Extrait Je mange pour le futur - Éditions Ulmer

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Petit guide pratique pour adopter une alimentation saine et durable

Autrices, AgroParisTech
DA & illustrations
Manon Dugré & Aurélie Zunino
Clémence Gouy
Benjamin Hoguet Scénario
Avant-propos 3 #1 Pourquoi changer nos habitudes alimentaires ? 5 #2 La viande, c’est fini ? 17 #3 Plus de place aux végétaux 33 #4 Vais-je avoir des carences ? 45 #5 Comment éviter de toujours manger la même chose ? 59 #6 Quid du poisson, des produits laitiers et des œufs ? 71 #7 Je fais tout ça pour rien ? 81 #8 Comment bien cuisiner les légumes ? 91 #9 Manger durable sans se ruiner, c’est possible ? 103 #10 Fait maison vs transformé : qui gagne ? 115 #11 Les légumes secs sont-ils trop secs ? 131 #12 On fait le bilan ! 145 Messages de soutien 152 À propos du projet 154 Partenaires 155 Remerciements 156 Mes ressources pour aller plus loin 157 Références 158 SOMMAIRE

AVANT-PROPOS

Depuis quelque temps, je me pose beaucoup de questions sur notre modèle de société, sur mes choix de vie, et par-dessus tout sur mon alimentation.

Il faut dire que la pandémie de COVID-19 apparue en 2020 a rebattu pas mal les cartes, en questionnant ce qui est essentiel et ce qui ne l’est pas. Tout a commencé à ce moment-là pour moi. Je me suis demandé quel rôle j’avais envie de jouer dans la société, et j’ai décidé d’utiliser mon temps libre pour une bonne cause et l’avenir de notre planète.

Quoi de mieux que de joindre l’utile à l’agréable en m’intéressant de près à mon sujet de prédilection : la bouffe . Plus sérieusement, j’ai lu pas mal d’articles qui m’ont fait réaliser que notre alimentation, et notre système alimentaire en général, a un énorme impact sur l’environnement.

Mais je ne suis ni diététicienne, ni scientifique, ni Greta Thunberg, alors je vais devoir creuser le sujet… Mon objectif est donc de mener mon enquête afin de savoir pourquoi nous devons changer d’alimentation et comment s’y prendre concrètement au quotidien. Au fil des semaines, je vais consigner dans ce carnet de bord le résultat de mes recherches, mes rencontres, mes découvertes culinaires, mais aussi mes succès et mes doutes, sans filtre ! Je souhaite réussir à mieux orienter mes choix lors de mes courses, sans me ruiner et en prenant du plaisir à cuisiner. Rendez-vous au fil des pages pour savoir si mon pari est réussi !

Allez, je me lance !

Sasha,

26 ans

En coloc avec la meuf la plus cool de l'univers : Zoé !

Diplômée en marketing

Mon mantra : « la bouffe, c’est la vie »

Ma particularité : Une fâcheuse tendance à chercher

la petite bête

LA VIANDE C’EST FINI ?

17
SEMAINE 2

Afin de poursuivre mon enquête, j’ai décidé de m’attaquer à la viande. J'ai réalisé qu'on en consomme beaucoup à la coloc… surtout Zoé. Au moins 5 fois par semaine pour ma part. J'ai pris le temps de noter chaque jour mes repas à base de viande, pendant quelques semaines, pour me rendre compte de ma consommation. De fait, je me pose pas mal de questions : est-ce que j’arrête tout ? Est-ce que je dois privilégier certaines viandes par rapport à d’autres ? Et en quelles quantités ? Pour y voir plus clair, j’ai pris contact avec des expert.e.s, et j’ai eu une réponse de la part de Nicole Darmon, Directrice de recherche en nutrition et santé publique à l’INRAE. J’ai trouvé nos échanges super intéressants, petit extrait :

S : Bonjour Madame Darmon ! Je m’interroge sur ma consommation de viande en ce moment et je n’arrive pas à y voir très clair… Ma question est la suivante : faut-il complètement arrêter la viande pour manger durable ?

ND : Bonjour Sasha ! Alors si vous voulez avoir une alimentation plus durable, ce n’est pas nécessaire de supprimer totalement la viande. En revanche, ce qui est conseillé pour les populations c’est de réduire sa consommation. Et il y a 2 façons complémentaires d’y arriver : d’une part réduire les portions consommées, et d’autre part, en manger moins fréquemment.

