Éducation Canada - avril 2023 (Vol 63 No 2)

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Avril 2023 Vol. 63 No. 2 10 $ Publication 40031215 Disponible jusqu’au 15 septembre 2023 Pandémie et résilience langagière n Perturbation des apprentissages n Constat des ravages par le personnel enseignant En partenariat avec www.edcan.ca/fr TM MC Publié par EFFETS
EN
DE LA COVID-19
ÉDUCATION

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Table des matières

5 LE MOT DE LA RÉDACTION

Lettre ouverte à la COVID-19

6 VOIX DU RÉSEAU

Leçons tirées de la crise en éducation déclenchée par la COVID-19

Par Roda Muse

7 L’aptitude à la lecture chez les enfants reprend le droit chemin

Des constatations encourageantes en Alberta après trois ans de COVID-19

Par George K. Georgiou et Rauno Parrila

10 Pandémie et résilience langagière en contexte minoritaire francophone

Par Phyllis Dalley et Hannah Sutherland

14 De réaction à rétablissement

Des casse-têtes, des bateaux et la pandémie de COVID-19

Par Lesley Eblie Trudel et Laura Sokal

18 Effets des perturbations scolaires des années 2020 et 2021 sur les apprentissages des enfants du Québec

Par Sylvana Côté, Catherine Haeck, Simon Larose et collaborateurs

22 La COVID-19 et le dilemme de la perte d’apprentissage

Le danger de faire du rattrapage pour finir quand même par prendre du retard

Par Louis Volante et Don A. Klinger

25 Perspectives des élèves sur l’impact de la COVID-19 en éducation

Par Fiona Shen et Raeesa Hoque

28 La COVID-19 nous a beaucoup appris sur nos priorités

Après trois ans de pandémie, de quel soutien les écoles ontariennes ont-elles besoin?

Par Robin Liu Hopson et Jasmine Hodgson-Bautista

32 Perceptions du personnel enseignant à l’école primaire et secondaire québécoise des effets de la COVID-19 sur leurs élèves

Par Marion Deslandes Martineau, Patrick Charland et collaborateurs

CONTENU EXCLUSIF EN LIGNE www.edcan.ca/fr/magazine

Des écoles se prennent au jeu après la pandémie

Le Réseau canadien des écoles ludiques

Par Trista Hollweck, Megan Cotnam-Kappel, Andy Hargreaves et Amal Boultif

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avril 2023 n Vol. 63 no. 2 n www.edcan.ca/fr
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Dr. Alec Couros, Director, Centre for Teaching and Learning, University of Regina, Regina, SK

Nathalie Couzon, technopédagogue, Collège Letendre, Laval, QC

Grant Frost, President (Halifax County Local), Nova Scotia Teachers’ Union, Halifax, NS

Roberto Gauvin, Consultant en éducation chez Édunovis, Édunovis, Lac-Baker, NB

François Guité, consultant au ministère de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MEESR) du Québec, Québec, QC

Dr. Michelle Hogue, Assistant Professor and Coordinator of the First Nations Transition Program, University of Lethbridge, Lethbridge, AB

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Ancrés dans l’expérience et la perspective de l’éducation au Canada, nos articles, en anglais et en français, donnent voix aux enseignants, aux directeurs d’écoles, aux administrateurs et aux chercheurs, c’est-à-dire à un réseau croissant d’experts qui se penchent avec courage et honnêteté sur les enjeux actuels de l’école et de la pratique en classe. Pragmatique et accessible, fondé sur des données probantes, le magazine Éducation Canada jette des ponts entre politiques, recherche et pratique.

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Comité éditorial d’Éducation Canada

le mot de la rédaction

PAR GILBERTE GODIN

Lettre ouverte à la COVID-19

Très cher coronavirus,

Je parie que toi-même tu t’étonnes de tous les chambardements que tu as causés, et que tu causes encore, dans les systèmes d’éducation du monde entier.

Ton estime personnelle doit se trouver à son sommet considérant la prolifération de nouvelles politiques de santé publique, les consignes sanitaires, les commandes de matériel de prévention et tout le brouhaha de la vaccination des élèves, du personnel scolaire, des parents.

Lorsque tu t’es manifesté, aurais-tu pensé, ne serait-ce qu’un instant, que tu aurais autant de répercussions?

Au Canada, tu t’es propagé à un moment où l’école était déjà ébranlée par un manque de motivation notable des élèves, par un personnel scolaire fatigué, par des départs à la retraite en masse. Des pénuries de suppléants se pointaient déjà à l’horizon, allant parfois jusqu’à annuler les si précieuses journées de formation pour un personnel appelé à composer avec des besoins qui se complexifiaient de jour en jour. Et toi, COVID-19, tu as choisi ce moment-là pour t’installer!

Jamais avions-nous assisté à une telle créativité lexicale avec un nouvel arrivant : couvre-visage, coude-à-coude, écouvillons, immunité collective, délestage, asymptomatique, cas confirmés par liens épidémiologiques, comorbidité et combien d’autres encore. Le domaine scolaire a hérité de sa bonne part de néologismes d’occasion : contagiosité, distanciation, groupes-bulles, auto-isolement, doses de rappel, apprentissage en mode synchrone et asynchrone, en présentiel, partage d’écran, salle virtuelle, cotravail à domicile...

Ce numéro d’avril montre que malgré cet éboulis de nouveaux termes auxquels les jeunes ont été exposés, les élèves les plus faibles au primaire accuseraient

vraisemblablement d’importants retards en lecture, tandis que les plus forts ne se seraient pas trop laissés ébranler par tes humeurs pandémiques (Côté, Haeck, Larose et coll.), (p. 18).

Dans le domaine de l’évaluation, la recherche déplore le manque de données prépandémiques pour donner plus de validité à leurs études. Tout un paradoxe, car la période prépandémique souffrait selon certains d’un surplus d’évaluations! Qu’évaluait-on au juste pour que maintenant, il nous manque des données pour se comparer à avant?

Deslandes Martineau, Charland et coll. (p. 32) ont recueilli les perceptions du personnel scolaire quant aux effets que tu as eus sur les élèves. Verdict général : ta propagation aurait eu plus d’effets sur les compétences disciplinaires (math, français, sciences…) au primaire et davantage d’effets sur les habiletés scolaires (attention, organisation, résolution de problèmes) au secondaire.

Les élèves francophones auraient subi de façon mitigée les effets de ton invasion. (p. 10). Il est connu qu’en contexte minoritaire francophone au pays, l’école joue souvent le rôle compensatoire pour l’absence de services, de possibilités et de modèles langagiers en langue française. Selon Dalley, en fermant les écoles à répétition au point d’en altérer les systèmes de soutien nécessaires au perfectionnement d’une langue, tu aurais, entre autres, marqué des points contre l’apprentissage du français.

Et que dire des ravages que tu as faits sur le personnel enseignant? Trudel et Sokal (p. 14) les décline en cinq catégories allant de la mobilisation à l’inefficacité. Vraiment, COVID-19, tu aurais pu passer ton chemin. ÉC

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Roda Muse a plus de 20 ans d’expérience au sein de la fonction publique fédérale, où elle a occupé plusieurs postes de leadership. Elle a été conseillère scolaire de 2017 à 2022 pour le Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario.

RODA MUSE, secrétaire générale, Commission canadienne pour l’UNESCO

Leçons tirées de la crise en éducation déclenchée par la COVID-19

CES QUELQUES DERNIÈRES ANNÉES, plus de 90 % des élèves du monde entier ont subi les contrecoups des fermetures d’écoles engendrées par la pandémie de COVID-19. Cette situation, qui a créé une crise mondiale en éducation, nous rappelle à quelle vitesse les droits acquis peuvent être supprimés. Pour répondre à cette situation et pour aider les pays à atteindre les enfants et les jeunes vulnérables, l’UNESCO, l’agence des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, a lancé la Coalition mondiale pour l’éducation.

Au Canada, ces trois dernières années, les fermetures d’écoles ont touché quelque 5,7 millions d’élèves du primaire et du secondaire. Selon Statistique Canada, cette situation a eu d’importantes conséquences sur le succès scolaire, la santé mentale et physique, et le statut socioéconomique des enfants. Du point de vue de l’inclusion et de la diversité, la COVID-19 a été particulièrement dommageable dans certaines populations surreprésentées parmi les groupes vulnérables.

La Commission canadienne pour l’UNESCO (CCUNESCO) a réagi en réunissant des ressources éducatives en ligne gratuites et accessibles pour les partager avec les enseignantes et enseignants, les élèves et les parents de partout au pays. La CCUNESCO a aussi collaboré avec le Conseil des ministres de l’Éducation (Canada) pour appuyer le travail de collecte de données de l’UNESCO sur les conséquences de la pandémie sur l’éducation. Enfin, la CCUNESCO a récemment créé un groupe de travail où des expertes et des experts discutent des multiples répercussions de la pandémie dans les provinces et territoires.

Comme la plupart le savent, au Canada, l’éducation est une compétence provinciale et territoriale. Il est donc de la plus haute importance que nous discutions ensemble des leçons apprises et des occasions saisies durant la pandémie. Les innovations appliquées dans une région doivent être diffusées et soulignées à l’échelle du pays. Il importe aussi de discuter des difficultés persistantes rencontrées. Nous espérons poursuivre les échanges et la collaboration avec toutes les parties prenantes du milieu de l’éducation canadien. Nous devons travailler ensemble pour créer un avenir inclusif, accessible et durable pour l’éducation. ÉC

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voix du réseau

George K. Georgiou, Ph.D., est professeur à la Faculté d’éducation de l’Université de l’Alberta et membre du groupe de travail d’UNESCO Canada sur l’impact de la Covid19 en éducation. Ses recherches portent sur la prévention des difficultés de lecture et l’intervention précoce.

Rauno Parrila, Ph.D., est le directeur fondateur du Australian Centre for the Advancement of Literacy à la Australian Catholic University, Sydney. Ses travaux se penchent sur le développement typique et atypique des aptitudes en lecture et les facteurs cognitifs et environnementaux qui influencent l’apprentissage de la lecture de différents systèmes d’écriture.

L’aptitude à la lecture chez les enfants reprend le droit chemin

Des constatations encourageantes en Alberta après trois ans de COVID-19

VOILÀ PRÈS DE TROIS ANS, les gouvernements du monde annonçaient la fermeture des écoles pour protéger les élèves et les enseignants contre la COVID-19. Selon l’UNESCO (2020), plus de 1,5 milliard d’enfants de plus de 190 pays ont été renvoyés à la maison en mars 2020 pour recevoir, tout au plus, un enseignement à distance.

Depuis, les éducateurs, les parents et les décideurs politiques cherchent à savoir quels effets ces perturbations ont eus sur les compétences en lecture des enfants. Dans le présent article, nous approfondissons un rapport déjà présenté sur les résultats de lecture des enfants au cours des six premiers mois de la pandémie (Georgiou,

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EN ÉDUCATION
EFFETS DE LA COVID-19
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2021) pour intégrer de nouvelles informations provenant d’élèves de vingt écoles albertaines allant de la maternelle à la neuvième année, à partir de septembre 2019 jusqu’au retour à l’enseignement régulier en classe, en septembre 2022.

Constatations dans le reste du monde La plupart des études publiées dans différents endroits du monde indiquent que la COVID-19 a entraîné des répercussions importantes sur les compétences de lecture des enfants, surtout dans les premières années d’enseignement. Ainsi, dans une récente étude portant sur cinq millions d’élèves de la troisième à la huitième année aux États-Unis, Kuhfeld et coll. (2023) ont signalé que les résultats moyens de lecture à l’automne 2021, évalués selon une mesure normalisée, étaient de 0,09 à 0,17 écarts-types plus faibles que les résultats des mêmes niveaux à l’automne 2019. Si on les compare à la progression que connaissait un élève type à ces niveaux scolaires (avant la pandémie), ces baisses dans les notes d’examen représentent environ le tiers de la progression qui survient en une année. De même, en se fondant sur un échantillon d’enfants finlandais, Lerkkanen et coll. (2022) ont rapporté que la progression de la lecture, de la première à la quatrième année, était plus lente dans la cohorte qu’ils avaient suivie pendant la COVID-19 que dans la cohorte d’avant la pandémie.

Le même corpus de recherche a également dévoilé que les répercussions de la COVID-19 n’ont pas été les mêmes chez différents groupes d’élèves. Par exemple, les élèves de milieux socio-économiques moins favorisés (ou ceux d’écoles très défavorisées) semblent avoir été plus touchés que ceux issus de milieux socio-économiques plus favorisés. Certaines données sembleraient indiquer que les élèves aux prises avec des difficultés de lecture ont été plus touchés que ceux qui n’en avaient pas. Enfin, Kuhfeld et coll. (2022) ont trouvé qu’aux États-Unis, les répercussions de la COVID-19 ont été plus importantes chez les élèves hispaniques, noirs et autochtones (y compris ceux de l’Alaska) que chez les élèves blancs ou de souche asiatique1.

Constatations au Canada

Les données sur l’incidence de la COVID-19 chez les élèves canadiens sont encore lacunaires, et nous ne connaissons que deux études ayant porté sur le sujet, l’une menée en Alberta et l’autre, au Québec.

L’étude albertaine : Georgiou (2021) a comparé les résultats d’environ 4 000 élèves anglophones de la deuxième à la neuvième année en septembre 2020 (immédiatement après la réouverture des écoles) aux résultats d’élèves de mêmes niveaux lors des trois années précédant la fermeture. Il a trouvé que seuls les résultats des élèves plus jeunes (de deuxième et troisième années) avaient baissé, par rapport aux années précédentes. Il est intéressant de constater que les résultats des enfants plus âgés (de la quatrième à la neuvième année) sont restés les mêmes ou se sont améliorés pendant la pandémie. S’inspirant de ces constatations, le ministère de l’Éducation en Alberta a invité les écoles à évaluer la lecture chez tous leurs élèves de la première à la troisième année et a injecté un financement supplémentaire pour aider les établissements scolaires à effectuer des interventions en lecture auprès des enfants des premiers niveaux les plus touchés.

L’étude québécoise : Côté et Haeck (communication personnelle, 3 juin 2022) ont comparé les résultats d’élèves francophones de la quatrième année au Québec en se fondant sur les résultats des examens de lecture du ministère de juin 2019 (avant la pandémie) et ceux de juin 2021 (un an après le début de la pandémie). Ils ont trouvé une

baisse significative des résultats moyens des élèves entre les deux points de mesure (77,3 % en 2019, par rapport à 69 % en 2021).

De retour sur les rails?

Nous étudions depuis vingt ans la progression et les difficultés en lecture en Alberta. C’est pourquoi nous disposions de mesures dans de multiples écoles pour nous pencher sur les répercussions de la COVID-19. Aux fins du présent article, nous avons évalué :

• 20 écoles répertoriées dans trois divisions en Alberta.

• environ 6 500 élèves de la première à la neuvième année en septembre 2019, en septembre 2020, en septembre 2921 et en septembre 2022.

• les données de trois évaluations fondées sur des mesures normalisées (test d’habileté en lecture de mots-2, test de fluidité en lecture silencieuse de mots-2, test d’efficacité et de compréhension en lecture silencieuse).

Pour mieux comprendre l’incidence de la COVID-19, il faut diviser sa durée en trois périodes distinctes. La première s’étend de septembre 2019 à septembre 2020, c’est le moment où les écoles ont fermé pour une durée indéterminée après l’éclosion de la COVID-19, et que les enfants avaient seulement accès à l’enseignement à distance. La deuxième période (de septembre 2020 à septembre 2021) est l’année scolaire de la réouverture des écoles, où les enfants devaient rester de 10 à 14 jours en quarantaine s’ils avaient la COVID-19, et que des classes entières passaient du présentiel à l’enseignement à distance selon le nombre de cas positifs qu’elles renfermaient. Enfin, la troisième période (de septembre 2021 à septembre 2022) est celle où l’enseignement se déroulait surtout en présentiel, couplé d’interruptions relativement moins fréquentes.

