Façades actives - Mémoire de Master réalisé par Max COLIN sous la direction de Yannick SUTTER

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AVANT-PROPOS Ce mémoire de Master est l’aboutissement d’une réflexion qui n’a cessé d’évoluer tout au long de son élaboration. En effet, certains de mes collègues avaient déjà une intuition de sujet à aborder dès le début de cet exercice, grâce à une réflexion entamée durant leur rapport d’étude ou une expérience personnelle marquante par exemple. Pour ma part, je ne suis parti de rien, si ce n’est d’une liste hétérogène de sujets qui m’intéressaient de près ou de loin… Je pense de ce fait pouvoir affirmer que ce mémoire a d’abord été le fruit de ma curiosité et de ma soif de connaissances, avant d’être l’aboutissement d’une réflexion critique sur le sujet que j’ai choisi d’aborder. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ce sujet a évolué au grès de multiples recadrements, ou de changements de points de vue. Ainsi, je suis parti d’une longue recherche sur les double peaux qui m’a conduit à la définition du concept de façade active. Parmi ces façades, je me suis particulièrement intéressé au concept de double peau végétalisée, qui m’a permis de me pencher davantage sur les bienfaits de la végétation en façade, dont, entre autres, le phénomène de biophilie, qui faisait partie de ma liste de sujet possible pour le mémoire. Cela m’a naturellement poussé à examiner les autres possibilités de végétalisation des façades, une recherche qui a fait naître en moi un questionnement sur la pertinence de telles solution au regard du contexte environnemental actuel. Ce questionnement a probablement aussi été conditionné par ma passion pour la visualisation architecturale et la production de perspectives, qui m’a fait découvrir le « pouvoir » de la végétation dans une image, qui peut apporter du réalisme, mais aussi susciter une certaine satisfaction au spectateur, ou lui donner envie de se projeter dans un projet. La végétation a son rôle à jouer pour « vendre » un projet en images, grâce à des leviers purement techniques, avec des modèles de plantes détaillés aux formes organiques et « spontanées », mais aussi plus sensibles, avec une harmonie des couleurs, un travail de composition, une notion d’échelle, d’appropriation… Cela donne souvent lieu à des projets verdoyants, et donc des perspectives parfois quelque peu « greenwashées » pour répondre à un effet de mode. Ce verdissement artificiel est bien entendu le reflet d’une tendance à mettre en avant des dispositifs définis comme « écologiques » dans l’imaginaire collectif, sans qu’ils soient pour autant réfléchis ou réalisables. Dans ce mémoire j’ai donc cherché à approfondir mes connaissances sur la végétalisation des façades, pour tenter de déterminer si ces solutions sont véritablement souhaitables ou si leur mise en place se limite à une notion d’image et d’artifices, dans un contexte où la crise écologique et ses enjeux font partis de notre quotidien.


REMERCIEMENTS Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à toutes les personnes qui ont contribué, de près ou de loin, à l’élaboration de ce mémoire. Pour commencer, Mr Yannick Sutter, mon encadrant, d’abord pour son suivi et ses conseils qui m’ont guidé tout au long de la réalisation de ce travail, puis pour son soutien durant les moments de doute et son investissement pour me permettre d’enrichir ma réflexion. Je souhaite aussi remercier tous les professionnels qui ont accepté de répondre à mon questionnaire. Et aussi ceux qui ont bien voulu m’accorder du temps en entretien, comme Mr Philippe Samyn, qui m’a fait l’honneur de partager avec moi son expérience de la double peau au travers de ses nombreux projets. Je remercie également mes proches pour toute l’aide et les encouragements qu’ils ont pu m’apporter durant ce travail de longue haleine. Enfin, j’adresse mes remerciements aux membres du jury pour avoir bien voulu examiner et juger le fruit de mon travail.


SOMMAIRE INTRODUCTION .......................................................................................................... 8 I.

LES FAÇADES ACTIVES ........................................................................................ 11 I.1

Définition et impact sur le confort ...................................................................................... 11

I.2

Historique .......................................................................................................................... 12

I.3

I.2.1

Premières façades actives ............................................................................................ 12

I.2.2

Usine Steiff (1903) ........................................................................................................ 12

I.2.3

"Mur neutralisant" et la "Respiration exacte" de Le Corbusier (1926 – 1933) ............. 13

I.2.4

Le développement des double peaux ventilées ........................................................... 14

I.2.5

Formes contemporaines ............................................................................................... 15

Typologies d'éléments actifs............................................................................................... 15 I.3.1 I.3.1.1

Brise soleil ..................................................................................................................................................15

I.3.1.2

Casquette ...................................................................................................................................................15

I.3.1.3

Résille métallique .......................................................................................................................................16

I.3.2

I.4

La protection solaire ..................................................................................................... 15

Le vitrage ...................................................................................................................... 16

I.3.2.1

Zone tampon (ventilation par tirage thermique) .....................................................................................16

I.3.2.2

Mur capteur (inertie) .................................................................................................................................16

I.3.2.3

Mur Trombe / Véranda (circulation d'air chaud)......................................................................................17

I.3.3

La végétation ................................................................................................................ 17

I.3.4

Les dispositifs plus complexes comprenant parfois des innovations technologiques .. 18

Les façades double peaux .................................................................................................. 18 I.4.1

Un cas particulier structurel : les façades actives multi-couches ................................. 18

I.4.1.1

Une seconde peau qui marque une épaisseur..........................................................................................18

I.4.1.2

Le vide, constituant principal de cette nouvelle épaisseur.......................................................................19

I.4.1.3

Une solution de conception employée en construction neuve et en réhabilitation ................................19

I.4.1.4

Une utilité pour la sécurité ........................................................................................................................21

I.4.1.5

Une utilité esthétique ................................................................................................................................22

I.4.1.6

Une utilité acoustique ................................................................................................................................23

I.4.1.7

Une utilité thermique ................................................................................................................................23

I.4.2

Typologies courantes de double peaux ........................................................................ 24

I.4.2.1

Les double peaux ventilées (contrôle d’une perméabilité) .......................................................................24

I.4.2.2

Les double peaux de protections solaires .................................................................................................32

I.4.2.3

Double peau végétalisée ...........................................................................................................................34

I.4.3

Une parenthèse sur l’architecture textile ..................................................................... 34

II. DES FAÇADES COMPLEXES RÉINTERROGÉES ....................................................... 36


II.1

Méthodologie et corpus d’étude ..................................................................................... 36

II.2

Mise en place et expérience concrète.............................................................................. 39

II.2.1

L’émergence de façades tridimensionnelles ................................................................. 39

II.2.2

Les problématiques engendrées par les différentes typologies de double peau ......... 40

II.2.2.1

Les double peaux ventilées ........................................................................................................................40

II.2.2.2

Les double peaux de protections solaires .................................................................................................45

II.2.2.3

Autres typologies .......................................................................................................................................47

II.2.3 II.2.3.1

Un choix de conception .............................................................................................................................48

II.2.3.2

Une solution de conception employée en construction neuve et en réhabilitation ................................51

II.2.3.3

L’influence du commanditaire ...................................................................................................................52

II.2.4 II.3

Les façades double peaux du point de vue des concepteurs........................................ 48

Valeur ajoutée et réelle pertinence ? ........................................................................... 53

La recherche pour tendre vers des solutions plus pertinentes .......................................... 54

II.3.1

Innovations ................................................................................................................... 54

II.3.2

Végétalisation des façades............................................................................................ 56

III. LA VÉGÉTATION COMME ÉLÉMENT ACTIF .......................................................... 58 III.1

Rappel du contexte environnemental .............................................................................. 58

III.2

Une végétalisation des surfaces verticales ....................................................................... 59

III.3

Typologies ....................................................................................................................... 60

III.3.1

Plantes grimpantes ....................................................................................................... 61

III.3.1.1

Principe.......................................................................................................................................................61

III.3.1.2

Projet représentatif....................................................................................................................................65

III.3.2

Murs végétalisés ........................................................................................................... 67

III.3.2.1

Principe.......................................................................................................................................................67

III.3.2.2

Projet représentatif....................................................................................................................................71

III.3.3

Double peaux végétalisées ........................................................................................... 71

III.3.3.1

Principe.......................................................................................................................................................71

III.3.3.2

Projets représentatifs ................................................................................................................................72

III.3.4

Autres typologies .......................................................................................................... 79

III.3.4.1

Des arbres en façade .................................................................................................................................79

III.3.4.2

Autres .........................................................................................................................................................81

III.4

Des solutions accessibles à tous ? .................................................................................... 81

III.5

Points forts ...................................................................................................................... 84

III.5.1

Avantages et impacts directs ........................................................................................ 84

III.5.1.1

Amélioration du confort des usagers ........................................................................................................84

III.5.1.2

Autres points forts .....................................................................................................................................86

III.5.2

Avantages et impacts plus subjectifs ............................................................................ 88

III.5.2.1

Le phénomène de biophilie .......................................................................................................................88

III.5.2.2

Une plus-value esthétique .........................................................................................................................90


III.5.3 Précisions sur les spécificités des plantes grimpantes, et, par extension, sur les double peaux végétalisées...................................................................................................................... 91

IV. ANALYSE DU POTENTIEL DES SOLUTIONS VÉGÉTALISÉES .................................... 96 IV.1

Des façades parfois remises en question.......................................................................... 96

IV.1.1

Inconvénients et limites................................................................................................ 96

IV.1.1.1

Analyse et retours négatifs sur les solutions de végétalisation des façades...........................................96

IV.1.1.2

Les particularités des double peau végétalisées ................................................................................... 102

IV.1.1.3

Une méconnaissance de l’impact de ces solutions ? ............................................................................ 106

IV.1.2

Le Greenwashing ........................................................................................................ 108

IV.1.2.1

Définition et contexte du greenwashing, une pratique de plus en plus courante ............................... 108

IV.1.2.2

La végétalisation verticale, solution vertueuse ou greenwashing ? ..................................................... 110

IV.1.2.3

Quelle part de greenwashing pour les double peaux végétalisées d’après les concepteurs ? ............ 114

IV.1.3

Impact environnemental et potentiel écologique ...................................................... 116

IV.1.4

Freins à la démocratisation......................................................................................... 121

IV.1.4.1

Entretien avec les concepteurs ............................................................................................................... 121

IV.1.4.2

Anticipation des performances ? ........................................................................................................... 125

IV.1.4.3

Pas assez d’engouement chez les décideurs pour l’instant ................................................................... 127

IV.2 Performance et pertinence concrètes des façades actives végétalisées au regard de la crise écologique............................................................................................................................... 129 IV.2.1

Rappel de la problématique ....................................................................................... 129

IV.2.2

Analyse des hypothèses.............................................................................................. 129

CONCLUSION ........................................................................................................... 133 BIBLIOGRAPHIE........................................................................................................ 136 ANNEXES ................................................................................................................. 142 A - Résume des réponses obtenues au questionnaire...................................................... 142 B - Grille d'entretien concepteurs - double peaux........................................................... 149 C - Liste des entretiens réalisés ................................................................................... 152 D - Retranscriptions des entretiens.............................................................................. 153 E - Projets de double peaux végétalisées répertoriés lors de mes recherches ........................ 221


INTRODUCTION Le 9 Août 2021 sortait le 1er volet du 6ème rapport du GIEC, le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat chargé d’évaluer les données scientifiques, techniques et socio-économiques nécessaires pour mieux comprendre les risques et les conséquences possibles liés au réchauffement climatique, afin d’envisager d’éventuelles stratégies d’adaptation et d’atténuation 1. Leur verdict est clair : en 2021, nous avons atteint un réchauffement de +1,09°C par rapport à l’ère préindustrielle 2 , ce qui a pour conséquence la multiplication des inondations, des vagues de chaleur, des sécheresses… Ainsi, il est urgent que chaque secteur d’activité travaille à réduire ses émissions de Co2 pour tendre vers une neutralité carbone et réduire les conséquences dramatiques du changement climatique. Le secteur de l’industrie du bâtiment est d’ailleurs un des premiers concernés puisqu’il représente 38% des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale 3 ! Dans le second volet de son 6ème rapport, le GIEC développe les stratégies à mettre en place pour permettre le rafraichissement passif dans les bâtiments. Parmi elles, on peut retrouver la ventilation naturelle, l’ombrage avec les protections solaires, ou encore la végétalisation avec des toitures ou des façades végétalisées. Il faut de toute évidence privilégier l’association de plusieurs de ces stratégies pour permettre une meilleure efficacité. Pour ce faire, leur mise en place est indissociable d’une composante fondamentale de toute construction : les façades ; on parle alors de « façades actives ». Il n’y a pas de définition précise des « façades actives », ou tout du moins, je n'en ai pas trouvé. C'est pourquoi j’ai tenté d’en donner une définition afin de catégoriser ce terme pour l'intégrer dans mon raisonnement. En bref, une façade active est donc une façade qui tire parti de son environnement particulier, comme le climat ou son orientation, pour avoir un impact délibéré et conscientisé sur le confort thermique, acoustique et/ou visuel de ses usagers. Ces façades peuvent être classées par typologies d'éléments actifs : la protection solaire (brises soleils - casquettes - résilles métalliques), le vitrage (zones tampons - murs capteurs - murs trombes, ou vérandas), les dispositifs technologiques singuliers, ou encore la végétation. Elles se matérialisent souvent par une enveloppe dite « simple couche », mais on observe aujourd’hui l’émergence d’une tendance dans l’architecture contemporaine qui consiste à multiplier les « couches » de façade, on parle alors de façades actives multi-couches, et, dans la majorité des cas, de double peaux. Parmi ces façades actives, une typologie se démarque de plus en plus. Il s’agit des façades actives végétalisées, aussi appelées « vertical gardens ». En effet, on peut trouver de plus en plus de projet prétendument vertueux, qui mettent en avant une végétation importante dans les espaces extérieurs, mais également sur les façades ! Il suffit de regarder les images qui illustrent la « ville de demain », comme la perspective ci-après du projet d’anticipation « Paris Smart City 2050 » de l’architecte Vincent Callebaut.

1 Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), Octobre 2013, Principes régissant les travaux du GIEC,

p.p.2, https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/09/ipcc_principles_fr.pdf

2 Domergue, Lisa, (2022), GIEC : 4 chiffres pour comprendre les effets du changement climatique, Carenews,

https://www.carenews.com/carenews-info/news/giec-4-chiffres-pour-comprendre-les-effets-du-changement-climatique

3 Inconnu, Réchauffement climatique : selon le GIEC quel rôle le bâtiment et ses industries peuvent-ils jouer ?, Cercle Promodul /

INEF4, https://cercle-promodul.inef4.org/publication/analyse-rapport-giec-role-batiment-industries/ 8


Figure I-1 : Paris Smart City 2050, par Vincent Callebaut (Source : http://parisfutur.com/projets/paris-2050/)

Que ce soit par des façades simples avec des couvertures de plantes grimpantes et des murs vivants, ou par des façades multi-couches comme des double peaux végétalisées, cela semble être une solution d’avenir qui se développe de jours en jours. La végétalisation des façades fait d’ailleurs partie des préconisations du GIEC pour s’adapter aux changements climatiques, ce qui laisse penser qu’il s’agit de solutions souhaitables dans un contexte de transition environnementale. Malheureusement, cette image vertueuse est parfois utilisée à outrance à des fins promotionnelles, ou pour « camoufler » l’inaction de certaines entreprises face à la crise environnementale, c’est ce qu’on appelle le greenwashing. Cela amène, dans certains cas, à la réalisation d’espaces difficilement habitables ou utilisables, et à des solutions qui ne sont pas viables à long-terme. On peut donc légitimement se demander dans quelle mesure les façades actives végétalisées sont pertinentes au regard de la crise écologique actuelle. Ainsi, pour répondre à cette interrogation, nous examinerons dans ce mémoire les hypothèses suivantes : •

La présence de végétation en façade impacte le confort des usagers de manière positive.

Les façades actives végétalisées sont des solutions vertueuses et respectueuses de l’environnement.

Une meilleure connaissance des spécificités des façades actives végétalisées pourra leur permettre de trouver leur place dans le paysage urbain contemporain.

Parmi les solutions de façades actives multi-couches, les double peaux végétalisées contribuent davantage au confort des usager.

Le climat méditerranéen continental ne réunit pas les conditions optimales pour profiter pleinement du potentiel des double peaux végétalisées.

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Pour ce faire, nous nous appuierons sur différentes méthodes. Tout d’abord, une analyse de documentation qui permettra d’associer des données quantifiées à la réflexion, et d’illustrer les propos par des projets représentatifs. Nous utiliserons aussi la méthode du sondage, avec un questionnaire sur les façades actives multi-couches, comme les double peaux (végétalisées ou non), à destination des professionnels (architectes, urbanistes, paysagistes, botanistes, ingénieurs, bureaux d'étude façade, etc.). Ce dernier sera également le point de départ de nombreux entretiens réalisés par la suite avec des professionnels sachants sur la question. Ainsi, nous étudierons, dans une première partie, le concept de façade active et son évolution dans l’histoire, puis nous classerons ces façades par typologies d’éléments actifs. Dès lors, nous aborderons le cas particulier structurel des façades actives multi-couches, qui se présentent généralement sous la forme de double peaux. Dans une seconde partie, nous étudierons davantage ces façades plus complexes, pour tenter de comprendre ce qui mène à leur mise en place, leur pertinence, et leurs limites, en se basant sur des études et des retours d’expérience tirés des sondages et entretiens réalisés. Nous mentionnerons également les domaines de recherche privilégiés pour arriver à des double peaux plus pertinentes, comme le développement de la végétalisation en façade. Dans la troisième partie, nous nous pencherons sur les façades végétalisées sous toutes leurs formes. Nous aborderons les avantages et impacts sur le confort de cette végétalisation des façades, ainsi que les autres bénéfices qu’elles peuvent apporter grâce au phénomène de biophilie notamment. Dans la quatrième et dernière partie, en mobilisant les retours du sondage et des entretiens, nous parlerons des limites et des perspectives de ces solutions, nous nous interrogerons sur leur rapport au greenwashing et nous étudierons les freins qui semblent ralentir leur développement. Enfin, nous réexaminerons les hypothèses formulées précédemment pour convenir de leur validité, ou non.

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I. LES FAÇADES ACTIVES I.1

Définition et impact sur le confort

Dans ce mémoire, je vais développer le concept de « façade active ». Comme je l’ai évoqué dans l’introduction, il n’y a pas de définition précise de ce type de façade, ou tout du moins, je n'en ai pas trouvé. C'est pourquoi je vais en donner une définition dans le paragraphe ci-dessous, mais il est important de souligner qu’il s’agit d’une définition personnelle qui vise à catégoriser ce terme pour l'intégrer dans mon raisonnement. Une façade active est une façade qui tire parti de son environnement particulier (climat, orientation) pour avoir un impact (qui se veut positif) délibéré et conscientisé - souvent étudié au préalable - sur le confort thermique, acoustique et/ou visuel de ses usagers. On parle ici des façades qui entourent le bâtiment et qui se développent depuis le sol, et, même si on les désigne souvent comme les « cinquièmes façades » des bâtiments, on ne parlera pas des toitures. Cette amélioration du confort est rendue possible grâce à diverses stratégies : limiter les déperditions thermiques, créer un écran acoustique, protéger des contraintes météorologiques, favoriser la ventilation et le renouvellement de l'air, mettre en place des zones tampons, protéger des apports solaires directs, diffuser la lumière, réguler thermiquement les espaces intérieurs en privilégiant les apports thermiques lorsqu’il fait froid et en évitant les surchauffes et les éblouissements lors de grandes chaleurs, etc. Le but étant de combiner ces stratégies entre elles pour arriver à un confort optimal. De plus, elles font appel à l’intelligence et l’ingéniosité de conception et ne doivent pas être confondues avec des solutions de dernier recours, comme la climatisation, qui est responsable de près de 5% des émissions d’équivalent CO2 du secteur bâtiment 4.

« Ce type de dispositif permet à l’architecture de s’adapter aux besoins de son utilisateur. » 5 Certes, toutes les façades quelles qu'elles soient ont un rôle à jouer dans le confort d'un bâtiment grâce à leurs caractéristiques d'isolation (thermique, acoustique) ou leur opacité intrinsèque. Cependant, le terme « active » désigne selon moi un caractère évolutif et adaptatif qui rentre en interaction avec un contexte environnemental en perpétuel changement (course du soleil, météo, saisons) et c'est justement ce qui, selon moi, distingue les façades actives de toutes les façades. Par extension, cette dimension « active » peut aussi sous-entendre que cette adaptation va entraîner des changements dans la façade, avec des systèmes comme des volets roulants, des BSO, ou tout simplement des végétaux, qui vont être en perpétuels changement du fait de leur qualité d’êtres vivants. Cela pose donc la question de l’implication et du rôle à jouer des usagers dans « l’activité » et le bon fonctionnement de ces façades. Dans certains projets, les usagers sont sensibilisés et participent à l’activation, ou non, de certains systèmes, ou à l’entretien de certains autres. Dans d’autres, ces systèmes sont automatisés, ou font l’objet d’interventions extérieures. On ne parlera pas des façades actives dans le sens visuel du terme, qui désignent plutôt des façades cinétiques (même si ces deux concepts sont souvent compatibles). Ce type de façade peut également avoir un impact étendu sur le confort au sens plus global du terme, avec dans certains cas une meilleure gestion de l'intimité en filtrant les vues par exemple, ou encore un impact sur la sensation de sécurité avec des éléments qui vont également jouer un rôle antiintrusif. Les façades actives ne se limitent pas à une seule matérialité, même si certains matériaux peuvent avoir un rôle important à jouer dans leur fonctionnement (vitrage, mur à forte inertie, etc.). On peut tout de même les classer par typologies d'éléments actifs comme nous le verrons par la suite. Dans le contexte de crise environnementale qui est le nôtre, où les nouvelles constructions doivent être de plus en plus performantes énergétiquement parlant, ces façades intelligentes trouvent toute leur place pour arriver à de tels objectifs.

4 ADEME presse, 30 juin 2021, La climatisation : vers une utilisation raisonnée pour limiter l’impact sur l’environnement,

https://presse.ademe.fr/2021/06/la-climatisation-vers-une-utilisation-raisonnee-pour-limiter-limpact-sur-lenvironnement.html

5 Inconnu, Façade active, Wikipedia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Fa%C3%A7ade_active

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I.2

Historique I.2.1

Premières façades actives

Avec cette définition assez vaste, il est difficile de retracer l'histoire des façades actives, mais en y réfléchissant davantage, les formes les plus « primitives » pensées pour un apport sur le confort par des éléments de façade sont peut-être les volets. Dans la Rome antique et jusqu'au Moyen Âge, cet élément permettait - et permet toujours aujourd'hui - d'occulter une fenêtre et donc de moduler l'apport en lumière de l'extérieur vers l'intérieur. De plus, en été, il permet de se protéger des apports directs du soleil pour un meilleur confort.

« Au Moyen Âge un volet était un morceau de tissu fin et léger qui voletait au vent sur lequel on triait des graines. Peu à peu ce fragment de tissu a gagné les fenêtres, laissant aussi place à des matériaux beaucoup plus résistants tels que le bois ou le métal » 6 La disposition intelligente d'espaces tampons en façade est également une forme de façade active. C'est une stratégie bioclimatique utilisée depuis des siècles pour améliorer le confort des occupants d'un bâtiment ou d'une maison. Au départ mis en place de manière plutôt instinctive, leur efficacité est aujourd’hui prouvée. Ces pièces jouent le rôle d'intermédiaires isolants entre l’intérieur et l’extérieur et viennent « absorber les variations du climat pour réguler la température intérieure des espaces. » 7. Ils vont permettre au bâtiment de réaliser des économies d'énergie « soit parce qu’ils protègent du froid et du vent, soit parce qu’ils stockent de la chaleur comme les serres solaires passives » 8 (ou véranda). Cela peut être une salle de bains, une buanderie, des escaliers, un cellier, des couloirs, un garage, etc. Des solutions plus techniques et plus poussées ont ensuite vu le jour... On peut citer l'apparition des mursrideaux dont l'ancêtre, le Hardwick Hall, construit en 1597, avait « davantage de fenêtres (65%) que de murs » 9 et qui sont à l'origine des façades double comme celle de l'usine Steiff, réalisée en 1903.

I.2.2

Usine Steiff (1903)

La première façade active technique réellement innovante a été la façade double peau de l'usine Steiff 10, construite en 1903, à Giengen, en Allemagne. L’entreprise Steiff, fondée par Margarete Steiff, était, à l’époque, une entreprise florissante de fabrication de peluches en feutre. Son neveu, Richard Steiff, a grandement participé à son développement. En effet, entre 1902 et 1903 11, il propose d’inclure une nouvelles peluche dans la production de l’usine : des « ours en peluche avec un bouton à l’oreille (« Knopf im Ohr ») » 12 , surnommées « Teddy Bear » à l’international, et qui deviendront les Figure I-1 : L'usine Steiff peluches les plus célèbres d’Europe. En parallèle, pour (Source : https://corporate.steiff.com/) répondre à la demande internationale croissante de jouets en feutre, il décide de faire construire un nouveau bâtiment d’usine de fer et de verre, long de 30m, large de 12m et haut de 9,4m 13. La fabrication des jouets en peluches nécessitait d’être bien éclairé et ce nouvel atelier de fabrication devait donc être baigné de lumière naturelle pour augmenter en productivité. Ainsi, la société Eisenwerk München AG, chargée de sa conception et de sa construction, propose une structure en acier pour une question de rapidité et de résistance au feu 14. La structure, constituée de piliers 6 Audrey26, Et la lumière fut !, Le Web pédagogique, https://lewebpedagogique.com/fatalex/2017/10/19/histoire-du-volet/ 7 Inconnu, Façade double peau, Ekopedia, https://www.ekopedia.fr/wiki/Fa%C3%A7ade_double_peau 8 Ibid.

9 Inconnu, Façade active, Wikipedia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Fa%C3%A7ade_active

10 Fernández Solla, Ignacio, The Steiff factory and the birth of curtain walling (Novembre 2011), Façades Confidential, http://fa-

cadesconfidential.blogspot.com/2011/11/steiff-factory-and-birth-of-curtain.html 11 Ibid. 12 Ibid. 13 Ibid. 14 Ibid. 12


en treillis de fer, est « divisée en trois nefs formées chacune par cinq travées, percées par des rangées de six colonnes porteuses chacune » 15, et renforcée par deux longues entretoises diagonales de chaque côté des longues façades et des plafonds à butées croisées à chaque étage, afin d’assurer une stabilité tridimensionnelle avec une charge à vide minimale 16. Mais la réelle innovation se trouve dans l’enveloppe, pensée dès le début comme une double peau dans un souci d’isolation thermique, grâce à une cavité d’air d’environ 25 cm17. Ainsi, la couche intérieure est constituée de vitrages allant du sol au plafond à chaque étage, tandis que la couche extérieure couvre toute la hauteur du bâtiment : un véritable mur-rideau !

Figure I-3 : Les poteaux sont situés dans la lame d'air (Source : http://facadesconfidential.blogspot.com/)

Figure I-2 : Détail, élévation et coupe de la façade (Source : http://facadesconfidential.blogspot.com/)

Ces vitrages étaient constitués de verre mat, pour des raisons économiques, qui permettaient une meilleure diffusion de la lumière naturelle. En ce qui concerne le confort thermique, l’hiver, le bâtiment profitait donc d’un apport de chaleur naturel, grâce aux vitrages, doublé d’un chauffage à vapeur à basse pression pour maintenir une température interne stable. Cependant, l’été le bilan était plus mitigé. L’utilisation du verre mat, qui a un facteur solaire légèrement inférieur, de rideaux (intérieurs) et d’une ventilation naturelle croisée grâce aux petits ouvrants de type boîte 18 (qui n’échangeaient pas d’air avec la cavité), permettaient bien de réduire le réchauffement du volume par les rayonnement solaires. Cependant, ces dispositifs permettaient seulement de maintenir une température « au moins pas plus élevées que les températures extérieures » 19 et rendait le bâtiment parfois assez inconfortable. Cette façade, « active » par son impact sur le confort thermique et visuel, a été imaginée dans une approche purement fonctionnelle, et non dans une réelle recherche d’innovation. Le projet, avec sa double peau et son mur rideau, était pourtant complètement novateur à l’époque. Cependant, sa localisation assez isolée, le fait que le projet n’ait pas été signé par un architecte et la notoriété de l’entreprise, qui était encore à faire à l’époque, ne lui ont pas permis d’avoir un réel impact car le bâtiment était trop peu connu, et les grands architectes qui ont développé et démocratisé ces concepts ne sont arrivés que bien plus tard.

