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La répression des violences sexuelles et sexistes
Les infractions de violences sexuelles et sexistes sont majoritairement codifiées et sanctionnées dans le Code pénal burkinabè, sous le vocable de crimes et délits contre les personnes18. Le Code pénal codifie des infractions ciblées contre les femmes et les filles, telles que le mariage d’enfants et les mutilations génitales féminines19
Il est intéressant de noter que la législation burkinabè tend à durcir les sanctions du perpétrateur de violences sexuelles ou sexistes lorsque ce dernier est un membre de la famille de la victime ou une personne en situation de pouvoir sur l’enfant20
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Le tableau suivant présente plusieurs formes de violences sexuelles ou sexistes criminalisées par le Code pénal burkinabè :
Violences sexuelles ou sexistes
Discrimination fondée sur le sexe
Dispositions de la Loi n° 25-2018/AN du 31 mai 2018 portant Code pénal
Art. 322-2
Viol Art. 411-422-1, 531-8, 533-10
Esclavage sexuel
Prostitution forcée
Grossesse forcée
Stérilisation forcée
Persécution pour des motifs d’ordre sexiste
Exploitation sexuelle
Rapt
Sévices ou tortures sexuels
Violences morales et psychologiques envers une fille ou une femme
Mutilation génitale
Mariage forcé
Attentat à la pudeur
Harcèlement sexuel
Personnel de l’enseignement ayant une relation sexuelle avec un élève, apprenti ou stagiaire mineur
Inceste
Corruption de la jeunesse
Prostitution
Proxénétisme
Vente d’enfants
Prostitution des enfants
Pornographie enfantine
18 Loi n° 25-2018/AN du 31 mai 2018 portant Code pénal, livre V
Art. 411-4, 422-1, 513-4
Art. 411-4, 422-1
Art. 411-4, 422-1
Art. 411-4, 422-1
Art. 422-1
Art. 511-1
Art. 513-2
Art. 513-3
Art. 513-5
Art. 513-7, 512-27
Art. 531-4
Art. 533-2
Art. 533-9
Art. 533-14
Art. 533-18
Art.533-19
Art.533-20
Art. 533-22
Art. 533-33
Art. 533-35
Art. 533-37
19 Loi n° 25-2018/AN du 31 mai 2018 portant Code pénal, livre V, chapitre 3
20 Par exemple, la sanction usuelle pour attentat à la pudeur « consommé » sur un enfant âgé de 15 à 18 ans est une peine d’emprisonnement d’un an à dix ans et une amende de un million (1 000 000) à trois millions (3 000 000) de francs, alors que si l’auteur est un ascendant du mineur ou s’il est de ceux qui ont autorité sur l’enfant, il est puni d’un emprisonnement de onze ans à trente ans et d’une amende de trois millions (3 000 000) à dix millions (10 000 000) de francs CFA Voir Loi n° 25-2018/AN du 31 mai 2018 portant Code pénal, article 533-6
La Loi n° 061-2015/CNT portant prévention, répression et réparation des violences à l’égard des femmes et des filles et prise en charge des victimes a pour objet de prévenir, de réprimer et de réparer les violences faites à l’encontre des femmes et des filles ainsi que de protéger et de prendre en charge les victimes21. Elle précise qu’aucune tradition, culture ou religion ne peut être invoquée pour justifier toute forme de violence faite à l’encontre d’une femme ou disculper l’auteur de telles violences22. Elle prévoit également des procédures spéciales et la création de structures spécifiques pour la répression et la réparation des VBG et de fonds d’appui et d’assistance pour la prise en charge des victimes. Par exemple, elle prévoit la création d’un centre de prise en charge et de protection des femmes et des filles victimes de violences dans chaque commune23. Il est prévu que ces centres accueillent en urgence les victimes, leur offrent la sécurité, leur assurent des services d’appui complets, notamment une prise en charge médicale leur permettant de bénéficier de soins de santé complets et gratuits, un accompagnement psychosocial et éventuellement une orientation vers les instances judiciaires24
3.6 LES ACTEURS DU SYSTÈME DE PROTECTION DE L’ENFANT AU BURKINA FASO
Tout enfant évolue au sein d’un environnement dans lequel chacune des personnes, des organisations et des institutions possède un rôle et des responsabilités, afin de lui permettre de voir ses droits respectés et de s’épanouir pleinement. En tant qu’acteurs premiers de la défense de leurs droits, les enfants sont au cœur de ce système auquel prennent part leur famille et leur collectivité, l’État et la communauté internationale, et ce, selon des structures formelles ou informelles. Ce « système de protection » englobe une multiplicité et une diversité de microsystèmes, et est encadré par des lois, des politiques ainsi que des normes sociales et culturelles. En outre, plusieurs autres « systèmes » en sont partie intégrante, tels que le système de justice, le système scolaire, le système de santé ou le système social. Toute démarche de renforcement du ou des systèmes de protection de l’enfant doit tenir compte de ces différentes sphères d’intervention, et en outiller les acteurs pour qu’ils puissent y jouer intégralement leur rôle de promotion des droits et de protection de l’enfant.
LE SYSTÈME DE PROTECTION DE L’ENFANT
Les institutions nationales, comme le ministère de la Femme, de la Solidarité nationale et de la Famille, le ministère de la Justice, le ministère de la Sécurité, le ministère de la Défence, etc.
La famille
Les pairs, frères et sœurs
L’enfant
La communauté, les policiers et les gendarmes, les travailleurs sociaux, les magistrats, les voisins, les leaders communautaires et religieux, etc.
La communauté internationale, avec les normes internationales, les acteurs humanitaires et de développement international tels que l’UNICEF, etc.
21 Loi n° 061-2015/CNT portant prévention, répression et réparation des violences à l’égard des femmes et des filles et prise en charge des victimes, article 1
22 Ibid., article 2
23 Ibid., article 40
24 Ibid., article 44
Le présent état des lieux cible principalement les acteurs institutionnels ainsi que les réseaux et cellules communautaires de protection de l’enfant. Les sections qui suivent dressent un inventaire partiel des acteurs du système de protection de l’enfant au Burkina Faso qui interviennent dans la prévention et l’éradication des VSS commises à l’égard des enfants.
