État des lieux du système de protection de l'enfant - Burkina Faso (2023)

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ÉTAT DES LIEUX

LE SYSTÈME DE PROTECTION

DE L’ENFANT DU BURKINA FASO

ET LES VIOLENCES SEXUELLES ET SEXISTES COMMISES À L’ÉGARD DES

ENFANTS : UNE ANALYSE SYSTÉMIQUE

BASÉE SUR LES DROITS DE L’ENFANT

COMPRENDRE POUR AGIR

Mars 2023

Un projet mis en œuvre par le Bureau international des droits des enfants (IBCR)

Sous la tutelle du ministère de la Femme, de la solidarité nationale, du genre et de la famille du Burkina Faso

© 123FR LUCIAN COMAN

AVANT-PROPOS

Depuis 2009, en partenariat avec les institutions et la société civile burkinabè, le Bureau international des droits des enfants (IBCR) contribue aux transformations majeures et durables du système de protection de l’enfant, orientées vers une collaboration accrue entre les secteurs et les corps de métiers, une implication et une écoute appropriée de l’enfant et une prise en compte renforcée de l’égalité de genre.

Dans la continuité des avancées en matière d’accompagnement des enfants en contact avec la justice, il était logique pour l’IBCR de poursuivre son engagement en vue de consolider les acquis en matière de respect des droits de l’enfant, en ciblant la prévention et la lutte contre les violences sexuelles et sexistes à l’égard des enfants. Cet état des lieux constitue une étape fondamentale dans ce parcours, puisqu’il est un complément à l’Étude nationale réalisée en décembre 2018 sur les violences faites aux enfants, et qu’il permet de comprendre où en sont les acquis, les enjeux et les efforts pour mieux protéger et promouvoir les droits de l’enfant au Burkina Faso.

Cet état des lieux fait notamment ressortir un manque de formation adéquate des acteurs de première ligne, ainsi que la faiblesse des recours aux mécanismes de dénonciation des violences et de leur judiciarisation. Cela s’explique par un manque de confiance des enfants envers le système de justice officiel dans sa globalité, qui fait perdurer l’inéquation entre le nombre réel de cas de violences sexuelles et sexistes et le nombre de cas dénoncés et empêche les enfants victimes d’obtenir une forme de réparation adaptée et respectueuse de leurs droits. En outre, les perceptions sociales qui tendent à banaliser les violences sexuelles et sexistes subies par les enfants nuisent à l’efficacité du système de protection et favorisent la persistance d’un climat d’impunité dans les milieux où les enfants évoluent, en particulier au sein des établissements scolaires. Les crises actuelles traversées par le pays, principalement celle sécuritaire, exacerbent les violences à l’égard des enfants ainsi que la difficulté à les outiller pour prévenir et agir. On observe enfin un besoin majeur de synergie d’action entre les secteurs institutionnels et communautaires, à toutes les échelles du système, et un besoin de renforcement de l’opérationnalisation de leurs actions.

Cette étude détaillée n’est certes pas exhaustive, mais elle permet tout de même de mieux COMPRENDRE pour mieux POUR AGIR en faveur d’un plus grand respect des droits des victimes de violence ou à risque de l’être. Le Bureau international des droits des enfants est honoré de pouvoir partager cet état des lieux conjointement avec l’État burkinabè et de pouvoir poursuivre le travail à partir de cette vision commune des forces et des opportunités existantes au sein de l’appareil étatique et communautaire pour mieux protéger les enfants du pays.

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Martin Causin Directeur général du Bureau international des droits des enfants
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PRÉFACE 2 AVANT-PROPOS 3 ACRONYMES 6 INTRODUCTION : COMPRENDRE POUR AGIR 7 MÉTHODOLOGIE 9 2.1 COLLECTE DE DONNÉES 9 2.2 PROCESSUS COLLABORATIF DE VALIDATION 13 CONTEXTE GÉNÉRAL 14 3.1 LES VIOLENCES SEXUELLES ET SEXISTES 14 3.2 LES FACTEURS DE RISQUE DES VIOLENCES SEXUELLES ET SEXISTES 17 3.3 DES CONTEXTES PROPICES AUX AUTRES VIOLENCES SEXUELLES ET SEXISTES 18 3.4 L’IMPACT DES CRISES SUR LES DROITS DE L’ENFANT 20 3.5 LE CADRE LÉGAL ET STRATÉGIQUE GÉNÉRAL ENCADRANT LES VIOLENCES SEXUELLES ET SEXISTES À L’ÉGARD DES ENFANTS 22 3.6 LES ACTEURS DU SYSTÈME DE PROTECTION DE L’ENFANT AU BURKINA FASO 25 TRAJECTOIRES DES ENFANTS VICTIMES DE VIOLENCES SEXUELLES ET SEXISTES DANS LE SYSTÈME DE PROTECTION, ET RÉPONSE COORDONNÉE DES ACTEURS 32 4.1 LE SIGNALEMENT AUX ACTEURS DU SYSTÈME INSTITUTIONNEL DE PROTECTION DE VIOLENCES SEXUELLES ET SEXISTES COMMISES À L’ÉGARD D’UN ENFANT 32 4.2 LA RÉPONSE DES ACTEURS DU SYSTÈME DE PROTECTION DE L’ENFANT LORS DU SIGNALEMENT D’UNE VIOLENCE SEXUELLE ET SEXISTE 35 4.3 LA COORDINATION INTERSECTORIELLE 40
TABLE DES MATIÈRES
LES ACTEURS DU SYSTÈME DE PROTECTION DE L’ENFANT ET LA MISE EN ŒUVRE DES DROITS DE L’ENFANT VICTIME 43 5.1 FORMATION DES ACTEURS DU SYSTÈME DE PROTECTION 43 5.2 PORTRAIT DE LA MISE EN ŒUVRE DES DROITS DE L’ENFANT DANS LA PRATIQUE DES ACTEURS DU SYSTÈME DE PROTECTION 46 CONSTATATIONS : SE METTRE EN ACTION 55 ANNEXES 57 ANNEXE I LISTE DE TEXTES DE RÉFÉRENCE RELATIFS À LA PROTECTION DE L’ENFANT AU BURKINA FASO 57 ANNEXE II AUTRES ACTEURS DU SYSTÈME DE PROTECTION DE L’ENFANT 62 BIBLIOGRAPHIE 65 © 123FR KASTO

ACRONYMES

AMC Affaires mondiales Canada

BCLCC Brigade centrale de lutte contre la cybercriminalité

CCPE Cellule communautaire de protection de l’enfance

CDE Convention relative aux droits de l’enfant

CNT Conseil national de la transition

COVID-19 Maladie à coronavirus 2019

CVD Comité villageois de développement

DGESS Direction générale des études et des statistiques sectorielles

ECPAT Réseau d’associations luttant contre l’exploitation sexuelle des enfants

ENAM École nationale d’administration et de magistrature

ENGSP École nationale de la garde de sécurité pénitentiaire

FDS Forces de défense et de sécurité

GTPE Groupe de travail pour la protection de l’enfance

IBCR Bureau international des droits des enfants

INFPE Institut national de formation des personnels de l’éducation

INFTS Institut national de formation en travail social

INSD Institut national de la statistique et de la démographie

LPE Loi n° 015-2014/AN portant protection de l’enfant en conflit avec la loi ou en danger

MEEVCC Ministère de l’Environnement, de l’Économie verte et du Changement climatique

MFSNFAH Ministère de la Femme, de la Solidarité nationale, de la Famille et de l’Action humanitaire1

MJDHPC Ministère de la Justice, des Droits humains et de la Promotion civique

MJDHRI Ministère de la Justice, des Droits humains, chargé des Relations avec les Institutions

OCHA Office for the Coordination of Humanitarian Affairs (Bureau de la coordination des affaires humanitaires)

ODD Objectifs de développement durable

ONG Organisation non gouvernementale

OPJ Officière ou officier de police judiciaire

RCPE Réseau communal de protection de l’enfant

RGPH Recensement général de la population et de l’habitat

RPE Réseau de protection de l’enfant

RPPE Réseau provincial de protection de l’enfant

SNPE Stratégie nationale de protection de l’enfant

TS Travailleuse ou travailleur social

UNICEF Fonds des Nations Unies pour l’enfance

VBG Violence basée sur le genre

VSS Violences sexuelles et sexistes

1 Depuis le coup d’État de janvier 2022, le ministère de la Femme, de la Solidarité nationale, de la Famille et de l’Action humanitaire a été scindé en deux : le ministère du Genre et de la Famille, et le ministère de la Solidarité nationale et de l’Action humanitaire

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INTRODUCTION : COMPRENDRE POUR AGIR

Cet état des lieux documente les mesures déployées par le système de protection de l’enfant du Burkina Faso pour faire face aux violences sexuelles et sexistes, à partir d’une approche systémique et basée sur les droits de l’enfant. Pour ce faire, il présente les pratiques des acteurs de ce système ainsi que leurs dynamiques et espaces de coordination, afin d’identifier les mesures qui permettent un meilleur respect des droits de l’enfant et une plus grande protection.

Réalisé dans le cadre du projet Biig-yi-nere 2 (2021-2026) mis en œuvre par le Bureau international des droits des enfants (ci-après l’IBCR ou le Bureau) et financé par Affaires mondiales Canada (AMC), le présent état des lieux a pour objectif i) de brosser un portrait du système de protection de l’enfant et de sa réponse face aux violences, en particulier les violences sexuelles et sexistes, à leur égard, ii) d’orienter tout acteur intéressé par la protection et les droits de l’enfant au Burkina Faso quant aux actions possibles à entreprendre afin de renforcer le système de protection et d’offrir à tous les enfants un accompagnement qui leur soit adapté et iii) de guider la mise en œuvre du projet et de favoriser un plaidoyer concerté de tous ses partenaires pour un accompagnement des filles et des garçons victimes de violences qui soit respectueux et adapté aux enfants et au contexte burkinabè.

Bien qu’adoptant une approche systémique, l’analyse présentée se concentre avant tout sur les acteurs concernés par le projet Biig-yi-nere, principalement issus des secteurs de la santé, de l’éducation, de l’armée et des réseaux de protection de l’enfance. Cet état des lieux fait suite à L’état des lieux du système de protection de l’enfant au Burkina Faso portant sur les rôles et responsabilités des policiers, des gendarmes, des travailleurs sociaux et du personnel de justice paru en 2017 et L’état des lieux des rôles et responsabilités du personnel de la garde de sécurité pénitentiaire (GSP) dans le système de protection de l’enfant au Burkina Faso paru en 2019, tous deux produits par l’IBCR dans le cadre du projet « Renforcer les capacités des forces de sécurité, des magistrats et des travailleurs sociaux en protection de l’enfant (2015-2020).

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2 « Le bien-être de l’enfant », en langue mooré

L’IBCR est une organisation internationale non gouvernementale créée en 1994 et établie à Montréal, Canada. Elle a pour mission de contribuer au respect et à la promotion des droits de l’enfant, conformément aux engagements prescrits par la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) et ses trois protocoles facultatifs. Le Bureau a lancé Biig-yi-nere, une nouvelle initiative aspirant à consolider les acquis du projet antérieur. Ce projet vise à réduire les violences sexuelles et sexistes chez les filles et les garçons du Burkina Faso par le renforcement du système de protection de l’enfant et de ses acteurs. Par ce projet, l’IBCR cherche à outiller de façon durable les acteurs du système de protection de l’enfant partenaires du projet, dont les enfants. Le Bureau cherche également à améliorer la collaboration entre ces différents acteurs afin de répondre de manière efficace aux violences faites aux filles et aux garçons.

Pour y parvenir, l’IBCR poursuit sa collaboration avec le ministère de la Femme, de la solidarité nationale, du genre et de la famille du Burkina Faso, ministère de tutelle du projet, ainsi qu’avec les ministères, les écoles de formation et les professionnelles et les professionnels des forces de sécurité, de l’action sociale et de la justice. Le Bureau entame également une collaboration avec les secteurs de la santé et de l’éducation, avec l’armée ainsi qu’avec les réseaux de protection de l’enfance et les organisations nationales de promotion des droits de l’enfant. Ce projet privilégie, en outre, la participation de l’enfant. Ainsi, filles et garçons sont intégrés à la mise en œuvre et au suivi du projet et participent à un processus de renforcement de compétences et d’autonomisation.

Le Projet Biig-yi-nere soutient les efforts du gouvernement du Burkina Faso dans le domaine de la protection de l’enfant. Il s’aligne notamment avec la Stratégie nationale de protection de l’enfant (SNPE) au Burkina Faso 2020-2024, le Plan d’action triennal 2020-2022 de la stratégie nationale de protection de l’enfant au Burkina Faso, la Loi n° 061-2015/CNT du 06 septembre 2015 portant prévention, répression et réparation des violences à l’égard des femmes et des filles et prise en charge des victimes, la Stratégie nationale de protection et de promotion de la jeune fille au Burkina 2017-2026, la Stratégie nationale de prévention et d’élimination du mariage d’enfants 2016-2025 et la Stratégie nationale genre mise en œuvre sur la période 2020-20243.

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3 Voir l’Annexe I – Liste de textes de référence relatifs à la protection de l’enfant au Burkina Faso

MÉTHODOLOGIE

L’état des lieux s’appuie sur une méthodologie collaborative basée sur la mise en avant de l’expérience de l’enfant, fil conducteur de l’analyse. De moments de validation et de consultation avec les partenaires ont permis de confirmer les informations récoltées.

2.1 COLLECTE DE DONNÉES

Revue de littérature

Une revue de littérature a permis de cerner le contexte national de protection de l’enfant dans lequel s’inscrit le projet et de mieux identifier les données disponibles en ce qui concerne l’intervention pour faire face aux violences à l’égard des enfants, notamment les violences sexuelles et sexistes, et renforcer le respect des droits de l’enfant. Des rapports produits par des institutions et des organisations de la société civile (OSC), des stratégies, des politiques et des lois nationales, des statistiques nationales ainsi que des articles universitaires ont été consultés aux fins de la réalisation du présent état des lieux.

Questionnaires

Une collecte de données quantitatives a été menée : 360 personnes, dont 113 femmes, provenant des six régions et secteurs étatiques se sont vu administrer un questionnaire, alors que 340 professionnelles et professionnels des réseaux de protection de l’enfance (RPE, RCPE, CCPE), dont 37 % de femmes, ont été rencontrés. Ces membres des RPE étaient issus du secteur de l’action sociale ou des associations de collectivités, ou encore étaient des représentants religieux et coutumiers ainsi que des membres des secteurs de l’éducation, de la justice et de la santé.

Entretiens avec les acteurs-clés

Entre le 23 septembre et le 10 novembre 2021, l’équipe de projet a réalisé 11 entretiens individuels et organisé 5 rencontres de groupes avec des partenaires-clés du projet à Ouagadougou et à Loumbila. Des rencontres de groupes ont également été tenues avec la Direction générale des études et des statistiques sectorielles (DGESS) ; les Cellules genre (groupes de travail permanents

Rencontre au Centre de l’éducation non formelle, Ouagadougou octobre 2021

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Entretien avec un membre de la DGFE, Ouagadougou septembre 2021

sur le genre dans les ministères ou les structures techniques) ; des membres de ministères4, du secrétariat permanent du Conseil national pour l’enfance, de centres de formation professionnelle (l’Institut national de formation des personnels de l’éducation, l’École nationale de la santé), ainsi qu’un bureau du Réseau de protection de l’enfance. Les entretiens individuels ont été réalisés auprès de personnes ayant un niveau de responsabilité stratégique au sein des ministères, des structures techniques responsables du genre et de la protection de l’enfant ainsi que les points focaux du projet ou leurs représentants au sein des ministères responsables de la justice, de l’éducation et de la santé.

Groupes de discussion avec les enfants

Au total, 10 groupes de discussion ont été réalisés dans les 6 régions d’intervention du projet (Ouagadougou, Koudougou, Kaya, Ouahigouya, Bobo-Dioulasso et Dédougou). Ce sont ainsi 190 enfants – dont 110 filles – âgés de 10 à 17 ans et ayant été au moins une fois en contact avec un acteur du système de protection de l’enfant qui ont pu faire part de leurs expériences ainsi que de leurs perceptions quant au respect de leurs droits et quant aux violences sexuelles et sexistes impliquant des enfants. Ces rencontres ont été menées par l’équipe de projet de l’IBCR et par des travailleuses et des travailleurs sociaux de ces zones. Les enfants rencontrés sont des filles et des garçons accompagnés par des associations partenaires du projet ou des associations d’accompagnement de victimes de violences. Enfin, l’IBCR a rencontré des enfants détenus dans une maison d’arrêt et de correction.

Session de travail en préparation d’un groupe de discussion avec des enfants à Koudougou, 30 septembre 2021

Rencontre avec les enfants de l’association de prise en charge d’enfants en difficulté Wendwaoga, Koudougou 30 septembre 2021

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4 Ministère responsable de la Justice, ministère responsable de l’Enfance, ministère responsable de la Défense, ministère responsable de l’Éducation, ministère responsable de la Santé

Ateliers sectoriels

Des ateliers sectoriels ont été organisés avec les acteurs de première ligne, afin de tenter d’obtenir une idée juste des pratiques dans ces secteurs de la mise en œuvre des droits de l’enfant. Entre les mois de décembre 2021 et de février 2022, six ateliers ont ainsi rassemblé, à Bobo-Dioulasso et à Koudougou, 151 professionnelles et professionnels (soit 46 femmes et 105 hommes) issus des différents secteurs du projet et provenant des 6 zones d’intervention. Les ateliers sectoriels ont réuni des membres des secteurs des forces de sécurité ; de la justice et du travail social ; de l’administration pénitentiaire ; de la santé ; de l’éducation ; de l’armée et enfin des RPE et associations de la société civile.

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Atelier sectoriel militaire, Koudougou, 14 au 15 avril 2022 Atelier sectoriel FDS, Koudougou, 13 au 14 janvier 2022 Atelier sectoriel éducation, Koudougou, 11 au 12 décembre 2021

En plus de documenter les pratiques des acteurs de première ligne lorsqu’ils interagissent avec les enfants, ces ateliers ont permis de collecter des informations sur leurs formations en lien avec les droits de l’enfant.

Par ailleurs, l’équipe de projet a tenu un atelier multisectoriel en février 2022 afin de croiser les informations et d’explorer au mieux le niveau et les enjeux de la collaboration entre les différents partenaires du projet dans la prévention et la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

Cet atelier a regroupé 29 personnes (soit 8 femmes et 21 hommes) issues des secteurs de l’éducation, de la santé, du travail social et de la justice, mais aussi de la police, de la gendarmerie, des RPE et des associations.

Au cours de ces ateliers sectoriels, la nécessité de rencontrer des acteurs de première ligne qui interagissent avec les enfants, aussi bien au sein de la communauté que dans les écoles, en matière de lutte contre les violences sexuelles et sexistes a été émise. C’est ainsi qu’un atelier regroupant des agentes et des agents de santé à base communautaire et le personnel de la vie scolaire des écoles, des policières et des policiers ainsi que des gendarmes, des travailleuses et des travailleurs sociaux et des membres d’associations des zones d’intervention du projet a eu lieu en mars 2022. Cet atelier a réuni 31 personnes, soit 9 femmes et 22 hommes.

Enfin, cet état des lieux puise des informations récoltées lors d’ateliers de développement de modes opératoires standardisés avec le secteur de la justice et les RPE (mars 2022).

Enjeux éthiques

Différentes mesures ont été mises en place afin de réduire les risques reliés à la collecte de données. Ainsi, un consentement éclairé a été obtenu de la part de toutes les sources rencontrées (mise en contexte, explication sur le caractère volontaire de la participation, demande de consentement verbal, etc.). Si certains entretiens ont été enregistrés après obtention de l’autorisation des personnes concernées, la confidentialité des enregistrements a pu être maintenue et ils ont été détruits après leur exploitation. La confidentialité des renseignements personnels (nom, adresse courriel, numéro de téléphone, etc.) a été respectée : les données n’ont été accessibles qu’aux personnes directement impliquées dans le processus et n’ont pas été diffusées.

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Atelier sectoriel RPE-Association, 27 au 28 janvier 2022

S’agissant des entretiens avec les enfants, ils ont été réalisés de façon anonyme afin de protéger leur identité, de favoriser leur confiance et, ainsi, de limiter la partialité dans les réponses. Pour bien-être des enfants impliqués dans la collecte de données, des mesures de protection ont été appliquées (consentement éclairé de l’enfant, protocole en cas de dévoilement d’abus, attention portée à la sécurité affective de l’enfant, présence d’une personne pouvant offrir une aide psychologique, espace sécuritaire, présence de deux enquêteurs, etc.).

2.2 PROCESSUS COLLABORATIF DE VALIDATION

Une version préliminaire du présent état des lieux a été soumise à des représentants de chaque ministère partenaire concerné ainsi qu’à des représentants de chacune des entités partenaires du projet (partenaires étatiques, réseaux, associations), afin d’améliorer et de valider les données incluses et d’enrichir les analyses qui en ont découlé. L’atelier de validation avec les représentants des secteurs partenaires du projet a eu lieu du 22 au 23 août 2022. Cet atelier a été l’occasion pour les 34 personnes participantes (soit 7 femmes et 27 hommes) de renforcer la qualité de cet état des lieux et de pousser les discussions portant sur la collaboration entre les différents secteurs.

