Éducation Canada - janvier 2023 (Vol 63 No 1)

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janvier 2023 Vol. 63 No. 1 10 $ Publication 40031215 Disponible jusqu’au 18 avril 2023 TM MC Publié par www.edcan.ca/fr PLUS: Comprendre les traumas des élèves | Racisme systémique à l’école REPENSER L’AGIR PROFESSIONNEL EN CONTEXTE DE DÉCLIN FRANCOPHONE Précarité et résilience en francophonie canadienne n Leadership scolaire : recherche-action

janvier 2023 n Vol. 63 no. 1 n www.edcan.ca/fr

Table des matières

5 LE MOT DE LA RÉDACTION

Agir mieux, plus ou autrement?

6 VOIX DU RÉSEAU

Éducation francophone : un appel au courage est lancé Par Marius Bourgeoys

8 Francophonie canadienne Rien à perdre, rien à gagner Par Ronald Boudreau

10

Les directions générales scolaires du Québec définissent, développent et consolident leur leadership pour relever les défis actuels en éducation

Par Marie-Hélène Guay et Brigitte Gagnon

15

Je pleure dans ma tête : les traumas par les mots

Par Hélène Magny

18 Incidents critiques racistes en matière de leadership

Apprentissage de nouveaux agirs?

Par Mélissa Villella

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Réseau
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PHOTO
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PHOTO DE COUVERTURE : Gracieuseté de Carrefour Communautaire Beausoleil, Miramichi, Nouveau-Brunswick

Rédacteur en chef Max Cooke

Rédactrice francophone Gilberte Godin

Directeur artistique Dave Donald

Responsable des opérations Mia San José

Directrice du programme Bien dans mon travail Kathleen Lane

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Responsable du marketing Shanice Tadeo

Coordonnatrice administrative et de projet Nour Naffaa

Assistant graphiste/Éditeur du contenu numérique Daniel Escate Ventes de publicité publicite@edcan.ca

Éditeur Association canadienne d’éducation Présidente Claire Guy

Marius Bourgeoys, cofondateur d’escouadeÉDU, conférencier, coach et consultant, L’Orignal, ON

Dr. Curtis Brown, Retired Superintendent, South Slave Divisional Education Council, Fort Smith, NT

Dr. Alec Couros, Director, Centre for Teaching and Learning, University of Regina, Regina, SK

Nathalie Couzon, technopédagogue, Collège Letendre, Laval, QC

Grant Frost, President (Halifax County Local), Nova Scotia Teachers’ Union, Halifax, NS

Roberto Gauvin, Consultant en éducation chez Édunovis, Édunovis, Lac-Baker, NB

François Guité, consultant au ministère de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MEESR) du Québec, Québec, QC

Dr. Michelle Hogue, Assistant Professor and Coordinator of the First Nations Transition Program, University of Lethbridge, Lethbridge, AB

© 2023 l’Association canadienne d’éducation ISSN 0013-1253

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Ancrés dans l’expérience et la perspective de l’éducation au Canada, nos articles, en anglais et en français, donnent voix aux enseignants, aux directeurs d’écoles, aux administrateurs et aux chercheurs, c’est-à-dire à un réseau croissant d’experts qui se penchent avec courage et honnêteté sur les enjeux actuels de l’école et de la pratique en classe. Pragmatique et accessible, fondé sur des données probantes, le magazine Éducation Canada jette des ponts entre politiques, recherche et pratique.

Le magazine Éducation Canada est publié trois fois l’an par le Réseau ÉdCan. 60, avenue St. Clair E, bureau 703 Toronto, ON M4T 1N5

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Normand Lessard, Secrétaire général, Association des directions générales scolaires du Québec, Sherbrooke, QC

Corinne Payne, Directrice Générale, Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ), Québec, QC

David Price, Senior Associate, Innovation Unit, Leeds, UK

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Sébastien Stasse, directeur formation et recherche au CADRE21, Longueuil, QC

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Comité éditorial d’Éducation Canada

le mot de la rédaction

Agir mieux, plus ou autrement?

ON PEUT LEVER notre chapeau aux écoles francophones qui s’ingénient à repenser leur agir professionnel alors que les réalités sociales et scolaires se complexifient dans un contexte où, proportionnellement, la population francophone canadienne diminue. Plus que jamais, Éducation Canada souhaite être là pour appuyer les changements qui s’opèrent dans le monde scolaire. En fait, pour la première fois depuis l’existence de la revue ÉdCan, nous en publions un numéro uniquement en français, cherchant ainsi à être plus pertinents pour le personnel éducatif francophone de nos écoles.

Les difficultés de l’école francophone à travers le pays se ressemblent malgré l’asymétrie qui fait qu’à certains endroits les classes se vident tandis qu’à d’autres, les locaux sont bondés d’élèves. Dans les deux cas, le personnel scolaire compose avec un monde en mutation et côtoie des élèves qui arrivent avec leurs forces et leurs besoins particuliers, des matières brutes avec lesquelles les pédagogues réinventent continuellement leur agir professionnel.

Le personnel éducatif, très résilient de nature, réclame de plus en plus d’appui et de formation pour toutes les nouveautés qui s’imposent, y compris la diversification des équipes de travail et des élèves qui lui sont confiés. Déjà, ce personnel se trouve souvent insuffisant en nombres, notamment pour les tâches d’accueil de nouveaux arrivants (tant chez les élèves que chez le personnel enseignant), pour les tâches d’accompagnement, d’accommodement et d’évaluation, pour assurer le bienêtre et la sécurité de chacun, pour créer des liens signifiants…, il mérite, pour optimiser ses interventions, d’être guidé par un leadership réfléchi, compétent et conscient. Il mérite d’avoir la capacité de son mandat.

Dans ce numéro, Guay et Gagnon (p. 10) répandent l’espoir d’agirs professionnels fédérés par des leaders formés pour composer avec les contextes particuliers et fluctuants. Ronald Boudreau (p. 8) pose des questions de fond quant à l’utilisation des outils disponibles en français pour appuyer le développement de citoyens engagés et compétents. Comment ces outils sont-ils présentés au personnel enseignant? – ou – le sont-ils? Quelles conditions d’application sont mises en place pour que ces outils fassent leur œuvre? Qu’apprendrait-on en évaluant la santé des écoles de langue française par un suivi auprès de ses diplômés? En ce qui concerne les élèves qui viennent s’ajouter à la grande famille francophone canadienne et québécoise, Hélène Magny (p. 15) explique sa motivation dans la réalisation de son important documentaire intitulé « Je pleure dans ma tête », une production qui soutient le personnel enseignant dans ses efforts pour comprendre les traumatismes des élèves réfugiés. De son côté, Mélissa Villella, (p. 18) éclaire de données des situations trop fréquentes de racisme au sein même du personnel scolaire venu en renfort dans les écoles publiques.

Un numéro qui parle de situations qui nous amènent probablement à agir mieux – pas nécessairement plus – mais assurément à agir autrement, de manière réfléchie, compétente et consciente. ÉC

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voix du réseau

PAR MARIUS BOURGEOYS

Éducation francophone : un appel au courage est lancé

Bourgeoys est conférencier, coach et consultant. Il met sa passion pour le leadership et le coaching au service des leaders en éducation. Sa mission est d’aider et d’inspirer les leaders à développer leur potentiel, à avoir une influence positive sur les gens autour d’eux et à obtenir de meilleurs résultats dans toutes les sphères de leur vie.

JE M’APPELLE MARIUS, je suis un fier Franco-Ontarien et j’œuvre en éducation francophone depuis 21 ans. Ça fait drôle d’être obligé de préciser que je travaille en français, parce que je vis, je pense et je ressens en français. Mais je suis minoritaire au Canada. Peut-être l’êtes-vous aussi. En effet, les effectifs francophones sont faibles et malgré bien des efforts, ils sont en déclin dans plusieurs milieux. En écrivant cette phrase, j’ai l’impression de citer ma professeure à la Faculté d’éducation en 1999.

Les meilleurs

Mes expériences d’enseignant de français au secondaire et de directeur adjoint m’ont fait vivre de près les enjeux liés à notre réalité. Qui n’a jamais employé l’expression « Nos élèves sont les meilleurs! » ou encore « Notre école

est la meilleure! » afin d’inciter les familles à inscrire leurs enfants dans son école? D’ailleurs, les parents nous envoient, eux aussi, leurs meilleurs enfants, comme disait notre collègue à la direction d’écoles anglophones, Wayne Hulley.

Le mandat

Quelle que soit la langue d’enseignement (français ou anglais au Canada), nous (les professionnels de l’éducation) voulons offrir la meilleure éducation possible aux enfants qui nous sont confiés. C’est-à-dire que nous voulons naturellement agir pour assurer des apprentissages pertinents, durables et stimulants ainsi que pour protéger le bienêtre des élèves et du personnel. C’est le mandat en éducation, quelle que soit la langue d’enseignement.

Le combat

Lorsque j’étais coordonnateur responsable de la construction identitaire dans mon conseil scolaire, j’ai constaté, et vous avez possiblement fait le même constat, que les activités destinées à faire vivre aux élèves des émotions positives en français (construction identitaire) avaient souvent la saveur d’un combat. Comme s’il fallait

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Marius

prendre notre place…, pour un avenir meilleur. Tsé. Ça sentait le courage.

Le courage

Face aux enjeux et aux défis liés au contexte minoritaire actuel du monde de l’éducation francophone, la même saveur revient. Certains vous suggéreraient probablement de fermer des écoles. Ce serait l’opposé du courage. Abandonner n’a rien de courageux. Ça prend du courage pour exister, pour continuer en tant que francophones. Avonsnous le courage de continuer?

Le dialogue

Je ne connais pas votre réalité bien unique à vous, alors je vous propose humblement cinq questions qui servent de point de départ pour ouvrir le dialogue avec les gens dans votre milieu afin de trouver de réelles pistes d’action.

• Pourquoi les familles dans votre milieu choisiraient-elles le français comme langue d’enseignement? Pourquoi choisiraient-elles l’éducation francophone?

• Comment pourrait-on rendre les écoles francophones encore plus attrayantes pour les familles et les professionnels?