I.2.3

"Mur neutralisant" et la "Respiration exacte" de Le Corbusier (1926 – 1933)

Entre 1926 et 1933, Le Corbusier développa les concepts de « mur neutralisant », puis de « respiration exacte » 20 . Ces deux concepts, assez complémentaires, avaient pour but de maintenir une température intérieur confortable toute l'année. Le « mur neutralisant » consistait en une fine tranche d'air ayant une vocation thermique dans un espace

15 Fernández Solla, Ignacio, The Steiff factory and the birth of curtain walling (Novembre 2011), Façades Confidential,

http://facadesconfidential.blogspot.com/2011/11/steiff-factory-and-birth-of-curtain.html

16 Ibid. 17 Ibid. 18 Ibid. 19 Ibid.

20 Fernández Solla, Ignacio, Le Corbusier : a French lesson on 'Murs neutralisants' (Avril 2012), Façades Confidential,

http://facadesconfidential.blogspot.com/2012/04/le-corbusier-mur-neutralisant-and.html 13


hermétique et étanche entre deux vitrages, ou deux murs 21 . La « respiration exacte » était, quant à elle, un système de ventilation mécanique capable de contrôler la température et l'humidité de l'air 22, une idée qu'il avait sûrement tiré du travail de Gustave Lyon 23, qui travaillait sur un système de climatisation. Il a ensuite combiné ces deux idées dans un concept plus ambitieux en insérant « des tuyaux autour d'une cavité doublement vitrée », qui enverraient de l'air, « chaud en hiver et froid en été, pour neutraliser les conditions extérieures » 24. Il voulut mettre en place ces concepts dans la Cité Refuge, à Paris, puis dans le Centrosoyuz à Moscou25, mais ce fut un échec à chaque fois à cause des surchauffes en été. Cela le conduisit à se diriger vers des solutions de protections fixes pour ses futures réalisations, comme les brise-soleils et les casquettes qui sont assez caractéristiques de son écriture architecturale. Figure I-4 : « La maison à respiration exacte », Le Corbusier, 1929, Précisions sur un état présent de l’architecture et de l’urbanisme

I.2.4

Le développement des double peaux ventilées

Les travaux de Le Corbusier ont donné lieu à de nombreuses études, des expérimentations et des bâtiments innovants comprenant des réussites et des échecs. Cela a contribué au développement du mur-rideau et de ces façades qui a abouti aux double peaux ventilées que nous connaissons aujourd'hui et dont nous parlerons par la suite. Ci-dessous, vous trouverez une liste non exhaustive des projets structurants dans ce développement, inspirée de l’ouvrage Bioclimatic Double-skin Façades de Mary Ben Bonham26 .

21 Fernández Solla, Ignacio, Le Corbusier : a French lesson on 'Murs neutralisants' (Avril 2012), Façades Confidential,

http://facadesconfidential.blogspot.com/2012/04/le-corbusier-mur-neutralisant-and.html

22 Ibid. 23 Ibid. 24 Ibid. 25 Ibid.

26 Bonham, Mary Benedict, Bioclimatic double-skin facades, New York, Routledge, 2020, 387 p.

14


I.2.5

Formes contemporaines

Une des façades active contemporaine les plus emblématique est celle de l'Institut du monde arabe (IMA), réalisé par Jean Nouvel et Architecture-Studio en 1987. Elle est constituée de 240 moucharabiehs mécaniques avec des diaphragmes capables de s'ouvrir et de se fermer, qui « filtrent la lumière du jour à l’intérieur du bâtiment » 27 .Cette particularité rend l'édifice « reconnaissable entre tous les bâtiments parisiens » 28. Ces diaphragmes ont Figure I-6: L'Institut du Monde Arabe malheureusement cessé de (Source : https://www.lightzoomlumiere.fr/) fonctionner en 2000, mais récemment, en 2017, Daniel Vaniche architecte chez DVVD, en a assuré la restauration, et les 240 moucharabiehs sont à nouveau fonctionnels 29. Cela a aussi été l’occasion de mettre en place un « pilotage intelligent » 30 de chaque élément, qui s’adapte maintenant « à l’éclairement, mais aussi à l’usage de l’espace concerné » 31 , réduisant ainsi les consommations énergétiques du bâtiment, tout en améliorant le Figure I-5 : Trame de moucharabiehs, intérieur confort des utilisateurs et des visiteurs. (Source : https://www.lightzoomlumiere.fr/)

I.3

Typologies d'éléments actifs

Le caractère « actif » de ces façades réside dans les éléments qui rentrent en interaction avec l’environnement et qui sont adaptés et conçu pour des situations particulières, dans l’optique d’améliorer le confort des usagers. Ces éléments actifs peuvent bien entendu être multiples et appartenir à différentes typologies.

I.3.1

La protection solaire I.3.1.1 Brise soleil

Présent sous forme de pare-soleil à lames, ou encore de volets ou de persiennes mobiles, le brise soleil a pour but premier de diminuer l’apport solaire direct, de manière à éviter les surchauffes estivales. Son dimensionnement et son inclinaison varie selon l’orientation des façades et son contexte. Les lames, horizontales ou verticales, peuvent être posées sur une ou plusieurs hauteurs d’étages 32, et dans certaines situations, remplir le rôle de garde-corps. Ces dispositifs mobiles peuvent être ouverts et fermés manuellement, ou de manière motorisée, avec un système informatisé. Certains systèmes sophistiqués, qui analysent l’évolution quotidienne de la météo locale, permettent de les synchroniser avec la course du soleil 33. En plus de leur capacité de protection solaire, ils jouent un rôle dans l’occultation, la régulation thermique, la sécurité et même l’esthétique des édifices. Ils sont souvent mis en place sur les bâtiments tertiaires, mais peuvent néanmoins convenir à tout type de programme et sont à l’origine d’une multitude d’expressions architecturales. Ils contribuent ainsi « à enrichir la modénature des façade, voire même à les requalifier, dans le cas de la rénovation ou de la réhabilitation. » 34

I.3.1.2

Casquette

Il s'agit d'une petite couverture fixe, souvent en porte-à-faux, qui protège une baie vitrée du soleil, mais 27 Laganier, Vincent, Moucharabiehs de l’Institut du Monde Arabe à Paris (Février 2018), Light ZOOM Lumière,

https://www.lightzoomlumiere.fr/realisation/moucharabiehs-institut-du-monde-arabe-paris/

28 Ibid. 29 Ibid. 30 Ibid. 31 Ibid.

32 Maillard, Carol, Façades & Couvertures, Paris, Éditions Eyrolles, 2015, 264 p. (p.26-27) 33 Ibid. 34 Ibid.

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également des intempéries. L'été, la position haute du soleil lui permet de faire de l’ombre au vitrage pour éviter les surchauffes, sans pour autant les occulter. L’hiver, le soleil est plus bas et ses rayons peuvent passer sous la casquette et atteindre les vitrage, ce qui va réchauffer les pièces exposées. Elle peut être pleine (une casquette en béton par exemple), ou constituée d'une armature avec des brise-soleils. En pratique, les balcons jouent souvent le rôle de casquette pour les étages qui leurs sont inférieurs.

I.3.1.3

Résille métallique

Il s’agit d’une « enveloppe métallique qui vient entourer, totalement ou partiellement, le bâtiment » 35. Cette résille d’habillage peut avoir une texture, un aspect et une dimension très variable.

« Ces grilles et mailles, plus ou moins opaques, sont réalisées en matériaux et textures diversifiées : acier galvanisé, inoxydable ou laqué, tôle perforée ou découpée selon des motifs choisis, caillebotis, lés de mailles assemblées… » 36 Selon la résille utilisée, le mode de fixation peut différer, allant d’une fixation directe sur un mur ou une structure primaire, à une fixation par l’intermédiaire d’une ossature secondaire 37, elle-même disposée sur une paroi de l’édifice. Ce dispositif permet d’assurer une protection des apports solaires directs pour éviter les surchauffes estivales. Il peut aussi servir de filtre visuel, avoir une fonction de système anti-intrusion et constituer ainsi « une garantie sécuritaire et un gage de pérennité » 38. La multiplicité des textures et des aspects disponibles et la possibilité de créer des motifs sur-mesure, apporte une dimension esthétique unique au bâtiment ! De plus, les résilles étant des éléments industrialisés, leur mise en œuvre est, la plupart du temps, « aisée et rapide » 39. Ainsi, cette technique « d’emballage » peut être utilisée dans des bâtiment neufs, mais elle est également très utile pour les opérations de restructuration ou de réhabilitation d’édifices existants en tous genres 40 (équipement, habitat, etc.).

I.3.2

Le vitrage I.3.2.1 Zone tampon (ventilation par tirage thermique)

Dans ce cas de figure, le vitrage se présente souvent comme une couche qui vient se rajouter à la façade principale, le but étant d'utiliser la lame d'air ainsi créée comme un régulateur thermique contrôlable grâce à une ventilation qui peut être naturelle, mécanique, ou, souvent, hybride. C'est le principe utilisé par les façades double peaux ventilées dont nous parlerons par la suite. Le but de ce type de façade est de générer un phénomène de tirage thermique 41, c'est à dire un déplacement d'air dû à la différence de température entre la lame d'air et l'extérieur ou l'intérieur. L'air chaud généré par effet de serre au sein de la cavité va naturellement monter, par effet de cheminée, ce qui induit son remplacement par de l'air plus frais venant de l'extérieur ou des espaces intérieurs, et pénétrant par le bas. C'est l'efficacité qui va induire le type de ventilation utilisée. Ainsi, si le tirage thermique est efficace, la ventilation naturelle se suffira à elle-même et l'air se recyclera naturellement, mais dans certains cas où ce phénomène est moins efficace, il faut faire appel à une ventilation mécanique pour appuyer, ou prendre entièrement en charge la circulation de l'air.

I.3.2.2

Mur capteur (inertie)

Le principe du mur capteur repose sur son inertie, qui va permettre d’avoir un apport de chaleur passif par conduction. Il s'agit souvent d'un système sous forme de double peau, avec un vitrage extérieur à faible émissivité 42 espacé du mur par une lame d'air, qui forme un espace totalement étanche. La température de 35 Inconnu, Façade double peau, Ekopedia, https://www.ekopedia.fr/wiki/Fa%C3%A7ade_double_peau 36 Maillard, Carol, Façades & Couvertures, Paris, Éditions Eyrolles, 2015, 264 p. (p.22) 37 Ibid. 38 Ibid. 39 Ibid. 40 Ibid.

41 Inconnu, Façade double peau, Ekopedia, https://www.ekopedia.fr/wiki/Fa%C3%A7ade_double_peau 42 Ibid.

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cette lame d’air va augmenter par effet de serre grâce au vitrage, et la chaleur sera ensuite transmise par conduction au mur qui va l’accumuler grâce à son inertie, et la redistribuer aux espaces intérieurs avec un certain déphasage, dépendant de la composition du mur (pour une épaisseur de 40cm de béton, le déphasage sera de 11 heures) 43 . Pour optimiser ce système, il faut limiter les pertes thermiques et maximiser la transmission de chaleur. On peut alors réduire l’espacement entre vitrage et le mur capteur 44 ou encore disposer des stores intérieurs contre le vitrage, qui s’activeront la nuit. Il est aussi recommandé de peindre le mur d’une couleur sombre pour augmenter la transmission de la chaleur 45.

I.3.2.3

Mur Trombe / Véranda (circulation d'air chaud)

Le mur Trombe, aussi appelé mur Trombe-Michel adopte le même fonctionnement, à la différence près que la chaleur accumulée n'est pas (ou peu) retransmise par conduction grâce à l'inertie, mais plutôt grâce à une circulation d'air entre la lame d'air et les espaces de vie, grâce à un système de clapets 46. En été, un autre clapet en partie supérieure du vitrage permet également d’évacuer l’air chauffé présent dans l’interstice ; on ferme alors les clapets du mur capteur pour réduire l’apport en chaleur des espaces intérieurs 47.

« Le principe de la véranda, ou serre bioclimatique, est identique [...], si ce n’est que la lame d’air se transforme en espace à vivre. » 48 En effet, les vérandas, généralement orientées vers le Sud, sont des espaces assez grands pour accueillir des usages. Le plus souvent, il y a une isolation entre cet espace et le reste des pièces à vivre, on parle alors de véranda « froide » 49, qui joue un rôle d’espace tampon. Lorsque cette isolation se situe sur la paroi extérieure de la véranda et non plus entre les espace de vie et cette pièce, on parle de véranda « chaude » 50. Le fonctionnement d’une véranda est simple : •

En période froide, la chaleur s'accumule dans la véranda grâce au vitrage et pénètre les pièces adjacentes par les ouvertures. Le mur qui la sépare des pièces adjacente peut également accumuler de la chaleur et la restituer selon son inertie.

En période chaude, on ouvre la véranda pour évacuer l'air chaud et on ferme les ouvertures donnant sur les pièces adjacentes pour éviter qu'il ne rentre à l'intérieur du bâtiment. Cependant, la température de cet espace « n'est pas toujours compatible avec le confort intérieur de l'espace habité » 51, et il est parfois nécessaire de couper toutes les communications entre la véranda et les espaces de vie pour les gérer indépendamment. •

I.3.3

La végétation

Les façades végétalisées ont un véritable rôle à jouer dans le confort des usagers. « Grâce au principe de l’évapotranspiration, un environnement végétal augmente le taux d’humidité dans l’air, ce qui créé une atmosphère plus fraîche. » 52 Ce rafraîchissement peut ensuite profiter aux espaces intérieurs par une ventilation adaptée. De plus, il est possible de jouer sur le caractère caduc de certaines espèces végétales pour qu'elles jouent le rôle de protection solaire l'été, et qu'elles laissent passer les apports solaires en hiver. Comme nous le verrons par la suite, les façades végétalisées apportent de nombreux autres bénéfices sur le confort dans un bâtiment, allant même jusqu'à jouer un rôle sur la santé mentale ou la productivité de ses occupants.

43 Inconnu, Façade double peau, Ekopedia, https://www.ekopedia.fr/wiki/Fa%C3%A7ade_double_peau 44 Ibid. 45 Ibid. 46 Ibid. 47 Ibid. 48 Ibid. 49 Ibid. 50 Ibid. 51 Ibid. 52 Ibid.

17


I.3.4

Les dispositifs plus complexes comprenant parfois des innovations technologiques

Les typologies précédentes peuvent également faire l'objet d'innovations avec l'apparition de systèmes technologiques singuliers. À ce propos, nous avons déjà cité les diaphragmes de l'Institut du Monde Arabe de Jean Nouvel, une protection solaire innovante. Pour le vitrage, on peut également parler du verre électrochrome, qui « change de coefficient de transmission des rayons solaires » 53 grâce à un faible courant électrique qui le traverse. Même la végétation peut prendre une place importante dans des systèmes complexes... C'est le cas dans l'immeuble BIQ House, à Hambourg, en Allemagne, dont les façades exposées au soleil comportent 129 panneaux remplis d'un mélange d’eau et d’algues 54 qui sont de véritables « bioréacteurs » 55 ! Avant ce projet, qui faisait partie de l'International Building Exhibition (IBA), cette innovation n’avait jamais été mise en place sur un bâtiment entier, c’était une première. Ainsi, lorsque les rayons du soleil atteignent ces panneaux, le processus de la photosynthèse entraîne la multiplication des micro-organismes dans l’eau, ce qui élimine au passage « le CO2 des gaz de combustion dans des quantités équivalentes à l'accumulation de la biomasse » et fait monter l'eau à environ 40 °C 56. Cette chaleur est ensuite stockée pour être réutilisée dans le bâtiment. Ces éléments permettent donc de « produire de la chaleur et de l’énergie en plus d’apporter un système d’isolation thermique et acoustique à l’immeuble » 57 . Aujourd’hui, cette technique permet à l’édifice de réduire ses besoins énergétiques de 50%, et le concepteur de cette innovation affirme que la combiner avec des panneaux solaires permettrait d’atteindre les 100%, en alimentant les pompes et les échangeurs de chaleur 58 . La « façade d'algues » semble donc constituer une opportunité compétitive de production d’énergie par rapport à d’autres technologies comme les systèmes photovoltaïques ou encore les systèmes solaires thermiques.

I.4

Les façades double peaux I.4.1

Un cas particulier structurel : les façades actives multi-couches

Les façades actives se matérialisent souvent par une enveloppe dite « simple couche ». Cependant, pour diverses raisons, ces simples peaux ne sont parfois pas en mesure d’atteindre des performances suffisantes, ou d’obtenir un confort optimal dans les projets. Ainsi, on observe aujourd’hui l’émergence d’une tendance dans l’architecture contemporaine qui consiste à multiplier les « couches » de façade, pour – en théorie – arriver à de meilleures performances environnementales et optimiser le confort des usagers ; on parle alors de façades actives multi-couches. Le terme « multi-couches » désigne en fait un cas particulier structurel de ces façades actives où les différents types d'éléments actifs évoqués précédemment se décollent de la façade principale pour former, dans la plupart des cas, une seconde peau ou « double peau ». Ces façades sont mises en place aussi bien en réhabilitation, où elles viennent se superposer à la façade existante, que dans la construction neuve, où elles sont présentes dès la conception. On peut remarquer que cette solution induit, de fait, une mise en place de matière supplémentaire qui est souvent justifiée par des promesses d’amélioration du confort et des performances énergétiques. I.4.1.1

Une seconde peau qui marque une épaisseur

Les différents types d'éléments actifs cités ci-dessus, qui constituent les façades actives, peuvent donc se décoller de la façade principale pour former, la plupart du temps, une seconde peau. Cette deuxième peau, en contact avec l’extérieur, repose sur une armature secondaire accrochée à la façade principale, ou complètement indépendante de cette dernière, qui vient donc marquer et rendre tangible une partie de l’épaisseur de la façade. Ce type de façade se traduit ainsi par une enveloppe qui vient entourer totalement,

53 Inconnu, Façade active, Wikipedia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Fa%C3%A7ade_active

54 Inconnu, BIQ house, un immeuble vivant, VivreDemain, https://vivredemain.fr/2014/10/15/biq-house-immeuble-vivant/

55 Al Dakheel, Joud, Tabet Aoul, Kheira, (2017), Building Applications, Opportunities and Challenges of Active Shading Systems: A

State-of-the-Art Review, Architectural Engineering Department, Émirats Arabes Unis, pp. 38, https://doi.org/10.3390/en10101672

56 Ibid.

57 Inconnu, BIQ house, un immeuble vivant, VivreDemain, https://vivredemain.fr/2014/10/15/biq-house-immeuble-vivant/

58 Al Dakheel, Joud, Tabet Aoul, Kheira, (2017), Building Applications, Opportunities and Challenges of Active Shading Systems: A

State-of-the-Art Review, Architectural Engineering Department, Émirats Arabes Unis, pp. 38, https://doi.org/10.3390/en10101672 18


ou partiellement, le bâtiment support 59.

« Ces peaux sophistiquées, aux multiples textures et modénatures, qui accompagnent le bâti, font partie intégrante de l’architecture des édifices : ceux-ci étant en grande majorité des équipements, des locaux d’activités ou bien des immeubles de bureaux. » 60 Nous verrons dans ce mémoire que cette seconde peau peut apporter différentes qualités à la façade. La plupart ont néanmoins un rôle de protection contre les contraintes météorologiques (vent, intempéries, etc.) pour la façade ou les systèmes de protection solaires qui vont être situés à l’intérieur, ce qui permet aussi de réduire - voire supprimer - l’effet de paroi froide en hiver 61. Elles ont également souvent une fonction d’espace tampon, pour venir « absorber » les variations du climat et réguler la température intérieure des espaces 62. Certaines double peaux jouent aussi le rôle d’écran acoustique pour se protéger de sources de nuisances sonores importantes. D’autres double peaux apportent une plus-value esthétique et une identité unique à l’édifice. On peut noter aussi leur potentielle fonction anti-intrusive ou leur rôle de filtre visuel défini par leur opacité 63. D’autres encore, ont une utilité thermique importante, qui va participer, en théorie, à l’amélioration du confort des usagers. C’est le cas du modèle de double peau le plus courant : la double peau ventilée dont le but est aussi d'apporter une ventilation au bâtiment grâce au phénomène de tirage thermique comme nous le verrons par la suite.

I.4.1.2

Le vide, constituant principal de cette nouvelle épaisseur

À l’intérieur de ces double peaux, on retrouve un espace vide plus ou moins grand qui sépare les deux entités. Cet espace peut avoir une vocation technique, pour mettre le système de protection solaire à l’abri des aléas naturels, pour disposer des « passerelles de dessertes et/ou de maintenance pouvant servir également de garde-corps, de par soleil et d’éléments sécuritaires. » 64, ou encore pour jouer un rôle thermique d’espace tampon. Mais lorsque ce vide gagne en épaisseur, il peut également constituer de nouveaux espaces de vie à part entière, comme des espaces semi-extérieurs ou semi-clos (balcon, véranda), des espaces de culture (serres) 65, ou même de véritables atriums lorsque cette épaisseur est vraiment conséquente ! La qualification de cet entre-deux va aussi déterminer, dans certains cas, le rapport – ou non – des usagers avec la façade double peau (pour la question de l'entretien par exemple).

I.4.1.3

Une solution de conception employée en construction neuve et en réhabilitation

« Il reste en France 5,2 millions de « passoires thermiques » parmi les résidences principales, 7,2 millions en prenant en compte les résidences secondaires et les logements vacants. » 66 Ce constat alarmant montre qu’il est urgent de trouver des solutions pour réhabiliter l’existant, d’autant plus que le secteur résidentiel et tertiaire est responsable de près de 18% des émissions nationales de gaz à effet de serre (GES) 67, ce qui en fait un enjeu environnemental majeur. Ce pourcentage a du mal à baisser et reste très supérieur aux objectifs que la France s’est fixée ! Cette production de GES est principalement due à des bâtiments mal chauffés, avec des chaudières au fioul ou au gaz, et surtout des problème, voire une absence d’isolation ! Dans ce contexte, le travail sur l'enveloppe semble donc constituer une réponse adaptée. Comme nous l’avons évoqué précédemment, les façades double peaux sont mises en place aussi bien en construction neuve, où elles sont présentes dès la conception, qu’en rénovation, où elles viennent se 59 Inconnu, Façade double peau, Ekopedia, https://www.ekopedia.fr/wiki/Fa%C3%A7ade_double_peau 60 Maillard, Carol, Façades & Couvertures, Paris, Éditions Eyrolles, 2015, 264 p. (p.22)

61 Inconnu, Façade double peau, Ekopedia, https://www.ekopedia.fr/wiki/Fa%C3%A7ade_double_peau 62 Ibid.

63 Menu, Adeline, Les façades double-peau, mémoire réalisé sous la direction de M. Frédéric SOTINEL à l'ENSA Bretagne, Février

2015, pp. 49, En ligne : https://omeka.archires.archi.fr/files/original/d1b12051508e095bead683ca26bca5c5.pdf

64 Maillard, Carol, Façades & Couvertures, Paris, Éditions Eyrolles, 2015, 264 p. (p.29) 65 Cf. « Sources de la fiche technique double peau » dans la bibliographie.

66 Dekonink, Basile, Rénovation énergétique des logements : la France encore très loin du compte (Octobre 2022), Les Echos

Entrepreneurs, https://business.lesechos.fr/entrepreneurs/gestion-finance/0702230860683-renovation-energetique-deslogements-la-france-encore-tres-loin-du-compte-349196.php 67 Ibid. 19


superposer à la façade existante afin de réduire les consommations énergétiques. C’est une des solutions possibles pour rénover le parc immobilier existant et elle constitue une très bonne alternative à la restauration, notamment pour le patrimoine, qui peut être préservé intact derrière cette seconde peau. Certes, la double peau n’est pas adaptée à tous les projet, ni tous les types de façade. Il faut une place suffisante en façade et au sol lorsque l’armature de support doit y transférer ses charges. De plus, certaines typologies de double peaux coûtent assez cher (même si cela reste moins cher que la destruction de l’édifice), et leur pertinence va aussi dépendre du climat et de l’orientation des façades. Cependant, cette solution peut présenter de nombreux atouts en réhabilitation ! Les plus communs sont : •

le gain d’espace, car l’existant se voit agrandi par cette nouvelle épaisseur de la double peau, qui peut constituer des espaces de vie à part entière ;

le gain esthétique, car en « modernisant l'aspect d'un bâtiment vieillot, sa mise en œuvre valorise le bâtiment et renchérit le prix de revente du patrimoine d'un maître d'ouvrage. » 68.

le gain de pérennité, car cette nouvelle peau protéger l'enveloppe existante de la pluie, de la neige, du vent, parfois même des UV 69. Comme nous le verrons par la suite, la double peau peut également permettre un gain sur le plan thermique et acoustique, en particulier les double peau ventilées, qui sont parmi les plus utilisées en réhabilitation. Ainsi, ce type de double peau vitrée créé une zone tampon qui supprime les ponts thermiques, permet le préchauffage solaire de l'air en hiver, et joue un rôle dans la ventilation en été, réduisant ainsi les consommations. Elle constitue également un écran acoustique dont l’efficacité va dépendre de sa porosité. Cependant, la pertinence et la performance des double peaux ventilées va aussi dépendre des choix de conception réalisés, que ce soit pour le type de ventilation utilisé, le compartimentage de la cavité, l’épaisseur de la lame d’air, ou encore sa porosité. Nous détaillerons cela plus tard. •

Pour illustrer mes propos, j’aimerais citer ici un projet marquant dans l’histoire des architectes Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal, qui ont récemment reçu le Pritker Prize. C’est le projet de la Transformation de la Tour Bois le Prêtre, à Paris, par Druot, Lacaton & Vassal. Livré en 2011. Ce projet de réhabilitation fait suite à un concours lancé en 2005 par Paris-Habitat 70 pour la transformation d’une tour de grande hauteur (50m) d’une centaine de logements : La Tour Bois le Prêtre. Construite dans les années 60, on a d’abord envisagé sa démolition, avant de décider d’une réhabilitation. Cette dernière s’est faîte en site occupé et a Figure I-7 : Tour Bois le Prêtre avant et après permis « la transformation radicale des conditions de réhabilitation (Source : http://www.lacatonvassal.com/) confort et d’habitabilité des 100 logements de l’immeuble 2 71 occupé » , en passant d’une surface hors œuvre d’origine de 8 900 m , à 12 460 m2, soit une augmentation de 35,6 m2 en moyenne par logement 72 ! Cet agrandissement des appartements et en particulier des séjours, a été permis en premier lieu grâce à l’ajout d’une nouvelle épaisseur autoportante sur la façade, avec des jardins d’hiver et des balcons continus. De plus, la façade existante et ses petites fenêtres est remplacée par de larges baies vitrées pour apporter plus de lumière naturelle et des vues sur Paris depuis l’intérieur de l’appartement. En parallèle, le rez-de-chaussée a été reconfiguré et deux ascenseurs ont été ajoutés pour desservir les 16 niveaux de la tour. Cette réhabilitation s’est ainsi faîte sans augmentation des loyers et la

68 Inconnu, 1. Enveloppe Façade double-peau, la solution adaptée aux rénovations (Décembre 2009), Les Cahiers Techniques du

Bâtiment, https://www.cahiers-techniques-batiment.fr/article/1-enveloppe-facade-double-peau-la-solution-adaptee-auxrenovations.21028 69 Ibid. 70 Druot, Lacaton & Vassal, Transformation de la Tour Bois le Prêtre - Paris 17 - Druot, Lacaton & Vassal, 2011, Paris, France. Lien : http://www.lacatonvassal.com/?idp=56# 71 Ibid. 72 Ibid. 20


consommation énergétique à baissée de plus de 50% 73 ! Ce projet a eu un impact international sur la question de la réhabilitation ou de la destruction des tours et des barres. Il a d’ailleurs été récompensée par le Prix d’architecture de l’Equerre d’argent en 2011.