Atelier de validation de l’État des lieux, Manga, 22 au 23 août 2022

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© TINA FLOERSCHSTOCKSNAP

CONTEXTE GÉNÉRAL

Les violences sexuelles et sexistes à l’égard des enfants sont encore une réalité au Burkina Faso, malgré les divers lois, stratégies et plans d’action adoptés par l’État 5. Le manque de données officielles ainsi que les tabous entourant les violences sexuelles et sexistes rendent difficile le recensement de l’ensemble de ces violences, en particulier celles commises à l’égard des enfants en bas âge. Néanmoins, comme le présente la section suivante, nous pouvons affirmer que la prévalence de ces violences varie en fonction de certains facteurs propres à l’enfant, mais est exacerbée par le contexte social et culturel du Burkina Faso, ainsi que par les diverses situations de crise qui sévissent au pays.

3.1 LES VIOLENCES SEXUELLES ET SEXISTES

Attouchements

sexuels

Est entendu par attouchement sexuel tout acte de nature sexuelle exercé directement et intentionnellement contre un enfant6. Les attouchements sexuels contre les enfants sont généralement commis à l’école (27,8 %), à la résidence de l’auteur (17,3 %) ou à la résidence de l’enfant qui en est victime (14,9 %) (MFSNFAH, 2017, p. 45).

Viol

Mutilations génitales féminines

Selon les données de 2018, environ 0,5 % des enfants âgés de 12 à 17 ans avaient été victimes de rapports sexuels forcés. Les enfants victimes de viol ou de tentatives de viol ont nommé comme principaux responsables les voisins de sexe masculin, les amis ou camarades de sexe masculin et les partenaires ou petits amis (19,9 %) (MFSNFAH, 2017, p. 45, 48-49). En ce qui concerne les lieux de commission du viol, la résidence de la victime est le lieu le plus fréquemment cité par les enfants qui ont subi les rapports sexuels forcés, suivie par la rue, la résidence de l’auteur et le lieu de travail, notamment pour les filles domestiques ou encore celles travaillant sur les sites d’orpaillage (MFSNFAH, 2017, p. 51 et p. 43-44).

Les mutilations génitales féminines, bien qu’elles soient condamnées et criminalisées, sont une pratique traditionnelle toujours présente au Burkina Faso. En 2018, 63 % des filles et des femmes burkinabè (âgées de 15 à 45 ans) avaient été excisées (OCDE, 2018, p. 18). Plus précisément, l’Étude nationale sur les violences faites aux enfants a recensé que 18 % des filles âgées de 12 à 17 ans et 4 % des filles de moins de 11 ans avaient été excisées (MFSNFAH, 2017, p. 55 à 57). Cette persistance peut s’expliquer par un ancrage de la pratique dans l’identité des communautés concernées, qui la voient comme un rite de passage permettant aux filles de rejoindre la communauté des « femmes ».

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5 Voir l’Annexe I – Liste de textes de référence relatifs à la protection de l’enfant au Burkina Faso, pour obtenir plus d’informations 6 Loi n° 25-2018/AN du 31 mai 2018 portant Code pénal, art 533-2 (suite)

Mariage d’enfants

Exploitation des enfants à des fins de prostitution

Au Burkina Faso, une fille sur deux est mariée avant l’âge de 18 ans (UNICEF, 2022). Le mariage de ces enfants se fait souvent au détriment du respect de leurs droits, en particulier le droit à l’éducation et à la santé des jeunes filles. Une fois mariées, ces filles sont susceptibles de mettre fin à leur scolarité et se voient ainsi privées d’une éducation qui peut contribuer à leur plein développement. Enceintes parfois très tôt, ces jeunes filles ont souvent des grossesses à risque, ce qui a des effets directs sur le taux de mortalité infantile et sur leur propre santé (MJDHPC, 2020, p. 27).

L’exploitation sexuelle des enfants se produit lorsqu’un individu ou un groupe d’individus profite du déséquilibre de pouvoir pour contraindre, manipuler ou tromper un enfant afin qu’il se livre à une activité sexuelle en échange d’un gain ou d’un bénéfice pour la victime et/ou en vue d’avantager financièrement ou socialement l’auteur ou un tiers. L’enfant peut être exploité sexuellement même si l’activité sexuelle semble consensuelle. L’exploitation sexuelle des enfants n’implique pas toujours un contact physique ; elle peut également se produire par le biais de l’utilisation de la technologie.

L’exploitation des enfants à des fins de prostitution est l’une des formes d’exploitation les plus répandues au Burkina Faso. L’argent (64,4 %), les cadeaux (21,6 %) et la nourriture (8,6 %) sont les contreparties les plus souvent reçues en échange de rapports sexuels avec les enfants âgés de 12 à 17 ans (MFSNFAH, 2017, p. 53).

Exploitation sexuelle en ligne

Le nombre d’utilisateurs d’Internet a considérablement augmenté au Burkina Faso au cours des dernières années. La facilité d’accès à Internet, au-delà de ses avantages, constitue un facteur de risque d’exploitation sexuelle en ligne pour les enfants (ECPAT, 2016, p. 17). Il permet aux enfants d’entrer facilement en contact, via des réseaux sociaux ou « chatrooms » (salle virtuelle de clavardage) avec d’éventuels abuseurs. Une fois le contact établi avec l’enfant et la confiance installée, ces arnaqueurs incitent les enfants, par exemple, à commettre des actes de nature sexuelle qui seront enregistrés et négociés avec l’enfant ou ses parents pour ne pas se retrouver en ligne (ECPAT, 2016, p. 17). Les chiffres concernant l’exploitation sexuelle en ligne démontrent que, de mai 2020 à juin 2022, 346 cas de victimes âgées de moins de 29 ans avaient été enregistrés par la Brigade centrale de lutte contre la cybercriminalité (BCLCC)7. Cela corrobore les témoignages recueillis auprès des enfants et de certains acteurs qui ont relevé le nombre croissant de filles et de garçons touchés par le phénomène.

En outre, les matériaux d’abus sexuels d’enfants en ligne sont de plus en plus courants au Burkina Faso, même s’il existe peu de données sur le phénomène. Le Code pénal burkinabè prévoit que toute personne qui accède à des documents de pornographie enfantine a l’obligation d’en informer l’autorité compétente, sous peine de poursuites judiciaires pour complicité8. Pour autant on note une croissance de films à caractère pornographique mettant en scène des jeunes, en accès libre au Burkina Faso (UNICEF, 2017, p. 117).

(suite)

7 Données collectées pendant l’atelier de validation qui s’est tenu les 22 et 23 août 2022 auprès du représentant de la Brigade centrale de lutte contre la cybercriminalité Cependant, la catégorisation des données statistiques de la BCLCC, soit de 0 à 14 ans et de 15 à 29 ans, ne permet pas de délimiter la situation des enfants, c’est-à-dire des personnes âgées de moins de 18 ans

8 Loi n° 25-2018/AN du 31 mai 2018 portant Code pénal, art 533-41

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Violences

Les violences en milieu scolaire sont relativement répandues. Selon la perspective d’élèves sondés dans le cadre d’une étude sur le harcèlement sexuel des filles en milieu scolaire, ces violences seraient perpétrées majoritairement par des enseignants masculins. (ministère des Affaires étrangères de France, 2012, p. 13-14).

Les enseignants profitent de leur position pour obtenir des faveurs sexuelles ou perpétrer des attouchements : « À l’école, le professeur de français et puis anglais, quand il veut taper une fille, c’est soit ses fesses ou bien son soutien-gorge qu’il attrape 9 » nous a expliqué une jeune fille. Les enfants nous ont partagé qu’« [i]l y a des enseignants qui font la cour aux filles. Ils utilisent par moment leur enseignement pour pouvoir faire la cour aux filles, ils font souvent du chantage aux filles 10 », ce que confirment les professionnels du secteur rencontrés.

Cela dit, les rencontres effectuées avec des enfants ont confirmé que, tel que le mentionne l’étude ci-dessus mentionnée, le personnel administratif se rend lui aussi coupable de VSS : « Le surveillant aussi fait pire 11 ». En outre, les VSS commises par des élèves sont récurrentes au point que les autorités scolaires prennent des mesures pour limiter les risques de viol :

« Nos enseignants nous ont dit de nous éloigner des garçons souvent, sinon ils peuvent nous violer. Ils ont divisé les WC garçons à part pour éviter qu’il y ait des viols dans les toilettes 12 » Les cas les plus récurrents de violences sexuelles commises par des enfants sont les viols collectifs, les attouchements et le harcèlement sexuel.

Ces situations peuvent entraîner, entre autres, des grossesses non désirées : « Nous voyons des professeurs enceinter des élèves, donc forcément il y a des violences. Entre élèves, on voit d’autres aussi enceinter leur camarade de classe 13 »

Les violences sexistes basées sur des relations de pouvoir et les normes de genre sont aussi présentes à l’école, telles que les moqueries des garçons contre des filles menstruées ou encore les moqueries des filles et des garçons contre d’autres garçons perçus comme faibles (ceux qui pleurent, ceux qui sont doux avec les filles, ceux qui sont efféminés, etc.). Selon les membres du personnel de l’éducation, ces violences en milieu scolaire se retrouvent dans l’ensemble du système scolaire burkinabè, aux niveaux primaire et secondaire, dans les écoles publiques et privées, ainsi que dans les zones rurales et urbaines.

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sexuelles et sexistes en milieu scolaire
9 Transcription d’un groupe de discussion de filles 10 Transcription d’un groupe de discussion de garçons 11 Transcription d’un groupe de discussion de filles 12 Transcription d’un groupe de discussion de filles 13 Transcription du groupe de discussion des enfants d’un Parlement des enfants

3.2 PRÉVALENCES DES VIOLENCES SEXUELLES ET SEXISTES

Comme évoqué plus haut, la prévalence des VSS varie en fonction de divers facteurs. En effet, le sexe de l’enfant, son niveau d’éducation, son âge, sa religion, sa situation de handicap, la situation familiale et économique de ses parents, son propre statut matrimonial et la région dans laquelle il vit sont autant d’éléments influant sur la probabilité qu’il soit victime de violences sexuelles ou sexistes (BIT, 2013, p. 30). Ces deux formes de violences se fondent ainsi sur des relations de pouvoir ; relations majoritairement liées au genre, mais qui peuvent aussi, pour les violences sexuelles, être basées sur des relations de pouvoir liées, entre autres, à l’âge, au statut économique ou à la classe sociale. Aussi, de surcroît, une grande partie des VSS ont lieu dans l’entourage de l’enfant et à son domicile. Cela implique pour les enfants que l’espace privé représente un lieu de vulnérabilité et d’exposition aux violences sexuelles et sexistes. Le tableau ci-dessous présente certaines prévalences recensées dans la revue de littérature effectuée dans le cadre de cet état des lieux :

Mariage d’enfants

Attouchements sexuels

Des disparités en matière de mariages d’enfants existent entre les filles et les garçons des régions14, en fonction des groupes ethniques et religieux ou encore des taux de pauvreté. Les mariages d’enfants concernent davantage les filles que les garçons : avant 18 ans, près de 8,0 % des filles sont mariées ou vivent en union libre, alors que cela ne concerne que 1,2 % des garçons (INSD, 2022, p. 53). De plus, les filles issues de zones rurales sont généralement mariées à un âge plus jeune que celles vivant en milieu urbain.

Selon les données de 2018, les régions du Centre-Est, du Centre-Nord, de la Boucle du Mouhoun et du Sud-Ouest enregistraient le plus haut taux de prévalence des attouchements sexuels subis par les enfants âgés de 12 à 17 ans (MFSNFAH, 2017, p. 44). La prévalence est nettement plus élevée chez les filles que chez les garçons (4,7 % contre 0,6 %). Il est à noter que l’âge de l’enfant, son niveau d’éducation, son ethnie, son statut parental et son statut matrimonial sont des facteurs entrant en ligne de compte dans la probabilité pour un enfant d’être victime de tels actes (MFSNFAH, 2017, p. 45). Par exemple, les enfants n’ayant aucun niveau d’instruction (3,4 %) ou confiés à des tuteurs sont plus susceptibles d’être victimes d’abus sexuels (MFSNFAH, 2017, p. 45).

14 La région du Sahel est la plus touchée, avec une forte prévalence de 87,1 %, suivie des régions du Centre-Nord (67,2 %), de l’Est (67,3 %), et du Centre-Sud (60,7 %) Voir ECPAT (2016), Rapport global de suivi de la mise en œuvre des actions de lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales : Burkina Faso, p 20

20
(suite)
Échanges avec des filles victimes, en transit dans un centre d’accueil, mars 2022

Exploitation des enfants à des fins de prostitution

Le viol est plus fréquent chez les jeunes filles, et la prévalence des rapports sexuels forcés diminue avec le niveau d’instruction des enfants. En outre, les enfants de religion protestante ont la prévalence de rapports sexuels forcés la plus élevée (MFSNFAH, 2017, p. 50). La prévalence des rapports sexuels forcés serait nettement plus élevée chez les enfants en union que chez les enfants célibataires (MFSNFAH, 2017, p. 45).

Les filles sont, à plus forte proportion que les garçons, victimes d’exploitation sexuelle à des fins de prostitution (MFSNFAH, 2020, p. 23). Ces victimes se trouvent pour la plupart dans les zones urbaines, où elles travaillent comme serveuses dans les buvettes et les restaurants. À Ouagadougou, l’âge moyen des victimes de prostitution est de 16 ans (ECPAT, 2016, p. 15).

Par ailleurs, la tolérance sociétale face aux inégalités entre les filles et les garçons ainsi que face aux violences faites aux enfants contribuent aux VSS. Les conditions de vie difficiles d’une partie de la population peuvent aussi, à l’occasion, constituer pour les enfants un facteur de vulnérabilité aux VSS.

3.3 DES CONTEXTES PROPICES AUX AUTRES VIOLENCES SEXUELLES ET SEXISTES

L’exploitation économique des enfants

Malgré les efforts consentis par le Burkina Faso, l’exploitation économique des enfants reste un défi. Celui-ci s’explique notamment par la volonté d’obtenir une main-d’œuvre facile et moins coûteuse. La persistance de ce phénomène tire en outre sa source de la faible application des textes juridiques relatifs au travail des enfants, de la réglementation insuffisante concernant l’emploi pour les jeunes, de la pauvreté des familles, de la mobilité des enfants non accompagnés et de l’insuffisance des opportunités socio-éducatives et économiques.

L’exploitation des enfants sur les sites d’orpaillage et dans les carrières artisanales s’est amplifiée du fait du boom minier. Les garçons et les filles courent des risques de violences sexuelles dans le cadre du travail sur les sites d’orpaillage (ECPAT, 2019, p. 23). Les enfants âgés de 10 à 15 ans sont touchés par différentes formes de violences, y compris sexuelles, ainsi que par l’exploitation sexuelle, qui affecte majoritairement les filles (ECPAT, 2019, p. 26). Plusieurs enfants qui travaillent sur ces sites affirment avoir été victimes de violences sexuelles et sexistes (BIT, 2013, p. 27-30). Les jeunes filles domestiques courent également le risque d’être victimes d’exploitation sexuelle et économique. La pauvreté des régions rurales pousse les filles à se déplacer vers les grandes villes, dans lesquelles elles se retrouvent seules et particulièrement vulnérables aux violences sexuelles et sexistes. En outre, la conception sociale du rôle des filles dans la société, où l’on juge que les filles sont mieux positionnées pour effectuer des travaux ménagers que pour aller à l’école, tend à normaliser l’acceptation du travail domestique des filles.

La traite des enfants

La traite des enfants est le recrutement, le transport, le transfert, l’accueil ou l’hébergement d’enfants par suite de menaces de recours ou du recours à la force, à l’utilisation de toute forme de contrainte ou à l’exploitation des vulnérabilités de l’enfant ou de sa famille15. L’objectif de la traite est l’exploitation de l’enfant. Celle-ci peut prendre la forme de la prostitution ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, de travail ou de services forcés, de l’esclavage ou de pratiques analogues à l’esclavage, de la servitude ou du prélèvement d’organes (ECPAT France, 2022).

15 Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et protocoles s’y rapportant 2004

21 Viol
Article 3

Au Burkina Faso, la traite d’enfants s’effectue habituellement des zones rurales vers les zones urbaines, telles que Ouagadougou et Bobo-Dioulasso (Département d’État des États-Unis, 2021).

Par ailleurs, en raison de sa position géographique au centre de l’Afrique de l’Ouest, le Burkina Faso est à la fois un pays de départ, de transit et d’arrivée d’enfants victimes de traite (UNICEF, 2017, p. 117).

La traite des enfants est plus fréquente dans les secteurs de l’agriculture et de l’élevage, sur les sites d’orpaillage et dans les carrières artisanales, dans le secteur des travaux domestiques et, plus généralement, dans le secteur informel (UNICEF, 2017, p. 117). Les enfants constituent la couche sociale la plus affectée par le phénomène de la traite (MFSNFAH, 2020, p. 22-23). Malgré l’étendue du phénomène et ses corollaires d’exploitation sexuelle ou économique, la traite reste une pratique peu connue et signalée. Selon un rapport du ministère de la Femme, de la Solidarité nationale et de la Famille portant sur la traite des personnes, 2 303 victimes de traite présumées à des fins d’exploitation économique et d’exploitation sexuelle ont été identifiées et interceptées en 2019, dont la majorité étaient des enfants (89,14 %). Selon ce rapport, les garçons de 14 à 18 ans sont plus touchés par la traite destinée à l’exploitation par le travail, alors que les filles sont davantage victimes d’exploitation sexuelle 16. Le nombre de filles victimes de traite (économique et sexuelle) a triplé depuis 2018, passant de 295 à 999 en 2019 (MFSNFAH, 2019, p. 25-28). En 2021, bien que le gouvernement burkinabè n’ait déclaré aucune victime officielle, il a été reporté qu’au moins 399 enfants ont été victimes de traite lors de cette période (Département d’État des États-Unis, 2022, p. 145).

Les enfants associés aux groupes et forces armés

En raison de la fragilité du contexte sécuritaire et de l’augmentation de la pauvreté, l’association des enfants aux groupes armés non étatiques tend à se développer. S’il reste difficile de déterminer avec exactitude le nombre d’enfants associés aux groupes armés, il est admis que de plus en plus d’enfants sont victimes de recrutement par des groupes armés non étatiques (Save the Children, 2021, p. 3). La tranche d’âge la plus affectée serait celle des 14 à 17 ans, et la majorité des enfants recrutés sont des garçons (Journal Africa, 2022). Toutefois, les filles sont également affectées par le phénomène de recrutement par les groupes armés.

Les enfants vivant ou travaillant dans la rue

De nombreux enfants se trouvent en situation de rue. Selon les statistiques disponibles, les plus grandes concentrations d’enfants en situation de rue se retrouvent dans les communes de Ouagadougou (24,4 %) et Bobo-Dioulasso (15,17 %). La tranche d’âge des 14 à 16 ans représente la concentration la plus importante de garçons en situation de rue, avec 42,19 % d’individus. Les filles âgées de 13 à 15 ans sont les plus nombreuses et représentent 45,60 % de la totalité des filles en situation de rue (IBCR, 2017, p. 35). Enfin, 20 % des acteurs du système de protection de l’enfant affirment avoir rencontré des cas d’exploitation sexuelle en contexte de mendicité, laissant voir une certaine prévalence du phénomène chez les garçons en situation de vulnérabilité.

« Les faits montrent que les victimes de violences sexuelles, qu’elles soient de sexe féminin ou masculin, peuvent connaître des conséquences similaires, à divers niveaux : santé mentale, comportement et vie sociale. Toutefois, ce sont les filles et les femmes qui portent la charge écrasante des traumatismes et des maladies résultant de la violence et de la coercition sexuelles, non seulement parce qu’elles constituent la grande majorité des victimes, mais aussi parce qu’elles sont sans défense face aux répercussions de cette violence sur la santé sexuelle et génésique : grossesses non désirées, avortements pratiqués dans de mauvaises conditions de sécurité, et risque accru d’infections sexuellement transmissibles, notamment le VIH au cours de rapports vaginaux. » (OMS, 2012, p. 7)

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16 Sur les 172 personnes victimes d’exploitation sexuelle, près de 75 % sont des enfants, parmi lesquels 68 % sont des filles
© 123FR LUCIAN COMAN 2

3.4 L’IMPACT DES CRISES SUR LES DROITS DE L’ENFANT

Le Burkina Faso fait face à plusieurs crises complexes, dont les principales sont l’insécurité croissante, les épidémies (paludisme, COVID-19) et les changements climatiques. Cette combinaison de crises entraîne des conséquences néfastes sur le pays et ses habitants, et en particulier les enfants, qui représentent plus de 60 % de la population. Le nombre d’enfants ayant besoin de protection a été multiplié par 10, passant de 35 800 enfants en 2019 à 368 000 en 2020 du fait, notamment, de ces multiples crises (UNICEF, 2020). De plus, ces crises sont source d’aggravation des violences sexuelles et sexistes, y compris à l’égard des enfants (Ndiaye et Fondation Friedrich-Ebert, 2021, p. 15).

