20 minute read

Sport, Art et Olympisme

Next Article
Editorial

Editorial

1er Semestre 2022 La Vie du Comité

Français Pierre de Coubertin

Advertisement

Sport, Art et Olympisme 10e Colloque international du Comité Français Pierre de Coubertin Nice, du13 au 15 octobre 2021

Longtemps, sport, art et olympisme ont été indissociables. Dans l’Antiquité, activités physiques et arts sont deux expressions inséparables de la célébration des rites. Aèdes, chanteurs, acteurs, instrumentistes divers côtoient ou précèdent les athlètes et le théâtre jouxte le stade comme au sommet du coteau de Delphes d’où tous deux dominent le sanctuaire d’Apollon. C’est aussi avec les Jeux antiques que le « sport » est devenu objet d’inspiration pour les artistes. Les vainqueurs y étaient célébrés par des poésies composées en leur honneur et magnifiés par des statues façonnées par des sculpteurs. Nombreux aussi étaient les artistes et artisans qui rendaient compte et vivaient des compétitions : déjà était présent le défi de saisir le mouvement, par essence éphémère. Vases, stèles, bas-reliefs, statuettes et statues, médailles : le nombre des œuvres et leur variété nous indiquent combien athlètes et lutteurs constituaient un matériau pour l’artiste. Elles sont une source importante de compréhension de l’imaginaire sportif.

A la fin des Jeux antiques, au MoyenAge, des documents iconographiques illustrent les jeux populaires qui seront des passeurs d’histoire pour fonder le sport moderne. Lorsqu’à compter de la fin du dix-neuvième siècle, en quelques décennies, on voit le sport s’imposer puis se populariser, l’art continue de s’emparer des pratiques physiques et de nous renseigner à leur sujet. Très vite avec la succession et le renouvellement des modes, des styles et des écoles, l’art devient plus qu’une vitrine du sport. Et même si c’est souvent pour en modifier les contours ou en déformer les images, les artistes ont magnifié le sport et les sportifs. Les récits iréniques prédominent alors : la statuaire en particulier peut apparaître comme une galerie de portraits glorieux, nous racontant la grande histoire des héros du stade ou de la route. Progressivement aussi, le spectre s’est élargi et la mise en image du corps sportif s’ouvre à la multiplicité des disciplines.

Avec le sport devenu phénomène de société au cours du vingtième siècle, la dimension artistique s’est étendu aux évènements majeurs du calendrier sportif, qu’il s’agisse d’en esthétiser la communication ou d’en accompagner le déroulement. Qu’il s’agisse aussi parfois d’exprimer par leurs œuvres la révolte devant les abus et les injustices. Car si l’artiste, avec son imaginaire et ses techniques, se saisit de l’objet sportif c’est parce qu’il est un élément fondamental de la société dont il est le contemporain. Il est parfois même un pratiquant plus ou moins aguerri, tel Yves Klein, peintre et judoka. La rencontre avec le cinéma, apparu dans les mêmes années que les Jeux olympiques, a largement contribué à élargir la représentation du sport : comme espace de sociabilité et de valeurs partagées (Les chariots de feu), comme espace d’aliénation (Les Dieux du stade), comme espace de fabrication de la grandeur (Million dollar baby), de figures légendaires (Ragging Bull, When we were king, Invictus).

Cinéma, mais aussi peinture, sculpture, affiches, photographie, ou encore œuvres musicales et arts du vivant : au vingtième siècle, avec le développement du sport moderne, sport et art entretiennent des liens encore plus étroits voire plus complexes ou parfois déroutants. L’art n’est plus seulement une manière d’honorer les champions, mais il propose des voies plus inattendues, voire expérimentales sur les lignes et les couleurs, et parfois même plus critiques lorsqu’il s’agit d’art contemporain qui multiple les références sportives. En allant plus loin, en prenant l’exemple de la chronophotographie ou du futurisme, le sport inspire de nouveaux courants, enrichissant sans cesse les capacités créatrices de nos sociétés.

