ITAA-Zine | Numéro 5 - septembre 2020

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Édition mensuelle – Bureau de dépôt Gent X – P409030

Manuel de ­procédures ­internes en ­matière d’anti­ blanchiment : mode d’emploi

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Depuis l’adoption de la 4ème Directive européenne AML et sa transposition dans la loi antiblanchiment du 18/09/2017 (‘LBC/FT’), le concept fondateur de la lutte préventive contre le blanchiment est l’approche fondée sur le risque. Cette approche est la pierre angulaire de la matière à partir de laquelle toutes les obligations des entités assujetties sont déclinées. La première obligation qui apparaît dans la LBC/ FT est celle qui impose aux entités assujetties de mettre en place au sein de leur cabinet une orga­ nisation interne basée sur l’approche fondée sur le risque.


Colophon Manuel de procédures internes en matière d’antiblanchiment : mode d’emploi. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Interview: “Signaler un soupçon de blanchiment”. . . . . . . 11 La nouvelle SRL et la suppression de la notion de capital social sous le prisme de la fiscalité directe (II). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Transformation à 6 % ou nouvelle construction à 21 % ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 Cession d’un immeuble lors de la liquidation d’une société de personnes : VLABEL augmente encore la charge fiscale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

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ITAA-zine Magazine mensuel de l’ITAA (ne paraît pas en janvier et en juillet) N° 5/2020 ADMINISTRATION ET RÉDACTION ITAA, Boulevard Emile Jacqmain 135/2, B-1000 Bruxelles Tél. : +32 2 240 00 00 E-mail : info@itaa.be COORDINATION DE LA RÉDACTION Stéphane De Bremaeker (NL) – stephane.debremaeker@itaa.be Gaëtan Hanot (FR) – gaetan.hanot@itaa.be COMITÉ DE RÉDACTION Stéphane De Bremaeker, Gaëtan Hanot, Johan De Coster, Chantal Demoor, Sophie Bosschaerts, François Lezaack, Bart Van Coile (Président), Frédéric Delrue (Vice-Président), Geert Lenaerts, Eric Steghers IMAGES iStockphoto, CFI TRADUCTIONS House of Words, IGTV, Joeri Van Liefferinge ÉDITEUR RESPONSABLE B. Van Coile, Boulevard Emile Jacqmain 135/2, B-1000 Bruxelles AVIS AUX LECTEURS Les auteurs, le comité de rédaction et l’éditeur veillent à la fiabilité des informations publiées, lesquelles ne pourraient toutefois engager leur responsabilité. Les articles représentent les points de vue et les opinions des auteurs et donc pas nécessairement ceux de l’Institut ou du comité de rédaction. L’Institut des conseillers fiscaux et des experts-comptables (ICE) a été créé par la loi du 17 mars 2019. L’ICE se présente en tant qu’ITAA, et est le résultat d’une fusion entre l’IEC et l’IPCF. L’ITAA est géré par un Conseil et un Comité exécutif. Plus d’informations via : www.itaa.be. ÉDITEUR Wolters Kluwer Belgium Motstraat 30, B-2800 Mechelen


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Manuel de procédures internes en matière d’antiblanchiment : mode d’emploi L’ITAA souhaite attirer l’attention de ses membres sur la nécessité pour chaque cabinet d ­ ’élaborer lui-même son Manuel de procédures internes ‘antiblanchiment’ personnalisé en fonction de ses propres besoins. Se contenter d’un copier-coller du Manuel de l’ITAA n’est pas une solution suffisante. Soyez assurés que l’ITAA est bien conscient de la difficulté de l’exercice pour chaque cabinet et du caractère chronophage de l’opération, raison pour laquelle le Manuel ITAA comporte bon nombre d’exemples concrets pour aider au mieux les membres à appréhender la matière de la prévention du blanchiment. Même si le Manuel ITAA est seulement une source d’inspiration, il est un excellent point de départ pour une réflexion sur les procédures adaptées à votre cabinet qu’il convient de mettre en place.

Mise en place d’une organisation interne basée sur l’approche fondée sur le risque Depuis l’adoption de la 4ème Directive européenne AML et sa transposition dans la loi antiblanchiment du 18/09/2017 (‘LBC/FT’), le concept fondateur de la lutte préventive contre le blanchiment est l’approche fondée sur le risque. Cette approche est la pierre angulaire de la matière à partir de laquelle toutes les obligations des entités assujetties sont déclinées. La première obligation qui apparaît dans la LBC/FT est celle qui impose aux entités assujetties de mettre en place au sein de leur cabinet une organisation interne basée sur l’approche fondée sur le risque (ceci bien avant d’aborder les obligations de vigilance liées à l’identification et la vérification de l’identité).

La détection d’opérations susceptibles de relever du blanchiment dépend en grande partie du bon sens des entités assujetties mais ce bon sens doit être accompagné d’une structure, de procédures qui permettent d’accompagner le cabinet depuis le moment de l’acceptation du client jusqu’à la fin de la relation d’affaires. L’important est de se poser les bonnes questions au bon moment, d’adopter les comportements adéquats en fonction du niveau de risque et de conserver les documents nécessaires pour éventuellement pouvoir se justifier dans le cadre d’une revue qualité, voire d’une procédure judiciaire.

Constat fait dans le cadre de la revue qualité La présente note est née d’un constat fait, dans le cadre de la revue qualité, par les rapporteurs lorsque ceux-ci vérifient si les membres ont bien respecté leurs obligations en matière d’antiblanchiment issues de la LBC/ FT et de la Norme AML. Il semblerait que certains cabinets se contentent de faire un simple ‘copier-coller’ du Manuel établi par l’ITAA, dont vous pouvez trouver la dernière version en cliquant sur le lien suivant (https:// www.itaa.be/fr/normes-et-recommandations/) ou sur BeExcellent. Nous souhaitons insister sur le fait que le Manuel de l’ITAA ne constitue qu’un outil destiné à faciliter la rédaction par les membres de leur propre Manuel de Procédures Internes

personnalisé à leurs pratiques (raison pour laquelle de nombreux exemples concrets ont été donnés dans ledit Manuel ITAA). Toutefois, faire ce simple constat que le Manuel ITAA serait parfois utilisé à mauvais escient n’est pas suffisant, encore faut-il trouver des solutions pour vous aider à rédiger votre Manuel de procédures personnalisé.

Questions à vous poser pour élaborer votre Manuel personnalisé Afin de vous orienter au mieux dans le labyrinthe des obligations préventives du blanchiment à mettre en place au sein de votre cabinet et de disposer d’une organisation interne efficace basée sur l’approche fondée sur le risque, la présente note traitera des questions suivantes :

1. Par quoi puis-je commencer pour établir mon propre Manuel ? Il convient tout d’abord de se familiariser avec le contexte de l’antiblanchiment. Pour pouvoir édicter des règles adaptées au sein de votre cabinet, vous devez connaître la théorie. La lecture des textes suivants est recommandée (étant entendu que seules la loi et la norme ont un caractère obligatoire et contraignant pour les

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membres parmi les documents cités ci-dessous) : • la loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces (‘LBC/FT’) (https:// www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/ change_lg.pl?language=fr&la=F&table_name=loi&cn=2017091806) ; • La Norme de l’Institut du 31 mars 2020 relative à l’application de la loi du 18 septembre 2017 et les arbres de décision client et UBO en annexes à la Norme ; • Le Manuel de Procédures Internes établi par l’ITAA ; • Le recueil de modèles de formulaires établi par l’ITAA1 . Vous trouverez les trois documents précités en cliquant sur le lien suivant : https://www.itaa.be/fr/ normes-et-recommandations/ 1

2. Mon Manuel doit-il obligatoirement comporter des exemples pratiques ? Votre Manuel peut être présenté sous la forme d’un document papier ou électronique. Il est vivant et évolutif en ce sens que les procédures doivent être adaptées en fonction de la pratique et des activités de votre cabinet. En tant qu’entité assujettie à la LAB, vous pouvez opter pour : • un Manuel de base reprenant seulement des procédures exposées de manière théorique, ou • un Manuel (comme le modèle établi par l’ITAA) qui constitue une véritable guidance pour vos collaborateurs et un ouvrage plus complet avec des exemples, des cas pratiques, la mention des documents et

informations à demander et à vérifier en fonction du niveau de risque. Le choix vous appartient en fonction des besoins de votre cabinet. De manière générale, il faut faire en sorte que les procédures soient adaptées au mode de fonctionnement de votre cabinet et à sa taille. L’objectif est de rester cohérent et de ne pas mettre en place une procédure trop lourde impossible à respecter. Les cabinets unipersonnels sans collaborateurs seront sans doute plus enclins à adopter un Manuel théorique des procédures, reprenant simplement toutes les obligations inscrites dans la loi antiblanchiment du 18 septembre 2017 ainsi que la Norme ITAA. En revanche, dans les cabinets qui ont des collaborateurs, il ne suffit

Ce recueil est très utile pour illustrer et documenter les procédures que l’on retrouve dans le Manuel de procédures internes ITAA.

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5 pas de simplement disposer d’un Manuel, encore faut-il s’assurer que les procédures sont bien comprises et appliquées au jour le jour par les collaborateurs du cabinet. Il est évident qu’un Manuel complet – qui se veut didactique et pratique – aidera davantage vos collaborateurs à comprendre les enjeux de la lutte contre le blanchiment et aura une vraie valeur ajoutée en termes de sensibilisation et de formation à l’antiblanchiment.

3. Quels sont les points auxquels je dois être particulièrement attentif ? Conformément à l’article 8 LBC/FT, chaque entité assujettie doit disposer de politiques, de procédures et de mesures de contrôle internes efficaces et proportionnées à sa nature et à sa taille. Ces politiques, procédures et mesures de contrôle internes sont notamment relatives ‘aux modèles en matière de gestion des risques, à l’acceptation des clients, à la vigilance à l’égard de la clientèle et des opérations, à la déclaration de soupçons, à la conservation des documents et pièces, au contrôle interne, ainsi qu’à la gestion du respect des obligations énoncées par la loi et les arrêtés et règlements pris pour son exécution’.

La mise en application de cette obligation légale visée à l’article 8 LBC/FT comporte quatre étapes.