La crise sécuritaire

Le Burkina Faso fait face à une crise sécuritaire du fait des incursions des groupes armés non étatiques, qui se sont traduites par des manifestations de violence. Depuis janvier 2019, cette crise engendre une dégradation sans précédent de la situation humanitaire du pays. La recrudescence de la violence armée au Burkina Faso a un impact considérable sur la survie, l’éducation, la protection et le développement des enfants.

Le nombre de personnes déplacées internes en avril 2020 était de 1 902 150, avec une proportion d’enfants âgés de 0 à 14 ans s’élevant à 52 %17 (Secrétariat permanent du CONASUR, 2022). Les déplacements forcés des populations et les conflits interrompent le bon fonctionnement des services publics essentiels et empêchent les parents de répondre aux besoins fondamentaux de leurs enfants. Cette situation accroît les risques de malnutrition chez les enfants et met en danger leur protection.

Le droit à l’éducation est également remis en cause dans ce contexte de crise sécuritaire, car les écoles et les membres du corps enseignant sont directement ciblés par les groupes armés. Les incidents signalés comprennent les enlèvements, les incendies criminels, les pillages d’écoles, les menaces et les meurtres d’enseignantes ou d’enseignants et d’enfants. De même, la crise sécuritaire a exacerbé la dégradation des conditions d’apprentissage des enfants. À la date du 31 mai 2022, le nombre d’établissements fermés était passé de 4 148 à 4 258, soit 110 structures éducatives de plus. Ces fermetures représentent environ 16,96 % des structures éducatives du Burkina Faso, contre 16,52 % au mois d’avril 2022. Elles affectent 708 341 élèves, soit 339 260 filles (47,90 %) et 369 081 garçons (52,10 %). La majorité des structures éducatives affectées se trouvent en milieu rural (MENAPLN et ST-ESU, 2022, p. 3).

Dans les régions du pays touchées par l’insécurité et les conflits, près de 275 centres de santé ont été fermés ou fonctionnent à capacité réduite, empêchant l’accès aux services de santé et de nutrition pour plus de 1,6 million de personnes (UNICEF, 2020). Lorsque les personnes déplacées n’ont pas accès aux services de santé de base ni à l’eau potable et à l’assainissement, cela augmente les risques de maladies infectieuses, notamment les infections respiratoires aiguës, la diarrhée, le paludisme et la rougeole. Ces maladies font partie des principales causes de mortalité infantile (TV5 Monde Afrique, 2021).

La crise sécuritaire exacerbe les formes de violence déjà existantes. On estime, par exemple, que plus de 6 % des cas d’abus sexuels rapportés au Burkina Faso ont été commis durant le déplacement des populations vers des localités plus sécuritaires (OCHA, 2022). Les conditions de vie des personnes déplacées entraînent un plus grand nombre de violences sexuelles envers les filles et les femmes, lesquelles violences ont souvent lieu dans le cadre d’activités essentielles, telles que le pâturage ou la recherche, parfois éloignée, d’eau et de bois (Ndiaye et Fondation Friedrich-Ebert, 2021, p. 15-16).

17 Les enfants âgés de plus de 14 ans ont été englobés dans la tranche d’âge de 15 à 64 ans, soit les adultes Voir : LeFaso net 2022 « Burkina : 1 741 655 déplacés internes enregistrés à la date du 31 janvier 2022, soit une augmentation de 10,23 % » https://lefaso net/spip php?article111621

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De ce fait, les enfants devenus orphelins en raison de la crise sont livrés à eux-mêmes sans protection. Ils deviennent ainsi une cible facile pour que des personnes en profitent et abusent d’eux. Les adolescentes sont exposées à des abus sexuels, au mariage ou à des grossesses précoces, en plus de subir les inégalités de genre usuelles. Dans le cas des enfants séparés de leurs parents, par exemple, les jeunes filles plus âgées se retrouvent dans des rôles de protection des plus petits alors qu’elles n’y étaient pas préparées et ne disposent pas de moyens ou de ressources pour assumer une telle responsabilité (TV5 Monde Afrique, 2021). Par ailleurs, les jeunes filles qui sont recrutées par des groupes armés sont contraintes d’épouser des membres de ces groupes et sont utilisées comme des esclaves sexuelles. Lorsqu’elles parviennent à s’échapper et à retourner dans leur communauté, elles sont stigmatisées et rejetées et ce, encore plus lorsqu’elles reviennent avec des enfants (TV5 Monde Afrique, 2021).

La capacité d’intervention des acteurs du système de protection est limitée par la crise humanitaire qui sévit, et ce, pour divers motifs :

L’inaccessibilité de certaines localités pour des raisons de sécurité

L’accès limité aux enfants, car plusieurs sont déplacés, et il arrive même que les acteurs craignent pour leur sécurité parce que certains enfants sont utilisés par les groupes armés

La difficulté de maintenir le noyau familial ou de procéder à des réunifications familiales

Le fait que certains acteurs du système de protection de l’enfance soient souvent ciblés par des hommes armés non identifiés

La rareté des ressources et l’inaccessibilité des services sociaux de base

La perte des documents d’état civil et des informations sur les dossiers en cours

L’impossibilité de tenir des rencontres

La pandémie de COVID-19

La pandémie de COVID-19 a eu un impact sur la situation des enfants au Burkina Faso, en particulier les filles, les enfants déplacés et les enfants qui vivent dans la rue. Les données permettant de mesurer concrètement les répercussions de cette pandémie sur la situation des enfants et, en particulier, sur les manifestations de violences sexuelles et sexistes et leurs conséquences au Burkina Faso sont rares, voire inexistantes. Toutefois, les témoignages d’acteurs travaillant au Burkina Faso évoquent une hausse des violences subies par les enfants du fait de la COVID-19. Par exemple, une enquête réalisée par le Cluster Éducation Burkina Faso sur l’impact de la COVID-19 sur l’éducation rapporte que 84 % des répondants affirment qu’il y a eu augmentation des cas de violence contre les enfants (Cluster Éducation Burkina Faso, 2020, p. 9). De fait, au plus fort de la pandémie de COVID-19, les filles ont été particulièrement exposées aux risques de grossesse ou de mariage en raison notamment de la déscolarisation et des confinements successifs, qui ont entraîné leur isolement. Lorsque les enfants ne sont pas scolarisés, ils sont plus exposés au recrutement par des groupes armés, à la violence sexuelle et sexiste, au travail des enfants et à d’autres formes d’exploitation et d’abus (TV5 Monde Afrique, 2021). Par ailleurs, si l’objectif des mesures de confinement était de protéger les populations du virus et de freiner sa propagation, les effets secondaires de celles-ci ont parfois été dramatiques pour les femmes et les filles enfermées avec des conjoints ou des familles violentes, sans possibilité d’échapper à ces violences (Equipop.org, 2020, p. 5). En outre, les mesures prises pour contenir la propagation du coronavirus ont ralenti la fourniture de l’aide humanitaire et des services sociaux pour les soins et la protection des enfants.

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Les catastrophes naturelles

Au Burkina Faso, les principaux risques climatiques enregistrés sont les inondations, les poches de sécheresse, les fortes températures et les vents violents. Lors d’inondations, les femmes et les enfants sont plus touchés et les premiers à se retrouver parmi les sans-abris. Par exemple, au cours de l’année 2020, les inondations ont occasionné un total de 71 341 sinistrés, dont 35 919 enfants, qui représentent ainsi 50,34 % des personnes sinistrées (MEEVCC, 2021, p. 7 et 12).

Par ailleurs, les poches de sécheresse affectent directement les enfants, puisqu’elles augmentent leur risque de contracter des maladies et d’être sous-nourris (MEEVC, 2021, p. iii). De plus, la sécheresse et les conditions météorologiques extrêmes ont un impact sur les moyens de subsistance des familles, ce qui augmente le travail des enfants – une situation qui prive les enfants de scolarité.

En outre, la raréfaction des ressources du fait des changements climatiques provoque des déplacements de populations à la recherche de nouvelles terres et de sources d’eau. Les déplacements de populations occasionnent une pression sur les capacités et les ressources des communautés d’accueil. Cela crée des tensions entre les populations déplacées internes (DPI) et les communautés d’accueil et alimente le recours à la violence locale sur laquelle s’appuient certains groupes armés extrémistes pour procéder au recrutement d’enfants et multiplier leurs attaques (Tiwa Fomekong, 2022, p. 926).

3.5 LE CADRE LÉGAL ET STRATÉGIQUE GÉNÉRAL ENCADRANT LES VIOLENCES SEXUELLES ET SEXISTES À L’ÉGARD

DES ENFANTS

La multiplicité des violences subies par les enfants au Burkina Faso, tel que présenté ci-dessus, constitue un manquement de l’État au regard des engagements juridiques internationaux et nationaux, ainsi qu’au regard du cadre juridique et politique relatif aux droits des enfants en vigueur au pays. En effet, le Burkina Faso dispose d’un cadre légal de protection des droits des enfants qui, bien qu’à parfaire sur certains points, favorise la mise en œuvre de leurs droits. Ainsi, le tableau ci-dessous se propose de présenter les principaux instruments juridiques et politiques encadrant les violences sexuelles et sexistes commises à l’égard des enfants au Burkina Faso.

LE CADRE JURIDIQUE ET STRATÉGIQUE GÉNÉRAL

QUI ENCADRE LES VIOLENCES SEXUELLES ET SEXISTES

L’ÉGARD DES ENFANTS AU BURKINA FASO (2022)

Convention relative aux droits de l’enfant (CDE)

Traité international signé le 26 janvier 1990 et entré en vigueur le 30 septembre 1990 au Burkina Faso. Par cette signature, le pays reconnaît des droits propres aux enfants, comme le droit à l’éducation, à la santé, à la participation, etc. Cette date a également marqué le lancement officiel de la campagne de communication sur les violences faites aux enfants au Burkina Faso.

Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant (CADBE)

Instrument régional majeur en matière de protection des droits des enfants sur le continent africain, la CADBE réaffirme et garantit le principe de non-discrimination, le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant, la participation des enfants, le développement et la prise en compte de l’évolution des capacités de l’enfant, etc.

26
À
(suite)

Constitution de 1991

Instrument suprême dans l’ordre juridique interne du Burkina Faso, la Constitution traduit l’engagement du pays à respecter la dignité, le bien-être, le développement, l’égalité, l’intégrité physique, la non-discrimination fondée sur le sexe, etc. Ainsi, elle garantit la protection de l’enfance, les droits à l’égalité de genre, le respect et la promotion des droits de l’enfant, etc.

Loi n° 25-2018/AN du 31 mai 2018 portant Code pénal

Loi qui prévoit et sanctionne des infractions portant atteinte à l’intégrité physique et morale des enfants, filles comme garçons, notamment le viol, le mariage d’enfants, le harcèlement, les mutilations génitales, l’esclavage sexuel, les tortures sexuelles, l’atteinte aux droits de la santé sexuelle et reproductive de la jeune fille, etc.

Loi n° 040-2019/ AN portant Code de procédure pénale

Loi n° 015-2014/AN portant protection de l’enfant en conflit avec la loi ou en danger (2014)

Loi n° 061-2015/CNT portant prévention, répression et réparation des violences à l’égard des femmes et des filles et prise en charge des victimes (2015)

Programme national de développement économique et social 2021-2025

Stratégie nationale 2020-2024 de protection de l’enfant au Burkina Faso

Stratégie nationale de protection et de promotion de la jeune fille au Burkina Faso

2017-2026

Stratégie nationale de prévention et d’élimination du mariage d’enfants 2016-2025

Stratégie nationale genre

2020-2024

Au niveau procédural, ce Code garantit la protection des victimes et témoins de vente d’enfants, de prostitution d’enfants, de pornographie enfantine, d’abus sexuels, etc.

Loi qui prévoit les droits des enfants en danger et les mesures à prendre par le système de protection de l’enfant lorsque la condition de vie d’un enfant ne lui permet pas un bon développement physique ou psychologique.

Loi qui a pour objet de prévenir, de réprimer et de réparer les violences à l’égard des femmes et des filles et qui prévoit la prise en charge et la protection des victimes.

Plan qui vise à transformer les structures économiques, démographiques et sociales ; à réduire les inégalités et à améliorer durablement le bien-être des populations du Burkina Faso, en prenant en compte le contexte de crise sécuritaire et sanitaire et le risque d’effritement de la cohésion sociale.

Référentiel de base destiné à orienter les actions de l’ensemble des personnes intervenant dans le système de protection de l’enfant afin de renforcer le système et de fédérer les efforts et les compétences des multiples acteurs.

Stratégie visant l’épanouissement et la pleine participation de la jeune fille au développement du Burkina Faso en se penchant sur les grandes problématiques que rencontre la jeune fille burkinabè, dont les violences basées sur le genre.

Référentiel pour orienter et canaliser toutes les interventions visant à éliminer le mariage d’enfants au Burkina Faso.

Stratégie visant à réduire les inégalités et les disparités de genre et à favoriser l’instauration d’une justice sociale et d’un développement équitable.

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La répression des violences sexuelles et sexistes

Les infractions de violences sexuelles et sexistes sont majoritairement codifiées et sanctionnées dans le Code pénal burkinabè, sous le vocable de crimes et délits contre les personnes18. Le Code pénal codifie des infractions ciblées contre les femmes et les filles, telles que le mariage d’enfants et les mutilations génitales féminines19

Il est intéressant de noter que la législation burkinabè tend à durcir les sanctions du perpétrateur de violences sexuelles ou sexistes lorsque ce dernier est un membre de la famille de la victime ou une personne en situation de pouvoir sur l’enfant20

Le tableau suivant présente plusieurs formes de violences sexuelles ou sexistes criminalisées par le Code pénal burkinabè :

Violences sexuelles ou sexistes

Discrimination fondée sur le sexe

Dispositions de la Loi n° 25-2018/AN du 31 mai 2018 portant Code pénal

Art. 322-2

Viol Art. 411-422-1, 531-8, 533-10

Esclavage sexuel

Prostitution forcée

Grossesse forcée

Stérilisation forcée

Persécution pour des motifs d’ordre sexiste

Exploitation sexuelle

Rapt

Sévices ou tortures sexuels

Violences morales et psychologiques envers une fille ou une femme

Mutilation génitale

Mariage forcé

Attentat à la pudeur

Harcèlement sexuel

Personnel de l’enseignement ayant une relation sexuelle avec un élève, apprenti ou stagiaire mineur

Inceste

Corruption de la jeunesse

Prostitution

Proxénétisme

Vente d’enfants

Prostitution des enfants

Pornographie enfantine

18 Loi n° 25-2018/AN du 31 mai 2018 portant Code pénal, livre V

Art. 411-4, 422-1, 513-4

Art. 411-4, 422-1

Art. 411-4, 422-1

Art. 411-4, 422-1

Art. 422-1

Art. 511-1

Art. 513-2

Art. 513-3

Art. 513-5

Art. 513-7, 512-27

Art. 531-4

Art. 533-2

Art. 533-9

Art. 533-14

Art. 533-18

Art.533-19

Art.533-20

Art. 533-22

Art. 533-33

Art. 533-35

Art. 533-37

19 Loi n° 25-2018/AN du 31 mai 2018 portant Code pénal, livre V, chapitre 3

20 Par exemple, la sanction usuelle pour attentat à la pudeur « consommé » sur un enfant âgé de 15 à 18 ans est une peine d’emprisonnement d’un an à dix ans et une amende de un million (1 000 000) à trois millions (3 000 000) de francs, alors que si l’auteur est un ascendant du mineur ou s’il est de ceux qui ont autorité sur l’enfant, il est puni d’un emprisonnement de onze ans à trente ans et d’une amende de trois millions (3 000 000) à dix millions (10 000 000) de francs CFA Voir Loi n° 25-2018/AN du 31 mai 2018 portant Code pénal, article 533-6

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La Loi n° 061-2015/CNT portant prévention, répression et réparation des violences à l’égard des femmes et des filles et prise en charge des victimes a pour objet de prévenir, de réprimer et de réparer les violences faites à l’encontre des femmes et des filles ainsi que de protéger et de prendre en charge les victimes21. Elle précise qu’aucune tradition, culture ou religion ne peut être invoquée pour justifier toute forme de violence faite à l’encontre d’une femme ou disculper l’auteur de telles violences22. Elle prévoit également des procédures spéciales et la création de structures spécifiques pour la répression et la réparation des VBG et de fonds d’appui et d’assistance pour la prise en charge des victimes. Par exemple, elle prévoit la création d’un centre de prise en charge et de protection des femmes et des filles victimes de violences dans chaque commune23. Il est prévu que ces centres accueillent en urgence les victimes, leur offrent la sécurité, leur assurent des services d’appui complets, notamment une prise en charge médicale leur permettant de bénéficier de soins de santé complets et gratuits, un accompagnement psychosocial et éventuellement une orientation vers les instances judiciaires24

3.6 LES ACTEURS DU SYSTÈME DE PROTECTION DE L’ENFANT AU BURKINA FASO

Tout enfant évolue au sein d’un environnement dans lequel chacune des personnes, des organisations et des institutions possède un rôle et des responsabilités, afin de lui permettre de voir ses droits respectés et de s’épanouir pleinement. En tant qu’acteurs premiers de la défense de leurs droits, les enfants sont au cœur de ce système auquel prennent part leur famille et leur collectivité, l’État et la communauté internationale, et ce, selon des structures formelles ou informelles. Ce « système de protection » englobe une multiplicité et une diversité de microsystèmes, et est encadré par des lois, des politiques ainsi que des normes sociales et culturelles. En outre, plusieurs autres « systèmes » en sont partie intégrante, tels que le système de justice, le système scolaire, le système de santé ou le système social. Toute démarche de renforcement du ou des systèmes de protection de l’enfant doit tenir compte de ces différentes sphères d’intervention, et en outiller les acteurs pour qu’ils puissent y jouer intégralement leur rôle de promotion des droits et de protection de l’enfant.

LE SYSTÈME DE PROTECTION DE L’ENFANT

Les institutions nationales, comme le ministère de la Femme, de la Solidarité nationale et de la Famille, le ministère de la Justice, le ministère de la Sécurité, le ministère de la Défence, etc.

La famille

Les pairs, frères et sœurs

L’enfant

La communauté, les policiers et les gendarmes, les travailleurs sociaux, les magistrats, les voisins, les leaders communautaires et religieux, etc.

La communauté internationale, avec les normes internationales, les acteurs humanitaires et de développement international tels que l’UNICEF, etc.

21 Loi n° 061-2015/CNT portant prévention, répression et réparation des violences à l’égard des femmes et des filles et prise en charge des victimes, article 1

22 Ibid., article 2

23 Ibid., article 40

24 Ibid., article 44

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Le présent état des lieux cible principalement les acteurs institutionnels ainsi que les réseaux et cellules communautaires de protection de l’enfant. Les sections qui suivent dressent un inventaire partiel des acteurs du système de protection de l’enfant au Burkina Faso qui interviennent dans la prévention et l’éradication des VSS commises à l’égard des enfants.

3.6.1. Acteurs institutionnels

Les principaux acteurs institutionnels du système de protection de l’enfant, ainsi que leurs démembrements ayant des compétences dans le domaine des droits des enfants, sont les suivants :

Secteur social

Le secteur social comprend les services déconcentrés du ministère responsable de la Famille ainsi que les professionnelles et les professionnels des services sociaux. Le ministère du Genre et de la Famille est la principale structure relevant de ce secteur ; il coordonne les actions en matière de protection de l’enfant. Ce ministère est responsable de la promotion de l’égalité entre les genres ainsi que de la coordination des Réseaux de protection de l’enfance (RPE). L’organisation de ce ministère s’articule autour de structures centrales et décentralisées, telles que la Direction générale de la promotion et de la protection de la femme et du genre, chargée, entre autres, d’élaborer et de mettre en œuvre les plans et les programmes de protection et de promotion de la femme et de la fille, et de lutter contre toutes les formes de discrimination et de violence faites aux femmes et aux filles25

Secteur de la sécurité

Au Burkina Faso, le secteur institutionnel de la sécurité est assuré par les forces de sécurité intérieure constituées de la police, de la gendarmerie, des autres forces paramilitaires et des sapeurs-pompiers. Tout comme la Gendarmerie nationale, la Police nationale assure la sécurité intérieure de l’État. Ces deux entités ont ainsi pour rôle de garantir la protection permanente des personnes et des biens sur toute l’étendue du territoire national, et de veiller à la sûreté des institutions de l’État, au respect des lois et règlements ainsi qu’au maintien de la paix et de l’ordre public26. En ce qui concerne particulièrement les enfants, la Gendarmerie nationale et la Police nationale mènent fréquemment des patrouilles pour protéger les enfants et éviter qu’ils ne soient victimes d’abus ou d’exploitation. Elles assurent également des missions de police judiciaire dans des affaires impliquant des enfants. De plus, la BCLCC assure une assistance technique aux enfants victimes d’actes de cybercriminalité dans l’espace numérique (piratage de données, chantage à la webcam, etc.). Enfin, la Gendarmerie nationale et la Police nationale ont des représentantes et des représentants au sein des Réseaux de protection de l’enfance dans les localités de leur ressort et participent ainsi à l’approche réseau.

