalité sociale. On voit bien le chemin que cette idée a fait dans la tête de nos gouvernants et de nos chefs de file d’entreprise. Zéro! Sauf dans quelques entreprises «alternatives», mais elles sont peu nombreuses et surtout ont peu de succès. Qui est le dernier milliardaire à la tête d’une entreprise «alternative» que vous avez vu, hein? En ce qui concerne l’environnement, on sait tous très bien que la décroissance n’est pas une solution! Franchement! Comme si produire moins engendrait moins de pollution et de dommages à l’environnement! Au contraire, il faut continuer le développement économique afin d’encourager l’innovation et accumuler plus d’argent afin de financer les nouvelles technologies vertes! Et il faut développer plus de richesses si on veut ensuite la distribuer! Pas besoin d’avoir ses maths 526 pour comprendre ça, voyons! Même pas besoin d’un cours de philo 1 du cégep (qui a besoin de ça de toute façon?)! Alors prochaine fois qu’on vous dira que l’économie doit être repensée, que notre modèle crée des inégalités immenses favorisant le 1 % le plus riche de la planète et qu’il mène à des crises économiques comme celles de 1929, de 1966, de 1971, de 1974, de 1979, de 1980, de 1982, de 1985, de 1987, de 1989, de 1990, de 1994, de 2001 ou de 2008 (pour n’en nommer que quelques-unes, seulement sur le continent nordaméricain), demandez alors : quel modèle alternatif proposez-vous qui fonctionne sans même avoir été testé?

Crédit photos : Canva


CHRONIQUE

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Sony, géant de l’automobile

La voiture Vision-S a été présentée au dernier salon CES. Crédit photo : Sony


AUTO

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par Patrick Baghdisar

Alors que le titre pourrait sembler trompeur, ne vous inquiétez pas, Sony n’est pas encore un acteur majeur de l’industrie automobile. S’agissant d’une entreprise vraiment diversifiée, on peut s’attendre à tout de la part de ce géant électronique.

Pendant l’exposition des technologies CES 2020, la voiture a été annoncée avec des spécifications, cependant, les porte-parole de Sony n’avaient pas annoncé de dates de production ou d’expédition, ni même un prix pour leur nouvelle voiture. Pour l’instant, elle s’appelle VisionS et elle peut faire de 0 à 60 miles par heure en environ 4,5 secondes grâce à deux moteurs de 200kW (un sur chaque essieu), et a une vitesse maximale de 250 km par heure. Bien que ces spécifications soient médiocres, l’intérieur est mieux aménagé qu’un cinéma maison, non seulement est-il équipé d’écrans presque partout à l’intérieur de la voiture, mais les passagers arrière ont le luxe d’avoir deux haut-parleurs derrière la tête pour leur propre divertissement personnel. Sony produit des objets dans beaucoup de domaines différents et une fois que vous additionnez tout cela, il serait logique qu’ils produisent une voiture. Ils sont les plus grands distributeurs de musique au monde, ils possèdent une grande part de la production de films tout en ayant les droits de la série Spiderman et ils ont une incroyable série d’appareils photo allant des appareils professionnels (leur série Alpha) au développement de capteurs d’appareil photo pour les téléphones intelligents. Ils sont aussi l’un des plus grands noms quand il s’agit des télévisions ou autres divertissements pour la maison. On pourrait penser qu’il s’agit d’un changement majeur dans le marché pour Sony, mais tout ce que cette voiture annoncerait, c’est que Sony est prête à produire des caméras et des capteurs pour développer des technologies pour la conduite auto-

nome, le divertissement axé davantage sur les voitures, et plus encore. Cette voiture de démonstration, voire ce concept, pourra-t-elle un jour voir le jour? Bien que Sony affirme qu’avec une demande suffisante, ils pourraient mettre la voiture en production, je doute que cela puisse se produire dans un avenir rapproché, à moins que Sony n’acquière une entreprise de constructeur automobile. Alors que la construction d’une voiture électrique est moins complexe que celle d’une voiture à essence typique, ça reste toujours une colossale tâche. L’industrie de l’automobile est assez étrange lorsqu’il s’agit de marchés réguliers. Pour faire construire des voitures, il faut des usines spécialement équipées et une fois construites, cela ne s’arrête pas là, puisqu’elles doivent produire des pièces supplémentaires qui prendraient encore plus de place. Elles sont plus difficiles à expédier que des écouteurs, des caméras ou des télévisions, et nécessitent souvent une certaine salle d’exposition ou un certain concessionnaire pour présenter le produit fini, alors que d’autres produits électroniques pourraient être exposés dans les magasins des grands détaillants. Bien que j’ai dit que nous pouvons nous attendre à tout de la part de ce géant de l’électronique, je le pense vraiment. Entrer sur le marché de l’automobile en tant que constructeur automobile n’est pas une tâche facile et cela comporte un grand risque. Cependant, développer une technologie pour ce marché est une façon sans risque d’entrer dans ce segment du marché, surtout pour cette entreprise bien établie.