• Quelles actions professionnelles administratives et pédagogiques permettraient d’assurer des apprentissages pertinents, durables et stimulants dans les écoles francophones, notamment les écoles avec moins d’effectifs?

• Quelles actions professionnelles administratives et pédagogiques permettraient de protéger le bienêtre des élèves et du personnel scolaire dans les écoles francophones, notamment les écoles avec moins d’effectifs?

• Quelles actions professionnelles administratives permettraient le recrutement et la rétention des effectifs francophones dans les différents milieux?

La réalité

Si vous œuvrez dans un milieu francophone minoritaire, un appel au courage est lancé. Personne ne viendra cogner à notre porte pour nous offrir sur un plateau d’argent la solution à notre problème de vitalité institutionnelle. Qui sait quelle forme le courage prendra-t-il dans votre milieu? ÉC

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PHOTO : GRACIEUSETÉ DE CARREFOUR COMMUNAUTAIRE BEAUSOLEIL, MIRAMICHI, NOUVEAU-BRUNSWICK

Enseignant avant tout, Ronald Boudreau est un fervent observateur de la francophonie canadienne et de ses écoles, en particulier. Joyeux retraité, il contribue à l’occasion à des projets résolument tournés vers l’avenir.

Francophonie canadienne

Rien à perdre, rien à gagner

SI VOUS FAITES une collection de données probantes ou de statistiques scientifiques, il n’y a rien à voir ici. Passez vite à l’article suivant!

Vous êtes toujours là? Tant mieux, puisqu’ici « repenser les agirs professionnels » nous mène tout droit hors des sentiers battus, bien loin des enquêtes traditionnelles. Bref, il faut des gens comme vous qui osez penser différemment et qui ne craignent pas d’analyser les choses sous l’angle très pointu des milieux francophones minoritaires du Canada.

Il faut au départ accepter qu’on ne peut pas aborder la question des agirs professionnels de la même façon quand on traite des écoles de langue française dans ce contexte. La raison est fort simple : les finalités ne sont pas les mêmes.

Loin de moi l’idée que les écoles de la majorité ne se soucient pas de ce que deviendront les élèves au lendemain de la collation des grades. Force est d’admettre cependant que dans le cas de l’école de langue française, cette question est au cœur même de sa raison d’être. La question fondamentale qui se pose ne se traduit pas, philosophiquement du moins : Quelle place feront les élèves à la langue française une fois leur diplôme en poche?

examen et juste avant de recevoir leur diplôme de fin d’études. La rencontre était connue sous l’appellation « Rien à perdre, rien à gagner ». Je n’avais qu’un seul but pour cette rencontre qui durait tout un après-midi à la fin-juin. Il s’agissait de savoir ce que les élèves pensaient de l’éducation qu’ils avaient reçue. Ils n’avaient rien à perdre puisque tout ça était désormais derrière eux et il ne s’agissait aucunement de les évaluer; et rien à gagner puisqu’ils ne profiteraient pas personnellement des suggestions qu’ils pourraient faire.

À chaque année, quelque chose de magique se passait dès les premières minutes de la rencontre. Je voulais parler d’éducation? Ils voulaient parler de la langue française. On oublie souvent que tous les élèves de nos milieux minoritaires auraient très bien pu se diriger vers le système anglais. Tous, sans exception. Et pourtant, ils étaient là, devant moi. Certains avouaient candidement que ça n’avait pas été leur choix personnel, leurs parents ayant pris la décision pour eux. D’autres n’avaient jamais considéré l’option, et certains avaient fait le choix d’y rester. Tout ça pour une seule raison : le français.

ALORS QUE

J’OCCUPAIS un poste à la direction régionale d’un conseil scolaire, j’avais entrepris de réunir les élèves finissants à un moment bien précis de leur parcours scolaire : juste après avoir passé leur dernier

NOUS VOICI DONC au cœur d’une dure réalité. Ces rencontres ont permis de faire ressortir le fait que l’école avait souvent été pour ces élèves la seule occasion de vivre tant soit peu en français. L’après? Un très petit nombre se dirigerait vers les institutions post-secondaires en français. Pour la plupart, la place qu’occuperait le français était

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PROFESSIONNEL
CONTEXTE
DÉCLIN FRANCOPHONE
REPENSER L’AGIR
EN
DE

non seulement une question pour laquelle on n’avait pas de réponse, c’était une chose à laquelle on n’avait jamais même songé. Ouch!

Les communautés scolaires ont pourtant tout ce qu’il faut pour éviter un tel aboutissement. On a qu’à penser aux nombreux outils de construction identitaire que l’Association canadienne d’éducation de langue française (ACELF) a produit au fil des ans et continue de produire pour alimenter son réseau. La Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (FCE), de concert avec le personnel enseignant et nos chercheurs les plus réputés, a conçu la Pédagogie à l’école de langue française (PELF). Il ne s’agit là que de deux ressources importantes parmi toute une panoplie d’appuis à l’apprentissage des élèves de nos écoles.

Dans un premier temps, il n’existe aucune enquête qui détermine dans quelle mesure sont utilisés ces outils conçus à l’usage très spécifique des écoles de langue française en contexte minoritaire. Nous savons cependant qu’on n’y fait référence qu’à de rares exceptions dans les programmes d’études, la référence principale du personnel des écoles. Même la formation initiale de ce dernier accuse d’importantes lacunes à cet égard. Comment s’attendre alors à ce que les agirs professionnels s’alignent avec des objectifs qui ne sont promus nulle part?

D’autre part, le temps est venu de songer à une étude longitudinale portant sur la place qu’occupe le français dans la vie des élèves de nos écoles une fois devenus adultes. C’est la seule mesure qui permettrait vraiment de déterminer si nos écoles sont à la hauteur des attentes sociétales et gouvernementales qui les sous-tendent face au maintien de la langue française. Il serait alors possible d’extrapoler une mine d’information qui permettrait de mieux intervenir auprès des élèves issus de mariages endogames ou exogames, de l’immigration ou même de ceux qui bénéficient d’une certaine souplesse dans les critères d’admission qu’expérimentent certains milieux.

Nous savons que la proportion de Canadiens dont le français est la première langue officielle a diminué considérablement depuis les dernières années, et même le Québec n’est pas épargné par cette tendance. Nous reconnaissons aussi que le nombre de personnes qui s’intéressent à une carrière en enseignement ne suffit pas à combler les besoins des écoles. Le moment est venu de poser des gestes concrets pour pallier l’une et l’autre de ces situations alarmantes.

Quand l’école de langue française en contexte minoritaire se distinguera clairement des autres par sa pédagogie, sa programmation et les ressources qu’elle met entre les mains de ses élèves, peut-être alors sera-t-elle un milieu de travail davantage convoité. ÉC

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REPENSER

Marie-Hélène Guay est professeure au département de gestion de l’éducation et de la formation à l’Université de Sherbrooke (Québec). Ses recherches, enseignements et accompagnements actuels concernent la définition et le développement du leadership compétent et conscient des leaders scolaires, particulièrement des directions générales des centres de services et des commissions scolaires.

Brigitte Gagnon est professeure au département de gestion de l’éducation et de la formation à l’Université de Sherbrooke (Québec). Elle se consacre au développement professionnel individuel et collectif des leaders scolaires par de la formation, de l’accompagnement et de la recherche-action.

Les directions générales scolaires du Québec définissent, développent et consolident leur leadership pour relever les défis actuels en éducation

Il faut changer de question et passer de «  quel est le problème et comment peut-on le régler? » à « qu’est-ce qui est possible ici et à qui cela tient-il à cœur? » pour que toute l’énergie change.

Wheatley (2008)

EN 2020, les directions générales scolaires du Québec doivent relever de nombreux défis, dont la pénurie de personnel breveté et la décroissance des effectifs. Accompagnées de deux universitaires, elles s’engagent dans une recherche-action pour mettre à jour leur agir professionnel compétent et conscient, c’est-à-dire leur vision du contexte d’exercice de leur profession, leurs présupposés au regard du leadership et leurs intentions et actions prioritaires pour actualiser un leadership fort au cœur de cette

complexité. Cet article rend compte : 1) des préoccupations à l’origine de leur projet; 2) de leurs objectifs prioritaires; 3) des actions qu’elles ont mises en œuvre et 4) des résultats et retombées déjà perceptibles de leurs efforts.

En conclusion, l’article propose aux leaders de l’éducation un questionnement inspiré de cette recherche-action pour définir, développer et consolider leur propre agir professionnel, individuel et collectif afin de relever les défis actuels en éducation.

Préoccupations initiales

La pénurie de personnel breveté et la décroissance des

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L’AGIR PROFESSIONNEL EN CONTEXTE DE DÉCLIN FRANCOPHONE

effectifs ne sont que quelques exemples d’enjeux qui caractérisent aujourd’hui le contexte d’exercice des directions générales scolaires responsables de fédérer des services éducatifs de qualité sur le territoire d’un centre de services ou d’une commission scolaire. Selon les régions du Québec, elles vivent aussi l’hypercroissance des clientèles et de nombreux défis opérationnels de gestion (p. ex., pandémie, qualité des infrastructures). Elles doivent également composer avec des élèves aux caractéristiques et aux préalables de plus en plus diversifiés, une évolution importante des technologies numériques et des attentes sociales et parentales élevées envers le système scolaire. À l’hiver 2020 vient s’ajouter à ce portrait une transformation/évolution de la gouvernance scolaire au Québec. Celle-ci redéfinit les mandats et les responsabilités du ministère de l’Éducation, de la Fédération des centres de services scolaires, des centres de services scolaires, des commissions scolaires et des établissements scolaires et elle modifie

les rôles spécifiques des directions générales francophones et anglophones et leur façon d’exercer, ensemble et respectivement, leur pouvoir en éducation (Gouvernement du Québec, 2020). À ce moment-là, les directions générales sont soucieuses de faire reconnaître leur rôle de premiers dirigeants alors qu’elles sont parmi les rares acteurs de l’éducation au Québec à ne pas avoir de cadre de référence décrivant leur agir professionnel.