Secteur de la défense

S’agissant de la Défense nationale, que ce soit en temps de paix ou en temps de guerre, les militaires sont en contact avec les enfants dans plusieurs situations, notamment lors des opérations de sécurisation du territoire, des marchés ou des populations ; lors des libérations d’otages qui peuvent comprendre des enfants ; lors des actions civilo-militaires, en particulier dans le cadre des séances de sensibilisation des services d’action sociale de l’armée, des services de santé, et des services scolaires ; lors des prises en charge sanitaires dans les centres de santé de l’armée ou dans des cas d’abandon d’enfants

25 Décret n° 2022-0596/PRES-TRANS/PM/MGF du 17 août 2022 portant organisation du ministère du Genre et de la Famille

26 Loi n° 032-2003/AN relative à la sécurité intérieure, 31 juillet 2003, article 2

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Au cours de ces opérations, les militaires sont parfois les premiers acteurs à entrer en contact avec les enfants victimes de violence ou d’accident avant de les confier à d’autres acteurs du système de protection de l’enfant. Les enfants rencontrés par les militaires comprennent : les orphelins (y compris ceux liés aux conflits armés), les enfants non reconnus ou qui ont été abandonnés, les enfants victimes d’enlèvement, séquestrés ou pris en otage ainsi que les enfants associés aux groupes et forces armés.

Secteur de la justice

Au Burkina Faso, le secteur de la justice est placé sous la responsabilité du ministère de la Justice, des Droits humains et des Relations avec les Institutions. Le ministère chargé de la Justice a pour mission d’assurer la mise en œuvre et le suivi de la politique du gouvernement en matière de justice, de droits humains et de civisme27

S’agissant particulièrement des enfants, le ministère de la Justice est responsable de la protection judiciaire des enfants au Burkina Faso. Cette protection est assurée par les magistrates et les magistrats, le personnel des greffes, le personnel de l’administration pénitentiaire et le personnel des droits humains appuyés par les travailleuses et les travailleurs sociaux des tribunaux et des établissements pénitentiaires. Les structures déconcentrées responsables des interventions auprès des enfants sont les juridictions et les établissements pénitentiaires ainsi que les directions régionales des droits humains. La nouvelle organisation judiciaire a permis la création de chambres pour enfants dans les juridictions en lieu et place des juridictions spécialisées pour « mineurs28 ». Grâce à cette nouvelle organisation, chaque juridiction dispose d’au moins une ou un juge des enfants (il faut noter que cette mission est très souvent assurée cumulativement avec la mission de juge au siège), d’une magistrate ou un magistrat du Parquet responsable des enfants, ainsi que d’assesseurs qui sont des professionnels de la protection des enfants participant au jugement impliquant des enfants en conflit avec la loi ou en danger.

Secteur de la santé

Le ministère de la Santé et de l’Hygiène publique29 prend part au système de protection de l’enfant par le biais des services de santé préventive et curative. En dehors de l’offre de soins de santé, le secteur de la santé participe aux activités de communication pour un changement de comportement favorable à la santé au sein de la communauté. De plus, le personnel de santé intervient dans la prévention et les soins de santé sexuelle et reproductive. Les agentes et les agents de santé des formations sanitaires sont également sollicités pour la production de certificats médicaux, notamment dans les cas de violences physiques et sexuelles et d’expertise psychiatrique, pour les constatations de personnes décédées et les autopsies. La fourniture de certificats médicaux dans les cas de violences faites aux enfants constitue un aspect important de la lutte contre les violences faites aux enfants, notamment en matière de preuve au niveau judiciaire.

27 Décret n° 2022-026/PRES/TRANS/PM/SGG-CM du 31 mars 2022 portant attributions des membres du gouvernement

28 Loi n° 015-2019 du 02 mai 2019 portant organisation judiciaire au Burkina Faso, articles 23 et suivants

29 Décret n° 2013-926/PRES/PM/MS portant organisation du ministère de la Santé, article 39 et décret n° 2022-518/ PRES-TRANS/PM/MSHP du 18 juillet 2022 portant organisation et fonctionnement du ministère de la Santé et de l’Hygiène publique

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Secteur de l’éducation

Le ministère de l’Éducation nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues nationales est responsable de la mise en œuvre du droit à l’éducation des enfants au Burkina Faso : « Le ministre de l’Éducation nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues nationales assure la mise en œuvre et le suivi de la politique du gouvernement en matière d’éducation préscolaire, d’enseignements primaire et secondaire, d’enseignement et de formation technique et professionnelle (EFTP), d’éducation non formelle et de promotion des langues nationales30 » Il assure également la protection physique et psychologique des enfants tout le temps que les enfants sont dans les enceintes des écoles.

3.6.2. Les Réseaux de protection de l’enfance (RPE)

Les Réseaux de protection de l’enfance (RPE), structures décentralisées vouées à la coordination de la protection des enfants dans les régions, sont chargés de la mise en place des politiques et stratégies, ainsi que des suivis des atteintes aux droits des enfants31. L’approche « Réseau de protection de l’enfance » est une initiative du Groupe de travail pour la protection de l’enfance (GTPE), la plateforme de collaboration entre les différents acteurs de la protection de l’enfant au Burkina Faso, opérationnalisée en 2009. L’approche par réseau vise à renforcer le système national de protection de l’enfant. Plus spécifiquement, elle a pour objectif de protéger les enfants au Burkina Faso de manière holistique, multidisciplinaire et territoriale. Ainsi, le réseau de protection se conçoit comme une structure faîtière qui rassemble, dans une circonscription administrative donnée, bon nombre des structures opérationnelles publiques (services étatiques) et privées (ONG, associations, organisations communautaires, etc.) dont une des missions est la protection et la promotion des droits de l’enfant. Les réseaux existent à tous les niveaux. Nous avons ainsi les Réseaux de protection de l’enfance (RPE) au niveau des provinces, les Réseaux communaux de protection de l’enfance (RCPE) au niveau des communes et les Cellules communautaires de protection de l’enfance (CCPE) au niveau des villages ou des secteurs.

30 Décret n° 2022-026/PRES/TRANS/PM/SGGCM du 31 mars

2022 portant attributions des membres du gouvernement

31 Ministère de la Femme, de la Solidarité nationale et de la Famille 2017 Document de référence des réseaux de protection de l’enfance au Burkina Faso, p 3

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© KOUASSI GILBERT AMBEU-123FR

À l’échelle du territoire burkinabè, selon les données de la Direction générale de la famille et de l’enfant, on retrouve 45 RPE, 81 RCPE et 761 CCPE. Chaque RPE ou RCPE est un regroupement d’acteurs opérationnels, étatiques et non étatiques, de la protection de l’enfance pour une mutualisation des forces et des opportunités. Sa vocation est de renforcer le lien et la collaboration entre les membres en vue de la prévention des risques et de la prise en charge des enfants suivant une approche systémique. Quant à la Cellule communautaire de protection de l’enfance, elle est un regroupement de personnes-ressources (leaders ou personnes influentes) issues de la communauté qui s’engagent à promouvoir et à protéger les droits des enfants. La CCPE a pour aire géographique le village ou le secteur dans lequel elle est mise en place.

Au moment d’écrire ces lignes, seul le Centre de prise en charge des victimes de violences basées sur le genre de Ouagadougou est public et fonctionnel, considérant que celui de Bobo-Dioulasso a été fermé. Un nouveau centre dans la ville de Kaya sera mis en place prochainement. Il existe également un centre mère-enfant à Tenkodogo composé d’une équipe pluridisciplinaire qui intervient, entre autres, dans la lutte contre les violences basées sur le genre.

3.6.3 Acteurs non étatiques du système de protection de l’enfant

Les enfants

Les enfants de moins de 15 ans représentent 45,3 % de la population globale du Burkina Faso, et les jeunes de 15 à 34 ans, 32,6 %. Chez les enfants de moins de 15 ans, les filles sont en plus grande proportion, alors que la tendance s’inverse chez les plus de 15 ans (INDS, 5e Recensement général de la population et de l’habitation – RGPH – du Burkina Faso, juillet 2022).

Différents espaces sont destinés aux enfants afin de leur permettre de promouvoir leurs droits et de faire valoir leur point de vue. En général, les enfants rencontrés se considèrent comme des acteurs dans la mise en œuvre de leurs droits. Les espaces actuels accueillant leur participation sont, entre autres, le Parlement des enfants, le Parlement provincial ainsi que les associations d’enfants et de jeunes travailleurs. Cela dit, dans le cadre de l’État des lieux, nous traiterons principalement des clubs d’enfants tels que détaillés ci-dessous.

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© ANKE VAN WYK-123FR

Les clubs d’enfants

Dans les établissements scolaires, les enfants sont organisés en clubs où les capacités, les connaissances et les compétences sur les thématiques de l’éducation sexuelle, du mariage d’enfants, des droits et des devoirs de l’enfant, des mutilations génitales féminines et du genre sont renforcées afin qu’ils puissent s’exprimer, sensibiliser leurs pairs et ainsi défendre leurs droits. À titre d’exemple, on peut mentionner les clubs « deen-kan » (« la voix des enfants ») qui sont fortement impliqués dans les actions de sensibilisation dans les établissements scolaires. Ces clubs existent dans tous les ordres d’enseignement. Ils ont été mis en place en 2014 avec l’accompagnement de l’UNICEF et connaissent la participation à la fois des filles et des garçons. Une personne adulte de référence, généralement une enseignante ou un enseignant de profession, est affectée auprès de chaque club pour encadrer les enfants dans la mise en œuvre de leurs activités. Au sein de l’établissement, le club deen-kan agit comme la faîtière des clubs, et en fonction des problèmes que l’on souhaite résoudre, des sous-clubs sont créés. Ces sous-clubs peuvent porter sur des thématiques, telles que les violences ou l’excellence à l’école, ou alors sur des questions environnementales. La constitution et la mise en place de ces clubs sont laissées au libre choix des établissements, et des mesures sont mises en œuvre en fonction des problèmes identifiés.

© CATHY YEULET-123FR

Les cadres de concertation entre les acteurs institutionnels de la protection de l’enfant

Des mécanismes de coordination et de suivi multisectoriels existent sur les questions de protection de l’enfant et de lutte contre la violation des droits des enfants. L’existence de ces cadres de concertation reflète une volonté institutionnelle de structurer la protection des enfants. Ces mécanismes comprennent, entre autres, le Conseil national pour la prévention de la violence à l’école (CNPVE), le Conseil national pour la promotion du genre et le Groupe de travail pour la protection de l’enfance (GTPE)32

Les acteurs communautaires

De nombreux acteurs communautaires sont impliqués dans les actions de protection de l’enfant. Ils contribuent ainsi à la résolution des cas, notamment dans la gestion des cas d’enfants en danger ou en difficulté, dans les cas d’enfants victimes de violences, y compris les violences sexuelles, dans les cas de médiation familiale/communautaire, pour l’accueil et l’hébergement des enfants et de leur famille, la recherche de la famille, le placement professionnel, etc. Même si des difficultés sont notées dans les interactions avec les acteurs institutionnels, les acteurs communautaires occupent une place importante dans le système de protection de l’enfant.

Les principaux acteurs communautaires ayant retenu l’attention aux fins du présent état des lieux sont les suivants :

Les leaders d’opinion, tels que les conseillers villageois : en raison de leur notoriété, de leur expertise et des activités sociales dans lesquelles ils sont impliqués, ils agissent souvent en tant qu’intermédiaires entre la communauté et les institutions. Les leaders d’opinion participent à la mobilisation des communautés dans le cadre des séances de sensibilisation sur les droits de l’enfant, mais aussi aux dénonciations dans les cas de maltraitance, de violences sexuelles et sexistes, de traite d’enfants et de travail des enfants. Selon les acteurs institutionnels et les OSC rencontrés, ces leaders constituent des sources d’informations et sont des acteurs-clés dans les médiations pour la réinsertion des enfants dans leurs familles.

Les chefs coutumiers et religieux : ils ont un pouvoir dans la société burkinabè, plus particulièrement au niveau des communautés. Ils bénéficient du soutien et du respect de la population. Leurs actions participent du plaidoyer, et de la sensibilisation sur des sujets comme les droits de l’enfant, l’excision ou les violences en milieu scolaire. Ils sont également d’un apport important pour la sensibilisation et jouent un important rôle de facilitation lors de certains conflits.

D’autres acteurs communautaires, comme les conseillères et les conseillers municipaux, les associations et les organisations de ressortissants, les organismes communautaires, les maîtres artisans, les maîtres coraniques ainsi que les agentes et les agents de santé à base communautaire ont un impact non négligeable dans le système de protection de l’enfant 33. L’Annexe II décrit plus en détails le rôle de ces autres acteurs communautaire.

32 Pour plus d’information sur les rôles et mandats, consulter l’Annexe II

33 Voir Etat-des-lieux-Burkina-Faso_LONGUE_web pdf (ibcr org)

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TRAJECTOIRES DES ENFANTS VICTIMES DE VIOLENCES SEXUELLES ET SEXISTES DANS LE SYSTÈME DE PROTECTION, ET RÉPONSE COORDONNÉE DES ACTEURS

4.1. LE SIGNALEMENT AUX ACTEURS DU SYSTÈME INSTITUTIONNEL DE PROTECTION DE VIOLENCES SEXUELLES ET SEXISTES COMMISES À

L’ÉGARD D’UN ENFANT

Les mécanismes de dénonciation

Dans le contexte où nous l’entendons dans cet état des lieux, la trajectoire d’un enfant débute au moment où l’acte de violence dont il a été victime est rapporté à un acteur formel du système de la protection de l’enfant. Ce signalement peut être fait par l’enfant lui-même ou par un tiers. La Loi n° 015-2014 prévoit que toute personne a l’obligation de signaler au juge des enfants, au procureur ou à un travailleur social toute situation de nature à mettre l’enfant en danger34. Pour autant, les signalements de VSS ne sont pas représentatifs des violences réellement subies par les enfants, puisque certains non-dits sociaux encouragent les enfants, en particulier les garçons, à garder le silence.

Le Comité des droits de l’enfant recommande de mettre en place des mécanismes de dénonciation sûrs, bien connus du public, accessibles et confidentiels pour permettre aux enfants, à leurs représentants et à toute autre personne de signaler les cas de violence à leur égard35

34 Selon la Loi n° 015-2014/AN portant protection de l’enfant en conflit avec la loi ou en danger (13 mai 2014), « un enfant est en danger lorsque sa condition de vie ne lui permet pas un bon développement physique ou psychologique Les cas de danger sont entre autres les violences, les abus physiques ou les risques sérieux d’abus physiques, les abus sexuels ou risques sérieux d’abus sexuels, les mauvais traitements psychologiques, l’inceste, l’abandon, le délaissement, la privation du milieu familial, l’exposition à la traite ou à l’exploitation dans le travail, les carences éducatives des parents, la fugue, l’absentéisme scolaire, le risque de suicide, la toxicomanie, la prostitution, la mendicité, le vagabondage » Voir, articles 97, 99 et 100

35 Observation générale no 13 du Comité des droits de l’enfant, Le droit de l’enfant d’être protégé contre toutes les formes de violence, CRC/C/GC/13 (18 avril 2011), paragr 49

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Au Burkina Faso, les dénonciations peuvent se faire par voie téléphonique aux numéros figurant ci-dessous. En dehors du canal téléphonique, toute personne peut se rendre physiquement dans un service de police ou de gendarmerie ou dans un service social pour dénoncer un cas de violation des droits des enfants :

Le Centre de prise en charge des victimes de violences basées sur le genre de Ouagadougou dispose d’un numéro vert au moyen duquel les dénonciations des cas de violences sexuelles et sexistes peuvent être rapportées : le 80.00.12.87

Le numéro 80.00.11.12 permet de dénoncer les cas d’excision

Il existe le 116, destiné uniquement à la protection des enfants et permettant de signaler toute violence commise envers les enfants

Le ministère de l’Éducation a récemment mis en place un numéro vert, le 80.00.12.66, grâce auquel il est possible de déposer des plaintes de toute nature ayant trait au système d’éducation ; les signalements des VSS commises en milieu scolaire peuvent être faits à ce numéro

Enfin, il est possible de composer le numéro 17 pour la police, le 18 pour les sapeurs-pompiers, le 1010 ou le 80.00.11.45 pour la gendarmerie et le 50.34.27.02 pour les premiers soins.

La réception de cas de violences sexuelles et sexistes par les acteurs du système de protection

La collecte quantitative de données nous conduit aux observations suivantes concernant les secteurs étatiques et non étatiques rencontrant des cas de violences sexuelles et sexistes à l’égard des enfants. Mentionnons que les manifestations les plus fréquemment rencontrées sont le viol, le harcèlement sexuel, le mariage d’enfant et les MGF.

L’Action sociale est le secteur qui rencontre le plus grand nombre de dénonciations, comparativement au secteur des forces de sécurité, au secteur de la justice et à celui de la santé. Cela

Les enfants ont plus de facilité à rapporter les violences dont ils ont été victimes auprès des travailleuses et des travailleurs sociaux

L’action sociale est plus déconcentrée que les services de police et de justice ; de ce fait, elle est présente dans un plus grand nombre de localités

Les mécanismes de dénonciation ou de référencement des cas de violences sexuelles et sexistes fonctionnent mieux au niveau de l’action sociale

De façon corollaire, les secteurs de la santé et de la justice rencontrent globalement moins de cas d’enfants victimes de violences sexuelles, comparativement aux secteurs de l’action sociale et de la sécurité. Cela montre que les cas de violences sexuelles rencontrés par l’action sociale ne cheminent pas systématiquement et régulièrement vers les secteurs de la santé et de la justice.

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peut révéler que :

Pour le secteur de la santé, cela peut révéler :

La faiblesse des mécanismes de collaboration entre le secteur de la santé et les autres secteurs pour l’accompagnement des enfants victimes de violences sexuelles

Une certaine méconnaissance de l’importance de la prise en charge sanitaire des victimes par les victimes elles-mêmes, leur famille et leurs proches

L’absence de ressources financières pour obtenir des soins de santé pour l’enfant victime

La complexité de l’obtention d’un certificat médical dans les cas concernés en raison des coûts afférents et du problème d’accessibilité lié à la situation géographique – les centres de santé étant éloignés de certaines localités

Pour le secteur de la justice, cela peut révéler :

La préférence affichée par certaines familles pour la médiation et la conciliation en lieu et place du traitement judiciaire

Une certaine tendance des forces de sécurité, des travailleuses et des travailleurs sociaux et des membres des RPE à encourager les règlements à l’amiable

Les délais dans la gestion des cas de VSS par la police et la gendarmerie, ainsi que des défaillances dans le référencement aux autorités judiciaires

La crainte de confier la gestion d’un problème perçu comme privé à la sphère publique et étatique

Le nombre de cas de violences sexuelles et sexistes rencontrés par les secteurs institutionnels est légèrement plus élevé que celui rencontré par les RPE et les associations nationales.

Cela peut s’expliquer par le fait que :

Les RPE et associations de la société civile ne sont pas toujours connus, particulièrement dans les milieux ruraux Les communautés ne sont pas familières avec l’existence et la présence des membres des réseaux de protection de l’enfance, qui ont pourtant le mandat d’être présents en tant qu’acteurs de proximité pour une action rapide sur le terrain

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Le secteur de l’éducation est le secteur qui connaît le moins de signalements de violences sexuelles et sexistes, malgré le fait qu’un important nombre des VSS soient commises dans le cadre scolaire (ADEA, 2012).

Les enfants craignent de se dévoiler ou de se confier au personnel du secteur de l’éducation

On peut en déduire que :

Les mécanismes de dénonciation sont inexistants ou sont peu connus des enfants

Les mécanismes de sanction des auteurs et dans l’accompagnement des victimes présentent des faiblesses

Le viol est le type de VSS le plus fréquemment dénoncé aux acteurs du système de protection de l’enfance, en particulier aux membres de l’action sociale et des forces de sécurité. De manière générale, pour tous et toutes, y compris les enfants, les violences sexuelles et sexistes ne désignent que les viols, les mariages forcés et les MGF, l’ensemble étant dirigé contre les filles, alors que ses déclinaisons sont multiples et affectent également les garçons.

Cette perception limitée de ce que constitue une violence sexuelle et sexiste que subissent les enfants peut expliquer en partie le faible nombre de cas qui sont dénoncés.