Les cérémonies d’ouverture et de clôture en offre une illustration spectaculaire. Elles associent tous les

arts vivants et leur mise en scène est confiée aux chorégraphes et/ ou réalisateurs les plus renommés, tel Philippe Decouflé pour les Jeux d’Alberville en 1992. Il en va de même des stades et autres édifices sportifs dont la conception porte la signature d’architectes prestigieux. Les stades olympiques comptent ainsi parmi les réalisations les plus marquantes laissées par l’architecture tel le « Nid d’oiseau » pour les Jeux de Pékin en 2008, œuvre des architectes suisses Herzog et de Meuron.

Phénomène social majeur de la modernité, le sport produit du spectaculaire et des enjeux symboliques qui ne peuvent pas se confondre avec les jeux anciens et les arts de l’antiquité grecque et romaine dont les finalités et les significations sont différentes. Si les assimiler serait un anachronisme, il n’en demeure pas moins que des rapprochements perdurent, en particulier lorsqu’il s’agit des Jeux olympiques. Signe que le mythe de leurs liens est toujours actif. On peut, en partie, attribuer ces rapprochements à Pierre de Coubertin qui, dès la création des Jeux olympiques de 1896, a souhaité cette alliance entre compétitions sportives et concours artistiques. Un projet qui se réalisera de 1912 à 1948 avec le « Pentathlon des muses » et qui se prolonge aujourd’hui avec la remise en forme d’une « Olympiade culturelle ».

Le colloque du Comité Français Pierre de Coubertin, en s’installant pendant trois jours à Nice nous rappelle que Pierre de Coubertin y effectua un cycle de conférences intitulé « L’olympisme enseigné » les mercredi 28 février et jeudi 13 mars 1934. A partir d’un prologue stimulant de Jean Durry, une hypothèse est envisagée : le jour viendra où les médias s’intéresseront à autre chose qu’à la chauvine course aux médailles et prendront le recul nécessaire pour parler du sport dans toutes ses dimensions, s’attachant à faire comprendre son essence et sa portée éducative.

Par ailleurs, dans le contexte du Musée National du Sport1 qui a accueilli la première journée du colloque, l’occasion était pertinente de s’intéresser aux approches muséale, immersive et innovante qui favorisent la vividité de l’héritage olympique qui permet au sport de prendre les atours d’un fait social total. Ainsi Trevor Smith et Abdulla Youssouf Al Mulla ont permis d’identifier les orientations prioritaires qui président à l’émergence au Qatar d’un nouveau musée olympique2 qui intègre le réseau des musées olympiques déjà présents sur les cinq continents3 . Si le CFPC est résolument tourné

1 - Musée national du Sport (museedusport.fr) 2 - Qatar Olympics and Sports Museum (qm.org.qa) 3 - Réseau des Musées olympiques (olympics.com) vers les perspectives qui se profilent à l’horizon de Paris2024, il est aussi sensible au fait que l’Héritage qui se construit au présent prend ses racines dans un passé qui reste encore visible pour ceux et celles qui acceptent de prendre le temps de le voir, de l’entendre et de le ressentir. Ainsi, un premier fil rouge c’est ébauché lors du colloque : celui qui relie l’Olympisme vécu à Paris en 1924 et l’Olympisme à vivre à Paris en 2024.

Premier fil rouge du Congrès : l’art et l’olympisme au temps de Paris 1924

Une première tresse de ce premier fil rouge a été modelée dans un premier temps par Jean-François Loudcher à propos des concours et des expositions d’arts sportifs qui étaient présents aux Jeux olympiques de Paris en 1924. Une deuxième tresse a été façonnée par Pierre Chazaud et Emmanuelle Ollier à partir de la prise en compte des avant-gardes artistiques qui de 1920 à aujourd’hui ont éclairé différentes facettes du diamant olympique. PierreOlaf Schut et Natalia Camps y Wilant ont donné de la consistance à ce fil rouge en s’intéressant à la façon dont Louis Faure-Dujarric a donné vie à page

31

1er Semestre 2022 cet écrin architectural que constitua en 1924 le stade Yves du Manoir. Pour 2024, ce stade situé à Colombes, à onze kilomètres de Paris, fait l’objet d’une rénovation adaptée aux exigences de préoccupations spécifiques d’un devoir de développement durable. Cependant, en accueillant en 2024 les épreuves olympiques de hockey sur gazon, ce tiers-lieu témoignera de ce qui incarne les réalités des mémoires culturelles oubliées et les imaginaires qui font d’un stade un ouvrage d’art qui a pour fonction d’accueillir des spectateurs en quête d’émotions et des athlètes en quête de sensations synesthésiques. Ce premier fil rouge est l’occasion de concevoir que la création artistique au service de l’olympisme et du sport s’inscrit dans une perspective macroscopique qui conçoit le spectacle sportif comme un temps de communion et de communication. Des cérémonies qui favorisent la libération contrôlée des athlètes, des dirigeants et des spectateurs deviennent ainsi des rituels où l’art se met au service d’un vivre ensemble et où “’hubris” peut côtoyer la “phronesis” dans des ambiances de liberté, de créativité et de paix.

