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1924 Jeux de Paris ou du Racing?

décisions du comité exécutif des jeux olympiques, ce dernier a été convoqué d’urgence afin d’examiner la situation difficile qui lui est ainsi créée. Une requête a été adressée au président du Conseil municipal afin qu’il soit sursis à tout vote définitif jusqu’à audition des représentants du comité exécutif, qui n’ont pas encore été convoqués devant la troisième commission. Le comité exécutif olympique reconnaissant au Conseil municipal de la sollicitude que celui-ci lui a témoignée, ne saurait cependant s’associer à des déclarations, par lesquelles on souligne, sans qu’ils aient été contrôlés, des chiffres d’économie qu’il est impossible de justifier actuellement car une étude approfondie du budget total des jeux olympiques relève exclusivement du comité olympique français. Son comité exécutif examinera dans sa prochaine séance s’il lui est possible de poursuivre l’organisation des jeux olympiques de 1924 si les terrains qui ne réunissent pas les conditions indispensables lui étaient imposés.”

LA PRESSE S’EN MÊLE...

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Dès le lendemain Gaston Neumeyer commente longuement ce manifeste en page 4 du quotidien Le journal: “où auront lieu les Olympiades de Paris ? Le conseil municipal choisit le stade Pershing. Mais le comité olympique désapprouve ce choix. On sait que la troisième commission du conseil municipal a étudié mardi la question des emplacements à accorder pour l’organisation des Olympiades de 1924. Les terrains de l’ancienne briqueterie de Vaugirard ont été proposés, mais après les explications de M. de Castellane, président du groupe des sports, il a été reconnu que l’aménagement de ce terrain serait trop coûteux ; on a donc décidé que les jeux se feront au stade Pershing, qui sera agrandi pour la circonstance. Hier matin, le conseil municipal, réuni en séance plénière, a avalisé cette décision. Est-elle irrévocable ? Il faut espérer que non. Elle est appelée en tout cas à soulever dans les milieux intéressés des protestations unanimes. Et tout d’abord, au sein même du comité olympique français, devenu comité exécutif des Jeux olympiques de 1924, et qui en réclamant, au nom du gouvernement français et de la Ville de Paris, et en obtenant, au récent congrès de Lausanne, l’organisation des Jeux, a pris la responsabilité de cette organisation. Or, le dit comité olympique français s’est prononcé, à l’unanimité, sur la non désignation du stade Pershing comme théâtre des Jeux de 1924. Tout récemment, son bureau exécutif, dans une réunion à laquelle assistaient MM. Gaston Vidal, Henri Paté, Jean de Castellane, président du groupe sportif du conseil municipal, et les deux plus hauts représentants des services intéressés de la ville de Paris, a examiné tous les emplacements possibles pour le futur stade olympique. Or, toutes les personnalités présentes, toutes sans exception, ont été d’accord pour reconnaître que seuls les terrains de la porte de Versailles pouvaient donner satisfaction et qu’en tout cas il fallait renoncer à l’utilisation du stade Pershing. Quand le stade Pershing a été exécuté, avec la rapidité que l’on sait, par nos amis américains, pour les Jeux interalliés, il n’avait pas été conçu pour une manifestation de l’envergure des Jeux olympiques. Il ne contient que 26.000 places assises. Il est de toute évidence que pour 1924 il faut prévoir un stade olympique pouvant contenir de 80 à 100.000 spectateurs. D’autre part, la rapidité même de son exécution a fait que la construction du stade Pershing a laissé beaucoup à désirer. Il a déjà fallu consolider les tribunes, mais, pour 1924, ce ne sont pas seulement les tribunes qu’il faudra reconstruire complètement, en les agrandissant et en les surélevant, c’est la piste elle-même et la pelouse qui sont entièrement à refaire. Ce ne sera, ce ne pourra être que du rafistolage. page

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Racing-Club de France - Stade de Colombes