1ère étape : organisation du cabinet – point 5 du Manuel ITAA Cette étape couvre les deux aspects suivants : • désignation des fonctions de compliance : responsable au plus haut niveau (RPHN) 2 , AMLCO 3 et, le cas échéant, fonction d’audit indépendante4 (points 5.1 à 5.5). Le Manuel devra décrire les fonctions de chacun des responsables antiblanchiment, ce afin que le collaborateur puisse savoir avec certitude, à la lecture des procédures, à qui il doit s’adresser. Dans tout cabinet, il faudra obligatoirement désigner les fonctions de RPHN et d’AMLCO, étant entendu que ces deux fonctions pourront être exercées par la même personne dans un cabinet de moins de 10 professionnels ; • procédure en vue de recruter5, sensibiliser et former les collaborateurs du cabinet. Ce point peut bien entendu être omis dans le Manuel d’un cabinet unipersonnel qui n’a pas de personnel (points 5.6 et 5.7). En revanche, ce point a toute son utilité dans un cabinet dans lequel les collaborateurs sont

en contact direct avec les clients. Ceux-ci – étant les premiers à devoir détecter les éventuelles opérations suspectes – doivent recevoir une formation adéquate. Il faut que la détection initiale puisse être faite par les personnes qui sont sur le terrain. Les formations devraient habiliter les collaborateurs à prendre connaissance des procédures du cabinet mais surtout à les comprendre et les intégrer, de manière à pouvoir les appliquer en pratique. Pour votre facilité, le texte marqué en vert dans le Manuel de l’ITAA représente les parties à compléter par chaque cabinet.

2ème étape : évaluation du risque – points 6, 7, 8, 20, 21 et 22 du Manuel ITAA Il n’existe pas de modèle uniforme pour une approche fondée sur le risque. Par conséquent, chaque cabinet doit évaluer : • dans quelle mesure il est exposé au risque de BC/FT (points 6 et 20/21) ; • de quelle manière sont traités les risques faibles, standards ou élevés (point 7) ; • quels facteurs de risque se présentent dans des dossiers de clients individuels (points 8 et 22).

2 Fonctions du RPHN : s’assurer que l’AMLCO réalise ses tâches correctement par rapport aux exigences de la LBC/FT (révision du contenu du rapport annuel de l’AMLCO ; approbation de l’évaluation globale des risques) ; recevoir les signalements internes dans le cadre du whistleblowing (article 10 LBC/FT) ; décider de mettre fin à une relation professionnelle à la suite d’une déclaration à la CTIF ; responsabilité déontologique envers l’Institut. Un stagiaire ne pourra jamais être désigné comme RPHN. 3 Fonctions de l’AMLCO : mise en œuvre des politiques, procédures et mesures de contrôle interne ; établissement et actualisation de l’analyse globale des risques ; analyse des opérations atypiques et établissement des rapports écrits ; décision si déclaration à la CTIF ou non et communication de renseignements complémentaires le cas échéant ; sensibilisation et formation du personnel ; réception des signalements internes ; établissement d’un rapport annuel d’activités envoyé au RPHN ; déclaration des informations en application de l’article 54 LBC/FT (pays non coopératifs). L’AMLCO désigné devra également répondre à des exigences d’honorabilité professionnelle nécessaire pour exercer ses fonctions avec intégrité. Il devra disposer d’une expertise adéquate et d’une connaissance du cadre légal et réglementaire an matière d’antiblanchiment. Il devra se situer à un niveau hiérarchique nécessaire pour être autonome et pour pouvoir imposer son point de vue si nécessaire. Un stagiaire ne pourra jamais être désigné comme AMLCO. 4 Fonction d’audit indépendante : chargé de tester si les mesures de procédures internes ont bien été mises en œuvre en pratique. Le critère de plus de 100 professionnels a été indiqué dans la Norme ainsi que celui de la nature du risque pour déterminer si cette fonction doit être désignée. 5 Au moment de l’engagement, il convient de vérifier l’honorabilité du candidat et ses connaissances en matière d’antiblanchiment (il serait utile de prévoir dans le Manuel une série de questions à poser au candidat).

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6 Cette deuxième étape couvre : • l’analyse globale des risques6 (points 6.1 à 6.6 et points 20 et 21) – réalisée par l’AMLCO – et dont le but est de définir le niveau de risque du cabinet par rapport à un certain nombre de facteurs définis par les annexes à la LBC/FT7 et repris à titre exemplatif par le GAFI ou la FSMA comme les caractéristiques des clients (trusts, clients utilisant du cash, entreprises situées dans des paradis fiscaux…), le type de services offerts par le cabinet (déclaration fiscale, conseils en matière de constitution de sociétés,…), les zones géographiques dans lesquelles le cabinet est actif, la façon dont les clients arrivent au cabinet (recommandation par un autre professionnel ou le hasard…), la cohérence du service demandé par le client par rapport à la taille du cabinet… Le Manuel ITAA propose deux méthodes d’analyse globale des risques aux points 20 et 21. Il convient de vérifier si les facteurs sont pertinents pour votre cabinet (par exemple, vous ne prestez que pour des clients situés en Belgique ; le facteur géographique n’est dès lors pas un critère à prendre en compte pour votre cabinet). Après avoir analysé la pertinence des facteurs, il conviendra de déterminer quel niveau de risque appliquer à chaque facteur. Si l’analyse globale des risques mène à un résultat ‘niveau de risque élevé’, le cabinet ne pourra pas se contenter d’un Manuel de procédures allégé. Il faut bien réfléchir, en tant que cabinet, au niveau de risque que l’on veut bien prendre en charge, et surtout à celui auquel le cabinet est en

mesure de faire face en fonction de son infrastructure, de sa taille, de la connaissance suffisamment pointue des collaborateurs de la matière de l’antiblanchiment. À titre d’exemple, un cabinet pourrait décider de ne pas accepter de clients qui sont actifs dans un secteur à risque comme l’Horeca, les diamantaires, … ou de ne pas offrir ses services à des trusts ou des sociétés en lien avec un paradis fiscal. Comme l’évaluation globale des risques doit être révisée chaque année, il appartient à chaque cabinet de décider s’il souhaite intégrer ce document au sein de son Manuel ou de le traiter dans un document à part (pour ne pas devoir modifier à chaque fois le Manuel). Quel que soit son support, l’évaluation globale des risques devra toujours pouvoir être montrée dans le cadre d’une revue qualité ; • l’analyse individuelle des risques (points 7, 8 et 22) : il s’agira de déterminer les critères que l’on va utiliser pour classer les clients du cabinet selon leur niveau de risque (faible, standard ou élevé) et de mettre par écrit les mesures de vigilance adéquates. Si le niveau de risque est élevé, les mesures de vigilance devront être adaptées en conséquence. Il est possible qu’un client doive être reclassé dans un autre niveau de risque (par exemple, un client qui est élu comme bourgmestre et devient dès lors une PPE). La fréquence de révision de l’évaluation des risques devra être déterminée dans le Manuel de chaque cabinet. Cette fréquence est

généralement fonction de la nature du risque (faible, standard ou élevé) et variera d’un cabinet à l’autre. Le Point 22 du Manuel ITAA reprend un modèle résultant des rapports annuels de la CTIF et de lignes directrices du GAFI.

3ème étape : relation avec la clientèle – points 9, 10, 11, 12, 13, 14, 16 du Manuel ITAA Cette étape couvre tous les aspects de la relation avec la clientèle depuis l’acceptation (approbation) et tout au long de la relation. Cela concerne aussi bien l’identification du client que le suivi des opérations et une éventuelle déclaration à la CTIF. • Acceptation8 (points 9.1 à 9.6) : l’ITAA met à votre disposition des arbres de décision reprenant le processus décisionnel d’acceptation des clients et des UBO 9 . Les arbres de décision peuvent être consultés en cliquant sur le lien suivant : https://www.itaa.be/fr/ normes-et-recommandations/ Si le cabinet prend la décision d’accepter un client qu’il considère comme étant à risque élevé, il lui appartient de prévoir une procédure spécifique à mettre en place dans son Manuel, comme par exemple la nécessité d’une approbation préalable par l’AMLCO. En cas de décision de refus de client, la procédure du cabinet devra prévoir qui informer ainsi que la conservation du document. • Identification et vérification (points 9.7 à 9.12) : la procédure devra préciser concrètement (i) quels sont

6 L’analyse globale des risques est établie par écrit par l’AMLCO et vérifiée par le RPHN. Elle est adaptée au moins une fois par an (plus souvent en cas d’évolution significative). 7 Les facteurs de l’Annexe I doivent obligatoirement être pris en considération ; ceux des Annexes II et III sont communiqués à titre indicatif. 8 Certaines prises de position dans le Manuel du cabinet peuvent avoir un impact sur la politique générale d’acceptation des clients (PAC) comme le refus de certains secteurs (construction, clubs de football,…), de certains clients (structures juridiques complexes comme des trusts,…), de certaines missions (opérations complexes impliquant un paradis fiscal,…). Tout ceci est imbriqué et doit rester cohérent. 9 Ces documents sont annexés à la Norme de l’Institut du 31 mars 2020 relative à l’application de la loi du 18 septembre 2017 (mais n’ont pas de caractère obligatoire contrairement à la Norme).

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les formulaires à remplir (formulaires d’identification des clients, des UBO…), (ii) qui doit les remplir et à quel moment, (iii) quelles pièces d’identité doivent être fournies par le client et (iv) quelles questions poser. Il est recommandé de prévoir dans votre Manuel un niveau d’exigence d’identification (et un degré de vérification) différent en fonction des catégories de risque. A titre d’exemple, face à un client classé en risque élevé, il peut être utile de prendre une copie de la carte d’identité et d’en plus vérifier la puce si l’on dispose de l’appareil adéquat et/ou de faire une recherche dans le registre national. Si le risque est élevé, il est en effet recommandé de confronter plusieurs sources d’informations. Pour des exemples concrets, nous vous conseillons la lecture des tableaux aux points 9.9.3, 9.9.4 et 9.9.5 du Manuel ITAA.