3.6.1. Acteurs institutionnels
Les principaux acteurs institutionnels du système de protection de l’enfant, ainsi que leurs démembrements ayant des compétences dans le domaine des droits des enfants, sont les suivants :
Secteur social
Le secteur social comprend les services déconcentrés du ministère responsable de la Famille ainsi que les professionnelles et les professionnels des services sociaux. Le ministère du Genre et de la Famille est la principale structure relevant de ce secteur ; il coordonne les actions en matière de protection de l’enfant. Ce ministère est responsable de la promotion de l’égalité entre les genres ainsi que de la coordination des Réseaux de protection de l’enfance (RPE). L’organisation de ce ministère s’articule autour de structures centrales et décentralisées, telles que la Direction générale de la promotion et de la protection de la femme et du genre, chargée, entre autres, d’élaborer et de mettre en œuvre les plans et les programmes de protection et de promotion de la femme et de la fille, et de lutter contre toutes les formes de discrimination et de violence faites aux femmes et aux filles25
Secteur de la sécurité
Au Burkina Faso, le secteur institutionnel de la sécurité est assuré par les forces de sécurité intérieure constituées de la police, de la gendarmerie, des autres forces paramilitaires et des sapeurs-pompiers. Tout comme la Gendarmerie nationale, la Police nationale assure la sécurité intérieure de l’État. Ces deux entités ont ainsi pour rôle de garantir la protection permanente des personnes et des biens sur toute l’étendue du territoire national, et de veiller à la sûreté des institutions de l’État, au respect des lois et règlements ainsi qu’au maintien de la paix et de l’ordre public26. En ce qui concerne particulièrement les enfants, la Gendarmerie nationale et la Police nationale mènent fréquemment des patrouilles pour protéger les enfants et éviter qu’ils ne soient victimes d’abus ou d’exploitation. Elles assurent également des missions de police judiciaire dans des affaires impliquant des enfants. De plus, la BCLCC assure une assistance technique aux enfants victimes d’actes de cybercriminalité dans l’espace numérique (piratage de données, chantage à la webcam, etc.). Enfin, la Gendarmerie nationale et la Police nationale ont des représentantes et des représentants au sein des Réseaux de protection de l’enfance dans les localités de leur ressort et participent ainsi à l’approche réseau.
Secteur de la défense
S’agissant de la Défense nationale, que ce soit en temps de paix ou en temps de guerre, les militaires sont en contact avec les enfants dans plusieurs situations, notamment lors des opérations de sécurisation du territoire, des marchés ou des populations ; lors des libérations d’otages qui peuvent comprendre des enfants ; lors des actions civilo-militaires, en particulier dans le cadre des séances de sensibilisation des services d’action sociale de l’armée, des services de santé, et des services scolaires ; lors des prises en charge sanitaires dans les centres de santé de l’armée ou dans des cas d’abandon d’enfants
25 Décret n° 2022-0596/PRES-TRANS/PM/MGF du 17 août 2022 portant organisation du ministère du Genre et de la Famille
26 Loi n° 032-2003/AN relative à la sécurité intérieure, 31 juillet 2003, article 2
Au cours de ces opérations, les militaires sont parfois les premiers acteurs à entrer en contact avec les enfants victimes de violence ou d’accident avant de les confier à d’autres acteurs du système de protection de l’enfant. Les enfants rencontrés par les militaires comprennent : les orphelins (y compris ceux liés aux conflits armés), les enfants non reconnus ou qui ont été abandonnés, les enfants victimes d’enlèvement, séquestrés ou pris en otage ainsi que les enfants associés aux groupes et forces armés.
Secteur de la justice
Au Burkina Faso, le secteur de la justice est placé sous la responsabilité du ministère de la Justice, des Droits humains et des Relations avec les Institutions. Le ministère chargé de la Justice a pour mission d’assurer la mise en œuvre et le suivi de la politique du gouvernement en matière de justice, de droits humains et de civisme27
S’agissant particulièrement des enfants, le ministère de la Justice est responsable de la protection judiciaire des enfants au Burkina Faso. Cette protection est assurée par les magistrates et les magistrats, le personnel des greffes, le personnel de l’administration pénitentiaire et le personnel des droits humains appuyés par les travailleuses et les travailleurs sociaux des tribunaux et des établissements pénitentiaires. Les structures déconcentrées responsables des interventions auprès des enfants sont les juridictions et les établissements pénitentiaires ainsi que les directions régionales des droits humains. La nouvelle organisation judiciaire a permis la création de chambres pour enfants dans les juridictions en lieu et place des juridictions spécialisées pour « mineurs28 ». Grâce à cette nouvelle organisation, chaque juridiction dispose d’au moins une ou un juge des enfants (il faut noter que cette mission est très souvent assurée cumulativement avec la mission de juge au siège), d’une magistrate ou un magistrat du Parquet responsable des enfants, ainsi que d’assesseurs qui sont des professionnels de la protection des enfants participant au jugement impliquant des enfants en conflit avec la loi ou en danger.
Secteur de la santé
Le ministère de la Santé et de l’Hygiène publique29 prend part au système de protection de l’enfant par le biais des services de santé préventive et curative. En dehors de l’offre de soins de santé, le secteur de la santé participe aux activités de communication pour un changement de comportement favorable à la santé au sein de la communauté. De plus, le personnel de santé intervient dans la prévention et les soins de santé sexuelle et reproductive. Les agentes et les agents de santé des formations sanitaires sont également sollicités pour la production de certificats médicaux, notamment dans les cas de violences physiques et sexuelles et d’expertise psychiatrique, pour les constatations de personnes décédées et les autopsies. La fourniture de certificats médicaux dans les cas de violences faites aux enfants constitue un aspect important de la lutte contre les violences faites aux enfants, notamment en matière de preuve au niveau judiciaire.