Figure I-8 : Plan existant, à gauche, et ajouts de la réhabilitation, à droite (Source : http://www.lacatonvassal.com/)

I.4.1.4

Figure I-9 : Vue intérieure d'un jardin d'hiver (Source : http://www.lacatonvassal.com/)

Une utilité pour la sécurité

La double peau a souvent un rôle anti-intrusif puisqu’elle permet de gérer cette question de manière globale en enveloppant tout le bâtiment. Par exemple, une double peau en résille métallique ou en lames brise-soleil couvrira les ouvertures de la façade support, et les espaces situés dans l’épaisseur de la façade, ne permettant pas aux personnes extérieures d’y avoir accès. Dans certaines situations « exceptionnelles », cette utilité pour la sécurité du bâtiment peut aller encore plus loin et prendre une certaine épaisseur, comme on peut le voir sur le bâtiment Europa, le siège du Conseil Européen à Bruxelles, conçu en 2005 et livré en 2016. Ce projet a été imaginé par un consortium de 3 agences : Samyn and Partners (Belgique), Studio Valle Progettazioni (Italie), et Buro Happold (Royaume-Uni), dont Philippe Samyn était le « Lead and Design Partner » 74. Il se compose d’une partie entièrement neuve, et de la restauration du bloc A du Résidence palace, un complexe de style Art Déco en partie classé, pour former un bâtiment qui « combine modernité et patrimoine historique » 75. Pour ce bâtiment administratif très important situé au cœur du quartier européen, on ne parle plus de double enveloppe, mais plutôt « de triple ou quadruple enveloppe » (Entretien avec Philippe SAMYN, architecte, ingénieur et urbaniste belge, le 29 Avril 2022). Cette épaisseur s’explique par le fait que ce bâtiment accueille des personnes très importantes, comme des députés, des ministres, des chefs d’état, et cette façade a donc « aussi pour vocation de protéger contre une potentielle attaque par une arme de guerre d'un russe qui serait planqué sur l'immeuble d'en face et qui aurait envie de descendre Macron par exemple ! ». Figure I-10 : Le bâtiment (Entretien avec Philippe SAMYN).

Europa (Photo personnelle)

Il est également intéressant de mentionner que ce projet fait preuve d’innovation avec une façade extérieure unique en son genre, composée de 3 750 76 vieux châssis en chêne réemployés et combinés avec un vitrage cristal, qui a un rôle d’écran acoustique et de première isolation thermique pour l’espace intérieur et tempéré de l’atrium. 77 Selon l’architecte, cette façade est « une manière de promouvoir le recyclage des matériaux mais aussi de rendre hommage à l'artisanat et à la diversité culturelle en Europe » 78. 73 Druot, Lacaton & Vassal, Transformation de la Tour Bois le Prêtre - Paris 17 - Druot, Lacaton & Vassal, 2011, Paris, France. Lien :

http://www.lacatonvassal.com/?idp=56#

74 Inconnu, EUROPA: Siège du Conseil européen et du Conseil de l'UE (Décembre 2016), Communiqué de presse du secrétariat

général du Conseil, https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2016/12/07/europa-building/ 75 Ibid. 76 Ibid. 77 Samyn, Philippe, 494 – Europa – Siège du conseil européen et du conseil de l’UE, https://samynandpartners.com/fr/portfolio/europa-siege-du-conseil-europeen-et-du-conseil-de-union-europeenne/ 78 Inconnu, EUROPA: Siège du Conseil européen et du Conseil de l'UE (Décembre 2016), Communiqué de presse du secrétariat général du Conseil, https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2016/12/07/europa-building/ 21


Figure I-13-1 : Vue depuis la rue (Photo personnelle)

I.4.1.5

Figure I-13-2 : Façade du bâtiment (Source : samynandpartners.com)

Figure I-13-3 : Détail de la façade (Source : samynandpartners.com)

Une utilité esthétique

La mise en place d’une double peau est un geste architectural fort, puisqu’il va souvent affirmer une façade par son unité et marquer son épaisseur. On peut trouver une grande diversité de double peaux qui ont chacune leur caractère, très lisse et presque « spéculaire » pour une double peau ventilée ; organique pour une double peau végétalisée ; ou encore une impression de finesse pour les double peaux de résille métalliques, qui vont parfois jouer sur des illusions d’optique et des variations de motifs géométriques pour animer la façade. Ce caractère marqué va d’ailleurs souvent avoir un effet « signal » et démarquer les édifices qui abordent ces double peaux de leur contexte environnant. De plus, contrairement à des façades plus classiques qui multiplient les matérialité (ce qui n’empêche pas d’arriver à des compositions riches et travaillées en finesse), les façades double peau vont avoir tendance à mettre à l’honneur un seul et même matériau, ou constituant, qui va contribuer à apporter une esthétique unique au projet et exprimer une unité, une identité, qui s’éloigne parfois des standard avec des projets « sur-mesure ». La façade double peau peut même devenir un « média hyper-contextuel » 79 , véritable support d’informations ! C’est le cas de la médiathèque François Mitterrand, conçue par l’agence BFT, qui avait pour but de dynamiser le quartier de l’Europe, au nord de Tours. Sur ses façades en double peaux, cet équipement culturel expose des écritures sérigraphiées d’extraits de poèmes choisis par des lecteurs de l’ancienne bibliothèque. Ces sérigraphies, qui agissent comme des filtres visuels entre l’intérieur et l’extérieur, donnent

Figure I-14 : La médiathèque François Mitterrand (Source : https://beatricefichet.com/)

Figure I-15 : Détail de la façade (Source : https://beatricefichet.com/)

79 Menu, Adeline, Les façades double-peau, mémoire réalisé sous la direction de M. Frédéric SOTINEL à l'ENSA Bretagne, Février

2015, pp. 49, En ligne : https://omeka.archires.archi.fr/files/original/d1b12051508e095bead683ca26bca5c5.pdf 22


l’impression que ces façades fourmillent de détails et permet d’attirer l’œil et d’attiser la curiosité des potentiels usagers, qui découvrent de manière détournée la fonction même du bâtiment. C’est, de ce fait, un exemple marquant du potentiel de médiation des façades double peau. Il est important de souligner que cette capacité à devenir un support d’information peut également être exploitée à des fins marketing ou publicitaires :

« Outre les vitrages sérigraphiés, plus ou moins teintés ou réfléchissants, nous réalisons de plus en plus de traitements avec de légers acides dépolis ou avec des émaux opalescents, explique Gabriel Marly. Ainsi, les vitrages accrochent mieux la lumière et les couleurs la nuit. Les logos peuvent ainsi être rétro-projetés et participent à l'identité des constructions. » 80 Dans son mémoire sur les double peaux 81, Adeline Menu, avance également une idée que je trouve assez intéressante sur l’identité particulière de ces façades. Elle affirme que les double peaux pourraient être une réinterprétation de l’ornement architectural, un ornement d’une nouvelle échelle, un « ornement surfacique » 82. L’ornement architectural était – et est toujours – un élément caractéristique de l’architecture, représentatif d’une culture et/ou d’une époque. Il est alors possible que la double peau puisse être décrite comme un ornement surfacique et caractéristique émergent, représentatif d’une tendance de l’architecture contemporaine, mondialisée en quelques sortes. Dans son travail, elle soulève un autre point assez intéressant sur ces façades, que je souhaite également mettre en avant ici : les double peaux tendent à réduire – voire même à faire disparaître – la lisibilité du cadrage des fenêtres qui composent ces façades 83. Elles sont moins discernables dans l’écriture de ces façades car elles sont souvent lissées dans les mursrideaux des double peaux ventilées, et en partie cachées dans l’épaisseur des autre double peaux. On peut par la même occasion remarquer que lorsque l’on se penche sur ces édifices, on passe d’une lecture immédiate, dont on a l’habitude avec les façades en simple couche, à une lecture en deux temps, due à l’analyse de cette épaisseur, et de la superposition de deux plans aussi structurant l’un que l’autre pour caractériser ces façades. Pour revenir sur la disparition des cadres des fenêtres, cela semble assez révélateur de l’architecture de notre temps, qui a tendance à cacher de plus en plus le cadre de ces menuiseries toujours plus grandes, dans la recherche d’une certaine sobriété.

I.4.1.6

Une utilité acoustique

Comme nous l’avons déjà énoncé, de nombreuses double peaux constituent des écrans acoustiques qui permettent de réduire les nuisances environnantes, c’est d’ailleurs dans certains cas une des raisons principales de leur mise en place. On retrouve même ces qualités acoustiques – dans une moindre mesure – dans les plus poreuses d’entre elles, comme les double peaux végétalisées par exemple, avec l’absorption du son par les végétaux et leur substrat, ou encore les double peaux en résille métalliques, qui renvoient une partie plus ou moins grande de ces nuisances.

I.4.1.7

Une utilité thermique

L’efficacité thermique d’une double peau va surtout dépendre de sa nature. Entre autres, une double peau ventilée aura un impact thermique très fort, qui se révèlera même parfois négatif ; une double peau végétalisée va permettre de réduire les apports solaires et de rafraîchir l’air grâce à l’évapotranspiration des végétaux ; une double peau en résille métallique ou en lame brise-soleil se limitera à la réduction des apports solaires pour éviter les surchauffes.

80 Inconnu, 1. Enveloppe Façade double-peau, la solution adaptée aux rénovations (Décembre 2009), Les Cahiers Techniques du

Bâtiment, https://www.cahiers-techniques-batiment.fr/article/1-enveloppe-facade-double-peau-la-solution-adaptee-auxrenovations.21028 81 Menu, Adeline, Les façades double-peau, mémoire réalisé sous la direction de M. Frédéric SOTINEL à l'ENSA Bretagne, Février 2015, pp. 49, En ligne : https://omeka.archires.archi.fr/files/original/d1b12051508e095bead683ca26bca5c5.pdf 82 Ibid. 83 Ibid. 23


I.4.2

Typologies courantes de double peaux I.4.2.1 Les double peaux ventilées (contrôle d’une perméabilité) I.4.2.1.1 Principe

La double peau ventilée est sûrement le type de double peau le plus répandu. J’ai remarqué que c’était également le premier - voire le seul - type de double peau auquel pensaient les ingénieurs et parfois les architectes quand j’employais le terme de « double peau » dans le cadre de mon questionnaire et de mes entretiens. Les double peaux ventilées sont souvent installées dans des contextes où la ventilation naturelle est insuffisante voire impossible, des endroits bruyants ou avec beaucoup de vent 84, car ces façades peuvent faire face à ces contraintes. Elles sont constituées d'une façade simple traditionnelle avec des percements comportant souvent des menuiseries en double vitrage, doublée à l’extérieur par une façade vitrée généralement en simple vitrage, monté en vitrage extérieur collé, attaché ou parclosé (VEC, VEA ou VEP) 85. Elles sont séparées par un espace vide appelé « espace tampon », dont la largeur peut varier de quelques centimètres à plusieurs mètres et qui permet d'absorber les variations du climat pour réguler la température intérieure des espaces. Le fonctionnement d’une double peau ventilée va dépendre de son compartimentage et de son mode de ventilation : naturel, mécanique ou hybride 86. Il existe 4 modes de compartimentages différents : • Le compartimentage par module 87, le moins répandu, où la façade double peau est composée de modules individuels, séparés horizontalement et verticalement, sans échange d’air entre eux. • Le compartimentage par corridor 88, sans séparations verticales, où la circulation d’air n’a lieu que sur la hauteur d’un étage et où la circulation dans la cavité est possible. Les compartiments restent cependant indépendants. • Le compartimentage de type « shaft box » 89, qui fonctionne de la même manière que le compartimentage par corridor, à la différence près que les compartiments sont connectés entre eux par des conduits verticaux, ce qui améliore le tirage thermique 90. • Le compartimentage qui fait toute la hauteur du bâtiment ou qui couvre plusieurs étages, le plus courant, où « le compartimentage est quasiment nul, la circulation d'air se fait sur toute la façade, l'effet de tirage thermique est maximum. » 91. Mais cette solution pose des questions de sécurité incendie 92, comme nous le verrons par la suite. La notion de tirage thermique (ou effet cheminée) est très importante dans le fonctionnement des double peaux ventilées. Cet effet est dû à la poussée d’Archimède 93 : Dans un conduit vertical (ici dans la cavité d’air), l’air chaud (ici chauffé grâce à l’effet de serre) va avoir tendance à monter car il est moins dense que l’air frais. Cette différence de densité d’air entre l'entrée et la sortie du conduit va ainsi entraîner un appel d’air, qui sera d’autant plus fort que la différence de température sera élevée, et que la cheminée sera grande 94 . Ce 84 MiquelM, Disadvantages Of Double Skin Façade, ArchiTREEcture, https://architreecture.com/disadvantages-of-double-skin-

facade/ 85 Cf. « Sources de la fiche technique double peau » dans la bibliographie. 86 Inconnu, Façade double peau, Ekopedia, https://www.ekopedia.fr/wiki/Fa%C3%A7ade_double_peau 87 Inconnu, 1. Enveloppe Façade double-peau, la solution adaptée aux rénovations (Décembre 2009), Les Cahiers Techniques du Bâtiment, https://www.cahiers-techniques-batiment.fr/article/1-enveloppe-facade-double-peau-la-solution-adaptee-auxrenovations.21028 88 Inconnu, Façade double peau, Ekopedia, https://www.ekopedia.fr/wiki/Fa%C3%A7ade_double_peau 89 Ibid. 90 Inconnu, 1. Enveloppe Façade double-peau, la solution adaptée aux rénovations (Décembre 2009), Les Cahiers Techniques du Bâtiment, https://www.cahiers-techniques-batiment.fr/article/1-enveloppe-facade-double-peau-la-solution-adaptee-auxrenovations.21028 91 Inconnu, Façade double peau, Ekopedia, https://www.ekopedia.fr/wiki/Fa%C3%A7ade_double_peau 92 Inconnu, 1. Enveloppe Façade double-peau, la solution adaptée aux rénovations (Décembre 2009), Les Cahiers Techniques du Bâtiment, https://www.cahiers-techniques-batiment.fr/article/1-enveloppe-facade-double-peau-la-solution-adaptee-auxrenovations.21028 93 Inconnu, Tirage thermique, Wikipedia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Tirage_thermique 94 Ibid. 24


mouvement d’air permet donc d’évacuer l’air chaud en haut de la double peau (ou du compartiment de celleci), et de faire entrer l'air frais par le bas. La circulation de l’air au sein de la cavité intérieure va être déterminante dans le comportement thermique et les performances de la double peau. La ventilation de ces différents compartiments peut ainsi ensuite être de plusieurs nature : •

Naturelle (passive cooling), en utilisant uniquement l’effet de tirage thermique grâce à une ouverture en partie haute de la double peau, qui va « tirer » l’air depuis une ouverture en partie basse de celleci, ou depuis l’intérieur du bâtiment. Cependant, cette technique reste compliquée et parfois insuffisante. Il faut donc réaliser au préalable des études statiques et dynamiques afin de modéliser la circulation d’air au sein du bâtiment et de déterminer la capacité de débit d’air de l’installation 95.

Mécanique (active cooling), où il n’y a pas d’échange d’air direct entre la double peau et l’extérieur. La circulation d’air est alors induite artificiellement grâce à des extracteurs d’air 96.

Hybride, le mode de ventilation le plus utilisé, qui consiste à associer les deux premiers. La ventilation mécanique vient « en appoint de la ventilation naturelle lorsque celle-ci ne permet pas une circulation d'air suffisante. » 97. L’aspiration mécanique accélère ainsi la circulation d’air dans la cavité.

Absente. On peut dans certains cas supprimer la circulation d’air dans la cavité, pour optimiser l’isolation acoustique et la capacité isolante de la double peau pour éviter les déperditions thermiques 98. Cela reste cependant très rare. Il est important de noter que les éléments de ventilation qui permettent ou non la circulation de l’air dans la double peau ont une importance capitale. Ils permettent de définir la perméabilité de la façade : « on parle de double peau étanches dont on peut maîtriser la perméabilité » (Entretien avec Philippe SAMYN, architecte, ingénieur et urbaniste belge, le 29 Avril 2022). Ils vont également avoir une influence non-négligeable sur les qualité acoustiques de cette double peau, puisqu’en position ouverte, ils peuvent laisser passer les nuisances sonores. •

« La régulation de la ventilation à travers et dans la paroi doit être conçue de manière à s’adapter aux conditions climatiques extérieures. La liberté d’ouverture et de fermeture des organes de ventilation conditionne le mode de ventilation à travers la façade. Pour fonctionner correctement ceux-ci doivent être pilotés par une gestion technique centralisée qui prendra en compte les différents paramètres de températures et débit d’air. » 99

Figure I-16 : Illustration du principe de la double peau ventilée (Source : Processus de conception énergétique de bâtiments durables par Ernesto Velázquez Romo)

En été, on va donc générer une circulation de l'air contenu dans la double peau pour évacuer l'air chaud et le renouveler avec de l'air frais, en emportant au passage l’air vicié de l’intérieur du bâtiment lorsque cela est nécessaire. Ce phénomène, accompagné de la réflexion d'une partie des rayonnements solaires, permet, en 95 Inconnu, Façade double peau, Ekopedia, https://www.ekopedia.fr/wiki/Fa%C3%A7ade_double_peau 96 Ibid. 97 Ibid. 98 Ibid. 99 Ibid.

25


théorie, d'éviter les surchauffes et de limiter le recours à la climatisation En hiver par contre, on va chercher à limiter la circulation de l'air pour stocker de la chaleur par effet de serre à l’intérieur de la double peau. Cela permet de limiter l'utilisation du chauffage et de supprimer l’effet de paroi froide en protégeant aussi du vent. La double peau permet également d'avoir une barrière supplémentaire aux déperditions thermiques vers l’extérieur grâce à la lame d'air qui est donc devenu étanche. Tout ce système se base donc sur la circulation de l'air dans la cavité, qui peut aussi varier en fonction de l’épaisseur de la cavité, de la position et des dimensions des ouvertures ou encore de la nature du vitrage 100 (s’il est clair, il provoquera davantage d’échauffement de la lame que s’il est teinté). Il est toujours « très difficile de calculer et de simuler les effets de l'air » 101 et il est donc difficile d’estimer les performances énergétiques de ces double peaux. Dans les double peaux fonctionnelles, en été, la réduction du transfert de chaleur de l’extérieur du bâtiment vers l’intérieur grâce à cet espace tampon, et le renouvellement de l’air peut faire baisser la température intérieure du bâti de 2°C, ce qui représente entre 20 et 30 % d'économies 102 et permet de réduire l’utilisation de la climatisation. En hiver, une double peau « parfaitement dimensionnée et calculée permet un gain minimal de 10 % » 103, grâce à l’air préchauffé stocké dans la cavité et introduit dans le bâtiment, qui permet une diminution des pertes thermiques liées au renouvellement d’air 104, et rend moins nécessaire l’utilisation du chauffage. La double peau sert également d'écran acoustique et peut réduire les possibles nuisances sonores grâce au principe de masse-ressort-masse 105 . Son efficacité dépend principalement de la perméabilité de la seconde peau. La réduction du bruit peut ainsi s’élever à près 10 dB si l’écran est étanche, mais « si la façade comporte 15 % d'ouvertures, le gain acoustique sera faible » 106. Ces façades possèdent encore d’autres atouts ! Tout d’abord, des systèmes de protection solaire (BSO, brisesoleils fixes, stores) peuvent être installés dans l’espace tampon pour gérer l'apport solaire direct. Ils sont donc protégés des intempéries, du vent et des poussières par la peau extérieure (tout comme la façade principale) 107. De plus, le vitrage de la double peau permet d’appliquer un premier filtre au rayonnements solaires 108 (pour les UV par exemple). Cette omniprésence du vitrage donne au bâtiment un aspect « hightech » apprécié et « à la mode » parmi les bâtiment tertiaires, tout en permettant d’avoir une peau intérieure plus opaque, donc thermiquement plus performante. Enfin, l’épaisseur de la cavité permet d’intégrer des passerelles pour la maintenance (parfois même nécessaire pour l’entretien), voire des nacelles et d’autres équipements techniques 109. Toutes ces qualités participent au développement de cette typologie de double peau, qui gagne de plus en plus en hauteur, puisqu’on l’utilise maintenant dans des projets de gratte-ciel ! Une des dernières de ce type est à date celle des « tours duo » à Paris, de Jean Nouvel, livrées en 2022.

100 Inconnu, 1. Enveloppe Façade double-peau, la solution adaptée aux rénovations (Décembre 2009), Les Cahiers Techniques du

Bâtiment, https://www.cahiers-techniques-batiment.fr/article/1-enveloppe-facade-double-peau-la-solution-adaptee-auxrenovations.21028 101 Ibid. 102 Ibid. 103 Ibid. 104 Inconnu, Façade double peau, Ekopedia, https://www.ekopedia.fr/wiki/Fa%C3%A7ade_double_peau 105 Cf. « Sources de la fiche technique double peau » dans la bibliographie. 106 Inconnu, 1. Enveloppe Façade double-peau, la solution adaptée aux rénovations (Décembre 2009), Les Cahiers Techniques du Bâtiment, https://www.cahiers-techniques-batiment.fr/article/1-enveloppe-facade-double-peau-la-solution-adaptee-auxrenovations.21028 107 Cf. « Sources de la fiche technique double peau » dans la bibliographie. 108 Inconnu, Façade double peau, Ekopedia, https://www.ekopedia.fr/wiki/Fa%C3%A7ade_double_peau 109 Cf. « Sources de la fiche technique double peau » dans la bibliographie. 26


« Dans une démarche environnementale ambitieuse, l'isolation de ces façades est renforcée sur les plans thermique et sonore. Elles arborent en effet une double peau : deux couches de vitres, plus ou moins épaisses suivant les endroits, séparées par un mètre de vide. Tandis que les rayons du soleil sont réfractés, l'air circule entre les deux parois, empêchant la chaleur de pénétrer dans le bâtiment. L'un des côtés de la tour Ouest sera d'ailleurs en partie recouvert de végétation. » 110 Figure I-17: Les tours duo, à Paris (Source : https://www.jfsylla.com/)

Sur le papier, ces façades ingénieuses semblent être totalement maîtrisée et avoir un apport positif considérable sur le confort des bâtiments. Cependant, nous verrons dans le grand II que ce n’est pas toujours le cas…

I.4.2.1.2 Exemples représentatifs Brussimo - Immeuble de bureaux pour la “European Free Trade Association” (EFTA) par Samyn & Parteners Brussimo est un bâtiment conçu par l’architecte Philippe Samyn et construit entre 1989 et 1993 111 . Il est situé au cœur d’un quartier d’affaires de Bruxelles avec une problématique de nuisances sonores, de poussières et de pollution. Le commanditaire était proche de Sidmar, une grande aciérie de l’industrie métallique de l’époque, ce qui a naturellement conduit à un conception en architecture métallique.

« Dès lors, la troisième dimension de la façade est une évidence ! Avec du béton, vous pouvez vous contenter d'un bâtiment aux performances médiocres, en acier c'est impossible, et on est obligé de donner une épaisseur. » (Entretien avec Philippe SAMYN, architecte, ingénieur et urbaniste belge, le 29 Avril 2022)

Figure I-18: Brussimo (Source : samynandpartners.com)

L’architecte a donc opté pour une double peau ventilée avec un compartimentage de type shaftbox et une ventilation hybride, avec un système assez visible - d’extracteurs d’air en toiture. La peau intérieure est composée de menuiseries avec châssis en bois qui peuvent s’ouvrir sur l’espace intermédiaire, où sont également placés des stores vénitiens. La peau extérieure est en verre claire pour « assurer un haut degré de Figure I-19 : Extracteurs d'air transmission lumineuse et garantir un rendu de (Source : samynandpartners.com) couleurs et créer un environnement acoustique

Figure I-20 : Coupe trans.

(Source : samynandpartners.com)

110 Biosca, Lucas, Tours duo, les dernières géantes de paris ? (Décembre 2020), CNews, https://www.cnews.fr/france/2020-12-

04/tours-duo-les-dernieres-geantes-de-paris-1023295 111 Samyn & Partners, 225 – Brussimmo, 1993, Bruxelles, Belgique. Lien : https://samynandpartners.com/fr/portfolio/brussimmo/ 27


approprié » (Entretien avec Philippe SAMYN). Selon l’architecte, l’utilisation du verre clair était également un parti pris pour répondre à cette « architecture avec ces verres dits « de hautes performances » qui renvoient l'énergie solaire sur les passants » (Entretien avec Philippe SAMYN) et les vitrages réfléchissants dominants dans ce quartier d’affaires. Ainsi, au rez-de-chaussée on retrouve un espace de réception, puis on a des salles de réunion et des espaces de travail aux étages supérieurs, et au dernier étage, qui se développe sous une voûte semi-cylindrique, on retrouve une salle de conférence, un restaurant et des locaux techniques 112. Les espaces de bureaux sont conçus pour être flexibles, grâce à la portée libre de 10,8 113 m de la Figure I-21 : Espace intermédiaire superstructure, sans colonnes ni obstacles, qui permet donc de modifier les (Source : samynandpartners.com) cloisonnement si besoin.

« C'est une des premières fois où des logiciels de calculs dynamiques étaient disponibles, même si personne ne leur donnait la moindre crédibilité à l'époque, mais heureusement les ingénieurs de production de l’aciérie employaient ces mêmes progiciels pour calculer les températures du process acier, donc pour eux employer ces logiciels était évident. C'est grâce à cela qu'on a pu convaincre le commanditaire que ce système fonctionnait. Et ce bâtiment est toujours là ! » (Entretien avec Philippe Samyn) GSW Headquarters par Sauerbruch Hutton Architects Le siège social de GSW, une société immobilière de propriété privée, est un assemblage de cinq bâtiments distinct servant d’extension à une tour de bureaux des années 1950 114. Cet ensemble, conçu par Sauerbruch Hutton Architects, et terminé en 1999, comprend une nouvelle tour de 22 étages de bureaux dans la zone Ouest, qui sera la première tour de grande hauteur à être édifiée à Berlin après la chute du mur, en 1989 115. Réalisée en acier et en béton armé, elle est recouverte de plusieurs systèmes de double peaux innovantes, et ses différentes stratégies thermiques majoritairement passives en font un bâtiment exemplaire ! L’innovation la plus importante est sans nulle doute son système de ventilation. Figure I-22 : La tour du siège social de Le principal moteur de cette ventilation GSW (Source : en.wikiarquitectura.com) se trouve en toiture du bâtiment, audessus de la double peau de la façade Ouest : c’est un toit à vent. Ce dispositif en forme d’aileron, constitué d’une membrane en polyester et en PVC 116, permet de mobiliser la force du vent pour renforcer la ventilation Figure I-23 : Membrane du toit à vent grâce à l’effet Venturi, et ce, quel que soit la direction du vent dominant. (Source : en.wikiarquitectura.com)

« Lorsque le vent souffle d'est en ouest, la forme aérodynamique de l'aile accélère le passage du vent au-dessus du dispositif. À l'inverse, si le vent souffle du nord ou du sud, une série d'ailettes de suspension le fait tourbillonner. » 117

112 Samyn & Partners, 225 – Brussimmo, 1993, Bruxelles, Belgique. Lien : https://samynandpartners.com/fr/portfolio/brussimmo/ 113 Ibid.