ANALYSE

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WARD C. GABRIEL

La liberté d’expression sans filtre Tel que l’explique si bien John Stuart Mill dans son livre De la liberté, une société en santé se doit de laisser exprimer librement ses citoyens. Il faut donc que tous les discours doivent être entendus afin de pouvoir décortiquer le vrai du faux. L’écrivain Normand Baillargeon explique bien ce principe en affirmant que se battre pour la liberté d’expression, c’est se battre pour entendre des choses qui nous déplaisent, voire qui nous répugnent. Il ajoute que la liberté d’expression des idées que l’on aime, c’est la liberté d’expression de Staline (1). C’est pourquoi la liberté d’expression jouit d’une protection constitutionnelle au Canada. Le Québec a même intégré ce droit dans sa Charte des droits et libertés de la personne. Or, vu l’importance de ce droit dans notre société, il peut sembler étrange que Mike Ward ait perdu à deux reprises sa cause contre Jérémy Gabriel (représenté par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse).

Pour bien comprendre l’essence de sa double défaite, il faut d’abord se rappeler qu’aucun droit, peu importe son importance, n’est illimité. En l’espèce, la liberté d’expression possède deux limites : la violence et le lieu. Ainsi, nos actions ne rentrent tout simplement pas sous le couvert de la liberté d’expression si l’on tente de s’exprimer par la violence ou dans un lieu impropre à la liberté d’expression. Considérant ces deux limites, il est important de bien tracer la frontière entre ce qui choque ou répugne et ce qui est violent : il faut éclairer la maxime qui veut que la liberté des uns finit là où la liberté des autres


29 par Claire Menvrès

commence. En effet, dans une société, on doit pouvoir s’exprimer sans avoir peur que des désaccords profonds viennent museler les personnes. Dans le cas de Ward c. Gabriel (2), tous connaissent l’extrait de son spectacle Intouchable qui a fait le tour du web par une série de commentaires sévères. On peut alors affirmer que ce sont des commentaires qui choquent ou répugnent, mais est-ce qu’ils consistent en de la violence selon la Charte québécoise? La réponse à cette question est probablement négative. En effet, Ward a simplement exprimé des commentaires, certes très dur, à l’égard de Gabriel, mais ils étaient prononcés dans un contexte humoristique et une société devrait être en mesure de supporter cela dans une société libre et démocratique comme la nôtre.

La limite de l’acceptable Je partageais d’ailleurs cet avis, du moins jusqu’au jour où j’ai décidé de lire le jugement du Tribunal des droits de la personne. J’ai alors compris que ces blagues, Ward les faisait depuis quelques années avant la poursuite. En fait, Ward a réalisé plusieurs capsules web qui avaient pour cible Gabriel et sa mère en plus des représentations de son spectacle qui se sont déroulées sur trois années. Si Gabriel a tenté de passer à travers en

croyant que ces blagues allaient cesser d’elles-mêmes, la répétition de ces blagues durant son adolescence s’est rendue au stade de l’inacceptable. La définition de harcèlement selon le Larousse est la suivante : «Soumettre quelqu’un, un groupe à d’incessantes petites attaques» (3) [mon emphase]. On discerne donc deux aspects au harcèlement, une personne ou un groupe précis et des attaques répétées. Je comprends donc que le comportement de Mike Ward constitue, en quelque sorte, du harcèlement. Il a fait des attaques dirigées à l’égard de Jérémy Gabriel et de sa mère. Ces attaques ont été répétées sur différentes plateformes durant plusieurs années.