27 Décret n° 2022-026/PRES/TRANS/PM/SGG-CM du 31 mars 2022 portant attributions des membres du gouvernement
28 Loi n° 015-2019 du 02 mai 2019 portant organisation judiciaire au Burkina Faso, articles 23 et suivants
29 Décret n° 2013-926/PRES/PM/MS portant organisation du ministère de la Santé, article 39 et décret n° 2022-518/ PRES-TRANS/PM/MSHP du 18 juillet 2022 portant organisation et fonctionnement du ministère de la Santé et de l’Hygiène publique
Secteur de l’éducation
Le ministère de l’Éducation nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues nationales est responsable de la mise en œuvre du droit à l’éducation des enfants au Burkina Faso : « Le ministre de l’Éducation nationale, de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues nationales assure la mise en œuvre et le suivi de la politique du gouvernement en matière d’éducation préscolaire, d’enseignements primaire et secondaire, d’enseignement et de formation technique et professionnelle (EFTP), d’éducation non formelle et de promotion des langues nationales30 » Il assure également la protection physique et psychologique des enfants tout le temps que les enfants sont dans les enceintes des écoles.
3.6.2. Les Réseaux de protection de l’enfance (RPE)
Les Réseaux de protection de l’enfance (RPE), structures décentralisées vouées à la coordination de la protection des enfants dans les régions, sont chargés de la mise en place des politiques et stratégies, ainsi que des suivis des atteintes aux droits des enfants31. L’approche « Réseau de protection de l’enfance » est une initiative du Groupe de travail pour la protection de l’enfance (GTPE), la plateforme de collaboration entre les différents acteurs de la protection de l’enfant au Burkina Faso, opérationnalisée en 2009. L’approche par réseau vise à renforcer le système national de protection de l’enfant. Plus spécifiquement, elle a pour objectif de protéger les enfants au Burkina Faso de manière holistique, multidisciplinaire et territoriale. Ainsi, le réseau de protection se conçoit comme une structure faîtière qui rassemble, dans une circonscription administrative donnée, bon nombre des structures opérationnelles publiques (services étatiques) et privées (ONG, associations, organisations communautaires, etc.) dont une des missions est la protection et la promotion des droits de l’enfant. Les réseaux existent à tous les niveaux. Nous avons ainsi les Réseaux de protection de l’enfance (RPE) au niveau des provinces, les Réseaux communaux de protection de l’enfance (RCPE) au niveau des communes et les Cellules communautaires de protection de l’enfance (CCPE) au niveau des villages ou des secteurs.
30 Décret n° 2022-026/PRES/TRANS/PM/SGGCM du 31 mars
2022 portant attributions des membres du gouvernement
31 Ministère de la Femme, de la Solidarité nationale et de la Famille 2017 Document de référence des réseaux de protection de l’enfance au Burkina Faso, p 3
À l’échelle du territoire burkinabè, selon les données de la Direction générale de la famille et de l’enfant, on retrouve 45 RPE, 81 RCPE et 761 CCPE. Chaque RPE ou RCPE est un regroupement d’acteurs opérationnels, étatiques et non étatiques, de la protection de l’enfance pour une mutualisation des forces et des opportunités. Sa vocation est de renforcer le lien et la collaboration entre les membres en vue de la prévention des risques et de la prise en charge des enfants suivant une approche systémique. Quant à la Cellule communautaire de protection de l’enfance, elle est un regroupement de personnes-ressources (leaders ou personnes influentes) issues de la communauté qui s’engagent à promouvoir et à protéger les droits des enfants. La CCPE a pour aire géographique le village ou le secteur dans lequel elle est mise en place.
Au moment d’écrire ces lignes, seul le Centre de prise en charge des victimes de violences basées sur le genre de Ouagadougou est public et fonctionnel, considérant que celui de Bobo-Dioulasso a été fermé. Un nouveau centre dans la ville de Kaya sera mis en place prochainement. Il existe également un centre mère-enfant à Tenkodogo composé d’une équipe pluridisciplinaire qui intervient, entre autres, dans la lutte contre les violences basées sur le genre.
3.6.3 Acteurs non étatiques du système de protection de l’enfant
Les enfants
Les enfants de moins de 15 ans représentent 45,3 % de la population globale du Burkina Faso, et les jeunes de 15 à 34 ans, 32,6 %. Chez les enfants de moins de 15 ans, les filles sont en plus grande proportion, alors que la tendance s’inverse chez les plus de 15 ans (INDS, 5e Recensement général de la population et de l’habitation – RGPH – du Burkina Faso, juillet 2022).
Différents espaces sont destinés aux enfants afin de leur permettre de promouvoir leurs droits et de faire valoir leur point de vue. En général, les enfants rencontrés se considèrent comme des acteurs dans la mise en œuvre de leurs droits. Les espaces actuels accueillant leur participation sont, entre autres, le Parlement des enfants, le Parlement provincial ainsi que les associations d’enfants et de jeunes travailleurs. Cela dit, dans le cadre de l’État des lieux, nous traiterons principalement des clubs d’enfants tels que détaillés ci-dessous.

Les clubs d’enfants
Dans les établissements scolaires, les enfants sont organisés en clubs où les capacités, les connaissances et les compétences sur les thématiques de l’éducation sexuelle, du mariage d’enfants, des droits et des devoirs de l’enfant, des mutilations génitales féminines et du genre sont renforcées afin qu’ils puissent s’exprimer, sensibiliser leurs pairs et ainsi défendre leurs droits. À titre d’exemple, on peut mentionner les clubs « deen-kan » (« la voix des enfants ») qui sont fortement impliqués dans les actions de sensibilisation dans les établissements scolaires. Ces clubs existent dans tous les ordres d’enseignement. Ils ont été mis en place en 2014 avec l’accompagnement de l’UNICEF et connaissent la participation à la fois des filles et des garçons. Une personne adulte de référence, généralement une enseignante ou un enseignant de profession, est affectée auprès de chaque club pour encadrer les enfants dans la mise en œuvre de leurs activités. Au sein de l’établissement, le club deen-kan agit comme la faîtière des clubs, et en fonction des problèmes que l’on souhaite résoudre, des sous-clubs sont créés. Ces sous-clubs peuvent porter sur des thématiques, telles que les violences ou l’excellence à l’école, ou alors sur des questions environnementales. La constitution et la mise en place de ces clubs sont laissées au libre choix des établissements, et des mesures sont mises en œuvre en fonction des problèmes identifiés.