Il faut dire que les Français ont la réputation d'être de sacrés bidochards. Et la gastronomie traditionnelle en regorge : pot-au-feu, bœuf bourguignon, blanquette de veau, confit de canard, galette-saucisse, etc. (je n’ai pas pu tout lister). Tout d’abord, Père Castor raconte-moi l’évolution historique de nos consommations. La consommation de viande a été en constante augmentation entre l’après-guerre et 1998, où un pic a été atteint avec 93,6 kg par habitant et par an18

LA VIANDE, C’EST FINI ? 18
Nicole Darmon

Depuis, on a observé une lente diminution, puis une stagnation des consommations depuis 10 ans. Des organismes, comme FranceAgrimer, ont fait les comptes, et en 2021, la consommation moyenne était de 85,1 kg par habitant, par an19. Nos consommations auraient un peu changé ces dernières années : on mangerait moins de viande de bovins, de porc, mais plus de volailles. La viande serait surtout consommée dans des plats préparés et des produits transformés qui en contiennent comme les pizzas, sandwiches, cordons-bleus, nuggets (...) et notamment par les personnes de ma génération (18-24 ans)20. En France, des recommandations de consommation ont été établies en 2019 par Santé Publique France, elles indiquent de limiter la consommation de viandes à 500 g par semaine (le max du max à ne pas dépasser). Dans les faits, dans la population française âgée de 18-54 ans, 41 % des hommes en mangent plus, ainsi que 24 % des femmes (données de 2015)21.

PRODUITS CARNÉS

Les nutritionnistes parlent généralement de « viande » pour désigner celles de porc, bœuf, veau, mouton, agneau, abats. Les volailles sont à part et comprennent celles de poulet, dinde, pintade, canard (…).

Les abats (ou produits tripiers) sont les parties tels que les pieds, les rognons, les tripes, la langue, le cœur, etc.

Les charcuteries regroupent l’ensemble des viandes transformées en salaison (lardons, saucisses, jambons secs et crus) ou les pâtés.

Donc, je retiens qu’il n’est pas nécessaire de supprimer totalement la viande pour adopter une alimentation durable, mais qu’il y a tout de même une nécessité de réduire la consommation à l’échelle de la population.

J'ai pu m'entretenir aussi avec Jean-François Huneau, professeur de nutrition, qui m'a apporté de nouveaux éléments pour mieux comprendre les recommandations de réduire la viande à l'échelle de la population (voir page suivante).

JE MANGE POUR LE FUTUR 19

PAROLE D’EXPERT

LA CONSOMMATION DE VIANDE

Afin d’y voir plus clair sur les recommandations de consommation des produits carnés, j’ai pu m’entretenir avec Jean-François Huneau, professeur de nutrition à AgroParisTech.

Pourquoi devons-nous réduire notre consommation de viande ?

Pour des raisons de santé, il est notamment recommandé de réduire la charcuterie et les viandes (hors volailles). Pour la charcuterie, il y a un consensus international fort, pour dire qu’il y a un lien entre le niveau de consommation de charcuterie (au-delà de 25 g par jour) et le risque de cancer colorectal. Donc

sur ce critère sanitaire, il est fortement recommandé de consommer moins de 150 g de charcuterie par semaine (soit 3 tranches de jambon blanc). Pour la viande, il y a également un consensus au niveau international pour dire qu’au-delà de 500 g par semaine (soit environ 4 steaks), la probabilité de développer certains cancers, tels que le cancer colorectal, augmente22 C’est donc pour cette raison également

20 LA VIANDE, C’EST FINI ?
Jean-François Huneau, professeur de nutrition à AgroParisTech et membre du comité d’experts Nutrition de l’ANSES

que de nombreux pays occidentaux recommandent à leur population de consommer par semaine moins de 500 g de viandes (porc, bœuf, veau, mouton, agneau, abats)23.

Et pour la volaille ? Il y a aussi un risque pour la santé ?

Pour la volaille en revanche, on n’a pas de démonstration claire d’un lien entre sa consommation et la survenue de risque de pathologies, que ce soit le cancer ou d’autres pathologies chroniques (diabète, maladies cardiovasculaires). Il n’y a donc pas de recommandation spécifique de limitation des niveaux de consommation, mais il n’y a pas non plus d’encouragement à en consommer plus que ce que nous en consommons actuellement. Finalement, la recommandation pour l’ensemble des viandes, c’est plutôt de limiter la consommation globale, et de privilégier la volaille.

Pour des raisons environnementales est-ce qu’on pourrait imaginer aller encore en deçà de ces recommandations sanitaires ?