• Obligation de mettre en place une procédure de vigilance (points 10.1 à 10.4) qui est fonction du niveau de risque du client (faible, standard ou élevé). La vigilance ne s’exerce pas seulement en début de relation d’affaires mais bien de manière continue. Il est nécessaire de prévoir des procédures pour revoir le niveau de risque et l’information d’identification à une certaine fréquence. À titre d’exemple, il existe des logiciels qui préviennent quand les cartes d’identité des clients viennent à échéance. Une vigilance renforcée avec des mesures adaptées est obligatoire dans les cas visés à l’article 41 LBC/ FT (la vérification de l’identité du client opérée après le début de la relation d’affaires, les paradis fiscaux et la fraude fiscale grave organisée ou non, les PEP).

• Conservation des documents (points 11.1 à 11.3) suivants pendant dix ans (après la fin de la relation d’affaires ou de l’opération) : analyse globale des risques, rapports annuels de l’AMLCO, documents d’identification et pièces justificatives, refus de client (car impossibilité d’évaluer le risque de blanchiment), rapports relatifs aux opérations atypiques (rapport AMLCO ; décision du RPHN), déclarations à la CTIF et pièces annexes. Description dans les procédures des mesures mises en place pour la conservation des documents et la forme de cette conservation (papier, électronique, système de gestion). • Mise en place en 3 étapes d’une procédure en cas d’opération atypique (détection, signalement à l’AMLCO et analyse de l’AMLCO

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8 • Obligation de déclaration (points 14.1 à 14.7) : en cas de soupçon de blanchiment, une déclaration à la CTIF doit être faite selon le modèle qui se trouve sur le site de la CTIF11 . Si l’AMLCO décide de ne pas procéder à une déclaration à la CTIF (car il est rassuré par les explications complémentaires données par le client), il est conseillé de reprendre dans un document écrit toutes les étapes du raisonnement qui ont mené au processus décisionnel et les raisons pour lesquelles il n’a pas été procédé à une déclaration de soupçon. Lors de la revue qualité, il sera difficile de vous reprocher d’avoir mal analysé (en raison du caractère subjectif de l’analyse). En revanche, le fait de ne pas être en mesure de pouvoir prouver qu’une analyse a été faite à l’époque pourrait poser des difficultés.

4ème étape : divers – points 15 et 17 du Manuel ITAA iStockphoto.com/fizkes.

sous forme d’un rapport) (points 12.1 à 12.4) : – liste de clignotants qui permettent aux collaborateurs en contact direct avec le client de détecter une opération atypique10 . Pour que l’étape de ‘détection’ puisse fonctionner, les collaborateurs doivent bénéficier d’une sensibilisation et formation suffisante en matière de lutte contre le blanchiment ;

– formulaire que le collaborateur remplit et transmet à l’AMLCO pour le tenir informé de l’opération qu’il considère comme atypique ; – modèle de rapport écrit de l’AMLCO (sur la base de l’article 45 LBC/FT) reprenant son analyse de l’opération (détermination d’un risque existant ou non et des actions à prendre). • Rapports de l’AMLCO (points 13.1 et 13.2).

Sont traités ici les points prévus dans la LBC/FT, sans pouvoir être associés à une étape spécifique, mais qu’il convient de reprendre dans votre Manuel : • paiements en espèces de plus de 3.000 EUR (points 15.1 et 15.2) : la procédure devra déterminer comment réagir en interne, comment le signaler à l’AMLCO (modèle de formulaire) et la façon dont l’AMLCO suivra le dossier12 ; • embargo (points 16.1 à 16.3) : il convient de reprendre dans le Manuel une référence à une source qui liste les pays soumis à un embargo financier et détailler les procédures à suivre (détection par les collaborateurs après consultation de la liste des pays soumis à embargo financier + signalement à l’AMLCO sur la base d’un modèle

10 Une opération peut être considérée comme atypique si elle n’est pas cohérente avec la connaissance que l’on a du client. 11 Ce modèle est également repris dans le Recueil de modèles et de formulaires de l’ITAA (https://www.itaa.be/fr/ normes-et-recommandations/). 12 Nous renvoyons à la recommandation Inter-Instituts que l’on peut trouver en cliquant sur le lien suivant : http://www.iec-iab.be/fr/ membres/publication/annonces/Documents/2014/Communiqu%C3%A9%20commun%20IRE-IEC-IPCF%20-%20paiement%20en%20 esp%C3%A8ces.pdf

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9 de document + suivi du dossier par l’AMLCO) ; • whistleblowing interne (points 17.1 et 17.2) : explications à l’attention des collaborateurs de la procédure à suivre pour des signalements via un canal spécifique, indépendant et de façon anonyme à l’AMLCO ou au RPHN (exemple : boite aux lettres).

4. Quelles procédures doivent être reprises au minimum dans mon Manuel ? Les nouvelles questions de la ‘revue qualité’ liées à l’antiblanchiment doivent être matérialisées sous forme de procédures écrites dans le Manuel personnalisé du cabinet : • organisation interne du cabinet (questions 4.1.1 à 4.1.5) ; • évaluation globale des risques (questions 4.2.1 et 4.2.2) ; • PAC (questions 4.3.1 à 4.3.8) ; • opérations atypiques (questions 4.4.1 à 4.4.4) ; • conservation des documents (question 4.5.1) ; • formation des collaborateurs (questions 6.3.8 et 6.3.9) ; • questions sur les dossiers des membres (questions 2.1 à 2.11).

maîtrise plus grande de celui-ci sous divers aspects. Avantages pour tous les cabinets (en ce compris les cabinets unipersonnels) • Le fait de réfléchir à la relation avec la clientèle et de se poser de nombreuses questions, permet d’acquérir une meilleure connaissance de ses clients et dès lors de leur offrir des services davantage personnalisés. • Lors d’un rachat de clientèle, le repreneur préférera certainement reprendre la clientèle d’un cabinet qui a élaboré un Manuel de procédures internes adéquat. Ceci est certainement un gage de bonne gestion et de sérieux du cabinet qui donnera une image positive au repreneur.

Avantages pour les cabinets qui ont des collaborateurs • La politique d’acceptation des clients en matière d’antiblanchiment oblige le RPHN à prendre des décisions sur le niveau de risque acceptable pour le cabinet en fonction de son infrastructure et de ses capacités. Cette analyse offre un gain de temps ultérieur dans les cabinets composés de collaborateurs. Prenons pour exemple la secrétaire qui a pris connaissance du Manuel et sait par conséquent que le cabinet n’accepte pas les clients qui sont actifs dans le secteur de l’Horeca. Celle-ci pourra immédiatement en informer le client potentiel par téléphone. Une réunion inutile sera dès lors évitée. • De manière générale, le Manuel constitue un outil de formation

5. Quels sont les avantages liés à l’établissement d’un Manuel adapté à ma pratique ? Et si l’on dépassait le caractère chronophage et contraignant d’élaborer son propre Manuel pour réfléchir à la valeur ajoutée que celui-ci peut avoir dans la pratique de son cabinet ? iStockphoto.com/seb_ra.

Outre la satisfaction d’avoir respecté ses obligations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (ce qui est un objectif d’intérêt général) et de pouvoir passer haut la main la revue qualité, le fait d’élaborer des procédures permet d’obtenir une gestion plus qualitative de son cabinet et une

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précieux pour les collaborateurs qui y trouvent des réponses à leurs questions sur le fonctionnement du cabinet. Comme les procédures sont écrites, cela permet aux nouvellement engagés d’acquérir une meilleure connaissance du cabinet, sans que les plus anciens ne doivent répondre à leurs questions oralement de manière répétitive. • Le Manuel peut également se révéler une valeur ajoutée lorsque les responsables sont absents (congé, maladie, etc.) et permettre au cabinet de continuer à fonctionner.

Conclusion L’approche fondée sur le risque – qui est à la base des procédures mises en place au sein du cabinet – est par essence propre à chaque cabinet. Le Manuel et le recueil de modèles et formulaires de l’ITAA ne sont qu’une guidance de bonnes pratiques à considérer comme un point de départ (et certainement pas d’arrivée) pour établir votre Manuel personnalisé du

cabinet. Le Manuel de l’ITAA n’a pas de caractère obligatoire ou normatif. Il est dès lors loisible aux cabinets de choisir entre les options suivantes : • travailler avec d’autres documents que le Manuel de l’ITAA, pour autant qu’ils soient conformes à la LBC/FT et à la Norme ITAA, ou • s’inspirer du Manuel de l’ITAA tout en l’adaptant à leurs besoins en fonction des procédures et mesures de contrôle interne existantes ou de celles dont l’application est envisagée. Le Manuel ITAA doit être transposé à la pratique du cabinet ! Lors de la revue qualité, les rapporteurs vérifient si tous les devoirs repris dans la LBC/FT et la Norme figurent dans le Manuel. Ils vérifient également si les membres ont bien respecté les méthodes de travail qu’ils ont édictées dans leur Manuel et les ont effectivement mises en œuvre. Il serait dès lors contre-productif de prévoir des procédures trop complexes que vous n’avez pas les moyens humains et techniques de respecter au quotidien.

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Il convient toutefois de garder à l’esprit que pour les cabinets qui ont des collaborateurs, un Manuel détaillé comprenant des exemples concrets (à l’image du Manuel ITAA) permet une meilleure compréhension et application des procédures par les collaborateurs et dès lors une lutte plus efficace contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Reste à souligner que le Manuel de chaque cabinet est un outil évolutif et non figé dans le temps. C’est un document vivant qu’il convient d’adapter en fonction des nouvelles législations (comme par exemple le RGPD). Chaque année, l’AMLCO est tenu d’établir un rapport d’activités. Sur cette base, le Manuel ainsi que l’évaluation globale des risques peuvent être adaptés. Il faut que naisse une cohérence entre le rapport annuel de l’AMLCO, l’analyse globale des risques et le Manuel du cabinet. Axelle Dekeyser Cluster Profession & qualité


11 INTERVIEW DE KRIS MESKENS ?

“Signaler un soupçon de blanchiment”