Deuxième fil rouge du Congrès : Les cérémonies sont des temps et des espaces ritualisés qui donnent la parole à une création artistique pour se mettre au service d’un ordonnancement planifié de l’olympisme et du sport.

Les cérémoniaux qui scandent les temps et les espaces sportifs inscrivent les athlètes, les spectateurs et les dirigeants dans une complexité ambivalente : celle de respecter des valeurs morales qui respectent l’héritage du passé et celle d’accepter des valeurs qui émergent d’un temps présent sans épaisseur où des finalités contradictoires déstructurent l’essence d’une pratique sportive ayant une forte historicité. C’est dans cette perspective que Georges Vigarello modèle une première tresse d’un second fil rouge qui précise de quelles façons les mutations des cérémonies olympiques témoignent de la présence simultanée de valeurs contradictoires. Ainsi, Georges Vigarello, précise que l’hédonisme du spectacle sportif contemporain l’emporte sur le moralisme des pères fondateurs, le but avoué étant de procurer des « moments de bonheur » plus que des « moments d’édification ». Ainsi, c’est bien le public et le spectacle qui prennent une part toujours plus importante dans le déroulement des Jeux olympiques euxmêmes. Dès lors, c’est un cérémonial toujours plus élaboré qui ouvre la voie à des dynamiques contradictoires qui se combattent au cœur même de l’idéal olympique. En prenant le temps de rappeler les fonctions d’une cérémonie d’ouverture olympique, Jean-Loup Chappelet renforce par une seconde tresse le deuxième fil rouge élaboré par Georges Vigarello en y intégrant les nouveaux rôles joués par la télévision pour faire du spectacle sportif une magie olympique. Si la télévision est devenue un élément incontournable qui favorise la mise en forme artistique de l’effort sportif, celui-ci reste en luimême une forme d’art qui s’incarne dans la gestuelle sportive.

Troisième fil rouge du congrès : Le spectacle sportif et la gestualité sportive sont les deux facettes d’un art qui donne du corps au phénomène humain.

Betty Lefèvre nous propose dans un premier temps de concevoir la première tresse de ce troisième fil rouge du congrès comme une occasion de prendre conscience en 2021 des proximités, des tensions et des porosités qui mettent en scène dans un même espace-temps des spectacles sportifs et des performances artistiques, des spectacles artistiques et des performances sportives. Dans la foulée de Betty Lefèvre, Alain Belli adjoint une deuxième tresse à ce troisième fil rouge en permettant à la science du mouvement humain de favoriser la

L’art au service des imaginaires sportifs - Réalisation, à la manière de Florian Nicolle, par une élève de la Park House School qui honore les performances sportives des rameuses Katherine Grainger et Anna Watkins - JO Londres 2012. © DR - Photo Derek Peaple

compréhension d’une grammaire corporelle où la créativité n’existe que dans la faculté que peut avoir un athlète à produire un effort physique, là où chaque sens est convoqué au service d’un geste considéré comme beau parce qu’efficient.