• De septembre 2019 à septembre 2020 : Les résultats de lecture des élèves de la première à la troisième année ont baissé dans toutes les tâches. Les résultats des élèves de la quatrième à la neuvième année sont restés les mêmes ou ont connu une légère amélioration. Ces constatations reproduisent celles qu’a signalées Georgiou (2021).

• De septembre 2020 à septembre 2021 : Les résultats ont baissé à tous les niveaux scolaires, et de façon plus marquée en efficacité et en compréhension de lecture qu’en compétences de base en lecture. Des constatations semblables ont été rapportées par Kuhfeld et coll. (2022) auprès d’élèves aux États-Unis en employant différentes mesures d’aptitude à la lecture.

• De septembre 2021 à septembre 2022 : Les résultats se sont améliorés chez les élèves de tous les niveaux, pour se comparer à ceux obtenus pour les mêmes tâches avant la pandémie (en septembre 2019).

Ces constatations suggèrent qu’après trois ans de pandémie, les élèves de ces 20 écoles sont de retour sur la bonne voie.

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Les résultats encourageants dont témoignent nos écoles en Alberta rejaillissent positivement sur la politique mise en oeuvre par le ministère de l’Éducation.

Quatre clés pour le rattrapage

Quatre facteurs ont, à notre avis, aidé les élèves de cet échantillon à se remettre sur les rails. Ils sont résumés ci-dessous.

Des pratiques fondées sur des données probantes dans les écoles participantes

De toute évidence, nous n’aurions pas de données à présenter dans le présent document si ces écoles ne les recueillaient pas chaque année au moyen d’évaluations normatives. En outre, le personnel enseignant de ses écoles participe à nos séminaires continus de perfectionnement professionnel portant sur les meilleures pratiques d’enseignement de la lecture et nous a fait part de son expérience lors d’essais sur le terrain menés dans le cadre des communautés de pratique (voir Georgiou et coll., 2020, pour plus de précisions). Les directions d’école se sont réunies régulièrement pour discuter des résultats de leurs évaluations et repérer les domaines dans lesquels le personnel enseignant gagnerait à se perfectionner davantage. Précisons que les pratiques fondées sur les données probantes étaient en place dans ces écoles bien avant la COVID-19. Aussi, quand le ministère de l’Éducation en Alberta a invité les enseignantes et enseignants de la province à concentrer leur formation sur les capacités de base en apprentissage de la lecture (c.-à-d. la conscience phonologique, la phonétique, la fluidité en lecture), ceux de ces écoles n’ont pas eu à changer ce qu’ils pratiquaient déjà avec succès. Ces pratiques ont sans aucun doute eu un effet positif sur les capacités de lecture des élèves et a contribué à la rapidité de leur retour sur la bonne voie.

Dépistage précoce et intervention

Le ministère de l’Éducation en Alberta a exigé un dépistage auprès d’élèves de la première à la troisième année en pratiquant des évaluations fiables et valides de leurs capacités de base en lecture. Normalement, la plupart des divisions scolaires de la province se servaient de diverses évaluations comparatives pour dépister les élèves éprouvant des difficultés de lecture, en dépit de recherches démontrant qu’elles n’étaient ni fiables ni précises (Burns et coll., 2015; Parker et coll., 2015). Le ministère n’approuvait pas ces évaluations comme critère de financement supplémentaire. De plus, il a transmis un programme d’intervention en lecture à toutes les écoles de la province, comprenant 80 leçons de conscience phonologique et de phonétique, et il a invité les écoles à signaler la progression des élèves au fil du temps. À notre connaissance, il s’agit de la première instance où une province a mandaté toutes les écoles à procéder à un dépistage précoce en littéracie et leur a fourni du matériel d’intervention pour le faire. Ces deux politiques devraient se poursuivre à l’avenir.

Financement

Le ministère de l’Éducation en Alberta a fourni aux écoles un financement supplémentaire de 45 millions de dollars pour remédier aux pertes des acquis. À ce que nous sachions, il s’agit là de la plus grande aide financière au pays qui, si elle a servi aux fins proposées (des interventions), pourrait expliquer pourquoi les élèves des écoles que nous avons échantillonnées se sont rattrapés facilement. Le ministère a aussi subventionné des projets de recherche sur les interventions précoces, qui ont fourni de l’information utile sur les façons de remédier aux pertes des acquis. Dans l’un de ces projets, nous avons effectué des interventions auprès de 365 élèves de deuxième et troisième année éprouvant des difficultés en lecture. Au bout de 4 mois et demi, 80 % des élèves participants avaient progressé d’environ

un an et demi en lecture. Certains de ces enfants fréquentaient les écoles ayant fait l’objet de l’étude signalée précédemment. Le financement d’interventions fondées sur les données probantes, jumelé à un contrôle fréquent du progrès des élèves au moyen de mesures fiables et précises, devrait se poursuivre à l’avenir.

Discussions sur les pratiques fondées sur des données probantes Les discussions menées au pays sur les façons de remédier aux pertes des acquis ont attiré l’attention des enseignantes et enseignants sur les pratiques fondées sur les données probantes pour l’apprentissage de la lecture. Ainsi, l’une des recommandations données sur divers médias répondait à ce que souhaitent depuis longtemps les chercheurs en lecture : fournir un enseignement systémique et explicite de la phonétique dès les premières années scolaires. Cette recommandation fait désormais partie, elle aussi, du nouveau programme d’apprentissage de la langue anglaise en Alberta pour les premières années du primaire.

LES BONS RÉSULTATS de rattrapage proviennent d’écoles qui emploient des pratiques d’enseignement précoce de la littéracie fondées sur les données probantes et qui fournissent à leur personnel enseignant du perfectionnement professionnel sur ces pratiques qui ne sont peut-être pas abordées dans les programmes de formation.

À l’heure actuelle, nous ne disposons pas de renseignements fiables sur le rattrapage postpandémique des écoles qui tardent à adopter des programmes de littéracie précoce fondés sur des données probantes. En dernier lieu, les résultats encourageants dont témoignent nos écoles en Alberta rejaillissent positivement sur la politique mise en œuvre par le ministère de l’Éducation de la province. En instaurant le dépistage précoce, en finançant des interventions supplémentaires, en donnant aux écoles un accès à des évaluations fiables et à des programmes d’intervention efficaces, le ministère albertain a essentiellement donné suite au rapport de la Commission ontarienne des droits de la personne intitulé Le droit de lire. ÉC

NOTE

1 Ce sont les descriptions employées dans l’étude.

RÉFÉRENCES

Burns, M. K, Pulles, S. M. et coll. (2015). « Accuracy of student performance while reading leveled books rated at their instructional level by a reading inventory », Journal of School Psychology, 53, 437-445.

Georgiou, G. (2021). « Has COVID-19 impacted children’s reading scores? », The Reading League Journal, (2), 34–39.

Georgiou, G., Kushnir, G. et Parrila, R. (2020). « Moving the needle on literacy: Lessons learned from a school where literacy rates have improved over time », Alberta Journal of Educational Research, 66 (3), 347-359. doi.org/10.11575/ajer.v66i3.56988

Kuhfeld, M., Lewis, K. et Peltier, T. (2023). « Reading achievement declines during the COVID-19 pandemic: Evidence from 5 million U.S. students in Grades 3–8. », Reading and Writing, 36, 245-261. doi.org/10.1007/s11145-022-10345-8

Lerkkanen, M. K., Pakarinen, E. et coll. (2022). « Reading and math skills development among Finnish primary school children before and after COVID-19 school closure », Reading and Writing. https://link.springer.com/article/10.1007/s11145-022-10358-3

Parker, D. C., Zaslofsky, A. F. et coll. (2015). « A brief report of the diagnostic accuracy of oral reading fluency and reading inventory levels for reading failure risk among second- and third-grade students. », Reading & Writing Quarterly, 31(1), 56-67.

UNESCO. Éducation : de la fermeture des écoles à la reprise, 2020 https:// unesco.org/fr/covid-19/education-response

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EFFETS DE LA COVID-19 EN ÉDUCATION

Pandémie et résilience langagière en contexte minoritaire francophone

Phyllis Dalley est professeure en éducation en contexte minoritaire à l’Université d’Ottawa. Elle est également directrice fondatrice des Chantiers d’actions pour des Ffrancophonies inclusives (CARFfI.ca).

Hannah Sutherland est étudiante au doctorat à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa.

PAR PHYLLIS DALLEY ET HANNAH SUTHERLAND

DANS UNE PERSPECTIVE ÉCOLOGIQUE inspirée de la théorie du développement humain de Bronfenbrenner, la résilience est un processus engagé par des systèmes lorsqu’ils se trouvent en contexte d’adversité (Ungar, 2018). Dans le cadre de cet article, il est question de la résilience d’élèves pendant la pandémie de la COVID-19, et plus particulièrement de la résilience langagière en contexte minoritaire francophone.

Selon le modèle de Ungar (2018), chaque être humain est un système en soi, tout en étant un constituant d’autres systèmes. Ainsi, l’élève est un système en interaction avec d’autres – son école, sa ou ses communautés, sa famille, par exemple. C’est en interaction avec ces systèmes que l’élève se construit, construit son sens du monde et participe à la (re)production des autres systèmes.

La résilience est un processus ayant pour fin le retour du système individuel1 au bienêtre ou encore au mieuxêtre. La pandémie de la COVID-19 a placé des nations toutes entières en contexte d’adversité sanitaire. Nous avons vu comment elles ont su mobiliser diverses ressources internes (moyens financiers, savoirs, attitudes, capacités) et externes (vaccins, connaissances, alliéEs) au

Cet article contient des pronoms inclusifs.

sein d’un réseau de systèmes internationaux.

Dans ce grand branlebas, familles, parents, enfants, élèves, personnel enseignant et directions d’écoles ont pour leur part mobilisé des ressources internes et externes dans un processus de résilience enclenché par la fermeture des établissements scolaires et la création ad hoc d’un espace scolaire virtuel. Nous avons donc été en mesure de confirmer à quel point l’école est non seulement un espace d’apprentissage, mais également un système concomitant des systèmes familiaux et sociaux pour ce qui est de l’encadrement des enfants. Par ailleurs, la place de l’école dans la réduction des inégalités sociales s’est confirmée lors de la plus grande prise en charge de la scolarisation des enfants par les systèmes familiaux. Pensons, d’une part, à la plus faible disponibilité du réseau Internet et d’équipement informatique performants dans les foyers à faible revenu ou situés loin des centres urbains du pays. D’autre part, des familles ayant les ressources internes nécessaires ont créé des « cellules scolaires » et recruté une personne qualifiée en enseignement pour assurer la scolarisation continue de leurs enfants, cela alors que le système scolaire peinait à combler ses besoins en personnel enseignant et que d’autres enfants faisaient un minimum d’heures de classe virtuelle, avec ou sans la supervision ou l’ap-

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Individu (savoirs, attitudes, âge, genre, race, capitaux financiers, linguistiques et culturels, capacités)

Famille, communauté, amiEs, école, loisirs, centre communautaire, quartier...

Conseil/commission, scolaire, médias, hôpital, famille étendre, municipalité

Société, politiques, normes, cultures, langues, dominantes

pui d’un adulte à la maison. Cela rappelle la création de groupes de jeux par certains parents afin d’assurer la disponibilité d’un espace de langue française pour leurs enfants d’âge préscolaire en contexte anglodominé, ainsi que la tendance notée par la recherche dans le domaine du choix scolaire : seules certaines familles font un choix actif de l’école de leurs enfants. Ainsi, la mobilisation par un système, ici familial, de ressources internes et externes dépend en grande partie de leurs disponibilités, de leurs accessibilités et de leurs pertinences.

En contexte minoritaire francophone, il importe également de tenir compte de l’accessibilité à la langue française pendant la pandémie, et après. Nous savons déjà que dans les communautés francophones et acadiennes les plus anglodominées, l’école est le seul espace public où la langue française jouit d’un statut officiel plus important que celui de la langue anglaise, bien que cette dernière profite d’un statut social très élevé dans les interactions entre élèves. Cela est le cas par exemple à Halifax (Liboy et Patouma, 2021), à Toronto (Heller, 1994; Heller, 2006) et en Ontario de manière plus

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Figure 1 : L’interaction des systèmes humains (Adapté de Ungar,2018 et Bronfenbrenner,1979) PHOTO : ISTOCK

générale (Gérin-Lajoie, 2004), au Manitoba (Cormier, 2020) et à Vancouver (Levasseur, 2020). La mise de l’avant du concept de l’école communautaire citoyenne par la FNCSF (Fédération nationale des conseils scolaires francophones) en 2011 et l’identification du rôle sociolinguistique du système d’éducation à titre d’enjeu de taille par l’AEFO (Association des enseignantes et enseignants franco-ontariens) en 2022 confirment la centralité de l’école pour la résilience langagière communautaire en contexte anglodominé. Au sein de l’école, les élèves trouvent des espaces d’interaction sociale propices à une production et reproduction langagière contextualisée. La fermeture des écoles et des centres communautaires place donc les jeunes en contexte d’adversité langagière.

La pandémie a eu des conséquences importantes pour la santé mentale des adolescentEs (Vaillancourt et al., 2021), notamment en raison de l’isolement social qui a réduit de manière significative les contacts entre pairs. Même lorsque les mesures sanitaires ont été assouplies pour permettre la fréquentation en distanciation sociale, les jeunes en contexte minoritaire peuvent avoir rencontré des difficultés à créer des moments de rencontre avec leurs amiEs francophones, disperséEs sur un territoire dépassant les limites de leur quartier. En effet, bien que certaines communautés francophones ou acadiennes historiques occupent un espace géographique bien défini (la population brayonne de la ville d’Edmundston, acadienne de Pubnico ou franco-ontarienne de Hearst, par exemple), elles sont pour la plupart imbriquées dans une municipalité à majorité anglophone, diminuant ainsi les occasions de se voisiner en français. Dans de telles conditions, il devient nécessaire de faire le choix de mobiliser des ressources internes et externes qui peuvent soutenir la résilience langagière en français.

Des données récoltées en Ontario et à l’Île-du-Prince-Édouard en marge de communications à différents groupes du système scolaire, au Nouveau-Brunswick dans le cadre du volet recherche du Réseau canadien des écoles ludiques et d’une thèse de maitrise en Nouvelle-Écosse permettent de constater que la fermeture des écoles pendant la pandémie de la COVID-19 a eu un effet marquant sur la disponibilité et l’accessibilité de ressources externes et internes pertinentes à la résilience langagière de certains jeunes locuteurices de la langue française. Dans nos conversations le personnel enseignant et des parents en Ontario et à l’Île-du-Prince-Édouard ont dit avoir remarqué une diminution des capacités chez certains enfants et de la motivation chez d’autres à parler français au cours de la pandémie.

À l’élémentaire, le personnel enseignant de certains milieux a noté qu’un nombre plus important d’élèves qui n’ont pas fait la garderie en raison de la pandémie est entré à l’école avec peu ou aucune connaissance de la langue française. Le personnel enseignant d’une école, rencontré dans le cadre du colloque annuel de l’ACELF, estime que 70 % des élèves ne parlaient pas français à leur arrivée à l’école en septembre 2022.

Au secondaire, là où les élèves passaient de l’anglais au français lorsqu’un membre du personnel enseignant était à proximité dans les couloirs de l’école, après deux ans de bris dans la coprésence, cet automatisme semblait avoir généralement disparu au retour à l’école en présentiel. Par ailleurs, des enseignantEs ont rapporté que certains élèves refusaient tout bonnement de parler français en salle de classe, même avec le personnel. Une étude de maitrise menée auprès de trois jeunes du secondaire en Nouvelle-Écosse nous informe sur les facteurs qui peuvent avoir contribué à de tels changements et en quoi l’école en présentiel agit à titre de système concomitant en appui au processus de résilience langagière des élèves (Sutherland, 2022).

