Érectile Magazine #3.5

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Érectile est un magazine bi-mensuel gratuit extensif proposant des portraits, des interviews et des rencontres croisées de jeunes créateurs français. Ici, l’objectif est de parvenir à porter un regard plus objectif sur l’œuvre par le biais d’une démarche compréhensive du parcours de son géniteur. Nous souhaitons raconter des histoires plutôt que d’en inventer, avec simplicité – parfois – et sincérité – toujours.

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Rédacteur en chef Matthias Meunier

Directeur de publication Yannis Mouhoun

Rédaction magazine

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Charlotte Gelas Perrine Hériot Inès Lockert Cindy Renard Thibaut Ren Héléna Gillant

Conception graphique Matthias Meunier

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Contact

matthias@erectilemagazine.fr

Site web

www.érectile.fr

Un projet de

www.medias-culture.fr

Numéro trois.cinq


Érectile adjectif.

Dérivé d’érection ou du latin erectum, supin de erigere, ériger. Qui peut se gonfler et durcir par afflux de sang dans les vaisseaux. Se dit également de poils susceptibles de se dresser. D’un point de vue symbolique, l’ours est un animal possédant bon nombre de facettes. Dans la cosmogonie chinoise, Yu le Grand, créateur du monde, prenait la forme d’un ours afin de l’organiser. Les Inuits, eux, voient l’ours comme un symbole de grande force et de courage symbolisant également le pouvoir de l’inconscience et de la connaissance de soi. Cette dernière vision de l’image de l’ours peut également se rapprocher de celle que possédaient les alchimistes puisqu’ils voyaient en lui une forme d’initiateur. Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’ours possède également quelques points communs avec l’art. L’ours est considéré comme un animal violent et brutal, pourtant, c’est un animal capable d’être apprivoisé de manière très simple. Il n’en demeure pas moins capable de régresser violemment vers un état primaire, de la même façon que l’art peut lui aussi être considéré comme un moyen d’expression très brut, très primitif aujourd’hui apprivoisé et même intellectualisé. Enfin, quel animal, tout comme l’art, s’est retrouvé apprivoisé pour être donné en spectacle et exposé aux yeux de tous dans les cirques et les foires ? Et bien oui, il s’agit de l’ours. De là à trouver cohérente l’idée d’associer Érectile à un ours, il n’y qu’un poil...

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Rencontre

Marie-Pascale Gautheron

Plasticienne

Quand les vanités, la mort et la souffrance prennent des couleurs, c’est que

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Marie-Pascale Gautheron nous invite à découvrir son univers, ou minutie et sens du détail sont les maîtres mots.


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l’artiste.

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Rencontre

Marie-Pascale Gautheron

Plasticienne

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Rencontre avec -

Bonjour Marie-Pascale. Avant de parler de ton travail, parlons de toi. Peux-tu te présenter à nos lecteurs ? Marie-Pascale Gautheron, artiste plasticienne, je vis à Paris. En trois mots je suis quelqu’un de passionnée, perfectionniste et persévérante.


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Marie-Pascale Gautheron

Peux-tu revenir sur ton parcours ? Ce qui t’a poussé à te lancer dans l’art ?

J’ai toujours baigné dans le milieu du dessin, ma mère étant professeur d’art et artiste peintre ! Depuis toute petite je navigue entre ses cours et les écoles d’art. J’ai d’abord fait un Bac artistique puis un BTS design graphique pour me retrouver aujourd’hui en fin de cursus d’un Master d’art plastique à l’école de Condé à Paris.

Plasticienne

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Peux-tu dresser un constat du monde artistique actuel ? Il est aujourd’hui très difficile de vivre de son art, comment te positionnes-tu au sein de tous ces jeunes artistes débarquant sur le marché ? C’est vrai qu’aujourd’hui il est difficile de se trouver une place dans le milieu de l’art surtout en France. C’est un milieu de contact où il ne faut pas hésiter à toquer aux portes, même si la majorité du temps le retour sera négatif, il faut rester motivé et ne jamais se décourager.