La troisième tresse de ce troisième fil rouge est mise en scène par Pierre Philippe Meden qui permet en 2021 de voir apparaître au sein d’un congrès du CFPC des pratiques corporelles considérées par celuici il y a quelques années comme des activités culturelles déviantes ne méritant pas de côtoyer des activités sportives ayant une forte valeur historique. Ce que nous propose Pierre Philippe-Meden c’est en quelque sorte de concevoir les façons dont les pratiques corporelles sont hiérarchisées entre elles, certaines ayant des influences dominantes et d’autres devant jouer le rôle de pratiques culturelles dominées. Or ce que nous enseignent les propos des participants à la tableronde s’intéressant aux sports à composantes artistiques c’est la reconnaissance d’un processus qui fait des cultures sportives des tiers-lieux où des influences antagonistes sont constamment à l’œuvre : - Influence des minorités culturelles actives pour critiquer les habitudes culturelles et influencer la visibilité de nouveaux comportements, valeurs et symboles sportifs. - Influence d’une culture majoritaire orthodoxe qui refuse l’émergence de nouveaux comportements, de nouvelles valeurs et de nouveaux symboles sportifs. - Négociations entre les minorités actives et la majorité orthodoxe pour promouvoir la légitimation et l’hybridation des comportements, des valeurs et des symboles sportifs, anciens et nouveaux. - Acculturation des jeunes générations afin qu’elles intègrent ces nouveaux comportements, valeurs et symboles sportifs hybrides. L’émergence de nouvelles pratiques corporelles autorisées à devenir des pratiques sportives olympiques témoignent depuis 1896 d’une lutte d’influences qui échappent le plus souvent aux athlètes eux-mêmes. Cette intégration obéit à des enjeux où il s’agit d’inclure des activités artistiques dans le creuset des cultures sportives héritées de normes, de valeurs et de symboles qui sont constamment guettés par l’obsolescence non programmée. Ainsi le choix de ces disciplines s’opère autour de plusieurs contingences: - Connexion aux idéaux contemporains de la jeunesse - Connexion avec les Arts Vivants afin de permettre à des performances spectaculaires d’émouvoir un public. - Connexion avec des nouvelles formes de communication et d’information qui valorisent la médiatisation des performances spectaculaires. - Connexion de la nature sauvage avec les milieux urbains hyper-connectés - Mondialisation hybride des pratiques physiques où les terminologies anglophones deviennent des marques déposées. - Acculturation des activités physiques à des innovations technologiques qui favorisent l’émergence de l’homme augmenté. L’irruption au sein du programme des Jeux olympiques de l’escalade sportive, du “break dance”, du surf et du “skateboard” marque l’aboutissement de ce phénomène historico-social qui transforme une déviance en norme. Dans une dialectique sport/loisir, le badminton a vécu ce processus il y a quelques années. Le Jeu Provençal, plus connu sous la dénomination de pétanque, reste confronté à des forces antagonistes qui l’empêchent de devenir un sport acceptable pour les canons olympiques. Vincent Berhault, Charline Dray, Benjamin Paon et Paul Warnery ont permis ainsi à une table-ronde consacrée aux sports à composantes artistiques d’être le pivot de l’ensemble des fils rouges tressés tout au long du colloque

du CFPC. C’est une occasion de reconnaître les relations complexes qui mettent en dialogue l’art, le sport et l’olympisme. Si l’art peut magnifier le sport et l’olympisme, les artistes qui se situent aux frontières du sport et de l’olympisme sont également en capacité de développer une éthique de la responsabilité afin de permettre à l’art de conserver une autonomie de discernement vis-à-vis des normes sociales qui façonnent les pratiques sportives et les valeurs olympiques.

Quatrième fil rouge du congrès : l’art magnifie le sport et l’olympisme

Jean-Paul Callède nous propose de tresser le quatrième fil rouge du congrès à partir de la façon dont les normes sociales statufient un athlète, d’après le modèle vivant. L’articulation entre normes sociales et normes artistiques, à une époque donnée, oblige en effet à analyser le processus d’expression de ces normes complété par la délimitation de leurs champs de validité respectifs. En outre, les échelles de manifestation des unes (sociales) et des autres (artistiques) attestent de lignes de tension, voire de désarticulation ou de différenciation, ou bien d’ajustement possible: répartition des classes sociales et distribution du capital culturel des publics à propos des unes, diversité des sensibilités esthétiques et courants artistiques à propos des autres. Et d’une époque à la suivante, ces lignes au contact des attentes des publics et des propositions des artistes se déplacent et se redéployent autrement. En reprenant la notion de minorités actives, JeanPaul Callède nous invite à nous intéresser également à la façon dont la sculpture figurative francophone s’intéresse aux sportives qui gagnent, en relation ou non avec un hommage rendu à telle ou telle championne. Le tissage de ce quatrième fil rouge, à la suite des propositions de Jean-Paul Callède va au cours de ce congrès s’inscrire selon deux perspectives.