Les cadres de concertation entre les acteurs institutionnels de la protection de l’enfant
Des mécanismes de coordination et de suivi multisectoriels existent sur les questions de protection de l’enfant et de lutte contre la violation des droits des enfants. L’existence de ces cadres de concertation reflète une volonté institutionnelle de structurer la protection des enfants. Ces mécanismes comprennent, entre autres, le Conseil national pour la prévention de la violence à l’école (CNPVE), le Conseil national pour la promotion du genre et le Groupe de travail pour la protection de l’enfance (GTPE)32
Les acteurs communautaires
De nombreux acteurs communautaires sont impliqués dans les actions de protection de l’enfant. Ils contribuent ainsi à la résolution des cas, notamment dans la gestion des cas d’enfants en danger ou en difficulté, dans les cas d’enfants victimes de violences, y compris les violences sexuelles, dans les cas de médiation familiale/communautaire, pour l’accueil et l’hébergement des enfants et de leur famille, la recherche de la famille, le placement professionnel, etc. Même si des difficultés sont notées dans les interactions avec les acteurs institutionnels, les acteurs communautaires occupent une place importante dans le système de protection de l’enfant.
Les principaux acteurs communautaires ayant retenu l’attention aux fins du présent état des lieux sont les suivants :
Les leaders d’opinion, tels que les conseillers villageois : en raison de leur notoriété, de leur expertise et des activités sociales dans lesquelles ils sont impliqués, ils agissent souvent en tant qu’intermédiaires entre la communauté et les institutions. Les leaders d’opinion participent à la mobilisation des communautés dans le cadre des séances de sensibilisation sur les droits de l’enfant, mais aussi aux dénonciations dans les cas de maltraitance, de violences sexuelles et sexistes, de traite d’enfants et de travail des enfants. Selon les acteurs institutionnels et les OSC rencontrés, ces leaders constituent des sources d’informations et sont des acteurs-clés dans les médiations pour la réinsertion des enfants dans leurs familles.
Les chefs coutumiers et religieux : ils ont un pouvoir dans la société burkinabè, plus particulièrement au niveau des communautés. Ils bénéficient du soutien et du respect de la population. Leurs actions participent du plaidoyer, et de la sensibilisation sur des sujets comme les droits de l’enfant, l’excision ou les violences en milieu scolaire. Ils sont également d’un apport important pour la sensibilisation et jouent un important rôle de facilitation lors de certains conflits.
D’autres acteurs communautaires, comme les conseillères et les conseillers municipaux, les associations et les organisations de ressortissants, les organismes communautaires, les maîtres artisans, les maîtres coraniques ainsi que les agentes et les agents de santé à base communautaire ont un impact non négligeable dans le système de protection de l’enfant 33. L’Annexe II décrit plus en détails le rôle de ces autres acteurs communautaire.

32 Pour plus d’information sur les rôles et mandats, consulter l’Annexe II
33 Voir Etat-des-lieux-Burkina-Faso_LONGUE_web pdf (ibcr org)
TRAJECTOIRES DES ENFANTS VICTIMES DE VIOLENCES SEXUELLES ET SEXISTES DANS LE SYSTÈME DE PROTECTION, ET RÉPONSE COORDONNÉE DES ACTEURS
4.1. LE SIGNALEMENT AUX ACTEURS DU SYSTÈME INSTITUTIONNEL DE PROTECTION DE VIOLENCES SEXUELLES ET SEXISTES COMMISES À
L’ÉGARD D’UN ENFANT
Les mécanismes de dénonciation
Dans le contexte où nous l’entendons dans cet état des lieux, la trajectoire d’un enfant débute au moment où l’acte de violence dont il a été victime est rapporté à un acteur formel du système de la protection de l’enfant. Ce signalement peut être fait par l’enfant lui-même ou par un tiers. La Loi n° 015-2014 prévoit que toute personne a l’obligation de signaler au juge des enfants, au procureur ou à un travailleur social toute situation de nature à mettre l’enfant en danger34. Pour autant, les signalements de VSS ne sont pas représentatifs des violences réellement subies par les enfants, puisque certains non-dits sociaux encouragent les enfants, en particulier les garçons, à garder le silence.
Le Comité des droits de l’enfant recommande de mettre en place des mécanismes de dénonciation sûrs, bien connus du public, accessibles et confidentiels pour permettre aux enfants, à leurs représentants et à toute autre personne de signaler les cas de violence à leur égard35
34 Selon la Loi n° 015-2014/AN portant protection de l’enfant en conflit avec la loi ou en danger (13 mai 2014), « un enfant est en danger lorsque sa condition de vie ne lui permet pas un bon développement physique ou psychologique Les cas de danger sont entre autres les violences, les abus physiques ou les risques sérieux d’abus physiques, les abus sexuels ou risques sérieux d’abus sexuels, les mauvais traitements psychologiques, l’inceste, l’abandon, le délaissement, la privation du milieu familial, l’exposition à la traite ou à l’exploitation dans le travail, les carences éducatives des parents, la fugue, l’absentéisme scolaire, le risque de suicide, la toxicomanie, la prostitution, la mendicité, le vagabondage » Voir, articles 97, 99 et 100
35 Observation générale no 13 du Comité des droits de l’enfant, Le droit de l’enfant d’être protégé contre toutes les formes de violence, CRC/C/GC/13 (18 avril 2011), paragr 49
Au Burkina Faso, les dénonciations peuvent se faire par voie téléphonique aux numéros figurant ci-dessous. En dehors du canal téléphonique, toute personne peut se rendre physiquement dans un service de police ou de gendarmerie ou dans un service social pour dénoncer un cas de violation des droits des enfants :
Le Centre de prise en charge des victimes de violences basées sur le genre de Ouagadougou dispose d’un numéro vert au moyen duquel les dénonciations des cas de violences sexuelles et sexistes peuvent être rapportées : le 80.00.12.87
Le numéro 80.00.11.12 permet de dénoncer les cas d’excision
Il existe le 116, destiné uniquement à la protection des enfants et permettant de signaler toute violence commise envers les enfants
Le ministère de l’Éducation a récemment mis en place un numéro vert, le 80.00.12.66, grâce auquel il est possible de déposer des plaintes de toute nature ayant trait au système d’éducation ; les signalements des VSS commises en milieu scolaire peuvent être faits à ce numéro
Enfin, il est possible de composer le numéro 17 pour la police, le 18 pour les sapeurs-pompiers, le 1010 ou le 80.00.11.45 pour la gendarmerie et le 50.34.27.02 pour les premiers soins.