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Marie-Pascale Gautheron

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Un coup de pinceau millimétré. Nous sommes ici pour parler de ton travail, et la première chose qui nous saute aux yeux lorsqu’on l’observe reste la couleur, la finition dans le détail. Tu dois être plutôt du genre patiente non ? En effet mon travail me demande énormément de patience, de minutie, je pense être incapable de travailler autrement, cette complexité dans les détails m’est indispensable.

D’ailleurs, combien de temps te faut-il en moyenne pour réaliser tes pièces ? C’est une question très difficile qu’on me pose souvent, c’est dur d’y répondre parce que je ne travaille jamais une seule chose à la fois, j’ai toujours plusieurs projets en parallèle, je peux commencer une peinture puis m’arrêter pendant un certain temps avant de la continuer. On m’a toujours dit que je travaillais vite, et je sais en général où je vais précisément. Bref, je ne peux pas répondre plus précisément à cette question.


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Marie-Pascale Gautheron

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Une introspection créatrice. Peux-tu nous expliquer la manière dont tu travailles ? Est-ce que cela passe par des croquis préparatoires, des essais de mosaïques, de mélanges de couleurs ou réalises tu tes œuvres "sur le tas", au fur et à mesure de leur création ? J’observe beaucoup et tout ce que je vois peut m’inspirer d’une manière ou d’une autre. En général j’ai d’abord une idée, un flash qui me vient. Tout se construit progressivement dans ma tête. Pour éviter toute perte de temps, j’aime avoir une esquisse détaillée de mes compositions même si celle-ci peut légèrement évoluer au fur et à mesure de sa réalisation. Mais au contraire pour l’exécution des motifs, par exemple sur les crânes, c’est une écriture très spontanée voir automatique.


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Marie-Pascale Gautheron

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Ces mélanges de couleurs vives, les représentations animales, les symboles mortuaires… Ton travail fait indéniablement penser à la Fête des Morts. Est-ce volontaire ou est-ce simplement un univers qui t’est familier ? C’est indéniable mon travail fait penser à l’art mexicain, j’en suis consciente. Pourtant je ne m’en inspire pas directement. Mon travail est avant tout autobiographique. Il est en rapport direct avec mon enfance, mon vécu et mon imaginaire intime, c’est sans doute pour ça que j’utilise beaucoup d’animaux, ce côté rassurant pour moi et très enfantin, tout en retranscrivant ces sensations avec un langage d’adulte. J’exprime grâce à mes peintures très réalistes, des sujets se rapprochant effectivement de la souffrance et de la mort, mais j’essaye de leur redonner de la vie par la couleur, les animaux et la profusion de motifs.

D’ailleurs, où puises-tu ton imaginaire ? Mes expériences, mes sensations, mes rêves m’inspirent. C’est mon histoire en tant qu’être vivant qui me donne cette envie de créer.


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Marie-Pascale Gautheron

L’ensemble de ton travail comprend du dessin, de la peinture, de la gravure et même de la sculpture. Qu’est-ce qui t’intéresse dans la pluralité de ces médiums ? Et avec lequel es-tu là plus à l’aise ? Comme je le disais précédemment, j’ai eu la chance d’avoir une mère artiste peintre qui m’a tout appris concernant le dessin et la peinture depuis mon plus jeune âge. Du coup je peux dire que je n’ai pas peur de m’attaquer à un nouveau médium, même si j’ai mes préférences comme l’acrylique. Je ne veux pas être enfermé dans une case, je ne veux pas avoir de limite dans ma création, si j’ai une idée je fais tout pour la réaliser.

Tu as récemment été exposée à la Favela Chic à l’occasion de la release party de Lazy Flow, comment s’est passé cette expérience ? As-tu déjà eu l’occasion d’exposer ailleurs ? J’ai eu la chance de travailler en collaboration avec LazyFlow en créant la pochette de son nouvel album Moyo Moyo, Ca m’a donné l’opportunité d’exposer à la Favela Chic, une expérience unique, j’ai eu de nombreux retours positifs. C’était la première fois que j’exposai une grande partie de ma création seule.

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plus loin.

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Toujours -

Quels conseils peux-tu donner aux aspirants créateurs qui nous lisent et qui souhaitent se lancer corps et âme dans des projets artistiques ?