114 Sauerbruch Hutton Architects, GSW Headquarters, 1999, Berlin, Allemagne. Lien :

https://www.sauerbruchhutton.de/de/project/gsw 115 Inconnu, GSW Headquarters, Wikiarquitectura, https://en.wikiarquitectura.com/building/gsw-headquarters/ 116 Ibid. 117 Ibid. 28


La façade Ouest est une double peau ventilée mesurant près d’un mètre de large, et dont la cavité se développe sur toute la hauteur du bâtiment. L’effet de tirage thermique, déjà très important grâce à la hauteur de l’édifice, est ainsi renforcé par l’énergie éolienne du toit à vent, qui créé un jeu de pression en partie haute de la double peau. Des ailettes automatisées en partie haute et en partie basse permettent d’assurer un Figure I-24 : Principe de ventilation contrôle en fonction des saisons et de la météo 118. Sur la façade ouest, (Source : en.wikiarquitectura.com) une double peau mince (30cm environ) de type shaft-box sert de zone tampon, tout en étant assez poreuse, avec des grilles de ventilation à chaque étage. Associée à un système d’ouvertures automatisées aux niveau des façades principales, la ventilation peut ainsi circuler librement d’est en ouest aux étages sans cloisonnements, et lorsqu’un cloisonnement est nécessaire à l’intérieur, il est réalisé grâce à des panneaux qui permettent à l’air de passer tout en maintenant une isolation phonique. De plus, il y a également un flux d’air au travers des dalles qui sont des dalles alvéolaires (Entretien avec Nicolas PAULI) ! Ces dalles en béton sont d’ailleurs disposées au nu fini du sol de chaque étage pour profiter de leur potentiel d’accumulation thermique Figure I-25 : Composition de la dalle (Source : en.wikiarquitectura.com) grâce à leur inertie 119. On se retrouve ainsi avec une ventilation naturelle efficace, qui est appuyée par une ventilation mécanique si besoin (mais s’en passe 70% de l’année 120), ou qui lui laisse le relais en hiver pour réinjecter lentement la chaleur de la double peau à l’intérieur du bâtiment. La faible profondeur de la nouvelle tour, qui mesure 11m121 à l’endroit le plus large, et l’utilisation d’une double peau qui s’accompagne de grandes surfaces vitrées, permet d’avoir suffisamment de lumière naturelle aux étages et de réduire les besoins en éclairage artificiel. Dans la large cavité de la double peau Ouest, on retrouve un système de protection solaire sous forme de panneaux constitués de lames verticales orientables avec 18% de surface perforée 122, ce qui permet d’obtenir un environnement lumineux en toute situation. Ces panneaux sont automatisés, mais peuvent être activés manuellement par les occupants 123, pour se protéger de la lumière directe du soleil l’après-midi. Ils abordent des teintes de rouge, réparties en différentes nuances, qui permettent de distinguer cette façade dans le paysage urbain de Berlin, et de lui donner du dynamisme grâce au changement quotidien de la position des volets, qui « fait naître sans cesse de nouvelles compositions de couleurs » 124. Selon le groupe Arup, qui était chargé de la structure du projet, tous ces dispositifs, qui fonctionnent en symbiose, permettent à ce bâtiment d’atteindre « des économies d'énergie de 30 à 40 % par rapport à un bâtiment ordinaire » 125.

Figure I-26 : Détail des volets (Source : en.wikiarquitectura.com)

118 Inconnu, GSW Headquarters, Wikiarquitectura, https://en.wikiarquitectura.com/building/gsw-headquarters/ 119 Sauerbruch Hutton Architects, GSW Headquarters, 1999, Berlin, Allemagne. Lien :

https://www.sauerbruchhutton.de/de/project/gsw 120 Senthil, M., GSW Head quarters, berlin case study (Janvier 2015), Slides 13-14, https://www.slideshare.net/senshots/gsw-headquarters-berlin-case-study 121 Inconnu, GSW Headquarters, Wikiarquitectura, https://en.wikiarquitectura.com/building/gsw-headquarters/ 122 Ibid. 123 Senthil, M., GSW Head quarters, berlin case study (Janvier 2015), Slides 13-14, https://www.slideshare.net/senshots/gsw-headquarters-berlin-case-study 124 Sauerbruch Hutton Architects, GSW Headquarters, 1999, Berlin, Allemagne. Lien : https://www.sauerbruchhutton.de/de/project/gsw 125 Senthil, M., GSW Head quarters, berlin case study (Janvier 2015), Slides 13-14, https://www.slideshare.net/senshots/gsw-headquarters-berlin-case-study 29


I.4.2.1.3 Cas particuliers Les façades respirantes, autres façades à cavité : Les façades dîtes « respirantes » ont été inventées en France. Elles proposent elles aussi l’ajout d’une peau vitrée, mais d’une épaisseur bien moins importante, de 70mm en moyenne 126, en comptant la cavité, ce qui permet aussi « un gain sur la surface utile » 127. Cette dernière dispose d’une seule ouverture pour procéder à des échanges avec l’extérieur, qui se limitent à l’évacuation de la vapeur d’eau 128 . La lame d’air peut accueillir des petits stores et l’air intérieur s’y déplace de manière circulaire. Elles présentent des atouts pour le petits éléments de façades et les ouvrants, mais pour ce qui est des façades plus grandes, il semblerait que les double peaux ventilées soient plus facile à entretenir. De plus, il y a des « risques d’embuage et d’élévation de température dans la cavité » 129 et il s’agit d’un type de façade difficile à mettre en œuvre, considéré comme « non traditionnel » 130. Figure I-27 : Façade respirante avec une cavité accueillant un store (Source : https://www.sageglass.com/)

Les double peau ventilées à ventelles : Les double peau ventilées à ventelles sont également des double peau vitrées. Cependant, l’écran formé par la seconde peau n’est pas figé. En effet, il est constitué d’une multitude de ventelles mobiles (ou parfois fixes) qui peuvent s’incliner pour laisser complètement passer la ventilation, ou se redresser pour former un tout en position fermée. Ce type de façade est donc bien moins étanche qu’une double peau ventilée classique, et ne se base pas sur le phénomène du tirage thermique pour fonctionner. La cavité joue ici simplement un rôle d’espace tampon « classique » et fonctionne comme un jardin d’hiver ou une véranda. Vous trouverez ci-dessous 2 projets représentatifs de ces double peau : •

La Cité Internationale de Lyon de Renzo Piano (2006)

Figure I-28 : Cité Internationale Lyon et détail des ventelles (Source : http://www.rpbw.com/)

L’Immeuble de bureaux pour l’immobilière SEM de Philippe Samyn, à Bruxelles (2009), où les ventelles sont fixes, et servent à protéger les usagers des espaces extérieurs des aléas, ce qui permet également au bâtiment d’être plus pérenne. Dans ce projet, ce type de double peau a aussi été employé pour des raisons esthétiques.

126 Inconnu, Une alternative avantageuse aux façades double-peau (Août 2021), SageGlass,

https://www.sageglass.com/fr/article/facades-double-peau

127 Ibid. 128 Ibid. 129 Ibid. 130 Ibid.

30


Figure I-29 : Immeuble de bureaux pour l’immobilière SEM (Photo personnelle)

Figure I-30 : Détail des ventelles (Source : samynandpartners.com)

Lorsque les double peaux ventilées gagnent en épaisseur : L’épaisseur des double peaux ventilées peut parfois varier et grandir jusqu’à devenir un atrium, un grand volume tempéré atteignant parfois des dizaines de mètres. Le but étant de faire fonctionner ces deux entités ensembles.

« Les atriums étant complètement fermés en période hivernale et complètement ouverts l'été, ce qui permet d'ouvrir des fenêtres vers l'espace tampon en été. Pour moi c'est la vertu première de la double enveloppe. » (Entretien avec Philippe SAMYN, architecte, ingénieur et urbaniste belge, le 29 Avril 2022)

Figure I-31 : Smithkline beecham biologicals sa et son atrium (Source : samynandpartners.com)

Figure I-33 : La gare de Strasbourg et sa verrière (Source : https://www.20minutes.fr/)

On peut retrouver ce système dans le projet Smithkline beecham biologicals sa (Centre de Recherche et de Développement à Rixensart), conçu par Philippe Samyn en 1999. Ce projet consiste en l’ajout d’une extension au bâtiment EST par « un grand parallélépipède horizontal, en profitant de la morphologie des lieux pour créer cet atrium central. […] ici, la conjonction de la double peau et de l'atrium était assez exceptionnelle. » (Entretien avec Philippe Samyn). Le bâtiment de la Gare de Strasbourg est également un bon exemple d’atrium. En effet, avec l’arrivée du TGV Est en 2007, l’ancienne gare s’est revêtit d’une immense verrière, de 125m de longueur sur 23 de haut 131, Imaginée par l’architecte Jean-Marie Duthilleul. Elle a ainsi permis de doubler sa capacité d’accueil et de « moderniser la gare tout en ne touchant pas aux murs du Figure I-32 : L’atrium monument historique » 132. (Photo personnelle)

131 CROUVEZIER, Florian, Strasbourg Il était une fois… L’histoire des verrières de la Gare et d’Homme de Fer (Juin 2020), Pokaa,

https://pokaa.fr/2020/06/08/il-etait-une-fois-lhistoire-des-verrieres-de-la-gare-et-dhomme-de-fer/

132 Ibid.

31


I.4.2.2 Les double peaux de protections solaires I.4.2.2.1 Principe La double peau de protections solaires se présentent généralement sous la forme d’une enveloppe extérieure constituée de brise soleils avec des volets, des persiennes ou des lames pare-soleil (horizontales ou verticales) ; ou constituée d’une résille métallique ou d’un bardage bois ajouré reposant sur une structure secondaire fixée à la façade principale 133. Nous avons déjà détaillé ces systèmes plus tôt, mais il est utile de souligner quelques points importants.

« La vocation première de cette façade est de diminuer l’apport solaire direct, de manière à éviter les surchauffes estivales. » 134 Dans son épaisseur - dont la dimension va définir les possibilités d’appropriation - on retrouve des espaces semi-extérieurs car ces double peaux sont des enveloppes « perméables ». Cette perméabilité va permettre une meilleure ventilation, mais limitera la réduction des nuisances sonores ou le fonctionnement de cette épaisseur comme espace tampon. Les éléments qui la constituent sont souvent des éléments industrialisés et relativement facile à mettre en œuvre. Leur nature, dimensionnement et opacité varieront selon : - L’orientation des façades - Le degré d’occultation recherché - La fonction anti-intrusive (ou non) - La performance visée en termes de diminution des apports solaires - Le rendu esthétique voulu C’est une solution assez répandue dans les bâtiments tertiaires, mais à l’image des autres double peaux, elle peut se retrouver sur tout type de bâtiment.

I.4.2.2.2

Exemples représentatifs

Pour illustrer cette typologie en images, vous trouverez ci-dessous des projets représentatifs de ce type de façade, organisés en fonction de l’élément constitutif de chaque double peau. Volets Nom : Carabanchel Housing Architecte : Foreign Office Architects Localisation : Madrid, Espagne Programme : Logements

collectifs

Année de livraison : 2007 Source :

https://www.archdaily.com/

133 Inconnu, Façade double peau, Ekopedia, https://www.ekopedia.fr/wiki/Fa%C3%A7ade_double_peau 134 Ibid.

32


Lames pare-soleil verticales Nom : Holland Park School Architecte : Aedas Localisation : Londres,

Angleterre

Programme : École Année de livraison : 2012 Source :

https://www.archdaily.com/

Lames pare-soleil horizontales Nom : Siege Régional EDF Architecte : Poissonnier Ferran & Associés Localisation : Marseille, France Programme : Immeubles de

bureaux

Année de livraison : 2012 Source : https://poissonnier-

ferran.com/

Résille métallique (maille) Nom : Identity One Architecte : Jean-Paul Viguier & Associés Localisation : Rennes, France Programme : Espaces de bureaux, commerces et restaurant, cinéma d’art et d’essai (L’Arvor) Année de livraison : 2019 Source :

https://www.viguier.com/

33


Résille métallique (perforations) Nom : Siège Euronews Architecte : Jakob + Macfarlane Localisation : Lyon, France Programme : Tertiaire multimédia, studios télévision Année de livraison : 2014 Source :

http://www.jakobmacfarlan e.com/

Bardage bois ajouré Nom : Centre de Recherche Biomédicale Architecte : Albert de Pineda, Manuel Brullet Localisation : Barcelone,

Espagne

Programme : Laboratoire, Éducation, Tertiaire, Bureaux Année de livraison : 2012 Source : https://pinearq.es/

I.4.2.3 Double peau végétalisée I.4.2.3.1 Principe Ce type de double peau, enveloppant une ou plusieurs façades du bâtiment, est le plus souvent constituée d'un support en treillis sur lequel viennent s'accrocher des plantes grimpantes, plantées au niveau du sol ou dans des bacs intermédiaires. Ce treillis est fixé à une armature secondaire ou à des câbles en acier tendus sur la façade, séparé de la façade principale d'une distance d'au moins quelques centimètres. Cette typologie de double peau est moins courante que les autres, et elle sera détaillée davantage dans la suite de ce mémoire.

I.4.3

Une parenthèse sur l’architecture textile

Lors de mon entretien avec Nicolas PAULI, Docteur en Mécanique et Génie Civil, enseignant de structure à l'ENSAM, mais aussi spécialiste des membranes textiles architecturales, j’ai réalisé que la double peau était une forme très courante dans l’architecture textile. Pour ne citer qu’un exemple qui m’est familier et à propos duquel j’ai pu discuter avec M. PAULI, on peut voir cela sur le Nuage, un bâtiment d’équipement de 3 000 m2 situé dans le quartier Port Marianne à Montpellier et conçu par le designer Philippe Starck et l’architecte Stefano Robotti. En effet, Nicolas PAULI a travaillé sur ce projet, en tant que bureau d’études en structures légères avec son entreprise Abaca, pour concevoir la façade double peau qui se développe sur les quatre étages du bâtiment. Cette dernière est constituée d’une paroi intérieure en double vitrages en bandeau à chaque étage ; et d’une peau extérieure composée de coussins en ETFE, avec une lame d’air intermédiaire dont l’épaisseur varie de 50 à 60 cm 135. 135 Pavie, Virginie, Philippe Starck signe l'immeuble Nuage à coussins gonflables et sérigraphiés (Novembre 2014), Le Moniteur,

https://www.lemoniteur.fr/article/philippe-starck-signe-l-immeuble-nuage-a-coussins-gonflables-et-serigraphies.1477254 34


« Cette lame d’air, ce plenum, dispose de registres de ventilation. […] une grille de ventilation en bas, une grille de ventilation en haut, […] ça peut se fermer ou s’ouvrir, et c’est commandé par un automate asservi à la température de la masse d’air. » (Entretien avec Nicolas PAULI, Docteur en Mécanique et Génie Civil, enseignant de structure à l'ENSAM, spécialiste des membranes textiles architecturales, le 9 Mai 2022)

Figure I-35 : Le Nuage (Source : https://www.montpellier-tourisme.fr/)

Figure I-34 : Aperçu de la double peau (Source : https://diariodesign.com/)

Ainsi, à l’image des double peau ventilées vitrées, son fonctionnement varie selon les saisons. En hiver, la lame d’air est fermée pour optimiser les performances thermiques de l’enveloppe et préserver la chaleur. En été, à partir d’une certaine température, une ventilation naturelle recycle l’air présent dans cette interstice. « Il y a un effet cheminée, car on a 12m de haut sur le bâtiment. Il […] va y avoir un transport de l’air à l’intérieur de la double peau, de la partie basse qui est ouverte vers la partie haute qui est également ouverte. Tout cela a été dimensionné pour pouvoir justement ventiler suffisamment. » (Entretien avec Nicolas PAULI). Ce système permet d’éviter son échauffement au-delà de 42°C 136. Cependant, la ressemblance avec les double peaux ventilées s’arrête là et l’utilisation d’une membrane ETFE semble être une solution moins onéreuse (du moins à la mise en place) : « Représentant un tiers du poids d’une façade en verre, la membrane en ETFE autorise des économies de matière sur l’ensemble de la structure du bâtiment et génère une économie substantielle de l’ordre de 40 à 60 % par rapport au montant d’un ouvrage en verre. » 137 Enfin, on peut remarquer que ces coussins ETFE, qui donnent aux bâtiment une texture « capitonnée », sont eux-mêmes constitués de plusieurs peaux très fines : un film extérieur, un film intermédiaire et un film intérieur, dont certains sont sérigraphiés pour limiter la valeur du facteur solaire selon les orientations 138. Ces coussins sont « alimentés en permanence par de l’air déshumidifié et soufflé sous une pression de 250 Pa » 139 et repris sur une charpente métallique qui repose sur le premier étage. On retrouve donc dans cet ouvrage les mécanismes des typologies de double peaux citées précédemment. Lorsque l’on se penche davantage sur l’architecture textile, que ce soit des structures gonflées ou non, on peut voir que la superposition de plusieurs couches de textiles séparées par des lames d’air (minces ou importantes) est assez courante. On retrouve cela dans l’architecture des chapiteaux, par exemple. Cependant, je ne développerais pas davantage ma réflexion sur cette architecture qui s’éloigne déjà des systèmes conventionnels, et où l’existence d’une double peau relève parfois plus d’une nécessité ou d’une évidence liée à cette typologie, que d’un réel choix de conception.

136 Pavie, Virginie, Philippe Starck signe l'immeuble Nuage à coussins gonflables et sérigraphiés (Novembre 2014), Le Moniteur,

https://www.lemoniteur.fr/article/philippe-starck-signe-l-immeuble-nuage-a-coussins-gonflables-et-serigraphies.1477254

137 Ibid. 138 Ibid. 139 Ibid.

35


II. DES FAÇADES COMPLEXES RÉINTERROGÉES Dans le contexte de crise environnementale que nous traversons, les façades actives semblent être une nécessité qui peut difficilement être remise en cause. C’est une évidence : pour faire face aux changements climatiques, les nouvelles constructions doivent être de plus en plus performantes énergétiquement parlant, et ces façades intelligentes trouvent toute leur place pour arriver à de tels objectifs. Cependant, lorsque ces façades actives se présentent sous la forme de façades multi-couches, et notamment avec des double peaux, elles soulèvent d’autres interrogations. En effet, l’addition d’une ou de plusieurs couches induit forcément une mise en place de matière supplémentaire, qui s’accompagne d’une certaine quantité d’énergie grise. Or aujourd’hui, un des objectifs importants du secteur du bâtiment est de prioriser une certaine sobriété dans l’utilisation des matériaux de construction, comme le montre le programme Négawatt avec le scénario négaWatt 2022 qui présente un double objectif : atteindre la neutralité carbone en France d’ici à 2050 et réduire de 55% les émissions de gaz à effet de serre au niveau européen d’ici à 2030 140. Pour arriver à de tels objectifs, le scénario préconise une conception alliant sobriété et efficacité, ainsi qu’une substitution de matériaux non renouvelables par des matériaux biosourcés pour réduire les quantités de matières premières extraites et ainsi faire face à la raréfaction de ces ressources aux gisements limités 141. Prioriser une certaine sobriété dans l’utilisation des matériaux de construction est donc une priorité, et on peut d’ailleurs observer une prise de conscience progressive de cette problématique dans la profession. Aujourd’hui, la sobriété et la frugalité en architecture sont même des pratiques récompensées comme le montre la récente obtention du prestigieux prix Pritzker par l’architecte burkinabé Francis Diébédo Kéré. Dans l’idéal il faudrait donc à la fois faire avec le strict nécessaire, garantir le confort et les performances énergétiques, et permettre une certaine adaptabilité aux bâtiments. Dès lors, l’amélioration sur le confort de ces façades actives multi-couches est-elle suffisamment importante pour considérer que cette matière supplémentaire en vaut la peine ? Le bilan écologique des projets est-il meilleur avec ces solutions ? C’est ce que nous allons tenter d’analyse dans cette seconde partie.

II.1 Méthodologie et corpus d’étude Pour procéder à cette analyse, nous nous appuierons sur différentes méthodes : Tout d’abord, une analyse de documentation, basée sur des ouvrages, des documents, des articles de revues, des articles en ligne et des publications scientifiques. Cela permettra d’associer des données quantifiées à la réflexion, et d’illustrer les propos par des projets représentatifs. Pour enrichir la réflexion sur les typologies plus complexes de façade actives, nous utiliserons aussi la méthode du sondage, avec un questionnaire à destination des experts (architectes, urbanistes, paysagistes, botanistes, ingénieurs, bureaux d'étude façade, etc.). Ce questionnaire en ligne (d'une durée de 5 à 10mn) a été conçu pour identifier plus précisément la place des façades actives multi-couches - et notamment des double peaux (« classiques » ou végétalisées) - dans le processus de conception, les aprioris qui leurs sont associés, et les potentiels problèmes qui freinent leur démocratisation. Pour résumer, il est composé d'une première partie générale sur les double peaux, comportant également des questions sur l’expérience des personnes interrogées avec cette solution de façade, étant donné que le questionnaire est destiné à des experts qui ont, pour la plupart, déjà eu l’occasion d’en mettre en place dans des projets réalisés. Une seconde partie aborde les double peaux végétalisées plus en profondeur. Vous pouvez retrouver l’organisation de mes questions ci-dessous. Il nous permettra de soulever de nouvelles interrogations sur les façades multi-couches 140 Inconnu, (2021), Un scénario de transition énergétique pour atteindre la neutralité carbone en 2050, Négawatt,

https://www.architectes.org/actualites/un-scenario-de-transition-energetique-pour-atteindre-la-neutralite-carbone-en-2050

141 Ibid.

36


et les solutions de végétalisation, ainsi que des données factuelles et/ou marquantes pour compléter notre réflexion. Le questionnaire (encore accessible en suivant ce lien : https://forms.gle/7UnuBejMEBFRkFn76) était construit comme suit : Section 1 : Introduction (Présentation de mon travail et de la potentielle utilisation du questionnaire) Section 2 : Les Façades double peau - Êtes-vous un : Architecte / Paysagiste / Ingénieur / Chercheur ? / Autre - Pensez-vous que ce type de solution est plus adapté : En construction neuve / En réhabilitation / Autant en réhabilitation qu’en neuf / Autre - Pourquoi ? : Réponse libre - Avez-vous déjà participé à la mise en place d'une façade double peau dans un (ou des) projet(s) (réalisé(s) ou non) ? : Oui (dans ce cas accès à la section 3) / Non (dans ce cas accès à la section 4) Section 3 : OUI - J'ai déjà participé à la mise en place d'une façade double peau. - Quel a été le motif de ce choix ? : Un choix esthétique / Un désir de performance énergétique / Une volonté d'amélioration du confort (thermique, lumineux, acoustique, …) / Une réponse pour un usage particulier / Une demande spécifique du programme / Autre - Qui a été à l'origine de cette décision ? : L'équipe de conception / Le client / Je ne sais plus / Autre - Quel était l'élément actif de cette double peau ? : Vitrage (double peau ventilée) / Résille métallique / Dispositif(s) de protections solaires / Dispositif technologique singulier / Végétation (double peau végétalisée) / Autre - Un autre type de double peau a-t-il été envisagé ? (si oui, renseignez lequel dans "Autre") : Non / Autre - Pour quelle raison cette autre possibilité a-t-elle été écartée au profit de la double peau finalement mise en place ? : Études préalable sur les performance / Préférence esthétique / Autre - Le projet s'est-il réalisé ? : Oui / Non / C’est en cours / Autre - Si le projet s'est réalisé, les objectifs de cette façade double peau ont-ils été atteints ? : Oui / En partie / Non / Je ne sais pas / Autre Section 4 : NON - Je n'ai jamais participé à la mise en place d'une façade double peau. - Une telle solution a-t-elle déjà été envisagée dans un projet auquel vous avez participé ? : Oui / Non - Pourquoi cette solution n'a-t-elle pas été retenue ? : Par manque de connaissances sur le sujet / Par préférence pour un autre type de façade / Par manque d'harmonie avec le reste du projet / Pour des raisons budgétaires / Par désaccord d'un des partis / Autre

37


Section 5 : Les façades double peau végétalisées - Avez-vous déjà entendu parler des façades double peau végétalisées ? : Beaucoup / Un peu / Pas vraiment / Non - Selon vous, ces façades ont un impact positif : sur le confort lumineux / sur le confort thermique / sur le confort acoustique / sur le bien-être des usagers / sur l'environnement / sur la biodiversité / Autre - Quel sont, selon vous, les freins les plus importants à leur démocratisation ? : Manque de notoriété ou de connaissance du grand public / Solution trop technique comparée à d’autres / Poids budgétaire trop important / Appréhension de leur entretien / Solution trop spécifique, inadaptée dans la plupart des cas / Peur d'une diminution du confort avec ce type de solution / Utilisation d'eau trop importante / Réglementation trop limitante / Autre - Pensez-vous que ce type de façade participe au Greenwashing ? : Absolument / Sûrement / J'ai des doutes / Non / Sans avis / Autre - Avez-vous déjà vu des projets mettant en place ce type de solution ? : Plus de 10 / Entre 5 et 10 / Entre 2 et 5 / 1 ou 2 / Je ne me souviens plus / Aucun - À quelle catégorie appartenaient la majorité de ces bâtiment ? : Tertiaire (Restauration, hôtellerie, santé, commerce, l’éducation, etc.) / Bureaux / Logement individuel / Logements collectifs / Industriel / Mixte / Je ne sais pas - Pouvez-vous en citer un ou plusieurs ? : Réponse libre - Seriez-vous disponible pour un court entretien complémentaire afin de développer vos propos ? Si c'est le cas, veuillez renseigner votre adresse mail ci-dessous : Réponse libre J’ai fait parvenir ce questionnaire à divers professionnels en me basant sur mes recherches de projets de double peaux, mes contacts, mais aussi les conseils des personnes avec qui j’avais eu un entretien et qui me dirigeaient parfois vers des personnes à contacter. J'ai ainsi obtenu 14 réponses, dont la majorité provenaient d'ingénieurs (10 sur les 14). Sur les 14 personnes interrogées, 13 avaient déjà participé à la mise en place d'une Profession(s) des personnes qui ont répondu à mon questionnaire. double peau. Le questionnaire était anonyme, (Le choix était multiple : par exemple, les architectes-paysagistes mais j’avais donné la possibilité aux pouvaient cocher ces deux professions) destinataires de laisser leurs coordonnées à la fin de questionnaire, ce qui m'a permis de décrocher de nombreux entretiens avec des professionnels sachants sur cette question. Les résultats, qui seront mobilisés dans le suite de ma réflexion, sont également disponibles dans l'annexe « A - Résumé des réponses obtenues au questionnaire ». Enfin, nous mobiliseront des entretiens que j’ai réalisé avec des professionnels plus ou moins familiarisés avec ces solutions de façade. Mes recherches documentaires sur les façades actives, et en particulier les double peaux, m’ont permis de commencer à structurer mon mémoire, mais aussi d’identifier des flous ou des lacunes dans ma compréhension, qui m’ont servi de base pour créer une grille d’entretien sous forme semi-structurée, disponible dans l’annexe « B - Grille d'entretien concepteurs - double peaux ». Ces entretiens ont été réalisés de manière semi-directive avec des questions ouvertes classées par thèmes qui servaient à lancer, ou relancer la discussion. Ainsi, dans ma grille d’entretien, en ce qui concerne les double peaux, j’avais quelques question sur l’apport sur le confort thermique, lumineux, et acoustique, sur leur épaisseur, sur leur place dans la crise environnementale, sur leur choix dans la conception et sur ce qui freinait leur développement. J’avais ensuite quelques questions pour obtenir des informations sur des projets de double peaux auxquels mes interlocuteurs avaient pu participer. Et la dernière partie de ma grille d’entretien portait sur les double peaux végétalisées avec des questions sur l’apport sur le confort thermique, lumineux, 38


et acoustique, sur leur place dans la crise environnementale, sur leur choix parmi les autres solutions de double peaux et sur ce qui pouvait freiner leur développement. La liste des 14 personnes avec qui j’ai pu m’entretenir est disponible dans l’annexe « C - Liste des entretiens réalisés ». À chaque entretien, j’orientais la discussion en fonction du domaine de prédilection de mon interlocuteur en parlant parfois plutôt des double peaux en général avec les ingénieurs, ou parfois en me concentrant sur les double peaux végétalisées pour les paysagistes et biologistes par exemple. Je préparais aussi en amont des questions particulières adaptées à mes interlocuteurs pour rebondir sur des points clés de leur carrière liés à la thématique abordée, des projets spécifiques, ou leur permettre d’approfondir certaines réponses données dans le questionnaire. Les retranscriptions des entretiens sont disponibles dans l’annexe « D - Retranscriptions des entretiens ». Ces entretiens m’ont servi à enrichir ma réflexion sur les solutions de façades actives multi-couches (végétalisées ou non), pour avoir des exemples concrets avec des retours d’expérience nuancés et personnels (et non pas sélectifs comme les rares retours d’expérience que l’on retrouve sur internet, qui sont majoritairement positifs puisque les expériences négatives ont tendance à être mises sous silence). Cela m’a également permis de mieux évaluer la pertinence de ces solutions complexes dans le contexte de la transition écologique, d’ajuster mon raisonnement et de soulever de nouveaux questionnements et de nouvelles pistes d’exploration. Pour ce qui est du champ de recherche balayé par le mémoire - le corpus – il prendra pour objet des façades de projets principalement situés en Europe, issues de mon expérience personnelle, de mon analyse documentaire, des réponses données à mon questionnaire ou encore des retours d’expérience de mes entretiens. De plus, nous n’aborderons pas la question des toitures, que l’on désigne parfois comme la 5ème façade des bâtiments. Dans cette seconde partie, la mobilisation de ces différents éléments de réflexion portera principalement sur les systèmes de double peaux les plus courants. Cependant, après un état de l’art des solutions de façades actives végétalisées dans la troisième partie, nous mobiliserons à nouveau cette méthodologie et ce corpus pour tenter d’analyser ces dernières, et notamment les double peaux végétalisées, pour interroger la place de ces solutions dans la crise environnementale.