Une forme de violence D’autre part, il me semble clair que le harcèlement constitue certainement une forme de violence. Ainsi, selon moi, le comportement de Ward n’est pas couvert par la liberté d’expression. En fait, si on donne raison à Ward, est-ce qu’on est en train d’accorder au harcèlement une protection constitutionnelle ou quasi constitutionnelle? Cette dernière question (rhétorique), ainsi formulée, est, je l’accorde, franchement douteuse et constitue certainement un sophisme. Cependant, on comprend que la liberté d’expression n’est pas illimitée. Sans faire référence à cette vision du harcèlement, les juges admettent que Ward est allé trop loin et s’est privé de la défense de liberté d’expression en portant atteinte au droit à la dignité de Gabriel. Cependant, Ward va porter la décision devant la Cour suprême du Canada. Toutefois,

le débat ne concerne plus la liberté d’expression au sens large, tel que je viens de l’expliquer (4). À ce niveau, tout semble indiquer qu’il est allé trop loin. Le débat devrait porter sur le problème que la Cour d’appel refuse de reconnaître, soit l’importance particulière du contexte humoristique comme étant au coeur de la liberté d’expression (5). C’est d’ailleurs le problème que souligne le professeur Lampron dans un article publié dans droit-inc.com : «Avec égard pour l’opinion exprimée par les juges majoritaires dans l’arrêt Ward, il y a une marge très importante entre le refus de mettre en place un régime particulier qui s’applique aux litiges impliquant l’expression artistique et la nonreconnaissance de la très grande proximité de cette même forme d’expression avec les valeurs qui constituent le cœur de la liberté d’expression.» (6)

La place de la diffamation Il serait peut-être également plus profitable pour Ward de débattre en Cour suprême de la place des poursuites en diffamation sous le couvert de la discrimination devant un tribunal tel que celui des droits de la personne (7). Une poursuite en diffamation est de la compétence de la Cour supérieure et n’est pas l’expertise du tribunal des droits de la personne. Tel que l’explique dans sa dissidence la juge Savard, le juge de Suite page 30


ANALYSE SOCIÉTÉ

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Suite de la page 29

première instance semble avoir eu de la difficulté : «bien que le juge souligne à différentes reprises l’importance de ne pas confondre la diffamation et la discrimination, son analyse, avec égards, ne permet pas toujours de faire les distinctions qui s’imposent.» (8) Ainsi, il est curieux de voir Ward crier haut et fort sur la scène lors du Gala des Oliviers qu’il va porter la décision en appel au nom de la liberté d’expression. Il devrait peut-être appeler ses avocats pour s’assurer de bien comprendre le fondement de l’appel qui va plutôt viser à faire reconnaître le contexte dans lequel Ward tient ses propos (9). Il ajoute ensuite que jamais il ne va payer Gabriel, qu’il préfère faire de la prison. Or, la justice va sans doute lui rappeler que nous vivons dans un État où la notion de primauté du droit prévaut sur le reste.

Faire autrement Crédit photo : Gabriel n’est Canva toutefois pas sans reproche. Je considère qu’il aurait pu commencer autrement que par une poursuite. Une mise en demeure aurait peut-être suffi à faire cesser les blagues de Ward. C’est d’ailleurs ce que les autres cibles de Ward ont fait avec succès. Cependant, je ne suis pas dans la tête de Gabriel, je ne connais donc pas la raison pour laquelle il a commencé par la poursuite avec la Commission et je ne connais également pas le préjudice qu’il a subi.

Ainsi, les seuls éléments de preuve que je peux me mettre sous la dent

nous montrent que Ward a commis, en mon sens, du harcèlement. Il a donc causé un préjudice à Gabriel et vu la nature de la faute, Ward ne jouit pas de la défense de liberté d’expression. Vous pourriez me dire que d’autres personnes, publiques ou non, ont subi du harcèlement semblable à ce qu’a vécu Gabriel et que ces premiers n’ont fait de poursuite à personne. Encore une fois, je ne suis pas dans une autre tête que la mienne. Il appartient à celui qui a un droit de l’exercer ou non. Poursuivre une personne est un choix discrétionnaire.