De nombreux experts-comptables et conseillers fiscaux considèrent la législation antiblanchiment comme une charge contraignante qui nous est imposée par l’Europe et le législateur. « La législation préventive du blanchiment d’argent repose sur quatre piliers essentiels. Si les règles sont suivies à la lettre, la charge administrative est plutôt minime », comme l’explique Kris Meskens, secrétaire général de la CTIF. L’ITAA s’en est entretenu avec lui lors d’une interview numérique, coronavirus oblige. ITAA : Pourriez-vous expliquer brièvement le fonctionnement précis de la législation antiblanchiment ainsi que sa raison d’être ? Kris Meskens : « Tout d’abord, je tiens à dissiper un malentendu. La législation n’est jamais censée être un fardeau, et certainement pas au point d’entraver la coopération économique. Au contraire. La fraude, le blanchiment d’argent et d’autres activités similaires ont un impact négatif sur l’économie. À travers cette loi, nous voulons aider l’économie en nous débarrassant des mauvaises influences. À cette fin, la législation relative à la prévention du blanchiment de capitaux prévoit quatre piliers. Les premiers piliers sont très étroitement liés, et peuvent être résumés pour l’essentiel par les expressions « Know Your Customer & Know Your Relations ». Pour pouvoir collaborer avec un client, il faut d’abord lui faire confiance. Vous ne gagnerez cette confiance que si vous pouvez identifier votre client au moyen de la carte d’identité, de son numéro BCE, mais nous savons également qui sont les bénéficiaires finaux d’une entité ou qui est le mandataire. C’est la seule façon pour un expert-comptable ou un conseiller fiscal – mais aussi pour un notaire, un avocat, une banque, une compagnie d’assurance – d’établir une relation de confiance à long terme. Si la relation change à long terme (par exemple, le nom d’un bénéficiaire effectif, d’un nouveau mandataire, une société en cours d’acquisition ou de fusion, une modification des statuts), mais aussi la raison de la collaboration, alors vous devez également le consigner par écrit ».

aux factures. Un expert-comptable doit avoir le réflexe de demander une explication supplémentaire. Sur la base de l’explication, vous pouvez soupçonner une fraude et un blanchiment d’argent, que vous signalerez ultérieurement, ou vous établirez qu’il s’agit d’un simple oubli ».

ITAA : Un oubli peut arriver, mais que se passe-t-il dans le cas d’oublis à répétition ? En tant qu’expert-comptable ou conseiller fiscal, vous vous mettez à soupçonner qu’il y a anguille sous roche, n’est-ce pas ? Kris Meskens : « Bien sûr. C’est pour cela que la loi prévoit un troisième pilier : la vigilance. Comme vous le savez, il existe deux situations : une vigilance permanente et une vigilance accrue. Il peut arriver que vous accordiez au client le bénéfice du doute en vous fondant sur son explication. En tant qu’expert-comptable ou conseiller fiscal, vous êtes toujours vigilant sur les transactions du client. Dès que vous voyez quelque chose d’atypique, différents clignotants doivent s’allumer et vous placez le client dans une position de vigilance accrue ».

ITAA : Devez-vous déjà le notifier ? Et qu’advient-il d’une telle déclaration ?

ITAA : Tout doit être correctement consigné par écrit. Mais la loi prévoit également de signaler un soupçon de blanchiment de capitaux. En quoi consiste ce soupçon de blanchiment de capitaux ?

Kris Meskens : « Je voudrais tout d’abord souligner qu’il n’y a pas de déclarations faites « à tort », on évalue seulement la bonne foi du déclarant. Une déclaration ne signifie pas d’office qu’il se passe quelque chose ou que le parquet soit appelé à intervenir. Une déclaration implique que la CTIF mène d’abord une enquête, entre autres en vérifiant auprès des banques l’existence ou non de transactions suspectes. La police vérifie également si cette personne est connue pour certains faits. La déclaration elle-même est d’ailleurs le quatrième pilier de la législation.

Kris Meskens : « Supposons qu’un expert-comptable ait comme client un entrepreneur. Ce client est normalement identifié. Les factures arrivent régulièrement (par exemple des magasins de matériaux de construction) et d’autres factures partent chez les clients. Logique. Or, soudain, des factures manquent ou les paiements ne correspondent pas

La question est avant tout de savoir pourquoi un expert-comptable ou un conseiller fiscal ferait une déclaration. Si la CTIF ou le ministère public découvre un élément suspect à l’issue d’une enquête, on vérifie si la personne concernée a collaboré avec un expert-comptable, un conseiller fiscal ou un notaire. Dans ce cas, le professionnel concerné peut être interrogé. Magazine mensuel de l’ITAA | N° 5 | Septembre 2020


12 Il se peut qu’il le soit en tant que complice. En signalant un soupçon, vous vous protégez d’une telle éventualité. Après tout, la loi prévoit que de facto vous n’êtes pas complice d’une déclaration parce que vous avez dévoilé l’opération de blanchiment de capitaux en toute bonne foi. Il est important de noter que même si vous savez qu’une autre entité, telle qu’un notaire ou une banque, a déjà effectué une déclaration, il reste conseillé de le faire également. La CTIF va joindre les deux déclarations dans un même dossier et poursuivre ses investigations. »

« Il n’y a pas de fausse déclaration. Dès qu’un expertcomptable ou un conseiller fiscal soupçonne un blanchiment d’argent, il convient de faire une déclaration. Ensuite, il peut placer ce client sous une vigilance accrue »

ITAA : Lorsque vous avez fait une déclaration mais qu’il s’agit d’un simple soupçon, cela veut-il dire que vous devez arrêter la collaboration ? Kris Meskens : « Pas nécessairement. Cette appréciation dépend bien entendu de la situation. Dans certaines situations, il est préférable d’arrêter la collaboration si la confiance est rompue. Dans d’autres cas, la collaboration peut parfaitement se poursuivre, mais il faut faire preuve d’une vigilance accrue. En d’autres termes, tous les radars sont en mode ‘on’. »

ITAA : Supposons que vous ayez fait une déclaration et que vous ayez placé ce client sous une vigilance accrue, mais qu’au bout d’un certain temps, vous constatez qu’il n’y a pas grand-chose à lui reprocher. Pouvez-vous retirer votre déclaration ? Kris Meskens : « Non, le retrait d’une déclaration est impossible. Mais en tant qu’expert-comptable ou conseiller fiscal, vous pouvez faire une déclaration supplémentaire. Vous y expliquez les nouveaux éléments venus à votre connaissance. La CTIF en tiendra compte ».

ITAA : Des rumeurs font état de ce que les déclarations ne sont pas anonymes. Les experts-comptables et les conseillers fiscaux redouteraient dès lors d’éventuelles conséquences. Nous pensons surtout aux infractions plus graves comme la prostitution, la drogue, les pratiques mafieuses ... Que fait la CTIF pour protéger ceux qui ont fait une déclaration ? Kris Meskens : « Que la CTIF transmettrait les déclarations est un cliché qui a la vie dure ! En cas d’indices sérieux, la CTIF transmet le rapport de son enquête au Parquet qui, à son tour, mène une enquête complémentaire. Dans ce rapport, aucun nom de déclarant n’est mentionné et les déclarations ne sont jamais communiquées. Cela n’est d’ailleurs pas autorisé : la loi prévoit explicitement que la CTIF ne peut en aucun cas divulguer le nom des déclarants. Le Parquet constituera un dossier où seront consignées les auditions, par exemple, de l’expert-comptable. Si, lors de ces auditions, l’expert-comptable Magazine mensuel de l’ITAA | N° 5 | Septembre 2020

peut démontrer qu’il a fait une déclaration à la CTIF, il n’est pas complice, comme mentionné ci-dessus.

Il peut arriver que le client vous parle d’une déclaration à son encontre. En tant qu’expert-comptable ou conseiller fiscal, vous pouvez toujours répondre que vous n’êtes au courant de rien et que vous allez examiner la question. Ou que vous avez effectivement été contacté par un organisme public. Si vous ne l’avez pas déclaré vous-même, je vous conseille de le faire quand même ou de mettre ce client en vigilance accrue. La collaboration peut bien entendu se poursuivre. »

ITAA : Quelle est la qualité des déclarations faites par un expert-comptable ou un conseiller fiscal ? Kris Meskens : « Pour être honnête, en 2019, la CTIF a reçu relativement peu de déclarations des titulaires de professions économiques : 321 pour être précis. Bien sûr, je sais que les experts-comptables mènent souvent leur propre enquête et ne rendent compte que lorsque quelque chose ne va vraiment pas. Pas de problème. Toutefois, ces professionnels peuvent également signaler qu’ils n’ont pas noué de relation en raison d’un soupçon de blanchiment d’argent. Cela aussi constitue une parfaite déclaration. Je le répète, il n’existe pas de déclarations faites à tort. »

ITAA : Tout autre chose, à présent. La dénonciation, qu’est-ce que c’est exactement et pourquoi a-t-elle été introduite ? Comment un cabinet doit-il traiter ce problème ? Kris Meskens : « La règle générale veut que c’est l’AMLCO qui fait une déclaration auprès de la CTIF. Normalement, aucune autre partie ne doit s’en charger. Cependant, si une situation étrange (contraire à la loi sur la prévention du blanchiment d’argent) est constatée par un collaborateur qui n’a aucune chance de s’adresser à l’AMLCO de son cabinet, un problème se pose. Cette personne doit également avoir la possibilité de faire une déclaration. D’où la procédure de dénonciation auprès d’autres entités de contrôle, comme l’ITAA. Notez que cette procédure est principalement une mesure exceptionnelle à laquelle on ne recourt qu’en l’absence avérée d’autre option : par exemple, lorsque l’AMLCO du cabinet est absent pendant une longue période ou lorsque l’AMLCO lui-même est impliqué. Il est également important de savoir que le déclarant restera anonyme. Cela signifie aussi que chaque collaborateur du cabinet doit connaître les règles relatives à la législation antiblanchiment et doit donc être sensibilisé à celles-ci ». Stéphane De Bremaeker Cellule Communication


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La nouvelle SRL et la suppression de la notion de capital social sous le prisme de la fiscalité directe (II) Pour tenir compte des modifications apportées par le nouveau CSA, et en particulier de la suppression de la notion de capital social pour la nouvelle SRL, la législation fiscale a été amendée par la loi du 17 mars 2019 dont nous poursuivons ici l’examen (voir ITAA-zine 4/2020).

E. Le remboursement et la réduction de capital

F. L’acquisition d’actions propres

12. Comme le souligne l’Exposé des motifs de la loi du 17 mars 2019, le régime du remboursement de capital a été profondément modifié par la loi du 25 décembre 20171 .

13. Le CSA a assoupli le régime d’acquisitions d’actions propres. Le plafond de 20 % du capital souscrit a été supprimé. Désormais, une SRL peut acquérir ses propres actions sans restriction.