Dernière question, as-tu des projets à venir ? Et sinon, qu’est ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?

Ne pas se donner de limites, être passionné, foncer et ne pas hésiter !

Je suis en train de travailler sur un crâne géant en bois qui mixera les domaines que j’affectionne le plus : la sculpture, la peinture et la gravure. Et j’espère pouvoir continuer à exposer et me faire connaître de plus en plus.

Matthias Meunier https://www.facebook.com/mpgautheron


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AYATOLLAX

Street-artiste de mode

AYATOLLAX

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est un artiste parisien jonglant entre street-art et mode. Au travers de ses lunettes fĂŠtiches, laissez vous plonger dans son microcosme artistique.


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AYATOLLAX

Street-artiste de mode

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Gourou au service de l’art. Qui es-tu ? Parle-nous de ta spécialité.

Donne-nous les trois adjectifs qui te définissent le mieux selon toi, puis fais de même pour ton travail.

Mon nom est AYATOLLAX, je suis un gourou, un dictateur tyrannique, un homme, un fou, le fondateur de la Confrérie AIMROAD. Ma spécialité ? : Du graff à la mode, son nom : Bombe "Art". Le fil conducteur de mon travail, c’est l’être humain. Je définirais mon univers en deux mots "terrorisme art" et ludique.

Innovateur, Moderne, instinctif sont qualités qui me définissent assez bien, du côté de mon travail, je dirais : surprenant, indésirable, choquant.


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Les raisons de la création. Y a-t-il des sujets ou des thèmes que tu aimes exploiter en particulier ?

Tes œuvres ont-elles un but ?

J’aime exploiter les thèmes de la société, de la vie, de l’au-delà, de la religion, de la guerre, des races, de l’humain plus généralement, son comportement.

Le but pour moi est de communiquer, de faire réfléchir, d’éveiller les consciences, sortir des clichés et des préjugés formatés véhiculés par la société.


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AYATOLLAX

Souhaites-tu faire passer un message à travers tes œuvres, où sont-elles simplement un "résultat" ? Je ne souhaite passer aucun message, seule la communication m’intéresse, dialoguer avec mon interlocuteur, celui qui visualise mon œuvre, qui essaie de la comprendre, de la lire.

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Une inspiration humaine. Comment te vient l’inspiration ?

Parviens-tu toujours à exprimer ton idée de départ ? Que représente l’art dans ta vie ?

Je tire mon inspiration principalement de mon environnement, de tout ce qui m’entoure, de l’Histoire, des êtres humains, de la télé et du web.

Oui et non, car elle évolue constamment, j’ai une idée de base puis lors de la phase de création elle peut changer, évoluer, se modifier. L’art représente tout pour moi.


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As-tu des retours sur ton travail ? Si oui, sont-ils en adéquation avec le message que tu as voulu véhiculer  Oui, parfois, c’est plutôt rare, mais c’est également le but. Chaque personne doit avoir sa propre interprétation même si cela est parfois frustrant, lorsque vous travaillez sur un projet et vous en saisissez toute la force et l’impact alors que le lecteur lui ne voit qu’un dessin, rien de plus. Cela correspond également à notre époque, nous consommons vite et nous rejetons tout aussi vite, nous ne prenons plus le temps d’assimiler l’information, seule l’esthétique compte.


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Un avenir artistique. As-tu des artistes fétiches ? Si oui, est-ce qu’ils t’inspirent dans tes œuvres ? Bien sûr, je pense que nous sommes tous inspirés et influencés par des maîtres, j’aime les détourner dans certains de mes travaux, c’est aussi une manière de mieux comprendre leur travail et de leur rendre hommage.

T’arrive-t-il de collaborer avec d’autres jeunes artistes ? Peux-tu me parler de ton association ? Effectivement, j’adore collaborer avec d’autres artistes, jeunes et moins jeunes, je le fais le plus souvent possible. Pour moi le partage est le propre de l’art, si vous ne partagez pas, pour moi vous n’êtes pas un artiste. Notamment LEGU’ART qui est une association française dans les domaines de la mode et des arts graphiques, elle met en relation des créateurs n’ayant pas de grands moyens financiers avec des personnes en situation précaire, femmes retraitées, en congés maternité, aux foyers ayant une grande expérience et maitrise dans les domaines de la couture, du tricot et de la broderie. De plus nous sommes actuellement en passe d’ouvrir un showroom-concept store innovateur, décalé et original qui s’appellera le Bloc Noir sur la région parisienne et qui regroupera tous les créateurs de l’association ainsi que d’autres nouveaux.