II.2 Mise en place et expérience concrète II.2.1

L’émergence de façades tridimensionnelles

« On ne se rend pas compte à quel point cette première guerre mondiale a bouleversé les raisonnements intellectuels liés à la construction et il faut près d'un siècle pour revenir à la logique constructive. » (Entretien avec Philippe SAMYN, architecte, ingénieur et urbaniste belge, le 29 Avril 2022) La première guerre mondiale, comme la seconde, a eu un impact non-négligeable sur les cultures constructives. D’après Philippe SAMYN, « c'est au lendemain de la guerre qu'est (ré)apparu la troisième dimension de la façade. Avant la première guerre mondiale, la façade avait naturellement une épaisseur. La guerre a tellement appauvri l'Humanité à tous les niveaux qu'on a dû réduire cette épaisseur au strict minimum pour satisfaire nos besoins. ». (Entretien avec Philippe SAMYN) Selon lui, la guerre a appauvri les systèmes de façade en les réduisant à des façades « bidimensionnelles », caractérisées par une hauteur et une largeur, mais où l’épaisseur ne se manifeste pas vraiment. À l’époque, cela a d’ailleurs « donné des ailes » au Bauhaus, qui a commencé à présenter cette faible épaisseur comme étant une vertu, alors que « c'est tout sauf une vertu puisqu'on s’appauvrit d'éléments typologiques essentiels ». (Entretien avec Philippe SAMYN) D’après M. SAMYN, les façades multi-couches, et donc, les double peaux, sont simplement le passage de ces enveloppes « bidimensionnelles » à des « enveloppes tri-dimensionnées » qui vont réaffirmer leur épaisseur. « C'est une expression qui est apparue en réponse à la « maladie » de la simple peau. » (Entretien avec Philippe SAMYN). Ainsi, c’est peut-être la pauvreté typologique et la faible performance des façades d’aprèsguerre qui ont marqué un point de départ au développement des façades multi-couches. Un développement qui a sans doute été marqué par l’émergence des structures légères, comme l’acier par exemple : « Avec du béton, vous pouvez vous contenter d'un bâtiment aux performances médiocres, en acier c'est impossible et on 39


est obligé de donner une épaisseur. […] Dès lors, la troisième dimension de la façade est une évidence ! » (Entretien avec Philippe SAMYN) Ce développement ne s’est pas fait en un jour, et il a mobilisé les innovations du secteur du bâtiment de l’époque pour tenter de régler ces problématiques au travers d’une épaisseur. En effet, comme cela a été évoqué plus tôt, il a fallu de nombreuses innovations, des expérimentations et de nombreux échecs pour aboutir à quelques réussites. De plus, comme nous le verrons par la suite, il semblerait que le chemin soit encore long pour tendre vers des solutions réellement performantes et surtout adaptées à la diversité des situations de projet. En parallèle, les façades conventionnelles, en simple couche, ont évoluées elles aussi, pour devenir de plus en plus performantes. La façade « bidimensionnelle » s’est complexifiée pour gagner en efficacité, notamment grâce à une meilleure compréhension de l’importance de l’isolation, l’évolution des technologies de vitrages ou encore le développement et la démocratisation des dispositifs d’ombrage. Ces évolutions ont permis de réduire le besoin en chauffage, d’avoir des apports en lumière naturelle suffisant ou encore d’éviter les surchauffes en été. Ainsi, « les techniques et technologies actuelles permettent de construire des bâtiments très efficaces sur le plan énergétique » 142 et « toutes ces exigences peuvent être satisfaites avec une enveloppe conventionnelle » 143. Pourtant aujourd’hui on observe une certaine émergence de ces façades complexes et elles se multiplient dans le paysage urbain contemporain, parfois sur des logements collectifs, et le plus souvent sur du tertiaire. Elles présentent également une certaine diversité, entre des double peaux ventilées, les double peaux de protections solaires ou encore les double peaux végétalisées, « la gamme est infinie » (Entretien avec Philippe SAMYN).

« L'observation de la production architecturale récente montre que de nombreux nouveaux bâtiments sont construits aujourd'hui avec une couche supplémentaire extérieure. » 144 II.2.2

Les problématiques engendrées par les différentes typologies de double peau II.2.2.1 Les double peaux ventilées

« Tel que c’était vendu, les doubles peaux c’était le top du top ! […] La plupart des personnes dans le milieu, apprécient beaucoup les doubles peaux mais ne remettent pas beaucoup en question son efficacité ou ses désavantages. » (Entretien avec Ian McCALL, Ingénieur Construction Durable chez Losinger Marazzi - Suisse, le 13 Avril 2022) Lors de mon entretien avec Sébastien RANDLE, ingénieur et chef de projets chez Étamine (bureau d’étude qualité environnementale et performance énergétique), ce dernier m’expliquait, en parlant de ces double peaux, que « c'était génial sur le papier, mais en fait dans la réalité, c'est un peu moins génial » car on se retrouve souvent avec de nombreux problèmes. Réglementation incendie Le premier d’entre eux survient lors de la phase de conception, car il est difficile de concilier la double peau ventilée avec la réglementation incendie. « Très vite, avec ces doubles peaux, vous vous retrouvez avec des problèmes de sécurité au feu non négligeables » (Entretien avec Philippe SAMYN, architecte, ingénieur et urbaniste belge, le 29 Avril 2022). Florent CAPPOEN, ingénieur, architecte, et directeur de projets chez Arcora, m’a précisé que la réglementation coupe-feu, et plus largement le principe même de double peau ventilée, conduisait presque constamment à la réalisation d’ATEX (Appréciation Technique d'Expérimentation), ce qui induit donc des démarches plus complexes que pour une façade plus traditionnelle. Cette réglementation 142 Paule, Bernard, et coll., (2017), Multi-layers facades: What happens behind ?, CISBAT 2017, pp. 1-6,

https://doi.org/10.1016/j.egypro.2017.07.344

143 Ibid. 144 Ibid.

40


pose des contraintes de conception qui peuvent être très handicapantes pour le bon fonctionnement de la double peau. Cela est dû au fait que lorsque la lame d’air est toute hauteur, et que le compartimentage est moindre (mais que le tirage thermique est donc maximum), cela créé un point critique qui relie tous les étage et qui peut donc contribuer à accélérer considérablement la propagation de la fumée et du feu dans tout le bâtiment 145. L’effet cheminée prendrait ici tout son sens littéral. Pour éviter cela, la réglementation incendie nécessite parfois de recouper la lame d'air verticalement 146, « normalement […] il faut recouper tous les deux niveaux », m’indique Nicolas PAULI, Docteur en Mécanique et Génie Civil. De plus, elle contraint parfois à garder les fenêtres intérieures fermées, ce qui empêche la ventilation ou la récupération de l’air chauffé en hiver. Dans certains cas, la réglementation impose même « un désenfumage de la double peau, et donc une ouverture permanente, ce qui réduit fortement l’intérêt thermique de la double peau » précise Sébastien RANDLE. « En France, la réglementation incendie empêche d'aller jusqu'au bout de la logique des façades double-peau », regrette Bruno Georges, dirigeant du bureau d'études ITF 147 . Certains pays ont une réglementation incendie spécifique pour ces façades, comme la Belgique, où elle préconise « le compartimentage ou l'utilisation de systèmes annexes, tels que sprinkler dans la cavité qui évitent la propagation des flammes. » 148 Une thermique d’été difficile à maîtriser Le phénomène de tirage thermique et les nombreux facteurs qui influencent l’efficacité thermique d’une double peau ventilées sont complexes à modéliser et il est donc difficile de prédire leurs performances thermiques.

« C’est que la technique des double peaux est loin d’être maitrisée par les bureaux d’études lambda, standards. C'est-à-dire la double peau, il faut vraiment la travailler en STD, c'est-à-dire en Simulation Thermique Dynamique. […] Et l’effet cheminée n’est pas très facile à modéliser. Parce qu’il y a plein d’échanges. Il y a l’échange convectif, l’échange radiatif et la conduction thermique. » (Entretien avec Nicolas PAULI, Docteur en Mécanique et Génie Civil et spécialiste des membranes textiles architecturales, le 9 Mai 2022) C’est d’autant plus difficile lorsque l’on doit inclure dans ces simulations l’effet et la pression du vent, pour définir son influence sur la double peau. « La pression disponible avec la convection naturelle est comprise entre 30 et 40 Pa au grand maximum, alors que le vent peut atteindre 1 500 Pa. C'est donc le vent qui décide » 149. On se retrouve ainsi avec des double peaux qui n’ont parfois pas les performances attendues et qui posent de véritable problèmes pour la thermique d’été, car si l’air chaud stagne dans la double peau, cela devient une véritable serre vitrée qui réchauffe d’autant plus le bâtiment. « Ça semble fonctionner mais l’ennui c’est que lorsqu’il fait 40° dehors et que tu veux du tirage thermique alors qu’il fait 40° dans les bureaux, tu ne tires rien du tout, sans compter que tu t’es payé une serre en façade donc tu chauffes 2 fois plus » m’explique Simon DIARD, Paysagiste chez PUNK Agency. « Le vrai problème avec les double peaux c’est que la lame d'air « ventilée » peut monter à 60 voire 80°C. On dit que c’est une double peau « ventilée » mais qui ne l'est pas vraiment car ce n'est pas agréable d'ouvrir sur cet espace beaucoup trop chaud. Cela peut être fonctionnel à la mi-saison, et encore... » rajoute Florent CAPPOEN. On peut penser que la mise en place des stores au niveau de la lame d’air pourrait réduire cette surchauffe, « mais le soleil est déjà rentré quand le store est baissé » rappelle Nicolas PAULI, la chaleur a en réalité déjà été générée par effet de serre. Et cette chaleur, pour l’évacuer, il faut que le tirage thermique fonctionne, mais pour cela il faut de très fortes amplitudes de température. Le climat et la zone géographique du projet vont déterminer l’efficacité de la

145 MiquelM, Disadvantages Of Double Skin Façade, ArchiTREEcture, https://architreecture.com/disadvantages-of-double-skin-

facade/ 146 Cf. « Sources de la fiche technique double peau » dans la bibliographie. 147 Inconnu, 1. Enveloppe Façade double-peau, la solution adaptée aux rénovations (Décembre 2009), Les Cahiers Techniques du Bâtiment, https://www.cahiers-techniques-batiment.fr/article/1-enveloppe-facade-double-peau-la-solution-adaptee-auxrenovations.21028 148 Ibid. 149 Ibid. 41


ventilation de la lame. Ainsi, le tirage thermique sera moins important dans une région chaude par exemple 150. De plus, la largeur de la cavité d’air va être déterminante, si elle est trop faible, l’air ne va pas circuler correctement vers la sortie et s’infiltrera dans le bâtiment. De nombreux professionnels préconisent un minimum de 20 centimètres entre les couches pour éviter cela 151. Une performance intermédiaire

« Parce qu'en thermique d'hiver, pour qu'elle soit efficace, il faut qu'elle soit fermée et étanche, et sur une façade ensoleillée (Sud), de même pour qu'elle joue un rôle acoustique. Mais pour éviter les surchauffes d'été, il faut qu'elle soit largement ouverte et ventilée (elle n'apporte alors plus rien en acoustique) et c'est difficile et cher techniquement de faire les deux. Donc, bien souvent, on arrive à un entredeux, intéressant ni en hiver ni en été ni en acoustique. » (Réponse de Sébastien RANDLE dans le questionnaire) En effet, l’apport sur le confort thermique et acoustique est très dépendant de l’étanchéité de la cavité d’air, et il semble compliqué d’avoir une bonne performance sur ces deux points simultanément. Si on s’intéresse à la performance acoustique, on peut voir qu’elle sera en effet d’autant plus faible que la double peau ventilée sera perméable, donc il faut s’attendre à choisir entre confort thermique et acoustique en été, car on a besoin de ventiler. « Il y a vraiment une différence forte entre : le besoin en hiver, le besoin en été, et le besoin d’acoustique et du coup, c'est difficile de rendre tout ça compatible […] moi je n’ai jamais réussi à trouver un équilibre qui fonctionne » ajoute Sébastien RANDLE. Selon lui, du point de vue thermique et acoustique, cela serait peut-être pertinent sur une façade nord car sans apport solaire la double peau peut être étanche et servir acoustiquement, mais finalement on voit bien qu’on arrive à une incohérence et cette double peau se résumerait presque à un simple double vitrage. De plus, il faut savoir que la double peau fait écran acoustique sur l’extérieur, mais également sur l’intérieur ! Le son peut ainsi « rebondir » sur la surface vitrée dans le cas des double peaux ventilées toute hauteur, ce qui entraîne des problème de transmission du bruit entre les pièces ou les étages voisins 152 dans le cas d’une mauvaise conception, ou si les ouvrants sont laissés ouverts. Un entre-deux parfois problématique : Une mauvaise conception de la double peau ventilée, qui entraînerait un réchauffement excessif de la cavité d’air sans évacuation suffisante, pourrait entraîner une réduction de la durée de vie des moteurs électriques, des stores ou des systèmes de ventilation mécanique 153, car certains de ces systèmes ne supportent pas les températures extrêmes. De plus, la double peau nécessite une certaine maintenance parfois récurrente, avec le nettoyage des surfaces vitrée ou encore l’entretien des systèmes de ventilation. Cette maintenance ne peut se faire que depuis la cavité d’air, qui doit dont présenter les ouvrages nécessaires (passerelle technique par exemple), ce qui limite souvent les autres possibilités d’utilisation de cet espace 154. Enfin, il y a un risque de formation d’impuretés et d’humidité, ainsi qu’un risque de condensation superficielle de la lame d’air 155. Cette dernière peut se faire sur la face intérieure de la couche extérieure et nuire aux vues des usagers, notamment aux heures matinales, en hiver, au printemps et en automne. Pour y remédier, il existe des revêtements antibuée qui peuvent être appliqués sur le vitrage extérieur, et qui réduisent considérablement les risques de condensation. Cependant, il est impossible de les appliquer une fois l'installation terminée 156 et cela nécessite donc une certaine anticipation en conception.

150 Inconnu, 1. Enveloppe Façade double-peau, la solution adaptée aux rénovations (Décembre 2009), Les Cahiers Techniques du

Bâtiment, https://www.cahiers-techniques-batiment.fr/article/1-enveloppe-facade-double-peau-la-solution-adaptee-auxrenovations.21028 151 MiquelM, Disadvantages Of Double Skin Façade, ArchiTREEcture, https://architreecture.com/disadvantages-of-double-skinfacade/ 152 Ibid. 153 Ibid. 154 Cf. « Sources de la fiche technique double peau » dans la bibliographie. 155 MiquelM, Disadvantages Of Double Skin Façade, ArchiTREEcture, https://architreecture.com/disadvantages-of-double-skinfacade/ 156 Ibid. 42


Le prix

« Il y a un surcoût de la double peau qu'il faut intégrer et qui va se faire au détriment d'autre chose sur le projet, forcément. […] ça fait comme une façade en plus à construire. » (Entretien avec Sébastien RANDLE) En effet les double peaux ventilées, et les double peaux en général, vont représenter un certain coût supplémentaire par rapport aux façades traditionnelles. Au lieu d’installer une seule couche de façade, il va y en avoir deux, ce qui induit la mise en place de matière supplémentaire et signifie des travaux plus conséquents. Pour les double peaux ventilées, l’installation d’un système de ventilation actif va également entraîner un certain surcoût 157 , tout comme l’automatisation de certains composants de la façade. L’automatisation coûte très cher d’après Sébastien RANDLE, et c’est parfois une option qui est mobilisée au début de la conception, et qui est éliminée à posteriori, faute de budget. Cela entraîne, dans certains cas, un décalage entre l’efficacité supposée de la double peau au départ, qui a conditionné son choix, et les performances réelles du projets construit, à cause d’une évolution en conception. Cela va également induire des coûts d'entretien et d'exploitation plus élevés 158 car le doublement des couche entraîne aussi « un doublement du nettoyage, de l'inspection, de l'entretien, de la maintenance et du fonctionnement » 159 de cette double peau. Comme nous l’avons évoqué précédemment, si la double peau ventilée a fait l’objet d’erreur de conception, une surchauffe de la lame d’air peut provoquer la panne de certains systèmes, ce qui a forcément une incidence économique. Pour terminer sur une note plus positive, ce type de façade permet de se dispenser du coût d'accastillage et de fixation des éléments de protection solaire comme les brisesoleil 160, qui peuvent être installés sur les éléments techniques propres à la double peau. Autres inconvénients

« On pense résoudre des problèmes mais en réalité ça en génère pas mal. » (Entretien avec Bernard PAULE, Directeur associé d’Estia, spécialiste du contrôle et de l'utilisation de la lumière naturelle dans les bâtiments, le 14 Avril 2022) Tout d’abord, malgré sa transparence, la peau extérieure peut tout de même réduire la quantité de lumière naturelle qui entre dans le bâtiment 161. Au-delà de la présence de parties opaque dues à la structure ellemême, cela dépend principalement du type de vitrage utilisé « car il n’y a pas 100% de transmission » d’après Bernard PAULE. Dans certains cas, la mise en place d’une double peau ventilée peut aussi « condamner » des ouvertures, qui deviennent des menuiseries fixes et non plus ouvrantes ! Travaillant dans des bureaux avec cette problématique, Ian McCALL témoigne : « Ce bâtiment avec une double peau rend inaccessible de l’extérieur la ventilation naturelle. L’équipe d’exploitation a fait un choix d’enlever toutes les poignées de fenêtre pour éviter que les gens ouvrent les fenêtres pour diverses raisons. […] ils disent que ça peut dérégler le système double flux en ventilation ou de chauffage. Donc, on a de belles fenêtres mais, on ne peut pas les ouvrir ou les utiliser ! ». On peut également noter que l'augmentation de l’exigence de performances sous l'influence des réglementations thermiques a conduit à l’épaississement des double peaux et à leur alourdissement progressif, ce qui accentue d’autant plus la complexité et le temps nécessaire à leur mise en œuvre 162. De plus, la présence de la double peau représente un certain poids supplémentaire, qui va se répercuter au niveaux des fondations ! 163 En réhabilitation cela peut être un problème car si la double peau n’est pas installée sur une structure indépendante, elle peut remettre en question l'intégrité structurelle du 157 MiquelM, Disadvantages Of Double Skin Façade, ArchiTREEcture, https://architreecture.com/disadvantages-of-double-skin-

facade/ 158 Ibid. 159 Ibid. 160 Inconnu, 1. Enveloppe Façade double-peau, la solution adaptée aux rénovations (Décembre 2009), Les Cahiers Techniques du Bâtiment, https://www.cahiers-techniques-batiment.fr/article/1-enveloppe-facade-double-peau-la-solution-adaptee-auxrenovations.21028 161 MiquelM, Disadvantages Of Double Skin Façade, ArchiTREEcture, https://architreecture.com/disadvantages-of-double-skinfacade/ 162 Cf. « Sources de la fiche technique double peau » dans la bibliographie. 163 MiquelM, Disadvantages Of Double Skin Façade, ArchiTREEcture, https://architreecture.com/disadvantages-of-double-skinfacade/ 43


bâtiment et dans certains cas entraîner son effondrement en raison d’une charge trop lourde 164. Enfin, il ne faut pas oublier qu’une double peau ventilée rajoute une nouvelle barrière aux déperditions thermiques, mais elle ne les fait pas disparaître ! « Il est donc important de faire le bilan entre les gains réalisés sur le renouvellement d’air et l’augmentation des déperditions à travers la paroi afin de vérifier la pertinence d’une telle façade. » 165 Énergie grise

« Une double façade avec beaucoup de verre et beaucoup d’acier a un impact sur le bilan énergétique, donc aujourd’hui si on souhaite baisser nos émissions de CO2 […] il faut faire attention à tous ces matériaux qui ne sont pas forcément nécessaires dans le bâtiment. » (Entretien avec Ian McCALL) En effet, le vitrage, la structure porteuse et certain systèmes des double peaux ventilées peuvent peser lourd dans le bilan carbone de ces bâtiment. Ian McCALL est assez critique sur cette solution, il pense qu’elle « n’a pas sa place aujourd’hui sur le marché parce qu’il faut climatiser tous ces espaces. » Il ajoute : « Faire des bureaux à 40 étages tous vitrés, est-ce que c’est l’avenir de la planète ? Je ne pense pas. […] Pour moi, c’est complètement contre les enjeux environnementaux d’aujourd’hui, par contre, c’est beau ! ». Une image vitrée Comme le disait IanMcCALL, « c’est beau ». L’esthétique est très subjective, mais il faut reconnaître que l’architecture contemporaine tend à mettre à l’honneur les façades vitrées et leur « nu spéculaire […] super beau, vachement lisse et super classe » comme m’expliquait Nicolas PAULI, notamment dans le tertiaire et particulièrement pour les bureaux ou les Immeubles de Grande Hauteur (IGH). Raphaël MÉNARD Ingénieur, architecte et président du directoire d'AREP émet des réserves sur les double peaux ventilées, selon lui « l’utilité des double-peaux et en effet, intérêt essentiel : l’esthétique. ». Selon IanMcCALL, le but premier de cette double peau est, en effet, l’esthétique, et « ça ne sert pas à grand-chose pour l’acoustique, ni pour la thermique mais c’est beau quoi ! » Remarques Tous les inconvénients que nous avons cités cantonnent ce type de façade à des opérations de grande envergure, notamment dans le tertiaire qui dispose d’un budget suffisant et d’intérêts à leur utilisation, même si cela se résume parfois au seul intérêt esthétique. On peut tout de même remarquer que certains de ces inconvénients peuvent être évités par des études préalables et une conception cohérente et éclairée, permettant de prendre en compte les paramètres spécifiques et les conditions climatiques locales de chaque projet. Pour ce qui est des études préalables, et notamment des Simulations Thermiques Dynamiques (STD) qui posent des difficultés de modélisation, Nicolas PAULI pense que « la technique des double peaux est loin d’être maitrisée par les bureaux d’études lambda, standards », mais qu’il existe tout de même des bureaux d’études compétents, qui « ont développé des modèles de calcul de flux thermiques, etc. Parce que ça va avec leurs modélisations structurelles. Ils savent faire des verrières qui tiennent, des façades en verre, etc. ». Mr. PAULI reste donc assez optimiste, il y croit « dur comme fer ». « À mon avis, il est important de bien dissocier les double peaux habitées et les autres comme les doublepeaux vitrées minces. En effet, les usages, fonctionnement, modes constructifs, efficacité/pérennité et impact sur l’architecture sont très différents dans les deux cas. J’aurais tendance à penser que les premières sont plus efficaces et avec plus de potentiel en termes d’usage et de capacité à proposer une architecture flexible et résiliente face aux changements à venir. Le principe de double peau mince est une réponse plus technologique avec des contraintes propres (maintenance, ventilation, fabrication…) et favorisant souvent

164 MiquelM, Disadvantages Of Double Skin Façade, ArchiTREEcture, https://architreecture.com/disadvantages-of-double-skin-

facade/ 165 Inconnu, Façade double peau, Ekopedia, https://www.ekopedia.fr/wiki/Fa%C3%A7ade_double_peau 44


une architecture vitrée (notamment pour les IGH) peut-être moins pertinente aujourd’hui. » (Échange avec Benoit STEHELIN, architecte, Responsable de studio à la direction de l'architecture d'AREP , le 30 Mai 2022) Selon Benoit STEHELIN, ces double peaux ventilées, ou « double peaux vitrées minces », ne sont donc pas si pertinentes dans notre contexte environnemental contemporain et « les changements à venir ». Il faudrait peut-être privilégier les autre typologies de double peaux, des « double peaux habitées » qui permettent des usages dans une architecture plus « flexible et résiliente ». Ainsi, les retours d’expérience que l’on m’a fait sur ces double peaux ventilées sont très mitigés… Mais il est important de noter qu’il semble y avoir des exceptions, en particulier lorsque l’on s’écarte des double peaux ventilées traditionnelles, ou que l’on combine cela avec d’autre principes. C’est par exemple le cas du projet du Siège Social de GSW par Sauerbruch Hutton Architectes, évoqué dans les projets représentatifs de la partie I. En effet, la mise en place d’un toit à vent et l’attention portée à la circulation des flux d’air à l’intérieur de ce projet de grande hauteur (22 étages) semblent être des stratégies vraiment complémentaires à l’utilisation d’une double peau ventilée.