Afin d’éviter le report dans le temps du prélèvement du précompte mobilier et de l’imposition dans le chef de l’associé, la réduction de capital est imputée proportionnellement sur le capital libéré et sur les réserves taxées de la société, et ce indépendamment de l’opération comptable et de la régularité de la décision par rapport au droit des sociétés (article 184, dernier alinéa du CIR 1992). La loi du 17 mars 2019 a adapté l’article 18, alinéa 1, 2° et 2°bis du CIR 1992 à différents égards. Ainsi, le mot « social » accolé au mot « capital » est supprimé. En outre, il est spécifié que les remboursements totaux ou partiels de capital doivent être « opérés en exécution d’une décision régulière de la société conformément au Code des sociétés et des associations, ou, si la société n’est pas régie par ce Code, conformément aux dispositions du droit qui la régit ». Les alinéas 2 et 3 de l’article 18 du CIR 1992 sont reformulés de manière telle que l’intention qui animait le législateur, lors de l’introduction de la mesure d’imputation proportionnelle de la réduction de capital, soit mieux traduite. Il est par ailleurs également tenu compte des modifications apportées à l’article 184 du CIR 1992. Aussi, le remboursement du capital libéré est toujours considéré comme une exception à l’énumération des dividendes imposables de l’article 18 du CIR 1992. La distinction entre le remboursement du capital proprement dit et celui des sommes y assimilées est également maintenue. 1

F.1. Rappel du régime existant

Au niveau fiscal, lorsqu’une société rachète ses propres actions, la différence entre le prix d’acquisition des actions et la quote-part de la valeur réévaluée du capital libéré représentée par lesdites actions est considérée comme un dividende distribué (article 186 du CIR 1992). Ce dividende, aussi appelé boni d’acquisition, n’est toutefois censé être distribué fiscalement qu’au moment et à concurrence du prélèvement sur les fonds propres résultant : 1° de la comptabilisation d’une réduction de valeur sur les actions ; 2° de l’aliénation des actions avec moins-value ; 3° de la destruction ou de l’annulation de plein droit des actions ; 4° de la dissolution de la société. Auparavant, si l’acquisition d’actions propres était opérée conformément au Code des sociétés – qui prévoyait un plafond de 20 % –, l’imposition du boni d’acquisition était reportée aussi longtemps que les actions étaient conservées en portefeuille. Elle n’intervenait que lorsque les actions acquises quittaient effectivement le patrimoine de la société (par destruction, aliénation, etc.). La disparition du plafond de 20 %, consécutive à l’entrée en vigueur du CSA, permettrait a priori aux sociétés de postposer indéfiniment l’imposition du boni d’acquisition,

Cf. Exposé des motifs, Doc. Parl., Chambre, n° 54-3367/001, p. 35.

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et ce indépendamment de l’importance de l’acquisition des actions propres.

ces titres, le report de taxation ne peut s’appliquer, dès lors qu’ils sont réputés détruits2 .

F.2. Instauration d’un plafond de 20 % en droit fiscal

À titre supplétif, l’article 186 du CIR 1992 offre la possibilité à la société de désigner les actions qui provoquent le dépassement imposable. Ainsi, en cas d’acquisition simultanée d’actions de différents cédants ou à différents prix, la société a la faculté de désigner librement quelles actions nouvellement acquises sont censées être détruites. À défaut d’un tel choix, les actions nouvellement acquises sont censées être détruites proportionnellement au nombre d’actions par cédant ou par prix d’acquisition. Pour un exemple chiffré relatif au dépassement de la limite des 20 %, nous renvoyons à l’Exposé des motifs3 .

14. Pour assurer la neutralité fiscale par rapport à la situation antérieure à l’entrée en vigueur du CSA, le législateur a inséré un sixième alinéa à l’article 186 du CIR 1992, de manière telle que le plafond des 20 % est conservé. Cet alinéa prévoit que « dans la mesure où l’acquisition a pour effet que la société émettrice des actions détient en portefeuille des actions propres représentant plus de 20 % de son capital, les actions propres nouvellement acquises (dépassant cette limite) sont censées être détruites ». À la différence de la situation antérieure au CSA, le délai de régularisation d’un an n’existe plus de sorte que l’imposition intervient immédiatement, dès le dépassement du plafond. La neutralité fiscale est ainsi garantie. Par cette fiction, le législateur évite le report indéfini de la distribution de dividendes. Il y a ainsi une modification de timing : pour

À cet égard, il serait souhaitable de faire supporter les conséquences du dépassement du plafond des 20 % sur les cédants bénéficiant, le cas échéant, de la déduction au titre des RDT. Ceci ne pourrait, selon nous, être considéré comme un abus, dès lors que le législateur offre expressément la possibilité de désigner quelles sont les actions censées être détruites 4 .

2 Cf. E. von FRENCKELL, G. GALEA et M. DURANT, « Le nouveau CSA et la fiscalité des restructurations », op. cit., p. 155, n° 38. 3 Cf. Exposé des motifs, Doc. Parl., Chambre, n° 54-3367/001, pp. 18 et 19. 4 Cf. G. DELFOSSE et I. PANIS, « Aspects fiscaux du nouveau Code des sociétés et des associations », op. cit., p. 31.

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15 F.3. Actions propres conservées en portefeuille 15. Bien que les actions soient censées être détruites au plan fiscal, celles-ci continuent à exister. Dans l’hypothèse où la société décide de les conserver en portefeuille, leur valeur fiscale nette est égale à zéro et la valeur pour laquelle elles sont inscrites au bilan constitue une plus-value exprimée non réalisée (nouvel article 186 du CIR 1992).

La CSA a assoupli l’acquisition d’actions propres. Ce régime n’est plus limité à un maximum de 20 % des actions. Désormais, une SRL peut acquérir ses propres actions sans restriction.

Conformément à l’article 44, § 1, 1° du CIR 1992, ces plus-values sont provisoirement exonérées à l’impôt des sociétés, si elles respectent la condition d’intangibilité prévue à l’article 190, alinéa 2 du CIR 1992.

F.4. Revente des actions propres 16. Si, par la suite, la société décide de revendre lesdites actions, elle devra tenir compte de deux nouvelles règles. La première figure à l’article 188, alinéa 3, 1° du CIR 1992 en vertu duquel « l’indemnité perçue ou la valeur de réalisation, diminuée des frais de réalisation, n’est pas prise en considération pour la détermination du résultat imposable jusqu’à concurrence de la valeur d’acquisition ». L’autre règle, inscrite au dernier alinéa de l’article 186 du CIR 1992, précise que la destruction fictive des actions n’a aucune influence sur le respect des conditions de permanence et de participation dans le cadre de l’exonération des plus-values sur actions. La destruction fictive des actions est sans incidence sur la durée pendant laquelle elles restent ou sont restées en portefeuille, aux fins de déterminer le délai de détention minimale d’un an, l’une des conditions nécessaires pour l’exonération de la plus-value en cas d’aliénation. L’Exposé des motifs de la loi du 17 mars 2019 révèle qu’il faut se placer au moment de l’acquisition des actions propres pour apprécier le respect des conditions de permanence et de participation en vue de la renonciation au précompte mobilier sur les bonis qui en résultent, puisque la société est censée distribuer un dividende à ce moment 5 .

F.5. Incidence sur le capital libéré 17. Le capital libéré est réduit à concurrence de la quote-part correspondant aux actions propres acquises et fictivement détruites. L’acquisition d’actions propres entraîne ainsi une réduction du capital libéré conformément à l’article 188, alinéa 1 du CIR 1992, bien que ces actions continuent d’exister.

Dans l’hypothèse où elles sont par la suite vendues, la quote-part du capital qui avait disparu en raison de la destructive fictive des actions propres acquises est reconstituée à concurrence de l’indemnité perçue ou la valeur de réalisation, diminuée des frais de réalisation. Cette majoration du capital libéré est cependant limitée au montant de capital qui a été réduit lors de l’acquisition desdites actions (article 188, al. 3, 2° du CIR 1992). Cette augmentation de capital libéré, qui ne provient pas à proprement parler d’un apport, est neutre fiscalement. L’Exposé des motifs de la loi du 17 mars 2019 fournit de nombreux exemples d’acquisition d’actions propres 6 .

F.6. Asymétrie persistante 18. L’asymétrie résultant de l’hypothèse d’une acquisition d’actions propres, en dessous de la limite des 20 %, non suivie d’une vente ou d’une destruction immédiate, subsiste. Le décalage dans le temps entre le paiement des actions acquises et la détermination du moment où un dividende est censé distribué à la suite d’un des événements énumérés à l’article 186 du CIR 1992, n’a pas été réglé par la loi du 17 mars 2019. L’Exposé des motifs rappelle que l’objectif de la loi du 17 mars 2019 est d’assurer la neutralité fiscale des nouvelles règles du CSA. Cette asymétrie ne découle toutefois pas des nouvelles règles mais de lois plus anciennes adoptées précédemment7. La solution à ce décalage temporel devrait être recherchée « dans le cadre d’un projet distinct du présent projet8 ».

5 Cf. Exposé des motifs, Doc. Parl., Chambre, n° 54-3367/001, p. 20. 6 Cf. Exposé des motifs, Doc. Parl., Chambre, n° 54-3367/001, pp. 20 à 28. 7 Cf. Exposé des motifs, Doc. Parl., Chambre, n° 54-3367/001, p. 20. 8 Cf. Exposé des motifs, Doc. Parl., Chambre, n° 54-3367/001, p. 20.

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G. Fusions, scissions et opérations assimilées9 G.1. Définitions autonomes 19. À la suite de la consécration de la théorie du siège statutaire en droit des sociétés et du maintien de la théorie du siège réel en droit fiscal, le législateur a introduit des définitions fiscales autonomes pour les opérations de réorganisation. Ainsi, la loi du 17 mars 2019 abroge la référence implicite au droit des sociétés et insère de nouvelles définitions, d’une part, pour les fusions, scissions et opérations assimilées et, d’autre part, pour les apports de branche d’activité ou d’universalité (nouvel article 2, § 1, 6°/1 et 6°/2 du CIR 1992). Ces nouvelles définitions sont inspirées des définitions de la Directive sur les fusions n° 2009/133/CE. En raison du détachement du droit fiscal par rapport au droit des sociétés, il est désormais possible que des opérations de restructuration impliquant exclusivement ou partiellement des sociétés étrangères soient régies par le CIR 1992. Des sociétés de droit étranger dont le siège de direction effective est sis en Belgique devront respecter le droit fiscal belge même s’il n’y a plus aucun point de rattachement avec le droit des sociétés belge. La dichotomie entre la théorie du siège statutaire appliquée en droit des sociétés et la théorie du siège réel appliquée en droit fiscal rend ces situations possibles.