La faute du jeu En bref, malgré l’importance du droit à la liberté d’expression, le comportement de Ward se caractérise selon moi par le harcèlement, ce qui l’empêche de jouir de cette protection. Peu importe les motivations de Gabriel, il ne fait qu’exercer un droit que lui procure le système. Si on n’est pas d’accord avec le fait que Gabriel peut intenter ce type de poursuite, il faut attaquer le jeu, pas le joueur. Cher lecteur, je ne peux pas donner de conseil juridique puisque je ne suis pas (encore) avocat, mais je peux vous inviter à la prudence. Si vous voulez éviter une situation comme celle de Ward, vous pouvez appliquer les trois filtres que Socrate a mis de l’avant il y a bien longtemps. Il faut se demander si ce que l’on essaye de dire est vrai, si c’est bien ou si c’est utile. Si on répond non aux trois dernières questions, on devrait s’abstenir d’en faire part. Au lieu de payer très cher pour des avocats afin d’aller en Cour suprême, ne serait-il pas plus profitable pour Ward de se procurer cette excellente édition du Verdict? À vous d’en juger.

Si on n’est pas d’accord avec le fait que Gabriel peut intenter ce type de poursuite, il faut attaquer le jeu, pas le joueur.

Sources et notes (1) https ://www.youtube.com/watch? v=a3I632Rb96g (2) Ward c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Gabriel et autres), 2019 QCCA 2042 (3) https ://www.larousse.fr/dictionnaires/ francais/harceler/39 062 (4) https ://www.lapresse.ca/actualites/ justice-et-faits-divers/201 911/28/015 251 602-affaire-jeremy-gabriel-mikeward-sen-va-en-cour-supreme.php (5) Préc., note 2, p. 188-189 (6) https ://www.droit-inc.com/article25 883-Ward-c-Gabriel-un-arret-quidoit-etre-corrige (7) Cet aspect est également traité par le professeur Lampron dans le même article. (8) Préc., note 2, par. 70 (9) https ://www.lapresse.ca/actualites/ justice-et-faits-divers/201 911/28/015 251 602-affaire-jeremy-gabriel-mikeward-sen-va-en-cour-supreme.php


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par Shawn Foster Crédit photo : Canva

Éthique et réfugiés «Article 14:1) Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays», nous indique la Déclaration universelle des droits de l’homme (1).

L’année 2018 marque un record mondial : 70,8 millions de réfugiés, peuton lire dans un rapport de l’Agence des Nations unies pour réfugiés. Il s’agit de 70,8 millions de personnes faisant face à une menace; adultes et enfants, forcés de s’exiler dans le but de pouvoir vivre une vie meilleure, exempts de peur et à l’abri de la persécution. Pensons notamment à la Saoudienne Rahaf Mohammed alQunun, qui a obtenu son statut de réfugiée par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, après avoir manifesté publiquement sa persécution. Nous voulons montrer que dès le moment où nous entrons en

contact avec l’Autre (2), nous avons la responsabilité éthique de remédier à sa situation. Pour ce faire, nous puiserons à l’éthique d’Emmanuel Levinas.

Le visage du réfugié Le réfugié, c’est d’abord l’Homme en tout Homme. Toutefois, avant d’acquérir le statut de réfugié, le demandeur d’asile fait appel à la compassion d’un pays où il souhaite entrer. CeluiSuite page 32


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Suite de la page 31

ci, que nous qualifierons comme étant l’Autre, c’est-à-dire «l’autre-que-soi» : l’Altérité, comme le dit Emmanuel Levinas (3), se présente à nous en tant que visage; c’est ce par quoi je lui accède. Il n’est pas que sensible, il déborde de la forme qui peut être perçue par les sens. Le visage est ex-pression; pour ainsi dire, il exerce une pression vers l’extérieur de son contour. En ce sens, il ne peut être contenu dans sa forme physique : il la perce sans cesse. Celui-ci dépasse le sensible, puisqu’il manifeste quelque chose qui va au-delà de ce qui est vu. Pensons à une main qui sort de l’eau : point n’est besoin que l’on explicite la conjoncture pernicieuse dans laquelle se trouve la personne pour en capter le sens. La main, à elle seule, exprime un sens — sens qui me dépasse, qui me transcende. Transcende, en raison que l’Autre représente l’Infini, du