Est-ce vraiment digne de la France et de la Ville de Paris? L’une et l’autre se doivent et doivent au monde entier de faire grand et beau pour les Jeux olympiques de 1924. Si l’on veut faire mesquin et viser à l’économie, il ne fallait pas réclamer l’organisation des Jeux, et mieux vaut encore, même maintenant, y renoncer. La Hollande, qui a obtenu les Jeux de 1928, travaille, elle, déjà, à l’organisation des siens. Et puis, qu’arrivera-t-il, si le choix du Pershing est maintenu ? Le stade Pershing, pour être reconstruit, devra être démoli, et pendant deux ans au moins, sinon trois, il sera complètement fermé à l’entraînement. Or, lisez ce qu’écrivait, hier matin, dans l’Echo des Sports, le directeur du stade Pershing lui-même : En janvier 1920, trois mois après l’ouverture du stade d’entraînement, le nombre des abonnés atteignait 1.200 ; il n’a fait que croître depuis lors, au point qu’à l’heure actuelle les vestiaires, les terrains, cependant vastes, le matériel de sport, cependant nombreux, deviennent insuffisants ; en moins de deux ans, il est passé par le stade 350.000 athlètes en herbe ou déjà formés. Sauf erreur, c’est un record. Et plus loin, il conclut qu’il faudrait quelques milliers de Pershing en France et au moins une vingtaine à Paris. Or Paris n’a que deux stades dignes de ce nom : Colombes et Pershing. Et l’on va, pendant trois ans, supprimer celui-ci au moment précis où l’on va en avoir le plus besoin pour la préparation de nos athlètes. Souhaitons que le conseil municipal revienne sur sa décision. Le comité olympique français, dont l’opinion est faite, nous l’avons dit, ne manquera pas de faire toutes démarches utiles à cet égard. Et il est certain aussi que M. Gaston Vidal, sous-secrétaire d’Etat de l’enseignement technique et de l’éducation physique, qui à plusieurs reprises s’est prononcé également contre le choix du Pershing, interviendra au nom du gouvernement pour que la Ville de Paris fasse son devoir, c’est-à-dire nous dote d’un stade modèle digne de la manifestation mondiale de 1924.”

…ET RENCHÉRIT UNE SEMAINE PLUS TARD

Frédéric Estebe dévoile le 21 dans “La Lanterne” que la ville reconnaît le conflit des Jeux mais tente de l’étouffer: on démolira Pershing, mais il ne faut pas le dire ! Construction d’un stade d’entraînement à la porte de Versailles; construction du stade olympique à Vincennes. Trois dépenses en place d’une ! Les dits représentants ont ajouté immédiatement qu’il importait de ne pas ébruiter cela, pour le moment du moins. En d’autres termes, on prétend nous placer presque devant le fait accompli. Naturellement, on cherche à pallier le désastreux effet que produiront ces conceptions par de séduisantes et irréalisables promesses. C’est ainsi qu’on annonce une superficie de 65 hectares pour les Jeux olympiques. Je réponds : impossible puisque c’est, à peu de chose près, la superficie du terrain de manœuvre de Vincennes. Où caserait-on l’Exposition coloniale ? On a également annoncé la venue du métro jusqu’à la Pyramide. D’abord, la réalisation totale est douteuse. Ensuite, je ferai observer qu’il y a de la Pyramide à l’endroit où s’élèvera le stade présumé 2 kilomètres 500 environ. C’est une promenade qui déplaît généralement au public. Je présenterai encore une objection, capitale celle-là. Pour confectionner une pelouse digne du cadre athlétique, c’est-à-dire une pelouse qui présente toutes les garanties désirables, il faut trois années. Il importerait donc de s’en occuper immédiatement. Or, en raison de la démolition du stade actuel, on ne pourra guère s’y attaquer que dans un an. Cela nous vaudra d’offrir à l’étranger quelque chose de hâtif, bâclé, insuffisant. Comme on le voit, l’examen attentif de la question amène la condamnation des projets du conseil municipal. Malheureusement, nos édiles ferment les yeux, bouchent leurs oreilles pour ne pas voir et ne pas entendre l’évidence. Une dernière remarque en terminant : huit membres du Comité national des sports qui sont membres du conseil d’administration du stade Pershing et, parmi eux,

M. Henry Paté, député, président du Comité national d’éducation physique, se sont prononcés en faveur du projet du comité olympique français.