La loi du 17 mars 2019 supprime donc logiquement la condition selon laquelle l’opération doit être réalisée conformément au droit des sociétés pour qu’elle puisse s’opérer en toute neutralité fiscale (anciens articles 46, § 1, al. 3, 2° et 211, § 1, al. 4 du CIR 1992). La suppression de cette exigence est justifiée par la difficulté de vérifier si les opérations relevant d’un droit étranger respectent bien ce dernier. Les autres conditions pour pouvoir bénéficier de la neutralité fiscale sont maintenues. Les opérations doivent notamment concerner des sociétés résidentes ou intra-européennes et répondre à des besoins légitimes de caractère financier ou économique.

G.2. Nouvelles hypothèses visées 20. La liste des situations énumérées à l’article 210 du CIR 1992 pouvant bénéficier du régime fiscal prévu aux articles 208 et 210 du CIR 1992 a été étendu aux cas suivants : 1° la dissolution d’une société résidente sans partage total de l’avoir social à l’occasion d’une opération qui ne peut être qualifiée de fusion, scission ou opération assimilée (nouvel article 210, § 1, 2° du CIR 1992) ; selon l’Exposé des motifs, ce cas vise l’absorption d’une société résidente moyennant le paiement d’une soulte en espèces supérieure à 10 % de la valeur nominale ou du pair comptable des actions10 ; 2° le transfert, sans dissolution, de tout ou partie de l’avoir social d’une société résidente, qui continue à exister, à l’occasion d’une opération analogue à celles que le

9 Sur cette question, cf. notamment E. von FRENCKELL, G. GALEA et M. DURANT, « Le nouveau CSA et la fiscalité des restructurations », op. cit., pp. 135 à 164 ; L. DE BROE et D. GARABEDIAN, « Aspects de droit fiscal », in Le nouveau droit des sociétés et associations : le CSA sous la loupe, Limal, Anthemis, 2019, p. 555. 10 Cf. Exposé des motifs, Doc. Parl., Chambre, n° 54-3367/001, pp. 15 et 16.

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17 CIR 1992 définit comme opérations assimilées à une scission (nouvel article 210, § 1, 2°bis du CIR 1992) ; cette disposition vise à soumettre les sociétés qui sont régies par un droit étranger, parce qu’ayant leur siège statutaire à l’étranger, au régime fiscal développé ci-avant dans l’hypothèse d’une opération analogue à une scission ou opération assimilée. L’Exposé des motifs évoque que le législateur entend cibler la scission partielle d’une société résidente par laquelle une partie de l’avoir social est transférée avec remise directe aux actionnaires, non d’actions de la société bénéficiaire du transfert, mais de la société mère de celle-ci11 . L’article 2, § 1, 6/1, g), 2) du CIR 1992 définit la scission partielle silencieuse comme l’opération par laquelle une société transfère sans dissolution une partie de son patrimoine, activement et passivement, à une autre société qui est déjà titulaire de toutes ses actions ou parts et autres titres conférant le droit de vote.

H. De quelques aspects de droit transitoire 21. Conformément à son article 119, § 1, alinéa 1, la loi du 17 mars 2019 entre en vigueur le 1er mai 2019. Cette date coïncide avec la date d’entrée en vigueur du CSA. La date du 1er mai 2019 a également été retenue pour l’entrée en vigueur de certaines dispositions spécifiques12 . La loi du 17 mars 2019 ne se borne pas à adapter certaines dispositions, elle définit certaines notions de manière autonome. À titre d’exemple, les nouvelles définitions autonomes relatives aux fusions, scissions, opérations assimilées ou aux apports d’universalité de biens et de branches d’activité s’appliquent depuis le 1er mai 2019 aux opérations effectuées à partir de cette date. Cela vaut également pour les dispositions qui se référaient auparavant à la notion de « capital social ». La nouvelle notion de « capital » s’applique aux acquisitions d’actions propres et aux remboursements de capital effectués à partir du 1er mai 2019. Les modifications apportées au régime VVPRbis sont assorties de règles spécifiques concernant leur entrée en vigueur. Les sociétés sans capital minimum peuvent désormais bénéficier de ce régime et distribuer des dividendes à un taux réduit de précompte mobilier sous certaines conditions. Cet

assouplissement s’applique aux apports effectués à partir du 1er mai 2019. La loi du 17 mars 2019 tient également compte du fait que le CSA ne s’applique pas directement à toutes les sociétés à partir du 1er mai 2019 mais entre en vigueur par phases successives. Une période transitoire est accordée aux sociétés existantes jusqu’au 1er janvier 2020 pour les dispositions impératives et jusqu’au 1er janvier 2024 pour les autres dispositions. La législation fiscale conserve par conséquent les références à l’ancien Code des sociétés pour les sociétés qui ne sont pas encore soumises au CSA. Tant que le CSA ne s’applique pas à une société, il y a lieu de se référer à l’ancien Code des sociétés pour l’application de la législation fiscale. Ainsi, « la disposition transitoire fait en sorte que, pour une société existante, la nouvelle référence à l’article 1:24 du CSA continue à se lire comme une référence à l’article 15 du CDS aussi longtemps que cette société n’est pas soumise au CSA13 ».

I. Conclusion 22. Le législateur poursuivant un objectif de stricte neutralité fiscale, il s’est, pour l’essentiel, limité à adapter la terminologie fiscale. Ce travail d’adaptation n’a, en apparence, débouché sur aucune modification substantielle, sous réserve d’un assouplissement des règles applicables au régime VVPRbis et d’un durcissement des règles applicables à l’acquisition d’actions propres. À cet égard, le travail effectué demeure en partie imparfait et devrait faire l’objet de certaines retouches. Dans ce contexte, l’apparition de définitions autonomes et propres à la législation fiscale a mis en lumière une « distanciation » accrue entre le droit fiscal et le droit des sociétés, bien que la distinction entre le capital libéré, les réserves taxées et les réserves exonérées subsiste toujours. L’avenir révélera si le but du législateur a été réellement atteint. L’application des dispositions transitoires engendrera certainement des questionnements. Pour être un succès, la révolution copernicienne que constitue, au niveau belge, la SRL impliquera une nécessaire ouverture d’esprit des praticiens de la fiscalité. Nous découvrirons avec intérêt et impatience l’avenir qui lui sera réservé. Luc Herve Avocat

11 Cf. Exposé des motifs, Doc. Parl., Chambre, n° 54-3367/001, pp. 15 et 16. 12 Cf. L. DE BROE et M. PEETERS, « Profonde simplification des formes de sociétés et entrée en vigueur », Fiscologue, n° 1610, 3 mai 2019. 13 Cf. Exposé des motifs, Doc. Parl., Chambre, n° 54-3367/001, p. 53.

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Transformation à 6 % ou nouvelle construction à 21 % ? Il n’est pas toujours évident dans la pratique de savoir si un projet de rénovation de bâtiments/ logements existants est soumis au taux réduit de 6 % ou doit être considéré comme une nouvelle construction soumise au taux normal, qui est actuellement de 21 %. Où se situe exactement la différence ? Que recouvrent les notions de transformation et de rénovation ?

Régime légal Un travail immobilier concernant des logements privés est soumis au taux réduit de 6 %, lorsque les conditions suivantes sont réunies (arrêté royal n° 20, tableau A, rubrique XXXI et rubrique XXXVIII) : 1. les opérations doivent avoir pour objet la transformation, la rénovation, la réhabilitation, l’amélioration, la réparation ou l’entretien, à l’exclusion du nettoyage, de tout ou partie d’un bâtiment d’habitation ; 2. les opérations doivent être affectées à un bâtiment d’habitation qui, après leur exécution, est effectivement utilisé, soit exclusivement soit à titre principal, comme logement privé ; 3. les opérations doivent être effectuées à un bâtiment d’habitation dont la première occupation précède d’au moins dix ans la première date d’exigibilité de la TVA survenue ; 4. les opérations doivent être fournies et facturées à un consommateur final ; 5. la facture émise par le prestataire de services et le double qu’il conserve doivent, sur la base d’une attestation formelle et précise du client, constater l’existence des divers éléments justificatifs de l’application du taux réduit ; sauf collusion entre les parties ou méconnaissance évidente de la présente disposition, l’attestation du client décharge la responsabilité du prestataire de services pour la détermination du taux. Cette disposition légale ne permet pas de déduire ce qu’il y a lieu d’entendre précisément par transformation ou rénovation ni par nouvelle construction. Les critères sur la base desquels un ancien bâtiment transformé doit être considéré comme un nouveau bâtiment n’ont pas été définis dans le Code, mais uniquement dans des textes émanant de l’Administration.

Commentaire administratif Dans sa circulaire administrative n° 6 du 22 août 1986, l’Administration précise quelque peu ces notions. Elle énonce que par « transformation », on entend aussi bien la transformation extérieure de l’immeuble (et notamment sa réhabilitation) que la transformation intérieure du bâtiment ou Magazine mensuel de l’ITAA | N° 5 | Septembre 2020

son agrandissement, par adjonction de pièces nouvelles et extension des pièces existantes (point 30 de cette circulaire). L’existence d’une transformation n’est pas critiquée lorsque la rénovation s’appuie d’une manière significative sur d’anciens murs portants (notamment les murs extérieurs) et plus généralement sur des éléments essentiels de la structure de l’immeuble à rénover. En revanche, seraient à considérer comme un travail de construction concourant à l’érection d’un nouvel immeuble : 1. la reconstruction d’un immeuble après démolition, même en cas de maintien des fondations et caves de l’immeuble ancien ou d’éléments accessoires de sa structure (par exemple la seule façade à front de rue, maintenue pour des raisons d’intégration dans le tissu urbain) ; 2. la construction d’un ou plusieurs appartements supplémentaires, en surélévation ou autrement, dans un immeuble à appartements, lorsque ces nouveaux appartements placés sous le régime de la copropriété sont cessibles avec application de la TVA ; 3. la construction par le propriétaire d’un immeuble jouxtant le sien, lorsque le nouvel immeuble ne constitue pas un agrandissement du premier, mais constitue un bâtiment neuf susceptible en soi d’être cédé sous le régime de la TVA, comme distinct de l’ancien immeuble ; 4. la transformation radicale d’une grange ou autre annexe d’une exploitation agricole en une maison d’habitation. Chacun de ces cas a toutefois été interprété concrètement par la jurisprudence et dans des commentaires administratifs ultérieurs. Il en est ressorti que la frontière entre l’application du taux réduit de 6 % et une nouvelle construction reste une question de fait dans laquelle la différence est très subtile. Plusieurs exemples importants tirés de la pratique illustrent ci-après cette différence subtile. Dans la mesure du possible, des informations intéressantes dans cette matière sont également communiquées à travers des exemples concrets.