4.2 LA RÉPONSE DES ACTEURS DU SYSTÈME DE PROTECTION DE L’ENFANT LORS DU SIGNALEMENT D’UNE VIOLENCE SEXUELLE ET SEXISTE

La trajectoire que suivra un enfant ayant été victime de violences sexuelles ou sexistes auprès des différents services de protection de l’enfant varie, et ce, notamment en fonction de l’acteur avec qui il entrera en contact en premier lieu. Cela dit, dans tous les cas, l’enfant rencontrera une multiplicité d’acteurs. Aussi, bien que présenté sous forme de trajectoires, les procédures se recoupent et l’ordre de mise en œuvre de certaines pratiques varie. Enfin, les informations contenues dans cette section ne portent que sur les données recueillies lors de l’étude et n’abordent pas nécessairement tous les aspects de la trajectoire de l’enfant.

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Le schéma ci-dessous représente les différentes trajectoires et/ou procédures suivant la commission d’une VSS à l’égard d’un enfant qui est signalée à un acteur formel du système de protection de l’enfant :

L’enfant est victime d’un acte de violence sexuelle ou sexiste

Signalement à l’école

Signalement à un membre d’un RPE

Signalement à une ou à un TS

Rencontre avec l’agresseur présumé

Mesures préventives

Tentative de règlement

Référencement

Signalement à la police, un procureure ou un juge

Si l’agresseur présumé est un enseignant

Si l’agresseur présumé est un élève

Gestion de cas

Conférence de cas, au besoin

Règlement à l’amiable

Renvoi au système de justice formelle

Conseil de discipline

Renvoi au système de justice formelle

Élaboration et mise en œuvre des mesures de prise en charge et d’accompagnement

Suivi et évaluation

Dépôt de la plainte

Enquête

Appréciation par le procureur

Audience

Mise en place des mesures conservatoires, au besoin

Les sections suivantes détaillent les différentes interventions menées par les acteurs formels du système de protection, telles qu’elles figurent dans le schéma, lorsqu’une VSS à l’égard d’un enfant leur est signalée. Le processus de réponse par le système scolaire a pu être retracé grâce à la collecte de donnée. Tel est également le cas pour le système de justice. Pour autant, bien qu’il soit clair que les RPE répondent aux cas d’enfants qui sont victimes de VSS et leur offrent un suivi, il nous a été impossible d’établir une trajectoire représentative. En l’état il est difficile d’établir si la collecte de données a été insuffisante sur cette question, ou si les informations recueillies démontrent qu’il n’existe pas de processus relativement harmonisés et définis.

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La réponse du système scolaire

La trajectoire d’un enfant victime de violences sexuelles ou sexistes dans le cadre scolaire diffère des VSS commises dans un autre contexte. En effet, une procédure spéciale est prévue dans le cas où les violences ont été commises par un autre élève dans l’enceinte de l’école ou par un membre du personnel de l’école.

Il est à noter que les violences sexuelles entre élèves ayant lieu à l’extérieur de l’école, même à proximité, ne sont pas gérées par l’institution ; l’intervention du système scolaire est limitée aux violences commises dans l’enceinte de l’école. Cependant, tous les cas de violences sexuelles commises par une personne du corps enseignant ou toute personne employée par l’établissement à l’égard d’une ou d’un élève sont traités par le secteur de l’éducation, qu’ils aient eu lieu dans l’enceinte ou à l’extérieur de l’école.

La procédure suivant un signalement de VSS dans le système scolaire n’est pas formalisée. En revanche, certains établissements peuvent avoir prévu des mesures dans leur règlement intérieur. Le processus informel que les acteurs du système scolaire tendent à appliquer est le suivant :

Lorsque l’agresseur présumé est :

Un directeur d’école ou un proviseur : sa supérieure ou son supérieur immédiat s’entretient avec lui pour le confronter aux faits qui lui sont reprochés

Une enseignante ou un enseignant : le censeur ou l’enseignant principal

s’entretient avec la personne désignée

Une ou un élève : l’éducateur principal s’entretient avec l’élève en question

Les mesures disciplinaires à prendre face aux personnes employées ou à l’élève agresseur sont parfois indiquées dans le règlement intérieur Par exemple :

Prise de mesures préventives

Tentative de règlement si l’agresseur présumé est membre du personnel enseignant

Le directeur d’école, le proviseur ou encore l’enseignante ou l’enseignant auteur présumé peuvent être affectés à d’autres fonctions, le temps de la procédure administrative interne

L’enfant victime est généralement transféré dans un autre établissement scolaire pour la poursuite de ses études

Lorsque l’enseignante ou l’enseignant admet les faits et que les parents ne s’y opposent pas, la résolution à l’amiable est préconisée

Les autorités coutumières peuvent être sollicitées pour régler le cas à l’amiable

Les cheffes ou chefs de personnel peuvent également être associés à la recherche de solutions adéquates

Lorsque l’enseignante ou l’enseignant nie les faits ou que les parents s’opposent à une résolution à l’amiable, l’affaire est renvoyée aux autorités judiciaires compétentes pour une application de la justice formelle

Tentative de règlement si l’agresseur présumé est une ou un élève

L’éducateur principal contacte les parents de l’élève présumé auteur et leur expose la situation

L’éducateur principal dresse un rapport sur les faits reprochés et recommande : De traduire l’élève concerné devant le conseil de discipline, soit l’instance administrative de règlement des conflits entre les membres de la vie scolaire

De référer le cas au système judiciaire

Les poursuites pénales sont généralement engagées lorsque la négociation à l’amiable échoue ; dans ce cas, un procès-verbal qui résume la situation sera transmis au procureur de la République

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Rencontre avec l’agresseur présumé

Il n’existe pas de document prévoyant l’accompagnement des victimes de violences sexuelles et sexistes au sein des établissements scolaires. Dans la pratique, en cas de viol par exemple, les autorités de l’établissement scolaire contactent l’action sociale et les services de santé pour un examen afin d’établir un bilan de santé ainsi qu’un certificat médical et de déterminer les besoins de l’enfant, y compris les besoins psychologiques, et si l’enfant victime a la capacité de poursuivre sa scolarité dans le même établissement. Dans la plupart des cas, cependant, les professionnels de l’éducation préfèrent, avec le consentement des parents, transférer la victime dans un autre établissement où elle peut poursuivre ses études. Cette démarche ne figure certes pas dans un règlement officiel, mais, selon les informations qui nous ont été communiquées, elle semble être la norme.

Dans certains contextes, le recours à la médiation entre l’agresseur et la famille de l’enfant victime est parfois la solution privilégiée. Ce sont généralement les parents qui négocient, et l’enfant est un participant passif à la discussion. Cette médiation peu mener au mariage entre l’enfant et son agresseur ou le déboursement d’une somme d’argent destinée aux parents de la victime – deux options risquées pour le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le statut social ou économique de l’auteur et ses relations peuvent influencer la réparation qui sera choisie, tout comme le statut de la victime et de sa famille. Dans de tels situations, ce ne sera que dans les cas où la famille refuse le règlement à l’amiable ou encore que l’agresseur nie les faits que la cause sera signalée à la justice.

La réponse du système de justice

L’enfant entre dans le processus de justice lorsqu’une plainte est faite aux policiers, aux gendarmes ou encore aux procureurs36. Lorsque le signalement est fait à un autre acteur, tel un établissement scolaire ou un RPE, le processus judiciaire s’enclenchera uniquement lorsque l’acteur ayant reçu le signalement initial réfère l’affaire au système judiciaire.

Dépôt de la plainte à un OPJ, à un gendarme, à un procureur ou à un juge, par l’enfant ou par un tiers

Notification de la plainte au procureur si la plainte ne lui est pas faite directement

1. Dépôt de la plainte

2. Enquête

3. Appréciation par la procureure ou le procureur

Mise en place de mesures pour assurer la sécurité de l’enfant (référencement au procureur si l’enfant présente une situation d’urgence, prise en charge sanitaire ou psychologique, demande d’enquête sociale aux travailleuses et travailleurs sociaux, etc )

Ouverture d’une enquête à la discrétion du procureur

Ouverture d’une enquête lorsque le procureur estime que les faits sont suffisamment crédibles et que la poursuite est appropriée en considérant la matérialité des faits et la qualification pénale des faits

Recherche de preuves matérielles

Recueil de la déclaration des témoins

Audition de l’enfant

Audition de la personne accusée

Au besoin, établissement du certificat médical par une professionnelle ou un professionnel de la santé

Lors de l’enquête, les FDS peuvent avoir recours à d’autres professionnels détenant des informations concernant l’enfant Par exemple, les OPJ peuvent contacter une agente ou un agent de la vie scolaire pour recueillir des informations sur des faits qui se sont déroulés dans une école À cette étape de l’enquête, l’OPJ peut aussi solliciter l’aide de la travailleuse ou du travailleur social pour apporter son soutien à l’enfant victime lors de son entretien

Si l’enfant présente une situation d’urgence (blessures graves, risques pour sa santé etc ) :

Le procureur peut ordonner son transfert vers un centre de santé ou le placer dans un centre accueillant les enfants, par exemple à titre de mesures d’urgence de protection

Audition de l’enfant, de l’auteur présumé et des témoins

Appréciation de l’ensemble des éléments de preuve Décision de poursuivre ou non et qualification des faits Dans tous les cas, le procureur transmet le dossier au juge pour enfants ou à la section pour enfants, et quand il prend la décision de poursuivre l’affaire, il transmet également le dossier au juge compétent

Juge des enfants ou section pour enfants - procédure de protection : Ouverture d’un dossier de protection en attendant les conclusions de l’enquête sociale réalisée par la travailleuse ou le travailleur social

4. Audience

Si la ou le juge considère que l’enfant est en danger, il prend des mesures provisoires pour la durée de l’enquête (ex  : placement de l’enfant lorsque les violences ont été commises au sein de sa famille)

Après avoir reçu les conclusions de l’enquête sociale, la ou le juge convoque une audience et prend des mesures de protection pour l’enfant, au besoin

Juge compétent - procédure pénale :

En cas de poursuite de l’agresseur, la ou le juge assure la protection judiciaire de l’enfant victime

5. Mise en œuvre des mesures et suivi de la situation de l’enfant

La ou le juge des enfants ouvre un fichier de suivi

Lors du suivi, la ou le juge des enfants évalue si l’enfant victime est en situation de danger suivant les facteurs de vulnérabilité qui affectent son développement

Au besoin, il ouvre une procédure de protection judiciaire ou adapte la mesure prononcée pour l’adapter à la situation de l’enfant qui a été victime

La ou le juge des enfants peut faire le suivi de la situation de l’enfant lui-même ou le faire faire par une ou un TS

36 « La définition d’un “processus de justice” englobe la détection des actes criminels, le dépôt de la plainte, l’enquête, les poursuites et le procès, les procédures intervenant après le procès » Justice des mineurs (unodc org)

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Les outils d’intervention et d’accompagnement

La réponse adéquate dans les cas de violences sexuelles et sexistes à l’égard des enfants passe en partie par l’adoption et de protocoles et guides utiles au travail des professionnels. Pour autant, bien qu’il existe dans le domaine des outils et des procédures d’intervention37, plusieurs de ces outils ne sont ni connus ni maîtrisés par les professionnels auxquels ils sont destinés. Ainsi, on note un déficit dans leur appropriation, en particulier par le personnel de la justice, des FDS et des acteurs de la santé. Pour ces derniers, il s’agit d’une réalité principalement dans les régions éloignées, où la diffusion est particulièrement défaillante. L’insuffisance de leur diffusion et de leur intégration dans la pratique quotidienne des acteurs du système limite dès lors leur efficacité. Une raison supplémentaire expliquant ces défis d’appropriation et d’utilisation est le fait que ces outils soient denses et très détaillés, et par conséquent mal compris. Enfin, le format pose parfois obstacle à leur utilisation et certaines de ces procédures mériteraient une actualisation.

4.3. LA COORDINATION INTERSECTORIELLE

Indépendamment de la trajectoire qu’il suit, l’enfant ayant été victime de violences sexuelles ou sexistes rencontre un grand nombre d’intervenants. Une réponse holistique et intégrale aux besoins des enfants qui subissent et ont subi des violences sexuelles et sexistes demande dès lors une collaboration efficace entre ces acteurs du système de protection pour assurer le plein respect des droits de cet enfant. Le Comité des droits de l’enfant demande à cet effet que les professionnels qui reçoivent un signalement de violences subies par un enfant doivent pouvoir s’appuyer sur des directives claires et sur une formation adaptée, précisant notamment quand et comment transmettre le dossier à un organisme coordonnant l’intervention. Les professionnels travaillant au sein du système de protection de l’enfant doivent dès lors être formés à la coopération interinstitutionnelle et aux protocoles de collaboration38. S’il est vrai que des processus de référencement existent et favorisent la protection et la mise en œuvre des droits des filles et des garçons, il n’en demeure pas moins que, dans la pratique, des obstacles subsistent.

Les processus de collaboration

Les processus de collaboration entre acteurs sont rarement codifiés ou formalisés. Bien que ces pratiques dites « non formelles » contribuent à un processus d’aide ou d’accompagnement adéquat des enfants victimes de violences sexuelles et sexistes, on peut s’interroger sur leur conformité avec les normes internationales de protection de l’enfant et sur l’opportunité de les systématiser.

L’absence de processus de collaboration officiels entraîne des lenteurs administratives et freine les interventions. Pae exemple, puisque les travailleuses et les travailleurs sociaux interviennent en fonction de leurs mandats et de leurs zones de compétence (ex. : services sociaux d’arrondissement, du tribunal, de la maison d’arrêt et de correction, des centres de détention pour enfants, des centres d’éducation spécialisée, etc.), il leur arrive de ne pas pouvoir poursuivre leur intervention auprès d’un enfant dont la situation change ou qui est domicilié hors de leur zone d’intervention. En outre, l’absence de formalisation du processus de collaboration complique le suivi de la prise en charge de l’enfant.

37 Le tableau se trouvant à l’Annexe II – Liste d’outils mentionnés par les professionnelles et les professionnels, répertorie les outils de travail mentionnés par les acteurs lors de la collecte de données

38 Observation générale no 13 du Comité des droits de l’enfant, Le droit de l’enfant d’être protégé contre toutes les formes de violence, CRC/C/GC/13 (18 avril 2011), paragr 50

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Somme toute, le fait que ces processus ne soient pas formalisés fait obstacle à leur budgétisation. Ainsi, lorsque des cas de VSS se présentent, les acteurs du système de protection de l’enfant se retrouvent fréquemment sans les ressources nécessaires pour intervenir adéquatement. Par exemple, à l’occasion, c’est le responsable de l’établissement scolaire d’avoir qui a recours à ses propres contacts et à ses propres ressources pour trouver un établissement dans lequel l’enfant ayant été victime sera transféré.

Lors de l’établissement d’un certificat médical pour prouver une violence sexuelle physique, il est commun que le personnel de santé demande à la victime de payer les frais associés à la démarche39

« Les médecins qui doivent donner ces certificats médicaux ne sont pas payés. Normalement, c’est le Trésor qui doit prendre ça en charge ; mais malheureusement, ce sont les gens qui le font ; or pourtant, ils n’en ont pas les moyens40 »

La lenteur de rétribution par le Trésor incite le personnel de santé à récupérer cette somme directement auprès de la victime ou sa famille. Lorsque c’est le cas, il est rare qu’il prenne prend le temps de remplir la demande de remboursement au Trésor public. Cette pratique de la part du personnel de santé constitue une entrave importante à l’accès à la justice pour certains enfants ayant été victimes de violences sexuelles et sexistes dont la famille n’a pas les moyens de payer les frais pour l’obtention d’un certificat médical.

La concertation et la coordination entre les différents acteurs

Les professionnels doivent connaître les limites de leur mandat ainsi que de leurs compétences, et référer les situations hors de leurs champs d’expertise à des collègues dûment qualifiés lorsque nécessaire. Cela dit, parmi les difficultés soulevées par les acteurs du système de protection de l’enfant, on note fréquemment l’absence ou l’insuffisance de cadres de concertation et de coordination.

Ainsi, en raison de l’absence d’attribution formalisée, des chevauchements sont observés entre les différents services sociaux. Ces conflits de compétences créent des doublons et limitent l’efficacité des interventions auprès des enfants victimes de VSS. L’interférence entre certaines attributions de la Direction de la justice juvénile, de la Direction de l’action sociale et de la santé et de la Direction générale de l’administration pénitentiaire en ce qui concerne les enfants en conflit avec la loi, les enfants privés de liberté et la réinsertion de ces enfants génère de la confusion. On remarque de même que la coordination entre les RPE ou les OSC avec les travailleuses et les travailleurs sociaux est particulièrement laborieuse, compte tenu de l’absence de partenariat définissant clairement les axes d’intervention de chaque acteur. Cette confusion génère des lenteurs administratives et un manque de célérité dans le traitement et le suivi des cas de violences sexuelles et sexistes, et ce, au détriment de l’enfant qui en a été victime.

39 Loi n° 040-2019/AN portant Code de procédure pénale, article 242-13 : « Le procureur du Faso peut requérir toute personne dont l’expertise est susceptible de concourir à la manifestation de la vérité notamment les médecins, les psychologues, les professionnels des services sociaux et les experts en moyens de communication et en informatique Les expertises sont rémunérées sur les frais de justice criminelle »

40 Entretien avec un membre de la Direction de la justice juvénile

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Le partage d’informations

Comme mentionné, les interventions des différents secteurs sont généralement cloisonnées, ce qui impacte la transmission d’informations entre les acteurs. L’absence de données centralisées et les lacunes dans le partage d’informations causent des retards dans le traitement des cas de VSS à l’égard des enfants.

D’une part, pour certains acteurs à l’instar de ceux de la justice, l’insuffisance de suivi des cas qu’ils renvoient explique le retard dans l’aboutissement des cas qui leur sont référés. À cet égard, ont particulièrement été pointées les difficultés de coordination avec l’action sociale, qui ne ferait que trop rarement de rétroaction sur la gestion des cas qui leur sont référés.

D’autre part, la non-exécution des réquisitions et des ordonnances judiciaires ainsi que la non-conformité entre la réquisition et l’acte délivré posent parfois un problème lors de l’établissement d’un certificat médical. Les professionnels de santé interrogés l’expliquent par le manque de clarté des réquisitions du personnel de justice. La production du certificat médical est ainsi retardée ou devenue impossible.

Les trajectoires illustrées dans les sections précédentes témoignent du fait que l’enfant ayant été victime de VSS interagit avec plusieurs professionnels, qu’ils proviennent du même secteur ou de secteurs différents. Cela dit, il n’existe pas de procédure qui permette d’éviter à l’enfant de répéter son histoire aux différents acteurs qu’il rencontre. Cette situation crée d’importants risques de victimisation secondaire. En effet, en forçant l’enfant à répéter le récit de son expérience, il existe des risques d’aggraver les symptômes psychologiques déjà présents et, dans plusieurs cas, de favoriser l’apparition de conséquences à moyen et long terme pour l’enfant (Arlène Gaudreault, 2002).

© 123FR RICCARDO LENNART NIELS MAYER

LES ACTEURS DU SYSTÈME

DE PROTECTION DE L’ENFANT ET LA MISE EN ŒUVRE DES DROITS DE L’ENFANT VICTIME

Les acteurs du système de protection de l’enfant jouent un rôle fondamental dans la prévention des violences à l’égard des enfants, ainsi que dans la mise en œuvre des droits des enfants qui en sont victimes. C’est pourquoi i

5.1 FORMATION DES ACTEURS DU SYSTÈME DE PROTECTION

Selon ses engagements internationaux envers les enfants, le Burkina Faso doit prendre toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence, dont les violences sexuelles et sexistes41. L’État doit donc veiller à ce que les acteurs du système de protection soient formés et outillés adéquatement pour intervenir auprès des enfants qui ont été victimes de violences sexuelles ou sexistes.

Sur le plan professionnel, une formation sur les droits de l’enfant et leur mise en œuvre, permet l’acquisition de compétences essentielles et de techniques d’intervention appropriées en matière d’interaction avec les enfants. Le Comité des droits de l’enfant a d’ailleurs spécifié que l’État se doit d’assurer une formation continue, de portée générale et spécifique, à tous les acteurs (professionnels ou non) qui travaillent avec et pour des enfants. Cela comprend, entre autres, les membres du corps enseignant à tous les niveaux du système éducatif, les travailleurs sociaux, les médecins, les infirmiers et les autres professionnels de la santé, les psychologues, les membres de la magistrature, les policiers, les agents de probation et le personnel pénitentiaire, les travailleurs communautaires, le personnel des institutions d’accueil, les fonctionnaires ainsi que les agents de l’État42. Si des efforts ont été fournis pour former les différents acteurs en matière de droits des enfants au Burkina Faso, il reste encore du travail à accomplir.

41 Convention relative aux droits de l’enfant (1989) (R – 31 08 1990), article 19

42 Observation générale no 13 du Comité des droits de l’enfant, Le droit de l’enfant d’être protégé contre toutes les formes de violence, CRC/C/GC/13 (18 avril 2011), paragr 43 i)

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Les enfants

La CDE prévoit que l’État doit activement renseigner les enfants sur leurs droits43. Cependant, le cursus scolaire des enfants au Burkina Faso n’inclut pas de cours portant spécifiquement sur les droits des enfants. C’est plutôt dans le cadre du cours d’éducation civique et morale et dans le cours de sciences de la vie et de la terre (biologie) que les élèves reçoivent des enseignements qui abordent leurs droits et les violences sexuelles.

