
9 minute read
Transformation à 6 % ou nouvelle construction à 21 % ?
18
Transformation à 6 % ou nouvelle construction à 21 % ?
Advertisement
Il n’est pas toujours évident dans la pratique de savoir si un projet de rénovation de bâtiments/ logements existants est soumis au taux réduit de 6 % ou doit être considéré comme une nouvelle construction soumise au taux normal, qui est actuellement de 21 %. Où se situe exactement la différence ? Que recouvrent les notions de transformation et de rénovation ?
Régime légal
Un travail immobilier concernant des logements privés est soumis au taux réduit de 6 %, lorsque les conditions sui vantes sont réunies (arrêté royal n° 20, tableau A, rubrique XXXI et rubrique XXXVIII) : 1. les opérations doivent avoir pour objet la transformation, la rénovation, la réhabilitation, l’amélioration, la répara tion ou l’entretien, à l’exclusion du nettoyage, de tout ou partie d’un bâtiment d’habitation ; 2. les opérations doivent être affectées à un bâtiment d’habitation qui, après leur exécution, est effectivement utilisé, soit exclusivement soit à titre principal, comme logement privé ; 3. les opérations doivent être effectuées à un bâtiment d’habitation dont la première occupation précède d’au moins dix ans la première date d’exigibilité de la TVA survenue ; 4. les opérations doivent être fournies et facturées à un consommateur final ; 5. la facture émise par le prestataire de services et le double qu’il conserve doivent, sur la base d’une attes tation formelle et précise du client, constater l’existence des divers éléments justificatifs de l’application du taux réduit ; sauf collusion entre les parties ou méconnais sance évidente de la présente disposition, l’attestation du client décharge la responsabilité du prestataire de services pour la détermination du taux.
Cette disposition légale ne permet pas de déduire ce qu’il y a lieu d’entendre précisément par transformation ou rénovation ni par nouvelle construction. Les critères sur la base desquels un ancien bâtiment transformé doit être considéré comme un nouveau bâtiment n’ont pas été définis dans le Code, mais uniquement dans des textes émanant de l’Administration.
Commentaire administratif
Dans sa circulaire administrative n° 6 du 22 août 1986, l’Administration précise quelque peu ces notions. Elle énonce que par « transformation », on entend aussi bien la trans formation extérieure de l’immeuble (et notamment sa réhabilitation) que la transformation intérieure du bâtiment ou son agrandissement, par adjonction de pièces nouvelles et extension des pièces existantes (point 30 de cette circulaire).
L’existence d’une transformation n’est pas critiquée lorsque la rénovation s’appuie d’une manière significative sur d’an ciens murs portants (notamment les murs extérieurs) et plus généralement sur des éléments essentiels de la structure de l’immeuble à rénover.
En revanche, seraient à considérer comme un travail de construction concourant à l’érection d’un nouvel immeuble : 1. la reconstruction d’un immeuble après démolition, même en cas de maintien des fondations et caves de l’im meuble ancien ou d’éléments accessoires de sa structure (par exemple la seule façade à front de rue, maintenue pour des raisons d’intégration dans le tissu urbain) ; 2. la construction d’un ou plusieurs appartements sup plémentaires, en surélévation ou autrement, dans un immeuble à appartements, lorsque ces nouveaux appar tements placés sous le régime de la copropriété sont cessibles avec application de la TVA ; 3. la construction par le propriétaire d’un immeuble jouxtant le sien, lorsque le nouvel immeuble ne constitue pas un agrandissement du premier, mais constitue un bâtiment neuf susceptible en soi d’être cédé sous le régime de la
TVA, comme distinct de l’ancien immeuble ; 4. la transformation radicale d’une grange ou autre annexe d’une exploitation agricole en une maison d’habitation.
Chacun de ces cas a toutefois été interprété concrètement par la jurisprudence et dans des commentaires administratifs ultérieurs. Il en est ressorti que la frontière entre l’application du taux réduit de 6 % et une nouvelle construction reste une question de fait dans laquelle la différence est très subtile.