Objectifs

Dans ce contexte, à l’été 2020, l’Association des directions générales scolaires du Québec (ADGSQ) fait le choix de mandater son Comité de perfectionnement et de développement professionnel (CPDP), en collaboration avec deux universitaires de l’Université de Sherbrooke, pour vivre une recherche-action dont les objectifs sont 1) d’élaborer un premier cadre de référence décrivant l’agir professionnel de ses

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membres et 2) d’amorcer l’actualisation du réseau de leurs activités de développement professionnel en cohérence avec ce cadre de référence. Les directions générales scolaires veulent ainsi se donner une première vision, partagée et novatrice, de ce qu’elles croient et aspirent à être et à faire ensemble, en priorité, pour influencer la concrétisation de la mission de l’école québécoise. Sur la base d’une telle vision du leadership à exercer, elles veulent orienter leur développement professionnel en tant que pilier d’actions concertées et porteuses, individuelles et collectives, au cœur d’un renouvellement important des membres de leur association professionnelle.

Mise en œuvre ou méthodologie

Une recherche-action est fondamentalement une action de recherche et d’éducation de praticiens-chercheurs volontaires qui veulent simultanément soutenir une transformation significative pour s’éduquer, éduquer et contribuer à la production de savoirs professionnels (Guay et Gagnon, 2021). Entre août 2020 et juin 2022, les directions générales membres du Comité de perfectionnement et de développement professionnel (CPDP), représentantes de toutes les régions du Québec et des différentes activités de développement professionnel vécues par les directions générales scolaires, se réunissent cinq jours par année pour agir, apprendre et chercher ensemble. Elles partagent d’abord leur vision de leur situation actuelle et codéfinissent les objectifs prioritaires de la recherche-action puis recensent et analysent des expériences professionnelles emblématiques source de fierté et de difficultés dans leurs milieux respectifs. Également, elles définissent et analysent leurs projets individuels de développement professionnel. Ces deux opérations permettent de mettre à jour un prototype de l’agir professionnel compétent et conscient des directions générales scolaires, c’est-à-dire les actions qu’elles perçoivent les plus susceptibles d’influencer la transformation significative de leurs organisations en fonction d’intentions et de présupposés explicites ajustés à leur contexte actuel. Lors de rencontres régionales et collectives, les membres du CPDP mobilisent l’ensemble des directions générales scolaires du Québec dans des échanges sur ce prototype de leur agir professionnel. Au fil de ces travaux, le CPDP s’assure que les réflexions et les choix des membres de l’ADGSQ sont mis en écho à d’autres cadres de référence canadiens et internationaux sur le leadership des directions générales de centres de services et de commissions scolaires et éclairés par de récentes synthèses de recherches sur l’effet district1

Résultats et retombées

La recherche-action permet la création d’un cadre de référence intitulé Le leadership des directions générales scolaires (ADGSQ, Guay et Gagnon, 2022), lequel rend explicite l’agir professionnel compétent et conscient collectif des directions générales scolaires du Québec, c’est-à-dire leurs présupposés au regard du leadership, la lecture de leur contexte d’exercice et leurs intentions et actions à prioriser, individuellement et collectivement, pour concrétiser ces intentions. Le tableau 1 résume les questions ayant balisé la mise à jour de cet agir professionnel et les réponses concertées à ces questions des directions générales scolaires du Québec.

À ce jour, le processus de création du Cadre de référence a permis l’actualisation du Microprogramme d’insertion à la direction générale de centres de services et de commissions scolaires (PIDIGECSS) de l’Université de Sherbrooke comme en témoigne un récent article d’Éducation Canada (Guay et Gagnon, 2022). Au printemps 2022, les directions générales scolaires du Québec l’ont également utilisé pour effectuer une analyse de leurs besoins prioritaires de développement professionnel pour l’année scolaire 2022-2023. Par exemple, la thématique du Congrès de l’ADGSQ de mai 2023 a été établie en adéqua-

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tion avec cette analyse. À l’automne 2022, une entente pour la mise en œuvre d’une phase 2 de la recherche-action est aussi entérinée entre l’ADGSQ et l’Université de Sherbrooke, laquelle a comme objectifs de permettre aux directions générales de/d’ : 1) consolider leur compréhension partagée du leadership tel que décrit dans le cadre de référence; 2) mettre en œuvre concrètement ce leadership dans le développement du réseau de leurs activités de développement professionnel dont leurs rencontres régionales; 3) évaluer les retombées de cette mise en œuvre sur leur développement professionnel individuel et collectif.

Conclusion

Dans le cadre d’un numéro thématique sur l’importance de repenser les agirs professionnels au cœur des nombreux défis actuels en éducation, dont la pénurie de personnel breveté et la décroissance des effectifs, cet article se voulait une inspiration pour inciter les leaders en éducation, dont les directions d’établissements, les enseignants ou les professionnels, à définir, développer et consolider, eux aussi, leur propre agir professionnel, individuel et collectif, pour espérer relever ensemble de tels défis actuels en éducation. En guise de conclusion, en écho à la recherche-action menée par les directions générales scolaires du Québec, un cadre de questionnement est ainsi proposé au tableau 2. Il veut soutenir la réflexion individuelle et/ou collective de leaders conscients que des présupposés explicites, une lecture attentive du contexte d’exercice et des intentions et des actions prioritaires ciblées sont désormais névralgiques pour espérer œuvrer ensemble avec rigueur, efficacité, sens et bienêtre, au cœur de la complexité moderne. ÉC

NOTE

1 Effet du collectif constitué de la direction générale, du conseil d’administration (ou du conseil des commissaires), des services et des directions d’établissements pour fédérer des actions cohérentes et significatives à la réussite éducative sur le territoire d’un centre de services (ou d’une commission scolaire) (inspiré de Leithwood, Sun et Mc Cullough, 2019).

RÉFÉRENCES

ADGSQ, Guay, M.-H. et Gagnon, B. (2022). Le leadership des directions générales scolaires: Un cadre de référence pour le définir, le développer et le consolider ensemble https://adgsq.ca/adgsq/cadre-de-reference-sur-le-leadership-des-directionsgenerales-scolaires/

Gouvernement du Québec. (2020). Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge. php?type=5&file=2020C1F.PDF

Guay, M.-H. et Gagnon, B. (2022). Et les directions générales scolaires, comment les former à agir avec compétence et conscience au cœur de la complexité actuelle? Éducation Canada https://edcan.ca/articles/les-directions-generales-scolaires-comment-lesformer/?lang=fr

Guay, M.-H. et Gagnon, B. (2021). La recherche-action. Dans I. Bourgeois (dir.), Recherche sociale. De la problématique à la collecte de données (7e édition, pp. 415-440). Presses de l’Université du Québec.

Guay, M-H. et Gagnon B. (2019). Esquisse d’une théorie constructivistedéveloppementale du leadership en éducation. Actes du symposium L’influence des chefs d’établissement d’enseignement : Activité, pouvoir et développement tenu dans le cadre du colloque international de l’Actualité de la recherche en éducation et formation (AREF) 2019. Bordeaux, France, p. 62-72. https://aref2019.sciencesconf.org/resource/page/id/20

Leithwood, K., Sun, J. et McCullough. (2019). How School Districts Influence Student Achievement. Journal of Educational Administration, 57(5), 519-539.

McCauley, C. D., Drath, W. H., Palus, C. J., O’Connor, P. M. G. et Baker, B. A. (2006). The Use of Constructive-Development Theory to Advance the Understanding of Leadership. The Leadership Quarterly, 17, 634-653.

Rooke, D. et W. R. Torbert. (2016). Les 7 logiques d’action des leaders. Harvard Business Review France, Hors-série, 76-90.

12 ÉDUCATION CANADA
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Tableau 1 : L’agir professionnel compétent et conscient collectif des directions générales scolaires du Québec

QUESTIONS POUR METTRE À JOUR NOTRE AGIR PROFESSIONNEL COMPÉTENT ET CONSCIENT

CONTEXTE

Qu’est-ce qui nous environne et caractérise actuellement le contexte d’exercice de notre profession?

NOTRE AGIR PROFESSIONNEL COMPÉTENT ET CONSCIENT EN TANT QUE DIRECTIONS GÉNÉRALES SCOLAIRES

• Des élèves, jeunes et adultes, aux caractéristiques et aux préalables de plus en plus spécifiques et diversifiés sur les plans social et de la réussite;

• un renouvellement important des différents acteurs du système d’éducation en contexte de pénurie de maind’œuvre et de ressources spécialisées, incluant les directions générales elles-mêmes;

• une évolution importante des technologies numériques qui transforment la société et le monde du travail;

• des attentes sociales, économiques et parentales élevées envers le réseau scolaire, lesquelles sont souvent politisées et judiciarisées en filigrane d’une participation citoyenne accentuée, entre autres, par les médias sociaux relayant des préoccupations momentanées ou à court terme;

• de tangibles disparités d’enjeux entre les centres de services scolaires ou les commissions scolaires de grandes et petites tailles, anglophones ou francophones, dont, par exemple, la décroissance versus l’hyper-croissance des clientèles et les liens proximaux avec certaines communautés minoritaires;

• une transformation/évolution de la gouvernance scolaire au Québec qui redéfinit les mandats et les responsabilités du ministère de l’Éducation, de la Fédération des centres de services scolaires, des centres de services scolaires, des commissions scolaires et des établissements scolaires et modifie les rôles spécifiques des directions générales francophones et anglophones et leur façon d’exercer, ensemble et respectivement, leur pouvoir actuel et à venir en éducation;

• de nombreux défis opérationnels de gestion découlant d’enjeux sociétaux émergents (p. ex., pandémie, qualité de l’eau, de l’air et des infrastructures, inclusion de la diversité, enjeux de santé mentale, etc.);

• les exigences du transfert et du réinvestissement d’un réservoir de plus en plus solide de savoirs théoriques et professionnels en éducation et de données statistiques pour orienter des réflexions et des actions éclairées et rigoureuses au service de la réussite éducative des élèves, jeunes et adultes.

PRÉSUPPOSÉS

Que croyons-nous et considérons-nous vrai sur le leadership à exercer dans ce contexte? Inspirés de quels référents théoriques?