En parallèle, le ministère de l’Éducation a créé des structures comme le Conseil national de la prévention de la violence à l’école et le Secrétariat permanent de la promotion des langues nationales et de l’éducation à la citoyenneté, qui organisent respectivement des activités de sensibilisation sur les questions de violences en milieu scolaire et sur les enjeux en lien avec les violences.

Au-delà des enseignements reçus dans le cadre scolaire, les enfants peuvent acquérir des connaissances sur leurs droits et sur les enjeux en lien avec les violences sexuelles et sexistes dans le cadre d’activités de sensibilisation ponctuelles menées par les acteurs du présent projet. Ces activités comprennent, entre autres, des causeries éducatives et des campagnes de sensibilisation. Comme ces activités ne sont généralement offertes que dans les écoles et occasionnellement sur les sites d’orpaillage, tous les enfants burkinabè n’ont pas accès à ces enseignements.

Les professionnelles et professionnels de l’éducation

Les professionnels de l’éducation sont formés par différents instituts. Les enseignantes et les enseignants du primaire étudient à l’Institut national de formation des personnels de l’éducation (INFPE), et ceux du secondaire dans deux écoles relevant du ministère responsable de l’Enseignement supérieur : l’École normale supérieure (ENS) de l’Université de Koudougou et l’Institut des sciences (IDS). Le personnel administratif est, pour sa part, formé à l’École nationale d’administration et de magistrature (ENAM). L’INFPE, l’ENS et l’Institut des sciences offrent, lors des formations initiales, un cours de base qui brosse rapidement les aspects fondamentaux concernant les droits des enfants. Par ailleurs, une fois en fonction, le personnel de l’éducation reçoit ponctuellement des formations de la part de certaines organisations non gouvernementales. Au moyen de ces activités de renforcement des capacités, le personnel de la vie scolaire ainsi que les enseignants sont formés aux droits des enfants et aux différentes formes de violences dont ils peuvent être victimes ainsi qu’aux modalités de leur prise en charge.

Les Forces de sécurité

La formation initiale du personnel de la gendarmerie et de la police comprend un cours sur les droits de l’enfant. Ce cours est donné dans les écoles de gendarmerie, à l’ENP et l’AP par des formateurs certifiés par l’IBCR. L’introduction de ces modules de formation étant récente, les cohortes formées précédemment et actuellement déployées sur le terrain n’ont pas suivi de cours de base relatif aux droits des enfants. Les acteurs du secteur des FDS rencontrés s’accordent d’ailleurs sur la nécessité d’offrir des formations continues élargies destinées à l’ensemble des FDS qui sont sur le terrain et qui n’ont pas suivi les cours sur les droits de l’enfant. Par ailleurs, bien que des membres des FDS rencontrés disent avoir reçu des formations continues sur les violences sexistes, lors de l’atelier sectoriel, une des autorités présentes a affirmé que « si l’on demande aux policiers ce qu’est une violence sexiste, 9 policiers sur 10 ne trouveront pas la réponse44 ». Enfin, l’insuffisance de compétences des acteurs de la Brigade centrale de lutte contre la cybercriminalité (BCLCC) en matière de droits de l’enfant représente un défi pour le ministère responsable de la Sécurité.

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(suite)
Convention relative aux droits de l’enfant (1989) (R – 31 08 1990), article 42
Atelier sectoriel Forces de sécurité, 13 et 14 janvier 2022

Les militaires

Il existe quatre écoles de formation pour les militaires : le Groupement d’instruction des forces armées, l’École nationale des sapeurs-pompiers (ENASAP), l’École nationale des sous-officiers d’active (ENSOA) et l’Académie militaire Georges Namoano (AMGN).

Au cours de leur formation initiale, les militaires du rang (GIFA), les sous-officiers (ENSOA) et les officiers (AMGN) reçoivent une formation de 4 heures sur les droits de l’enfant et des informations sur la prise en charge des enfants en temps de conflit ainsi que sur la situation des enfants associés aux groupes armés dans leurs cours de droit international humanitaire. Ces formations sont dispensées par des sous-officiers supérieurs ou des officiers. Par ailleurs, une formation continue est offerte dans les écoles et les centres qui forment les militaires pour accéder à un grade supérieur. Les sous-officiers et les officiers reçoivent ainsi 10 heures d’enseignement centré sur les droits des enfants et la protection des enfants dans le cadre des cours de droit international humanitaire.

Le personnel de justice

Le personnel de justice reçoit une formation de base sur les droits des enfants dans le cadre de sa formation initiale à l’ENAM et à l’ENGSP. Cette formation est délivrée par des formateurs certifiés qui utilisent la trousse de formation initiale sur les droits de l’enfant et les pratiques adaptées à l’enfant destinée au personnel de justice du Burkina Faso, développée par l’IBCR dans le cadre du projet 2015-2020. Selon certains professionnels du secteur rencontrés, le contenu de cette formation reste liminaire et n’aborde pas en profondeur tous les aspects de la protection et des droits de l’enfant auxquels le personnel de justice est confronté, dont les VSS.

Le personnel de l’administration pénitentiaire, quant à lui, reçoit un cours de 30 heures sur les droits de l’enfant et les pratiques adaptées à l’enfant. Dans le cadre du projet 2015-2020 de l’IBCR, une trousse de formation initiale a été produite pour le cycle des assistants de sécurité pénitentiaire, qui constitue le corps de première ligne au contact des enfants privés de liberté. Du reste, les formatrices et les formateurs certifiés par le projet l’ont adapté aux deux autres cycles que sont les contrôleurs ainsi que les inspecteurs de sécurité pénitentiaire. Le cours est donné sous forme de conférence aux trois cycles, et les personnes apprenantes sont évaluées.

Les travailleuses et travailleurs sociaux

À l’Institut national de formation en travail social (INFTS), les travailleuses et les travailleurs sociaux reçoivent une formation de base sur les droits de l’enfant. Il existe une trousse de formation initiale pour les cadres moyens (personnel d’exécution) et une trousse spécialisée pour les cadres supérieurs. Le contenu de ces trousses aborde les violences faites aux enfants de façon globale, y compris le sujet des violences sexuelles. Pour autant, il n’existe aucun cours portant spécifiquement sur les violences sexuelles et sexistes.

Des formations continues sont assurées par des expertes et des experts, souvent issus des secteurs de la justice ou du travail social, formés à la thématique. Ces formations ont lieu en fonction de la disponibilité des ressources et selon une programmation trimestrielle. Elles traitent, entre autres, des droits de l’enfant, de la traite des enfants, des violences faites aux enfants, des violences basées sur le genre ou de l’écoute et de l’accompagnement des enfants victimes.

Les membres des RPE et des associations

Les membres des Réseaux de protection de l’enfance (RPE) et des associations consultées disent recevoir régulièrement des formations en droits de l’enfant, même s’il est difficile de définir de manière précise leur périodicité. Ces formations portent, entre autres, sur les droits de l’enfant, la prise en charge des enfants en situation d’urgence, les violences faites aux enfants et les VBG. Elles sont délivrées par le ministère responsable de l’Action sociale, ou encore par des ONG et des organisations internationales45

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(suite)
Par exemple Terre des hommes (TDH), InterSOS, l’UNICEF, Save the Children et ABBAS International

Le personnel de la santé

La formation des infirmières et des infirmiers ainsi que des sages-femmes est assurée par les Écoles nationales de santé publique (ENSP). On en dénombre 13, à raison d’une par région. Outre ces écoles publiques, on compte également 47 écoles de santé privées sur l’ensemble du territoire, dont deux reconnues par l’enseignement supérieur : IFRISSE et Sainte Edwige.

Dans ces écoles, la formation initiale comprend un cours de 10 heures sur la santé sexuelle et reproductive des jeunes, et un cours de 12 heures sur l’approche genre.

Les médecins généralistes, quant à eux, sont formés à l’Université de Ouagadougou. Leur programme de formation n’intègre pas de cours sur les droits de l’enfant.

5.2 PORTRAIT DE LA MISE EN ŒUVRE DES DROITS DE L’ENFANT DANS LA PRATIQUE DES ACTEURS DU SYSTÈME DE PROTECTION

Les compétences et le savoir-faire des acteurs du système de protection ont une importance notable dans la mise en œuvre effective des droits de l’enfant. Par le biais de leurs interventions et de leur pratique, ils sont aux premières loges de la mise en œuvre des droits des enfants auprès desquels ils interviennent ou pour qui ils œuvrent.

Le manque de ressources financières, matérielles et humaines et les difficultés logistiques sont des obstacles généralisés qui entraînent des délais et ont des répercussions sur la qualité des services et la mise en œuvre des droits des enfants victimes de violences sexuelles ou sexistes.

D’une part, le manque de ressources matérielles oblige les acteurs à travailler avec des équipements et du matériel défectueux, insuffisants ou mésadaptés pour les enfants. Des membres du personnel de santé sondés ont déploré l’insuffisance d’infrastructures dédiées aux enfants, alors que le manque de places dans les établissements de placement a été souligné par les membres des RPE.

De plus, il est fréquent que le manque de ressources financières empêche de prodiguer des soins ou d’offrir les services nécessaires pour soigner adéquatement. Par exemple, il arrive que les FDS n’aient pas les moyens financiers pour payer les frais liés aux soins de certaines victimes. Le manque d’argent pour l’achat de carburant et le manque de personnel empêchent parfois les professionnels de se déplacer dans les régions plus reculées lorsque la situation l’exige.

Enfin, le manque de personnel ou la mobilité des effectifs (affectation ou promotion) occasionnent des délais et des lacunes dans les services offerts aux enfants victimes de VSS ainsi qu’une charge de travail considérable pour les acteurs du système de protection de l’enfance.

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Respect de l’intérêt supérieur de l’enfant

Conformément à la CDE, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être la considération primordiale dans toutes les décisions le concernant. La pleine application de ce principe passe par une approche fondée sur les droits, qui concerne l’ensemble des acteurs du système de protection de l’enfant, afin de garantir l’intégrité physique, psychologique, morale et spirituelle de l’enfant et la promotion de sa dignité humaine46. L’appréciation de cet intérêt supérieur ne pourra jamais primer sur l’obligation de respecter tous les droits de l’enfant reconnus par la Convention47.

Lors de leurs interventions, certains acteurs accordent une importance primordiale à la cohésion sociale de la communauté, parfois au détriment de l’intérêt supérieur de l’enfant qui a été victime. En effet, bien qu’ils reconnaissent la gravité des violences commises envers l’enfant, les acteurs sont souvent encouragés à régler les cas à l’amiable au sein de la famille ou de la communauté, plutôt qu’à déposer une plainte officielle. C’est pourquoi la médiation ou la conciliation sont des modes de résolution privilégiés dans le but de préserver la réputation des enfants et de la famille. Ces médiations sont généralement menées par des autorités coutumières ou par des membres de l’action sociale. Cela peut créer des situations délicates où l’enfant doit continuer de côtoyer son agresseur ou même habiter avec lui, ce qui l’expose ainsi à des risques de récidive ou de représailles. De tels contextes questionnent l’effectivité de la participation de l’enfant ainsi que la prise de décisions qui soient réellement dans son intérêt supérieur.

Les violences sexuelles revêtent un caractère tabou au Burkina Faso. L’Étude nationale sur les violences faites aux enfants au Burkina Faso révèle que le viol est l’agression sexuelle envers les enfants la plus fréquemment évoquée par les professionnels interrogés. Pourtant, rarement les enfants qui en sont victimes dénoncent les faits et leurs auteurs, ce qui pourrait résulter du fait qu’on attribue généralement une part de responsabilité aux victimes de telles agressions. En effet, lors des groupes de discussion menés avec des filles, des raisonnements du type « la façon de s’habiller en sexy peut amener les garçons à vouloir te violer48 », « si je vois une enfant habillée en sexy et si elle est petite, je vais lui dire de changer son comportement et de ne pas sortir la nuit49 » ou encore « il faut te préparer même si c’est un objet ou un caillou, il faut avoir ça en main50 » sont apparus fréquemment et démontrent que certains enfants considèrent que la victime a une part de responsabilité dans les agressions. Cela peut expliquer le sentiment de honte chez l’enfant victime de violences sexuelles et son entourage. Par ailleurs, compte tenu de l’aspect tabou des violences sexuelles et sexistes, certains parents ne dénoncent pas ce qu’a subi leur enfant ou refusent que le cas soit confié aux autorités telles que la police ou la justice.

La peur d’être stigmatisé et la volonté de préserver le vivre-ensemble nuisent à la répression des cas de violence sexuelle ou sexiste (voir encadré ci-dessus). Dans ce contexte, la collaboration des acteurs institutionnels avec les familles et les acteurs communautaires est essentielle. C’est d’ailleurs l’une des constatations de la SNPE, qui insiste sur la complémentarité des systèmes institutionnel/formel et communautaire/informel, qui doivent œuvrer en synergie pour la protection des enfants51

46 Observation générale n° 14 du Comité des droits de l’enfant sur le droit de l’enfant à ce que son intérêt supérieur soit une considération primordiale, CRC/C/GC/14 (29 mai 2013), paragr 5

47 Ibid., paragr 4

48 Transcription d’un Focus Group de filles

49 Ibid.

50 Ibid.

51 Stratégie nationale 2020-2024 de protection de l’enfant au Burkina Faso, paragr 39

51

Les acteurs du système de protection de l’enfance rencontrés ont tous mentionné l’impact décisif des leaders communautaires et religieux sur leurs communautés. La faible implication des leaders religieux et coutumiers dans la répression des cas de VSS envers les enfants nuit aux initiatives. En revanche, si ces leaders les appuient, les cas trouvent des résolutions parfois plus bénéfiques pour l’enfant.

Les pratiques judiciaires présentent un obstacle au respect de l’intérêt supérieur d’un enfant victime d’inceste. Il est coutume d’exiger que les deux parents ou tuteurs de l’enfant déposent conjointement. Or dans la pratique, il apparait que dans les cas où l’auteur des violences est l’un des parents, généralement le père, la mère refuse souvent de porter la plainte52

En outre, nous ne disposons pas des informations suffisantes pour établir quand et comment est invoqué l’intérêt supérieur d’un enfant par les juges dans les cas de violences sexuelles. Cela dit, il est à noter que plusieurs acteurs du système judiciaire nous ont rapporté que ce principe était utilisé pour justifier de nombreuses décisions, sans que des arguments valables ne soient apportés. Nous n’avons pas non plus l’assurance d’une réelle participation de l’enfant dans la définition d’une solution judiciaire ou para-judiciaire qui soit dans son intérêt supérieur. De plus, nous n’avons pas d’informations suffisantes quant à l’exercice du pouvoir discrétionnaire des procureurs qui qualifient les actes de violences sexuelles commises envers un enfant. Rappelons que l’intérêt de l’enfant doit dicter la décision du procureur et que la qualification des faits en un crime de moindre gravité ou un délit ne peut être une pratique généralisée. Enfin, l’absence de certificat médical ne devrait pas constituer un obstacle à la prise d’une décision dans l’intérêt de l’enfant et ne devrait pas empêcher d’enclencher une poursuite pour crime de viol ou pour tout crime connexe. Il est maintenant notoire qu’une victime d’agression sexuelle, et de surcroît un enfant, ne signalera que très rarement l’agression dans les 72 heures. Au-delà des justifications évoquées plus haut, l’état psychologique dans lequel se trouve une victime l’amènera plutôt à se cacher, à se laver et à ne pas en parler.

Protection contre toute forme de discrimination

Tous les enfants doivent être traités de façon juste et équitable, quelle que soit leur situation personnelle ; c’est un principe de la CDE et un engagement pris par le Burkina Faso. Certains enfants ont des vulnérabilités particulières, et les acteurs du système de protection doivent s’adapter, afin de veiller à ce que les enfants reçoivent la même qualité de services et de protection, quelles que soient leurs spécificités. Le Comité des droits de l’enfant a publié, à cette fin, des observations générales sur la mise en œuvre des droits des enfants en situation de rue53, des adolescents54, des filles55, des enfants en situation de handicap56, des enfants en conflit avec la loi57, des enfants dans la petite enfance58 et des enfants non accompagnés ou séparés59. Cela démontre que la mise en œuvre des droits de l’enfant doit nécessairement tenir compte des conditions personnelles de

52 Atelier sectoriel justice et travail social, 1er et 2 février 2022

53 Observation générale no 21 du Comité des droits de l’enfant sur enfants en situation de rue, CRC/C/GC/21 (21 juin 2017)

54 Observation générale no 2 du Comité des droits de l’enfant sur la mise en œuvre des droits de l’enfant pendant l’adolescence, CRC/C/GC/20 (6 décembre 2016)

55 Recommandation générale/Observation générale conjointe no 31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et no 18 du Comité des droits de l’enfant sur les pratiques préjudiciables, CRC/C/GC/18/Rev 1 (8 mai 2019)

56 Observation générale no 9 du Comité des droits de l’enfant sur les droits des enfants handicapés, CRC/C/GC/9 (13 novembre 2007)

57 Observation générale no 24 du Comité des droits de l’enfant sur les droits de l’enfant dans le système de justice pour enfants, CRC/C/GC/24 (18 septembre 2019)

58 Observation générale no 7 du Comité des droits de l’enfant sur la mise en œuvre des droits de l’enfant dans la petite enfance, CRC/C/GC/7/Rev 1 (20 septembre 2006)

59 Observation générale no 6 du Comité des droits de l’enfant sur le traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine, CRC/GC/2005/6 (1er septembre 2005)

52

l’enfant. Il est donc indispensable que les professionnels sachent distinguer la situation spécifique de chaque enfant et adapter les mesures et procédures en conséquence et de manière équitable.

Les acteurs du système de santé, de l’éducation et du travail social ainsi que les RPE et les associations ont relevé l’importance d’être compétent pour fournir des services sexospécifiques et adaptés aux enfants lorsque nécessaire. Les travailleuses et les travailleurs sociaux ont également mentionné la nécessité d’offrir des services adaptés aux enfants handicapés. Par opposition, certaines réponses reçues lors de l’atelier sectoriel avec les FDS laissent entendre une mauvaise compréhension du concept de non-discrimination chez certains membres. Par exemple, lors de l’atelier sectoriel FDS, certains participants ont décrit la non-discrimination comme « l’écoute attentive des enfants sans discrimination » ou « le bon accueil à l’enfant sans discrimination60 ». Le principe d’équité était quant à lui principalement décrit comme le fait d’offrir le même service à tous les enfants quelles que soient leurs conditions personnelles, plutôt que comme le fait d’identifier et d’utiliser les mesures d’accommodement nécessaires aux particularités de l’enfant. Cela dit, certains acteurs rencontrés ont évoqué des exemples de la manière dont ils mettent en œuvre le principe de non-discrimination auprès des enfants victimes de violence :

Secteurs

Forces de sécurité

Justice

Exemples de mesures évoquées pour mettre en œuvre le principe de non-discrimination

Audition de l’enfant par un agent du même sexe lorsque c’est possible

Existence des chambres de justice qui ont compétence exclusive en matière de violences à l’égard des femmes et des filles

Prise en charge gratuite des enfants indigents

Santé

Éducation

Attention portée au fait qu’un enfant puisse avoir honte de s’exprimer devant tel ou tel agent

Implication effective des enfants vivant avec des handicaps dans des classes

Activités dorénavant offertes à tous les enfants et non en fonction de leur sexe (ex. : les garçons assistent maintenant aux activités en lien avec la gestion hygiénique des menstruations, et les filles participent aux cours d’éducation physique et sportive qui étaient autrefois réservés aux garçons)

Bien que certaines mesures soient prises par les acteurs du système de protection pour mettre en œuvre le principe de non-discrimination, l’ensemble des professionnels ont mentionné manquer de formation et de ressources pour intervenir auprès d’enfants présentant des profils particuliers, notamment les enfants qui ont été victimes de violences sexuelles et sexistes, ceux associés aux groupes armés, en situation d’urgence, en conflit avec la loi ou encore non accompagnés ou séparés61

60 Atelier sectoriel FDS, 13 et 14 janvier 2022

61 Pour accéder aux informations détaillées par secteur, consulter l’Annexe III – Besoins en formations identifiés par les professionnelles et les professionnels interrogés

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Participation de l’enfant

L’enfant a le droit de s’exprimer, d’être écouté et de participer effectivement à la prise de décisions le concernant. Sa participation implique un dialogue entre les enfants et les adultes du système de protection au regard des décisions et des actions prises à leur égard62. De ce fait, la participation de l’enfant doit être effective, et ses propos réellement pris en compte. En résumé, l’enfant doit être un participant actif, et ceci se matérialise de façon continue dans sa trajectoire auprès des acteurs du système de protection, et ce, le cas échéant, jusqu’à sa réhabilitation.