Agrandissement d’un logement Il arrive qu’un bâtiment d’habitation soit agrandi en se voyant adjoindre une surface supplémentaire. L’extension d’un


19 Le ministre des Finances déclare, en réponse à une question parlementaire1 concernant cette problématique de comparaison des superficies, que pour le calcul des superficies à comparer, il y a lieu notamment de : • prendre les mesures à partir de et jusqu’aux côtés extérieurs des murs en élévation ; • tenir compte de la superficie totale de chaque partie plane (plancher) de l’habitation, y compris donc « la surface perdue, comme celle sous un toit en pente » ; • tenir compte de la superficie des remise, cave, grenier et garage intégré ou annexé ; • ne pas prendre en compte la superficie de la cave comblée pour le calcul de la superficie de la partie ancienne qui subsiste après les travaux. Soulignons également que lorsqu’une partie de l’ancienne habitation est démolie, la superficie après la réalisation des travaux doit être comparée à la superficie de la partie ancienne qui subsiste après la démolition. C’est du moins l’interprétation que donne l’Administration à la position précitée. Il ressort toutefois de la pratique que ce point de vue est généralement suivi par les cours et tribunaux.

La frontière entre l’application du taux réduit et une nouvelle construction reste une question de fait. bâtiment existant peut être considérée comme une transformation de ce bâtiment, pour autant que les deux conditions suivantes soient remplies de manière cumulative : • la superficie de l’ancienne partie reste significative en comparaison de la nouvelle partie ; • la nouvelle partie ne peut pas fonctionner indépendamment de l’ancienne partie, mais forme au contraire avec l’ancienne partie un tout cohérent et complémentaire en termes d’utilisation du bâtiment. Pour qu’il soit question de transformation, la superficie de l’ancienne partie doit être significative par rapport à la nouvelle partie. On peut considérer qu’il en est ainsi lorsque la superficie totale de l’ancienne partie qui subsiste après l’exécution des travaux est supérieure à la moitié de la superficie totale du bâtiment d’habitation ou du complexe d’habitation après la réalisation des travaux.

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En ce qui concerne la deuxième condition à remplir pour qu’il soit question d’une transformation, il faut que la nouvelle partie ne puisse pas fonctionner indépendamment de la partie ancienne, mais complète l’ancienne partie et que l’ensemble forme donc un tout en termes d’utilisation du bâtiment. Il n’est en revanche pas exigé que la partie nouvellement construite se trouve sous le même toit que la partie ancienne2 .

Divers cas pratiques de travaux de transformation Les cas ci-dessous sont principalement des situations pratiques tirées de la jurisprudence en la matière. Tant la cour d’appel de Mons que celle de Gand estiment que si le législateur n’a pas donné de définition de la notion de travaux ou d’opérations ayant pour objet la transformation, la rénovation… d’un bâtiment d’habitation, cette notion doit être comprise dans son sens usuel et que l’ampleur des travaux ne peut être telle qu’ils pourraient être assimilés aux travaux de construction d’un nouveau bâtiment 3 . La cour d’appel de Gand considère en outre qu’il ne faut pas faire référence à d’autres législations ni au point de vue de tiers – par exemple une commune ou une ville (tel que la mention sur le permis d’urbanisme) – ou d’un architecte4 .

QP n° 1117 du 9 octobre 2002, monsieur Leterme. Décisions n° E.T. 106.993 du 1er septembre 1994 et n° E.T. 106.933/2 du 29 mars 2006. Cours d’appel de Mons du 28 octobre 2011 et de Gand du 6 décembre 2005. Cour d’appel de Gand du 6 décembre 2005.

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20 Lorsqu’un bâtiment industriel est transformé et subdivisé en appartements individuels, ces travaux peuvent être soumis au taux réduit de 6 %, puisque la structure du bâtiment est maintenue (murs portants, répartition en étages, etc.) 5 . La transformation d’un bâtiment industriel en loft est en principe soumise au taux réduit de 6 %, du moins si les travaux de transformation restent limités au volume existant du bâtiment6 . Alors que le taux réduit ne s’appliquera pas à la construction d’un ou de plusieurs lofts supplémentaires au-dessus ou à côté du bâtiment, lorsque ces nouveaux lofts peuvent tomber dans le régime de la copropriété forcée et peuvent être vendus avec application de la TVA. Dans un cas spécifique, le SDA a estimé que la transformation de quatre chambres de bonne et d’un grenier en un duplex pouvait bénéficier du taux de 6 % si elle était effectuée dans un bâtiment de plus de dix ans7. Dans son arrêt, la cour d’appel de Gand déclare par ailleurs qu’une nouvelle construction est érigée en substance lorsqu’il s’avère que tous les murs intérieurs, la façade arrière, les parquets et les plafonds sont intégralement démolis, que les parquets sont remplacés par des sols en béton, que de nouveaux panneaux d’étage sont placés et que la maison de maître avec cave, rez-de-chaussée, deux étages et un étage sous toiture devient en réalité un immeuble de quatre appartements. La suppression complète de la structure intérieure et de la façade arrière de la maison de maître initiale et leur remplacement par une nouvelle construction intérieure consiste en tout état de cause en l’érection d’une nouvelle construction 8 . Si à la suite de travaux de démolition visant à transformer une maison mitoyenne, seuls deux murs mitoyens subsistent (indépendamment du fait que les hourdis reposent dessus), les travaux de transformation doivent être considérés, selon la doctrine administrative, comme des travaux de construction, même si les caves de cette habitation ont été conservées9 .

Opérations qui ne portent pas sur l’habitation effective Sont explicitement exclus du taux de TVA réduit : le travail immobilier et les autres opérations immobilières qui ne portent pas sur le bâtiment d’habitation proprement dit, tels

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QP n° 86 du 19 octobre 1999, madame Pieters. QP n° 10991 du 28 mars 2011, monsieur Chabot. Décision anticipée n° 2011.406 du 18 octobre 2011. Cour d’appel de Gand du 6 décembre 2005. Cour d’appel de Gand du 17 février 2015. Décision n° E.T. 62.393 du 28 avril 1988.

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que les travaux de culture ou jardinage et les travaux de clôture, entre autres : • Voies d’accès Est uniquement considéré comme voie d’accès tout chemin qui relie directement à la voie publique un bâtiment destiné à être habité et qui est utilisé, exclusivement ou non, par les visiteurs et occupants de cet immeuble. Le taux de TVA de 6 % peut être d’application dans ce cas. L’aménagement d’un chemin qui n’est pas relié à la voie publique, mais sert uniquement de chemin de promenade dans le jardin ou qui ne sert que de voie d’accès aux services d’incendie, ou encore qui dessert un garage séparé ou un autre bâtiment non destiné à l’habitation (abri de jardin, grange, etc.) sera toujours soumis au taux de TVA normal de 21 %. • Terrasses Les terrasses situées sur la parcelle d’une habitation ne sont considérées comme faisant partie de l’habitation que si elles sont attenantes à un bâtiment destiné à être habité (et dans ce cas, le taux de TVA de 6 % peut être appliqué). Une terrasse aménagée dans le jardin sera toujours soumise au taux de TVA normal de 21 %. • Clôtures et murets Le placement de clôtures, en ce compris les portes d’accès, est explicitement exclu de l’application du taux réduit de TVA de 6 %. Toutefois, les murets qui sont attenants à l’habitation et qui ne constituent pas à proprement parler une séparation ou une délimitation de la propriété peuvent être considérés comme faisant partie de l’habitation, de même que les grilles ou portillons qui y sont placés. • Serres, vérandas, pergolas Les opérations relatives à des serres et pergolas qui ne sont pas accolées à l’habitation – et qui doivent être considérées comme des dépendances de jardin – sont exclues du taux de TVA de 6 % 10 . Luc Heylens Conseiller fiscal


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Cession d’un immeuble lors de la liquidation d’une société de personnes : VLABEL augmente encore la charge fiscale Dans la conjoncture actuelle, l’enregistrement d’un immeuble qui n’est pas utilisé professionnellement au nom d’une société de gestion est découragé sur le plan fiscal. Cependant, au fil des ans, de nombreuses sociétés de gestion ont acheté, à une époque où le traitement fiscal était moins répressif, une habitation privée qui était utilisée par leur dirigeant. Depuis, ces dirigeants ont souvent atteint l’âge de la pension et envisagent une liquidation de leur société. Comme démontré plus loin, les conséquences fiscales de la cession de tels immeubles sont considérables. La question se pose donc régulièrement de savoir si, dans le cadre de la liquidation, une réserve de liquidation peut être appliquée lors de la cession de l’immeuble et si le droit fixe général en matière de taxe d’enregistrement peut être invoqué. Cet article tente de mettre les choses au clair. Le point de départ est une société à responsabilité limitée sans dettes et possédant un immeuble ayant été presque entièrement amorti.

1. Dispositions légales Une société en liquidation reste assujettie à l’impôt des sociétés selon les dispositions des articles 183 à 207 du CIR 19921 . L’article 208 du CIR 1992 stipule également qu’en cas de liquidation de la société, les bénéfices de la société liquidée comprendront les plus-values réalisées ou constatées à l’occasion du partage de l’avoir social. L’article 209 du CIR 1992 énonce ensuite que l’excédent que présentent les sommes réparties, en espèces, en titres ou autrement, sur la valeur réévaluée du capital libéré (ci-après dénommé « bonus de liquidation »), est considéré comme un dividende distribué. Cet article précise également que les sommes réparties sont censées provenir successivement : 1° d’abord de la valeur réévaluée du capital libéré ; 1°/1 ensuite des réserves de liquidation visées aux articles 184quater ou 541 ; 2° ensuite des bénéfices antérieurement réservés, autres que ceux visés au 1°/1, déjà soumis à l’impôt des sociétés, y compris les plus-values qui sont réalisées ou constatées à l’occasion du partage de l’avoir social ; 3° et enfin des bénéfices antérieurement exonérés.