Le leadership correspond à une capacité à influencer par une attention soutenue 1) au respect des règles et des normes; 2) à l’atteinte d’objectifs ambitieux par la mise en œuvre de pratiques pédagogiques et administratives démontrés efficaces par la recherche et, tout autant, 3) au pilotage du développement cohérent des unités interdépendantes d’un centre de services ou d’une commission scolaires, avec des parties prenantes internes et externes au plan régional et national, sur la base d’intentions, d’actions et de présupposés conscients ajustés au contexte. C’est ainsi qu’un centre de services ou une commission scolaire, considéré(e) organisation apprenante, peut assurer sa mission au regard de la réussite éducative (Mc Cauley et al., 2006; Rooke et Torbert, 2016 et Guay et Gagnon, 2019).

INTENTIONS

Que voulons-nous concrétiser en priorité dans ce contexte et sur la base de ces présupposés en tant que leaders et premiers dirigeants des centres de services et des commissions scolaires ?

• Maintenir et améliorer la réussite éducative différenciée de tous les élèves, jeunes et adultes, et le développement d’un système public d’éducation de qualité aux hauts standards;

• Assurer le bienêtre du personnel et des élèves des établissements scolaires québécois;

• Actualiser les meilleures pratiques pédagogiques et de gestion permettant l’optimisation et le développement des ressources et des processus au service de la réussite éducative;

• Influencer des décisions collectives cohérentes et innovantes en éducation au Québec sur les plans idéologique, pédagogique, organisationnel, budgétaire et de la gouvernance scolaire à l’échelle régionale et nationale;

• Être des collaborateurs et des partenaires stratégiques incontournables, et reconnus comme tels, du développement de l’éducation et des citoyens de demain sur les plans régional, national et international;

• Positionner les centres de services et les commissions scolaires comme des piliers du développement du Québec contemporain, c’est-à-dire des maîtres d’œuvre d’actions concertées et porteuses permettant aux Québécoises et aux Québécois d’exercer et de témoigner d’un dynamisme social et économique fort, ici comme ailleurs.

ACTIONS

Qu’avons-nous à prioriser comme manière d’être et de faire pour concrétiser ces intentions dans ce contexte actuel d’exercice de notre leadership ?

• Développer le leadership

– le mien – celui des leaders du centre de services scolaire ou de la commission scolaire – celui de la communauté de directions générales scolaires

• Assurer l’actualisation continue d’une vision stratégique axée sur la réussite

• Orchestrer la planification stratégique, sa mise en œuvre, sa régulation et sa diffusion

• Établir et favoriser des communications et des relations significatives et empreintes de confiance

• Incarner la collaboration et organiser le développement d’une culture collaborative

www.edcan.ca/fr/magazine Le Réseau Édcan | janvier 2023 • ÉDUCATION CANADA 13

Tableau

2: Questions pour mettre à jour un agir professionnel compétent et conscient individuel et/ou collectif de leaders en éducation

INDIVIDUEL

• Qu’est-ce qui m’environne et caractérise actuellement le contexte d’exercice de ma profession?

CONTEXTE

• Quels sont les principaux comités, projets, structures collaboratives où j’interviens?

• Quand?

• Avec qui?

• Auprès de qui?

• Avec quoi (ressources)?

COLLECTIF

• Qu’est-ce qui nous environne et caractérise actuellement le contexte d’exercice de notre profession?

• Quels sont les principaux comités, projets, structures collaboratives, instances où nous intervenons?

• Quand?

• Avec qui?

• Auprès de qui?

• Avec quoi (ressources)?

PRÉSUPPOSÉS

• Qu’est-ce que le leadership pour moi? À quoi ça sert? Que fait un leader en priorité pour exercer son leadership?

• Qu’est-ce qu’apprendre, enseigner, évaluer? À quoi ça sert? Que fait un leader en priorité pour influencer l’apprentissage, l’enseignement et l’évaluation?

• Qu’est-ce que superviser et accompagner le développement individuel et collectif? À quoi ça sert? Comment le faire?

• Qu’est-ce que collaborer? À quoi ça sert? Comment le faire?

• Qu’est-ce que communiquer? À quoi ça sert? Comment le faire?

• Sur quels savoirs professionnels ou issus de la recherche j’appuie mes présupposés? Auteurs préférés?

• Quelle est ma mission en tant que leader dans ce contexte?

• Qu’est-ce que le leadership pour nous? À quoi ça sert? Que fait un leader en priorité pour exercer son leadership?

• Qu’est-ce qu’apprendre, enseigner, évaluer? À quoi ça sert? Que fait un leader en priorité pour influencer l’apprentissage, l’enseignement et l’évaluation?

• Qu’est-ce que superviser et accompagner le développement individuel et collectif? À quoi ça sert? Comment le faire?

• Qu’est-ce que collaborer? À quoi ça sert? Comment le faire?

• Qu’est-ce que communiquer? À quoi ça sert? Comment le faire?

• Sur quels savoirs professionnels ou issus de la recherche appuyons-nous nos présupposés? Auteurs préférés?

INTENTIONS

• Qu’est-ce que je veux contribuer à faire advenir en priorité dans cette organisation en lien avec ma mission dans ce contexte?

• Qu’est-ce que je veux contribuer à faire advenir en priorité dans les principaux contextes où j’interviens ou voudrais intervenir davantage en lien avec ma mission?

ACTIONS

En cohérence avec ma mission et celle que j’estime prioritaire pour l’organisation qu’est-ce que je suis capable ou non d’être et de faire pour :

• me développer?

• soutenir le développement des leaders de l’organisation?

• définir une vision stratégique axée sur la réussite avec et pour mes pairs?

• orchestrer une planification stratégique, sa mise en œuvre, sa régulation et sa diffusion?

• établir et favoriser des communications et des relations significatives et empreintes de confiance?

• incarner la collaboration et soutenir le développement d’une culture collaborative?

• Que voulons-nous concrétiser en priorité dans ce contexte et sur la base de ces présupposés en tant que leaders?

Qu’avons-nous à prioriser comme manière d’être et de faire pour concrétiser ces intentions dans ce contexte actuel d’exercice de notre leadership? Autrement dit, que sommes-nous capables ou non d’être et de faire pour :

• nous développer individuellement?

• soutenir le développement des leaders de notre organisation?

• définir une vision stratégique axée sur la réussite avec et pour les autres parties prenantes de notre organisation?

• orchestrer une planification stratégique, sa mise en œuvre, sa régulation et sa diffusion?

• établir et favoriser des communications et des relations significatives et empreintes de confiance?

• incarner la collaboration et soutenir le développement d’une culture collaborative?

Remerciements au Comité de perfectionnement et de développement professionnel de l’ADGSQ : Gaëlle Absolonne, DG CS Sir-Wilfrid-Laurier; Jean-Pierre Bédard, DG CSS St-Hyacinthe; Yves Bédard, DG CSS de Rouyn-Noranda; Stéphane Chaput, DGA CSS de Montréal; Chantale Cyr, DG CSS Rives-du-Saguenay; Nadine Desrosiers, DG CSS de l’Estuaire; Dominique Lachapelle, DG CSS des Hautes-Rivières; Éric Lauzon, DGA CSS Marguerite-Bourgeoys; Julie Lavigne, DGA CSS de Laval; Suzie Lucas, DG CSS des; Navigateurs; Alexandre Marion, DG CSS des Monts et Marées; Kathleen Morel, DG CSS des Grandes-Seigneuries; Nadine Peterson, DG CSS Portages de l’Outaouais; Lisa Rodrigue, DG CSS des Sommets; Maude Trépanier, DGA CSS des Chênes; Michel Bernard et Normand Lessard, secrétaires généraux de l’ADGSQ; Anthony Bellini et Christian Provencher, collaborateurs en appui à la formation au PIDIGECSS.

14 ÉDUCATION CANADA  • janvier 2023 | Le Réseau Édcan www.edcan.ca/fr/magazine

« Je pleure dans ma tête : les traumas par les mots »

Ex-journaliste, Hélène Magny se consacre au film documentaire depuis 20 ans. « Je pleure dans ma tête » est son 9e film.

PAR HÉLÈNE MAGNY

S’IL Y A DEUX DOSSIERS qui auraient dû donner lieu à des propositions concrètes et convaincantes des aspirants au pouvoir pendant la campagne électorale 2022 au Québec, c’est bien l’éducation et l’immigration. Mais elle a laissé derrière elle un goût amer et bien des polémiques. L’éducation, l’enfant pauvre des gouvernements

successifs, a encore été abandonnée à son sort. Il incombe donc une fois de plus aux acteurs du milieu scolaire d’assurer les besoins criants dans nos écoles. Quant à l’immigration, les solutions proposées ne sont guère plus reluisantes.

Pourtant, l’un des défis importants auquel nous

www.edcan.ca/fr/magazine Le Réseau Édcan | janvier 2023 • ÉDUCATION CANADA 15
PROFESSIONNEL
CONTEXTE
REPENSER L’AGIR
EN
DE DÉCLIN FRANCOPHONE
REGARDEZ « Je pleure
ma
» : https://www.nfb.ca/film/je-pleure-dans-matete-les-traumas-par-les-mots/
PHOTO : ONF
dans
tête

sommes confrontés concerne l’immigration et l’intégration de ses jeunes dans le milieu éducatif. Il y a bien sûr la question cruciale de la francisation. Mais il y a aussi un autre enjeu que je trouve déterminant et sur lequel je me suis penchée comme documentariste durant les quatre dernières années.

La question m’a été posée plusieurs fois: « Pourquoi un film sur les traumatismes de guerre des jeunes réfugiés et leur intégration scolaire au Québec? »

Le sujet, qui peut sembler pointu, ne l’est pas. Au contraire, il concerne et touche tout le milieu scolaire au Canada et dans le monde entier. Je l’ai maintes fois constaté pendant toutes ces années de recherche et de tournage sur la problématique entourant la réalisation de ce long métrage intitulé « Je pleure dans ma tête » produit par l’Office National du Film du Canada (ONF).

La réponse à ce « pourquoi » est multiple. Il faut remonter à 2005 où un tournage à l’Est de la République démocratique du Congo m’a profondément ébranlée. Les images que nous avons filmées des longues colonnes de familles fuyant à pied les rébellions, de ces visages de femmes épuisées transportant leurs casseroles et leurs enfants accrochées à leurs jupes et d’hommes inquiets tenant des matelas sur la tête m’ont longtemps hantée. Pour la première fois, je voyais la guerre et ses conséquences tragiques sur les populations. Le mot « réfugié » venait tout à coup de prendre tout son sens.