Sources et notes (1) Amnesty International. (1988), Déclaration universelle des droits de l’homme. Bruxelles, Belgique: Éditions Folio, p. 68. (2) La majuscule est quasiment systématique chez Emmanuel Levinas. (3) Philosophe français d’origine lituanienne, né en 1906 et décédé en 1995. (4) LEVINAS, Emmanuel. (1995), Altérité et transcendance. Paris, France: Éditions

fait que je ne puis que faillir à saisir complètement l’Autre, en ceci qu’il m’échappe. Il ne peut être totalisé en un concept, une définition — «réfugié», par exemple. En outre, on ne sait jusqu’où l’Autre nous échappe; c’est pourquoi il représente l’Infini. L’Autre est le Transcendant, celui qui me dépasse. Par ailleurs, c’est tout le corps humain que Levinas qualifiera de «visage». C’est «le lieu originel du sensé» (4). Ce sens, de plus, nous est imposé, comme nous le constatons dans l’exemple de la main dans l’eau. En effet, «le visage parle. [Il] est le premier discours» (6), dès que nous entrons en relation avec l’Autre.

Du visage à la responsabilité Dès le moment où nous entrons en contact avec l’Autre, un appel nous donc est lancé : celui-ci nous invite à une relation, par sa simple manifestation. L’épiphanie du visage «consiste à nous solliciter par sa misère [...]»

Le Livre de poche, p. 44. (5) LEVINAS, Emmanuel. (1972), Humanisme de l’autre homme. Paris, France: Éditions Le Livre de Poche, p. 51. (6) LEVINAS, Emmanuel. (1971), Totalité et infini. Essai sur l’extériorité. Paris, France: Éditions Le Livre de Poche, p. 76. (7) LEVINAS, Emmanuel. (1982), Éthique et Infini. Paris, France: Éditions Le Livre de poche, p. 82. (8) OLIVIER, Michel. (2019), La Justice et le bourreau. Philoso-

(6). Sollicitation que nous ne pouvons décliner, puisque peu importe notre réaction, qu’elle soit d’en faire fi ou d’y répondre intentionnellement, une réponse est inéluctablement transmise. Le visage parle; en ce sens, «c’est lui qui rend possible et commence tout discours» (7). Comme nous sommes dans l’impossibilité de ne pas répondre — verbe qui provient du latin «respondere» et duquel le mot «responsabilité» découle, étymologiquement –, Levinas établit que nous sommes fondamentalement au service d’Autrui. De là émane notre responsabilité envers l’Autre. Il y a conséquemment une relation inégalitaire qui prend forme entre l’Autre et moi, par suite de mon incapacité à ne pas lui émettre de réponse : je deviens son otage. Je deviens responsable, mais pas seulement d’Autrui : je le deviens également pour le tiers, qui réclame tout autant ma responsabilité, car Autrui «n’est jamais seul. Audelà de ma relation à lui, il y a plusieurs tierces personnes qui [...] sont toujours

phie Magazine Hors-série n° 40. p. 58 - 60. (9) LEROY, Christine. (2018), Apprendre à philosopher: la phénoménologie. Paris, France: Éditions Ellipses, p. 187. (10) Emmanuel Levinas, Altérité et transcendance, op. cit., p. 13. (11) Emmanuel Levinas. Éthique et Infini, op. cit., p. 81. (12) Olivier Michel, La Justice et le bourreau, op. cit., p. 60. (13) Conseil canadien pour les réfugiés. (s.d.) Droits des réfu-

giés = droits de la personne. Repéré à: https://ccrweb.ca/ sites/ccrweb.ca/files/staticfiles/droitsref.htm. (14) ARENDT, Hannah. (2019), Nous autres réfugiés. Paris, France: Éditions Allia, p. 7. (15) LEVINAS, Emmanuel. (2018), De l’unicité. Paris, France: Éditions Payot et Rivages, p. 56. (16) ARBOUR, J.-Maurice et Geneviève PARENT. (2017), Droit international public,7e édition. Montréal, Québec: Éditions Yvon Blais, p. 823.


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déjà présentes dans le regard d’Autrui, et dont je me sens tout autant responsable» (8). Par conséquent devenonsnous infiniment responsables de tous, étant donné que nous ne savons pas jusqu’où va cette responsabilité, car l’Autre représente l’Infini.

sens ordonne : «Tu ne tueras point» (11). Et comme, de surcroît, le visage d’Autrui se présente à moi dans toute sa nudité et sa fragilité, il m’invite à une relation de paix. La relation originaire ne se fonde alors guère sur la violence, mais plutôt la paix.