« La présente loi garantit à l’enfant le droit de participer aux décisions le concernant. Il lui est donné la possibilité d’exprimer ses opinions et d’être écouté dans toutes les procédures judiciaires et administratives relatives à sa situation. Les opinions de l’enfant sont prises en considération en tenant compte de son âge et de son degré de maturité. »

Loi n° 015-2014/, article 4.

L’ensemble des acteurs considère important de faire participer l’enfant au processus, ce qui constitue d’ailleurs l’un des vecteurs de la Stratégie nationale de protection de l’enfant 2020-2024. Selon eux, mettre en application se principe consiste à expliquer le processus et les enjeux à l’enfant, dans un langage adapté à son âge, et de lui demander son avis sur les mesures à prendre. Toutefois, la mise en place de mesures pour prendre en considération l’avis de l’enfant dans toute prise de décision n’a pas toujours été démontrée de façon concrète par les acteurs sondés.

Dans sa dimension collective, le principe de participation demande à entendre l’avis des enfants sur les problèmes qui les concernent et à leur donner les moyens de trouver et de mettre en œuvre des initiatives et des solutions. Ainsi, les membres des RPE et du milieu de l’éducation ont affirmé que des enfants sont impliqués dans l’élaboration de leur plan d’action. Par exemple, dans les écoles, le bureau des élèves est impliqué lors des sessions du conseil de discipline, et les élèves des clubs deen-kan participent à l’élaboration des règlements intérieurs de leur école. Malgré tout, la participation de l’enfant reste un défi selon les acteurs du système de protection rencontrés. D’abord, l’insuffisance de ressources humaines, matérielles et financières représente une embûche à leur participation active. Dans les écoles, il peut ainsi y avoir uniquement une ou deux personnes responsables de la vie scolaire alors que l’institut accueille de très nombreux enfants. Dès lors, ce personnel n’a pas la capacité de s’occuper adéquatement de l’enfant et de le faire participer effectivement. D’autres professionnels ont de la difficulté à se déplacer pour rencontrer l’enfant au sein de sa famille et manquent de moyens pour assurer le transport. De plus, bien que les structures des RPE et le milieu scolaire tentent d’impliquer les enfants, ceux-ci ne disposent pas de suffisamment de temps pour participer aux activités, compte tenu de leurs obligations scolaires. Enfin, certains parents éprouvent des réticences à laisser leur enfant participer à ces activités ; ces parents estiment, par exemple, que l’école « gâte » les enfants, c’est-à-dire qu’elle les détourne de la tradition, des travaux champêtres et des pratiques traditionnelles. Les activités de sensibilisation sur les questions de violences sexuelles et sexistes rendent, selon eux, les enfants moins respectueux ou les amènent à adopter des comportements « occidentaux » qui feront que, par exemple, une fille refusera de se marier et de faire beaucoup d’enfants.

En tant que victimes de crimes, les enfants sont des acteurs cruciaux en cas de poursuites judiciaires. Pourtant, ces enfants sont souvent réticents à participer aux procédures. Pour le personnel de justice, cette réticence s’expliquerait par le manque de cadre juridique ou encore par les délais des plaintes, qui rendent difficile l’obtention de preuves médicales, car les marques physiques se sont estompées. Nous savons pourtant que de nombreux facteurs, y compris la lenteur du processus et sa complexité, peuvent pousser les enfants à vouloir se retirer des procédures judiciaires.

62 Loi n° 015-2014/AN portant protection de l’enfant en conflit avec la loi ou en danger (13 mai 2014), article 4

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Droit d’être traité avec dignité et empathie

Nous le savons, et tel que le prévoit la Constitution, chaque enfant doit être traité comme une personne à part entière, ayant des besoins, des souhaits et des sentiments qui lui sont propres. Les personnes qui interviennent auprès des enfants doivent utiliser des techniques d’écoute et de communication appropriées à l’enfant ainsi qu’à son niveau de développement63. Ces professionnelles et professionnels doivent veiller à organiser un environnement sensible, adapté et centré sur l’enfant.

Compte tenu des perceptions associées aux violences sexuelles et sexistes au Burkina Faso, il est particulièrement important pour les acteurs du système de protection de l’enfance de traiter les victimes de VSS avec dignité et empathie. Cela dit, les professionnels de la santé se sont donnés pour défi de trouver les mots adéquats lors de leurs interactions avec les enfants, en particulier lorsqu’il s’agit de parler de violences sexuelles et sexistes. La crainte qu’ont les enfants de parler ou de se confier les pousse à dissimuler la gravité des violences subies ; c’est une situation à laquelle les professionnels de la santé et des autres secteurs sont fréquemment confrontés, sans pour autant être suffisamment outillés pour maîtriser les méthodes d’approche et d’intervention visant la protection des enfants contre les VSS.

L’ensemble des acteurs considèrent nécessaire d’être compétent pour interagir de manière adéquate avec les enfants, ou encore d’avoir une approche adaptée, humaine et spécifique à l’enfant concerné. Les acteurs rencontrés ont mentionné l’importance d’établir une relation de respect et de confiance avec l’enfant. Lors d’un groupe de discussion, un enfant interrogé a mentionné les lacunes de certains agents de police dans leurs communications avec les enfants : « Certains policiers sont agressifs envers nous, ils nous parlent mal 64 » Des policiers et des gendarmes consultés affirment d’ailleurs avoir besoin de formation supplémentaire en matière d’écoute active des enfants et de recueil de la parole des enfants. Ce désir semble partagé par les enfants interrogés lors des entretiens : « Nous voulons qu’ils essayent de comprendre les enfants, de les écouter pour pouvoir nous aider 65 »

Les enfants rencontrés ont fait part de failles du personnel éducatif en réponse aux violences entre ou envers les élèves. Selon un enfant, « [i]l y a des professeurs, quand tu viens pour faire des réclamations, ils te disent d’aller parler à ton père66. » Les surveillantes et les surveillants dans les écoles, qui côtoient régulièrement les élèves, ne disposent pas toujours de la capacité d’établir une relation de confiance qui pourrait s’avérer déterminante dans la protection de l’enfant. Selon une autorité du secteur de l’éducation, « les surveillants, il faut qu’ils soient vigilants. Il ne s’agit pas de voir seulement que l’enfant est rentré en classe, il faut suivre les enfants pour voir ce qu’ils ont, et les écouter souvent. La plupart du temps, si vous voyez que les enfants craignent d’aller vers les surveillants, c’est parce qu’il y a eu de la pression et ça dépend de comment vous traitez les enfants, ils n’ont plus confiance en vous. Ils se disent que lorsqu’ils vont vers ces derniers, ils vont s’énerver, donc ils se replient sur eux-mêmes67 »

La crise sécuritaire qui sévit au Burkina Faso a engendré de nouvelles réalités auxquelles les professionnels du système de protection de l’enfant doivent s’adapter. Les militaires consultés disent rencontrer beaucoup de difficultés lors de leurs premiers contacts avec des enfants ayant besoin d’appui en santé mentale. Ils ont également souligné manquer de compétences leur permettant d’interagir de façon adaptée auprès des enfants associés aux groupes armés et d’avoir une pratique adaptée à ce profil d’enfant lors de leurs contacts.

63 Résolution 2005/20 adoptée par le Conseil économique et social des Nations Unies Lignes directrices en matière de justice pour les enfants victimes et témoins d’actes criminels (22 juillet 2015)

64 Transcription d’un groupe de discussion de garçons

65 Transcription d’un entretien avec une jeune fille réalisé dans un centre accueillant les enfants en difficulté

66 Transcription d’un groupe de discussion de filles

67 Entretien avec la Direction générale de l’encadrement pédagogique, de la formation initiale et continue du MENAPLN

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Droit à la sécurité

Les enfants rencontrés lors des ateliers ont une vision très contrastée des policiers, des gendarmes et des militaires. D’un côté, des enfants affirment au sujet des agents : « [Ils] se comportent bien avec nous. Ils assurent la sécurité des enfants contre ceux qui circulent mal en ville, surtout ceux qui soulèvent le devant de leur moto et se mettent à l’aise les deux mains à l’air68 » De l’autre, certains enfants considèrent que les FDS ont parfois des comportements inadéquats envers eux : « Par moment, quand ils arrivent, ils frappent sans même poser de questions. Ce que les policiers disent de ne pas faire, ils le font souvent69 » Une jeune fille a confié craindre les forces de l’ordre, car « quand tu passes pour aller au marché, ils t’appellent pour prendre ton numéro. Si tu refuses, au retour, tu ne peux pas passer là-bas70 ». Ce type d’interactions et de violences sexistes installe un climat de crainte chez les enfants : « Souvent, quand on voit les policiers, on a peur71 » Il en va de même pour les militaires : alors que des enfants affirment que les militaires « protègent les enfants et même le pays72 » et qu’ils « protègent contre les mauvaises personnes, [et] luttent contre les djihadistes qui nous détruisent73 », d’autres considèrent qu’« ils se mettent trop en colère rapidement74 ».

La population burkinabè fait preuve de méfiance envers les acteurs du système de protection appartenant aux forces de défense et de sécurité. Selon eux, la « crise de confiance entre les FDS et les populations » le sentiment populaire que les gendarme sont perçus comme fidèles à leur corps de métier et le personnel militaire comme des « des bourreaux » et des « traîtres autoritaires »75 constituent des obstacles à leur rôle de protection des enfants.

Ils ont également mentionné les « réticences des communautés dans la collaboration » et la « crainte des militaires » comme justifiant de l’« approche difficile » pour les militaires, allant même jusqu’à mentionner subir des « agressions par la population »76. Cela dit, la crise humanitaire redistribue les cartes en ce qui a trait à la perception des différents acteurs, ouvrant ainsi des opportunités de revalorisation du rôle de certains d’entre eux. Lors d’un atelier qui a rassemblé des enfants, certains commentaires plus positifs ont été formulés au sujet des membres des forces de sécurité : « [Ils] participent à la protection de l’enfant. Ce sont eux qui nous gardent maintenant, chaque nuit, on dort, on se réveille c’est parce qu’ils ne dorment pas. Ils nous défendent, par exemple, ils luttent contre les terroristes, ils veillent sur nous77 »

Par ailleurs, le personnel de l’éducation peut également représenter une source d’insécurité pour les enfants, particulièrement les jeunes filles. « [I]l y a de ces enseignants qui harcèlent leurs élèves en échange de bonnes ou de mauvaises notes78 », a confié un enfant. Les professionnelles et les professionnels présents à l’atelier sectoriel ont parlé de la « non-maîtrise des pulsions sexuelles » de certains collègues, aussi qualifiée de « petit avantage du métier »79. La réticence à dénoncer les violences sexuelles et sexistes commises par des collègues a été confirmée par certains des enseignants interrogés. Cela dit, il est important que les membres du corps enseignant sachent comment agir face à un manquement déontologique dans les cas impliquant un enfant, encouragent l’enfant à utiliser ses recours, et sachent reconnaître et dénoncer les lacunes de leur propre secteur, ce qui n’est pas toujours le cas. Au surplus, ils devraient s’abstenir de commettre eux-mêmes toute forme de violence, y compris à caractère sexuel et sexiste.

68 Transcription d’un groupe de discussion de filles

69 Transcription d’un groupe de discussion de garçons

70 Transcription d’un groupe de discussion de filles

71 Transcription d’un groupe de discussion de filles

72 Transcription d’un groupe de discussion de garçons

73 Transcription d’un groupe de discussion de garçons

74 Transcription d’un groupe de discussion de garçons

75 Décret n° 2014-328/PRES/PM/MESS/MENA/MATS du 2 mai 2014 portant création, attributions, composition, organisation et fonctionnement d’un Conseil national pour la prévention de la violence à l’école (CNPVE), article 6

76 Ibid.

77 Atelier sectoriel éducation, 14 et 15 décembre 2021

78 Transcription d’un groupe de discussion de garçons

79 Atelier sectoriel éducation

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Droit à la vie, à la survie et au développement

L’enfant a le droit de disposer des ressources et des opportunités nécessaires pour se développer pleinement, et s’épanouir tant sur le plan mental que sur les plans physique, émotionnel, cognitif, social et culturel80. Le droit à la vie passe aussi par la nécessité d’assurer aux enfants la possibilité de grandir et de se développer dans un cadre favorable. D’une part, les acteurs du système de protection ont soulevé l’importance de retirer l’enfant d’un milieu pathogène ou dangereux lorsque son contexte familial a ou risque d’avoir des effets négatifs sur sa santé mentale, physique ou émotionnelle. La Loi n° 015-2014/AN portant protection de l’enfant en conflit avec la loi ou en danger octroie d’ailleurs aux juges le pouvoir discrétionnaire de prendre des mesures pour garantir la sauvegarde de l’intérêt supérieur d’un enfant qui est susceptible d’être en danger. Ces mesures comprennent, entre autres, le placement en famille ou en institution, afin de faire en sorte que l’enfant soit à l’abri de l’auteur des violences. Les juges peuvent également ordonner que l’enfant reste dans son milieu familial si tel est dans son intérêt supérieur.

D’autre part, l’enfant devrait pouvoir bénéficier du droit de recevoir les soins de santé appropriés lorsqu’il en a besoin. Cela dit, dans le milieu de la santé, l’insuffisance de ressources financières, matérielles et humaines entraîne des répercussions considérables sur les soins offerts aux enfants. Parmi ces carences, on note le manque d’infrastructures et d’équipements adéquats dédiés aux enfants. Certains établissements ne disposent pas d’infirmerie ou de ressources pour la prise en charge d’urgence des victimes de violences. De plus, les établissements ne disposent pas toujours des ressources et des moyens suffisants pour offrir un accompagnement adéquat aux victimes, notamment aux victimes de violences sexuelles. Il nous a d’ailleurs été mentionné que l’intervention du personnel de santé dépend parfois de la capacité à payer du patient, ce qui met en péril la santé des enfants : « Des fois, si un enfant part les voir, ils veulent l’argent et si tu n’as pas d’argent, ils ne te soignent pas81 » Cette pratique va à l’encontre du principe de non-discrimination.

L’insuffisance des ressources destinées à l’accompagnement des victimes entraîne souvent l’impossibilité, pour l’enfant victime, de bénéficier d’activités de réinsertion scolaire ou d’apprentissage professionnel. D’autre part, le nombre de places limité dans les écoles fait qu’il est souvent difficile de rescolariser les enfants victimes de violences. Certaines associations communautaires et membres des RPE doivent assumer les frais de certains services offerts aux enfants, « y compris la scolarité des enfants82 ».

Il est à noter que le soutien moral et psychologique fourni par les acteurs sociaux a un impact considérable sur le bien-être des enfants. En effet, selon ceux qui ont pris part au groupe de discussion de Koudougou, l’action sociale a des effets positifs : « Avec plusieurs de leurs actions, ils permettent aux enfants de s’intégrer dans la société, de se sentir aimés, de recevoir des conseils et surtout, par leur exemplarité, ils montrent aux enfants le droit chemin à suivre83 »

Droit au respect de la vie privée

« Sans préjudice des règles relatives à l’exercice de l’autorité parentale, l’enfant a droit à la protection de la loi contre les immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance et contre toutes atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. » LPE, Loi 015/2014, art. 5

Le droit au respect de la vie privée signifie que l’enfant a droit à la préservation de son intimité. Les acteurs du système de protection de l’enfance ne peuvent s’immiscer arbitrairement dans la vie de l’enfant ou poser des questions qui outrepassent les faits relatifs au dossier84. Par ailleurs, les

80 Convention relative aux droits de l’enfant (1989) (R – 31 08 1990), article 6

81 Transcription d’un groupe de discussion de garçons

82 Transcription des échanges tenus lors d’un groupe de discussion de garçons

83 Transcription des échanges survenus lors d’un groupe de discussion de garçons

84 Convention relative aux droits de l’enfant (1989) (R – 31 08 1990), article 16

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acteurs ont un devoir de confidentialité par rapport à l’enfant. En d’autres termes, ils doivent veiller à ce que toutes les informations qui concernent l’enfant victime ou témoin ne soient accessibles qu’aux personnes dont l’accès est nécessaire et autorisé.

Certains acteurs85 ont souligné l’importance de limiter le nombre de personnes ayant accès au dossier de l’enfant victime et de ne partager que les informations strictement nécessaires au bon déroulement du processus. Cela dit, il nous a été rapporté que dans la pratique, les informations sont parfois relayées à des collègues qui n’en ont pas besoin pour accomplir leur mission ou même qui n’interviennent pas auprès de cet enfant.

Les professionnelles et les professionnels travaillant auprès des enfants ont mentionné l’importance d’écouter les enfants dans un lieu qui soit à l’abri des regards. Le personnel de la santé rencontré déclare avoir l’habitude de demander aux personnes accompagnant l’enfant de se retirer de la salle afin de pouvoir discuter en privé. Pourtant, il nous a été rapporté que dans la pratique, il s’avère souvent difficile d’avoir accès à un local assurant la confidentialité des échanges. Cette réalité est la même pour la majorité des secteurs. De plus, les dossiers sont fréquemment exposés à la vue de tous dans le bureau, et l’anonymisation des dossiers des enfants n’est pas une pratique courante.

Par ailleurs, les professionnelles et les professionnels travaillant auprès des enfants ont affirmé prendre des mesures concrètes pour assurer le respect de la vie privée des enfants et garantir la confidentialité des informations les concernant en précisant que pour nombre d’entre eux, il s’agit d’une obligation déontologique86 ; pour autant, il nous a été mentionné que plusieurs acteurs ne connaissent pas l’existence ou le contenu des textes qui exigeraient la protection des données personnelles des enfants victimes.

Lorsqu’un enfant est appelé à participer au processus de justice, en tant que témoin ou victime, sa participation doit rester confidentielle ; il n’est donc pas permis de faire connaître le nom de l’enfant impliqué ou de donner des renseignements qui pourraient permettre de l’identifier87. Dans le contexte des VSS, le processus judiciaire du Burkina Faso prévoit que lorsqu’un enfant est accusé d’avoir commis des violences sexuelles ou sexistes, le juge peut ordonner que l’audience se déroule à huis clos et interdire la diffusion de l’identité de l’enfant concerné dans les médias88. Cela dit, il n’existe aucune obligation de confidentialité et de protection de la vie privée de la victime lorsque son agresseur est un adulte et que l’affaire est entendue devant le système judiciaire pour adultes, ce qui est problématique.

85 Plus particulièrement les membres des forces de sécurité, des RPE ainsi que les travailleurs sociaux

86 Il en est ainsi pour les travailleurs sociaux, les forces de sécurité, le personnel de santé ainsi que les magistrats

87 Observation générale no 24 du Comité des droits de l’enfant sur les droits de l’enfant dans le système de justice pour enfants, CRC/C/GC/24 (18 septembre 2019), paragraphe 67

88 Loi n° 015-2014/AN portant protection de l’enfant en conflit avec la loi ou en danger, article 74

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CONSTATATIONS : SE METTRE EN ACTION

Les observations rassemblées dans le présent état des lieux nous amènent à entrevoir ce qu’un enfant ayant subi des violences sexuelles ou sexistes peut s’attendre de la part du système de protection. Cet état des lieux nous a ainsi permis de constater que le système de protection de l’enfant présente des lacunes qui privent les enfants du Burkina Faso victimes de VSS de solutions effectives et respectueuses de leurs droits. Voici à la suite les principales constatations issues de cette étude menée par l’IBCR.

Constatations liées à la réponse aux violences sexuelles et sexistes à l’égard des enfants par les secteurs négligés du système de protection

Les récentes réalités, en particulier celles liées aux enjeux sécuritaires, font émerger de nouveaux acteurs de première ligne auprès des enfants, tels que les militaires, qui ne sont pas formés aux droits de l’enfant. Outiller ce corps de métier et renforcer les compétences nécessaires en vue d’accueillir et de référencer adéquatement les enfants, tels que ceux en mouvement non-accompagnés ou considérés membres des groupes armés, multiplierait le nombre d’alliés veillant aux droits des enfants au Burkina Faso.

Par ailleurs, le secteur de l’éducation tolère implicitement les violences sexuelles et sexistes au sein des établissements scolaires. La position d’autorité et de pouvoir que détient le corps enseignant ou de soutien envers les élèves instaure un climat d’impunité qui s’étend aux élèves, se rendant eux aussi coupables de VSS. Mettre en place des mécanismes de dénonciation anonymes et fiables, adopter un code de conduite ou de déontologie qui prohibe toute forme de VSS et qui prévoit des sanctions sévères en cas d’infraction sont autant de mesures qui favoriseraient l’instauration d’une culture respectueuse de l’intégrité physique et mentale des enfants au sein des institutions éducatives.