Plus tard, en 2010, un autre tournage dans le camp de réfugiés birmans de Mae La en Thaïlande à la frontière birmane m’a fait prendre conscience des conditions de vie exécrables dans lesquelles vivent les réfugiés qui ont fui la guerre. Construit en 1984, Mae La abrite 32 000 personnes dont 11 % d’enfants qui y sont nés et qui, sans doute, y mourront, faute de pays d’accueil pour les sortir de là. Les traumatismes vécus pendant la guerre mais aussi dans les camps où les populations pensaient avoir trouvé « refuge » sont très importants et quelquefois pires que la guerre elle-même.

Pour l’avoir documenté en Birmanie, en République démocratique du Congo et au Liban dans les camps de Sabra et Chatila et dans la Vallée de la Békaa, les conditions de vie dans lesquelles évoluent les réfugiés sont misérables, indignes. Prisonniers sans barreaux, apatrides, sans travail ni dignité où le viol y est institutionnalisé, ils ont tout perdu, surtout l’espoir d’un retour à leurs racines. Leur pauvreté est absolue car ils vivent au crochet de l’État hôte qui plus souvent qu’autrement, les abandonne à leur sort. Quand on sait que l’Afrique est la première terre d’asile pour les réfugiés dans le monde, on comprend que ce sont les pays frontaliers des pays en guerre qui s’improvisent comme terre d’accueil. 90 % des réfugiés du monde entier sont accueillis par des pays en voie de développement.

Le présent des réfugiés - leur quotidien, leur précarité, leur accès à la santé et à l’éducation, - est le sujet le plus souvent abordé et documenté. Avec raison. Leur avenir aussi est préoccupant. Sous perfusion des agences onusiennes, dépendants des ressources de l’aide humanitaire, les réfugiés sont très souvent condamnés à l’oubli, tout en s’accrochant à l’idée qu’un jour peut-être, un pays d’accueil leur ouvrira les bras et les aidera à rebâtir leur vie et surtout celle de leurs enfants.

Ce sont là deux enjeux dont plusieurs de mes documentaires ont fait l’objet. Mais jamais je ne m’étais arrêtée à leur passé, à ce qu’ils avaient vécu, à leur parcours et aux conséquences psychosociales de la guerre et des camps sur eux. Au Canada, les réfugiés que nous recevons sont des réfugiés relocalisés, c’est-à-dire qu’ils proviennent tous des camps. Ils sont donc doublement traumatisés : par la guerre et la vie dans les camps. Sur 50 000 immigrants accueillis au Québec chaque année, 17 % sont des réfugiés. En 2022, de février à juillet, nous avons aussi reçu 4 000 Ukrainiens.

La rencontre avec Garine Papazian Zohrabian, psychologue et pro-

• janvier 2023 | Le Réseau Édcan

fesseur titulaire à l’Université de Montréal, fut déterminante pour réaliser le documentaire sur les traumas des réfugiés que nous recevons au Québec et leur intégration en milieu scolaire. «  La guerre, les violences collectives et les contextes d’adversité mettent en danger le développement global et ébranlent la santé mentale des enfants et adolescents » 1. Libanaise d’origine arménienne, elle a vécu la guerre du Liban et ses nombreux traumatismes pendant 15 ans. Après la guerre, « à la recherche de sens » 2, elle a décidé de faire sa thèse de doctorat sur les traumas de guerre en travaillant pour Médecins sans frontières dans le conflit du Haut-Karabah en Arménie.

Garine Papazian-Zohrabian

Aujourd’hui citoyenne canadienne, Garine Papazian-Zohrabian forme des enseignants aux difficultés d’apprentissage et d’adaptation des jeunes réfugiés que nous recevons au Québec et apporte des solutions. « Quand je parle des élèves réfugiés, des enfants de la guerre, je dis toujours, et les études le prouvent, que le retour à l’école, c’est le retour à la vie normale (…). Le fait d’être à l’école est un sentiment sécuritaire pour ces enfants. » 3

L’école constitue donc le plus grand « refuge » pour ces jeunes réfugiés. Mais encore faut-il connaitre leur parcours pour comprendre leurs comportements, leurs difficultés d’apprentissage, leurs capacités d’adaptation. Le système scolaire au Québec ne fournit que très peu de données sur le profil de ces jeunes immigrants. L’information accessible pour les écoles est quasi inexistante : langue parlée à la maison, pays de naissance, statut d’immigration. Ces indications donnent un portrait très limité du parcours migratoire, selon plusieurs équipes de direction d’établissements scolaires rencontrées lors de l’année de recherche préparatoire au tournage.

« On accueille des enfants qui ont parfois vécu des parcours très difficiles (…) Il y a des familles qui ont quitté l’Afrique et sur la route pour arriver au Canada, je vous assure, il y a des enfants qui ont vu des atrocités, des cousins mangés par des bêtes (…) Pensez à tous ces enfants qui sont en colère dans vos écoles, qui sont agressifs, qui sont un peu violents mais souvent vous voyez ça comme un problème de comportement. C’est important de voir la souffrance derrière, qu’est-ce que cet enfant a vécu (…). Donc, c’est important de connaitre le parcours de ces enfants. » 4 Mandjey avait 16 ans quand je l’ai rencontrée à l’école secondaire St-Maxime à Laval. Née dans un camp de réfugiés en Côte d’Ivoire, elle y a passé toute sa vie avant d’arriver au Canada. À son arrivée en 2017, elle ne savait ni lire ni écrire, n’ayant jamais eu accès à l’école. Elle est restée mutique pendant un an, refusant de parler. « C’est très important de comprendre le sens des symptômes des enfants traumatisés (…). Dans les écoles, il y a souvent des réfugiés incompris, des enfants qui arrivent complètement déconnectés et on doute de leur intelligence, on pense qu’ils ont des problèmes de TDAH ou même d’autisme. Il y a des jeunes réfugiés qui ont été diagnostiqués autistes parce qu’ils sont trop dans leurs bulles à cause des multiples traumatismes vécus (…).

16 ÉDUCATION CANADA
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...cette méthode des groupes de parole favorise de façon très efficace le sentiment d’appartenance à leur école et se révèle un outil formidable de socialisation.

Tous les enfants traumatisés sont des enfants angoissés. Donc, si on leur donne aussi l’étiquette de troubles anxieux, on n’a pas nécessairement compris la situation. » 4

Quand nous avons rencontré Mandjey avec la complicité de son enseignante en classe d’accueil et de son orthopédagogue, elle commençait tout juste à sortir de son mutisme. Elle nous racontera qu’à 8 ans - elle est devenue « petit creuseur » dans les mines d’or artisanales de Côte d’Ivoire - jusqu’à ses 12 ans, l’âge où elle a été violée. Enceinte, elle accouchera d’un petit garçon qui vit aujourd’hui avec elle à Montréal. «  En Afrique, tout le monde me jugeait, on me criait des noms. Même si je suis une victime, on dirait qu’ils ne comprenaient pas ça » 5. Mandjey nous confiera à la caméra avoir été aidée par son enseignante «  qui a été comme ma seconde mère, qui s’est tellement occupée de moi ».

À cette problématique des traumatismes, qu’il s’agisse de réfugiés qui ont vécu la guerre ou d’élèves qui ont subi de la maltraitance, des solutions sont suggérées aux écoles. Certains livres, dont la collection Coup de Poing, servent à faire parler les enfants sur des thèmes définis comme l’amitié, l’affirmation de soi, la mort et à confier leur vécu, leurs angoisses. D’autres méthodes, comme les groupes de parole, sont utilisées et se révèlent très efficaces, comme nous l’avons constaté pendant ces trois ans de travail pour réaliser ce documentaire.

Devant les difficultés d’apprentissage et de comportement des jeunes réfugiés ou des enfants ayant subi de la maltraitance, plusieurs enseignants et acteurs scolaires rencontrés se sont montrés intéressés à cette méthode et l’ont mise en pratique. Ce que nous avons constaté,

c’est que cette méthode des groupes de parole favorise de façon très efficace le sentiment d’appartenance à leur école et se révèle un outil formidable de socialisation.

«  On a l’impression de mieux se connaitre entre nous », dira un jeune.

Dix séances ayant un thème différent ont eu lieu dans trois classes de l’école Henri Beaulieu pour le tournage. Les enfants, assis en rond, doivent suivre des règles strictes. « L’objectif des groupes de parole est de créer un espace qui permet à chacun de s’exprimer librement sur une thématique (…). Les groupes de parole n’ont pas pour objectif la guérison, ils sont exclusivement orientés vers la discussion sur une question commune » 6 comme la famille, la violence, la vie ou la mort par exemple.

Beaucoup d’enfants ont exprimé leur malaise, leur crainte, leur désarroi, leur bonheur aussi. Le tournage sur ces enfants se prononçant sur leur vie, leur passé, leur pays, leur vision de la mort ou leur conception de l’amitié fut un cadeau inestimable pour le film mais aussi pour toute l’équipe de tournage sur le plan personnel.

Nous avons compris plusieurs choses au cours de la production de ce documentaire : les enfants immigrants, réfugiés ou demandeurs d’asile que nous recevons au Canada, en plus d’être les citoyens de demain, ont su affronter et maitriser des obstacles très difficiles que peu réussissent à surmonter. Ils ont développé des stratégies de survie et d’adaptation hors du commun. Leur résilience a forcé notre admiration. Il ne fait aucun doute que leur engagement dans la société canadienne de demain sera d’une infinie richesse. ÉC

NOTES

1 Papazian-Zohrabian, G. (2015). Les enfants traumatisés et endeuillés par la guerre. Dans C. Fawer Caputo et M. Julier-Costes (dir.), La mort à l’école. Annoncer, accueillir, accompagner (p.249-270). Paris : De Boeck Supérieur.

2 Papazian-Zohrabian, G., 15 mai 2019 Entrevue du documentaire « Je pleure dans ma tête. », Office national du film du Canada, Beyrouth.

3 Papazian Z.G., Formation d’enseignants à l’école Henri Beaulieu à Ville St-Laurent, 26 août 2020.

4 Papazian Z.G., Formation d’enseignants à l’école Henri Beaulieu à Ville St-Laurent, 26 août 2020.

5 Mandjey K., 4 octobre 2020, Entrevue « Je pleure dans ma tête », Office national du film du Canada.

6 Mener des groupes de parole en contexte scolaire, guide pour les enseignants et les professionnels, faculté des sciences de l’Éducation, Université de Montréal, Papazian Zohrabian Garine.

https://sherpa-recherche.com/wp-content/uploads/Mener-des-groupes-deparole-en-contexte-scolaire.pdf

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Mélissa Villella, Ph.D., est blanche, franco-ontarienne et québécoise. Elle est professeure en administration scolaire et directrice du diplôme d’études supérieures spécialisées en gestion d’établissement à l’Université du Québec en AbitibiTémiscamingue.

Incidents critiques racistes en matière de leadership

Apprentissage

de nouveaux agirs? ¹

EN 2021, un directeur BLANC d’une école secondaire catholique de langue française de l’Ontario a été retiré de son école deux ans après avoir porté les cheveux rasés d’un élève noir comme perruque lors d’une collecte de fonds pour une élève atteinte du cancer; quelques mois plus tard, à l’Halloween, il les a portés à nouveau comme déguisement (Canadian Broadcast Company; Radio-Canada, 2021). Il n’a été démis de ses fonctions que deux ans plus tard après que #BlacklivesLondon ait signalé ces incidents sur le microblogue Twitter (Radio-Canada, 2021). Étant donné que l’amélioration de la réussite de l’ensemble des élèves de l’école est peu probable sans un leadership éducatif efficace (Rodgers, Hauserman et Skytt, 2016), tout leader devrait remettre en question son comportement envers les individus et les groupes marginalisés, tels que les Noir.e.s., Plus précisément, chaque leader devrait se questionner sur les indignités qu’il leur fait subir, telle que les microagressions raciales. Dans cet article, une microagression raciale est définie comme étant une brève indignité quotidienne (re)produisant des commentaires racistes ou des insultes racistes envers les élèves, les directions d’école ou les enseignants et les enseignantes noir.e.s (Brown, 2019; Frank et coll., 2021; Sue et coll., 2007.)

Que connaissons-nous au sujet du racisme systémique envers les Noir.e.s en contextes francophones minorisés au Canada? Un nombre limité d’études ont exploré le racisme systémique envers les Noir.e.s en contextes francophones minorisés au Canada (Ibrahim, 2014; Jean-

Pierre, 2020; Villella, 2021). Ces études donnent un aperçu de la façon dont le racisme systémique envers les Noir.e.s se manifeste dans ce contexte. Schroeter et James (2015) constatent que les élèves immigrant.e.s noir.e.s et francophones perçoivent que le personnel scolaire blanc, y compris la direction d’école blanche, accorde plus d’appui aux élèves blanc.he.s immigrant.e.s qu’aux élèves noir.e.s immigrant.e.s vis-à-vis de l’atteinte de leurs objectifs de carrière. Pour sa part, Madibbo (2021) présente trois conditions favorisant la (re)production du racisme systémique envers les Noir.e.s au sein du Canada français, y compris au Québec :

• Un manque de représentation équitable de Noir.e.s au sein de la francophonie

• le rejet du multiculturalisme

• une approche « franco-centrique » de la construction sociale de la race et du racisme

Examinons quelques incidents critiques

Ma thèse doctorale (2021) décrit des incidents critiques de racisme systémique anti-Noir.e.s, tels qu’ils se présentent dans le contexte du leadership éducatif en Ontario français afin de comprendre les incidents que subissent les élèves, le personnel enseignant, les familles et les partenaires communautaires noir.e.s et francophones.

Cette étude de cas narrative a exploré la compétence interculturelle et antiraciste imbriquée de leaders éducatifs et systémiques à travers des incidents critiques Un leader éducatif et systémique, comme une direction

18 ÉDUCATION CANADA  • janvier 2023 | Le Réseau Édcan www.edcan.ca/fr/magazine
REPENSER L’AGIR PROFESSIONNEL EN CONTEXTE DE DÉCLIN FRANCOPHONE

d’école, est un citoyen privé, mais aussi un représentant d’une institution qui développe ou met en œuvre des politiques, des procédures et des règlements, voire des normes et des idéologies d’une société (Villella, 2021). Un incident critique constitue une expérience ou une activité positive ou négative ayant eu une influence sur un leader en confirmant, en modifiant ou en fragmentant son leadership (Sider et coll., 2017; Yamamoto et coll., 2014).

Neuf leaders éducatifs et systémiques, dont la plupart sont ou récemment ont été directions d’école, ont participé à trois entrevues semi-dirigées et à un sondage. L’analyse des données a révélé que presque tous les incidents critiques mentionnés par les neuf participant.e.s comme étant de nature « interculturelle » concernaient la communauté noire, et surtout des garçons et des hommes noirs, y compris un prêtre catholique. Bien que les réponses des participant.e.s au sondage indiquent qu’ils et elles perçoivent leurs compétences interculturelles comme élevées, la façon dont elles et ils abordent les incidents critiques impliquant les élèves, le personnel, les familles et les membres de la collectivité noir.e.s indiquent qu’ils doivent améliorer leur compétence antiraciste. En ce qui concerne le développement de leurs compétences interculturelles et antiracistes, les participant.e.s ont suivi très peu de cours universitaires ou d’ateliers; elles et ils se sont surtout autoformé.e.s grâce au bénévolat international, à la lecture et à la transmission de leurs apprentissages personnels. Par conséquent, les particpant.e.s ont surtout fait de la formation informelle au lieu de la formation formelle ou de la formation non formelle (Villella, 2021). Il ne faut donc pas s’étonner que des incidents critiques révélant un racisme systémique anti-Noir.e.s et des microagressions raciales se soient manifestés dans le discours des participant.e.s concerné.e.s.

Microagressions raciales multiples : ce que les données révèlent

Dans la section qui suit, je présente et j’analyse cinq incidents critiques de racisme systémique anti-Noir.e.s à travers le cadre conceptuel de microagressions raciales de Brown (2019), soit la pathologisation, l’insensibilité culturelle, la dévalorisation persistante des compétences des enseignants noirs, la citoyenneté de seconde classe dans les écoles et le mythe de la méritocratie. Brown indique que ces microagressions sont non seulement ancrées dans l’idéologie anti-Noir.e.s, mais qu’elles constituent aussi des raisons ayant émergé dans la recherche pour lesquelles les enseignant.e.s noir.e.s2 quittent la profession enseignante.

1. Certaines directions noires subissent le racisme de la part de leurs collègues blanc.he.s. Un directeur d’école noir explique comment le racisme systémique envers les Noir.e.s persiste encore dans le salon du personnel où il travaillait : « J’avais une réunion avec la direction. Donc, je me dis qu’il y a d’anciens collègues à moi, je vais aller les voir. [Un ami], quand j’arrive : « Hé ! Salut [Hassan] ! Ça va bien ? » Donc, je m’assois avec lui, pis lui, il dit : « [Hassan], tu es au salon du personnel des blancs avec moi là ». J’ai dit : « Comment ça ? » Il dit : « Tu n’as pas vu ? La table des immigrants est là-bas ». Donc, pour te dire que même à l’époque où j’étais, il y avait deux salons du personnel.

Dans cette école, les enseignant.e.s noir.e.s (et en particulier les enseignant,e,s immigrant.e.s et noir.e.s) constituent le point de mire du racisme systémique anti-Noir.e.s dans le salon du personnel qui se manifeste sous forme d’un statut de citoyenneté de deuxième classe (Brown, 2019; Frank et coll., 2021).

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PHOTO : ISTOCK

2. Une leader métisse décrit en détail le comportement auxquels certain.e.s enseignant.e.s noir.e.s et immigrant.e.s sont sujet.te.s de la part des élèves blanc.he.s en classe : « [Les élèves] l’envoyaient chier… en plus il parlait avec un accent assez prononcé. C’était probablement un des premiers Noirs qu’ils voyaient en personne ces enfants-là… Et pour lui, c’était une des premières classes qu’il avait au Canada, parce qu’il avait juste fait de la suppléance, si j’ai bien compris, à Montréal, quelques années d’avant… Dans le coin dans le fond de la classe… Quatre jeunes hommes qui se sont amusés à l’abaisser là. « Monsieur, je comprends rien, je comprends pas quand tu parles. Ça fait pas de sens »

Dans cet exemple de microagressions raciales envers un enseignant noir, on perçoit une dévalorisation persistante de ses capacités d’enseignement (Brown, 2019; Frank et coll., 2021) par les élèves et la participante, mais il existe aussi un linguicisme racialisé (Madibbo, 2021), soit une discrimination linguistique et raciale combinée envers une personne noire, qui est également une immigrante récente.

3. Certaines directions d’école retirent les enseignant.e.s noir.e.s de la classe lorsqu’un désaccord survient ou que leurs pratiques d’enseignement diffèrent des pratiques habituelles de l’école. Un directeur blanc né au Canada et de langue française décrit comment il réagit à de tels incidents impliquant certaines personnes immigrantes et noires dans son école : «  elles sont incapables de s’intégrer…pis ça, c’est malgré qu’on a essayé de les coacher. On a essayé… c’est juste trop ancré ou le traditionalisme est trop ancré dans leurs pratiques… on arrive à un conflit, pis c’est là où on fait des mises à pied, où on fait des évaluations insatisfaisantes. »

Nous pouvons observer ci-dessus une autre microagression raciale, puisqu’un directeur blanc pathologise les personnes noires qui enseignent dans son école à travers sa vision fixe de la compétence à enseigner fondée sur la conformité aux politiques et aux pratiques éducatives historiques et normalisées de l’éducation de langue française.

4. De plus, certaines équipes d’embauche n’examinent pas toujours de manière objective les compétences des enseignant.e.s noir.e.s. Une directrice d’école blanche de langue française née au Canada partage son incident critique à ce sujet : « J’ai passé des entrevues… et les questions qu’on posait, nous, on avait déjà une idée de qu’est-ce qu’on voulait comme réponses… à quelques reprises, je me suis aperçue qu’on parlait pu de la compétence de la personne. On parlait de la culture de la personne [noire]. On disait : « Ben là, la personne a répondu de telle ou telle façon… ils vont peut-être taper l’enfant. »

Dans cet exemple, les microagressions raciales se manifestent comme une forme de pathologie (Brown, 2019; Frank et coll., 2021).