UN CONSENSUS FRANCILIEN

Ce n’était qu’un début. Après Pershing, le gouvernement propose le parc des Princes mais la ville refuse d’y financer les travaux nécessaires. En 1922, devant l’impasse, le transfert des Jeux à Lyon devient d’actualité quand le miracle se produit. Le Racing-club de France propose de porter la capacité du stade du Matin qui date de 1907 à 45.000 places dont 20.000 assises contre 50 % des recettes et la ville de Colombes de construire un village olympique de baraquements en bois avec bureau de change, salon de coiffure, bureau de poste, kiosque à journaux, service de blanchissage et de garde des objets de valeur. Une halte de chemin de fer, toujours baptisée “Le stade”, est créée sur la ligne Saint-Lazare/Argenteuil, à 15 minutes à pied de ce nouveau complexe. Les jeux restent en région parisienne mais ils auraient aussi bien pu passer à la postérité sous l’appellation “Colombes/RCF”. Quelques sites restent intramuros comme le football à Pershing, au stade Bergeyre, démoli deux ans plus tard pour laisser place à un lotissement, et au stade Bauer de Saint-Ouen. Pour la natation, on construit aux Tourelles le premier bassin de 50 mètres à couloirs avec des lignes de bouchons en liège. Les épreuves d’équitation sont organisées sur l’hippodrome d’Auteuil ; la boxe, la lutte, l’haltérophilie au vélodrome d’hiver. Mais les épreuves de tir se tiennent à Reims dans un stade construit pour l’occasion sous l’égide de M. Thomasson, architecte de l’Union des sociétés de tir de France et le tir de chasse au stand national de tir de Versailles. Le bassin d’Argenteuil accueille l’aviron, Meulan et Le Havre les régates. Bagatelle, Boulogne-Billancourt, Issy-les-Moulineaux, Meudon et Saint-Cloud reçoivent quelques épreuves. Alors que les Jeux ont démarré le 18 mai par le tournoi de rugby à XV remporté par les U.S.A. la plupart des épreuves ont lieu après la cérémonie d’ouverture du 5 juillet au Stade olympique de Colombes. Gaston Doumergue, président de la République, en proclame l’ouverture devant les membres du C.I.O. et de son président, Pierre de Coubertin alors que la cérémonie se termine par le discours du comte Clary, président du comité d’organisation et que le serment olympique est prêté par Géo André, médaillé olympique en 1908 et 1920. La devise empruntée à Henri Didon, “Citius, Altius, Fortius”, est introduite à cette occasion ainsi que le lever à la cérémonie de clôture des drapeaux du C.I.O., du pays hôte et du prochain organisateur. Entre temps un hommage a été rendu le 23 juin à Pierre de Coubertin à l’occasion du trentième anniversaire de la rénovation des Jeux.

CONCLUSION

44 nations et 3.089 athlètes dont 135 femmes en escrime, natation, plongeon et tennis prirent part à 126 épreuves dans 17 sports. En dépit d’un public clairsemé ces Jeux, suivis avec intérêt par les médias, furent une réussite quant à la participation et les performances enregistrées, les concurrents les plus titrés étant les finlandais Paavo Nurmi et Ville Ritola, l’américain Johnny Weissmuller et l’escrimeur français Roger Ducret. Après la clôture Coubertin se retire satisfait d’avoir vu son pays organiser les Jeux après ceux contestés de 1900. Déclarant “J’ai fait mon œuvre”, il laisse la présidence du Comité international au belge Henri de Baillet-Latour sans cesser pour autant de collaborer au-dit comité et rédigeant plusieurs ouvrages, dont la “Charte de la réforme pédagogique”.

Claude Piard

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