Plusieurs exemples importants tirés de la pratique illustrent ci-après cette différence subtile. Dans la mesure du possible, des informations intéressantes dans cette matière sont éga lement communiquées à travers des exemples concrets.
Agrandissement d’un logement
Il arrive qu’un bâtiment d’habitation soit agrandi en se voyant adjoindre une surface supplémentaire. L’extension d’un
La frontière entre l’application du taux réduit et une nouvelle construction reste une question de fait.
bâtiment existant peut être considérée comme une transformation de ce bâtiment, pour autant que les deux conditions suivantes soient remplies de manière cumulative : • la superficie de l’ancienne partie reste significative en comparaison de la nouvelle partie ; • la nouvelle partie ne peut pas fonctionner indépendam ment de l’ancienne partie, mais forme au contraire avec l’ancienne partie un tout cohérent et complémentaire en termes d’utilisation du bâtiment.
Pour qu’il soit question de transformation, la superficie de l’ancienne partie doit être significative par rapport à la nou velle partie. On peut considérer qu’il en est ainsi lorsque la superficie totale de l’ancienne partie qui subsiste après l’exé cution des travaux est supérieure à la moitié de la superficie totale du bâtiment d’habitation ou du complexe d’habitation après la réalisation des travaux.
19
Le ministre des Finances déclare, en réponse à une question parlementaire 1 concernant cette problématique de comparaison des superficies, que pour le calcul des superficies à comparer, il y a lieu notamment de : • prendre les mesures à partir de et jusqu’aux côtés exté rieurs des murs en élévation ; • tenir compte de la superficie totale de chaque partie plane (plancher) de l’habitation, y compris donc « la surface per due, comme celle sous un toit en pente » ; • tenir compte de la superficie des remise, cave, grenier et garage intégré ou annexé ; • ne pas prendre en compte la superficie de la cave com blée pour le calcul de la superficie de la partie ancienne qui subsiste après les travaux.
Soulignons également que lorsqu’une partie de l’ancienne habitation est démolie, la superficie après la réalisation des travaux doit être comparée à la superficie de la partie ancienne qui subsiste après la démolition. C’est du moins l’interprétation que donne l’Administration à la position préci tée. Il ressort toutefois de la pratique que ce point de vue est généralement suivi par les cours et tribunaux.
En ce qui concerne la deuxième condition à remplir pour qu’il soit question d’une transformation, il faut que la nouvelle partie ne puisse pas fonctionner indépendamment de la partie ancienne, mais complète l’ancienne partie et que l’ensemble forme donc un tout en termes d’utilisation du bâtiment. Il n’est en revanche pas exigé que la partie nouvel lement construite se trouve sous le même toit que la partie ancienne 2 .
Divers cas pratiques de travaux de transformation
Les cas ci-dessous sont principalement des situations pratiques tirées de la jurisprudence en la matière.
Tant la cour d’appel de Mons que celle de Gand estiment que si le législateur n’a pas donné de définition de la notion de travaux ou d’opérations ayant pour objet la transforma tion, la rénovation… d’un bâtiment d’habitation, cette notion doit être comprise dans son sens usuel et que l’ampleur des travaux ne peut être telle qu’ils pourraient être assimilés aux travaux de construction d’un nouveau bâtiment 3 .
La cour d’appel de Gand considère en outre qu’il ne faut pas faire référence à d’autres législations ni au point de vue de tiers – par exemple une commune ou une ville (tel que la mention sur le permis d’urbanisme) – ou d’un architecte 4 .
1 2 3 4 QP n° 1117 du 9 octobre 2002, monsieur Leterme. Décisions n° E.T. 106.993 du 1 er septembre 1994 et n° E.T. 106.933/2 du 29 mars 2006. Cours d’appel de Mons du 28 octobre 2011 et de Gand du 6 décembre 2005. Cour d’appel de Gand du 6 décembre 2005.
20
Lorsqu’un bâtiment industriel est transformé et subdivisé en appartements individuels, ces travaux peuvent être soumis au taux réduit de 6 %, puisque la structure du bâtiment est maintenue (murs portants, répartition en étages, etc.) 5 .