5. Enfin, certain.e.s enseignant.e.s ont des idées fixes par rapport à la réussite des élèves noir.e.s et immigrant.e.s et cette fixité est ancrée uniquement dans les normes culturelles et scolaires de l’Ontario français qu’ils considèrent comme supérieures. « Je suis en train de faire une évaluation de suivi avec… un ado qui vient du continent africain… qui avait eu de très grands bris de scolarisation… puis j’avais des préoccupations par rapport à hum le niveau de travail qu’on donne. Parce que des fois… si un élève ne sait pas lire, on a tendance à aller chercher du matériel pour apprendre à lire chez les plus jeunes… mais ça l’a pas la stimulation

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cognitive… parce que là, j’ai un ado qui a peut-être 15-16 ans qui euh… qui est en train de faire des affaires de bo-bo baba… Mais c’est un jeune qui est en train d’être traité comme un… un élève qui avait une déficience. »

Ici, on peut affirmer que cet élève noir subit des micro-agressions, plus précisément des micro-invalidations concernant ses besoins en matière de lecture étant fondés non seulement sur la perception d’un statut de citoyenneté de seconde classe, mais aussi de l’insensibilité culturelle et de la dévalorisation persistante de ses compétences (Brown, 2019 ; Frank et coll., 2021; Sue et coll., 2007).

Bien qu’il ne s’agisse que de quelques-uns des incidents critiques en matière de racisme systémique anti-Noir.e.s en matière de leadership éducatif ayant ressorti de mon étude, il s’agit de vignettes donnant un aperçu tout de même informatif au sujet de la façon dont le racisme systémique anti-Noir.e.s se (re)produit auprès de membres noirs de la communauté scolaire dans le contexte de l’éducation de langue française en Ontario.

Comment l’étude des incidents critiques peut-elle nous aider à désapprendre le racisme systémique anti-Noir.e.s?

Yamamoto et coll. (2014) expliquent que les histoires que : a) nous nous racontons; b) que nous transmettons; c) que nous racontons aux autres, et d) encore une fois que nous nous racontons à nouveau au sujet d’un incident critique, constituent un moyen puissant selon lequel les leaders peuvent évaluer s’ils maintiendront les mêmes pratiques, les adapteront ou s’ils changeront complètement leurs pratiques. Par conséquent, ces incidents critiques ne sont pas seulement formatifs (Sider et coll., 2017), ils sont aussi informatifs (Villella, 2021), puisqu’ils révèlent des éléments de désapprentissage professionnel nécessaire pour lutter contre le racisme systémique anti-Noir.e.s. La question qui se pose maintenant est la suivante : qu’est-ce que les leaders éducatifs et systémiques de langue française, comme les directions d’école, ainsi que leurs formatrices et formateurs, peuvent apprendre en examinant de tels incidents critiques? Le tableau qui suit fournit une liste de ressources destinées aux leaders en éducation sur le désapprentissage du racisme systémique.

D’abord, il faut se souvenir que le racisme systémique envers les Noir.e.s n’est pas seulement un problème anglo-canadien. Il est omniprésent en éducation, quelle que soit la langue d’enseignement ou le contexte.

L’analyse des incidents critiques en matière de leadership dans le domaine de l’éducation de langue française en contexte francophone minorisé peut aider les directions générales, les formatrices et les

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Les façons dont les leaders interagissent avec les enseignant.e.s noir.e.s peuvent contribuer à la reproduction, donc à la persistance, du racisme systémique...

Désapprendre le racisme systémique une lecture à la fois

La liste de ressources suivante a comme objectif d’outiller les leaders éducatifs et systémiques, tels que les directions d’école, à développer leurs connaissances liées à la lutte contre le racisme systémique antinoir pour pouvoir ensuite agir concrètement. L’objectif étant d’exercer un leadership transformatif qui est inclusif de la construction sociale de la race.

Il est suggéré de lire les ressources selon l’ordre des thèmes présentés, et selon l’ordre des ressources indiquées.

DONNÉES STATISTIQUES CANADIENNES

Fondation canadienne des relations raciales. (2021). Les relations raciales au Canada 2021. Un sondage canadien sur l’opinion publique fondée sur l’expérience. Rapport final.

https://environicsinstitute.org/docs/default-source/project-documents/racerelations-in-canada-2021/race-relations-in-canada-2021-survey---final-report-fre. pdf?sfvrsn=dae22b9e_2

Statistique Canada. (2019). Diversité de la population noire au Canada… un aperçu. https://150.statcan.gc.ca/n1/pub/89-657-x/89-657-x2019002-fra.htm

Statistique Canada. (2022). Mois de l’histoire des Noirs… en chiffres. https://statcan.gc.ca/fr/dai/smr08/2020/smr08_248-1

Ces données nous apprennent non seulement que les communautés noires parlent plus souvent français à la maison que le reste de la population canadienne, mais aussi que les communautés noires vivent plus souvent du racisme que les autres minorités visibles, toutes langues officielles confondues.

NOIRCITÉ (BLACKNESS)

Ibrahim, A. (2014). The rhizome of Blackness. A critical ethnography of hip-hop culture, language, identity and the politics of becoming. Peter Lang Publishing.

Madibbo, A. (2021). Blackness and la Francophonie. Anti-Black Racism, Linguicism and the Construction and Negotiation of Multiple Minority Identities. Les Presses de l’Université Laval.

Sall, L. (2021). L’Acadie du Nouveau-Brunswick et “ces” immigrants francophones : entre complétude institutionnelle et accueil symbolique. Les Presses de l’Université Laval. Google Scholar

Les trois ressources ci-dessus abordent la noircité, aussi appelée le blackness en Ontario, en Alberta ou en Acadie. Il est possible d’en tirer certains constats communs au sujet des manifestations du racisme anti-noir en milieux francophones minorisés.

MICRO-AGRESSIONS RACIALES

Sue, D. W. Capodilupo, C. M., Torino, G.C., Bucceri, J. M., Holder, A.M.B. Nadal, K. L. & Esquilin, M. (2007). Racial Microaggressions in Everday life. American Psychologist, Mai-Juin. https://gim.uw.edu/sites/gim.uw.edu/files/fdp/Microagressions%20File.pdf

Brown, E. (2019). African American teachers’ experiences with racial microaggressions. Educational Studies, 55(2), 180–196. https://doi.org/10.1080/00131946.2018.1500914

Frank, T. J., Powell, M. G., et View, J. L. (2021). Exploring racialized factors to understand why Black mathematics teachers consider leaving the profession. Educational Researcher. doi.org/10.3102/0013189X21994498

Bien que ces trois articles soient écrits en anglais, il s’agit de ressources précieuses concernant le racisme anti-noir, et plus particulièrement, la manifestation de micro-agressions et comment mieux les comprendre. L’analyse de l’article du réseau d’Éducation Canada de Villella (2022) se fonde sur les cadres théoriques de ces articles.

RACISME ANTI-NOIR À L’ÉCOLE DE LANGUE FRANÇAISE

Jean-Pierre, J. (2022). Les composantes de l’espoir critique dans les récits de parents Afro-Canadiens de la Nouvelle-Écosse. Canadian Review of Sociology/ Revue canadienne de sociologie, 59(4), 427-562. https://doi.org/10.1111/cars.12409

Villella, M. (2021). Le racisme à l’école franco-ontarienne. Education Journal – Revue de l’éducation (EJRÉ), Faculté d’éducation, Université d’Ottawa. 7(1), 25-34. https://egsa-aede.ca/wp-content/uploads/2022/01/Version-finale_2021-EJRE_ October-Number-Website-Version.pdf

Schroeter, S. & James, C. (2015). « We’re here because we’re black » : The schooling experiences of French-speaking African-Canadian students with refugee backgrounds. Race, ethnicity and education, 18(1), 20-39. https://doi.org/10.1080/13613324.2014.885419

Stanley, T. (2018). Décortiquer les racismes et les antiracismes à l’école. Réseau de savoir sur l’équité.

https://rsekn.ca/wp-content/uploads/2019/08/D%c3%a9cortiquer-les-racismeset-les-antiracismes-%c3%a0-l%e2%80%99%c3%a9cole.pdf

Howard, P. S. S. & James, C. E. (2019). When dreams take flight: How teachers imagine and implement an environment that nurtures Blackness at an Africentric school in Toronto, Ontario. Curriculum inquiry, 49(3), 313-337.

https://doi.org/10.1080/03626784.2019.1614879

L’article de Jean-Pierre (2022) aborde l’espoir critique des parents noirs en NouvelleÉcosse. Les articles de Villella (2021), ainsi que de Schroeter et James (2015), décrivent le sujet du racisme anti-noir à l’école de langue en contexte francophone minorisé. Les articles de Stanley et de Howard et James proposent des actions concrètes en matière d’antiracisme.

NOIR·E·S FRANCOPHONES

Jabouin, S. (2018). Trajectoires d’insertion professionnelle des nouveaux enseignants originaires des Caraïbes et d’Afrique subsaharienne (NEOCAS) dans les écoles francophones de l’est de l’Ontario [thèse de doctorat non publiée, Université d’Ottawa]. Recherche Uo. https://ruor.uottawa.ca/handle/10393/11105

Jean-Pierre, J. (2020). L’appartenance entrecroisée à l’héritage historique et au pluralisme contemporain chez des étudiants franco-ontariens. Minorités linguistiques et société/Linguistic Minorities and Society (13), 3–25. doi.org/10.7202/1070388ar

Pierre-René, M. C. (2019). Hey “GI” An Examination of how Black English Language and Learning High School Students Experience the Intersection of Race and Second Language Education [thèse de doctorat, Université d’Ottawa]. Recherches uO https://ruor.uottawa.ca/bitstream/10393/39108/1/Pierre_Rene_ MarieCarene_2019_thesis.pdf

Ces lectures permettent de mieux comprendre que les identités et les expériences des élèves et des enseignant·e·s noir.e·s ne se limitent pas à une question de statut d’immigration récente, mais concernent le racisme systémique anti-noir.