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Y a-t-il des domaines artistiques que tu souhaiterais découvrir/maîtriser ? Si oui, lesquels, et pourquoi ? Oui, la peinture par exemple, j’aime et je déteste cette discipline à la fois. Je suis un très mauvais peintre, j’aime les tableaux, mais je ne maîtrise pas cet art. Cependant si je savais peindre, je ne ferais pas ce que je fais aujourd’hui, je suis comme Samson, sauf que moi je puise ma force dans mes lacunes.

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Où peut-on voir / acheter tes réalisations ? Par curiosité, explique-nous ton travail autour de tes chemises On peut voir mes réalisations de Street Art dans la rue, ma dernière œuvre rue du temple, à Paris (4ème), un cover d’album musical pour John Sharks membre de la Confrérie AIMROAD. Pour mes vêtements, on les retrouve chez ISAKIN, 9 rue André del Sarte dans le huitième ou chez LIKE ROLLING STORE, 165 Quai de Valmy dans le dixième et très prochainement au Bloc Noir, au Comptoir Général, et à l’étranger. Les chemises PHILIA By AIMROAD font partie de ma collection TERRORISME ART qui traite des sujets de la guerre, de la religion et qui contient également d’autres pièces

en rapport à d’autres phénomènes et sujets sociaux. Ce sont des chemises réalisées en Wax religieux importé d’Afrique subsaharienne qui ont pour particularité d’arborer un col romain (col prêtre).Chacune des pièces est unique et numérotée, elles sont réalisées en petite série de deux tailles par les prestataires de l’Association LEGU’ART. Le choix du tissu n’a pas uniquement une connotation religieuse, il a aussi un aspect colonial, qui pour moi historiquement est lié directement à la propagande religieuse correspondant à son époque.

Thibaut Ren http:/www.aimroad.com


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Audrey Tanic

Illustratrice

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À la découverte de l’univers

Audrey Tanic

, d’ une jeune artiste qui ne manque pas d’expérience. Inspirée et pleine de bagout, elle remet le dessin traditionnel au goût du jour et donne du style à ses modèles.


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Audrey Tanic

Illustratrice

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Le dessin une passion de toujours. Bonjour Audrey ! Peux-tu te présenter ainsi que ton parcours ?

Dans beaucoup de tes créations, tu fais référence à l’histoire de l’art. L’héritage des grands artistes, en particulier des peintres, a-t-il un lien avec cet idéal que tu t’es construit ?

Alors je m’appelle Audrey, j’ai 22 ans. Je dessine depuis que j’ai environ 4 ans, donc ça fait quand même longtemps. J’étais en 5ème quand j’ai commencé à prendre des cours à l’Académie des Arts de Thiais. Auparavant, j’ai toujours été très autodidacte et j’apprenais toute seule en recopiant ce que je voyais, en essayant d’atteindre un idéal.

En effet, mon idéal serait de savoir peindre à l’huile comme les grands peintres, savoir faire surtout des portraits,des paysages avec des perspectives réussies, avec du caractère. C’est quand j’ai commencé à prendre des cours que je me suis améliorée, que j’ai découvert ce que je pouvais faire. Au fur et à mesure du temps, je me suis rendue compte que je progressais vraiment. C’est au cours des deux dernières années que je me suis vraiment mise au portrait sur toile à l’acrylique. J’arrive même à vendre certaines toiles. Donc je suis très très contente !


