• PAR EPONYME
• JANV - MARS 2021
#8
Les enfants à l’heure du coronavirus Alors que nous vivons une période tout à fait extra-ordinaire qui bouleverse nos habitudes et nos repères, nous sommes nombreux à nous interroger sur l’impact que tout cela a sur nos enfants. Frédéric Groux, Psychologue-psychothérapeute bébé-enfant-ado-famille, a répondu à nos questions !
De votre point de vue, quel impact la période peut-elle avoir à court ou moyen terme chez les tout-petits ? Difficile de répondre précisément car il y a, à ce jour, peu de données scientifiques sur ce thème. On peut tout de même dire que la période est marquée par beaucoup d’angoisse, par anticipation ou fantasmée, en lien avec les discours contradictoires fortement médiatisés tant sur le plan de la Covid, (enfant non contagieux ou contagieux...), que sur l’aspect psychologique (effets du masque sur le développement du langage et des émotions). Il y a une tendance qui apparaît, mais qui reste à être démontrée par des recherches : une consommation plus importante des écrans et un possible retentissement sur le développement (langage et moteur). Nous avons aussi des parents qui sont en souffrance : perte d’emploi, deuil dans l’entourage, isolement, sentiment d’enfermement... Toutes ces incidences peuvent modifier le lien parentenfant, avec des conséquences différentes. Un bébé qui vit seul avec un parent déprimé aura plus de chance de développer des problèmes qu’un enfant de 4 ans, avec ses deux parents, dont un seul vit difficilement la période. Mon conseil est de verbaliser aux enfants ce que l’on vit, de passer par la littérature enfantine sur les émotions, de se recréer des rituels... Et en cas de besoin, de ne pas hésiter à faire appel aux cellules d’écoute. Enfin, essayons de garder à l’esprit que si notre enfant joue, mange et dort normalement et qu’il n’y pas de changements de comportement à la maison ou à l’école : inutile de s’alarmer !
Nous sommes nombreux à parler de la résilience des enfants face à la crise sanitaire, mais il est important de ne pas s’arrêter à la pensée simple qu’un enfant qui ne pleure pas est un enfant qui va bien. Comment s’assurer que les tout-petits « vivent bien » d’être en relation avec un adulte masqué ? Il est vrai que les enfants ont des capacités d’adaptation mais cela n’est possible que si l’environnement le permet. Dans la théorie de la résilience, il faut que l’enfant ait assez de sécurité affective. Concernant la cohabitation avec le masque, cela n’a jamais posé question en Asie, où il est culturellement ancré depuis des décennies. Tout comme pour les enfants ayant des problèmes de vision (amblyopie, cécité totale) et qui ne montrent pas de problème de gestion des émotions ou de développement. Je travaille en oncologie et suis quotidiennement au contact d’enfants qui passent des semaines voire des mois, et ce 24h/24, avec des adultes masqués, pour éviter les infections. Ces enfants ont très rarement des problèmes de développement, du moins autres que ceux qui relèvent des traitements. Il y aura forcément des enfants plus anxieux qui développeront des difficultés, comme cela a été le cas à d’autres périodes (suite aux attentats de 2015, par exemple). Seules des recherches regroupant les avis des Centres Médico-Psychologiques, des professionnels de Protection Maternelle et Infantile, des orthophonistes, des pédopsychiatres, des pédiatres ainsi que des crèches et écoles maternelles, pourront dire si nous avons affaire à des conséquences du
contexte sanitaire, ou si cela correspond à la tendance liée à une période complexe de notre société. Nous devons rester vigilants bien sûr mais sans en faire une obsession.
Comment expliquer aux enfants le besoin de maintenir une distance avec leur cercle familial, les grands-parents notamment ? Personne ne m’a jamais demandé : "comment expliquer aux enfants le port de la ceinture en voiture ou pourquoi il faut attendre au feu rouge pour traverser ?". C’est la même logique : c’est une loi pour protéger nos proches. Nous pouvons discuter une règle mais pas la loi, même si on la trouve injuste ou difficile . Selon l’âge de l’enfant, vous pouvez trouver des moyens pour atténuer la distance : les courriers, les dessins et photos et bien sûr la "visio" ! Une pratique déjà bien ancrée dans les habitudes des familles éloignées géographiquement. Bien sûr, cela ne remplace pas le contact physique mais protéger les gens qu’on aime demande parfois des sacrifices. C’est même une belle preuve d’amour ! Rappelons-nous que cette situation est temporaire et que nous aurons d’autant plus de plaisir à nous retrouver. Il sera alors fondamental de se remémorer qu’il ne faut pas attendre des périodes difficiles pour avoir conscience de l’importance de maintenir des liens sociaux et familiaux !
• Propos recueillis par. .CÉLINE, Educatrice de Jeunes Enfants.
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