La transformation d’un bâtiment industriel en loft est en principe soumise au taux réduit de 6 %, du moins si les travaux de transformation restent limités au volume existant du bâtiment 6 . Alors que le taux réduit ne s’appliquera pas à la construction d’un ou de plusieurs lofts supplémentaires au-dessus ou à côté du bâtiment, lorsque ces nouveaux lofts peuvent tomber dans le régime de la copropriété forcée et peuvent être vendus avec application de la TVA.
Dans un cas spécifique, le SDA a estimé que la transformation de quatre chambres de bonne et d’un grenier en un duplex pouvait bénéficier du taux de 6 % si elle était effectuée dans un bâtiment de plus de dix ans 7 .
Dans son arrêt, la cour d’appel de Gand déclare par ailleurs qu’une nouvelle construction est érigée en substance lorsqu’il s’avère que tous les murs intérieurs, la façade arrière, les parquets et les plafonds sont intégralement démolis, que les parquets sont remplacés par des sols en béton, que de nouveaux panneaux d’étage sont placés et que la maison de maître avec cave, rez-de-chaussée, deux étages et un étage sous toiture devient en réalité un immeuble de quatre appartements.
La suppression complète de la structure intérieure et de la façade arrière de la maison de maître initiale et leur remplacement par une nouvelle construction intérieure consiste en tout état de cause en l’érection d’une nouvelle construction 8 .
Si à la suite de travaux de démolition visant à transformer une maison mitoyenne, seuls deux murs mitoyens subsistent (indépendamment du fait que les hourdis reposent dessus), les travaux de transformation doivent être considérés, selon la doctrine administrative, comme des travaux de construction, même si les caves de cette habitation ont été conservées 9 .
Sont explicitement exclus du taux de TVA réduit : le travail immobilier et les autres opérations immobilières qui ne portent pas sur le bâtiment d’habitation proprement dit, tels que les travaux de culture ou jardinage et les travaux de clôture, entre autres :
Voies d’accès
Est uniquement considéré comme voie d’accès tout chemin qui relie directement à la voie publique un bâtiment destiné à être habité et qui est utilisé, exclusivement ou non, par les visiteurs et occupants de cet immeuble. Le taux de TVA de 6 % peut être d’application dans ce cas.
L’aménagement d’un chemin qui n’est pas relié à la voie publique, mais sert uniquement de chemin de promenade dans le jardin ou qui ne sert que de voie d’accès aux services d’incendie, ou encore qui dessert un garage séparé ou un autre bâtiment non destiné à l’habitation (abri de jardin, grange, etc.) sera toujours soumis au taux de TVA normal de 21 %.
Terrasses
Les terrasses situées sur la parcelle d’une habitation ne sont considérées comme faisant partie de l’habitation que si elles sont attenantes à un bâtiment destiné à être habité (et dans ce cas, le taux de TVA de 6 % peut être appliqué). Une terrasse aménagée dans le jardin sera toujours soumise au taux de TVA normal de 21 %.
Clôtures et murets
Le placement de clôtures, en ce compris les portes d’accès, est explicitement exclu de l’application du taux réduit de TVA de 6 %.
Toutefois, les murets qui sont attenants à l’habitation et qui ne constituent pas à proprement parler une séparation ou une délimitation de la propriété peuvent être considérés comme faisant partie de l’habitation, de même que les grilles ou portillons qui y sont placés.
Serres, vérandas, pergolas
Les opérations relatives à des serres et pergolas qui ne sont pas accolées à l’habitation – et qui doivent être considérées comme des dépendances de jardin – sont exclues du taux de TVA de 6 % 10 .
Luc Heylens
Conseiller fiscal
5 6 7 8 9 10 QP n° 86 du 19 octobre 1999, madame Pieters. QP n° 10991 du 28 mars 2011, monsieur Chabot. Décision anticipée n° 2011.406 du 18 octobre 2011. Cour d’appel de Gand du 6 décembre 2005. Cour d’appel de Gand du 17 février 2015. Décision n° E.T. 62.393 du 28 avril 1988.