- Une première perspective où les identités des artistes et des athlètes forgent une dimension qui donne de la consistance aux imaginaires sportifs. Ainsi, Yvan Gastaut nous rappelle que l’art contribue à la légende du sport. Le podium du 200 mètres aux Jeux olympiques de Mexico en 1968 est l’occasion d’apprécier de quelles façons se nouent une relation entre artistes et sportifs lorsqu’il s’agit de perpétuer la mémoire d’un geste déviant et pourtant tellement significatif. Emmanuelle Ollier nous permet d’apprécier de quelles façons Yves Klein, judoka et artiste-peintre a élaboré en 1954 de façons simultanées un manuel technique « Les fondements du judo et un recueil « Yves Peintures ». JeanBernard Kazmierczak nous propose de faire des liens entre l’art et le golf, notamment à partir de l’Ecole de Nice. Pierre Chazaud pour sa part nous fait part de la façon dont Fernand Léger propose une vision positive de l’existence sportive avec un art apaisant et intériorisé, associant dans l’Art Mural une recherche de collaboration entre le peintre et l’architecte. - Une deuxième perspective va s’intéresser à la façon dont le cinéma, innovation technologique dont l’apparition est synchrone et pourtant décorrélée de la naissance de l’olympisme moderne, va renforcer des identités qui donnent de la consistance aux imaginaires sportifs. Ainsi, Franco Ascani, membre de la Commission Culture du CIO nous donne l’occasion de reconnaître l’ampleur et l’esthétisme d’une filmographie olympique qui en 200 films permet d’apprécier de quelles façons l’histoire du cinéma et l’histoire olympique ont appris à se reconnaître mutuellement. Siyao Lin et Thomas Bauer nous donnent l’occasion de suivre les pas de la première femme tibétaine ayant remporté une médaille aux Jeux olympiques. Dans un contexte où des relations historiques et culturelles du Tibet et de la Chine obéissent à des enjeux qui dépassent ceux des jeux sportifs, la mise en scène

fictionnelle d’un fait de société est une opportunité pour inscrire le sport comme fait social total, en lien avec la question suivante : Si les espaces sportifs constituent un champ de lutte important contre toutes sortes de discriminations, la présence d’une athlète issue d’une ethnie minoritaire permet-elle d’augmenter la visibilité de celle-ci dans le concert universaliste du sport ? En s’intéressant au film Charlie Chan at the Olympics qui a vu le jour en 1937, Hugo GervilleReache et Thomas Bauer nous proposent une triple analyse de l’intérêt du soft-power hollywoodien pour les Jeux olympiques : une analyse narrative qui interroge les processus qui transforment des réalités en fiction, une analyse figurative qui questionne la représentation des Jeux olympiques de 1936 et une analyse socio-économique qui confrontent les intérêts communs de l’industrie du cinéma et de la magnification de l’olympisme. Lorsque l’art magnifie le phénomène humain qui se révèle à travers un événement sportif, le dialogue qui s’élabore entre l’art et l’olympisme est l’occasion de reconnaître l’existence de tiers-lieux qui empêchent les cultures sportives de se scléroser.

Cinquième fil rouge du congrès : un long compagnonnage donne de la résonance à des tiers-lieux où l’art rencontre l’olympisme