Constatations liées à l’accès à la justice et à la réparation pour un enfant victime de violences sexuelles ou sexistes

Le taux de dénonciation des violences sexuelles et sexistes commises envers des enfants auprès des acteurs formels de protection de l’enfant est moindre que leur ampleur à l’échelle du pays. Ce constat s’explique en partie par l’inclinaison de la société à réduire les manifestations de VSS aux seuls cas de viol, de mariage d’enfants et de mutilations génitales féminines. Il faut que des efforts soient engagés pour que les viols soient systématiquement dénoncés et non seulement lorsqu’une fille tombe enceinte, ainsi que la répression des VSS soit vue comme relevant de l’ordre public et de la protection. Il importe également que la solution adoptée, que ce soit par voie judiciaire ou extra-judiciaire, en vue de protéger un enfant victime de violences sexuelles, ne consiste plus à le retirer de sa famille, de son école ou de sa communauté. En effet, ces réponses sont questionnables eu égard aux différents droits de l’enfant et font retomber sur lui les conséquences de gestes commis par une autre personne dont il est la victime. Assurer la capacité de tous à prendre de telles décisions en considérant l’opinion et en respectant l’intérêt supérieur de cet enfant est d’autant plus important pour la confiance en soi et l’épanouissement de cet enfant.

Le niveau de méfiance des communautés envers les représentants étatiques constitue un obstacle à une réponse respectueuse des droits des enfants. En outre, la différence drastique entre le nombre de cas reportés à l’action sociale et les dénonciations à la police ou gendarmerie démontre que les VSS à l’égard des enfants se retrouvent rarement dans le système de justice. Ce lien de confiance ne pourra se développer que si, dans la pratique, ces professionnels démontrent leur compétence à accueillir et accompagner l’enfant et à traiter son cas. Former et mettre constamment à jour les compétences de

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ces professionnels de la protection, rendrait possible des interventions plus efficaces et adaptées aux enfants. Ces mesures, combinées à des changements structurels et à l’investissement de ressources, permettraient d’augmenter la confiance envers les représentants de l’État.

Par ailleurs, les pratiques judiciaires focalisant l’établissement de la preuve de violences sexuelles sur l’existence d’un certificat médical ou d’une grossesse sont limitatives et sont susceptibles de provoquer une revictimisation. En effet, le certificat doit être établi dans les 72 heures suivant l’abus dans des centres de santé parfois éloignés ou dépourvus de personnel habilité et ce, aux frais de la victime, ce qui décourage l’engagement de poursuites. Ces multiples obstacles empêchent l’enfant qui a été victime d’obtenir justice et réparation. Admettre ces difficultés devrait conduire à la diversification des sources de preuves admises en matière d’abus sexuels. De même, mettre en place une procédure judiciaire adaptée aux enfants et garante de leur protection participe au respect des droits des victimes. Cette procédure offrira des alternatives à la « confrontation » entre l’enfant et l’auteur désigné, en prévoyant des mesures de confidentialité ainsi que des mesures limitant le risque de victimisation secondaire. Ensemble, ces mesures permettraient une réduction du nombre d’abandons de poursuite et d’acquittements par manque d’éléments probants et un recours plus systématique à la justice.

Constatations liées à la coordination multisectorielle entre les acteurs du système de protection

Les processus suivis par les acteurs institutionnels pour répondre aux besoins des enfants victimes de violences sexuelles et sexistes ne sont pas uniformes sur l’ensemble du territoire. Cela engendre des inégalités d’une région à l’autre dans le traitement des cas et la qualité des services. Par ailleurs, faute de ressources et de procédures claires et accessibles, les acteurs du système de protection de l’enfant doivent souvent compter sur leurs propres moyens et réseaux afin d’assurer l’orientation d’un enfant victime vers le service adéquat. Harmoniser et systématiser ces processus en dotant les acteurs des ressources dont ils ont besoin permettrait de garantir un accompagnement de qualité pour tous les enfants victimes.

Au surplus, les défis de partage d’information entre secteurs concernant les cas créent des délais et réduisent l’efficacité de la réponse. Ces défis entraînent parfois la non-exécution des réquisitions et des ordonnances judiciaires ou encore la non-conformité entre la réquisition et l’acte délivré, notamment en matière de certificats médicaux, faute d’une communication efficace entre le système de justice et les professionnels de santé. Établir des canaux de communication efficaces entre les différents acteurs permettrait d’améliorer la cohérence et l’efficacité de la réponse.

De même, au niveau de la coordination au sein même de l’Action sociale, les rôles des services sociaux ne sont pas bien définis et clairs pour tous ce qui crée des interférences et des chevauchements dans la chaîne d’accompagnement. Il y a aussi un cloisonnement et donc des ruptures dans l’intervention auprès d’un même enfant lorsque, dans sa trajectoire, il quitte la zone d’intervention ou l’établissement auquel est rattaché le travailleur social en charge de son dossier. Clarifier les rôles de chacun au sein des services sociaux permettraient d’améliorer les procédures d’accompagnement des enfants victimes et d’en assurer la continuité.

Enfin, la mise en place des Réseaux de protection de l’enfance est une des solutions à privilégier, bien que, pour une réponse garantissant la sauvegarde et afin de permettre une protection optimale des enfants face aux violences, le mandat et les tâches des RPE ainsi que leurs interactions avec les services sociaux et les organisations de la société civile devraient être clarifiés, par le biais, par exemple, de partenariats formels.

Ainsi, renforcer les compétences des acteurs, notamment les acteurs négligés, du système de protection de l’enfant, améliorer la collaboration multisectorielle entre ces acteurs et favoriser le recours et l’accès à une justice et à des services de prise en charge efficaces et adaptés aux enfants victimes sont autant d’actions qui permettront de renforcer une approche systémique bénéfique aux enfants victimes.

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ANNEXES

ANNEXE I LISTE DE TEXTES DE RÉFÉRENCE RELATIFS À LA PROTECTION DE L’ENFANT AU BURKINA FASO

TRAITÉS INTERNATIONAUX ET RÉGIONAUX

INSTRUMENTS INTERNATIONAUX

Déclaration universelle des droits de l’homme (1948)

Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui, 21 mars 1950 (A – 27.08.1962)

Convention relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951 (A – 18.06.1980)

Convention relative au statut des apatrides, 28 septembre 1954 (A – 01.04.2012)

Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement, 14 décembre 1960 (R – 04.09.2012)

Convention sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement des mariages, 10 décembre 1962 (A – 08.12.1964)

Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), 16 décembre 1966 (A – 04.01.1999)

Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), 16 décembre 1966 (A – 04.01.1999)

Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966 (A – 04.01.1999)

Protocole relatif au statut des réfugiés, 31 janvier 1967 (A – 18.06.1980)

Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), 8 juin 1977 (R – 20.10.1987)

Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II), 8 juin 1977 (R – 20.10.1987)

Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), 18 décembre 1979 (A – 14.10.1987)

Convention contre la torture et autres peines, traitements cruels, inhumains ou dégradants, 10 décembre 1984 (A – 04.01.1999)

Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, 29 mai 1993 (R – 11.01.1996)

Statut de Rome de la Cour pénale internationale, 17 juillet 1998 (R/A – 16.04.2004) (suite)

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RELATIFS AUX DROITS DES ENFANTS

Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, 6 octobre 1999 (R – 10.10.2005)

Convention n° 182 de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants, 17 juin 1999 (R – 25.07.2001)

Protocole facultatif à la CDE concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, 25 mai 2000 (R – 06.07.2007)

Protocole facultatif à la CDE concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, 25 mai 2000 (R – 31.03.2006)

Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, 15 novembre 2000 (R – 15.05.2002)

Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, 15 novembre 2000 (R – 15.05.2002)

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 18 décembre 2002 (R – 07.07.2010)

Convention relative aux droits des personnes handicapées, 13 décembre 2006 (R –23.07.2009)

Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, 13 décembre 2006 (R – 23.07.2009)

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, 20 décembre 2006 (R – 03.12.2009)

Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, 19 décembre 2011

INSTRUMENTS RÉGIONAUX

Convention de l’UA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, 1969 (R – 19.03.1974)

Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, 1981 (R – 06.07.1984)

Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, 1981 (R – 31.12.1998)

Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, 1er juillet 1990 (R – 08.06.1992)

Acte constitutif de l’Union africaine (R – 27.02.2001)

Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique (R – 09.06.2006)

Charte africaine de la jeunesse, 2 juillet 2007 (R – 19.09.2008)

Procédure de prise en charge et Standards régionaux ouest-africains pour la protection et la réintégration des enfants en situation de vulnérabilité (inclus enfants en déplacement, novembre 2011)

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ACCORDS MULTILATÉRAUX

Accord de coopération entre la République du Mali et le Burkina Faso en matière de lutte contre le trafic des enfants, signé le 25 juin 2004

Accord multilatéral de coopération contre la traite des enfants en Afrique de l’Ouest, signé entre les États membres de la CEDEAO le 27 juillet 2005

Accord multilatéral de coopération avec 23 autres pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre pour lutter contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, signé le 6 juillet 2006

AUTRES TEXTES RELATIFS À LA JUSTICE

POUR ENFANTS VICTIMES

Résolution 2005/20 : Lignes directrices en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels (2005)

Approche de la justice pour les enfants commune aux entités du système des Nations Unies (2008)

Troisième Protocole facultatif à la Convention des droits de l’enfant, OPIC (2011)

Lignes directrices du Conseil de l’Europe sur une justice adaptée aux enfants (2010) Directives relatives à une action en faveur des enfants dans le système judiciaire en Afrique (2011)

Résolution 25/6 du Conseil des droits de l’homme : accès à la justice (2014)

Résolution 69/194 : Stratégies et mesures concrètes types des Nations Unies relatives à l’élimination de la violence à l’encontre des enfants dans le contexte de la prévention du crime et de la justice pénale (2014)

LÉGISLATION NATIONALE RELATIVE AUX DROITS

DE LA PERSONNE ET AUX DROITS DES ENFANTS

TEXTES DE RÉFÉRENCE

Constitution (1991)

Code civil (1804)

Code des personnes et de la famille (1990)

Loi n° 25-2018/AN du 31 mai 2018 portant Code pénal (2018)

Loi n° 23/94/ADP du 19 mai 1994 portant Code de la santé publique

Loi n° 15-2006 du 11 mai 2006 portant Code de sécurité sociale

Loi n° 0001-2009/PDE du 8 juillet 2009 Portant protection des droits de l’enfant et de l’adolescent dans les médias au Burkina Faso

Loi n° 62-2009/AN du 21 décembre 2009 portant institution d’une commission nationale des droits humains

Loi n° 22-99 AN du 18 mai 1999 portant Code de procédure civile

Loi n° 040-2019/AN portant Code de procédure pénale

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EXPLOITATION SEXUELLE ET TRAITE D’ENFANTS

Loi n° 038-2003/AN du 31 juillet 2003 portant définition et répression du trafic d’enfants

Loi n° 029-2008/AN du 26 juin 2008 portant lutte contre la traite des personnes et les pratiques assimilées

Loi n° 11-2014 du 17 avril 2014 portant répression de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants

Loi portant lutte contre la traite des personnes orphelines et des pratiques assimilées (2008)

VIOLENCES BASÉES SUR LE GENRE

Loi n° 043/96/ADP interdisant la pratique de l’excision

Loi n° 049-2005/AN portant santé de la reproduction

Loi n° 061-2015/CNT du 06 septembre 2015 portant prévention, répression et réparation des violences à l’égard des femmes et des filles et prise en charge des victimes

PROTECTION DES ENFANTS EN DANGER

Loi n° 19-61-AN du 9 mai 1961 relative à l’enfance délinquante ou en danger

Loi n° 028-2004/AN du 8 septembre 2004 portant modification de la loi n° 010/93/ ADP du 17 mai 1993 portant organisation judiciaire

Loi n° 058-2015/CNT portant régime juridique de la presse en ligne au Burkina Faso

Loi n° 061-2015/CNT portant prévention, répression et réparation des violences à l’égard des femmes et des filles et prise en charge des victimes

Loi n° 040-2019/AN du 29 mai 2019 portant Code de procédure pénale

Loi n° 015-2014 du 13 mai 2014 portant protection de l’enfant en conflit avec la loi ou en danger

Décret n° 2016-504/PRES/PM/MFPTPS/MS/MFSNF portant détermination de la liste des travaux dangereux interdits aux enfants

Arrêté n° 2018-0047/MSECU/CAB portant création, attribution, organisation et fonctionnement des brigades régionales de protection de l’enfance (BRPE)

SANTÉ, INTÉGRITÉ PHYSIQUE ET ÉDUCATION

Loi n° 022-2014/AN du 27 mai 2014 portant prévention et répression de la torture et des pratiques assimilées

Loi n° 030-2008/AN portant lutte contre le VIH et protection des droits des PV/VIH

Loi n° 013-2007/AN du 30 juillet 2007 portant loi d’orientation de l’éducation

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POLITIQUE ET STRATÉGIES NATIONALES

TEXTES DE RÉFÉRENCE

Politique nationale genre du Burkina Faso (2009)

Politique sanitaire nationale (2000)

Politique sectorielle de l’éducation (2014-2023)

Politique nationale de promotion de la femme (2004)

Politique nationale de protection sociale (2013-2022)

Politique sectorielle justice et droits humains (2017-2027)

Plan de réponse humanitaire Burkina Faso (2022)

Plan d’action national pour la mise en œuvre des résolutions 1325, 1820 et 2242 du conseil de sécurité des Nations Unies (2020-2022)

Cette liste de textes de référence ne se veut pas exhaustive, et l’applicabilité des documents mentionnés peut varier dans le temps.

© 123FR PAWEŁ OPASKA

ANNEXE II AUTRES ACTEURS DU SYSTÈME DE PROTECTION DE L’ENFANT

L’État des lieux brosse un portrait sommaire des acteurs du système de protection de l’enfant et cible principalement les acteurs institutionnels. Cela dit, d’autres acteurs du système de protection sont brièvement mentionnés.

Parlement des enfants

Placé sous la direction du ministère de la Femme, de la Solidarité nationale et de la Famille, le Parlement des enfants est chargé d’assister les pouvoirs publics dans le respect des droits de l’enfant en leur offrant une plateforme où s’exprimer et où veiller à la mise en œuvre d’actions visant à sensibiliser les familles, les pouvoirs publics et la société civile aux différents enjeux liés aux droits et au bien-être de l’enfant. Des parlements provinciaux ont par ailleurs été mis en place ainsi qu’un parlement régional constitué de l’ensemble des parlements provinciaux de la région ; y siègent des enfants élus par leurs pairs. Selon le texte de création, le Parlement des enfants est composé de 126 enfants provenant de l’ensemble des provinces du pays.

Les cadres de concertation entre les acteurs institutionnels de la protection de l’enfant

Conseil

Le Conseil national pour la prévention de la violence à l’école est placé sous la tutelle technique du ministère responsable des Enseignements secondaire et supérieur. Il est composé de représentantes et de représentants de départements ministériels, d’institutions nationales, de partenaires sociaux ainsi que de personnes-ressources. Il a pour missions de collecter, de traiter, d’analyser et de diffuser les données sur le climat scolaire et universitaire ; d’évaluer la situation de la violence dans les établissements d’enseignement scolaire et universitaire ; d’identifier les principales sources de violence en milieu scolaire et universitaire ; de proposer au ministre de tutelle technique toute disposition nécessaire à l’apaisement, à la prévention et à la lutte contre la violence en milieu scolaire et universitaire et de contribuer à l’éducation au civisme et à la paix au niveau scolaire et universitaire89

(suite)

89 Décret n° 2014-328/PRES/PM/MESS/MENA/MATS du 2 mai 2014 portant création, attributions, composition, organisation et fonctionnement d’un Conseil national pour la prévention de la violence à l’école (CNPVE)

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national pour la prévention de la violence à l’école

Le Conseil national pour la promotion du genre

C’est l’instance nationale de décision et d’orientation en matière de genre. Elle regroupe les représentantes et les représentants du gouvernement, des institutions nationales, et ceux des partenaires au développement (société civile, communautés religieuses et coutumières, secteur privé, acteurs locaux et partenaires techniques et financiers). Le Conseil est doté d’un Secrétariat permanent – Conseil national pour la promotion du genre (SP/CONAP Genre) qui dispose de relais autant au sein des différents ministères (les cellules genre, voir ci-après), au niveau des régions par le biais des conseils régionaux pour la promotion du genre, que dans les communes par l’intermédiaire des conseils communaux pour la promotion du genre. Les cellules institutionnelles et ministérielles pour la promotion du genre (dites « cellules genre ») ont été créées dans chaque institution et ministère et sont chargées du suivi des principales politiques et stratégies dans leurs institutions. Elles sont dirigées par des « points focaux genre », qui sont des courroies de transmission entre le ministère de la Promotion de la Femme et les autres départements ministériels ainsi que les partenaires au développement. Leur rôle est essentiellement de faire le suivi de l’application des politiques, de créer des outils et de développer des formations à l’intention des acteurs institutionnels.

Groupe de travail pour la protection de l’enfance (GTPE)

Le Groupe de travail pour la protection de l’enfance (GTPE) a été mis en place et opérationnalisé en 2009. Il s’agit d’une plateforme de collaboration entre les différents acteurs de la protection de l’enfant au Burkina Faso coordonnée par la Direction de la lutte contre les violences faites aux enfants du ministère du Genre et de la Famille. Elle regroupe les principaux acteurs de la protection de l’enfant, dont les acteurs de l’État, les associations et ONG nationales et internationales, les coopérations bilatérales, l’UNICEF et autres organisations internationales intervenant au Burkina Faso. Sa mission principale est de coordonner et de mettre en commun les efforts et les moyens de chacun de ses membres pour appuyer de façon cohérente l’opérationnalisation du système de protection de l’enfant au Burkina Faso. Les axes d’intervention du réseau sont notamment : le renforcement des méthodes, des pratiques et des capacités opérationnelles des structures impliquées dans la protection de l’enfant ; le renforcement du système de formation des acteurs de la protection ; le renforcement de la coordination et du partenariat à travers les réseaux de protection de même que le plaidoyer. Outre le GTPE national basé à Ouagadougou, il existe des GTPE régionaux dans certaines localités, comme celui du Sahel basé à Dori.

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Les acteurs communautaires

Les conseillers municipaux

Depuis quelques années, grâce à l’appui des communes par l’État, les conseillers municipaux, choisis au sein des membres de la communauté, participent de plus en plus aux actions de développement, de promotion et de protection des couches sociales vulnérables, dont les enfants et les femmes. Les membres du conseil municipal agissent comme intermédiaires entre les demandes sociales et les politiques publiques. Leur rôle est primordial dans l’identification des priorités au sein de chaque secteur ou village qu’ils représentent. Ainsi, les acteurs institutionnels publics et ceux issus des ONG et associations n’hésitent pas à les solliciter en vue de trouver des solutions aux problèmes auxquels sont confrontés les enfants dans leur commune.

Les chefs coutumiers et religieux

Les associations et organisations de ressortissants

Ils ont un pouvoir réel dans la société burkinabè, plus particulièrement au niveau des communautés. Ils bénéficient du soutien et du respect de la population. Leurs actions relèvent du plaidoyer et de la sensibilisation sur des sujets comme les droits de l’enfant, l’excision ou les violences en milieu scolaire. Ils jouent également le rôle de facilitateurs lors de certains conflits.

Elles constituent une ressource importante pour faciliter le retour en famille, le suivi et le soutien aux enfants étrangers vers leur localité d’origine. Elles interviennent également dans l’accompagnement des enfants en situation difficile. Mentionnons, par exemple, l’action des logeurs, grandes sœurs et grands frères, qui constituent des organisations de ressortissants dans certaines localités avec le soutien de Terre des hommes Lausanne. Bien qu’aucun texte officiel ne semble régir ces pratiques, ces organisations de ressortissants agissent comme un centre d’hébergement et d’accueil temporaire, au moyen notamment des familles qui les composent, afin de faciliter la transition de mode de vie. De plus, elles veillent à ce que les filles accueillies aient l’âge minimum requis pour travailler, soit 16 ans, à défaut de quoi elles sont raccompagnées dans leur famille. Elles peuvent également référer ou signaler les cas de maltraitance à d’autres organismes spécialisés.

Les maîtres artisans

Ils participent à l’éducation des jeunes par la transmission de connaissances et de savoir-faire. Par ce rôle, ils sont en mesure d’influencer de manière significative l’avenir de leurs protégés, notamment en leur permettant d’apprendre un métier qui leur donnera la possibilité de gagner leur vie

Les maîtres coraniques

Les agents de santé à base communautaires (ASBC)

Dans certains cas, les enfants sont envoyés dans une école coranique en raison des croyances religieuses de leurs parents. Dans d’autres cas, c’est la pauvreté ou l’éloignement des infrastructures scolaires qui poussent les parents à confier leurs enfants à un maître coranique. Cependant, il est important de souligner que certaines pratiques des maîtres coraniques relevées par les acteurs de la protection de l’enfant peuvent entrer en contradiction avec les droits des enfants (enfants en situation de rue, mendicité des enfants, etc.).

Ces personnes sont sélectionnées dans et par leur communauté conformément à des critères définis, et reçoivent une formation de base sur des activités communautaires pour offrir localement des services préventifs, promotionnels et curatifs sous l’encadrement technique d’un personnel de santé

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BIBLIOGRAPHIE

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