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Petit inventaire artistique de la ville

Durant les repas de famille, il y a toujours ce vieil oncle qui nous ressort “Pah! Je comprends pas c’que tu trouves à l’architecture contemporaine, là, les tours à la Courneuve, t’y trouves ça beau toi ? Et pis quoi encore, une piscine sur Notre Dame ? Bah c’est pas cette ville qui me fait rêver moi !”

Nous ne pouvons pas nier que depuis quelques temps déjà, l’architecture contemporaine ne fait pas toujours rêver, la ville idéale paraît dissoute dans les méandres d’une mémoire perdue, comme désenchantée. Pourquoi ce constat ? Une réponse parmi d’autres: la ville nous pervertit, la Nature, source innée de l’Homme, nous fait défaut. Finalement, il nous est assez difficile de définir l’imaginaire urbain à travers l’architecture. C’est peut-être à travers l’art, le cinéma, la littérature, ou la philosophie que nous pouvons comprendre comment ces disciplines transversales façonnent notre idéal ou notre désillusion quant à la ville contemporaine.

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La ville désenchantée

Dans bon nombre d’œuvres cinématographiques, on dépeint la ville comme un environnement aseptisé, dénué de personnalité et de vie. À l’image de Jacques Tati et son Playtime dans lequel il nous fait découvrir un Paris impersonnel et froid, ou bien, comme dans le récent Joker où Joaquim Phœnix évolue dans Gotham City tentaculaire et étouffante. La ville y est dépeinte comme le résultat de tout un système de fonctionnement tortueux et aliénant.

La ville contemporaine est donc perçue comme une perversion de la nature humaine, faisant naître, dans l’imaginaire collectif, des craintes et des rejets d’un environnement qu’on pense incontrôlée. L’architecte Jean-Jacques Deluz a exprimé, dans son livre “Fantasme et réalités”, son scepticisme vis-àvis des villes futuristes dans lesquelles il “imagine les gens du futur errant entre des tours en forme de tire-bouchon et des musées faits pour être vus de l’extérieur, remplissant des stades où se façonnent les haines raciales et les nationalismes, les gens aliénés et abrutis, peut-être même n’ayant plus besoin de travailler, esclaves d’une société des loisirs dérisoire et anesthésiante.”

Aussi, réside-t-il plus que jamais, dans l’imaginaire collectif, cette image nostalgique d’une époque révolue ; le temps où la ville était encore de taille « maîtrisée » et « maîtrisable », à échelle humaine, où la nature avait encore sa place. Divulguée surtout autravers de peintures et de vieilles cartes postales, ces projections “ne représentent pas une ville telle qu’elle était, mais une autre ville qui par hasard portait aussi le nom de cette même ville”qui, selon Italo Calvino dans son livre “Les Villes Invisibles”.

La ville enchantée

Autant pour trouver des références de villes contemporaines dans son aspect négatif, nous avions de multiples exemples; au contraire, pour trouver des images positives de la ville contemporaine… la tâche fut ardue. Il y a finalement très peu de représentation collective d’une ville contemporaine enchantée.

De manière étonnante, le domaine qui fait le plus l’éloge de la ville contemporaine est le film fantastique ou d’animation, dédié aux enfants tel que les studios Disney ou Pixar. Le film “A la poursuite de demain” ou encore “Bienvenue chez Robinson”,montrent la ville contemporaine le lieu de tous les possibles. Cependant, restons positifs, grandir ne signifie pas perdre espoir quant à l’avenir de la ville, rassurons nous.

Certains artistes contemporains, peu connus du grand public, font de la ville enchantée leur particularité, comme par exemple les peintures de Benoit Havard. Dans ses tableaux un aspect brumeux, dynamique et coloré nous donnent à voir l’enchantement soudain de la ville contemporaine.

Du côté de la littérature, décrit comme le “grand poète de la ville contemporaine”, pour son écriture sensible où les descriptions sont également architecturale, Le Clézio convoque des images urbaines. Dans ses textes la ville n’est pas nostalgique, les personnages en descellent au contraire la poésie contemporaine; la “prose” de la ville, bouillonnante, et agitée.

Après ce bref aperçu d’exemples de villes enchantées et désenchantées dans divers arts, que peut-on se demander ? À quel point ces images sont présentes dans l’imaginaire collectif, et à quel point l’architecte contribue à les faire évoluer ? Comment l’architecte peut essayer de comprendre les rêves communs ou les références communes aux habitants pour réenchanter la ville d’aujourd’hui ?

Léa Balmy Aïmen Laïhem

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