Le cinquième fil rouge du congrès est l’occasion de mettre en lumière un peu plus la notion de tiers-lieux qui renvoie à ces espaces-temps où les liens sociaux se recomposent sous le double effet de l’émancipation conjointe d’artistes et d’athlètes qui favorisent des initiatives collectives inédites au service de nouvelles rencontres entre l’art et l’olympisme. Selon une perspective à la fois diachronique et synchronique il est ainsi possible d’identifier quelquesuns de ces tiers-lieux qui font d’un territoire un creuset où se forgent des rencontres entre histoire et mémoire. Elena Lopresti et Flamela Miele en donnant la parole à Parthénope nous proposent de nous intéresser à la façon dont les Jeux olympiques furent présents dans la baie de Naples et la Magna Greacia, en lien avec l’hybridation de la culture hellénique avec la culture indigène. Les jeux, les événements et les célébrations sportives sont un élément commun des mythes nés entre les rives de plusieurs régions méditerranéennes et des moments propices aux retrouvailles avec la mère-patrie car pour les colons grecs, le sport représentait un puissant facteur de retrouvailles avec la patrie, grâce à la participation d’athlètes de la Magna Graecia aux Anciens Jeux olympiques. Les propositions d’Elena Lopresti et de Flamela Miele sont une bonne opportunité de les transposer à d’autres tiers-lieux qui jalonnent les côtes méditerranéennes de Naples à Carthagène en passant par Nice. Derek Peaple, de son côté nous propose de considérer que la culture sportive favorise la mise en forme d’apprentissages scolaires vicariants, est une terre d’accueil pour des programmes d’enrichissement éducatif et artistique. Lorsque l’art et l’éducation sportive se donnent la main au sein de l’école, celle-ci devient ce tiers-lieu où les élèves peuvent ressentir ce qui fonde les imaginaires sportifs et les idéaux olympiques qui s’incarnent dans une dramaturgie sportive faite de victoires et de défaites, d’excellence et d’excès. En tant que délégué ministériel aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, Thierry Terret se trouve au cœur de ces tiers-lieux qui émergent de la rencontre entre l’olympisme et l’éducation artistique et culturelle, entre l’éducation physique et le sport, entre la performance sportive spectaculaire qui dépossède l’athlète de son corps et la sensation artistique qui permet à un athlète d’habiter son corps. Les perspectives des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 ne se limitent pas à un événement qui ne durera que quelques jours. Cellesci sont d’ores et déjà à l’œuvre au quotidien lorsque des impulsions

nationales et des initiatives locales mettent du temps à s’entendre, afin de mieux se comprendre. Ainsi, le sport, l’histoire, l’éducation, l’art et la culture s’inscrivent au cœur des cinq fils rouges qui se sont tissés tout au long du colloque de Nice comme les éléments constitutifs de ce que Pierre de Coubertin décrit comme un “Religio Ahletae”, cette personne qui témoigne : - d’une part d’une réunification de l’homme avec ses racines et d’une nécessité pour lui de réaliser ses obligations civiles, - d’autre part d’une obligation de développer des qualités physiques afin de les mettre au service du bien commun, en s’abstenant de tout ce qui pourrait les dégrader inutilement.

La clôture du colloque s’est faite à deux voix sous le double sceau de l’hommage et de l’héritage. Ainsi Bertrand During nous propose une mise en intrigue d’une esthétique de l’action sportive en résonance avec une œuvre de Bernard Jeu, longtemps disparue et bientôt publiée : “Le Sport, l’Emotion, l’Histoire.” Achille, Hercule, la mythologie et les « choses d’Olympie » sont d’un temps révolu, et pourtant nous parlent de nous, de l’humaine condition. Il en va finalement de même pour l’art qui nous enseigne l’histoire d’une culture, qui nous raconte l’homme, et l’hymne de l’univers à travers lui. En écho aux propos de Bertrand During,

André Leclercq nous propose de concevoir l’avenir avec optimisme et nous invite à prendre d’une main ferme le témoin que transmettent ceux et celles qui nous donnent l’occasion de comprendre les dimensions visibles et encore invisibles de l’œuvre de Pierre de Coubertin. De Nice à Lausanne tout est prêt pour que le Comité Français Pierre de Coubertin soit l’objet de reconnaissances de la part du Comité International Olympique, dans la perspective des Jeux olympiques et Paralympiques de Paris 2024.

De Lausanne à Paris tout est prêt pour que le Comité Français Pierre de Coubertin soit l’objet de sollicitations de la part du CNOSF afin de permettre aux notions d’Ethique, d’Héritage, de Culture, de Santé et d’Education de participer à l’efflorescence au cœur des organisations sportives de ce qui fonde les processus de Bien-Être et de Vivre Ensemble. Dans le cadre de programmes en lien avec le thème « Vivre plus fort ensemble », le CFPC, sur les rivages de la Méditerranée et sous le regard de Niké la déesse grecque de la victoire, est prêt à partager un souci commun: soutenir les rencontres des jeunes générations dans une perspective internationale afin de faire du dialogue interculturel un art de vivre.

Gilles Lecocq

(Prochain congrès en octobre 2023 à Calais).

This article is from: