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82ème anniversaire des combats de Narvik

82e anniversaire des combats de Narvik

Nous étions rassemblés en nombre, ce 25 mai 2022, pour honorer les combattants de Narvik, seule victoire des troupes alliées en 1940, devant la stèle du pavillon d’entrée du quartier Saint-Jean-d’Angely à Nice. Après que Georges Trémoulet ait évoqué le déroulement de la bataille, notre président Jean-Pierre Martin a rappelé le contexte stratégique de ces combats dans le jour sans fin du cercle arctique. Puis Marie-Christine Fix, au nom de Christian Estrosi, maire de Nice et président de la Métropole Nice Côte d’Azur, a tenu à rappeler combien il est utile de préserver et de transmettre cette mémoire en les temps troublés que nous vivons et qui nous confirment le tragique de l’Histoire. L’Amicale des anciens de la Légion étrangère déposa ensuite une première gerbe au pied de la stèle, avant celle commune de l’Amicale du 22e BCA et de la Marine nationale, et enfin celle de la ville de Nice. Après la dislocation de la cérémonie, nous nous retrouvâmes au Caffé d’Angely, la brasserie qui fait face au monument, où, entre frères d’armes, nous levâmes notre verre à la santé de nos associations patriotiques. Etaient présents à cette manifestation :  Président de l’amicale des porte-drapeaux : André Camous  Président de l’AMMAC (Marine) : Jean-Jacques Don Marino  Président de l’AALE (Légion étrangère) : Colonel René Le Roy

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Jean-Pierre Martin

NARVIK 25 MAI 2022 LE COMBAT POUR LES RESSOURCES

« La route du fer suédois est coupée », « les alliés sont à Narvik et qu'ils tiennent la route permanente du fer ». Cette phrase est tirée d'un discours de Paul Reynaud devant le Sénat le 16 avril 1940. Il y annonce, sous les vifs applaudissements des sénateurs français, que le Reich ne dispose plus de cette ressource indispensable à son industrie de guerre. Rappelons que le minerai de fer à très haute teneur était extrait des mines de Kiruna, en Suède, et transitait par le port norvégien de Narvik, à destination de l’industrie allemande. La proclamation hasardeuse du président du Conseil français a eu au moins le mérite de rappeler que les conflits modernes sont d’abord et avant tout des conflits pour les ressources. Ou, au minimum pour priver l’adversaire de ressources essentielles. La guerre entre Russes et Ukrainiens vise surtout à priver l’Ukraine de sa façade maritime, et donc de la possibilité d’exporter ses productions de céréales, de fer, d’acier, d’huiles, d’engrais, ce qui aurait pour effet de l’affaiblir définitivement. Le second conflit mondial n’échappe pas à cette constante. L’Allemagne avait un besoin vital de ressources que son sol ne produisait pas, et cela a orienté de façon décisive sa stratégie. À l’exception du charbon dont elle disposait en quantité gigantesque, l’Allemagne nazie manque d’à peu près tous les ingrédients nécessaires à son industrie de guerre, l’acier, le pétrole, le chrome, l’aluminium, le nickel, le caoutchouc. Dès lors, deux possibilités s’offraient à elle, soit passer par des traités commerciaux, comme ce fut le cas avec la Suède pour le fer, ou la Roumanie pour le pétrole, soit aller chercher par les armes ce qui lui manquait. Ainsi les visées allemandes pour les Sudètes intégraient le potentiel économique majeur de cette région, lignite, argent, usines Skoda, installation de centres de production de carburants de synthèse. Quand, à l’automne 1941, alors que la Wehrmacht n’est qu’à quelques étapes de Moscou à peine défendue, Hitler détourne ses forces pour la gigantesque bataille de Kiev, où il détruit six armées soviétiques, son objectif étant le grenier à blé de l’Ukraine. Quand, à l’été 42, alors que Stalingrad lui tend les bras, il se retourne vers le Caucase, il vise les puits pétroliers de Bakou. La conquête de la France et de la Yougoslavie a permis à l’Allemagne de disposer de réserves de bauxite indispensable à la production d’aluminium. La ressource en manganèse est rendue accessible après la remise en état des mines de Nikopol en Ukraine.

Inversement, les Alliés mettront trois longues années avant de comprendre que pour affaiblir l’adversaire, il ne fallait pas viser les centres de production de guerre, peu vulnérables et disséminés, mais le système de communication du Reich, les artères stratégiques. Dans la guerre moderne, les flux sont tout à fait aussi essentiels que les combats. La machine de guerre, aussi perfectionnée soit elle, tourne à vide dès qu’elle est privée de ses flux logistiques. L’Allemagne n’a jamais manqué de combattants, près de dix millions d’hommes en 1943, ni même de blindés et d’avions, 4.000 avions de combat et 11.000 engins fin 1944. Elle a manqué simplement de carburant, une fois perdus les gisements de Ploesti. Même avec les carburants de synthèse, elle dispose de moins de dix millions de tonnes en 1944, contre vingt millions pour les Russes, et 245 millions pour les Américains. Comme l’affirmait justement l’historien Philippe Masson, « l’insuffisance de carburant a constamment bridé la mobilité et le développement de l’armée et de l’aviation. » Nos vaillants chasseurs, marins, légionnaires de Narvik n’en avaient sans doute pas conscience. Mais au-delà de l’honneur de nos armes lavé, ils se battaient pour un objectif bien plus important qu’un modeste port norvégien. Ils se battaient pour empêcher le Reich de fondre des canons et de construire des chars.