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Audrey Tanic

Illustratrice

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Les éléments qui caractérisent ton art sont la peinture de portraits avec modèles et les paysages. Tu essayes de tirer parti des matériaux et des formats. Aimes-tu expérimenter ? Je fais beaucoup de formats et beaucoup de matériaux. Les formats peuvent être aussi bien des murs, de vrais murs qui font au moins deux mètres, que des toutes petites cartes postales en format A5. Je fais vraiment de tout, de l’aquarelle, du fusain, de l’acrylique, du brun de noix, de l’encre de Chine, enfin tout ça... Je ne me suis pas encore mise à la peinture à l’huile. C’est encore un stade. J’attends d’être suffisamment certaine d’être prête pour m’y mettre. Je ne fais quasiment que de la reproduction, donc quand je fais des portraits c’est toujours sur photos et tout le reste c’est sur modèle et puis j’innove, je personnalise un peu...


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Audrey Tanic

Illustratrice

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Le système D fait travailler l’imagination. Tu as donc eu l’occasion de réaliser de très grands formats, peux-tu nous en dire un peu plus ? Les fresques que je réalisais faisaient plusieurs mètres de tissus : 2 m sur 3 m, 5 m sur 6 m, enfin bon, des trucs impossibles... Comme il ne fallait pas peindre au mur, je prenais du tissu blanc. Vu que c’était du plâtre derrière, il fallait profiter de la matière. Je prenais des punaises, du scotch. On évitait les clous quand même. Je mettais tout ça sur le mur avec des escabeaux, parce que j’étais toute seule en général pour le faire. Je peignais, je dessinais par dessus. J’avais besoin de dessins préparatoires pour savoir comment placer mes proportions, comment mesurer mes dessins, estimer la quantité de peinture et le temps, car il faut savoir gérer son temps. Du coup, une fois les fresques terminées, je les plis et je les mets là-haut. (Elle indique le haut de son armoire) Je récupère tout ce que je fais en général. Il y en a une que j’ai fait en deux partie et chaque partie prenait tout mon salon, donc j’ai été obligée de pousser les meubles et je montais sur les objets pour pouvoir mesurer ma proportion. Il y avait de la peinture, partout et le salon était proscrit, on n’entrait pas. D’où l’intérêt d’avoir un atelier !

Tu es une passionnée de dessin et ta mère joue du piano en ce moment même. L’art aurait-il une place particulière dans ta famille ? Nous sommes une grande famille d’artistes ! Je ne suis pas la seule qui sait dessiner. Nous savons tous chanter et certains savent jouer de plusieurs instruments de musique. C’est dans le sang, on va dire.


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J’ai vu que tu as fait quelques caricatures de têtes. Cela tranche beaucoup avec le reste de tes dessins... Je ne sais plus faire ça maintenant. Je les nommais en fonction de leur apparence, le truc du moment. J’avais un projet de BD, Les Big Noses. J’avais un coup de main franchement... Mais ça fait longtemps, je n’en ai plus refait. J’ai pu m’essayer au dessin de presse mettant en scène des personnages. Nous avons eu un projet en binôme sur les inégalités dans le monde. La consigne était de produire quelque chose de polémique de flashy pour montrer les contraires des choses. Pour cela, nous avions réalisé une grande affiche, c’était bien ressorti !

D’ailleurs, je n’ai jamais pu remettre la main sur ce projet. Voici un petit dessin que je me suis amusée à faire pour les copines : il n’y avait ni histoire ni narration, le délire c’était de mettre un N devant chaque prénom, du coup j’étais Naudrey, mais il y avait aussi les Nessica, les Nylvia, les Nieuc... C’était des noms d’espèces, avec leurs caractéristiques, par exemple : les Naudrey passent leur temps à bouffer. Je crois que je ne sais plus dessiner des personnages. En fait, c’est sur l’inspiration du moment, si tu me demandais de le faire, je ne saurais pas...


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Un apprentissage autodidacte. En plus de la peinture, le dessin au stylo est-il une technique que tu affectionnes tout particulièrement  ? Dessiner au stylo donne un rendu intéressant, c’est un bon exercice. Cela aide à travailler son coup de main, ça évite de rester dans le même registre. Certains artistes aiment pratiquer toujours la même technique, mais moi je n’aime pas, j’aime bien varier de temps en temps. En fait, j’ai un prof de dessin qui lorsqu’on fait toujours la même chose, il aime bien nous torturer en nous faisant faire des trucs qu’on ne sait pas faire, qu’on ne veut pas faire. Par exemple, pour ceux qui ont peur de la couleur, il leur donne des projets aux couleurs pétantes ou encore, pour ceux qui ont peur du dessin, il les oblige à dessiner. Il me donne rarement des projets parce qu’il sait que je m’exerce toute seule à plein de choses, il évite de me donner quoi que ce soit, vu que je me complique déjà la vie toute seule.