Trois jeunes en fin d’études secondaire dans des écoles dispersées sur le territoire de la Nouvelle-Écosse ont participé à des conversations

narratives individuelles en ligne au cours de la deuxième année de la pandémie de la COVID-19. Malgré des profils socio-langagiers distincts, chacunE2 a témoigné de l’importance de l’école pour leur résilience langagière (Sutherland, 2022). Les ressources qu’iels mobilisent au sein de l’école sont l’accès au français scolaire dans les cours de français, la légitimation de la variété locale du français (l’acadjonne) par certains membres du personnel et les activités parascolaires. L’école de langue française met donc à disposition de ces élèves trois espaces dans lesquels circulent différentes ressources langagières (l’interaction en français scolaire, en acadjonne et le parler des jeunes) et normes de communication en français. Bien que l’acadjonne soit disponible pour deux de ces élèves à la maison – la dernière parlait un français plus près de la norme scolaire avec ses parents –, la pandémie a fortement réduit l’accès quotidien de ces jeunes au français scolaire et aux interactions avec leurs pairs en français.

Lors de la fermeture de leurs écoles, les élèves des écoles de langue française ont eu accès à un nombre réduit de cours. Les cours de français ont été maintenus, mais l’accessibilité au français scolaire s’est néanmoins trouvée réduite, la tendance s’étant déplacée vers un enseignement plus magistral que participatif. Les personnes rencontrées par Sutherland ont relevé la pertinence de l’interaction en classe de français en particulier pour leur accès à la langue scolaire. Considérant que cette variété linguistique était, pour deux d’entre iels, illégitime en milieu familial et communautaire, mais nécessaire à leur légitimité à titre de francophones à l’extérieur de ces milieux, l’interaction en français scolaire s’est avérée une ressource nécessaire à la résilience langagière postsecondaire pour ces élèves.

Par ailleurs, les élèves ont témoigné de l’importance d’un espace où le français est de mise, puisque leur propension à utiliser la langue dominante avec leurs pairs a fait qu’en l’absence d’activités parascolaires organisées par l’école, iels se sont tournées vers les médias sociaux pour communiquer avec leurs amiEs. Or, iels utilisent majoritairement, si non uniquement, l’anglais dans l’espace de socialisation numérique. Pour ces personnes, la fermeture de l’école pendant la pandémie s’est traduite en retrait d’espaces d’interaction sociale pertinents à la production et reproduction langagière contextualisée du/des français.

Or, contrairement à un nombre grandissant de jeunes évoluant en contexte minoritaire, celles rencontrées par Sutherland avaient accès à des ressources en langue française dans leurs familles et dans leurs communautés respectives. Iels comptent également parmi les jeunes qui mobilisent les activités parascolaires de l’école comme ressource pour leur résilience en général et pour leur résilience langagière en particulier. En Ontario, des parents de milieux davantage minorisés, mais qui utilisent le français à la maison et mobilisent des ressources de langue française dans leurs interactions avec leurs enfants, ont remarqué pour leur part que leurs enfants ont parlé et fait la lecture

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...la fermeture de l’école pendant la pandémie s’est traduite en retrait d’espaces d’interaction sociale pertinents à la production et reproduction langagière contextualisée...

plus fréquemment en français. Cela aurait eu pour conséquence une amélioration de leur vocabulaire en langue française et une capacité améliorée à passer d’une situation de communication translangagière (la mobilisation créative par des plurilingues de l’ensemble de leurs ressources linguistiques pour créer du sens et communiquer un message) à une situation unilingue.  La fermeture de l’école aurait-elle éloigné leurs enfants d’un espace de socialisation entre jeunes où le français est peu mobilisé (les couloirs de l’école, par exemple) et ainsi contribué à leur résilience langagière en français?

En contexte minoritaire, la société environnante ne peut assurer aux élèves et à leurs familles un accès soutenu aux ressources langagières et linguistiques distribuées par l’école de langue française. De ce fait, le potentiel de cette dernière à titre de ressource externe pour la résilience langagière des élèves est grand. Dans les conditions actuelles, elle ne peut jouer pleinement ce rôle en contexte de pandémie ou d’apprentissage en ligne. Par ailleurs, certaines données anecdotiques suggèrent qu’elle contribue négativement à la résilience langagière de certains élèves. Il y a donc encore beaucoup à apprendre au sujet de l’interaction entre l’école et les autres systèmes de l’écologie langagière des élèves ainsi que sur l’apport de cette interaction sur la résilience langagière à court et à long terme. ÉC

NOTES:

1 Gauvin -Lepage et Lefebvre (2010) font leurs recherches au niveau de la résilience familiale. Dans ce contexte, les ressources internes appartiennent à la famille et les ressources externes sont situées dans les systèmes qui les entourent.

2 Ces personnes étaient de sexe féminin, mais leur identité de genre n’ayant pas été dévoilée ou discutée lors des conversations narratives, nous privilégions l’écriture neutre avec des accords au féminin lorsqu’il est question d’iels.

RÉFÉRENCES

Bronfenbrenner, U. (1979). The Ecology of Human Development: Experiments by Nature and Design. Harvard University Press, Cambridge.

Cormier, G. (2020). Perspectives et définitions scolaires de l’identité linguistique en milieu minoritaire : comment les établissements scolaires de langue française répondent-ils aux besoins des élèves du 21e siècle face aux nombreuses transformations sociales, culturelles et démographiques en cours? Éducation et francophonie, 48(1), 53–72. https://doi.org/10.7202/1070100ar

Gérin-Lajoie, D. (2004). La problématique identitaire et l’école de langue française en Ontario. Francophonies d’Amérique, (18), 171–179. doi.org/10.7202/1005360ar

Heller, M. (1994). Crosswords: Language, education, and ethnicity in French Ontario. Mouton de Gruyter.

Heller, M. (2006). Linguistic minorities and modernity: A sociolinguistic ethnography (2e éd.). Continuum.

Levasseur, C. (2020). Être plurilingues et francophones : représentations et positionnements identitaires d’élèves de francisation à Vancouver. Éducation et francophonie, 48(1), 93–121. doi.org/10.7202/1070102ar

Liboy, M.-G., et Patouma, J. (2021). L’école francophone en milieu minoritaire estelle apte à intégrer les élèves immigrants et refugies récemment arrives au pays? Canadian Ethnic Studies Journal, 53(2), 23-40.

Sutherland, H. (2022). De l’insécurité linguistique à la résilience linguistique : le rôle de l’école de langue française dans la formation de la résilience linguistique des adolescents [thèse de maîtrise, Université d’Ottawa]. RechercheuO. https://ruor.uottawa.ca/handle/10393/43860

Vaillancourt, T., Beauchamp, M., Brown, C., Buffone, P., Comeau, J., Davies, S., igueiredo, M., Finn, C., Hargreaves, A., McDougall, P., McNamara, L., Szatmari, P., Waddell, C., Westheimer, J. et Whitley, J. (2021). Les enfants et les écoles pendant la COVID-19 et au-delà : interactions et connexion en saisissant les opportunités. Société royale du Canada. https://rsc-src.ca/sites/default/files/C%26S%20PB_FR.pdf

Ungar, M. (2018). Systemic resilience: Principles and processes for a science of change in contexts of adversity. Ecology and Society, 23(4). doi.org/10.5751/ES-10385-230434

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EFFETS DE LA COVID-19 EN ÉDUCATION

De réaction à rétablissement Des casse-têtes, des bateaux et la pandémie de COVID-19

Lesley Eblie Trudel, Ph. D., a été directrice adjointe dans des écoles primaires et secondaires. Elle est actuellement doyenne associée à la faculté d’éducation de l’Université de Winnipeg. Elle travaille ardemment à renforcer les liens entre la recherche et la pratique.

Laura Sokal, Ph. D., est professeure en sciences de l’éducation à l’Université de Winnipeg. Elle a publié trois ouvrages et près de 80 articles sur des enjeux psychosociaux dans le domaine de l’éducation, mais le travail qu’elle préfère est encore l’enseignement.

Récemment encore, elles avaient été de proches collègues et amies. Et voilà que Morgan, Ashley, et Mackenzie se retrouvaient sur le seuil de la porte de leurs classes, à une distance physique qui leur rappelait brutalement la frontière émotionnelle les séparant désormais. Dans un élan de compassion après plus d’un an de conditions pandémiques, Ashley s’est exclamée : « J’aimerais tellement que les administrateurs sachent ce que nous ressentons actuellement. Je ne me suis jamais sentie aussi découragée ni isolée. Une autre journée pédagogique sur les méthodes du distanciel est bien la DERNIÈRE chose dont j’ai besoin. »

Morgan acquiesça : « Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est d’écoute et de respect – et d’une pause. Ouais, une pause serait bienvenue. J’en ai assez! ». Mackenzie, elle, ne disait rien. Elle avait attendu avec hâte cette journée pédagogique. L’enseignement à distance lui avait semblé une interruption souhaitable du statu quo, et après un peu de difficultés, elle s’y était adonnée entièrement, avec un sentiment de réussite. Elles se sont regardées toutes les trois, dans un silence prolongé. Puis la cloche a sonné. Le travail reprenait.

EN AVRIL 2020, quand est survenue la pandémie de COVID-19, la fermeture des écoles à l’échelle planétaire a déclenché une période de bouleversement historique. Au Canada, cette fermeture, prévue pour quelques semaines, a finalement duré plusieurs mois, alors que

les écoles composaient avec les vagues déferlantes de la pandémie et que le personnel enseignant a dû se repositionner pour passer du présentiel au distanciel et adopter constamment de nouvelles pédagogies. Le présent article se penche sur une étude financée par le CRSH (Babb et coll., 2022) que notre équipe de recherche a lancée en avril 2020 et qui est toujours en cours. Nous avons interrogé 2 000 enseignants canadiens pendant près de trois années de pandémie afin de comprendre plus profondément leurs expériences, à la lumière des exigences auxquelles ils devaient alors se conformer et des ressources qu’on leur offrait comme soutien.

L’enseignement au cours des premiers mois de la COVID-19

Les premières données d’entrevues recueillies auprès des enseignants canadiens au début de la pandémie ont démontré que l’équilibre était difficile à maintenir (Eblie Trudel et coll.). Bien des élèves n’avaient pas un accès adéquat à la technologie, manquaient de soutien à la maison dans leur langue d’enseignement et recevaient moins d’aide pour relever les défis liés à de nouveaux besoins d’apprentissage. Bon nombre de parents, déjà débordés sous le poids du travail et de la garde de leurs enfants, étaient dépassés ou incapables d’appuyer leurs jeunes dans leur éducation. De surcroît, les enseignants se débattaient pour prioriser les besoins

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PHOTOS : ISTOCK

de base des élèves, tisser des partenariats essentiels entre l’école et les familles, et puiser la confiance qui leur était nécessaire pour stimuler les jeunes avec de nouveaux modes d’enseignement.

Au fil de notre recherche, nous avons constaté que les enseignants répondaient de façon prévisible aux critères des deux modèles d’épuisement professionnel généralement reconnus qui balisaient notre étude, et qu’ils exprimaient de façon fort diversifiée leur appréciation de l’enseignement en temps de pandémie. Le modèle des exigences et des ressources en matière d’emploi (Bakker et Demerouti, 2007) nous a permis de prendre conscience que les expériences variées, mais uniques qu’ils vivaient menaient certains enseignants à l’épuisement professionnel, en raison d’exigences accrues et de ressources de soutien inadéquates. Un modèle établi par Maslach et Jackson (1981) nous a permis d’estimer l’évolution de l’épuisement le long d’un spectre associé à des périodes de stress professionnel, en notant les dimensions d’épuisement, de dépersonnalisation, ou de cynisme, et d’accomplissement réduit sur le plan professionnel. Nous avons observé que l’épuisement pouvait être attribuable à des exigences particulières que la personne associait à un rôle précis, et que la perte d’efficacité pouvait résulter du manque de ressources pour répondre à ces exigences. Certains enseignants épuisés se sont isolés des élèves et de leurs collègues, ou évitaient complètement le travail, des comportements associés à la dépersonnalisation (un sentiment de perte de sens de soi-même) ou au cynisme dans la documentation sur l’épuisement professionnel. Compte tenu de l’influence potentielle de cet isolement sur la réussite et le bienêtre des élèves, il est apparu que de nouvelles solutions pour réduire le stress des enseignants et améliorer leur adaptation seraient vitales pour assurer un enseignement de qualité et éviter l’épuisement professionnel.

Un casse-tête insoluble en lui-même

Parce qu’elle supposait que le processus de recherche se comparait à l’assemblage d’un grand casse-tête, notre équipe a tenté de recourir aux méthodes statistiques traditionnelles pour brosser un portrait concis de l’adaptation des enseignants tout au long de la pandémie. Mais il s’est révélé difficile de peindre une image claire de l’expérience des enseignants. Au moment même où nous pensions avoir compris les tendances, de nouvelles données nous parvenaient, incongrues, tout comme si l’on cherchait à résoudre un casse-tête avec des pièces provenant d’autres casse-tête, pièces qui ne s’inséraient pas dans l’ensemble. En passant à un nouveau type d’analyse statistique, nous avons découvert qu’il s’agissait, en fait, de cinq casse-tête différents à examiner. Nos constatations ont révélé cinq profils (ou modèles) distincts de réactions à l’enseignement en temps de pandémie, chacun étant relié à différentes combinaisons d’exigences selon les rôles ainsi qu’à l’accès à des ressources personnelles ou fournies par l’employeur (voir la figure 1).

Cinq casse-têtes

Plus précisément, nous avons isolé deux groupes d’enseignants qui s’épanouissaient, que nous avons nommés « mobilisés » et « impliqués ». Même s’ils éprouvaient des niveaux d’épuisement modérés et percevaient que les exigences étaient élevées, les enseignants de ces deux groupes accédaient à un plus grand nombre de ressources

et affichaient des niveaux d’accomplissement personnel plus grands que les autres sujets de l’étude. Tout comme Mackenzie dans notre scénario de départ, ces enseignants bénéficiaient de soutien pour répondre aux exigences de leur travail en période de pandémie, même si les enseignants « impliqués » étaient légèrement plus repliés sur eux-mêmes que les enseignants « mobilisés ».

Un troisième groupe d’enseignants frôlaient l’épuisement professionnel et ont été reconnus comme étant « surchargés ». Comme Morgan, ils faisaient face à un certain manque de ressources pour répondre aux exigences de leur travail et se trouvaient à un seuil critique avant les symptômes d’épuisement. Ils éprouvaient les niveaux d’épuisement presque les plus marqués et se repliaient modérément sur eux-mêmes, mais affichaient encore de hauts niveaux d’accomplissement personnel. Enfin, nous avons isolé deux autres catégories d’enseignants qui éprouvaient des niveaux d’épuisement allant de modérés à élevés et se sentaient nettement repliés sur eux-mêmes. Tout comme Morgan, les enseignants de ces groupes dépérissaient et présentaient des symptômes d’épuisement professionnel. Nous les avons désignés comme étant « détachés » et « inefficaces », ces derniers ayant affiché les plus faibles niveaux d’accomplissement personnel. Nos partenaires du Réseau ÉdCan ont communiqué ces résultats au moyen d’un article et d’un document infographique (tous deux en anglais).

De façon plus significative, nous avons trouvé que, dans chaque groupe, ce n’était pas le nombre d’exigences ou de ressources qui prédisait l’épuisement professionnel, mais plutôt le ratio des ressources par rapport aux exigences qui prédisait le niveau de stress et d’épuisement perçu par les enseignants. Ce constat a renversé la pensée voulant que tous les enseignants étaient dans « le même bateau »

de l’Inventaire du burnout de Maslach (MBI) Sondage auprès d’éducateurs

pendant la pandémie. Certains filaient dans des yachts tandis que d’autres flottaient sur des radeaux. Certains naviguaient sous de bons vents, d’autres subissaient d’affreuses tempêtes. Tout dépendait s’ils disposaient ou non des ressources adéquates pour répondre aux exigences de leur contexte d’enseignement spécifique.

