Dounia News, mai 2021

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Sebta : Crise migratoire ou crise politique et de confiance entre le Maroc et l’Espagne ?

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ous le titre « La crise migratoire de Sebta est une marche populaire vers une terre marocaine », le journal marocain «L’opinion » a publié dans son édition du 28-30 mai 2021 l’interview suivante avec le Pr Abdelkrim Belguendouz, chercheur en migration.

«L’opinion » : La ville occupée de Sebta a été confrontée à un afflux massif de migrants marocains et subsahariens, peut-on parler de crise migratoire au sens propre du terme ? Abdelkrim Belguendouz : De quoi s’agit-il tout d’abord ? Il est important de cerner le problème et de déterminer sa nature. Pour comprendre la situation et donner du sens aux événements, il faut revenir au point de départ, qui est un problème éminemment politique et l’expression d’une très grave crise de confiance. Il s’agit de l’attitude irresponsable, agressive et anti-marocaine du gouvernement espagnol par rapport au Sahara marocain qui s’est exprimée d’abord par le rejet de la reconnaissance par l’administration Bush de la marocanité du Sahara. Il y’eut ensuite l’accueil en catimini et sans que Rabat n’ait été informée, du dirigeant numéro 1 du mouvement sécessionniste du Polisario. C’est une provocation délibérée à l’égard du peuple marocain, une attitude calculée et hostile contre l’intégrité territoriale du Maroc et sa souveraineté sur les provinces sahariennes récupérées et libérées du joug colonial espagnol. Madrid n’est pas «neutre » sur la question du Sahara, mais a un parti-pris flagrant contre le Maroc et son intégrité territoriale. Et lorsqu’on s’attaque à la question numéro 1 du peuple maro-

cain, comme l’ont fait dernièrement les responsables gouvernementaux espagnols, il faut s’attendre à une très vive réaction du Maroc, toutes tendances et composantes confondues. Le gouvernement marocain avait déjà réagi en exprimant son exaspération face à cette situation créée par le gouvernement espagnol. Il est tout à fait normal et dans la nature des choses que le peuple marocain exprime son indignation face à ce complot ourdi contre l’intégrité territoriale du pays, sachant une nouvelle fois que les Marocains, tous ensemble, ne se laissent pas faire en ce domaine. De mon point de vue, ce n’est pas une crise migratoire. C’est une marche populaire pour faire comprendre aux dirigeants de Madrid qu’ils ne peuvent jouer avec l’intégrité territoriale du Maroc. « L’opinion » : S’agit-il de la plus grande crise de migrants dans les dernières années entre les deux pays ? Abdelkrim Belguendouz : Encore une fois, en dehors de quelques Africains subsahariens qui ont l’habitude de tenter leur chance en escaladant les grillages, il ne s’agit pas de migrants. Lorsque des Marocains, même en grand nombre, se rendent à Sebta à la nage ou même à pied pour contourner les grandes barrières artificielles, ils n’émigrent pas, ils participent à une sorte de marche bleue pacifique et ils sont chez eux. On ne migre pas internationalement lorsqu’on se déplace dans son propre pays. C’est une circulation des personnes à l’intérieur d’un même pays.

10 Magazine mensuel Dounia News - mai 2021

« L’opinion » : Tout le monde a été surpris par la rapidité des mouvements de personnes qui se sont ruées subitement vers les frontières sans contrôle, quelles sont les raisons de cet afflux brusque et subit à votre avis ? Abdelkrim Belguendouz : Là aussi, le mot de frontières ne me paraît pas adéquat, sauf si l’on parle de frontières artificielles. Sebta et Melilia ne sont pas des frontières terrestres de l’Union européenne avec l’Afrique. N’oublions pas que Sebta, Meiilia et les îles zaffarines sont encore occupées par l’Espagne. Ce sont les derniers vestiges du colonialisme qui restent en Afrique. Ces espaces, de par l’histoire et la géographie, sont marocains et ils doivent être réintégrés pacifiquement au Maroc, comme les provinces sahariennes qui étaient occupées par l’Espagne, sont revenues au Maroc, grâce à la glorieuse Marche Verte. Lorsque le vice président de la Commission européenne Margaritis Schinas parle de Sebta comme faisant partie de l’Europe, il se trompe lourdement. Dans une tentative d’européaniser le problème et de cacher la responsabilité de Madrid, voici ce qu’il avait dit à la radio nationale espagnole de manière arrogante sur un ton martial et belliqueux : «Personne ne peut intimider ou faire chanter l’Union européenne. Nous sommes trop puissants pour craindre ce genre de tactiques ». Et d’ajouter « (...) Ceuta, c’est l’Europe, cette frontière est une frontière européenne et ce qui se passe là-bas, n’est pas le problème de Madrid, c’est le problème de tous » les européens !!!


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