II.2.2.2 Les double peaux de protections solaires Bernard PAULE est directeur associé du bureau d’études Estia, à Lausanne, sur le campus de l’EPFL, et c’est un spécialiste du contrôle et de l'utilisation de la lumière naturelle dans les bâtiments. C’est l’une des rares personnes avec qui j’ai pu m’entretenir, qui avait étudié les problématiques liées à l’utilisation de double peaux de protections solaires, et notamment des enveloppes analogues à des lames pare-soleils, des résilles métalliques ou encore des bardages bois ajourés. Il a d’ailleurs écrit, avec des collaborateurs, un article intitulé Multi-layers facades: What happens behind ?, qui traite de l’incidence de ces solutions sur les performances d’un bâtiment, comparées à une façade plus traditionnelle de référence. Je m’appuierai donc essentiellement sur ses propos et son article pour traiter de cette question dans cette sous-partie. Avant de poursuivre, il est d’ailleurs important de préciser que sa comparaison, entièrement basée sur des simulations, prenait pour objet une première double peau composée de lames horizontales fixes en béton renforcées de fibres ultrahaute performance (UHPC), une seconde avec des lames fixes inclinées (mais horizontales) en aluminium, une dernière double peau en tôles perforées avec un taux de perforation moyen estimé à 0,5 ; et une façade de référence avec des fenêtres en double vitrage et équipées de stores vénitiens extérieurs automatisés 166. Réglementation incendie Comme les double peaux ventilées, cette typologie présente aussi une complexité supplémentaire dans la conception liée à la réglementation incendie, car la « couche extérieure nécessite de définir des accès incendie spécifiques en cas d’intervention extérieure » 167. Besoin en lumière

« Il n’est pas surprenant qu’une couche supplémentaire, quelle que soit sa forme, absorbe une partie importante de la lumière naturelle et entraîne une réduction très importante du potentiel de satisfaction des besoins en éclairage. » 168 En effet, d’après cette étude, la meilleure performance en ce qui concerne le facteur lumière du jour est obtenue par la façade la plus traditionnelle 169. Les double peaux de protections solaires englobent tout le bâtiment, y compris les vitrages, et forment un masque qui réduit, de fait, l’accès à la lumière du jour. Cela

166 Paule, Bernard, et coll., (2017), Multi-layers facades: What happens behind ?, CISBAT 2017, pp. 1-6,

https://doi.org/10.1016/j.egypro.2017.07.344

167 Ibid. 168 Ibid. 169 Ibid.

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semble ainsi entraîner une augmentation nécessaire de la consommation d’énergie due à l’éclairage artificiel 170. Besoin en climatisation Il semblerait que la mise en place de couches supplémentaires à lames horizontales (fixes) augmente légèrement le besoin en climatisation par rapport à une façade classique 171, car même si elles protègent des apports solaires en été, elles sont moins efficaces en milieu de saison, où le soleil, plus bas, pénètre plus facilement dans le bâtiment. Cependant, pour ce qui est de la solution qui s’apparente aux résilles métalliques, le besoin en climatisation augmente considérablement car « les plaques métalliques perforées n’offrent aucune sélectivité par rapport au rayonnement solaire, ce qui conduit à des gains significatifs quelle que soit la saison » 172. Le problème semble provenir du fait que toutes ces protections solaires sont fixes, et malgré une performance correcte en été, elles ne sont pas adaptées aux autres saisons. Malheureusement, « on a du mal à mettre des protections solaires mobiles » (Entretien avec Bernard PAULE) justement parce qu’on a du mal à pouvoir y accéder, du fait de la particularité structurelle de la double peau, et de l’étroitesse de la cavité, en particulier sur ce type de double peaux. Ainsi, les protections solaires mobiles, de type stores, se retrouvent à l’intérieur, derrière les vitrages, ce qui n’empêche pas la génération de chaleur par effet de serre. Selon Vinicius RADUCANU, architecte et enseignant à l’ENSAM, « C’est une nécessité la protection solaire ; à partir du moment où elle est fixe, ça coûte quand même moins cher qu’une protection mobile mais, une protection mobile, ça permet de mieux maîtriser l’aléatoire ». D’après lui, le fait de disposer des protections solaires fixes sur cette double peau, c’est aussi fixer une certaine porosité, qui va fonctionner dans certaines situations, mais pas dans d’autres. « C’est pour cela que tout ce qui est résille, ça ne marche pas car ça te fait le même degré d’opacité tout le temps », rajoute-t-il. Besoin en chauffage Le fait de disposer des protections solaires fixes en façade peut poser problème en hiver, car elles réduisent « le potentiel d’utilisation des gains passifs » (Entretien avec Bernard PAUL), un gain passif dont on a besoin pour réduire le besoin en chauffage. Ainsi, « sur ce sujet également, on observe que les systèmes fixes sont moins efficaces qu’un système d’ombrage mobile automatisé » 173. En effet, dans l’étude qu’il a menée, il démontre que toutes ces solutions augmentent légèrement ce besoin en chauffage, comparé à une façade traditionnelle 174. La distance entre les lames et leur dimensionnement va grandement influencer cela car plus cette distance sera grande, plus les rayons du soleil auront de la place pour pénétrer dans le bâtiment en hiver, lorsque le soleil est bas. On peut également noter que dans cette étude, la double peau en tôles perforées « a une transmittance énergétique globale plus élevée » 175 ce qui la pénalise moins que les autres. Vues Contrairement aux double peaux ventilées, dont la peau est transparente, ces double peaux de protection solaire ont, de par leur opacité, une incidence importante sur les vues depuis l’intérieur du bâtiment !

170 Paule, Bernard, et coll., (2017), Multi-layers facades: What happens behind ?, CISBAT 2017, pp. 1-6,

https://doi.org/10.1016/j.egypro.2017.07.344

171 Ibid. 172 Ibid. 173 Ibid. 174 Ibid. 175 Ibid.

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Figure II-1 : Vue intérieure d’une double peau en tôles perforées, ici le Siège Euronews, à Lyon (Source : Multi-layers facades: What happens behind ? par Bernard PAULE et coll.)

La photo ci-contre correspond à une vue depuis l’intérieur du siège Euronews, un des projets représentatifs évoqué plus tôt pour illustrer ce type de double peau avec un revêtement en tôles perforées. Cette photo, qui donne sur la façade Est, faisant face à la rive gauche du Rhône, à Lyon 176 , montre bien que la seconde peau obstrue la vue et « réduit considérablement la lisibilité du paysage » 177 pour les usagers. Cette couche de protections solaire fixe semble donc participer à une certaine déconnexion entre les usagers du bâtiment et l’environnement qui les entoure.

« Nous croyons que cet « effet barrière » est préjudiciable à la qualité de la perception de l’environnement extérieur et conduit à pénaliser les crédits de qualité environnementale qui pourraient être alloués à ces bâtiments. » De plus, dans certains cas et certaines orientations, la zone près de la façade n’est pas protégée contre l’éblouissement 178. Remarques : Tout comme la double peau ventilée, cette typologie induit, de fait, l’utilisation de matière supplémentaire pour réaliser la couche additionnelle. Cette matière supplémentaire « doit être évaluée à la lumière de l’utilité réelle des solutions proposées » 179 car elle peut s’accompagner d’une certaine teneur en énergie grise, selon les matériaux employés dans les divers composant de la seconde peau. De la même manière, la mise en place de ces double façades complexifie l’entretien, notamment pour le nettoyage des faces extérieures des vitrages 180, car selon Bernard PAULE, « souvent l’épaisseur [entre les couches] n’est pas très importante », ce qui rend cet espace difficilement accessible. Ainsi, dans son article, Bernard PAULE démontre que la mise en place de cette typologie de double peau peut conduire, dans certains cas, à une réduction des performances énergétiques et de l’accès à la lumière du jour, une dégradation de la vue, et une complication de son fonctionnement. « Dans la plupart des cas, ces systèmes sont principalement motivés par des considérations esthétiques. » 181 Selon lui, « on construit une vision extérieure du bâtiment qui est agréable […] mais on génère des problèmes à l’intérieur » (Entretien avec Bernard PAULE).

II.2.2.3 Autres typologies Les double peaux végétalisées peuvent également poser question sur de nombreux aspects. Nous étudierons leurs avantages et leurs inconvénient dans la partie III et IV. Pour revenir rapidement sur l’architecture textile et nuancer l’expérience du Nuage à Montpellier, Nicolas PAULI pense qu’il y a tout de même des problèmes de confort thermique. « Je crois qu’on n’a pas assez mis de registres. C’est qu’un registre coute un peu cher. […] Donc, comme il fallait un peu limiter, on en a mis un certain nombre. […] Si ce n’est pas climatisé, il fait trop chaud » me confie-t-il. Il pense que la double peau 176 Paule, Bernard, et coll., (2017), Multi-layers facades: What happens behind ?, CISBAT 2017, pp. 1-6,

https://doi.org/10.1016/j.egypro.2017.07.344

177 Ibid. 178 Ibid. 179 Ibid. 180 Ibid. 181 Ibid.

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aurait été plus efficace si la conception avait prévu des brise-soleils devant les coussins ETFE, « mais ce n’était pas le design de l’archi, il voulait qu’on voie les coussins […] Pour une question d’image, le projet architectural n’est pas très écoresponsable. ». Là encore, l’esthétique du projet a primé au détriment d’une potentielle performance. De plus, Mr. PAULI a apporté une précision intéressante sur l’architecture textile et son rapport à la réglementation incendie. En effet, une double peau comme celle du Nuage, qui se rapproche des double peaux ventilées, peut poser moins de problèmes que ces dernières en termes de risques, car en cas d’incendie, « si le textile prend feu, il se troue, et s’il se troue, il y a une sortie de la flamme, il n’y a donc plus le même effet cheminée. Il y a un effet cheminée quand il y a du tirage, il n’y a plus de tirage, … » (Entretien avec Nicolas PAULI). Cependant, il me précise que c’est une vision personnelle et qu’en pratique les pompiers ne vont pas « tergiverser » et vont exiger qu’on « coupe tous les deux niveaux ».

II.2.3

Les façades double peaux du point de vue des concepteurs II.2.3.1 Un choix de conception

Pour présenter le point de vue des concepteurs sur ces façades double peaux, et pour tenter d’identifier ici la place de ces solutions dans la conception, je vais me baser en grande partie sur les résultats de mon questionnaire, dont la méthodologie a déjà été expliquée en détail dans le II.1. Pour rappel, j’ai fait parvenir ce questionnaire à divers experts (architectes, urbanistes, paysagistes, botanistes, ingénieurs, bureaux d'étude façade, etc.) et j’ai obtenu 14 réponses, dont la majorité provenaient d'ingénieurs (10 sur les 14). Sur les 14 personnes interrogées, 13 avaient déjà participé à la mise en place d'une double peau dans un projet.

Figure II-2 : Réponses données à la question « Quel était l’élément actif de cette double peau ? » (Section 3 du questionnaire)

Sur les 13 personnes ayant déjà mis en place ce type de façade multi-couches, on peut voir que pour 6 projets - soit environ 46,2% des potentiels 13 projets totaux - il s’agissait d’une double peau ventilée (dont une étant associée à des protections solaires), ce qui montre la popularité de cette solution parmi les équipes de conception. On peut également voir que 3 projets étaient des double peaux de protection solaires (autre qu’une résille métallique), également assez utilisées en conception, et seulement 2 de ces double peaux se réfèrent à des éléments végétalisés.

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Figure II-4 : Réponses données à la question « Quel a été le motif de ce choix ? » (Section 3 du questionnaire)

Nous pouvons voir ensuite que même si le désir d’amélioration du confort et de la performance énergétique sont des objectifs de conception importants, quand on choisit une double peau, l’esthétique prime. Pour 10 des 13 projets, soit 76,9% des interrogés, c’est un des motifs importants sur lequel s’est basé le choix de mettre en place une double peau. Il faut cependant rappeler que les motifs de ce choix pouvaient être multiples, et l’esthétique pouvait donc être un motif de la même importance que la performance énergétique sur un même projet par exemple.

Figure II-3 : Réponses données à la question « Un autre type de double peau a-t-il été envisagé ? » (Sec. 3 du questionnaire)

On s’aperçoit ici que la plupart du temps (8 projet sur 13), aucun autre type de double peau que le choix initial n’est envisagé.

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Figure II-5 : Réponses données à la question « Pour quelle raison cette autre possibilité a-t-elle été écartée au profit de la double peau finalement mise en place ? » (Section 3 du questionnaire)

Cependant, lorsque les concepteurs hésitent entre deux systèmes de double peaux, ici aussi, l’esthétique prime, et c’est la préférence esthétique, qui va déterminer le choix. Dans certains cas, on peut voir que c’est aussi une étude préalable sur les performance qui va aider les concepteurs à se décider. Maintenant, nous allons nous intéresser brièvement à la seule personne, sur les 14 interrogés, qui n’avait pas réalisé de projet comprenant une double peau. À la question « Une telle solution a-t-elle déjà été envisagée dans un projet auquel vous avez participé ? » cette personne a répondu qu’une double peau avait bel et bien été envisagée.

Figure II-6 : Réponses données à la question « Pourquoi cette solution n’a-t-elle pas été retenue ? » (Section 4 du questionnaire)

Maintenant, si on regarde les raisons de la rétractation de l’équipe de conception sur la mise en place d’une telle façade, on peut voir que la double peau a principalement été écartée pour des raisons budgétaires et parce que « l’efficacité du système ne justifiait pas l’investissement ». Cette observation résonne avec la remarque que m’a faîte Sébastien RANDLE (Ingénieur et chef de projets dans un bureau d’étude de qualité environnementale) lors de notre entretien : « C'est vrai qu'il y a un surcoût de la double peau qu'il faut intégrer et qui va se faire au détriment d'autre chose sur le projet, forcément. La 50


double peau […] est assez chère car ça fait comme une façade en plus à construire ». Comme le rappelle Michel REYNAUD, architecte, paysagiste et écologue, dans une de ses réponses au questionnaire, « C'est une solution parmi d'autre de protection des façades ». Ainsi, la mise en place d’une double peau doit être réfléchie car elle peut prendre une part importante dans le budget alloué à un projet. Même si, en pratique, cette réflexion semble portée par l’esthétique, suivi d’une considération des performance énergétiques et de l’apport sur le confort, elle doit aussi se baser sur le contexte du projet, « Parce que selon le site, il sera plus ou moins opportun et faisable d'utiliser une double peau qui peut avoir des objectifs de confort (thermique été et hiver - , acoustique, olfactif), d'amélioration technique etc... » précise Robert CELAIRE, ingénieur conseil en performance énergétique et prestations environnementales.

II.2.3.2 Une solution de conception employée en construction neuve et en réhabilitation Comme nous l’avons vu dans la première partie, la double peau semble être une solution employable en construction neuve et en réhabilitation. Dans cette sous-partie, nous chercherons donc à savoir si, en pratique, cette solution est mieux adaptée à l’une de ces situations, et nous tenterons de situer l’avis des concepteurs sur ses atouts et ses faiblesses pour ces deux utilisations complètement différentes. Dans le questionnaire, je demandais à mes interlocuteurs leurs avis sur la place de ces double peaux dans la conception, à savoir si elle était plutôt adaptée en construction neuve, plutôt en réhabilitation, ou si elle l’était autant en neuf qu’en réhabilitation. Cette question était suivie de la question : « Pourquoi ? », où les personnes interrogées pouvaient développer leur réponse.

Figure II-7 : Réponses données à la question « Pensez-vous que ce type de solution est plus adapté - » (Sec. 2 du questionnaire)

Ainsi, on peut voir que plus de la moitié des personnes interrogées pensent que cette solution est adaptée autant en réhabilitation qu’en construction neuve. On a également 21,4% qui pensent qu’elles sont plus adaptées pour de la construction neuve et seulement 7,1% qui privilégient son utilisation uniquement pour la réhabilitation. On n’observe donc pas spécialement de « domaine de prédilection » pour ce type de façade, la double peau semble plutôt polyvalente. Cependant, dans les justifications de leur choix, on peut relever quelques points remarquables. Sur de nombreux retours, les personnes interrogées font part des « services rendus différents » dans les deux cas de figure, avec « des spécificités de mise en œuvre et des prérequis différents » : En réhabilitation, « les conditions de l'existant » sont déterminantes et « l'apport d'une seconde peau doit subir une analyse fine pour créer les bonnes conditions de mise en œuvre d'une seconde peau ». La place disponible est le premier élément d’analyse puisque cette dernière est souvent « limitée ». Cela pose la question du rapport au sol, est-ce que cette double peau peut s’ancrer dans le sol et donc « s'affranchir des contraintes formelles et structurelles de l'existant » ? Ou est-elle structurellement dépendante de la façade existante ? On peut également remarquer qu’elle présente un potentiel pour « obtenir une bonne performance thermique sur des projets dont la façade est protégée au titre des monuments historiques, par exemple ». Cependant, la question du budget est aussi régulièrement mise en avant, et le « problème en réhabilitation, c'est que c'est cher... », il y a « plutôt plus de budget en neuf », rajoute Ian McCALL. Lors de notre entretien, il a également précisé ses propos : « Pour un projet lambda en rénovation, je pense que c’est 51


impossible de rentrer dans les coûts. […] les prix de départ sont beaucoup plus faibles, les marchés sont moins intéressants et la marge est plus difficile ». De plus, selon lui, de nos jours, la plupart des rénovations et des réhabilitations sont des bâtiments de logements, qui peuvent être moins adaptés. Il considère néanmoins que pour une façade classée ou un monument historique, cela peut être une solution intéressante et adaptée. Pour résumer, la double peau ne semble donc pas être prédestinée à un domaine en particulier, chaque projet est différent et une analyse du site, qu’il comprenne un bâtiment existant ou non, doit être menée pour déterminer si une double peau est adaptée. Cependant, le budget étant moins important en réhabilitation, c’est une solution qui sera souvent écartée au profit de solutions plus abordables ; à l’exception de quelques opportunités particulières (façades classée, monument historique, etc.).

II.2.3.3 L’influence du commanditaire

Figure II-8 : Réponses données à la question « Qui a été à l’origine de cette décision ? » (Section 3 du questionnaire)

On peut voir ici que sur les 13 projets de double peaux auxquels ont participé les personnes interrogées, au moins 84,6% du temps la décision de mettre en place une telle façade était venue de l’équipe de conception (voir même 92,3% si on compte la personne qui a répondu « l’architecte », qui fait partie de cette équipe) ! Cela montre que l’équipe de conception a un réel pouvoir de proposition et que le client semble avoir peu d’influence sur la décision, ou non, de réaliser une double peau. Cela semble plutôt logique : l’équipe de conception doit être en capacité de produire une réponse adaptée à la demande du client, au cahier des charges. Si une double peau permet – en théorie – de rentrer dans ces contraintes, il n’y a pas de raison pour qu’un commanditaire rejette la proposition. Toutefois, il est également utile de rappeler que c’est le commanditaire qui aura le dernier mot. Selon Philippe SAMYN, architecte, ingénieur et urbaniste belge, « sans un commanditaire l'architecte est absolument incapable de produire quoi que ce soit. Le sort de l'architecte est intimement lié à la générosité intellectuelle du commanditaire ». Durant notre entretien, il m’a raconté les débuts de sa carrière, et ce qui l’a mené à trouver un commanditaire qui lui fasse confiance pour réaliser des double peaux. « J'ai commencé par une série de projets qui se sont faits ratatiner parce que les commanditaires n'en comprenaient pas le sens » m’explique-t-il. Cependant, il a ensuite été recommandé à Sidmar, une grande aciérie de l'industrie métallique de l'époque, qui lui a confié la réalisation de l’extension d’un centre de recherche, le projet Smithkline beecham biologicals. Dès lors, il a été plus facile pour lui de pouvoir s’exprimer dans une architecture mêlant structure acier et vitrages, car pour « un commanditaire dont l'acier est le métier […] cette architecture lui semblait assez logique » (Entretien avec Philippe SAMYN). C’est de cette collaboration que naîtra plus tard d’autres projets, comme Brussimo que nous avons évoqué plus tôt.

« La première chose qui est essentielle c'est que le commanditaire ait d'abord pris le temps, de manière assez disciplinée, de savoir ce qu'il voulait réellement, et d'accepter le défi de la critique de ce qu'il veut par rapport à la pérennité, à l'environnement social et historique, etc. […] La question 52


formulée par le commanditaire est la base de toute réflexion et elle est nourrie, ou contrainte, par les caractéristiques du site. » (Entretien avec Philippe SAMYN) Ainsi, les choix de conception semblent davantage relever d’un consensus entre l’architecte et le commanditaire que d’une décision unilatérale. Le choix d’une double peau peut donc reposer sur une proposition de l’équipe de conception, mais dans l’idéal, il devrait être basé sur un échange et une réflexion approfondie des deux partis pour appréhender les tenants et les aboutissants qui vont conditionner le succès de son utilisation. Dès lors, on peut peut-être se demander si le « pouvoir esthétique » des double peaux n’était pas également utilisé comme un atout pour « séduire » le client, et biaiser cet échange dans le but de fixer et faire avancer la conception, parfois au détriment de réelles motivations en termes de performances et de confort.

II.2.4

Valeur ajoutée et réelle pertinence ?

Comme nous l’avons évoqué au début de cette partie, la réalisation d’une double peau induit, de fait, une mise en place de matière supplémentaire qui est souvent justifiée par des promesses d’amélioration du confort et des performances énergétiques. Après ces observations plutôt mitigées sur les double peau, on peut se demander si elles apportent réellement une plus-value, et si les objectifs de performance sont atteints sur les projets une fois réalisés.

Figure II-9 : Réponses données à la question « Si le projet s’est réalisé, les objectifs de cette façade double peau ont-ils été atteints ? » (Section 3 du questionnaire)

Quand on demande aux concepteurs interrogés dans le questionnaire si les objectifs définis pour leur façade double peau ont été atteints, on peut voir que « seulement » 6 des 11 projets réalisés semblent avoir bel et bien atteint ces objectifs. Cela laisse supposer qu’une partie de ces double peaux fonctionnent malgré tout, probablement grâce à une conception poussée qui a su tirer des leçons des nombreuses double peaux dont l’impact se révélait négatif. D’après Nicolas PAULI, docteur en Mécanique et Génie Civil, « c’est vachement bien les doubles peaux. Le tout c’est de bien les faire ». Cependant, cela reste un ratio de réussite assez faible et on peut remarquer qu’on retrouve tout de même 36,4% des bâtiments, c’est-à-dire 4 projets, qui n’atteignent leurs objectifs qu’en partie. Les expériences de réussites complètes ne sont donc pas si courantes et pour au moins 2 d’entre eux, ce sont uniquement les objectifs esthétiques qui ont été atteints. L’esthétique semble donc être une des seule caractéristique de la double peau vraiment immuable, même dans des projets où la performance n’est pas au rendez-vous. Selon Bernard PAULE, « la double peau, c’est une solution pour construire une image maîtrisée à l’extérieur. Et en réalité, cette image maîtrisée offre le plus souvent des prestations négatives par rapport aux usagers à l’intérieur. ». Il pense que cette solution est la composante d’une architecture qui n’accorde « aucune empathie » à l’usager, où « l’architecte veut offrir des objets » et se focaliser sur un geste architectural plutôt que sur une réelle offre pour les usagers. Philippe 53


SAMYN, architecte, ingénieur et urbaniste belge, a une vision un peu différente. Il a réalisé de nombreux projets de double peaux et pourtant il a toujours accordé une place importante aux usagers, tout en cherchant à innover.

« Pour moi, l'Esthétique appartient aux domaines des arts, mais elle n'appartient pas au domaine de l'Architecture. L'architecture est une manifestation intellectuelle particulière, c'est le fruit d'une considération imparfaite d'une série de préoccupations. […] L'architecture n'a rien à voir avec une image, c'est un concept, un ancrage socio-culturel, environnemental, le plus modeste possible, et en même temps c'est ce qui peut éventuellement mener à une certaine poésie. L'architecture est plus proche de la musique et de la poésie que tout autre art. » (Entretien avec Philippe SAMYN) Pourtant, comme nous l’avons vu, la considération esthétique pour ce type de façade semble être un des moteurs menant à leur choix dans le processus de conception. Pour les double peaux ventilées, cela semble être une recherche du « nu spéculaire » et de l’aspect « lisse et super classe de la façade vitrée » d’après Nicolas PAULI. Pour les double peaux de protections solaires cela serait plutôt une image « maîtrisée », avec une façade expressive dans sa technicité. Ainsi, les retours d’expérience semblent montrer que la plupart des double peaux apportent une valeur ajoutée principalement esthétique, associée à une mise en place coûteuse et technique. De plus, elles constituent une complexité de conception supplémentaire qui induit une mise en place de matière additionnelle souvent associée à une quantité importante d’énergie grise. Avec un impact sur le confort et la performance énergétique parfois négatif, cette solution semble aujourd’hui en décalage avec la nécessaire sobriété de matière induite par la crise environnementale que nous traversons.

II.3 La recherche pour tendre vers des solutions plus pertinentes Face aux retours d’expériences parfois négatifs qui accompagnent la mise en place de ce type de façade, on peut se demander quels sont les domaines de recherche à privilégier pour tendre vers des solutions de façades double peaux qui seraient plus pertinentes et dont la fonction irait plus loin qu’un apport esthétique.

II.3.1

Innovations

Dans la partie I.3.4, intitulée « Les dispositifs plus complexes comprenant parfois des innovations technologiques », nous avons déjà cité certaines innovations qui peuvent trouver une application sur les double peaux, comme le verre électrochrome, qui « change de coefficient de transmission des rayons solaires » 182 lorsqu’un faible courant électrique le traverse (enclenché grâce à une commande manuelle). Lors de mon entretien, Sébastien RANDLE, ingénieur et chef de projets chez Étamine, a évoqué l’utilisation d’un autre verre innovant : le verre thermochrome. Il pense que c’est une innovation intéressante pour le développement de façades plus pertinentes, et pourquoi pas pour les double peaux ventilées, du fait de sa capacité à modifier automatiquement son opacité en fonction de la température grâce à des cristaux dans sa composition : plus la température augmente, plus le verre devient sombre et protège du soleil. De son côté, Ian McCALL, Ingénieur Construction Durable chez Losinger Marazzi, en Suisse, pense qu’il faut améliorer ce qu’on a déjà, et qu’il « faut faire des études plus poussées sur les impacts d’énergie grise, analyse de cycle de vie, et/ou analyse coût global du bâtiment en exploitation » pour en tirer des éléments optimisables. Enfin, pour pallier le manque de lumière engendré par certaines double peaux de protections solaires, qui sont évoquées dans l’article de Bernard PAULE, la recherche est en cours. Une piste d’amélioration se trouve peutêtre dans certains projets innovants, comme le projet du Siège social d’AGC Glass Europe, qui met en place une protection solaire qui permet de diffuser la lumière !