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Illustratrice

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Expérimenter et découvrir ses limites. Bien qu’étant autodidacte, on sent qu’il y a quelque chose d’académique dans ton parcours avec des règles, des exercices de style, etc. Y a-t-il quelques conseils que tu pourrais donner à ceux parmi nos lecteurs qui veulent se lancer dans le dessin ? Un exemple d’exercice : pour bosser les nuances et les dégradés de couleurs, je dessinais des couchés de soleil. J’ai eu ma période bouquets de fleurs et paysages en perspective. Voilà, le mot d’ordre : il faut bosser ! Il faut sortir du crayon de couleur. Mon expérience personnelle est édifiante : je suis restée longtemps dans le crayon de couleur parce que j’avais peur de la peinture. Je me disais, mais je ne maitrise pas la peinture, je ne saurais jamais reproduire ce que je vois dans les musées ! C’est faux, c’est archi-faux. Tant qu’on n’essaye pas, on ne peut pas savoir quel est vraiment son niveau. Et tant qu’on ne travaille pas ce niveau-là, on ne peut pas savoir quelles sont vraiment ses limites. Je connais mes limites au crayon.... Plus ou moins... Et j’ai découvert mes limites en peinture. À propos de mon évolution, j’ai commencé par les portraits de face. Aujourd’hui, j’aime bien travailler la matière, différentes matières au sein d’un même projet. Cela donne une autre dimension... Il y a un truc très important à faire : c’est dater ses dessins ! Je ne l’ai pas toujours fait parce que je ne pense pas comme ça, mais au final, il faudrait que je le fasse. Je les ai classés par genre, par type de dessin.


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Illustratrice

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Le secret du progès l’ingéniosité. Tu me parlais d’un projet en lien avec l’univers de l’enfance : peux-tu m’en dire plus ? Dessiner comme un enfant, c’est compliqué ! C’est dur de dessiner comme un enfant maintenant. On ne sait plus faire ça ! En fait, je vais t’expliquer. Ce n’est pas vraiment dans le style, c’est plus dans la perception des choses que c’est difficile parce que nous savons dissocier ce qui est vrai de ce qui ne l’est pas. Alors qu’un enfant a sa vérité à lui, il la représente comme il la voit. Point. Voilà pourquoi, nous ne savons plus dessiner en grandissant, on veut représenter la réalité. Nous n’osons plus dessiner avec la vision d’un enfant. Cette vision est super dure à reproduire. C’est vraiment un bon exercice, car cela t’oblige à changer de vision. Et crois-moi, c’est difficile, très difficile. J’ai vraiment eu du mal ! Ne serait-ce que pour les couleurs parce que les enfants colorient comme ils veulent. J’aime bien le rendu, le style est beau, ça pourrait faire une expo : parce que le style abstrait ça plait... ça pourrait s’appeler Urban Style. J’en sais rien... Bref, c’est difficile de dessiner comme un enfant.


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Audrey Tanic

Illustratrice

Tu as eu l’occasion de participer à des expositions collectives. Que retiens-tu de cette expérience ? J’ai une anecdote sur "un dessin incompris" va-t-on dire. Il représente un funambule au-dessus des immeubles. Mais les visiteurs ont pensé que ce tableau représente un homme suicidaire sur le point de sauter ! Ils ont même ajouté que celui qui a dessiné ça est sans doute dérangé ! Cela m’a un peu outré ! Au final, j’ai fini par modifier mon dessin, j’ai refait le trait du fil en rouge... Pour limiter toute interprétation. À part ça, c’est vraiment génial d’être exposée. Certains visiteurs haranguaient ma mère ou ma soeur en disant « Hey c’est vous qu’on voit sur tableau ! » Héléna Gillant

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