La résolution des cinq casse-tête

Des travaux ultérieurs menés avec nos partenaires d’une grande division scolaire du Manitoba nous ont permis de dégager des observations comparatives sur les données nationales et provinciales. Nous avons été inquiets de découvrir que 46 % des enseignants du Manitoba affichaient des schèmes propres aux deux groupes en difficulté, comparativement à une proportion de à 27 % à l’échelle canadienne.

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Mobilisés Impliqués Surchargés Détachés Inefficaces 6 5 4 3 2 1 0 Épuisement
Dimension
Scor e moyen du MBI Sondag e aupr ès d ’é ducat eu rs
Dépersonnalisation Accomplissement
Figure 1 : Cinq catégories d’adaptation chez les enseignants

En fait, une plus grande proportion d’enseignants canadiens atteignait le seuil critique dans le groupe dit « surchargé », alors que de plus nombreux enseignants manitobains étaient déjà passés à l’étape du détachement et de l’inefficacité. Quand le gouvernement du Manitoba a été informé de ces constatations, il a accordé plus d’un million de dollars à nos partenaires de l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM) (mbwpg.cmha.ca/) dans la province pour améliorer le bienêtre des personnes et des organisations du secteur de l’éducation. L’ACSM a établi un site Web (careforallineducation. com/fr/) pour aider tous les travailleurs en éducation du Manitoba, notamment les enseignants, à accéder en temps réel, par téléphone ou clavardage, à des spécialistes du bienêtre. L’ACSM a aussi mis au point une série d’ateliers dans le cadre d’un mécanisme d’intervention multiniveau. Cette initiative a reconnu la nécessité pour les particuliers, les administrateurs, les organisations et le gouvernement de travailler conjointement pour faire en sorte que le secteur de l’éducation reçoive le soutien indispensable à son rétablissement et à son développement

Bakker et de Vries (2021) ont constaté que s’ils bénéficiaient du soutien des organisations scolaires, les enseignants avaient plus de chance de préserver leur résilience sur le plan personnel, tout en assumant leurs responsabilités professionnelles. Non seulement pouvaient-ils adopter eux-mêmes des stratégies d’adaptation individuelles (délimiter le temps et l’espace de travail, adopter une saine alimentation et de meilleures habitudes de sommeil, faire de l’exercice et pratiquer l’autocompassion), mais ils pouvaient aussi prendre part à des programmes systémiques de bienêtre en milieu de travail.

Les occasions simultanées fournies par l’employeur qui répondaient le mieux aux besoins particuliers du groupe des enseignants épanouis étaient notamment :

• l’encadrement professionnel (meilleur contrôle sur le travail, variété des tâches et transparence);

• les possibilités de mentorat;

• les changements positifs de rôles;

• plus de ressources, telles que le perfectionnement professionnel pour s’engager plus profondément dans le travail au quotidien et en rehausser la qualité.

Les interventions recommandées sur le plan individuel auprès d’enseignants se trouvant sur le seuil critique, dépérissant ou subissant une tension quant à leur rôle pourraient comprendre les suivantes :

• réduire le fonctionnement multitâche;

• limiter les distractions;

• réserver du temps pour les tâches prioritaires;

• planifier des pauses « débranchées » et du repos;

• se concentrer sur les activités non professionnelles après le travail.

Il est important de rappeler que les employés ne peuvent pas se remettre du stress dans des milieux de travail où règne un déséquilibre entre les exigences et les ressources. Aussi, il est essentiel d’apporter des changements simultanés dans le milieu de travail pour faciliter et encourager des stratégies individuelles qui mènent au rétablissement et au ressourcement. Voici les stratégies suggérées en matière de leadership  :

• rehausser la communication et la collaboration pour mieux déterminer les niveaux de stress du personnel;

• mettre en place des programmes de ressources humaines qui favorisent le rétablissement et le bienêtre;

• élaborer des politiques ou des processus qui permettent aux

employés de se débrancher du travail quotidien et de profiter de leur temps libre.

L’idée maîtresse de ce scénario est que les enseignants peuvent pratiquer l’autorégulation en cernant leur niveau de stress, pour ensuite choisir activement des stratégies individuelles et organisationnelles afin de mieux s’adapter et d’optimiser leur bienêtre. Pour y parvenir, cependant, il est fondamental de concevoir l’épuisement professionnel comme une responsabilité collective, plutôt qu’individuelle, et de pratiquer des interventions sur le plan personnel et organisationnel.

Plusieurs bateaux sous une seule tempête Holmes et ses collaborateurs (2020) ont reconnu l’importance de concevoir le stress que vivent les enseignements comme un moyen pour mieux soutenir le secteur de l’éducation. Comme l’a exprimé une personne interviewée : « Les enseignants vivaient la pandémie de façons différentes. Certains s’épanouissaient et épousaient les nouveautés de l’enseignement et de la technologie, alors que d’autres vivaient un traumatisme et des tensions, regrettant les pratiques prépandémiques. » En nous dotant d’une meilleure connaissance des diverses réactions d’adaptation survenues pendant la pandémie, notre recherche a démontré qu’on pouvait aider les enseignants à comprendre et à repérer leurs facteurs de stress et les mesures de soutien dont ils ont besoin, et leur donner ainsi l’accès, lorsque cela est nécessaire, à des ressources supplémentaires les aidant à faire face et à faire contrepoids à la tension inhérente aux exigences de leur travail. Qui plus est, en s’appuyant sur ces connaissances, les conseils scolaires et les organismes intervenants pourraient être mieux préparés à fournir du soutien et des ressources afin d’aider les employés à concilier ou réconcilier leur travail et leur vie personnelle, et à rehausser ou à retrouver leur bienêtre. Notre équipe assure une veille et poursuit sa recherche avec l’ACSM pour évaluer l’efficacité des ressources personnelles et organisationnelles pour favoriser le bienêtre à mesure que se poursuit la reprise postpandémique. Nous savons maintenant que les enseignants ne sont pas tous dans le même bateau en naviguant dans leur travail et dans leurs rôles, et qu’une série d’interventions collectives sera nécessaire si l’on veut qu’ils arrivent à bon port en toute sécurité. ÉC

RÉFÉRENCES

Babb, J., Sokal, L. et Trudel, L. E. (2022). « THIS IS US : Latent profile analysis of Canadian teachers’ resilience and burnout during the COVID-19 pandemic », Revue canadienne de l’éducation, 45(2), 555-585. doi.org/10.53967/cje-rce.v45i2.5057

Bakker, A. B. et Demerouti, E. (2007). « The job demands-resources model: State of the art », Journal of Managerial Psychology, 22(3), 2007, 309-328. doi.org/10.1108/02683940710733115

Bakker, A. et de Vries, J. (2021). « Job Demands-Resources theory and selfregulation: New explanations and remedies for job burnout », Anxiety, Stress & Coping, 34(1), 1-21. doi.org/10.1080/10615806.2020.1797695

Trudel, L. E, Sokal, L. et Babb, J. (2021). « Teachers’ voices: Pandemic lessons for the future of education », Journal of Teaching and Learning, 15(1), 2021. doi.org/10.22329/jtl.v15i1.6486

Holmes, E., O’Conner, R. et coll. (2020). « Multi-disciplinary research priorities for the COVID-19 pandemic: a call for action for mental health sciences », Lancet Psychiatry, 7(6), 547-560. doi.org/10.1016/S2215-0366(20)30168-1

Maslach, C. et Jackson, S. E.  (1981). « The measurement of experienced burnout », Journal of Occupational Behaviour, 2(2), 99-113. doi.org/10.1002/job.4030020205

Sokal, L., Trudel, L. E. et Babb, J. (2020a). « It’s okay to be okay too. Why calling out teachers’“toxic positivity” may backfire », Education Canada, 60(3), www.edcan.ca/articles/its-ok-to-be-ok-too

Sokal, L., Trudel, L. E. et Babb, J. (2020b). « COVID 19: Supporting teachers in times of change », Education Canada, Infographic Series.

https://edcannetwork.wordpress.com/2020/09/02/teacher-covid-survey

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EFFETS DE LA COVID-19 EN ÉDUCATION

Sylvana Côté est Psychologue de formation, professeure titulaire à l’École de Santé Publique de l’Université de Montréal et Chercheure au CHU Ste-Justine. Elle dirige le Groupe de Recherche sur l’Inadaptation Psychosociale chez l’enfant (GRIP) et l’Observatoire pour l’Éducation et la Santé des Enfant (OPES), et co-dirige le réseau des déterminants périnataux de la santé de l’enfant.

Simon Larose est professeur titulaire à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval et responsable de l’axe éducation de l’Observatoire Pour l’Éducation et la Santé des enfants (OPES). Il a réalisé de nombreuses recherches auprès de jeunes du primaire, secondaire et collégial sur des thèmes comme les transitions scolaires, l’accueil, l’intégration et l’inclusion, le mentorat et le tutorat et les déterminants psychosociaux de la réussite scolaire.

Catherine Haeck est professeure titulaire au département de sciences économiques de l’Université du Québec à Montréal. Elle se spécialise en économie de l’éducation et en économie du travail et dirige l’axe Compétences au CIRANO. Sa recherche se concentre sur le capital humain des enfants et des jeunes, et sur la transmission intergénérationnelle du revenu et de l’éducation.

Effets des perturbations scolaires des années 2020 et 2021 sur les apprentissages des enfants du Québec

PAR SYLVANA CÔTÉ, CATHERINE HAECK, SIMON LAROSE, ET COLLABORATEURS

LA COVID-19 ET LES MESURES mises en place afin d’en limiter la propagation ont affecté la quantité et la qualité des enseignements et des services offerts par les écoles. Ces mesures incluent la fermeture complète des écoles canadiennes dès la mi-mars 2020, l’enseignement et le soutien à distance en mode urgence, la création de bullesclasses et la fermeture temporaire de classes pour contrôler les éclosions. Selon le Conseil supérieur de l’éducation du Québec (2021), les perturbations scolaires pourraient mener à un appauvrissement des connaissances et compétences acquises par les enfants, notamment chez les plus vulnérables. D’un point de vue économique, des retards d’apprentissage chez les enfants des écoles primaires et secondaires au Canada pourrait entraîner

des pertes s’élevant à près de 2 500 milliards de PIB sur 80 ans, soit des pertes de PIB de 1,5 % jusqu’à la fin du siècle (Hanushek et Woessmann, 2022). Plus récemment, le Fonds monétaire international a estimé à 3 % du PIB l’impact des fermetures d’écoles sur l’économie des pays du G20.

Un nombre croissant de données concernant les effets des perturbations scolaires sur les apprentissages sont devenues disponibles au cours des années 2021-2023. Une revue systématique pré-enregistrée sur le sujet indique que les résultats varient en fonction du contexte social et scolaire dans lequel les perturbations ont eu lieu, et de la façon dont elles ont été gérées. Selon cette méta-analyse de 42 études dans 15 pays, un déficit d’apprentissage

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global substantiel (d = −0,14 de Cohen, intervalle de confiance à 95 % −0,17 à −0,10) est apparu au début de la pandémie et persiste dans le temps. Les déficits d’apprentissage sont particulièrement importants chez les enfants issus de milieux socio-économiques défavorisés. Ils sont également plus importants en mathématiques qu’en lecture et dans les pays à revenu moyen par rapport aux pays à revenu élevé.

Bien que les effets de la COVID-19 sur les apprentissages préoccupent le gouvernement canadien, il semble que peu de données nationales soient disponibles. Au Québec, l’Observatoire pour l’Éducation et la Santé des enfants (OPES), en collaboration avec le ministère de l’Éducation, a réalisé une collecte de données afin de mesurer les apprentissages en lecture des enfants québécois terminant leur 4e année du primaire en 2021. Ces enfants ont été exposés, entre mars 2019 et juin 2021, à 15 mois de perturbations scolaires découlant des mesures sanitaires pour contrer la propagation de la COVID-19.

L’objectif était de comparer le niveau d’apprentissage des enfants en 2021 à celui des enfants de 4e année de 2019 (non exposés à la pandémie). Nous avons testé la possibilité que les écarts d’apprentissage entre les cohortes varient selon le sexe de l’enfant, son statut de risque en lecture et son milieu socio-économique et selon le nombre de journées de fermeture des classes.

Méthodologie

En avril 2021, tous les centres de services scolaires francophones et publics (n=60) de la province ont été invités à participer à une étude visant à comprendre l’effet des fermetures scolaires sur la performance en lecture en 4e année. La participation des écoles était volontaire. Les analyses ont porté sur les 10 317 élèves en 2021 et 13 669 élèves en 2019 des mêmes écoles, pour un total de 23 986 élèves.

Les variables étudiées

Les apprentissages ont été mesurés à partir de l’épreuve obligatoire de français, langue d’enseignement. L’épreuve était la même que celle administrée avant la pandémie de COVID-19 : l’épreuve de juin 2019.

L’évaluation de la lecture en 4e année comporte deux tâches, soit celle sur le texte littéraire et celle sur le texte courant. Une seule des deux épreuves a été administrée dans cette étude : celle portant sur le texte courant. Il s’agit d’une épreuve d’une durée de 2 h 30 durant laquelle les élèves doivent lire un texte courant de 1 000 mots et répondre à 12 questions par des réponses courtes. La correction de l’épreuve s’est faite de manière centralisée, chaque copie ayant été corrigée deux fois par des employés de la Direction de la sanction des études (DSE) du MÉQ.

Le sexe de l’enfant et l’indice de Milieu socioéconomique1 (IMSE) de l’école ont servi de variables indépendantes.

Le nombre de jours où les classes ont été fermées au cours de l’année scolaire 2020-2021, moins de 15 jours de fermeture ou plus de 15 jours a été utilisée dans les analyses.

Calcul des écarts d’apprentissage

Pour estimer les écarts d’apprentissage entre 2019 et 2021, nous utilisons un modèle linéaire incluant des effets fixes concernant l’école. Le modèle prend la forme suivante :

Yiet=ɑ +β Cohortt2021 + γBoyi + θe + εiet

où Yiet est le résultat de l’élève i dans l’école e lors de l’année t. Le terme Cohortt2021 est une variable indicatrice égale à un en 2021 et zéro en 2019. Les effets fixes d’écoles sont captés par θe. Le sexe de l’élève est contrôlé via Garçoni and εiet iest le terme d’erreur. Les écarts-types

sont calculés pour tenir compte de la plus forte corrélation dans les résultats des enfants d’une même école (analyse par grappes). Ainsi, le coefficient β permet de capter les effets des perturbations scolaires selon certaines hypothèses. La possibilité d’interactions entre l’IMSE, la performance et le sexe de l’enfant a été investiguée.

Nos résultats

On observe une baisse de 8,3 points de pourcentage en moyenne en lecture entre juin 2019 et juin 2021. La taille de cet écart varie en fonction de la performance des enfants à l’épreuve : elle est élevée pour le décile inférieur de performance (c.-à-d. 20 pp); moyenne pour les déciles intermédiaires (p. ex., 10 pp au 4e décile); et nulle pour les 2 déciles supérieurs de performance. Les garçons ont des pertes légèrement plus prononcées que les filles (1,4 point de percentile).

Le personnel scolaire et la promotion de l’égalité des chances

Nous avons comparé les apprentissages en lecture mesurés par le biais d’une épreuve ministérielle (n=10 880 élèves de 9-10 ans) avec ceux des enfants des mêmes écoles (n=13 669) ayant fait la même épreuve en 2019. Les résultats indiquent une différence de 8,3 % entre la note en lecture des élèves de 2019 (prépandémie) et celle des élèves de 2021 (exposés à la pandémie depuis 15 mois). Ainsi, alors que la moyenne était de 77,7 % en 2019, elle était de 69,3 % en 2021. La taille de cet écart varie en fonction de la performance des enfants à l’épreuve. Elle est élevée pour le décile inférieur de performance (c.-à-d. 20 pp2), moyenne pour les déciles intermédiaires (p. ex., 10 pp au 4e décile), et nulle pour les 2 déciles supérieurs de performance. Ces résultats suggèrent que les enfants forts en lecture, ceux ayant des notes dans les 20 % supérieurs, n’ont pas subi pas de perte d’apprentissage 15 mois après le début de la pandémie. Par ailleurs, les enfants faibles en lecture, ceux ayant des notes dans les 20 % inférieurs, ont subi des pertes d’apprentissage importantes (c.-à-d, 15-20 pp). Les écarts de performance sont plus importants (de 1,3 pp) chez les garçons.

Les résultats suggèrent que les élèves qui ont des difficultés scolaires ont particulièrement besoin de l’environnement spécialisé et structuré qu’est l’école pour les soutenir dans leurs apprentissages. Ils mettent en lumière le rôle crucial du personnel enseignant et des professionnels scolaires en tant que promoteurs de l’égalité des

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2019 2021 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 100 80 60 40 20 Déciles de performance Note moyenne à l’ ép re uve de lectu re
Fig. 1. Moyenne des notes à l’épreuve de lecture pour 2019 et 2021 en fonction du décile de performance

chances. Par ailleurs, les études sur les pratiques de gestion de classe en contexte d’incertitude (comme c’est le cas en temps de pandémie) suggèrent que les clientèles vulnérables sont moins une préoccupation de premier plan alors que tous vivent un faible sentiment de sécurité. Les années 2020-2021 ayant sollicité de manière inhabituelle le personnel scolaire, il est possible d’anticiper que le retour à une plus grande normalité en 2022 aura permis d’offrir le soutien nécessaire à la réussite de tous.

Les résultats de Betthauser et al. (2023) indiquent des pertes plus importantes pour les enfants de milieux défavorisés. Bien que nos résultats montrent que les enfants des écoles défavorisées aient des scores plus faibles que les autres, autant en 2019 qu’en 2021, nous n’avons pas détecté que les pertes d’apprentissages étaient plus importantes pour les enfants d’école défavorisées, mais bien pour les enfants qui avaient des niveaux plus faibles en lecture. Notons que puisque l’indice de défavorisation est corrélé avec la performance, il est plausible que les résultats différentiels en fonction de la performance occultent la différence quant à l’indice de défavorisation.

Il est possible que l’absence de différence pour la défavorisation puisse également être expliquée par le fait que l’indice auquel nous avons accès est mesuré au niveau de l’école et non pas de l’enfant/ famille. La composition des écoles est dans les faits très hétérogène en termes de défavorisation des familles. Ainsi, même dans les quartiers défavorisés, il se peut que la variable ne capte pas les différences individuelles dans le niveau de défavorisation, alors que la variable sur la performance le fait. Cette explication s’applique également au seuil de revenu, qui est une variable au niveau de l’école.

férents en 2021 par rapport à 2019. Par exemple, le niveau moindre de stress a peut-être eu un effet favorable sur la performance de certains enfants. Chez d’autres, le fait que les notes ne soient pas rapportées au bulletin a peut-être diminué la motivation.

Les résultats soulignent l’importance de réaliser un examen à long terme des trajectoires d’apprentissage des élèves canadiens à la suite des perturbations scolaires de 2019-2021. Des chercheurs ont montré qu’une augmentation des résultats scolaires de 0,2 écart type est associée à des revenus plus élevé (2,6 % au cours de la vie) et à une meilleure participation au marché du travail (Chetty, Friedman et Rockoff, 2014a, 2014b). Rappelons que cette étude montre des effets plus grands pour les élèves les plus vulnérables, ce qui laisse supposer un accroissement des inégalités sociales en ce qui a trait à la performance scolaire. Un suivi des notes aux épreuves standardisées des prochaines années est nécessaire afin de quantifier l’évolution des écarts, s’il y a lieu, et d’identifier des stratégies pour les diminuer. ÉC

Remerciements à nos collaborateurs : Karine Trudeau, Ph.D., William Sauvé

NOTES

1 L’Indice de Milieu Socioéconomique (IMSE) de l’école : Il s’agit d’un indice composé de deux variables, soit la sous-scolarisation de la mère et l’inactivité des parents, lesquelles ressortent comme les variables familiales explicatives les plus fortes de la non-réussite scolaire de l’enfant. L’IMSE d’un élève correspond à celui de l’unité de population d’où il provient, tandis que celui de l’école correspond à la moyenne de tous les IMSE des élèves.

2 Point pourcentage

RÉFÉRENCES

Chetty, R., Friedman, J. N. et Rockoff, J. E. (2014a). Measuring the impacts of teachers I: Evaluating bias in teacher value-added estimates. American economic review, 104(9), 2593-2632.

Chetty, R., Friedman, J. N. et Rockoff, J. E. (2014b). Measuring the impacts of teachers II: Teacher value-added and student outcomes in adulthood. American economic review, 104(9), 2633-2679.

Engzell, P., Frey, A. et Verhagen, M. D. (2021). Learning loss due to school closures during the COVID-19 pandemic. Proceedings of the National Academy of Sciences, 118(17), e2022376118.

Goldhaber, D., Imberman, S. A., Strunk, K. O., Hopkins, B. G., Brown, N., Harbatkin, E. et Kilbride, T. (2022). To what extent does in-person schooling contribute to the spread of Covid-19? Evidence from Michigan and Washington. Journal of Policy Analysis and Management, 41(1), 318-349.

Haelermans, C., Jacobs, M. et coll. (2021). A full year COVID-19 crisis with interrupted learning and two school closures: The effects on learning growth and inequality in primary education.

Considérations particulières et suivis recommandés

Cette étude comporte des forces méthodologiques importantes, notamment le caractère standardisé de l’épreuve, la grande taille d’échantillon (n=23 986), la diversité et la représentativité de statut socioéconomique des écoles participantes, et la comparaison des enfants des mêmes écoles en 2019 et 2021. Le type de comparaison intra école permet de contrôler un nombre important de variables confondantes incluant la gestion de l’école, son personnel, ainsi que les enfants qui les fréquentent.

Les résultats captent l’ensemble des effets directs et indirects des perturbations pandémiques sur les apprentissages en lecture, et non pas seulement les effets des perturbations scolaires. À noter que le contexte de passation des épreuves a pu influencer les résultats : l’épreuve en 2021 n’était pas obligatoire et n’était pas comptabilisée au bulletin. Bien que les personnes enseignantes aient été invitées à préparer leurs élèves à l’épreuve en suivant les pratiques habituelles, la motivation et le niveau de stress des enfants ont peut-être été dif-

Hanushek, E. et Woessmann, L. (2020). The economic impacts of learning losses. Documents de travail de l’OCDE sur l’éducation, 225, Éditions OCDE, Paris. Blainey, K. et Hannay, T. (2020). The impact of lockdown on children’s education: a nationwide analysis. RS Assessment, School Dash. extension://efaidnbmnnnibpcajpcglclefindmkaj/https://www.risingstars-uk.com/ media/Rising-Stars/Assessment/Whitepapers/RS_Assessment_white_paper_1.pdf

Maldonado, J. E. et De Witte, K. (2022). The effect of school closures on standardized student test outcomes. British Educational Research Journal, 48(1), 49-94.

Milanovic, K. et Blainey, K. (2022). The residual impact of educational disruption on primary school attainment by spring 2022. RS Assessment, School Dash. https://risingstars-uk.com/media/Rising-Stars/Assessment/Whitepapers/ Spring22_RS_Assessment_white_paper.pdf

Québec, É. (2021). GDUNO. Article consulté sur le site https://prod.education.gouv.qc.ca/gdunojrecherche/rechercheOrganisme. do;jsessionid=3sZe_Q8EMu68DHnFStbDpDDcFQszamaRzuTZLx4hSeKmIfn7A GRh!1100596104!-1697553619?methode=recherche

Québec, M. d. l. é. d. (2021). Indice de milieu socio-économique (IMSE). Article consulté sur le site http://www.education.gouv.qc.ca/enseignants/aide-et-soutien/milieuxdefavorises/agir-autrement/indice-de-milieu-socio-economique-imse/

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Les élèves qui ont des difficultés scolaires ont particulièrement besoin de l’environnement spécialisé et structuré qu’est l’école.

EFFETS DE LA COVID-19 EN ÉDUCATION

Louis Volante, Ph.

D., est professeur en gouvernance et en analyse des politiques de l’éducation à l’Université Brock, professeur honoraire à l’UNU-MERIT/Maastricht Graduate School of Governance, et président de la Société canadienne pour l’étude de l’éducation (SCEE). Ses recherches portent principalement sur la gouvernance de l’éducation à l’échelle mondiale, les politiques éducatives comparées, les enquêtes internationales en éducation et la diffusion des politiques, l’inégalité des chances et des résultats en matière d’éducation ainsi que l’évaluation de l’impact des politiques et des programmes.

Don A. Klinger, Ph. D., est pro-vicerecteur du département de l’éducation Te Wānanga Toi Tangata à l’Université de Waikato, après avoir travaillé à l’Université Queen’s, à Kingston. Ses activités de recherche portent sur la théorie de la mesure et le recours aux évaluations pour soutenir l’enseignement, l’apprentissage et les politiques dans divers contextes éducatifs, en mettant l’accent sur la reconnaissance et la réduction des inégalités en matière d’apprentissage exposées à l’aide de mesures à large échelle des résultats scolaires.

La COVID-19 et le dilemme de la perte d’apprentissage

BIEN QUE LES STATISTIQUES VARIENT d’une province à l’autre, les écoles du Canada ont été fermées en moyenne pendant un total de 51 semaines durant la pandémie – ce qui place le pays dans la tranche la plus élevée à l’échelle mondiale quant aux fermetures d’écoles (UNESCO, s.d.). Il n’est donc pas étonnant que les décideurs provinciaux au Canada continuent d’être préoccupés par les impacts négatifs à court et à long terme des perturbations attribuables à ces fermetures sur l’apprentissage des élèves et se concentrent sur l’amélioration de la réussite dans les matières classiques comme la lecture, l’écriture, les mathématiques et la science. Selon le discours politique et médiatique dominant, les élèves ont pris du retard et doivent faire du « rattrapage » dans ces matières de base. La recherche internationale laisse certainement entendre que cette préoccupation est légitime et que l’apprentissage a été considérablement perturbé durant la pandémie.

Perte d’apprentissage au Canada et à l’étranger

Des chercheurs de plusieurs pays commencent à documenter les pertes d’apprentissage ayant touché la population étudiante en raison de la fermeture des écoles, du

passage à l’apprentissage en ligne et hybride ainsi que des autres impacts associés aux vagues successives de la pandémie. Bien que les études sur le sujet soient relativement peu nombreuses, quelques nations occidentales comme les Pays-Bas (Engzell et coll., 2021), l’Allemagne (Depping et coll., 2021), la Belgique (Maldonato et De Witte, 2021) et les États-Unis (Bailey et coll., 2021) laissent entendre que l’apprentissage a essentiellement été mis sur pause pendant la pandémie. Ces études donnent également à penser que la pandémie a exacerbé des inégalités existantes, car les apprenants ayant un faible statut socioéconomique accusent un retard encore plus important par rapport à leurs pairs plus fortunés. Dans l’ensemble, la littérature émergente donne à penser que l’apprentissage et la résilience scolaires des apprenants dans le monde entier ont été particulièrement menacés durant la pandémie (Volante et Klinger, 2022a).

Malheureusement, la recherche dans le domaine de l’évaluation à large échelle au Canada, qui sert à élaborer des mesures fiables et comparables de la réussite des apprenants et des évaluations dans tout le système, a été particulièrement restreinte durant la pandémie. En fait, l’administration des évaluations aux niveaux international, national et provincial a été touchée, bon nombre

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Le danger de faire du rattrapage pour finir quand même par prendre du retard

d’entre elles ayant été annulées au cours des premières vagues de la pandémie. De plus, les programmes d’évaluation qui sont allés de l’avant ont présenté des taux élevés de non-participation, ce qui a eu un effet sur les plans d’échantillonnage. Ces défis ont rendu difficile la comparaison de la réussite des élèves dans les différentes provinces. En outre, les études déjà publiées sont propres à des contextes géographiques particuliers, comme Toronto (Conseil scolaire de district de Toronto, 2021), ou présentent des pertes anticipées extrapolées d’une étude sur l’apprentissage estival (Aurini et Davies, 2021). Collectivement, les études accessibles au Canada n’ont pas été en mesure de quantifier, avec un certain degré de certitude, l’impact de la pandémie sur la réussite des apprenants.

Néanmoins, les systèmes d’éducation canadiens, y compris les établissements d’enseignement supérieur, font état d’importantes lacunes sur le plan de l’apprentissage des jeunes à l’école, ce qui donne à penser que les pertes d’apprentissage ont touché les élèves de la maternelle à la 12e année et au-delà. Des organismes internationaux comme l’Organisation de coopération et du développement économiques (OCDE) (2020) et l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (2022) ont également révélé que les apprenants ayant un statut socioéconomique plus faible et leurs familles n’ont pas pu obtenir les ressources nécessaires pour réussir dans un environnement en ligne ou hybride dans le contexte de la crise générée par la pandémie. Ces défis sont également bien docu-

mentés dans les reportages des médias grand public au Canada et sont pris en compte dans les interventions stratégiques mises en œuvre par divers gouvernements provinciaux pour essayer de soutenir nos groupes d’apprenants les plus vulnérables. Cependant, le succès relatif de ces efforts et interventions n’a pas été mesuré.

Tendances sur le plan des politiques au Canada

Une de nos récentes études offre une analyse pancanadienne de l’élaboration, entre janvier 2020 et décembre 2021, de politiques en matière d’éducation spécifiquement liées à la résilience scolaire dans la foulée des premières vagues de la pandémie. Sans surprise, nos observations portent à croire qu’on a consacré davantage d’attention aux enjeux scolaires – plus précisément, les résultats d’apprentissage dans des domaines cognitifs – alors qu’un nombre relativement modeste de politiques et ressources visaient à favoriser la santé mentale et le bienêtre physique en général (Volante et coll., 2022c). Notre analyse laisse aussi entrevoir un manque de différenciation généralisé en ce qui a trait aux politiques touchant l’allocation des ressources et des mesures de soutien spécifiques au sein des instances provinciales responsables de l’éducation pour aider les apprenants à risque. Nous avançons que, sans une telle différenciation, les ressources élaborées ne seront pas pleinement mises à profit et ne parviendront assurément pas à enrayer la croissance des inégalités entre les apprenants à statut socioéconomique faible et ceux à statut socioéconomique

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élevé, inégalités qui ont été amplifiées par la pandémie. Dans l’ensemble, notre étude sur les politiques fait également ressortir l’importance de revoir ce que font les systèmes d’éducation provinciaux pour obtenir des résultats positifs pour les élèves et de quelle façon ces résultats peuvent être « mesurés » et évalués. Bien que les autorités provinciales responsables des évaluations aient déjà entrepris d’importants travaux à cet égard, les mesures d’évaluation à large échelle ne fournissent actuellement pas un portrait multidimensionnel du développement des apprenants. À l’inverse, les mesures de réussite internationales comme celles administrées par l’OCDE ou l’Association internationale pour l’évaluation du rendement scolaire comportent des questionnaires de base visant à dégager les facteurs à l’échelle de l’apprenant, de l’école et du système qui peuvent être liés aux résultats scolaires. Par exemple, ces mesures internationales incluent de plus en plus des facteurs et résultats qui pourraient être classés dans la catégorie des compétences non cognitives, ce qui attire l’attention sur l’importance des résultats sur le plan non cognitif et du bienêtre mental et physique.