La réception de cas de violences sexuelles et sexistes par les acteurs du système de protection
La collecte quantitative de données nous conduit aux observations suivantes concernant les secteurs étatiques et non étatiques rencontrant des cas de violences sexuelles et sexistes à l’égard des enfants. Mentionnons que les manifestations les plus fréquemment rencontrées sont le viol, le harcèlement sexuel, le mariage d’enfant et les MGF.
L’Action sociale est le secteur qui rencontre le plus grand nombre de dénonciations, comparativement au secteur des forces de sécurité, au secteur de la justice et à celui de la santé. Cela
Les enfants ont plus de facilité à rapporter les violences dont ils ont été victimes auprès des travailleuses et des travailleurs sociaux
L’action sociale est plus déconcentrée que les services de police et de justice ; de ce fait, elle est présente dans un plus grand nombre de localités
Les mécanismes de dénonciation ou de référencement des cas de violences sexuelles et sexistes fonctionnent mieux au niveau de l’action sociale
De façon corollaire, les secteurs de la santé et de la justice rencontrent globalement moins de cas d’enfants victimes de violences sexuelles, comparativement aux secteurs de l’action sociale et de la sécurité. Cela montre que les cas de violences sexuelles rencontrés par l’action sociale ne cheminent pas systématiquement et régulièrement vers les secteurs de la santé et de la justice.
Pour le secteur de la santé, cela peut révéler :
La faiblesse des mécanismes de collaboration entre le secteur de la santé et les autres secteurs pour l’accompagnement des enfants victimes de violences sexuelles
Une certaine méconnaissance de l’importance de la prise en charge sanitaire des victimes par les victimes elles-mêmes, leur famille et leurs proches
L’absence de ressources financières pour obtenir des soins de santé pour l’enfant victime
La complexité de l’obtention d’un certificat médical dans les cas concernés en raison des coûts afférents et du problème d’accessibilité lié à la situation géographique – les centres de santé étant éloignés de certaines localités
Pour le secteur de la justice, cela peut révéler :
La préférence affichée par certaines familles pour la médiation et la conciliation en lieu et place du traitement judiciaire
Une certaine tendance des forces de sécurité, des travailleuses et des travailleurs sociaux et des membres des RPE à encourager les règlements à l’amiable
Les délais dans la gestion des cas de VSS par la police et la gendarmerie, ainsi que des défaillances dans le référencement aux autorités judiciaires
La crainte de confier la gestion d’un problème perçu comme privé à la sphère publique et étatique
Le nombre de cas de violences sexuelles et sexistes rencontrés par les secteurs institutionnels est légèrement plus élevé que celui rencontré par les RPE et les associations nationales.
Cela peut s’expliquer par le fait que :
Les RPE et associations de la société civile ne sont pas toujours connus, particulièrement dans les milieux ruraux Les communautés ne sont pas familières avec l’existence et la présence des membres des réseaux de protection de l’enfance, qui ont pourtant le mandat d’être présents en tant qu’acteurs de proximité pour une action rapide sur le terrain
Le secteur de l’éducation est le secteur qui connaît le moins de signalements de violences sexuelles et sexistes, malgré le fait qu’un important nombre des VSS soient commises dans le cadre scolaire (ADEA, 2012).
Les enfants craignent de se dévoiler ou de se confier au personnel du secteur de l’éducation
On peut en déduire que :
Les mécanismes de dénonciation sont inexistants ou sont peu connus des enfants
Les mécanismes de sanction des auteurs et dans l’accompagnement des victimes présentent des faiblesses
Le viol est le type de VSS le plus fréquemment dénoncé aux acteurs du système de protection de l’enfance, en particulier aux membres de l’action sociale et des forces de sécurité. De manière générale, pour tous et toutes, y compris les enfants, les violences sexuelles et sexistes ne désignent que les viols, les mariages forcés et les MGF, l’ensemble étant dirigé contre les filles, alors que ses déclinaisons sont multiples et affectent également les garçons.
Cette perception limitée de ce que constitue une violence sexuelle et sexiste que subissent les enfants peut expliquer en partie le faible nombre de cas qui sont dénoncés.
4.2 LA RÉPONSE DES ACTEURS DU SYSTÈME DE PROTECTION DE L’ENFANT LORS DU SIGNALEMENT D’UNE VIOLENCE SEXUELLE ET SEXISTE
La trajectoire que suivra un enfant ayant été victime de violences sexuelles ou sexistes auprès des différents services de protection de l’enfant varie, et ce, notamment en fonction de l’acteur avec qui il entrera en contact en premier lieu. Cela dit, dans tous les cas, l’enfant rencontrera une multiplicité d’acteurs. Aussi, bien que présenté sous forme de trajectoires, les procédures se recoupent et l’ordre de mise en œuvre de certaines pratiques varie. Enfin, les informations contenues dans cette section ne portent que sur les données recueillies lors de l’étude et n’abordent pas nécessairement tous les aspects de la trajectoire de l’enfant.
Le schéma ci-dessous représente les différentes trajectoires et/ou procédures suivant la commission d’une VSS à l’égard d’un enfant qui est signalée à un acteur formel du système de protection de l’enfant :
L’enfant est victime d’un acte de violence sexuelle ou sexiste
Signalement à l’école
Signalement à un membre d’un RPE
Signalement à une ou à un TS
Rencontre avec l’agresseur présumé
Mesures préventives
Tentative de règlement
Référencement
Signalement à la police, un procureure ou un juge
Si l’agresseur présumé est un enseignant
Si l’agresseur présumé est un élève
Gestion de cas
Conférence de cas, au besoin
Règlement à l’amiable
Renvoi au système de justice formelle
Conseil de discipline
Renvoi au système de justice formelle
Élaboration et mise en œuvre des mesures de prise en charge et d’accompagnement
Suivi et évaluation
Dépôt de la plainte
Enquête
Appréciation par le procureur
Audience
Mise en place des mesures conservatoires, au besoin
Les sections suivantes détaillent les différentes interventions menées par les acteurs formels du système de protection, telles qu’elles figurent dans le schéma, lorsqu’une VSS à l’égard d’un enfant leur est signalée. Le processus de réponse par le système scolaire a pu être retracé grâce à la collecte de donnée. Tel est également le cas pour le système de justice. Pour autant, bien qu’il soit clair que les RPE répondent aux cas d’enfants qui sont victimes de VSS et leur offrent un suivi, il nous a été impossible d’établir une trajectoire représentative. En l’état il est difficile d’établir si la collecte de données a été insuffisante sur cette question, ou si les informations recueillies démontrent qu’il n’existe pas de processus relativement harmonisés et définis.
La réponse du système scolaire
La trajectoire d’un enfant victime de violences sexuelles ou sexistes dans le cadre scolaire diffère des VSS commises dans un autre contexte. En effet, une procédure spéciale est prévue dans le cas où les violences ont été commises par un autre élève dans l’enceinte de l’école ou par un membre du personnel de l’école.
Il est à noter que les violences sexuelles entre élèves ayant lieu à l’extérieur de l’école, même à proximité, ne sont pas gérées par l’institution ; l’intervention du système scolaire est limitée aux violences commises dans l’enceinte de l’école. Cependant, tous les cas de violences sexuelles commises par une personne du corps enseignant ou toute personne employée par l’établissement à l’égard d’une ou d’un élève sont traités par le secteur de l’éducation, qu’ils aient eu lieu dans l’enceinte ou à l’extérieur de l’école.
La procédure suivant un signalement de VSS dans le système scolaire n’est pas formalisée. En revanche, certains établissements peuvent avoir prévu des mesures dans leur règlement intérieur. Le processus informel que les acteurs du système scolaire tendent à appliquer est le suivant :
Lorsque l’agresseur présumé est :
Un directeur d’école ou un proviseur : sa supérieure ou son supérieur immédiat s’entretient avec lui pour le confronter aux faits qui lui sont reprochés
Une enseignante ou un enseignant : le censeur ou l’enseignant principal s’entretient avec la personne désignée
Une ou un élève : l’éducateur principal s’entretient avec l’élève en question
Les mesures disciplinaires à prendre face aux personnes employées ou à l’élève agresseur sont parfois indiquées dans le règlement intérieur Par exemple :
Prise de mesures préventives
Tentative de règlement si l’agresseur présumé est membre du personnel enseignant
Le directeur d’école, le proviseur ou encore l’enseignante ou l’enseignant auteur présumé peuvent être affectés à d’autres fonctions, le temps de la procédure administrative interne
L’enfant victime est généralement transféré dans un autre établissement scolaire pour la poursuite de ses études
Lorsque l’enseignante ou l’enseignant admet les faits et que les parents ne s’y opposent pas, la résolution à l’amiable est préconisée
Les autorités coutumières peuvent être sollicitées pour régler le cas à l’amiable
Les cheffes ou chefs de personnel peuvent également être associés à la recherche de solutions adéquates
Lorsque l’enseignante ou l’enseignant nie les faits ou que les parents s’opposent à une résolution à l’amiable, l’affaire est renvoyée aux autorités judiciaires compétentes pour une application de la justice formelle
Tentative de règlement si l’agresseur présumé est une ou un élève
L’éducateur principal contacte les parents de l’élève présumé auteur et leur expose la situation
L’éducateur principal dresse un rapport sur les faits reprochés et recommande : De traduire l’élève concerné devant le conseil de discipline, soit l’instance administrative de règlement des conflits entre les membres de la vie scolaire
De référer le cas au système judiciaire
Les poursuites pénales sont généralement engagées lorsque la négociation à l’amiable échoue ; dans ce cas, un procès-verbal qui résume la situation sera transmis au procureur de la République
Il n’existe pas de document prévoyant l’accompagnement des victimes de violences sexuelles et sexistes au sein des établissements scolaires. Dans la pratique, en cas de viol par exemple, les autorités de l’établissement scolaire contactent l’action sociale et les services de santé pour un examen afin d’établir un bilan de santé ainsi qu’un certificat médical et de déterminer les besoins de l’enfant, y compris les besoins psychologiques, et si l’enfant victime a la capacité de poursuivre sa scolarité dans le même établissement. Dans la plupart des cas, cependant, les professionnels de l’éducation préfèrent, avec le consentement des parents, transférer la victime dans un autre établissement où elle peut poursuivre ses études. Cette démarche ne figure certes pas dans un règlement officiel, mais, selon les informations qui nous ont été communiquées, elle semble être la norme.
Dans certains contextes, le recours à la médiation entre l’agresseur et la famille de l’enfant victime est parfois la solution privilégiée. Ce sont généralement les parents qui négocient, et l’enfant est un participant passif à la discussion. Cette médiation peu mener au mariage entre l’enfant et son agresseur ou le déboursement d’une somme d’argent destinée aux parents de la victime – deux options risquées pour le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le statut social ou économique de l’auteur et ses relations peuvent influencer la réparation qui sera choisie, tout comme le statut de la victime et de sa famille. Dans de tels situations, ce ne sera que dans les cas où la famille refuse le règlement à l’amiable ou encore que l’agresseur nie les faits que la cause sera signalée à la justice.

La réponse du système de justice
L’enfant entre dans le processus de justice lorsqu’une plainte est faite aux policiers, aux gendarmes ou encore aux procureurs36. Lorsque le signalement est fait à un autre acteur, tel un établissement scolaire ou un RPE, le processus judiciaire s’enclenchera uniquement lorsque l’acteur ayant reçu le signalement initial réfère l’affaire au système judiciaire.
Dépôt de la plainte à un OPJ, à un gendarme, à un procureur ou à un juge, par l’enfant ou par un tiers
Notification de la plainte au procureur si la plainte ne lui est pas faite directement
1. Dépôt de la plainte
2. Enquête
3. Appréciation par la procureure ou le procureur
Mise en place de mesures pour assurer la sécurité de l’enfant (référencement au procureur si l’enfant présente une situation d’urgence, prise en charge sanitaire ou psychologique, demande d’enquête sociale aux travailleuses et travailleurs sociaux, etc )
Ouverture d’une enquête à la discrétion du procureur
Ouverture d’une enquête lorsque le procureur estime que les faits sont suffisamment crédibles et que la poursuite est appropriée en considérant la matérialité des faits et la qualification pénale des faits
Recherche de preuves matérielles
Recueil de la déclaration des témoins
Audition de l’enfant
Audition de la personne accusée
Au besoin, établissement du certificat médical par une professionnelle ou un professionnel de la santé
Lors de l’enquête, les FDS peuvent avoir recours à d’autres professionnels détenant des informations concernant l’enfant Par exemple, les OPJ peuvent contacter une agente ou un agent de la vie scolaire pour recueillir des informations sur des faits qui se sont déroulés dans une école À cette étape de l’enquête, l’OPJ peut aussi solliciter l’aide de la travailleuse ou du travailleur social pour apporter son soutien à l’enfant victime lors de son entretien
Si l’enfant présente une situation d’urgence (blessures graves, risques pour sa santé etc ) :
Le procureur peut ordonner son transfert vers un centre de santé ou le placer dans un centre accueillant les enfants, par exemple à titre de mesures d’urgence de protection
Audition de l’enfant, de l’auteur présumé et des témoins
Appréciation de l’ensemble des éléments de preuve Décision de poursuivre ou non et qualification des faits Dans tous les cas, le procureur transmet le dossier au juge pour enfants ou à la section pour enfants, et quand il prend la décision de poursuivre l’affaire, il transmet également le dossier au juge compétent
Juge des enfants ou section pour enfants - procédure de protection : Ouverture d’un dossier de protection en attendant les conclusions de l’enquête sociale réalisée par la travailleuse ou le travailleur social
4. Audience
Si la ou le juge considère que l’enfant est en danger, il prend des mesures provisoires pour la durée de l’enquête (ex : placement de l’enfant lorsque les violences ont été commises au sein de sa famille)
Après avoir reçu les conclusions de l’enquête sociale, la ou le juge convoque une audience et prend des mesures de protection pour l’enfant, au besoin
Juge compétent - procédure pénale :
En cas de poursuite de l’agresseur, la ou le juge assure la protection judiciaire de l’enfant victime
5. Mise en œuvre des mesures et suivi de la situation de l’enfant
La ou le juge des enfants ouvre un fichier de suivi
Lors du suivi, la ou le juge des enfants évalue si l’enfant victime est en situation de danger suivant les facteurs de vulnérabilité qui affectent son développement
Au besoin, il ouvre une procédure de protection judiciaire ou adapte la mesure prononcée pour l’adapter à la situation de l’enfant qui a été victime
La ou le juge des enfants peut faire le suivi de la situation de l’enfant lui-même ou le faire faire par une ou un TS
36 « La définition d’un “processus de justice” englobe la détection des actes criminels, le dépôt de la plainte, l’enquête, les poursuites et le procès, les procédures intervenant après le procès » Justice des mineurs (unodc org)
Les outils d’intervention et d’accompagnement
La réponse adéquate dans les cas de violences sexuelles et sexistes à l’égard des enfants passe en partie par l’adoption et de protocoles et guides utiles au travail des professionnels. Pour autant, bien qu’il existe dans le domaine des outils et des procédures d’intervention37, plusieurs de ces outils ne sont ni connus ni maîtrisés par les professionnels auxquels ils sont destinés. Ainsi, on note un déficit dans leur appropriation, en particulier par le personnel de la justice, des FDS et des acteurs de la santé. Pour ces derniers, il s’agit d’une réalité principalement dans les régions éloignées, où la diffusion est particulièrement défaillante. L’insuffisance de leur diffusion et de leur intégration dans la pratique quotidienne des acteurs du système limite dès lors leur efficacité. Une raison supplémentaire expliquant ces défis d’appropriation et d’utilisation est le fait que ces outils soient denses et très détaillés, et par conséquent mal compris. Enfin, le format pose parfois obstacle à leur utilisation et certaines de ces procédures mériteraient une actualisation.
4.3. LA COORDINATION INTERSECTORIELLE
Indépendamment de la trajectoire qu’il suit, l’enfant ayant été victime de violences sexuelles ou sexistes rencontre un grand nombre d’intervenants. Une réponse holistique et intégrale aux besoins des enfants qui subissent et ont subi des violences sexuelles et sexistes demande dès lors une collaboration efficace entre ces acteurs du système de protection pour assurer le plein respect des droits de cet enfant. Le Comité des droits de l’enfant demande à cet effet que les professionnels qui reçoivent un signalement de violences subies par un enfant doivent pouvoir s’appuyer sur des directives claires et sur une formation adaptée, précisant notamment quand et comment transmettre le dossier à un organisme coordonnant l’intervention. Les professionnels travaillant au sein du système de protection de l’enfant doivent dès lors être formés à la coopération interinstitutionnelle et aux protocoles de collaboration38. S’il est vrai que des processus de référencement existent et favorisent la protection et la mise en œuvre des droits des filles et des garçons, il n’en demeure pas moins que, dans la pratique, des obstacles subsistent.
Les processus de collaboration
Les processus de collaboration entre acteurs sont rarement codifiés ou formalisés. Bien que ces pratiques dites « non formelles » contribuent à un processus d’aide ou d’accompagnement adéquat des enfants victimes de violences sexuelles et sexistes, on peut s’interroger sur leur conformité avec les normes internationales de protection de l’enfant et sur l’opportunité de les systématiser.
L’absence de processus de collaboration officiels entraîne des lenteurs administratives et freine les interventions. Pae exemple, puisque les travailleuses et les travailleurs sociaux interviennent en fonction de leurs mandats et de leurs zones de compétence (ex. : services sociaux d’arrondissement, du tribunal, de la maison d’arrêt et de correction, des centres de détention pour enfants, des centres d’éducation spécialisée, etc.), il leur arrive de ne pas pouvoir poursuivre leur intervention auprès d’un enfant dont la situation change ou qui est domicilié hors de leur zone d’intervention. En outre, l’absence de formalisation du processus de collaboration complique le suivi de la prise en charge de l’enfant.
37 Le tableau se trouvant à l’Annexe II – Liste d’outils mentionnés par les professionnelles et les professionnels, répertorie les outils de travail mentionnés par les acteurs lors de la collecte de données
38 Observation générale no 13 du Comité des droits de l’enfant, Le droit de l’enfant d’être protégé contre toutes les formes de violence, CRC/C/GC/13 (18 avril 2011), paragr 50
Somme toute, le fait que ces processus ne soient pas formalisés fait obstacle à leur budgétisation. Ainsi, lorsque des cas de VSS se présentent, les acteurs du système de protection de l’enfant se retrouvent fréquemment sans les ressources nécessaires pour intervenir adéquatement. Par exemple, à l’occasion, c’est le responsable de l’établissement scolaire d’avoir qui a recours à ses propres contacts et à ses propres ressources pour trouver un établissement dans lequel l’enfant ayant été victime sera transféré.
Lors de l’établissement d’un certificat médical pour prouver une violence sexuelle physique, il est commun que le personnel de santé demande à la victime de payer les frais associés à la démarche39
« Les médecins qui doivent donner ces certificats médicaux ne sont pas payés. Normalement, c’est le Trésor qui doit prendre ça en charge ; mais malheureusement, ce sont les gens qui le font ; or pourtant, ils n’en ont pas les moyens40 »
La lenteur de rétribution par le Trésor incite le personnel de santé à récupérer cette somme directement auprès de la victime ou sa famille. Lorsque c’est le cas, il est rare qu’il prenne prend le temps de remplir la demande de remboursement au Trésor public. Cette pratique de la part du personnel de santé constitue une entrave importante à l’accès à la justice pour certains enfants ayant été victimes de violences sexuelles et sexistes dont la famille n’a pas les moyens de payer les frais pour l’obtention d’un certificat médical.
La concertation et la coordination entre les différents acteurs
Les professionnels doivent connaître les limites de leur mandat ainsi que de leurs compétences, et référer les situations hors de leurs champs d’expertise à des collègues dûment qualifiés lorsque nécessaire. Cela dit, parmi les difficultés soulevées par les acteurs du système de protection de l’enfant, on note fréquemment l’absence ou l’insuffisance de cadres de concertation et de coordination.
Ainsi, en raison de l’absence d’attribution formalisée, des chevauchements sont observés entre les différents services sociaux. Ces conflits de compétences créent des doublons et limitent l’efficacité des interventions auprès des enfants victimes de VSS. L’interférence entre certaines attributions de la Direction de la justice juvénile, de la Direction de l’action sociale et de la santé et de la Direction générale de l’administration pénitentiaire en ce qui concerne les enfants en conflit avec la loi, les enfants privés de liberté et la réinsertion de ces enfants génère de la confusion. On remarque de même que la coordination entre les RPE ou les OSC avec les travailleuses et les travailleurs sociaux est particulièrement laborieuse, compte tenu de l’absence de partenariat définissant clairement les axes d’intervention de chaque acteur. Cette confusion génère des lenteurs administratives et un manque de célérité dans le traitement et le suivi des cas de violences sexuelles et sexistes, et ce, au détriment de l’enfant qui en a été victime.
39 Loi n° 040-2019/AN portant Code de procédure pénale, article 242-13 : « Le procureur du Faso peut requérir toute personne dont l’expertise est susceptible de concourir à la manifestation de la vérité notamment les médecins, les psychologues, les professionnels des services sociaux et les experts en moyens de communication et en informatique Les expertises sont rémunérées sur les frais de justice criminelle »
40 Entretien avec un membre de la Direction de la justice juvénile
Le partage d’informations
Comme mentionné, les interventions des différents secteurs sont généralement cloisonnées, ce qui impacte la transmission d’informations entre les acteurs. L’absence de données centralisées et les lacunes dans le partage d’informations causent des retards dans le traitement des cas de VSS à l’égard des enfants.
D’une part, pour certains acteurs à l’instar de ceux de la justice, l’insuffisance de suivi des cas qu’ils renvoient explique le retard dans l’aboutissement des cas qui leur sont référés. À cet égard, ont particulièrement été pointées les difficultés de coordination avec l’action sociale, qui ne ferait que trop rarement de rétroaction sur la gestion des cas qui leur sont référés.
D’autre part, la non-exécution des réquisitions et des ordonnances judiciaires ainsi que la non-conformité entre la réquisition et l’acte délivré posent parfois un problème lors de l’établissement d’un certificat médical. Les professionnels de santé interrogés l’expliquent par le manque de clarté des réquisitions du personnel de justice. La production du certificat médical est ainsi retardée ou devenue impossible.
Les trajectoires illustrées dans les sections précédentes témoignent du fait que l’enfant ayant été victime de VSS interagit avec plusieurs professionnels, qu’ils proviennent du même secteur ou de secteurs différents. Cela dit, il n’existe pas de procédure qui permette d’éviter à l’enfant de répéter son histoire aux différents acteurs qu’il rencontre. Cette situation crée d’importants risques de victimisation secondaire. En effet, en forçant l’enfant à répéter le récit de son expérience, il existe des risques d’aggraver les symptômes psychologiques déjà présents et, dans plusieurs cas, de favoriser l’apparition de conséquences à moyen et long terme pour l’enfant (Arlène Gaudreault, 2002).