182 Inconnu, Façade active, Wikipedia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Fa%C3%A7ade_active

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Siège Social d’AGC Glass Europe par Samyn & Partners Ce projet, situé en Belgique dans la ville de Louvain-laNeuve, a été conçu par Philippe SAMYN, architecte, ingénieur et urbaniste belge avec qui j’ai eu l’occasion de réaliser un entretien. Ce bâtiment de bureaux, dont l’organisation est « régulièrement tramée sur un plan carré de 81 m de côté » 183 , se compose de 4 ailes séparées par des patios extérieurs plantés. Le projet avait pour ambition de tendre vers un bâtiment « zéro énergie » 184. Pour ce faire, il met en place du matériel performant avec, par exemple, des circulateurs à faible Figure II-10 : Le bâtiment du Siège Social d'AGC Glass Europe (Source : samynandpartners.com) consommation, et il fait appel aux énergies renouvelables, avec des panneaux photovoltaïques, des sondes géothermiques, ou encore des pompes à chaleur 185. Une attention particulière a également été portée sur les stratégies d’économies d’énergie et d’amélioration du confort avec une certaine isolation, et surtout une réduction des besoins en éclairage artificiel par l’installation d’une double peau de « pare-soleil à lamelles de verre » 186 sur les façades du bâtiment. D’après Philippe SAMYN, ces vantelles pare-soleil sont issues d’un concept déjà développé en 1998 pour la rénovation du siège de ENI à Rome, un concours que son agence a remporté mais qui n’a jamais pu être construit. À l’origine du concept, ces vantelles étaient en tôle mince d’acier, mais « étant donné que le commanditaire était producteur de verre, il ne se voyait pas mettre des ventelles en acier sur son bâtiment. Et donc il était prêt à développer des ventelles sérigraphiées en verre ce qui est magnifique même si ce n’est pas forcément la manière la plus économique de faire » (Entretien avec Philippe SAMYN). Le principe de ces ventelles est simple, ce sont des lames de verres sérigraphiées sur les deux faces avec des bandes blanches. Comme vous pouvez le voir sur les illustrations ci-dessous, les bande blanches sont alternées et distantes de leur largeur 187 , ce qui fait qu’elles bloquent les rayonnements solaires (et la vue) qui ont une incidence perpendiculaire à la ventelle. À l’inverse, lorsque l’on regarde la ventelle et que celle-ci est inclinée, l’alternance des bande blanches avec des surfaces transparente permet de voir au travers ! Figure II-11 : Prototype illustrant le principe de l'alternance des bandes opaques (Source : samynandpartners.com)

Figure II-12 : Schéma explicatif sur la capacité de protection solaire et le potentiel de transparence (Source : samynandpartners.com)

183 Samyn & Partners, 577 – Siège social d’AGC Glass Europe, 2014, Louvain-la-Neuve, Belgique. Lien :

https://samynandpartners.com/fr/portfolio/head-office-of-agc-glass-europe-5/

184 Ibid. 185 Ibid. 186 Ibid.

187 Samyn & Partners, 03/402-1 – Vantelles pare-soleil en tôle mince d’acier, Lien :

https://samynandpartners.com/fr/portfolio/03-402-1-vantelles-pare-soleil-tole-mince-acier/ 55


L’ensemble de ce bâtiment, ces vitrages et les ventelles sont faîtes en verre extra clair, ce qui a comme caractéristique d’avoir un extraordinaire indice de rendu de couleurs, contrairement au verre à vitre ordinaire, où vous perdez 20% de votre acuité colorée. La couleur à l’intérieur est presque la même qu’à l’extérieur, mais, au-delà de ça, ce verre a une très haute transmission lumineuse. (Philippe SAMYN, dans une vidéo de présentation du bâtiment 188)

Figure II-13 : Ventelles pare-soleil employées sur le bâtiment (Source : samynandpartners.com)

Pour utiliser le plein potentiel de ces ventelles et protéger du soleil tout en profitant de la transparence, il fallait les orienter en continu de façon à ce que le rayonnement solaire lui soit perpendiculaire en permanence 189. Pour ce faire, Philippe SAMYN m’explique que « les ventelles sont guidées à l'aide d'une informatique pointue, avec les mesures des températures sèches et humides, du rayonnement solaire, de la vitesse du vent, etc. Tout ça c'est géré par des machines, à l'échelle du bâtiment, […] de manière à optimiser l’équilibre des températures ». D’après lui « ça fonctionne vraiment très bien ! », et il est ainsi possible de quasiment se passer d’éclairage artificiel pendant la journée, ce qui permet de faire des économies d’énergie substantielles. Cependant, cette innovation a aussi ses limites : « ce sont des systèmes très performants mais en même temps très fragiles […] de temps en temps il faut aller à l'entretien. » (Entretien avec Philippe SAMYN) Il semble y avoir certains lots de panneaux qui tombent ponctuellement en panne et « très régulièrement ils doivent réparer un accumulateur à gauche ou à droite », mais « c'est le prix à payer pour avoir un bâtiment zéro énergie » selon lui. Ce système de ventelles très intéressant prouve que l’innovation peut se faire à partir de choses simples et d’un peu d’ingéniosité. Lorsque je lui ai demandé s’il avait eu l’occasion de mettre en place la dernière version de ce concept, en tôle d’acier, il m’a expliqué que ce n’était pas encore le cas : « Vous savez, parfois il faut un temps fou pour transformer une idée en réalité » a-t-il alors ajouté. Cela montre que l’innovation peut tout de même prendre du temps et qu’il faut être patient.

II.3.2

Végétalisation des façades

Selon Florent CAPPOEN, ingénieur, architecte, et directeur de projets chez Arcora, un des domaines de recherches à privilégier est l’intégration du vivant dans ces façades, principalement avec des plantes grimpantes. Chez Arcora, qui est un bureau d'études spécialisée dans les domaines de la structure, de l'enveloppe et de la façade des édifices et ouvrages complexes, ils disposent d'ailleurs d’un département de recherche sur les innovations en façade, « le Lab », dont une des thématiques de travail actuelle est la mise en place de végétaux en façade (Entretien avec Florent CAPPOEN). Selon Ian McCALL, Ingénieur Construction Durable chez Losinger Marazzi, en Suisse, la route est encore longue avant d’arriver à de telles solutions végétalisées : « Il faut déjà qu’on maîtrise les toitures végétalisées, les espaces extérieurs végétalisés en termes de biodiversité, de faune et de flore, des espèces locales, des aménagements en exploitation sans pesticides. Je pense qu’il faut du temps pour qu’on arrive à la maturité de tous ces éléments avant d’attaquer 188 Samyn & Partners, 577 – Siège social d’AGC Glass Europe, 2014, Louvain-la-Neuve, Belgique. Lien :

https://samynandpartners.com/fr/portfolio/head-office-of-agc-glass-europe-5/

189 Samyn & Partners, 03/402-1 – Vantelles pare-soleil en tôle mince d’acier, Lien :

https://samynandpartners.com/fr/portfolio/03-402-1-vantelles-pare-soleil-tole-mince-acier/ 56


une double peau végétalisée ». Cependant, il admet que l’idée est très intéressante, et que « cela pose beaucoup d’enjeux » (Entretien avec Ian McCALL). Il est intéressant de souligner que la végétalisation des façades est une des solutions citées par le GIEC, dans le second volet de son 6ème rapport, pour faire face aux changements climatiques et adapter nos ville. Il semblerait donc que cela soit une piste de recherche à privilégier. Mais où en est-t-on de cette recherche aujourd’hui ? La double peau végétalisée semble être une piste, mais est-ce la seule ? N’existe-t-il pas déjà des solutions viables de végétalisation des façades ? C’est sur ces questions que nous nous pencherons dans la troisième partie de ce mémoire.

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III.

LA VÉGÉTATION COMME ÉLÉMENT ACTIF

Dans cette partie, nous aborderons les façade actives végétalisées, aussi appelées « vertical gardens ». Que ce soit par des façades simples avec des couvertures de plantes grimpantes et des murs vivants, ou par des façades multi-couches comme des double peaux végétalisées, ces façades semblent constituer une solution d’avenir qui se développe de jours en jours. Comme nous l’avons évoqué, la végétalisation des façades fait d’ailleurs partie des préconisations du GIEC pour s’adapter aux changements climatiques, ce qui laisse penser qu’il s’agit de solutions souhaitables dans le cadre de la transition écologique...

III.1 Rappel du contexte environnemental Le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) est une institution chargée d’évaluer les données scientifiques, techniques et socio-économiques nécessaires pour mieux comprendre les risques et les conséquences possibles liés au réchauffement climatique, afin d’envisager d’éventuelles stratégies d’adaptation et d’atténuation 190. Dans leur 6ème rapport, le GIEC rapporte que nous avons atteint en 2021 un réchauffement de +1,09°C par rapport à l’ère préindustrielle 191. Ces changements climatiques ont de nombreuses conséquences sur les écosystèmes, sur la biodiversité, et sur nos sociétés. L’impact présent et possiblement futur - de ce bouleversement met en évidence la nécessité de s’adapter au changement climatique, et de réduire nos émissions de gaz à effet de serre pour le limiter au maximum.

« L’ampleur des risques associés au changement climatique va fortement dépendre de notre capacité à diminuer drastiquement et rapidement nos émissions de CO2. Les impacts du changement climatique s’annoncent considérables, des « impacts en cascade » et « des risques qui deviennent de plus en plus complexes et difficiles à gérer » si le réchauffement climatique dépasse les +1,5 °C. » 192 Aujourd’hui, près de 75 % des environnements terrestres et 40% des environnements marins sont sévèrement altérés par les activités humaines 193 . L’impact sur la biodiversité est dévastateur. Sur les 5,9 millions d’espèces terrestres connues, plus de 500 000 n’ont plus un habitat naturel propice à leur survie à long terme 194. Selon Brune Poirson, « toutes les 20 minutes, il y a une espèce qui disparaît »195 et on compte plus d’un million d’espèces animales et végétales en danger d’extinction 196, soit environ 1 espèce sur 8 ! En moins de cinquante ans, on a pu observer une déclin de 69% en moyenne sur les populations de vertébrés 197 (oiseaux, poissons, mammifères, amphibiens et reptiles). D’après le rapport Planète Vivante de WWF, « si nous ne parvenons pas à limiter le réchauffement à 1,5 °C, le changement climatique deviendra la principale cause de perte de biodiversité au cours des prochaines décennies » 198. De plus, il ne faut pas oublier que l’espèce humaine fait partie de cette biodiversité, et le changement climatique nous impacte directement. On estime qu’entre 3,3 et 3,6 milliards de personnes vivent aujourd’hui dans un environnement vulnérable

190 Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), Octobre 2013, Principes régissant les travaux du GIEC,

p.p.2, https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/09/ipcc_principles_fr.pdf 191 Domergue, Lisa, (2022), GIEC : 4 chiffres pour comprendre les effets du changement climatique, Carenews, https://www.carenews.com/carenews-info/news/giec-4-chiffres-pour-comprendre-les-effets-du-changement-climatique 192 Inconnu, Réchauffement climatique : selon le GIEC quel rôle le bâtiment et ses industries peuvent-ils jouer ?, Cercle Promodul / INEF4, https://cercle-promodul.inef4.org/publication/analyse-rapport-giec-role-batiment-industries/ 193 Ouest-France, (2019), Biodiversité. Les 15 chiffres inquiétants qui illustrent l'ampleur de la crise, https://www.ouestfrance.fr/environnement/ecologie/biodiversite-les-15-chiffres-inquietants-qui-illustrent-l-ampleur-de-la-crise-6336484 194 Ibid. 195 PublicSenat, (6 Juilllet 2018), Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique, revient sur le plan biodiversité, sur le plateau de Territoires d’Infos, https://www.dailymotion.com/video/x6nrmhk 196 Ouest-France, (2019), Biodiversité. Les 15 chiffres inquiétants qui illustrent l'ampleur de la crise, https://www.ouestfrance.fr/environnement/ecologie/biodiversite-les-15-chiffres-inquietants-qui-illustrent-l-ampleur-de-la-crise-6336484 197 WWF, Le rapport Planète Vivante du WWF révèle une baisse dévastatrice de 69% des populations d'animaux sauvages vertébrés en moins de cinquante ans (13 octobre 2022), https://www.wwf.fr/vous-informer/actualites/le-rapport-planete-vivante-du-wwfrevele-une-baisse-devastatrice-de-69-des-populations-danimaux 198 Ibid. 58


aux effets du changement climatique 199 et si nous atteignons les +4°C, c’est 1 milliard d’habitants des régions côtières qui pourraient être menacés d’ici 2050 200 ! En parallèle, l’explosion démographique et l’exode rural accélèrent l’urbanisation, et d’ici 2030, on devrait compter 60% de la population mondiale 201 dans les zones urbaines. Ces zones urbaines augmentent leur densité pour limiter l’étalement urbain et accueillir toujours plus de population, mais cette densification des tissus urbains est également « responsable de la hausse locale des températures » 202 à cause du phénomène d’îlot de chaleur, qui contribue à intensifier les températures élevées lors des vagues de chaleur 203. Pour faire face à cette chaleur extrême, on met en place des « fausses bonnes solutions », comme la climatisation. Or, « plus il fait chaud, plus il y a de climatiseurs…et plus il y a de climatiseurs, plus il fait chaud ! » 204 Selon le GIEC, la climatisation participe en effet « fortement à renforcer les effets de ces « bulles de chaleur » urbaines très localisées » 205 et elle est responsable de près de 5% des émissions d’équivalent CO2 du secteur bâtiment 206 , ce qui fait de cette solution un véritable non-sens environnemental. Dans le second volet de son 6ème rapport, le GIEC aborde les stratégies à mettre en place pour permettre de lutter efficacement contre ces îlots de chaleur. Parmi elles, on peut retrouver « l’emploi de l’eau comme rafraîchissant urbain » ou encore « la végétalisation des îlots, des quartiers, des villes » 207. À l’échelle des bâtiments, le GIEC conseille de combiner plusieurs techniques de rafraîchissement passif pour s’adapter aux conséquences négatives du changement climatiques. Il encourage donc, entre autres, la mise en place de stratégies de ventilation naturelle, l’ombrage avec des protections solaires, ou encore la végétalisation avec des toitures et la mise en place de façades végétalisées 208…

III.2 Une végétalisation des surfaces verticales L’urbanisation croissante de notre environnement pose de nombreux problèmes qui peuvent accentuer les effets négatifs de l’évolution récente du climat. L’anthropisation et l’étalement urbain se réalisent au détriment des espaces naturels, ou agricoles, et participent à la réduction de la biodiversité de par la destruction des écosystèmes et des habitats naturels qui abritent de nombreuses espèces. De plus, l’imperméabilisation des sols renforce le phénomène de ruissellement 209 qui accentue les dégâts causés par les inondations lors de pluies importantes. Enfin, les transports, l’industrie, le chauffage de certains bâtiments ou même l’agriculture (utilisation d’engrais azotés, pesticides, émissions animales, etc. 210 ) participent à l’augmentation locale de la pollution atmosphérique, néfaste pour la santé et l’environnement… Face à ces problématiques, la végétalisation des zones urbanisées semble être un enjeu crucial à considérer si l’on veut adapter nos villes aux conséquences négatives du changement climatique. En effet, la mise en place de 199 Domergue, Lisa, (2022), GIEC : 4 chiffres pour comprendre les effets du changement climatique, Carenews,

https://www.carenews.com/carenews-info/news/giec-4-chiffres-pour-comprendre-les-effets-du-changement-climatique

200 Ibid.

201 Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), 28 février 2022, 6ème rapport général (AR6), Volet 2 :

Changement Climatique 2022 : Impacts, Adaptation et Vulnérabilité, Chapitre 6 « Villes, agglomération et infrastructures clés », pp.3675 (p.1 175), https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg2/ 202 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.11-12), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 203 Ibid. 204 Inconnu, Réchauffement climatique : selon le GIEC quel rôle le bâtiment et ses industries peuvent-ils jouer ?, Cercle Promodul / INEF4, https://cercle-promodul.inef4.org/publication/analyse-rapport-giec-role-batiment-industries/ 205 Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), 28 février 2022, 6ème rapport général (AR6), Volet 2 : Changement Climatique 2022 : Impacts, Adaptation et Vulnérabilité, Chapitre 6 « Villes, agglomération et infrastructures clés », pp.3675 (p.1 175), https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg2/ 206 ADEME presse, 30 juin 2021, La climatisation : vers une utilisation raisonnée pour limiter l’impact sur l’environnement, https://presse.ademe.fr/2021/06/la-climatisation-vers-une-utilisation-raisonnee-pour-limiter-limpact-sur-lenvironnement.html 207 Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), 28 février 2022, 6ème rapport général (AR6), Volet 2 : Changement Climatique 2022 : Impacts, Adaptation et Vulnérabilité, Chapitre 6 « Villes, agglomération et infrastructures clés », pp.3675 (p.1 175), https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg2/ 208 Ibid. 209 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.11-12), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 210 Inconnu, Pollution de l’air, particules, ozones : pourquoi nos villes étouffent ?, Cercle Promodul / INEF4, https://cerclepromodul.inef4.org/publication/pollution-de-lair-pourquoi-nos-villes-etouffent/ 59


végétation peut rendre différents « services écosystémiques » 211 et semble apporter des solutions adaptées à ces difficultés. Elle permet de lutter contre le ruissellement grâce à sa capacité d’absorption mais également contre la pollution atmosphérique grâce à ses propriétés de filtration. De plus, c’est une des stratégies de rafraîchissement passif recommandées par le GIEC pour limiter l’effet d’îlot de chaleur urbain. Enfin, les végétaux permettent de séquestrer du carbone en absorbant le CO2, tout en produisant de l’oxygène grâce à la photosynthèse. Cependant, à l’heure où chaque parcelle libre de terrain doit faire face à l’appétit vorace du marché de l’immobilier qui participe à densifier et minéraliser davantage cet environnement, le végétal a parfois du mal à trouver sa place dans la ville. Il faut alors étudier toutes les opportunités pour lui redonner de l’importance dans les milieux urbanisés.

« Étant donné que les élévations représentent 80% de la superficie de tout projet d’aménagement, et donc, par définition, 80% de la superficie de toute ville, […] la durabilité ne sera atteinte que lorsque nous adopterons cette vaste ressource inexploitée du tissu urbain, et que nous verdirons ce désert écologique. » Chris Churchman, directeur de Churchman Thornhill Finch, une agence d'architecture, de paysagisme et d’urbanisme 212 L’utilisation des surfaces verticales pour végétaliser les espaces en milieu urbain semble ainsi être une solution cohérente et logique, en particulier dans un contexte où « la densité de construction et l’imperméabilisation rendent les surfaces horizontales propices à la végétalisation de plus en plus rares » 213. C'est donc dans ce contexte que prend tout son sens le concept de façade végétalisée (ou vertical garden) qui consiste, comme son nom l'indique, à disposer de la végétation en façade. « Ce procédé nouveau enrichit la construction par la création d’un véritable biotope en constant mouvement, procurant une saisonnalité d’aspect et de couleurs. C’est une solution intéressante et neuve qui s’offre aux concepteurs pour intégrer une construction à son environnement ou intégrer à la ville une nouvelle typologie d’espaces verts. » 214 Cette typologie peut se traduire sous différentes formes et s’appuyer naturellement sur l’existant, se composer d’éléments modulaires singuliers, ou encore reposer sur des structures indépendantes, souvent métalliques.

III.3 Typologies Le choix d’une typologie de façade végétalisée va dépendre de plusieurs facteurs. D’abord le climat, les amplitudes de températures, et l’orientation projetée de la (ou des) façade(s) végétalisée(s), qui vont déterminer les essences végétales viables pour réaliser une telle façade. Ensuite, on a l’espace disponible au sol, qui va être déterminant pour définir le type de structure de support utilisé, un support qui peut être très différent selon les essences employées. Enfin, le contexte et les objectifs de cette végétalisation, qui vont définir l’usage de la façade végétalisée, les interactions possibles entre le végétal et son environnement ou au contraire sa mise en retrait pour la préserver. Ainsi, la végétalisation de l’existant sera parfois très contrainte, et l’emploi d’un façade végétalisée en construction neuve laissera, quant à elle, toute la place pour anticiper et adapter aux mieux ces paramètres dès la phase de conception. Il existe de nombreuses typologies de végétalisations verticales des façades, allant de la végétalisation intégrée au bâtiment avec des murs vivants aux classiques balconnières ou jardinières, en passant par la végétalisation à partir du sol avec des plantes grimpantes ou la mise en place de double peaux végétalisées. Certaines nécessitent une structure de support indépendante, d’autres profitent de supports intégrés au 211 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail

de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.11-12), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 212 Inconnu, Green Walls and Biophilic Design - are companies greening to Greenwash ?, (Mars 2020), Scotsape, https://www.scotscape.co.uk/news/living-walls-biodiversity-greenwashing 213 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail de

fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.2), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 214 M.F., "Façades végétalisées - une régulation thermique esthétique et naturelle", Les Cahiers techniques du bâtiment, n°297, Mai 2010, pp.75-80 (p.75) 60


bâtiment, et d’autres encore peuvent se développer librement. Chacune de ces solutions a ses propres spécificités et exigences, que nous allons étudier par la suite.

III.3.1 Plantes grimpantes III.3.1.1 Principe La végétalisation des façades par plantes grimpantes n’est pas une idée révolutionnaire. Ces plantes sont utilisées pour habiller les façades depuis des millénaires afin d’apporter des zones d’ombre ou des fruits par exemple. « Il y a 500 ans en Europe centrale, les vignes étaient très populaires dans les châteaux et les villages, tout comme les rosiers grimpants pour leurs qualités ornementales » 215. Aujourd’hui, la technique n’a pas beaucoup évolué : l’utilisation des plantes grimpantes pour la végétalisation des façades consiste donc d’abord à les planter à la base d’un mur, ou dans des contenants, comme des jardinières par exemple, lorsque ce n'est pas possible. Les plantes grimpantes se développent ensuite vers le haut, en s'accrochant à même le mur (méthode « directe »), ou le long d’une structure porteuse espacée de ce dernier (méthode « indirecte »). Choix des essences : Il existe différentes variétés de plantes grimpantes dont les plus connues sont : les rustiques comme le rosier grimpant, les exotiques comme la passiflore ou encore les annuelles comme le géranium grimpant 216. Lors de notre entretien, le botaniste Gilles Clément a également mentionné l’usage de la glycine et de la vigne (climat méditerranéen), au fort pouvoir d’extension. Le choix des essences dépendra principalement de l’orientation et de l’exposition du mur à végétaliser, du climat local et du type de sol. Même si certaines espèces s’épanouissent mieux à la mi-ombre, et d’autre complètement à l’ombre (plus rare), « la plupart des plantes grimpantes préfèrent avoir les pieds à l’ombre dans un sol frais et la tête au soleil » 217. Pour ce qui est du sol, les plantes grimpantes ne sont généralement pas exigeantes, « peu importe que le sol soit acide ou basique, sablonneux ou argileux » 218, pourvu qu’il soit fertile, frais et humide. Que son feuillage soit persistant, ou caduque (la plante perd ses feuilles en hiver), chaque plante grimpante a ses propres caractéristiques : une capacité à monter plus ou moins haut, une odeur, une période de floraison définie, un intérêt particulier (fleurs, fruits, répulsifs de nuisibles ou attractif pour la biodiversité) ou même des inconvénients (toxiques, nécessitant un entretien soutenu, pas toujours efficace, peut détériorer les supports, etc.). Une fois le contexte pris en comptes, le choix des espèces utilisées dépend donc ensuite des objectifs projetés de cette couverture végétale. Par exemple, si l’objectif de la végétalisation de la façade est esthétique, les plantes choisies auront de préférence un fort potentiel couvrant et des fleurs. Si la biodiversité est privilégiée, elles présenteront une masse végétale épaisse et enchevêtrée (nidification des oiseaux), des fleurs pour les insectes, voire même des fruits pour les oiseaux 219. Pour trouver les espèces les plus adaptées au conditions locales, des guides sont parfois fournis par les villes, selon leur politique de végétalisation. À Montpellier par exemple, il existe un « bon de végétalisation » (un équivalent au permis de végétaliser) dont le guide recommande certaines essences de plantes grimpantes, comme vous pouvez le voir ci-dessous.

Figure III-1 : Catalogue des plantes grimpantes recommandées par la ville de Montpellier dans le guide pratique du « bon de végétalisation » (Source : https://www.montpellier.fr/4396-bon-de-vegetalisation.htm) 215 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail

de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.14), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 216 Les experts Ooreka, Choisir une plante grimpante, Ooreka, https://jardinage.ooreka.fr/astuce/voir/337819/choisir-une-plantegrimpante 217 Bernier, Anne-Marie, Clancy Joseph, Ryan Catherine, Les plantes grimpantes - une solution rafraîchissante, Centre d’écologie urbaine de Montréal, 2011, 80p., En ligne : http://www.planbatimentdurable.fr/IMG/pdf/12_13_les_plantes_grimpantes_une_solution_rafraichissante_0.pdf 218 Ibid. 219 Ibid. 61


Modes de fixation des plantes : Les plantes grimpantes utilisent différentes méthodes pour s’accrocher et grimper le long d’une façade : par leurs racines (crampons ou ventouses) ou par leurs organes spécialisés (vrilles, tiges volubiles, épines) qui leur permettent de s’enrouler le long d’un support fixé à la façade 220. Une plante avec un système d’accroche racine-crampon comme le lierre, par exemple, a besoin de surfaces rugueuses, et peu réfléchissantes 221, pour s’étendre (crépi, ciment, brique, pierre), tandis que les plantes grimpantes à ventouses, comme la vigne d’ornement, « parviennent à s’accrocher à des surfaces relativement brillantes comme des pierres enduites, grâce à la substance collante que sécrètent leurs ventouses » 222. Cette capacité à s’accrocher à n’importe quelle surface n’est pas à prendre à la légère car les plantes grimpantes peuvent, à terme, endommager la façade si elle n’est déjà pas en bon état (infiltration dans des micro-fissures). Les grimpantes à vrilles, comme la passiflore ; à tiges volubiles, comme la glycine ; ou à épines comme les rosiers par exemple, ne peuvent pas s’agripper d’elles-mêmes à un mur et elles nécessitent donc une structure pour les aider à grimper. En somme, l’espèce végétale choisie devra être adaptée à la surface de la façade concernée, à l’utilisation projetée, et au conditions locales. Types de supports 223 : Lorsque la végétalisation commence à partir du sol, les plantes grimpantes se développent en contact direct avec le mur, ou le long d’une structure porteuse séparée de quelques centimètres de celui-ci. Cette dernière option est d’ailleurs la plus courante aujourd’hui 224. Il existe alors plusieurs types de support : •

Les treillages métalliques ; ces derniers ayant une durée de vie plus longue car ils sont généralement conçus en acier inoxydable ou en acier galvanisé 225 , des métaux anticorrosion. À ce propos, des solutions plus respectueuses de l’environnement sont aussi disponibles, comme des treillis issus du recyclage de treillis de fer à béton ou même des treillages en bois (notamment en mélèze, chêne, robinier faux-acacia ou orme 226), qui « ont une durée de vie d’environ 25 ans s’ils sont convenablement traités » 227.

Les câbles et les fils d’acier,

Les fibres de verre, matériau avantageux mais coûteux ;

Le plastique, les cordes de chanvre et autres fibres végétales. Ils présentent cependant une courte durée de vie, ne sont pas solides, même s’ils sont économiques et esthétiques dans le cas des cordes. Ces différents supports peuvent donc être linéaires (fils, cordes, câbles, barres, tubes, chaînes, profilés), bidimensionnels (câbles entrecroisés, cadres avec treillis, panneaux ajourés, treillage), ou même •

220 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail

de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.15), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 221 Bernier, Anne-Marie, Clancy Joseph, Ryan Catherine, Les plantes grimpantes - une solution rafraîchissante, Centre d’écologie urbaine de Montréal, 2011, 80p., En ligne : http://www.planbatimentdurable.fr/IMG/pdf/12_13_les_plantes_grimpantes_une_solution_rafraichissante_0.pdf 222 Ibid. 223 Moréteau, Sylvain, Murs et toits végétalisés, Paris, Rustica Éditions, « planète écologie », 2009, 112 p. (p.15-21) 224 M.F., "Façades végétalisées - une régulation thermique esthétique et naturelle", Les Cahiers techniques du bâtiment, n°297, Mai 2010, pp.75-80 225 Bernier, Anne-Marie, Clancy Joseph, Ryan Catherine, Les plantes grimpantes - une solution rafraîchissante, Centre d’écologie urbaine de Montréal, 2011, 80p., En ligne : http://www.planbatimentdurable.fr/IMG/pdf/12_13_les_plantes_grimpantes_une_solution_rafraichissante_0.pdf 226 Institut Bruxellois pour la Gestion de L’Environnement (IBGE), Réaliser des façades vertes, Guide pratique pour la construction et la rénovation durables de petits bâtiments, IBGE, pp.14 (p.11), En ligne : https://nanopdf.com/download/ter07-realiser-desfaades-vertes_pdf 227 Bernier, Anne-Marie, Clancy Joseph, Ryan Catherine, Les plantes grimpantes - une solution rafraîchissante, Centre d’écologie urbaine de Montréal, 2011, 80p., En ligne : http://www.planbatimentdurable.fr/IMG/pdf/12_13_les_plantes_grimpantes_une_solution_rafraichissante_0.pdf 62


tridimensionnels 228 ! Le dimensionnement et la trame des éléments du support sont conditionnés par le développement et la taille adulte des plantes utilisées. De plus, l’espacement nécessaire entre le mur et le support dépendra de l’épaisseur potentielle atteignable par les tiges principales de l’espèce choisie, mais un espacement de 5 à 20 cm229 de la façade est généralement suffisant pour permettre à la plante de grandir correctement. Dans le cas des supports rigides, l’armature secondaire peut présenter différents systèmes de fixation, comme on peut le voir ci-dessous.