Remettre en question le discours dominant

Il serait difficile de trouver un groupe d’intervenants du domaine de l’éducation qui ne reconnaît pas l’importance de la réussite dans les matières traditionnelles comme la lecture, l’écriture, les mathématiques et la science. Toutefois, la pandémie a montré que la réussite dans les domaines cognitifs traditionnels brosse un portrait nécessaire, mais incomplet, des défis urgents que doivent surmonter les jeunes du Canada. Comme l’ont mentionné Volante, Klinger et Barrett (2021) dans un article précédemment paru dans la revue Éducation Canada, les enfants canadiens font l’objet de tendances inquiétantes en matière de santé mentale et de bienêtre en général. De la même façon, la promotion de compétences non cognitives, comme un état d’esprit évolutif, représente un cadre de plus en plus important d’attributs clés qui contribuent à la résilience des apprenants, des établissements scolaires et des systèmes d’éducation en général (Volante et Klinger, 2022b).

Ainsi, les décideurs provinciaux font face à un important dilemme. Ils doivent élaborer une vision exhaustive de l’apprentissage et du bienêtre des apprenants qui met l’accent sur les compétences cognitives (c.-à-d., réussite en lecture, écriture, mathématiques et science) et non cognitives (c.-à-d. habitudes d’apprentissage, croyances personnelles, état d’esprit évolutif ) et le bienêtre en général, face aux idéologies historiques et politiques dominantes tournées presque exclusivement vers une réforme de l’éducation fondée sur des normes. En fait, les changements fondés sur des normes et la réussite dans les trois matières de base (lecture, écriture, arithmétique) orientent en grande partie les programmes de réforme d’envergure dans la majorité du monde occidental depuis plus d’un demi-siècle (Volante et coll., 2022d). Malgré les préoccupations qui ont été soulevées et les éléments de preuve qui ont été dégagés à propos de l’impact de la pandémie, chaque province et territoire au Canada continue d’adhérer à un modèle de réforme axé sur des normes qui établit une hiérarchie des matières et des résultats liés à la réussite. L’importance des autres facteurs et résultats critiques peut être reconnue, mais ceux-ci reçoivent très peu d’attention formelle, et peu d’efforts sont consacrés à tirer profit de l’information recueillie lors d’évaluations internationales qui comportent désormais de telles mesures.

Repenser la réforme à vaste échelle

On a souvent écrit que l’adversité est un catalyseur de la croissance et du changement. Il est évident que les dernières années ont généré la plus intense adversité à laquelle feront face bon nombre d’appre-

nants, de familles et d’enseignants au cours de leur vie. Plutôt que de revenir au statu quo qui met de l’avant un ensemble étroit de résultats liés à la réussite, la présente ère de notre histoire collective offre une occasion de revoir nos approches concernant la réforme de l’éducation à vaste échelle pour mettre en place une reconnaissance plus nuancée des compétences et attributs requis pour surmonter les défis que nous réserve l’avenir. Bien sûr, tout apprenant, parent ou enseignant vous dira que la pandémie a entraîné des pertes allant au-delà du contenu scolaire. Pour comprendre la complexité multidimensionnelle de cette « perte » et y répondre, nous avons besoin d’une nouvelle conception de ce à quoi ressemble une éducation de qualité dans un monde post-COVID. Faute de quoi, les élèves pourront sans doute rattraper leur retard scolaire mais, en contrepartie, ils risquent d’être à la traîne sur le plan des compétences non cognitives dont ils ont besoin pour leur réussite future. Il est maintenant temps de chercher des moyens de lier les évaluations et les enquêtes à l’échelle provinciale, territoriale, nationale et internationale afin d’obtenir les données dont nous avons besoin pour examiner la complexité de l’apprentissage qui soutient l’enfant dans son ensemble. ÉC

Cette étude est financée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH).

RÉFÉRENCES

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Bailey, D. H., Duncan, G. J., Murnane R. J. et Yeung N. A. (2021). « Achievement gaps in the wake of COVID-19 », Educational Researcher, 50(5), 266-275. doi.org/10.3102%2F0013189X211011237

Depping, D., Lücken, M.et coll. (2021). « KompetenzständeHamburger Schülerinnen vor und während der Corona-Pandemie [Autres mesures des compétences des élèves à Hambourg durant la pandémie de coronavirus] », DDS – Die Deutsche Schule, Beiheft, 17, 51-79. www.pedocs.de/volltexte/2021/21514/pdf/DDS_Beiheft_17_2021_Depping_et_al_ Kompetenzstaende_Hamburger.pdf

Engzell, P., Frey, A. et Verhagen, M. D. (2021). « Learning loss due to school closures during the COVID-19 pandemic », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 118(17), 1-7. www.pnas.org/content/pnas/118/17/e2022376118.full.pdf

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EFFETS DE LA COVID-19 EN ÉDUCATION

Perspectives des élèves sur l’impact de la COVID-19 en éducation

Fiona Shen est une écrivaine en herbe, une féministe intersectionnelle et une activiste qui étudie en 11e année au Havergal College de Toronto, en Ontario.

Raeesa Hoque

fréquente le Collège

Jeanne-Sauvé de Winnipeg, au Manitoba, et participe activement à un grand nombre d’activités. Elle aime les nouvelles expériences et essaie de retirer le maximum de tout ce qu’elle entreprend.

PAR FIONA SHEN ET RAEESA HOQUE

L’ÉCOLE FAIT PARTIE INTÉGRANTE de la vie des enfants et des jeunes. C’est non seulement un lieu propice au développement intellectuel, mais aussi à l’acquisition de nombreuses aptitudes sociales et compétences fondamentales. Au cours des trois dernières années, les provinces et territoires ont mis en place une variété de mesures pour contrer la transmission de la COVID-19, notamment la fermeture d’écoles et l’apprentissage à distance. Ces mesures, qui visaient à réduire le nombre de cas de COVID-19 et les décès causés par la maladie, ont influencé la vie des élèves

Même si nous tentons toujours de comprendre l’im-

pact de la pandémie sur les élèves, nous savons qu’elle a eu d’énormes répercussions sur l’ensemble des systèmes d’éducation au Canada. Elle a entre autres nui à la santé mentale du personnel scolaire et des élèves, creusé les inégalités entre les élèves, aggravé la pénurie de maind’œuvre et les problèmes chroniques d’absentéisme, hypothéqué l’apprentissage, entraîné l’annulation d’activités sportives et parascolaires et imposé une formule d’apprentissage en ligne à laquelle tous ont dû s’adapter. La pandémie a cependant donné lieu à de nouvelles possibilités, dont le perfectionnement des compétences numériques du personnel enseignant, l’apprentissage à

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PHOTO : ISTOCK

l’extérieur des salles de classe, l’éducation autochtone axée sur le territoire, la priorisation de l’apprentissage authentique et l’amélioration des programmes d’études dans quelques provinces et territoires.

Tout examen de l’impact de la COVID-19 sur les élèves doit tenir compte de leurs identités intersectionnelles. Il faut éviter de généraliser les expériences de tous les jeunes, puisque les répercussions de la pandémie peuvent différer en fonction des communautés et des élèves.

Nous souhaitons partager dans ce texte nos expériences pendant la pandémie. Ces réflexions traduisent nos expériences personnelles et non de l’ensemble des élèves canadiens.

Apprentissage en ligne

Fiona : Mon école nous a annoncé en janvier 2020 que les cours se donneraient désormais en ligne. À ce moment-là, je ne connaissais pas les plateformes Zoom et Google Classroom. En l’espace d’une semaine, mes camarades et moi avons été catapultés dans un univers totalement inconnu.

Pendant un cours d’une heure, nous regardions des écrans noirs parfois traversés de réactions émojis envoyées par des élèves à moitié endormis. Au lieu de participer à des séances interactives, nous devions visionner des cours magistraux préenregistrés, généralement sur Zoom, par les enseignants. Malgré tous leurs efforts pour rendre les cours intéressants, cette formule n’était tout simplement pas aussi efficace.

Dans un cours de science de 9e année, par exemple, nous devions nous familiariser avec les différentes couleurs présentes dans les flammes. Avant la pandémie, les élèves participaient à des expériences complexes et pouvaient voir en classe les différents types de flammes. Durant le cours en ligne, l’enseignant nous montrait une variété de photos de flammes sur son écran et les décrivait une par une. Nous n’avions pas la chance d’apprécier de visu les couleurs vives

de la flamme et de vivre l’excitation du moment. Par conséquent, nous n’avons pas aussi bien assimilé la matière couverte.

Raeesa : L’apprentissage en ligne a été difficile par moments. Par exemple, la mauvaise connexion Internet qui perturbait certains cours, l’aide que je devais fournir aux plus jeunes de ma famille souvent confus après leurs leçons et l’obligation de fixer un écran pendant de longues périodes ont fait ressortir les lacunes de cette formule. J’ai remarqué qu’un moins grand nombre d’élèves parlaient ou répondaient aux questions durant les cours en ligne, ce qui compliquait la tâche des enseignants. En raison de la participation limitée des élèves, les cours semblaient s’éterniser et devenaient parfois ennuyeux. C’était particulièrement flagrant lorsque l’enseignant devait attendre la réponse d’un élève. L’apprentissage et l’intérêt des élèves ont écopé parce que les cours n’étaient pas aussi intéressants ni stimulants qu’en salle de classe.

Sur une note plus positive, j’ai apprécié le fait d’étudier dans le confort de ma maison, car je disposais de mon propre espace pour apprendre. Comme j’ai eu l’occasion d’explorer et d’utiliser la technologie plus souvent pour mes travaux, je serai mieux préparée pour l’avenir, puisque la plupart d’entre nous devront utiliser des applications pour nos futurs devoirs et projets.

Manque de structure, besoin de plus d’autonomie

Fiona : Nous avions l’habitude des programmes scolaires structurés et des attentes strictes, comme arriver à l’heure et assister aux cours. Cependant, avec l’avènement des cours en ligne, il n’y avait personne pour vérifier les présences, et certains cours ont été annulés en raison de l’instabilité du réseau. Comme l’enseignement n’était pas aussi efficace, j’ai dû trouver d’autres façons d’apprendre par moi-même et j’ai commencé à visionner des cours intensifs sur YouTube et sur la plateforme Khan Academy. De nombreux camarades de classe ont aussi eu recours à ces sources d’information. Nous avons fini par perdre la

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Fiona Shen Raeesa Hoque PHOTO : RAEESA HOQUE PHOTO : GRACIEUSETÉ DE FIONA SHEN

connexion avec nos enseignants, qui n’étaient plus ceux vers qui nous nous tournions pour répondre à nos préoccupations et questions.

Raeesa : Comme je n’avais plus de professeur pour s’assurer que je faisais mes devoirs pendant la pandémie, j’ai dû apprendre à me responsabiliser et à gérer mon temps pour effectuer mes travaux scolaires à la maison. J’ai aussi réalisé toute l’importance de communiquer avec les enseignants. Nous avions la chance de pouvoir clavarder avec les enseignants et de leur envoyer des textos. Je me suis donc habituée à prendre l’initiative et à demander de l’aide à mes enseignants.

Répercussions sociales

Raeesa : J’ai toujours considéré l’école comme un endroit qui m’offre une foule de possibilités et me permet de pratiquer des activités sportives ou artistiques et d’adhérer à différents clubs. La pandémie a interrompu un grand nombre d’activités en présentiel, comme les assemblées scolaires et les sports d’équipe.

Fiona : Si l’on envisage la situation dans son ensemble, la pandémie a empêché un grand nombre d’élèves de découvrir leurs passions. Je crois qu’une passion se développe grâce à des rencontres enrichissantes avec nos camarades et nos enseignants. À cause de la COVID, des cours auparavant populaires sont devenus banals et ennuyeux. Nous avions moins d’interactions avec les professeurs et moins de communications en personne. La 8e, la 9e et la 10e année sont des années cruciales pour explorer ses intérêts, et certains élèves ont été limités dans leur exploration.

Je dois avouer, par contre, que la pandémie m’a aidée à apprécier les ressources que j’ai autour de moi. Avant, j’étais toujours à la course. Je jouais au hockey et au rugby, je pratiquais une foule d’activités parascolaires, je participais à des débats, etc. À notre retour de l’école, ma mère nous emmenait à toutes sortes d’activités parascolaires. Ma sœur et moi mangions en vitesse, puis allions faire nos devoirs dans notre chambre. Après le début de la pandémie, de nombreuses activités ont été annulées ou transférées en ligne, ce qui nous a donné beaucoup plus de temps en famille. J’ai eu l’occasion de discuter davantage avec ma mère et de mieux comprendre son parcours d’immigrante au Canada. Ces conversations ont renforcé mon esprit de famille et permis d’apprécier tout ce que ma mère a sacrifié pour s’établir au Canada.

Leadership des jeunes

Fiona : La pandémie a donné lieu à une énorme montée du nombre de jeunes militants et leaders qui ont abordé des problèmes de plus en plus préoccupants liés aux ressources éducatives, à la technologie et à l’itinérance. Devant les répercussions de la COVID sur leurs collectivités, les jeunes ont eu envie de se faire entendre et de venir en

aide aux membres de leur communauté. Personnellement, je dirige un organisme sans but lucratif appelé United Speakers Global, qui vise à améliorer l’accès des jeunes à des ressources sur l’art de parler en public. La pandémie a frappé tout juste après mon entrée en poste, et l’organisme est devenu complètement virtuel, ce qui m’a d’abord semblé problématique. Toutefois, grâce à la demande accrue pour ce genre de programme, nous avons pu recruter davantage d’élèves non seulement dans le Grand Toronto, mais aussi dans 11 villes du monde entier. J’ai d’ailleurs eu la chance de rencontrer des jeunes leaders du Koweït, de Shanghai, de la Zambie, des États-Unis et d’autres pays.

Mot de la fin

Raeesa : Malgré les répercussions négatives de la pandémie sur mon apprentissage, j’ai quand même profité de quelques avantages et de plusieurs occasions intéressantes. Selon moi, c’est une question de perspective. J’aurais pu considérer la pandémie comme un obstacle impossible à franchir. J’ai préféré envisager la situation comme une occasion d’apprentissage et voir les obstacles comme des étapes vers une plus grande ouverture d’esprit envers des perspectives et des modes d’apprentissage différents. Ces défis m’ont aidée à aller de l’avant au lieu de freiner mon élan. Au bout du compte, c’est notre perception qui façonne notre vie et notre façon de vivre. ÉC

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J’ai remarqué qu’un moins grand nombre d’élèves parlaient ou répondaient aux questions durant les cours en ligne, ce qui compliquait la tâche des enseignants.

EFFETS DE LA COVID-19 EN ÉDUCATION

Robin Liu Hopson, Ph.D., est directrice des politiques et de la recherche à People for Education. Elle est notamment titulaire d’un doctorat en curriculum, enseignement et apprentissage de l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario/Université de Toronto ainsi que d’un baccalauréat en éducation de l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario/Université de Toronto.

Jasmine HodsonBautista est analyste de recherche pour le compte de People for Education. Elle détient une M.A. en leadership et politique éducationnels de l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario/Université de Toronto et un B.A. en études sur la diversité sexuelle de l’Université de Toronto.

« Des problèmes constants de dotation, un personnel laissé sans soutien quotidien pour endosser la reprise postpandémique, des annulations quotidiennes d’autobus, des familles qui n’ont pas l’aide des services sociaux et ne savent pas se retrouver dans les méandres du système. On met l’accent sur le « rattrapage » alors que d’énormes enjeux structurels posent encore des défis de taille. L’idée prédominante veut que nous soyons de retour à la normale, mais tous les jours amènent des défis pour le personnel et les familles. Le tout exerce une pression incroyable sur les gestionnaires et le personnel qui demeurent à leur poste et finit par épuiser des membres du personnel essentiel. Étant donné les problèmes prédominants de main-d’œuvre et la possibilité de grève, on se demande combien de temps le système pourra encore tenir. » – La direction d’une école primaire du Nord de l’Ontario.