La responsabilité et l’éthique Le droit des réfugiés Dans son épiphanie, le visage se présente à nous. «[À] travers lui, c’est un être tout entier qui se donne à moi. Et précisément, il se donne : Levinas insiste sur la vulnérabilité de ce visage nu qui s’offre à moi, sur lequel je pourrais aussi bien exercer ma toute-puissance» (9). Le visage défie mon pouvoir, car il m’échappe. Non pas celui d’en exercer un, mais bien la possibilité de pouvoir; il défie mon pouvoir de pouvoir, voire cette volonté d’une puissance, dira Levinas. Puisque, dès le premier contact, l’Autre n’est point soumis à mon pouvoir, c’est dans une relation qui ne soit pas de pouvoir à laquelle je suis convié. Il «oppose une résistance métaphysique à la violence» (10); la relation avec le visage est, par extension, éthique, car malgré que l’on puisse l’anéantir, son

Ensuite apparaît une troisième instance, dans la philosophie levinassienne : le politique. Ce dernier a comme tâche d’assumer une partie de la responsabilité que nous avons de tout et de tous envers tous, puisqu’à nous seuls, il nous est impossible de le faire. «[Il] protège tous les tiers que je ne peux protéger» (12). L’article 33 de la Convention relative au statut des réfugiés, entre autres, nous permet de constater ceci mis à l’oeuvre : «Aucun des États contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.» (13)

Si le réfugié est, d’ordinaire, selon Hannah Arendt, «une personne contrainte de demander l’asile pour avoir commis quelque acte ou défendu une opinion politique» (14), il appert que l’article 33 s’avère pertinent à notre analyse, puisqu’il témoigne de l’éthique de la responsabilité, relayée par l’État et mise en effet.

En somme Nous pouvons dire que le droit concernant les réfugiés a pour fondement notre responsabilité éthique, car «il s’agit de ne pas ignorer la souffrance d’autrui qui incombe à ma responsabilité» (15). Il demeure, toutefois, à savoir si le droit processuel amenuise cette responsabilité, qui est notre condition première; en d’autres termes, si le droit lui-même cause une barrière à cette responsabilité infinie, puisque «l’obligation juridique d’accorder l’asile quand celui-ci est réclamé n’existe tout simplement pas» (16), alors que l’obligation éthique, elle, oui.


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C’est le moment! Pour la dernière édition de l’année, laissez aller votre créativité sous le thème non obligatoire des arts et de la culture. Pour l’occasion, toute oeuvre sera acceptée: récits, photographies, illustrations, poèmes... sans oublier les textes d’opinion et d’information qui font la marque de votre journal étudiant.

20 mars

des nuits plus blanches que les cubes de sucre que je dissous quotidiennement dans mon café cheap protagoniste de mes matinées, je bois le plus médiocre sur le marché, substance alléchante sous mes yeux qui creusent leur tombe jusqu’aux plis dans mes joues pâles en cours, jouir des mots qui se tachent par les gouttes disparates de mon café hivernal mes doigts frêles tournent les pages d’ouvrages qui, de part toutes les couleurs que j’y ai mises, deviennent de plus en plus sales


POÉSIE 359

mots à mes maux par Eugénie-Laurence Fafard Drareni

égarée auprès d’adipeux en sueur et de bouffeurs d’espoirs, océan fade de gens qui brassent leurs ambitions à coup de nage papillon jusqu’à la prochaine rive, je flotte sur le dos en attente de la prochaine vague sous les néons lumineux des salles de classe, je m’échappe, je m’imagine, béate, mes membres formant une étoile, gisant à la surface, amorphe telle une carcasse, je perçois apathiquement mes camarades ils quittent la rivière sautent en banc de poissons dans la bouche du premier ours prometteur : le marché du travail

travestir des âmes créatrices en de conformes travailleurs les poutres, les portes, le carrelage des institutions scolaires, dépossédés, leur force colossale de véritablement transformer les individus, anéantie telle la brise qui transportent les akènes des pissenlits, l’école s’est réduit à un rôle d’accompagnatrice temporaire train de marchandises cesser de fleurir par et pour la connaissance ne plus s’empiffrer du savoir comme on se gave de friandises un instant un instant seulement stabiliser le sablier se soumettre sans autre prétention à la voix craquée de l’instructeur se régaler d’érudition s’abandonner aux notions volatiles quand avons-nous abdiqué l’intérêt pour l’utile ?


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