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Compte tenu du fait qu’une société en liquidation est donc toujours soumise aux règles de l’impôt des sociétés, une plus-value imposable apparaîtra lors de la cession d’un immeuble entièrement amorti.

2. Implications sur le plan fiscal Concentrons-nous maintenant sur le précompte mobilier et la taxe d’enregistrement. Le taux du précompte mobilier sur un dividende de liquidation versé à une personne physique est actuellement de 30 %. Cela signifie que dans ce cas, une taxation de 30 % sera retenue sur le bonus de liquidation versé par la société. Il s’agit d’un prélèvement qui a lieu après que la plus-value a déjà été imposée au taux normal de l’impôt des sociétés. En matière de taxe d’enregistrement, des règles spécifiques s’appliquent également et l’application du droit de vente de 10 % ne pourra être évitée que dans un nombre limité de cas. Dans l’hypothèse où, lors de la clôture de la liquidation d’une société (par le liquidateur), l’immeuble est explicitement attribué à un ou plusieurs associés de la société en

Voir article 208 du CIR 1992.

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22 liquidation, c’est en principe le droit de vente qui s’applique, et qui s’élève en Flandre à 10 % 2 . Toutefois, il existe une exception pour les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés coopératives3 : si l’on peut bénéficier de cette exception, aucun droit de vente ne sera dû dans le cas d’une attribution à tous les associés ensemble, mais le droit fixe général de 50,00 euros s’appliquera dans un premier temps. Il doit cependant être démontré que les associés étaient actionnaires de la société en question à la date à laquelle la société a acquis l’immeuble avec application du droit de vente, ou que l’associé qui a acquis l’immeuble a lui-même apporté l’immeuble. Dans cette hypothèse, la perception des droits d’enregistrement est reportée jusqu’à ce que l’immeuble soit ultérieurement attribué à un ou plusieurs associés. Cela signifie qu’en fonction de la situation de fait, soit le droit de vente (10 %), soit le droit de partage (2,5 %), soit le droit fixe général (50 euros) s’appliquera. C’est ce qu’on appelle dans le jargon le « régime d’attente »4 . Le régime d’attente ne s’applique pas en cas d’attribution à l’associé unique.

3. Optimisation fiscale La question se pose de savoir s’il y a une possibilité de rendre cette pilule fiscale moins difficile à avaler. S’il est possible de travailler avec un horizon temporel suffisant, des économies peuvent être réalisées, en tout cas sur le précompte mobilier. La solution consiste à transférer aux réserves de liquidation le bénéfice réalisé sur le transfert de l’immeuble (par vente à l’associé ou aux associés, paiement de dividendes en nature ou autre). Comme nous

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Dans le pire des cas, qui n’est certainement pas irréaliste, la société est donc soumise à l’impôt sur la plus-value (latente) au taux de l’impôt des sociétés, 30 % de précompte mobilier doivent être retenus sur un bonus de liquidation (qui est en fait constitué de briques), et VLABEL prélève encore au passage une taxe d’enregistrement de 10 %.

le savons, aucun précompte mobilier ne doit être retenu sur les bénéfices que la société a transférés à une réserve de liquidation après paiement d’une cotisation spéciale de 10 % 5-6 . Toutefois, cette exonération de précompte mobilier

2 Voir article 2.9.1.0.4. du VCF (cf. article 129 du CDE) pour la société en nom collectif, société en commandite, société à responsabilité limitée ou société coopérative. Voir article 2.9.1.0.5. du VCF (cf. article 130 du CDE) pour la société anonyme, société européenne, et société coopérative européenne. 3 Article 2.9.1.0.4., (2)-(3) VCF. Voir aussi l’article 129, (2) – (3) du CDE. 4 Il convient de noter que l’administration fiscale flamande (Vlaamse Belastingdienst, ci-après : VLABEL) a confirmé que le ‘régime d’attente’ continue à s’appliquer lorsque des immeubles d’une société à responsabilité limitée (ou société en commandite) sont attribués à ses associés, même après la suppression de la notion de ‘capital’ dans le Code des sociétés et des associations. Cela a donné lieu à des discussions, car l’article 2.9.1.0.4, (3) du VCF a été modifié, en supprimant la référence à une ‘réduction réelle du capital’. Voir la Position de VLABEL n° 19078 du 9 décembre 2019 : « La distribution en nature d’un immeuble qui est imputée au passif des fonds propres « apport disponible et/ou indisponible » à des fins comptables est soumise au régime d’attente prévu à l’article 2.9.1.0.4, troisième alinéa du VCF, sous réserve que les conditions de l’article 2.9.1.0.4, troisième alinéa du VCF soient remplies, c’est-à-dire l’attribution à tous les associés ensemble, proportionnellement à leur participation dans la société et sans aucune contrepartie. » 5 Il est vrai que seule une société considérée comme petite sur la base de l’article 1:24, § 1 et § 6 du Code des sociétés et des associations peut constituer une réserve de liquidation (voir article 184quater, (1) du CIR 1992). 6 En ce qui concerne l’exonération du précompte mobilier, voir l’article 21, 11° du CIR 1992. En ce qui concerne la cotisation spéciale de 10 %, voir l’article 219quater du CIR 1992. En ce qui concerne le transfert à une réserve de liquidation, voir l’article 184quater du CIR 1992.

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ne s’applique que dans l’hypothèse où la distribution n’est effectuée qu’une fois la liquidation clôturée.

En cas de liquidation dans laquelle le régime d’attente ne s’applique pas, seule une imputation de l’immeuble au capital pourrait entraîner l’application du droit fixe général.

En tout cas, le ministre des Finances a confirmé qu’une société en liquidation peut également constituer une réserve de liquidation7. Toutefois, la création d’une réserve de liquidation n’est plus possible dans l’exercice comptable au cours duquel la liquidation sera clôturée. Cela implique que si la réserve de liquidation est utilisée, l’immeuble doit être transféré (soit par une vente ou, s’il existe des réserves suffisantes, par un dividende en nature) aux actionnaires de la société au plus tard durant l’exercice comptable précédant la clôture de la liquidation.

Le Service des Décisions Anticipées n’a également aucune objection à la création d’une réserve de liquidation par une société en liquidation 8 . Le Service des Décisions Anticipées a estimé que, dans les cas qui lui ont été soumis, il n’était pas non plus question d’abus fiscal 9 lorsque des motifs non fiscaux étaient présents10 . Dans tous les cas, compte tenu du fait que la réserve de liquidation doit être créée un exercice comptable à l’avance, il n’est pas possible de combiner la réserve de liquidation avec le taux réduit de la taxe d’enregistrement puisque ces régimes préférentiels ne s’appliquent qu’en cas de clôture effective de la liquidation.

4. Position récente de VLABEL En outre, une curieuse position a récemment été adoptée par VLABEL sur l’hypothèse que lorsque la distribution de l’immeuble ne relève pas du régime d’attente (par exemple, l’attribution directe à l’associé unique), le droit de vente s’applique dès qu’il y a une « dation en paiement » (position n° 19078 du 9 décembre 2019). VLABEL ne définit pas davantage ce concept, mais a en tout cas considéré que lorsqu’une distribution d’un immeuble est imputée sur les réserves disponibles (et est donc considérée comme un dividende en nature), le droit de vente s’applique toujours. Le droit de partage ne s’applique que s’il existe une relation indivise entre la société et l’associé. Cette position est contraire à une décision prise par l’administration fédérale, qui n’a été publiée que récemment (Décision du 9 octobre 2007, EE/102.046, publiée le 18 février 2020, www.fisconetplus.be). Dans cette décision, le droit fixe général était

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toujours considéré comme exigible lors de l’attribution à l’unique associé d’une société unipersonnelle à responsabilité limitée d’un immeuble dans l’une des hypothèses définies dans le pendant fédéral de l’article 2.9.1.0.4, deuxième alinéa du VCF). La Région wallonne, contrairement à VLABEL en Flandre, n’ayant pas encore repris le service des droits d’enregistrement, les décisions administratives relatives aux articles 129 et 130 C. dr. enr. continuent à sortir leur plein effet. On en conclura que la Flandre semble appliquer une fiscalité plus lourde à cette situation que la Wallonie. Notez que les articles 129 et 130 précités détaillent encore des régimes spécifiques concernant les associés historiques et les « personnes liées » à l’associé. Dans la mesure où il existe ce que l’on appelait autrefois une « réduction de capital », que l’on appelle maintenant imputation sur l’apport disponible ou non disponible, il n’est pas question de droit de vente pour autant que les conditions de la clause d’exception susmentionnée soient remplies, sauf si cette imputation est basée sur une dation en paiement. Dans ce cas, un droit fixe général de 50 euros pourrait être appliqué. En supposant que la société visée dans notre hypothèse ait probablement été fondée avec un capital minimum à l’époque, cette imputation ne jouera pas de rôle ici et, selon Vlabel, en cas de dividende en nature à l’associé unique, un droit de vente sera toujours d’application.

5. Conclusion Les conséquences fiscales de la cession d’un immeuble sont importantes. La position finale de VLABEL paraît augmenter la charge fiscale dans un certain nombre de cas où un droit fixe général semblait pouvoir être revendiqué dans le passé. En cas de liquidation dans laquelle le régime d’attente ne s’applique pas, seule une imputation de l’immeuble au capital pourrait entraîner l’application du droit fixe général de 50 euros. Stefan Geluyckens Avocat

Doc. parl. Chambre 2014-2015, 21 CRIV 54 COM 138. Décision anticipée 2017.733 du 30 mai 2018 ; Décision anticipée 2018.0539 du 21 janvier 2019. Article 344, § 1 du CIR 1992. Par exemple, lorsque l’immeuble sera acquis par les associés selon un pourcentage différent de celui de leur participation dans la société. Voir Décision anticipée 2017.733 du 30 mai 2018, ou si l’immeuble est vendu à un tiers.

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