THÉORIE CRITIQUE DE LA RACE

Bentouhami, H. et Möschel, M. (2017). Critical Race Theory. Une introduction aux grands textes fondateurs. Éditions Dalloz.

Thésée, G. et Carr, P. R. (2016a). Triple whammy and a fragile minority within a fragile majority: School, family and Society, and the Education of Black, Francophone Youth in Montréal. African Canadian youth, postcoloniality, and the symbolic violence of language in a French language high school in Ontario. Dans A.A. Abdi et A. Ibrahim, (dir.), The education of African-Canadian children (pp.131-144). McGill-Queens University Press.

Thésée, G. et Carr, P. R. (2016b). Les mots pour le dire : acculturation ou racialisation? Les théories antiracistes critiques (TARC) dans l’expérience scolaire des jeunes NoirEs du Canada en contextes francophones. Comparative and International Education/Éducation Comparée et internationale, 45(1), article 5. https://ir.lib.uwo.ca/cgi/viewcontent.cgi?article=1376&context=cie-eci

Le premier texte sert à faire comprendre au lectorat les fondements de la théorie critique de la race, ainsi que les grandes décisions juridiques les ayant influencés. Par la suite, le lectorat sera mieux en mesure de comprendre les deux autres articles abordant le sujet.

COLONISATION ET DÉCOLONISATION

Trudel, M. (2004). Deux siècles d’esclavage au Québec. Éditions Hurbutise. Cooper, M. (2007). La Pendaison d’Angélique. Traduit par André Couture. Les Éditions de L’Homme. Ba, Amadou. (2019). L’histoire oubliée de la contribution des esclaves et soldats noirs à l’édification du Canada (1604-1945). Éditions Afrikana. Deltombe, Domergue, M. et Tatsitsa, J. (2016). Kameroun! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique. La Découverte.

Le premier ouvrage permet au lectorat de comprendre que les Blancs francophones avaient des esclaves et que l’Église catholique y a joué un rôle important. Le deuxième renseigne sur la contribution des Noir·e·s à l’édification du Canada depuis plus de 400 ans. Le troisième ouvrage montre l’omniprésence encore à ce jour des effets de la colonisation au sein de la vie de certaines personnes noires venant de l’Afrique et le rôle clé qu’y joue la France.

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formateurs, les associations des directions d’école et les surintendants, ainsi que les organismes communautaires de langue française à comprendre comment certaines pratiques contribuent à marginaliser les enfants et les adultes noir.e.s qu’elles et ils desservent. Les façons dont les leaders interagissent avec les enseignant.e.s noir.e.s peuvent contribuer à la reproduction, donc à la persistance, du racisme systémique envers les Noir.e.s, au lieu de contribuer à l’établissement d’un milieu éducatif inclusif et d’une société inclusive qui atténuent le racisme afin d’y mettre fin. Quoi qu’il en soit, les leaders éducatifs et systémiques envoient un message clair aux élèves, aux parents et au personnel noir.e.s en ce qui concerne leur valeur dans la société, lorsqu’ils agissent, ou non, sur le racisme systémique anti-Noir.e.s.

L’étude des incidents critiques en tant que moyen de (dés)apprentissage professionnel par rapport au racisme systémique envers les Noir.e.s offre aux leaders éducatifs et systémiques la possibilité de changer la façon dont ils réagissent lors de futures situations, de devenir proactifs et de réduire les microagressions faites aux membres de la communauté noire. Ainsi, c’est en ce sens que les études de cas narratives peuvent aider les leaders à décortiquer le racisme systémique anti-Noir.e.s par l’entremise d’un moyen de (dés)apprentissage professionnel.

Que faire maintenant ? Quelques recommandations :

Les leaders éducatifs et systémiques, telles que les directions générales, les surintendances/directions générales adjointes, doivent appuyer tous les membres du personnel souhaitant élaborer des stratégies préventives pour réduire les incidences de racisme systémique envers les Noir.e.s qui se (re)produisent par l’entremise des microagressions raciales. Les gouvernements provinciaux, les conseils scolaires/commissions scolaires/Centres de services et les conseils/districts scolaires doivent exiger la mise en place de moyens spécifiques aux incidents de racisme systémique envers les Noir.e.s, les respecter et en faire le suivi. Ils doivent aussi être tenus d’en faire un rapport aux communautés noires de manière transparente. À ce titre, il est important d’élaborer une approche de collecte de données qualitatives et quantitatives pour mieux comprendre les défis et enjeux y étant sous-jacents; ces défis et ces enjeux ne devraient pas être réduits à une question liée au statut d’immigration d’un individu ni à sa langue maternelle comme des facteurs identitaires principaux.

Enfin, les leaders éducatifs et systémiques de langue française à tous les niveaux doivent avoir recours à des possibilités de formation initiale et continue s’ils souhaitent se former ou former leurs équipes au sujet du racisme et de l’antiracisme. La pédagogie, le leadership culturellement sensible, l’analyse des données fondées sur la race et la remise en question des politiques pédagogiques et disciplinaires du conseil/de la commission ou du Centre de services scolaire concernant les élèves noir.e.s et les pratiques d’embauche liées au personnel noir.e.s constituent des domaines incontournables en matière de formation pour tous les employé.e.s. De telles formations exigent que des ressources soient non seulement développées en français, mais aussi que les incidents critiques de racisme systémique anti-Noir.e.s soient fondés sur des exemples recueillis au sein des systèmes d’éducation en langue française.

Bien que certains leaders de l’éducation de langue française soient plus conscients que d’autres des incidents de racisme systémique anti-Noir.e.s concernant leur leadership, de tels incidents critiques persistent par l’entremise de micro-agressions raciales. Ces incidents devraient amener les leaders éducatifs et systémiques de langue française à réévaluer la façon dont ils peuvent mieux établir des relations avec chaque élève, famille, membre du personnel et partenaire communautaire noir.e.s., et à trouver des moyens de déconstruire leur

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pensée déficitaire et les stéréotypes sous-tendant les microagressions raciales. Un tel processus commence et se poursuit par l’entremise d’une pleine participation et d’un engagement profond à la décolonisation de l’apprentissage professionnel. On doit ensuite mettre en application ces connaissances au sein des communautés scolaires desservant des individus et des groupes noirs afin de créer des espaces d’appartenance plus équitables et inclusifs pour les élèves et le personnel noirs, ainsi que pour d’autres groupes méritant l’équité au sein même de la francophonie minorisée.

Non seulement les élèves noir.e.s et francophones ont besoin du personnel enseignant noir et francophone, mais le reste de la société canadienne en a besoin aussi. L’inclusion s’applique, après tout, à tout un chacun. ÉC

NOTES

1 Ce texte a été traduit et adapté par l’auteure de l’article de langue anglaise intitulé Critical Incidents in Educational Leadership: An opportunity for professional (un) learning.

2 Alors que l’étude de Brown (2019) portait sur les enseignant·e·s noir.e.s, celle de Frank et coll. (2021) portait spécifiquement sur les enseignant.e.s de mathématiques noir.e.s.

RÉFÉRENCES

Brown, E. (2019). African American teachers’ experiences with racial microaggressions. Educational Studies, 55(2), 180–196. https://doi.org/10.1080/00131946.2018.1500914

Canadian Broadcast Corporation (29 mai 2021). Ontario principal removed after twice wearing hair of Black student like a wig. https://cbc.ca/news/canada/london/luc-chartrand-black-student-wigapology-1.6047068

Ibrahim, A. (2014). The rhizome of Blackness. A critical ethnography of hip-hop culture, language, identity and the politics of becoming Peter Lang Publishing. Jean-Pierre, J. (2020). L’appartenance entrecroisée à l’héritage historique et au pluralisme contemporain chez des étudiants franco-ontariens. Minorités linguistiques et société/Linguistic Minorities and Society (13), 3–25. doi.org/10.7202/1070388ar

Frank, T. J., Powell, M. G., et View, J. L. (2021). Exploring racialized factors to understand why Black mathematics teachers consider leaving the profession. Educational Researcher. doi.org/10.3102/0013189X21994498

Madibbo, A. (2021). Blackness and la Francophonie: Anti-Black racism, linguicism and the construction and negotiation of multiple minority identities. Les Presses de l’Université Laval.

Radio-Canada (31 mai 2021). Accusations de racisme : le directeur démis de ses fonctions dit avoir « honte » https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1797641/racisme-chartrand-london-honteexcuses

Rodgers, W. T., Hauserman, C. P, et Skytt, J. (2016). Using cognitive coaching to build school leadership capacity: A case study in Alberta. Canadian Journal of Education/Revue canadienne de l’éducation, 39(3). www.jstor.org/stable/canajeducrevucan.39.3.03

Schroeter, S. & James, C. (2015). «We’re here because we’re black»: The schooling experiences of French-speaking African-Canadian students with refugee backgrounds. Race, ethnicity and education, 18(1), 20–39. doi.org/10.1080/13613324.2014.885419

Sider, S., Maich, K., & Morvan, J. (2017). School principals and students with special education needs: Leading inclusive schools. Canadian Journal of Education, 40(2). http://journals.sfu.ca/cje/index.php/cje-rce/article/view/2417

Sue, D. W. Capodilupo, C. M., Torino, G.C., Bucceri, J. M., Holder, A.M.B. Nadal, K. L. et Esquilin, M. (2007). Racial Microaggressions in Everday life. American Psychologist, Mai-Juin.

https://gim.uw.edu/sites/gim.uw.edu/files/fdp/Microagressions%20File.pdf

Villella, M. (2021). Piti, piti, zwazo fè niche li (Petit à petit, l’oiseau fait son nid) : le développement d’une compétence interculturelle et antiraciste de neuf leaders éducatifs et systémiques d’expression française de l’Ontario, formateurs bénévoles en Ayiti Unpublished thesis. University of Ottawa.

https://ruor.uottawa.ca/handle/10393/42728

Yamamoto, J. K., Gardiner, M. E., et Tenuto, P. L. (2014). Emotion in leadership: Secondary school administrators’ perceptions of critical incidents. Educational Management Administration & Leadership, 42(2), 165–183.

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