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Les origines du Rugby français

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Editorial

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Les origines ...

La Fédération française de Rugby a choisi cette année 2019, année de Coupe du monde au Japon, pour célébrer son centenaire. Compte-tenu de l’attachement particulier de Pierre de Coubertin à cette discipline, symbole de cette éducation anglo-saxonne qui lui tient tant à coeur, notre comité ne pouvait que s’associer à l’évènement en évoquant les premiers pas de notre rugby national.

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Si on renonce à remonter à la soule et ses origines, on peut situer les balbutiements du rugby français aux lendemains de la guerre de 1870. On relève, entre autres, au Havre Athletic Club une forme hybride de rugby et de football pratiquée par une colonie d’expatriés britanniques dès 1872....

Les premiers pas...

Le premier club parisien, le English Taylors RFC, est créé également par des anglais en 1877, cinq et six ans avant le Racing-Club puis le Stade français, à l’origine tous deux en 1887 de l’Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA). Pierre de Coubertin et le rugby éducation

Dès son premier voyage en Angleterre en 1883 Coubertin découvre l’œuvre de Thomas Arnold et le rugby que les élèves du collège éponyme ont codifié dès 1846 et qui le séduit par sa portée pédagogique : « Ce qui est admirable dans le foot-ball, c’est le perpétuel mélange d’individualisme et de discipline, la nécessité pour chaque homme de raisonner, de calculer, de se décider pour lui-même et en même temps de subordonner ses raisonnements, ses calculs, ses décisions à ceux du

...du rugby français

capitaine.(…) Ainsi compris, le football est, par excellence, l’image de la vie, une leçon de choses vécue, un instrument pédagogique de premier ordre. » En précisant bien : « En tout ceci, je n’ai parlé que du jeu dit de Rugby : le foot-ball se joue aussi sous d’autres règles appelées règles d’Association. L’Association est un sport très élégant, plein de finesse, mais qui ne saurait être comparé au Rugby. »

Rugby

Dès 1890, l’USFSA organise le premier championnat scolaire de cette discipline. A la fin de l’année suivante l’Union, composée surtout jusque-là de lycées parisiens, enregistre un recul de ceux-ci alors que s’amorce une progression des clubs civils. Il lui faut se rendre à l’évidence : le championnat scolaire ne suffit plus et le 5 mars 1892 émerge un projet de championnat interclubs immédiatement mis en oeuvre. Deux semaines plus tard le premier titre de champion de France revient au Racing-Club sur le score de 4 à 3 à la suite d’une confrontation avec le Stade français au bois de Boulogne arbitrée par le baron lui-même.

Les premiers Championnats de France

Trois clubs parisiens (Racing-Club, Stade français et Olympique) se le partagent ensuite tour à tour, ce championnat ne se disputant qu’entre six clubs de la région parisienne jusqu’en 1898. L’année suivante une finale entre le champion de Paris et celui des départements de province revient au Stade bordelais (SBUC). La suprématie des équipes du SudOuest où un autre grand éducateur, le docteur Philippe Tissié (1852-1935) a déjà substitué au niveau scolaire le rugby à la traditionnelle barrette aquitaine - une variante de la soule - devient vite écrasante. Le SBUC qui dispute toutes les finales de 1904 Charles Brennus

Tombe de Brennus..

Frantz Reichel...

à 1911 n’en perd que deux et en 1913 l’Aviron bayonnais ramène le titre dans une autre ville de province. Pendant la Grande guerre le championnat est remplacé par une coupe de l’Espérance pour les jeunes non appelés sous les drapeaux. Organisée en 1916, 1917, 1918, 1919 - et à nouveau en 1940 - cette compétition ne fait cependant pas partie du palmarès officiel du championnat.

Charles Brennus (1859-1943)

Jusqu’à l’Armistice le rugby relève d’une commission technique de l’USFSA, fondée en 1887 avec Georges de Saint-Clair (1845-1910) comme président. Outre Pierre de Coubertin qui en assure le secrétariat général dès l’origine, Charles Brennus s’y impose vite comme un des dirigeants majeurs : on le retrouve au conseil, au comité de Paris, dans toutes les commissions techniques … et surtout dans celle de rugby qu’il préside. Directeur des championnats de France d’athlétisme au PréCatelan, juge-arbitre national, président du Sporting club universitaire de France (SCUF) « le père Brennus » est surtout un « homme de terrain » qui se charge de l’organisation matérielle des rencontres, arbitre et manage l’équipe de France. Lors des Jeux de 1900 il est membre du jury.

Charles Brennus est aussi un talentueux artisan-graveur, réputé sur la place de Paris. Aussi dès le premier championnat de France, en 1892, c’est à lui que Pierre de Coubertin confie la réalisation du trophée qu’il a lui-même conçu.

L’évènement est relaté dans « Sports athlétiques », la revue de l’USFSA : « (… le) baron Pierre de Coubertin, (…) voulut bien se charger des délicates fonctions d’arbitre (… et …) offrit le challenge dont le club vainqueur eut la charge: un magnifique bouclier damasquiné, au centre les armes de l’Union, deux anneaux enlacés et la devise «Ludus pro Patria ». Monté sur un magnifique cadre de peluche rouge, cet objet d’art fait le plus grand honneur à celui qui l’a conçu. Nous croyons savoir que l’auteur n’est autre que le dévoué et sympathique secrétaire de l’Union… ».

Coubertin fit de même pour la Longue paume et les deux fédérations continuent à récompenser de nos jours leurs champions de France avec ces mêmes boucliers. Brennus est aussi l’auteur de nombreux autres trophées et œuvres de commémoration d’évènements sportifs.

La fin de l’USFSA

Si les rugbymen et les athlètes, sous son autorité et avec l’appui de Coubertin, peuvent se féliciter de voir leurs activités prospérer à l’USFSA, les footballeurs dont le développement commence à être exponentiel ne s’estiment pas pris assez au sérieux et se tournent parfois vers d’autres cieux. Au sein même de l’USFSA, la fronde est portée par Charles Simon (18821915), secrétaire général de la Fédération gymnastique et sportive des patronages de France (FGSPF) et soutien de Coubertin au sein du Comité olympique français.

L’USFSA s’épuise dans ce conflit et dès 1919 la Fédération française de football association s’en détache, préludant la disparition rapide de l’Union omnisports qui se désagrège rapidement. Les autres disciplines s’organisent en urgence pour survivre et Frantz Reichel qui a succédé en 1898 à Pierre de Coubertin au secrétariat de l’Union prend une part déterminante dans ce sauvetage.

Frantz Reichel (1871-1932)

La naissance de la Fédération française de rugby à XV ( FFR) est largement due à ce dernier qui, en 1919, quitte la présidence du SCUF pour celle d’un comité provisoire destiné palier la déliquescence de l’USFSA. Multiple champion et recordman de France dans diverses disciplines individuelles, capitaine de l’équipe de France de rugby, secrétaire général de l’Union, il est aussi un des créateurs de la Fédération française de boxe dès 1903. En 1908 il est à l’origine du Comité national des sports (CNS) dont il assure le secrétariat général. En 1913, le Comité olympique français (COF) étant rattaché au CNS, Reichel devient secrétaire général des deux institutions sous la double présidence de Justinien Clary (18601933).

Après la disparition de l’USFSA il intègre les comités directeurs des nouvelles Fédération Française de Football et Fédération Française d’Athlétisme, et il crée en 1920 la Fédération Française de Hockey sur gazon qu’il préside de 1926 à 1932. Secrétaire général du CNS et du COF il se retrouve en 1922 secrétaire du comité d’organisation des jeux (CoJO) des Jeux de Paris et de Chamonix. En 1924, il est à l’origine la Fédération Reichel au centre avec le ballon - USFSA février 1893

française de baseball qu’il préside jusqu’en 1931.

Il est aussi journaliste au Figaro, à L’Auto-Vélo et au Sport universel illustré. Il publie divers ouvrages dont Les Sports athlétiques et fonde l’Association Internationale de la Presse Sportive (AIPS) qu’il préside de 1924 jusqu’à son décès brutal dans les locaux du Figaro le 14 mars 1932. Il est enterré au PèreLachaise. Pour honorer ce dirigeant exceptionnel, la FFR lui a dédié son championnat de France junior de rugby (Coupe Frantz Reichel) en 1931.

Et après...

Le 11 octobre 1920, au lendemain de la victoire française sur les champions olympiques américains au stade de Colombes, le comité provisoire créé et présidé par Frantz Reichel laisse place à la Fédération Française de Rugby. Trop pris par ses multiples engagements celuici ne fait pas acte de candidature et Charles Brennus âgé alors de 60 ans – et peut-être un peu las des derniers évènements - profite de l’occasion pour prendre du recul. La présidence revient au pyrénéen Octave Léry (1885-1938) et la nouvelle fédération est reconnue d’utilité publique dès 1922.

Nommé président d’honneur en 1921 Brennus ne se retire vraiment de la vie sportive qu’au début de la seconde guerre mondiale. Il quitte alors le quartier du Marais pour Le Mans en 1941 où il décède le 23 décembre 1943. Il est enterré dans le cimetière de Franconville (Val-d’Oise) où sa stèle reproduit son fameux bouclier. Depuis 1919, son rugby est bien entré dans une ère nouvelle.

Claude Piard

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