S’il est important, pour des raisons sanitaires, de réduire sa consommation de viande, il est encore plus important de

réduire cette consommation de viande pour des raisons environnementales. Les viandes rouges sont associées à une forte production de gaz à effet de serre (en moyenne 30-35 kg eq CO2/kg pour une viande de bœuf cuite24). Si l’on veut maintenir nos émissions dans des limites compatibles avec un réchauffement modéré à échéance de 2050, ce n’est pas 500 grammes par semaine maximum qu’il faudrait consommer, mais plutôt 140 g par semaine maximum, d’après la prospective du EatLancet25. Ce qui correspond environ à une portion de viande rouge par semaine. Pour la volaille, qui est un peu moins associée à la production de gaz à effet de serre (9 kg CO2 eq/ kg de viande de volaille cuite24), c’est environ 2 portions par semaine maximum qu’il faudrait consommer. Le tout, mis bout à bout, correspondrait au maximum à une consommation de 3 portions de viandes confondues par semaine, ce qui est quand même beaucoup moins que ce que nous consommons en moyenne actuellement.

En résumé, diriez-vous qu’il faut manger moins mais mieux de la viande ?

Je pense qu’il est clair qu’il y a une nécessité de manger moins de viande. Certains vont dire « manger moins de viande, et en manger mieux ». Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Est-ce que cela veut dire manger de la viande de meilleure qualité environnementale, de meilleure qualité nutritionnelle, ou de meilleure qualité gustative ? En fonction de l’importance que l’on accordera à chacun de ces critères, on n’ira pas forcément vers la même viande. Le plus important, c’est quand même peutêtre, dans tous les cas, de diminuer sa consommation de viande.

21 JE MANGE POUR LE FUTUR
« IL EST IMPORTANT DE RÉDUIRE SA CONSOMMATION DE VIANDE POUR DES RAISONS SANITAIRES, ET ENCORE PLUS POUR DES RAISONS ENVIRONNEMENTALES »

Quand j’ai discuté de tout cela avec mon frère, il m’a répondu « maistoutesles viandesnepolluentpasdelamêmefaçon! »

J’ai donc effectué mes recherches pour savoir quelle viande émet le plus de gaz à effet de serre.

Et TA-DA, un nouveau croquis fait maison : le classement des espèces selon leur impact24 (GES).

D’après mes recherches, les émissions de gaz à effet de serre émises par l’élevage représentent plus de 14 % des émissions totales générées par les humains. Ces émissions ont des origines diverses comme la fermentation entérique, autrement dit des dégagements de méthane dû aux rots des ruminants lors de leur digestion. Elles sont aussi dues aux déjections des animaux, et à la production d’aliments pour le bétail et la consommation d’énergie (ex. : production d’engrais et l’utilisation de machines).

L’élevage peut aussi provoquer des pollutions et des déséquilibres dans les écosystèmes en raison des élevages intensifs qui apportent de l’engrais azoté en excès.

L’exemple caractéristique est l’apparition d’algues vertes sur les côtes bretonnes.

Dans mon croquis, j’ai essayé de résumer les infos sur les émissions de gaz à effet de serre des différents types de viande. L’intensité des émissions varie en fonction des produits, mais, je retiens qu’en moyenne l’agneau et le bœuf sont les viandes qui émettent le plus de gaz à effet de serre par kilo de viande produite.

LA VIANDE, C’EST FINI ? 22

Il est estimé que les animaux ruminants (bœufs, moutons, agneau) affectent jusqu’à cinq fois plus l’environnement que les monogastriques (porcs, volailles)26.

À l’avenir, j’essayerai donc de les consommer de manière plus occasionnelle et je privilégierai les viandes de volailles (en gardant un œil sur les conditions d'élevage).

Parler de l’élevage en général est, en fait, assez réducteur, car il en existe de toutes sortes.

« Il est indispensable de distinguer systématiquement les différents types de production (lait/viande, ruminants/monogastriques) et formes d’élevage (extensifs/intensifs), et de ne pas simplifier la réalité de manière outrancière, car chaque système présente ses avantages et inconvénients. En outre, il existe un continuum entre les différents systèmes. »

Et oui breakingnews , le type d'élevage influe beaucoup sur les impacts environnementaux ! Par exemple, du lait provenant d’une vache élevée au pâturage est un peu moins impactant pour l’environnement que du lait provenant d’une vache élevée de manière conventionnelle (ration de maïs). Cet élevage au pâturage permet en plus de capter du carbone (ce qui a un impact positif sur la santé du sol et des plantes), de favoriser la biodiversité et le bien-être de l’animal. Il s’agit donc de retrouver un équilibre en mangeant moins de produits animaux, mais de meilleure qualité, en privilégiant certains modes de production, et limitant ainsi l’impact de notre alimentation.