LE DÉBUT de l’année scolaire 2022-2023 a été le plus normal qu’aient connu les élèves, les familles et les éducateurs depuis septembre 2019. Mais comment se portent

vraiment les écoles, les éducateurs et les élèves? Trois ans après le début de la pandémie, les nouvelles constatations du sondage annuel réalisé par l’organisme People for Education dans les écoles ontariennes fournissent de précieuses indications. Le présent article se penchera surtout sur les données recueillies par ce sondage1,auquel ont répondu 1 044 directions représentant la totalité des 72 conseils scolaires d’écoles publiques de la province.

Quand les écoles ont fermé en mars 2020, les défis surgissaient les uns à la suite des autres. Un important corpus de recherche documente à présent combien le passage constant de la fermeture des écoles, au distanciel, au système hybride, puis au présentiel a déclenché une réaction en chaîne d’enjeux multiples pour les familles qui devaient faire du dépannage technologique, jongler avec le distanciel et le travail et tous ceux et celles qui tâchaient de s’y retrouver dans les changements apportés aux protocoles de santé et de sécurité. Personne n’ayant encore jamais vécu de pandémie mondiale, il était normal de fixer notre attention sur la logistique de la COVID-19 : le suivi des nombreux cas positifs, les outils de dépistage,

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La COVID-19 nous a beaucoup appris sur nos priorités Après trois ans de pandémie, de quel soutien les écoles ontariennes ont-elles besoin?

CLASSE ANNULÉE

Figure 1 : Niveaux de stress, année après année, chez les directions d’écoles en Ontario; 2020 c. 2021-2022

« Mes niveaux récents de stress au travail me semblent gérables. »

Sondage de l’automne 2020 Sondage de 2021-2022

la distanciation sociale, le masque obligatoire en quittant la maison, ou non. Et pendant ce temps, notre santé et notre bienêtre s’effritaient sous l’effet de l’anxiété, de l’isolement, de la dépression, pour ne nommer que ceux-là (Vaillancourt et coll., 2021).

Ni d’accord ni en désaccord D’accord En désaccord Entièrement en désaccord Entièrement d’accord

Source : Sondages annuels menés dans les écoles en 2020-2021 et en 2021-2022 par l’organisme People for Education

Note : Ce sondage comportait trois volets : le sondage de l’automne 2020, le sondage du printemps 2021 et les entrevues du printemps 2021.

Le premier sondage de cet organisme mené après l’arrivée de la COVID-19 a immédiatement dévoilé le fardeau qu’avait fait peser la pandémie, surtout sur le bienêtre des directions d’écoles. Plus de la moitié des 1 173 répondants de l’année scolaire 2021-2021 étaient en désaccord ou entièrement en désaccord que leur niveau de stress leur semblait gérable (People for Education, 2021b). La même constatation est survenue lors de l’année scolaire suivante, celle de 2021-2022, tout comme ont transparu leurs inquiétudes au sujet de la santé et du bienêtre du personnel et des élèves (People for Education, 2022). Les directions avaient alors des perceptions mitigées sur l’accessibilité de ressources scolaires pour soutenir la santé mentale et le bienêtre du personnel et des élèves :

• 43 % des directions étaient d’accord ou entièrement d’accord qu’elles disposaient des soutiens nécessaires à la santé mentale et au bienêtre des élèves; 37 % étaient en désaccord ou entièrement en désaccord avec ce point.

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ILLUSTRATION : ISTOCK

• 35 % des directions étaient d’accord ou entièrement d’accord qu’elles disposaient des soutiens nécessaires à la santé mentale et au bienêtre du personnel; 37 % étaient en désaccord ou fortement en désaccord avec ce point.

Cependant, quand on leur a demandé, en octobre 2022, d’indiquer le niveau de soutien dont elles avaient besoin de la part des conseils scolaires et du ministère de l’Éducation pour se remettre de la COVID19, la grande majorité des écoles (91 %) signalaient qu’elles avaient besoin d’un certain soutien ou de plus de soutien à la santé mentale et au bienêtre, alors que près de la moitié (46 %) signalaient avoir besoin de beaucoup de soutien.

domaines où les écoles ont davantage besoin de soutien, la dotation du personnel s’est aussi dégagée comme un enjeu prédominant. Cette constatation n’a rien d’étonnant, puisque :

« Le fait de soutenir les besoins croissants en santé mentale chez les enfants, sans disposer de plus de ressources, stresse le personnel et fait augmenter l’absentéisme. Et le manque de personnel substitut (surtout chez les assistants en éducation et les éducateurs de la petite enfance) a un effet boule de neige sur la situation. » – La direction d’une école primaire, Sud-Ouest de l’Ontario.

Figure 2 : Perception des directions du niveau de soutien nécessaire de la part des conseils scolaires et du ministère de l’Éducation pour le rattrapage scolaire après la COVID-19, 2022-2023

Soutien à la santé mentale et au bien-être Personnel de soutien scolaire

Besoin de beaucoup de soutien Besoin de soutien

Besoin d’un peu de soutien Aucun besoin de soutien

Besoin d’un certain soutien

Source : Sondage annuel de 2022-2023 réalisé par l’organisme People for Education auprès des écoles ontariennes

Au cours des trois dernières années, on a régulièrement fait ressortir l’insuffisance de personnel (People for Education, 2021a, 2022). Au début de 2022, une vague du variant Omicron très transmissible a déclenché une enquête sur les absences de personnel dans bon nombre de conseils scolaires, qui a révélé que le nombre de postes vacants quotidiens dans l’enseignement connaissait, en moyenne, une hausse graduelle (Teotonio et Rushowy, 2022). Les conseils scolaires ont eu recours à diverses stratégies pour compenser les pénuries de personnel, comme retirer le plafond de jours de travail imposé aux enseignants retraités, permettre aux stagiaires en enseignement de travailler, attribuer aux enseignants du temps de classe pendant leur temps de planification et réaffecter les directions au travail en classe.

Au début de la pandémie, les écoles se concentraient surtout sur la sécurité liée à la COVID-19 et sur la logistique de l’enseignement à distance. Après trois ans de pandémie, la santé mentale et le bienêtre sont devenus les grandes priorités. De nombreuses directions nous ont fait part des défis particuliers qu’elles devaient relever au cours de la présente année scolaire.

« Les enfants sont excités d’être de retour à l’école et l’énergie fuse de partout. Cela dit, plusieurs enfants n’ont jamais connu l’école avant la COVID-19 et ont besoin de soutien quant aux attentes fondamentales sur le comportement à adopter à l’école. Nous remarquons de grands défis d’autodiscipline au primaire, de l’anxiété et la peur de venir à l’école au premier cycle du secondaire, et beaucoup de jurons, de langage inapproprié ou à caractère sexuel chez les élèves du secondaire intermédiaire. Les élèves de tous les niveaux ont des difficultés à résoudre des conflits. » – La direction d’une école primaire du Grand Toronto.

« Les besoins des jeunes ont augmenté considérablement en raison de la COVID-19 : en matière d’autodiscipline, de littératie, de numératie, de bienêtre mental. Les répercussions de la pandémie ont entraîné un plus grand nombre de défis chez les élèves. Nous nous y attaquons du mieux que nous pouvons avec les ressources dont nous disposons. Les ressources humaines sont la ressource la plus importante. » – La direction d’une école primaire du Grand Toronto Même si la santé mentale et le bienêtre ont été signalés comme les

Il y a eu, cependant, un prix à payer pour ces tactiques de survie, celui de la santé mentale et du bienêtre du personnel et des élèves. Quand on lui a demandé si elle composait avec les défis, jusqu’à maintenant, au cours de l’année scolaire, la direction d’une école primaire du Nord de l’Ontario a écrit :

« Les gens tombent en épuisement beaucoup plus rapidement depuis la COVID-19, en partie en raison des pénuries de personnel. Les besoins des élèves en matière d’apprentissage et de santé mentale ont été exacerbés après la pandémie. La pénurie de personnel a une répercussion sur le triage quotidien des besoins des enfants en raison de la maladie et du manque de personnel suppléant. On s’attend à ce que ce soit une année parfaitement normale, sans donner aux éducateurs le répit salutaire dont ils ont besoin avant de replonger et de donner tout ce qu’ils ont. »

La constatation selon laquelle 91 % des écoles de l’Ontario ont besoin d’un certain soutien, ou de plus de soutien sur le plan de la santé mentale et de bienêtre est étroitement liée à la constatation voulant que 82 % des écoles ontariennes ont signalé avoir besoin d’un certain soutien ou de plus de soutien en matière de personnel de soutien. Après tout, l’une des premières façons de s’occuper de la santé mentale et du bienêtre est de disposer de plus de personnel spécialisé dans le domaine. Comme l’expliquait la direction d’une école primaire du Sud-Ouest de l’Ontario, « On a besoin d’intervenants en santé mentale à temps plein dans les écoles pour qu’ils soient sur place et disponibles pour soutenir les besoins des élèves et des familles de

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Personnel enseignant Technologie et connectivité Internet 0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100% 46 % 30 % 15 % 7% 2 % 35 % 27 % 19 % 13 % 5% 19 % 35 % 24 % 16 % 5% 13 % 22 % 27 % 24 % 15 %

façon QUOTIDIENNE et pour aider les membres du personnel qui doivent se battre avec des dynamiques de classe qui éclatent en raison de problèmes de santé mentale. »

Quoique 78 % des écoles ont déclaré avoir besoin d’un certain soutien ou de plus de soutien pour le personnel enseignant, seulement 19 % ont signalé avoir besoin de beaucoup de soutien, ce qui est nettement inférieur aux 35 % des écoles qui ont exprimé avoir besoin de beaucoup de soutien pour le personnel de soutien (soit les assistants en éducation, les administrateurs, les gardiens d’école, etc.) (voir la figure 2). Cette constatation est importante, étant donné les moyens de pression et les négociations syndicales des travailleurs de l’éducation survenus récemment dans la province (McKenzie-Sutter, 2022). Même s’il y a une réelle pénurie d’enseignants, on assiste actuellement à une demande encore plus forte pour des travailleurs de soutien en éducation. Comme le décrivait la direction d’une école primaire du Sud-Ouest de l’Ontario, « Les pénuries de personnel mènent actuellement à une crise en éducation. Le gouvernement doit avoir comme priorité de résoudre ces pénuries chez tous les groupes d’employés. »

• Reconnaître à quel point la pandémie a été difficile pour les communautés scolaires.

• « Moins d’initiatives lors des trois à cinq prochaines années, alors que nous travaillons à resituer certains repères et à définir notre « nouvelle » ou « quasi »-normalité. » – La direction d’une école primaire du Grand Toronto

• « Une vraie reconnaissance des difficultés qu’ont vécues les élèves et le personnel depuis plus de deux ans. » – La direction d’une école secondaire du Grand Toronto

• « Les enseignants et le personnel de soutien sont épuisés. Ils sont rentrés du congé d’été revigorés et plus optimistes, mais leur énergie n’est pas revenue aux niveaux prépandémiques. Les gens sont fatigués et il faudra un certain temps avant qu’ils puissent surmonter le traumatisme des trois dernières années. » – La direction d’une école secondaire du sud-ouest de l’Ontario

Les trois années de pandémie ont mis en évidence à quel point la santé mentale et le bienêtre sont importants, tout autant que l’immense rôle que l’école joue dans nos vies. Si l’école publique est à la base de notre société et renferme la solution à plusieurs de ses problèmes actuels, il est essentiel que nous tirions des leçons des défis qui sont survenus ces dernières années et que nous fixions les bonnes priorités en préparant un avenir plus heureux, plus sain et plus optimiste.

« Un plan de reprise pour une pandémie mondiale, oui… Je crois que c’est l’occasion de repenser certains aspects de l’école publique. Ce pourrait être une occasion extraordinaire. » – La direction d’une école primaire du Sud-Ouest de l’Ontario ÉC

NOTE

1 Ce sondage de 2022-2023 est le 26e réalisé dans les écoles primaires de l’Ontario et le 23e mené dans les écoles secondaires de la province.

Si l’on se tourne vers le reste de l’année scolaire 2022-2023, il est essentiel de songer aux actions qui seront nécessaires pour répondre aux besoins des écoles publiques de l’Ontario. Voici quelques idées mises de l’avant par les directions d’école :

• Se concentrer sur le financement des ressources humaines, surtout le personnel de soutien en santé mentale et en bienêtre.

• « Certains élèves sont vraiment en difficulté, mais nous ne voyons pas de hausse du soutien. Le leitmotiv est de faire mieux avec moins. » – La direction d’une école primaire du Grand Toronto

• « Alors qu’on devrait diriger plus de fonds et de soutien vers les écoles en présentiel, nous avons chaque année de plus en plus d’élèves et de moins en moins de personnel. Cette année, les fonds de « tutorat » qu’on verse directement aux familles ou au privé seraient beaucoup mieux utilisés si on ajoutait des ressources humaines au personnel quotidien des écoles. » – La direction d’une école primaire du Grand Toronto

• Améliorer l’accès aux soutiens familiaux et communautaires.

• « Donner aux familles un meilleur accès à du soutien en travail social, en troubles du comportement et à de l’aide pour se retrouver dans le système. Appuyer davantage les organismes de soutien communautaire qui aident les écoles, mais qui ont eux aussi souffert des répercussions de la pandémie. – La direction d’une école primaire du nord de l’Ontario

RÉFÉRENCES

Mckenzie-Sutter, H. « What you need to know about the Ontario education workers’ strike », Global News, 4 novembre 2022.

https://globalnews.ca/news/9253376/ontario-cupe-education-worker-strikeexplained

People For Education. (2021a), « Challenges and innovations: 2021-20 annual report on Ontario schools ».

https ://peopleforeducation.ca/wp-content/uploads/2021/10/2020-21-AOSS-FinalReport-Published-110721.pdf

People For Education (2021b), « Ontario principals’ challenges and well-being: Annual Ontario School Survey 2021 »

https://peopleforeducation.ca/wp-content/uploads/2021/02/People-forEducations-report-on-Ontario-Principals-Challenges-and-Wellbeing-AOSS2021. pdf

People For Education (2022), « A perfect storm of stress: Ontario’s publicly funded schools in year two of the COVID-19 pandemic »

https://peopleforeducation.ca/wp-content/uploads/2022/05/People-forEducation_A-Perfect-Storm-of-Stress_May-2022.pdf

Teotonio, I. et Rushowy, K. « ‘Really severe challenges’: Ontario school boards struggle with unprecedented staff absences », The Toronto Star, 7 février 2022. www.thestar.com/news/gta/2022/02/07/really-severe-challenges-ontario-schoolboards-struggle-with-unprecedented-staff-absences.html

Vaillancourt, T., Szatmari, P., et al. « The impact of COVID-19 on the mental health of Canadian children and youth », FACETS, 6 (1), 1628–1648. doi.org/10.1139/ FACETS-2021-0078

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L’une des premières façons de s’occuper de la santé mentale et du bienêtre est de disposer de plus de personnel spécialisé dans le domaine.

EFFETS DE LA COVID-19 EN ÉDUCATION

Marion Deslandes Martineau est étudiante au doctorat en éducation à l’UQAM, après un baccalauréat en enseignement du français au secondaire et une maitrise en didactique. Elle est également étudiantechercheure à la Chaire UNESCO de développement curriculaire.

Patrick Charland est professeur titulaire au département de didactique, cotitulaire de la Chaire UNESCO de développement curriculaire de l’UQAM et directeur de l’Institut d’études internationales de Montréal. Il a développé une expertise en analyse des systèmes éducatifs, de même qu’en formation initiale au primaire, au secondaire et au niveau universitaire, au Québec comme à l’international.

Une école fragilisée par la pandémie de COVID-19

Il est aujourd’hui de plus en plus connu que les fermetures d’écoles survenues à partir du printemps 2020 en raison de la pandémie de COVID-19 ont eu et continuent d’avoir des effets importants sur les milieux scolaires et toutes les personnes qui en font partie. L’UNESCO (2022) estime que plus d’un milliard et demi de jeunes ont été affectés par la crise de l’éducation liée à la COVID-19. Cette crise aurait fragilisé encore davantage des systèmes d’éducation déjà vulnérables, entre autres en raison des pénuries de personnel, de la qualité non optimale de l’enseignement-apprentissage, ou encore d’inégalités liées au genre, à l’origine ethnique, à la langue, au statut socioéconomique ou à des handicaps, notamment (UNICEF, 2015). Bien que l’on commence à prendre la mesure des effets de cette crise, davantage de recherche et de données de terrain sont nécessaires afin de mieux les comprendre et pour mieux guider les efforts de reconstruction (Donnelly et Patrinos, 2022).

Notre étude

L’objectif général de notre étude, menée par la Chaire UNESCO de développement curriculaire (CUDC) en partenariat avec le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ), est de mieux comprendre les effets de la crise de la COVID-19 sur les milieux scolaires au Québec. Plus spécifiquement, le projet vise à décrire l’incidence de la COVID-19 sur : 1) l’organisation et les établissements scolaires; 2) les élèves; et 3) le personnel enseignant. Dans le

cadre du présent article, nous nous concentrerons sur les perceptions du personnel enseignant des effets négatifs de la COVID-19 sur leurs élèves.

D’où proviennent nos données?

Notre étude, de nature mixte, a été menée en deux temps auprès du personnel enseignant du primaire et du secondaire de trois centres de services scolaires (CSS), afin de mesurer l’évolution des effets de la COVID-19 sur différentes dimensions. Près de 500 enseignantes et enseignants ont répondu à un questionnaire en ligne à l’automne 2020, et près de 350 l’ont fait au printemps 2021. Parmi ces répondantes et répondants, des volontaires ont également participé à des entretiens semi-dirigés au printemps 2021 afin d’approfondir certains aspects abordés dans les questionnaires.

Dans les questionnaires, il a été demandé au personnel enseignant d’évaluer la situation à leur école, d’abord pour le début de l’année scolaire (pour la collecte de données à l’automne), puis pour la deuxième moitié de l’année scolaire (pour la collecte de données au printemps). À ces deux temps, les enseignantes et enseignants ont notamment évalué, de manière quantitative, dans quelle mesure la COVID-19 a eu des effets négatifs sur leurs élèves, plus précisément sur leurs apprentissages, leur autonomie, leur collaboration, leur capacité de résolution de problèmes, leur attention et leur capacité d’organisation.

Les résultats quantitatifs ainsi obtenus sont étayés par des données de nature qualitative. Pour l’automne 2020,

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Perceptions du personnel enseignant à l’école primaire et secondaire québécoise des effets de la COVID-19 sur leurs élèves

il s’agit des réponses à une question ouverte dans le questionnaire en ligne, où il était demandé au personnel enseignant de nommer les trois aspects les plus importants sur lesquels la COVID-19 a eu des effets négatifs sur leurs élèves. Pour le printemps 2021, il s’agit des points soulevés par le personnel enseignant participant aux entretiens.

Les principaux effets négatifs de la COVID-19 sur les élèves

selon le personnel enseignant

De manière générale, on constate que les enseignantes et enseignants du primaire perçoivent davantage d’effets sur les compétences disciplinaires (les compétences spécifiques à une discipline : français, mathématiques, sciences, etc.), alors que celles et ceux du secondaire perçoivent plus les effets négatifs sur les habiletés scolaires (les habiletés relatives au rôle d’élève : attention, organisation, résolution de problèmes, etc.). Quand il leur est demandé de nommer, dans une question ouverte, les aspects les plus touchés par la COVID-19, ce sont l’aspect social, puis l’attention et la lecture qui sont les plus mentionnés pour le primaire, alors que ce sont plutôt la motivation, la participation, l’attention et l’aspect social qui sont surtout soulevés au secondaire.

Au primaire

Au primaire, à l’automne, les trois domaines d’apprentissage les plus touchés par la COVID-19 étaient le niveau des élèves en grammaire, en écriture, en éducation physique et en santé (figure 1). Il semblerait, selon les perceptions du personnel enseignant, que l’écart entre les élèves les plus forts et les élèves ayant déjà certaines difficultés

au préalable s’est accru entre la fermeture des écoles et la reprise à l’automne 2020. En lien avec les effets sur le niveau des élèves en grammaire et en écriture, des enseignantes et enseignants ont souligné, en réponse à la question ouverte du questionnaire, que ces difficultés étaient particulièrement importantes chez plusieurs élèves allophones ayant potentiellement manqué d’occasions de développer leurs compétences en français durant le confinement. Pour ce qui est des difficultés en éducation physique et de la santé, chez les tout-petits, certaines difficultés en lien avec la motricité fine ont pu être observées.

...leur niveau en grammaire

...leur niveau en écriture

...leur niveau en éducation physique et à la santé

...leur niveau en lecture

...leur capacité d’attention

...leur capacité à résoudre des problèmes

...leur niveau en mathématique

...leur niveau en histoire, géographie et éducation à la citoyenneté

...leur capacité d’organisation

...leur niveau en science et technologie

...leur autonomie

...leur niveau en éthique et culture religieuse

...leur capacité à collaborer

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Figure 1. Effets négatifs de la COVID-19 sur les élèves Primaire – Automne 2020

Au printemps, les trois principaux domaines d’apprentissage les plus touchés par la COVID-19 selon le personnel enseignant du primaire étaient les suivants : la capacité d’attention, la capacité à résoudre des problèmes et le niveau en grammaire des élèves (figure 2). Concernant la capacité d’attention des élèves, des enseignantes et enseignants ont mentionné que les élèves semblaient rencontrer des difficultés avec leur rôle en tant qu’élèves, dont notamment la capacité à demeurer attentifs, tant en classe qu’à distance, et la capacité à résoudre des problèmes d’ordre scolaire ou d’ordre socioémotionnel. Pour ce qui est des difficultés en grammaire, comme dans les réponses à la question ouverte du questionnaire de l’automne, des enseignantes et enseignants du primaire ont mentionné aux entretiens du printemps que les difficultés en français étaient particulièrement importantes chez les élèves allophones.

...leur capacité d’attention

...leur capacité à résoudre des problèmes

...leur niveau en grammaire

...leur niveau en écriture

...leur autonomie

...leur niveau en lecture

...leur capacité d’organisation

...leur niveau en mathématique

...leur capacité à collaborer

...leur niveau en éducation physique et à la santé

...leur niveau en histoire, géographie et éducation à la citoyenneté

...leur niveau en science et technologie

...leur niveau en éthique et culture religieuse

Au secondaire

Au secondaire, à l’automne, les enseignantes et enseignants ont souligné des effets négatifs surtout sur les capacités d’attention, d’organisation et de résolution de problèmes de leurs élèves (figure 3). Il est intéressant de noter que les effets sur les apprentissages dans la discipline enseignée par les répondantes et répondants étaient relativement faibles (il ne s’agissait alors que du 7e domaine d’apprentissage le plus nommé). Concernant l’attention et l’organisation, selon les réponses à la question ouverte du questionnaire, ces difficultés ont surtout été vécues en enseignement à distance, puisque les interventions étaient plus difficiles en ligne qu’en présentiel, mais elles se sont aussi manifestées à l’école. En ligne, davantage de distractions faisaient en sorte que conserver l’attention des élèves était perçu comme un défi par le personnel enseignant. En présentiel, l’organisation scolaire irrégulière (horaires, bulles-classes, déplacements, matériel scolaire, plateformes et outils d’apprentissage numériques, etc.) dans le respect des mesures sanitaires en vigueur s’est avérée difficile à suivre pour plusieurs élèves. Pour ce qui est de la résolution de problèmes, les enseignantes et enseignants ont souligné qu’il s’agissait d’une importante difficulté des élèves en mathématiques.

Au printemps, les deux premiers effets négatifs de la COVID-19 sur les élèves perçus par le personnel enseignant touchaient toujours les capacités d’attention et d’organisation des élèves, suivies par leur autonomie et leur niveau dans la discipline enseignée (figure 4). Comme leurs collègues du primaire, les enseignantes et enseignants du secondaire ont souligné en entretien avoir remarqué un effet plus important de la COVID-19 sur les élèves déjà en difficulté au préalable,

...leur capacité d’attention

...leur capacité d’organisation

...leur capacité à résoudre des problèmes

...leur niveau en écriture

...leur santé physique

...leur niveau en lecture

...leur niveau dans la discipline que j’enseigne

...leur autonomie

...leur capacité à collaborer

ainsi que des grands écarts d’adaptation au retour à l’école entre les élèves les plus forts et les élèves en difficulté. Des enseignantes et enseignants du secondaire ont mentionné en entretien que plusieurs élèves avaient peu de soutien à la maison, et que l’enseignement hybride1 contribuerait très probablement à creuser encore davantage les écarts entre les élèves forts, qui réussiraient de toute manière, et les élèves plus à risque d’échec, pour qui le risque augmenterait. On note également que le niveau des élèves dans la discipline enseignée est monté au 4e rang des principaux effets négatifs de la COVID-19. On peut supposer que le retard accumulé tant durant la fermeture des écoles que durant l’année scolaire où les contenus enseignés ont dû être ramenés « à l’essentiel »2 a fini par se faire sentir chez les élèves comme chez le personnel enseignant.

...leur capacité d’attention

...leur capacité d’organisation

...leur autonomie

...leur niveau dans la discipline que j’enseigne

...leur capacité à résoudre des problèmes

...leur santé physique

...leur niveau en écriture

...leur niveau en lecture

...leur capacité à collaborer

Quelques mises en garde

Avant de conclure, il est nécessaire de mentionner que, comme toute étude, celle-ci comporte ses limites. D’abord, comme dans la grande majorité des études sur les effets de la COVID-19, tant en éducation que dans d’autres domaines, il est impossible d’établir un portrait prépandémique de la population étudiée. Il est donc difficile de déterminer ce qui relève spécifiquement des impacts de la COVID-19 et ce qui relève de situations ou d’influences préalables. Ensuite, bien que notre échantillon comporte plusieurs centaines d’élèves et d’enseignantes et enseignants, il ne représente qu’une petite proportion de la population étudiée. Par ailleurs, il se peut que le personnel enseignant ayant répondu aux questionnaires et s’étant porté volontaire pour les entretiens corresponde à celles et ceux qui avaient le plus de choses à dire sur la situation ou qui avaient vécu plus difficilement que les autres cette année scolaire particulière.

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Figure 2. Effets négatifs de la COVID-19 sur les élèves Primaire – Printemps 2021 Figure 3. Effets négatifs de la COVID-19 sur les élèves Secondaire – Automne 2020 Figure 4. Effets négatifs de la COVID-19 sur les élèves Secondaire – Printemps 2021

Une école à reconstruire, des élèves à ne pas perdre de vue

Bien que les effets négatifs de la COVID-19 sur les élèves perçus par le personnel enseignant sont relativement importants, on constate, tant dans les questionnaires que dans les entretiens, que la totalité du personnel enseignant participant a souligné la grande résilience des élèves durant l’année scolaire 2020-2021. Plusieurs ont également mentionné que les mesures d’aide aux élèves (Conseil supérieur de l’éducation, 2021) avaient été très aidantes. Par ailleurs, il est intéressant de mentionner que les élèves, de leur côté, ont déclaré que les effets de la COVID-19 sur leurs apprentissages étaient plutôt faibles, alors que, comme nous l’avons montré, les enseignantes et enseignants les perçoivent de leur côté comme assez importants. Il est alors permis de se demander si les élèves sous-estiment les effets de la COVID-19 ou si les enseignantes et enseignants les surestiment : la réalité se trouve probablement quelque part entre les deux. Concernant les perceptions du personnel enseignant, soulignons que le stress usuel lié à la profession enseignante (Eblie Trudel et al., 2021), en plus du stress lié à la pandémie, aux mesures sanitaires et aux bouleversements de l’organisation scolaire durant l’année 2020-2021 peut avoir influencé leur représentation des effets de la COVID-19 sur leurs élèves.

le trauma, de la collaboration entre l’école et la famille, ou encore de l’accompagnement des élèves présentant diverses difficultés (Müller et Goldenberg, 2020). ÉC

Ce projet a été financé par le Conseil de recherche du Canada en sciences humaines (CRSH) et le ministère de l’Éducation du Québec, dans le cadre du programme Engagement partenarial – initiative spéciale COVID-19.

Remerciements

Ce texte a été rédigé par Marion Deslandes Martineau, Patrick Charland, Yannick Skelling-Desmeules, Olivier Arvisais et Marie-Hélène Bruyère. Les auteurs et auteures tiennent à remercier les partenaires du ministère de l’Éducation et des centres de services scolaires concernés, de même que les collègues, cochercheurs et cochercheuses, collaborateurs et collaboratrices à l’étude : Jonathan Bluteau, Isabelle Plante, Isabelle Gauvin, Stéphane Cyr, Tegwen Gadais, Éric Dion, Joanna Trees Merckx et Jay S. Kaufman.

NOTES

1 L’enseignement hybride consiste en un enseignement qui se fait parfois à distance et parfois en présentiel. Pour une bonne partie de l’année scolaire 2020-2021, c’est l’horaire qui a été imposé aux élèves du 2e cycle du secondaire (soit des élèves de 14 à 17 ans).

2 Le ministère de l’Éducation a rendu disponibles des listes de savoirs essentiels sur lesquels se concentrer dans chaque discipline, au détriment d’autres notions faisant normalement partie des programmes d’enseignement.

RÉFÉRENCES

Conseil supérieur de l’éducation. (2021). Revenir à la normale? Surmonter les vulnérabilités du système éducatif face à la pandémie de COVID-19. Le Conseil. https:// cse.gouv.qc.ca/rebe20-21-covid/

Donnelly, R. et Patrinos, H. A. (2022). Learning loss during Covid-19: An early systematic review. PROSPECTS, 51(4), 601-609. doi.org/10.1007/s11125-021-09582-6

Eblie Trudel, L., Sokal, L. et Babb, J. (2021). Teachers’ Voices: Pandemic Lessons for the Future of Education. Journal of Teaching and Learning, 15(1), 4-19. doi.org/10.22329/jtl.v15i1.6486

Müller, L.-M. et Goldenberg, G. (2020, 5 juillet). Education in times of crisis: The potential implications of school closures for teachers and students. Chartered College of Teaching.

Puisqu’on ne connait pas les effets à long terme de la COVID-19 sur les élèves, il importe de continuer la recherche sur les milieux scolaires québécois pour les accompagner et les outiller dans leur reconstruction. De plus, il est primordial que le personnel enseignant et tout personnel scolaire travaillant auprès des élèves soient adéquatement formés pour soutenir et aider les élèves à court, moyen et long terme, par exemple à l’égard de l’accompagnement dans le deuil, le stress et

https://my.chartered.college/wp-content/uploads/2020/05/CCTReport070520_ FINAL.pdf?fbclid=IwAR0t62tROapzSQv28ofnIVc3AhE44UuFTP19dg6_ V0-o7y8NqAFkEawAWZ8

UNESCO. (2022). Education : from school closure to recovery. UNESCO. https:// unesco.org/en/covid-19/education-response

UNICEF. (2015, 19 janvier). The Investment Case for Education and Equity. UNICEF, Education Section.

https:// unicef.org/reports/investment-case-education-and-equity

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Il est alors permis de se demander si les élèves sousestiment les effets de la COVID-19 ou si les enseignantes et enseignants les surestiment.

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