Au passage, il faudra que j’effectue des recherches sur les œufs, le fromage, le poisson, etc.

INTENSIF, EXTENSIF : QUÈSACO ?

Place maintenant à quelques infos pratiques glanées ici et là.

• Élevage extensif : mode d’élevage économe en intrants (différents produits apportés aux terres et aux cultures, par exemple produits fertilisants, produits phytosanitaires, insectes), qui ne recherche, ni une forte productivité individuelle par animal, ni par unité de surface. Ces systèmes d’élevage priorisent par exemple l’herbe pâturée issue de prairies permanentes27 .

• Élevage intensif : mode d’élevage où le gain de productivité est recherché, et qui s’accompagne d’une forte charge à l’hectare, c’està-dire que le nombre d’animaux rapporté à la surface est important. À noter qu’il n’existe pas de définition « légale ».

JE MANGE POUR LE FUTUR 23
Christian Couturier, Michel Duru, Antoine CouturierLaplacedel’élevagefaceauxenjeuxactuels (Solagro, 2021)

Si vous avez du mal aveclesphotosde viande crue, il vaut mieux tournerlapage.

REPORTAGE

« IL FAUT ARRÊTER DE SE DIRE QUE DANS UNE BÊTE, IL N’Y A QUE CINQ MORCEAUX : L’ENTRECÔTE, LE CONTRE-FILET, LA CÔTE DE BŒUF, LE FILET ET LA BAVETTE. »

Mon frère a eu la bonne idée de m’emmener interroger son boucher : Antonin Bonnet, patron de la Boucherie Grégoire, dans le quartier de la gare Montparnasse. C’était une super rencontre. J’ai pu poser plein de questions pour savoir comment bien choisir sa viande. Antonin est à la fois boucher et chef de son restaurant Quinsou, il est donc très exigeant sur la qualité des produits qu’il cuisine et connaît plein d'astuces pratiques.

LA VIANDE, C’EST FINI ? 24

La boucherie Grégoire revendique son engagement pour une alimentation durable.

Antonin Bonnet explique qu’il veut donner à manger, tout en défendant des pratiques agricoles vertueuses.

Pour s’approvisionner, par exemple, la boucherie ne fait jamais appel à des grossistes.

Elle achète la viande auprès de petits producteurs, et tisse des liens avec eux sur le long terme.

« On veut travailler avec des gens qui font preuve de bon sens et de cohérence. Pour le bœuf, par exemple, on se fournit majoritairement chez Anne-Laure Jolivet, une éleveuse installée en Vendée. »

Tous les jours, l’équipe de la boucherie propose aussi des bons petits plats à emporter.

Antonin achète sa viande sur « carcasse entière », afin de mieux rémunérer les producteurs, qui ne se retrouvent pas avec des morceaux invendus sur les bras, et pour valoriser toutes les parties de l’animal.

« On commercialise les beaux morceaux, comme les moins nobles : pas de gaspillage ! »

En fonction des saisons et des arrivages, il y a différents types de bêtes, différents types de muscles, de gras, et autant de façons de les cuisiner.

Comment avoir à la fois une alimentation bonne pour la santé et l’environnement ? Est-ce possible même avec un budget serré ? Faut-il complètement arrêter de consommer de la viande ? Comment bien cuisiner les légumes sans y passer des heures ? Nos actions ont-elles un réel impact ?

Ce guide pratique fait le tour des dernières études scientifiques, donne des astuces et recettes de chef.fes et de commerçant.e.s de bouche, tout en suivant l’aventure de Sasha, jeune femme de 26 ans qui se questionne sur son alimentation. Sa mission ? S’engager dès à présent pour le futur, en faisant des choix plus éclairés et en expérimentant des nouvelles manières de s’alimenter, plus inventives, ludiques et gourmandes !

des interviews avec des spécialistes des reportages photo avec des artisans

des recettes & astuces de cuisine des fiches aliments & des croquis

Manon Dugré et Aurélie Zunino coordonnent la chaire ANCA (Aliment Nutrition Comportement Alimentaire), un projet d’AgroParisTech. Passionnées d’alimentation, de bonnes bouffes et des nouveaux moyens de communication, elles ont eu à cœur d’inventer un projet inspirant, positif et mobilisateur pour susciter le changement. Manon a même depuis passé son CAP cuisine !

Clémence Gouy est illustratrice et designer graphique, elle a créé l’identité visuelle et les illustrations.

Benjamin Hoguet, co-scénariste, est spécialiste des nouvelles formes de narration.

ISBN : 978-2-37 922-300-6

PRIX TTC FRANCE : 22 €

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