Figure III-2 : Illustration des différents systèmes de fixation d’un support rigide à la façade (d’après l’IBGE)

Légende 230 :

1. Structure rigide avec points d’ancrage uniformément répartis sur toute la hauteur de la paroi. 2. Structure rigide avec point d’ancrage principal à la partie supérieure du mur. Des points d’ancrage secondaires empêchent les mouvements latéraux. 3. Structure rigide prenant principalement appui au sol sur une fondation. Les points d’ancrage secondaires empêchent les mouvements latéraux. 3a. Variante avec ancrage au pied de la paroi au moyen d’équerres. 4. Structure relativement flexible : câbles tendus ou fibre de verre avec points d’ancrage principaux à leurs extrémités.

Bien entendu, il faut également s’assurer de la capacité du bâtiment à supporter les fixations du support choisi, et il est également intéressant de noter que les escaliers extérieurs et leur structure peuvent aussi servir de support, dès lors que la croissance des plantes grimpantes ne les empêche pas de remplir leur rôle, ou que la charge supplémentaire ne pose un problème 231. Enfin, il ne faut pas oublier « qu’en hiver [pour les espèces caduques], ainsi que dans les premières années de croissance des végétaux, la structure de soutien est visible » 232, leur impact esthétique doit donc être anticipé à la conception. Mode de plantation et système racinaire Les plantes peuvent être plantées en pleine terre en pied de façade, ou dans des contenants disposés à la 228 Institut Bruxellois pour la Gestion de L’Environnement (IBGE), Réaliser des façades vertes, Guide pratique pour la construction

et la rénovation durables de petits bâtiments, IBGE, pp.14 (p.11), En ligne : https://nanopdf.com/download/ter07-realiser-desfaades-vertes_pdf 229 Souza, Eduardo, Creating Vertical Gardens and Green Facades with Steel Cables (Février 2020), Archdaily, https://www.archdaily.com/933692/creating-vertical-gardens-and-green-facades-with-steel-cables 230 Institut Bruxellois pour la Gestion de L’Environnement (IBGE), Réaliser des façades vertes, Guide pratique pour la construction et la rénovation durables de petits bâtiments, IBGE, pp.14 (p.12), En ligne : https://nanopdf.com/download/ter07-realiser-desfaades-vertes_pdf 231 Ibid. 232 Bernier, Anne-Marie, Clancy Joseph, Ryan Catherine, Les plantes grimpantes - une solution rafraîchissante, Centre d’écologie urbaine de Montréal, 2011, 80p., En ligne : http://www.planbatimentdurable.fr/IMG/pdf/12_13_les_plantes_grimpantes_une_solution_rafraichissante_0.pdf 63


base des murs, sur les balcons ou même sur les toits dans le cas de plantes tombantes. Les contenants ont alors besoin d’arrosage, de fertilisation et de soins individuels, ce qui peut rendre ce dispositif coûteux 233. Pour ce qui est de la plantation en pleine terre, elle est recommandée à une profondeur d’environ 50 cm dans un sol « aéré et amendé » 234, à « une certaine distance [du pied] du mur, dans le secteur au-delà de l’avancée du toit, de façon à ce qu’elles reçoivent des précipitations normales » 235 . Une attention particulière doit également être portée à la mise à distance de l’eau d’irrigation des fondations, ou à la mise en place d’une protection pour éviter de les endommager (Entretien avec Vinicius RADUCANU). De plus, il est recommandé de planter la grimpante « avec un angle, voire presque à l’horizontale, avec la motte de racines qui pointe dans le sens contraire du mur. Ainsi, les racines se retrouveront dans un sol mieux humidifié et de meilleure qualité alors que les rameaux seront déjà orientés vers leur support futur » 236 . En ce qui concerne les plantations dans des contenants, elles doivent être réalisées de préférence avec au moins 40 cm de terre 237. En effet, même si le système racinaire d’une grimpante est plutôt faible et qu’elle occupe une petite place au sol, il faut s’avoir que cette plante grimpera d’autant plus rapidement que ses racines auront de place pour se développer. Entretien : L’entretien des jeunes plantes grimpantes est biannuel 238, puis annuel pour les sujets développés. En effet, en début de croissance, les plantes grimpantes ont besoin de davantage d’accompagnement, notamment pour guider la plante sur son support, voire même l’y attacher. C’est le cas aussi pour les plantes à racines-crampons et à ventouses, car même si elles n’ont pas besoin de support le reste du temps, l’emploi de tuteurs facilitera leur fixation au mur 239.

« La maintenance devra se faire à certaines époques particulières de l’année afin de respecter les rythmes de la flore, mais aussi de la faune qui y aura trouvé refuge » 240 La taille se fait généralement au printemps sauf pour celles qui ont fleuri, et qui sont donc taillées après la période de floraison. Elle permet notamment « de couper les pousses qui empruntent la mauvaise direction et qui risquent de s’accrocher aux gouttières, aux fenêtres, aux câbles électriques ou aux conduits d’aération. » 241 L’idée est donc de cadrer la végétation pour éviter des dommages physiques ou l’obstruction des vitrages. Il faudra également débarrasser les fanes qui peuvent s’accumuler dans les gouttières. En cas de conditions climatiques extrêmes, il faudra disposer un paillage sur les grimpantes pour les protéger du gel et de la sècheresse 242. En ce qui concerne la fertilisation des sols, elle devra se faire annuellement, de façon classique avec du compost ou du terreau et/ou des engrais biologiques, si les sols sont trop pauvres 243.

233 Inconnu, Green Facades - Greenwashing or a green future ?, alsecco, https://alsecco.co.uk/2019/11/green-facades-

greenwashing-or-a-green-future/ 234 Strasbourg.eu, Guide de végétalisation – Façades, Strasbourg ça pousse, pp.12, En ligne : https://www.strasbourgcapousse.eu/app/uploads/2017/03/BD_GUIDE_VERTICALES.pdf 235 Hodgson, Larry, Racines heureuses, grimpante heureuse (Mai 2018), Jardinier Paresseux, https://jardinierparesseux.com/2018/05/24/racines-heureuses-grimpante-heureuse/ 236 Ibid. 237 Ibid. 238 M.F., "Façades végétalisées - une régulation thermique esthétique et naturelle", Les Cahiers techniques du bâtiment, n°297, Mai 2010, pp.75-80 (p.80) 239 Bernier, Anne-Marie, Clancy Joseph, Ryan Catherine, Les plantes grimpantes - une solution rafraîchissante, Centre d’écologie urbaine de Montréal, 2011, 80p., En ligne : http://www.planbatimentdurable.fr/IMG/pdf/12_13_les_plantes_grimpantes_une_solution_rafraichissante_0.pdf 240 M.F., "Façades végétalisées - une régulation thermique esthétique et naturelle", Les Cahiers techniques du bâtiment, n°297, Mai 2010, pp.75-80 (p.80) 241 Bernier, Anne-Marie, Clancy Joseph, Ryan Catherine, Les plantes grimpantes - une solution rafraîchissante, Centre d’écologie urbaine de Montréal, 2011, 80p., En ligne : http://www.planbatimentdurable.fr/IMG/pdf/12_13_les_plantes_grimpantes_une_solution_rafraichissante_0.pdf 242 Strasbourg.eu, Guide de végétalisation – Façades, Strasbourg ça pousse, pp.12, En ligne : https://www.strasbourgcapousse.eu/app/uploads/2017/03/BD_GUIDE_VERTICALES.pdf 243 Bernier, Anne-Marie, Clancy Joseph, Ryan Catherine, Les plantes grimpantes - une solution rafraîchissante, Centre d’écologie urbaine de Montréal, 2011, 80p., En ligne : http://www.planbatimentdurable.fr/IMG/pdf/12_13_les_plantes_grimpantes_une_solution_rafraichissante_0.pdf 64


Irrigation

« L’eau de pluie peut un jour arriver à suffire pour alimenter les plantes grimpantes » 244 Les plantes grimpantes semblent peu gourmandes en eau. L’arrosage devra surtout se faire en début de plantation, où « il est préférable de maintenir le sol humide en arrosant au besoin en profondeur le matin. Les années suivantes, il peut être nécessaire d’arroser ponctuellement en cas de sécheresse prolongée » 245. Le reste du temps, la plante grimpante est relativement autonome, en particulier pour les grimpantes plantées en pleine terre, qui ne nécessitent pas spécialement de système d’irrigation automatique car elles disposent d’une plus grande réserve d’eau, même si cela dépend aussi du type de plante et de l’exposition. En revanche, lorsque les plantes sont dans des contenants, il faudra parfois installer un système d’irrigation automatique pour s’assurer que celles-ci bénéficient de conditions optimales de croissance 246.

« Planter les végétaux dans le sol (plutôt que dans les jardinières) pour fournir une plus grande tolérance à l’arrosage et aux conditions du sol, et moins de risques de dessèchement ou d’affaissement du sol. » 247 Temps de pousse À la différence des murs végétalisés, qui vont pousser uniformément sur la façade végétalisée, ou arriver sur le chantier déjà développés, les plantes grimpantes mettent parfois du temps à se développer. De nombreux facteurs peuvent avoir une influence sur le temps de pousse de ces plantes : tout d’abord, l’espèce végétale elle-même et les conditions du site, puis, l’irrigation du sol, le milieu de culture, l’entretien, l’orientation à la lumière, etc. En fait, « Le taux de croissance sera beaucoup plus élevé si elles sont régulièrement arrosées, nourries et entretenues » 248.

III.3.1.2 Projet représentatif Oasia Hotel Downtown - WOHA L'Oasia Hotel Downtown, à Singapour, est un gratte-ciel de 191 mètres pour 27 étages, construit en 2016 par le cabinet d’architectes WOHA, au cœur du Central Business District (CBD). Dans ce volume, évidé en partie à certains niveaux, différentes strates ont été créées, chacune avec son propre jardin suspendu. Ces plateformes végétalisées en hauteur procurent du « sol » supplémentaire et permettent de créer des espaces publics ouverts, fonctionnels, confortables, avec de la verdure et de la lumière naturelle, pour les loisirs et l'interaction sociale dans toute la tour. Les ouvertures permettent de créer des panoramas dynamiques sur la ville, et laissent passer la brise à travers le bâtiment assurant une bonne ventilation. Figure III-3 : L'Oasia Hotel Downtown, à gauche, et zoom sur un des "jardins suspendus" à droite (Source : www.archdaily.com) 244 Bernier, Anne-Marie, Clancy Joseph, Ryan Catherine, Les plantes grimpantes - une solution rafraîchissante, Centre d’écologie

urbaine de Montréal, 2011, 80p., En ligne : http://www.planbatimentdurable.fr/IMG/pdf/12_13_les_plantes_grimpantes_une_solution_rafraichissante_0.pdf 245 Ibid. 246 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (26,27,36). En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 247 Justin, How long will my Green Wall take to grow?, Jakob wire rope, http://jakobwirerope.blogspot.com/2014/06/green-wallgrowth-rates.html 248 Ibid. 65


Figure III-4 : Derrière ce revêtement, les plantes "s'échappent" des bacs plantés en passant par les ouvertures de la résille qui compose les panneaux (Source : woha.net)

Figure III-5 : Plan du 15ème étage (Source : www.archdaily.com)

La tour se caractérise également par son revêtement : une résille en aluminium en nuances de rouge. Sur ses façades, « l’aménagement paysager est largement utilisé comme traitement de surface architectural » 249. En effet, 21 espèces de plantes grimpantes plantées dans près de 1 800 bacs se sont développées sur toutes les façades du bâtiment ; certaines partant du sol, et d’autres poussant depuis les bac situés dans les étages, au niveau des angles du bâtiment. Même si ce système ne correspond pas tout à fait à la conception classique de la végétalisation directe par plantes grimpantes, et se rapproche davantage d’une double peau végétalisée, il est important de préciser que, dans ce projet, les plantes grimpantes n’ont aucune fonction d’ombrage. En réalité, elles ne sont quasiment pas visibles depuis l’intérieur du bâtiment car leur plantation est réalisée au niveau d’espaces techniques qui ne disposent d’aucune ouverture, et les grimpantes n’atteignent pas non plus le revêtement disposé devant les vitrages, car la trame des panneaux de résille en face des ouvertures est trop disparate pour le lui permettre. En fait, cette végétalisation a une fonction principalement esthétique, doublée d’une fonction écosystémique comme nous le verrons par la suite. Et le moins qu’on puisse dire c’est que ça fonctionne ! En 2017, les plantes grimpantes recouvraient déjà près de 75 % des 25 490 m2 de la façade 250 , démarquant ainsi la tour dans le paysage urbain. De plus, « la tour est conçue comme un refuge pour les oiseaux et les animaux, réintroduisant la biodiversité dans la ville. Au lieu d'un toit plat, le gratte-ciel est couronné d'une charmille tropicale, florale, diverse, douce et vivante » 251. Elle apparait donc comme une « tour verte » ou écologique capable de lutter contre la pollution et les îlots de chaleur dans le dense centre-ville de Singapour, peuplé de gratte-ciels majoritairement étanches. Figure III-6 : À gauche, le bâtiment en 2016 (www.archdaily.com) À droite, le bâtiment en 2017 (woha.net)

Plus généralement, parmi toutes les solutions de façades végétalisées, la végétalisation par plantes grimpantes directe est la seule qui peut se mettre en place très simplement, et parfois même spontanément, comme en témoigne sa présence sur de vieilles bâtisses partout dans le monde. Cette couverture est parfois partielle, mais, dans certains cas, les plantes grimpantes recouvrent le bâtiment tout entier ! Voici quelques exemples supplémentaires de végétalisation par plantes grimpantes directement sur la façade : 249

WOHA, Oasia Hotel Downtown / WOHA (Décembre 2016), ArchDaily, https://www.archdaily.com/800878/oasia-hoteldowntown-woha 250 Hill, John, Oasia Growing (Novembre 2017), world-architects.com, https://www.world-architects.com/en/architecturenews/film/oasia-growing 251 WOHA, Oasia Hotel Downtown / WOHA (Décembre 2016), ArchDaily, https://www.archdaily.com/800878/oasia-hoteldowntown-woha 66


Figure III-9 : Maison à Dallas États-Unis (Source : www.architecturaldigest.com)

Figure III-12 : Université de Yonsei à Seoul - Corée du Sud (Source : www.studyabroadfoundation.org)

Figure III-13 : Université Figure III-14 : Université de Lund - Suède de Manchester (Source : www.itinari.com) Angleterre (Source : stories.manchester.ac.uk)

Figure III-11 : Château de Sedaiges - France (Source : www.assurancemariage.com)

Figure III-7 : Maison à Sandwell Angleterre (Source : vwcampervanaldridge.tumblr.com)

Figure III-10 : Bâtiment à New-York - ÉtatsUnis (Source : www.instagram.com)

Figure III-8 : Maison à Llanrwst - Pays de Galles (Source : www.flickr.com)

III.3.2 Murs végétalisés III.3.2.1 Principe La mise en place d’un mur végétalisé, ou « mur vivant », consiste à intégrer le substrat au bâtiment, ce qui donne lieu à des installations complexes, majoritairement sur mesure ou modulaires. Le principe de base d’un mur végétalisé extérieur se décline donc en différents systèmes qui s’appuient sur un élément porteur : la façade principale ou une structure secondaire. Les végétaux viennent ensuite se greffer sur le support que constitue ces systèmes, associés à un substrat de culture imputrescible. Il existe différents types de substrats tels que le substrat minéral à base de laine de verre ou de la roche hydrophile ; le substrat synthétique constitué à partir de feutre polyamide par exemple ; ou encore le substrat organique qui aura plus tendance à se dégrader dans le temps « sous l’action de l’eau et des sels minéraux » 252. Selon Michèle Fourret, pour permettre une ventilation suffisante du support et minimiser le risque de condensation, une lame d’air de 30mm minimum doit être prévue entre la structure et le substrat 253. De plus, étant donné que la façade n’est pas capable de capter les eaux de pluie comme pourrait le faire une toiture, il faut installer un système automatique d’irrigation et de distribution régulière de nutriments au goutte à goutte. Certains de ces systèmes permettent d’ailleurs de récupérer les rejets d’eau à la base des parois pour les réutiliser. 254 Actuellement, il existe différentes techniques pour constituer un mur végétalisé.

« Certains procédés restent au niveau de la décoration, d’autres jouant le rôle d’un véritable parement de façade qui peuvent être associés à une isolation par l’extérieur, d’une épaisseur allant jusqu’à 200mm. » 255 Les différents types de murs végétalisés : On distingue trois systèmes principaux de murs végétalisés : 252 M.F., "Façades végétalisées - une régulation thermique esthétique et naturelle", Les Cahiers techniques du bâtiment, n°297, Mai

2010, pp.75-80 (p.75)

253 Ibid. 254 Ibid. 255 Ibid.

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Les systèmes sur mesure désignent les murs végétalisés dans lesquels les plantes poussent en hydroponie, c’est-àdire en agriculture hors-sol, en s’enracinant dans une nappe en feutre horticole synthétique, en laine minérale ou organique 256. Cette technologie, appelée « felt-layers », est probablement la plus célèbre. Elle a été brevetée en 1988 par le botaniste français Patrick Blanc qui avait également déposé le terme de « mur végétal » deux ans plus, suite à l’installation des murs végétaux de la Cité des sciences et de l’industrie à Paris, sa première création de renom 257 . Ce Figure III-15 : Exemple de système sur mesure système repose généralement sur un mur, ou sur une (Source : www.archireport.com) structure porteuse, qui va soutenir une ossature métallique soutenant une plaque de PVC expansée faisant une épaisseur de 10mm sur laquelle on va agrafer deux couches de feutre de polyamide chacune faisant une épaisseur de 3mm258. C’est cette couche qui va constituer le « substrat d’enracinement et de rétention pour l’eau et les minéraux » 259. Ensuite, pour pouvoir apporter les nutriments qui contiennent ces éléments minéraux dissous dans l’eau et ainsi permettre aux plantes de pousser, on s’appuie sur un réseau de tuyaux commandés par des électrovannes 260. Pour ce faire, on exploite le phénomène de capillarité pour que le feutre s’imprègne et disperse la solution nutritive, qui ruisselle naturellement le long du mur par gravité. Ainsi, les racines des plantes peuvent se nourrir des éléments nécessaires et l’excédent d’eau est recueillie dans une gouttière au bas de la façade, avant d’être envoyé à nouveau dans le réseau, dans le cas d’une irrigation en circuit fermé. Le choix des plantes doit se faire en fonction de leur capacité à se développer dans ce milieu, en prenant en compte le niveau d’exposition disponible. Le poids de ce système aura tendance à avoisiner les 30 kg/m ² 261.

Les systèmes modulaires sont des murs végétalisés constitués de modules ou de panneaux allant de 0,2 à 2 m², qui sont empilés ou enserrés « dans une structure en grillage » 262 . Chacun de ces modules ou panneaux comporte « un substrat protégé par une toile imputrescible » 263 sur lequel les végétaux poussent en hydroponie. Certains modules sont prévégétalisés, c’est-àdire qu’ils sont d’abord mis en culture à l’horizontale afin d’assurer une installation convenable des espèces végétales ; puis, ils sont livrés sur le chantier et assemblés Figure III-16 : Exemple de système modulaire (Source : www.soprema.fr) à la verticale sur place. Dans ce cas, l’effet de végétalisation est instantané, contrairement à la végétalisation par plantes grimpantes par exemple, qui nécessite un temps de pousse. Le module peut être composé d’un substrat à base d’une laine minérale d’une densité adéquate au projet, d’une barrière capillaire, et d’un tapis de sedum ; ou bien plutôt d’un substrat minéral comme du feutre horticole imputrescible, ou encore un substrat organique auquel

256 Moréteau, Sylvain, Murs et toits végétalisés, Paris, Rustica Éditions, « planète écologie », 2009, 112 p. (p34)

257 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail

de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.21), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 258 M.F., "Façades végétalisées - une régulation thermique esthétique et naturelle", Les Cahiers techniques du bâtiment, n°297, Mai 2010, pp.75-80 (p.75) 259 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.21), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 260 M.F., "Façades végétalisées - une régulation thermique esthétique et naturelle", Les Cahiers techniques du bâtiment, n°297, Mai 2010, pp.75-80 (p.75) 261 Ibid. 262 Ibid. 263 Strasbourg.eu, Guide de végétalisation – Façades, Strasbourg ça pousse, pp.12, En ligne : https://www.strasbourgcapousse.eu/app/uploads/2017/03/BD_GUIDE_VERTICALES.pdf 68


les plantes s’enracinent pour se maintenir et se développer 264. Ces modules peuvent être sous la forme « de panneaux PVC pré-ensemencés » 265, installés sur une structure assez légère. Certains complexes vont venir fixer les espèces végétales dans des alvéoles, tandis que pour d’autres cela se fera dans des poches, ou encore dans un treillis métallique 266 . « Ce complexe plante + substrat s’apparente à un bardage maintenu par une structure secondaire rapportée et il est désolidarisé de la façade par une lame d’air ventilée » 267. Le support est souvent une structure en acier galvanisé, un métal robuste et léger qui est insensible à l’humidité ou à l’eau. Ce métal ne sera pas amené à rouiller, garantissant une absence de salissure des murs et des sols. Accrochée par une cornière en acier, la structure est creuse et intègre donc tous les réseaux d’arrosage et d’électricité. Son poids avoisinera les 50 kg/m² et l’épaisseur de ce système est susceptible de varier de 105 à 150mm, avec une lame d’air de 20mm 268. •

Le dernier système connu est un mur végétal constitué de bacs avec du substrat traditionnel 269 . Ici, les plantes ne poussent pas en hydroponie, c’est donc un système assez peu courant de par sa dépendance à l’entretien. Il est généralement appliqué de manière ponctuelle sur la façade.

Il est également intéressant de noter que les plantes en culture hydroponique n’ont pas besoin d’humus comme de la terre ou du terreau pour se développer. Ces plantes sont généralement des « espèces retombantes, tapissantes, fougères, plantes exotiques (broméliacées, orchidées, lianes, aracées…), des succulentes, des arbustes aussi, etc » 270. Selon les espèces, la densité de plantation adéquate peut varier, mais elle se situe généralement autour de 20 à 30 plantes par mètre carré 271.

Figure III-17 : Exemple de système à bacs (Source : designigel.de)

Type d'irrigation : La faible épaisseur de ces différents systèmes limite les ressources en eau et en nutriments, « c’est pourquoi il est impératif d’intégrer un système de ferti-irrigation à la structure. » 272 De plus, la gravité est un facteur important à prendre en compte dans le processus d’irrigation de ces systèmes, car elle a une influence conséquente sur la distribution de l’eau pour les végétaux implantés sur un substrat vertical. En effet, le mouvement horizontal de l’eau engendré par la diffusion est moindre comparé au mouvement vertical en lien avec la gravité, ce qui complique la distribution homogène de l’eau. C’est la raison pour laquelle il est important d’inclure un nombre suffisant de goutteurs au sein du réseau d’irrigation, avec un espacement plutôt réduit 273. Même si les substrats sont conçus dans l’optique d’avoir une capacité de rétention importante, le fait qu’ils soient de faible épaisseur, qu’ils soient exposés au vent et au rayonnement du soleil les rend tout de même plus ou moins susceptibles de s’assécher274. Par conséquent, dans l’idée d’assurer des conditions 264 M.F., "Façades végétalisées - une régulation thermique esthétique et naturelle", Les Cahiers techniques du bâtiment, n°297, Mai

2010, pp.75-80 (p.75) 265 Ibid. 266 Ibid. 267 Ibid. 268 Ibid. 269 Moréteau, Sylvain, Murs et toits végétalisés, Paris, Rustica Éditions, « planète écologie », 2009, 112 p. (p34) 270 M.F., "Façades végétalisées - une régulation thermique esthétique et naturelle", Les Cahiers techniques du bâtiment, n°297, Mai 2010, pp.75-80 (p.79) 271 Ibid. 272 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.17), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 273 Ibid. (p.36) 274 Ibid. (p.36) 69


optimales de croissance pour les espèces végétales, il est nécessaire que le dispositif soit constamment irrigué. Généralement, le système d’irrigation est « raccordé au réseau d’eau courante de manière à s’assurer d’avoir toujours de l’eau disponible pour les plantes » 275. La régulation et l’optimisation de la consommation d’eau peuvent être pilotées grâce à des outils informatiques, permettant d’adapter la fréquence d’irrigation en fonction des relevés de différentes sondes qui mesurent l’humidité du substrat en temps réel 276. Par exemple, lorsque le substrat est sec, le système d’irrigation se règle pour distribuer de l’eau à faible dose mais à une fréquence assez importante pour éviter que l’eau ne soit perdue par ruissellement à cause de la gravité 277. Il existe deux types de circuits d’irrigation : •

L’irrigation en circuit ouvert se réalise en mobilisant « la pression du circuit d’eau domestique » 278. En effet, une électrovanne distribue l’eau dont le mur végétalisé a besoin, et une pompe microdoseuse prélève dans une réserve une dose de solution nutritive adaptée pour la mélanger à l’eau. Le surplus de liquide est recueilli dans une gouttière placée en bas du mur, puis il est évacué par les égouts 279. C’est un avantage car cela permet de se dispenser de l’achat d’un bac de grande taille pour réaliser le mélange d’eau et de solution nutritive. Cependant, cela implique aussi une forte consommation d’eau avec un rejet d’eau chargée d’engrais 280.

L’irrigation en circuit fermé est, quant à elle, considérée comme davantage écologique, étant donné que les eaux issues du ruissellement sont recueillies au niveau du sol avant d’être filtrées puis réinjectées dans le circuit d’irrigation 281. Néanmoins, l’irrigation en circuit fermé implique un certain coût supplémentaire, lié à l’achat d’une réserve d’eau ainsi que d’un système qui soit capable d’analyser la qualité du surplus d’eau 282.

D’après Jean-François Daures, les systèmes d’irrigation des cultures en hydroponie sont très consommateurs en eau et en engrais, « le feutre n’ayant pas ou très peu de capacité hydro-rétentrice. » 283 Ils ne sont pas adaptés à des projets en quête de performance environnementale 284. Cependant, la fréquence d’arrosage et les apports en engrais sont susceptibles d’être considérablement réduits si l’on choisit des espèces végétales qui sont plus adaptées au milieu dans lequel on souhaite qu’elles évoluent 285. Entretien : Les murs végétalisés sont plus fragiles que les espaces verts classiques et nécessitent un entretien sérieux, généralement effectué par des entreprises spécialisées (qui sont parfois aussi les entreprises installatrices). Un mur végétalisé, peu importe le système, nécessitera à minima deux visites techniques par an (avec contrôle et entretien) 286 . Cette visite permet tout d’abord d’assurer le désherbage et la taille des végétaux qui pourraient devenir envahissants, le remplacement de végétaux qui seraient en mauvais état et l’application de traitements ou de produits phytosanitaires si nécessaire 287. Il faudra aussi réajuster le niveau 275 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail

de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.36), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 276 Ibid. 277 Ibid. 278 Moréteau, Sylvain, Murs et toits végétalisés, Paris, Rustica Éditions, « planète écologie », 2009, 112 p. (p.30) 279 Ibid. 280 Ibid. 281 M.F., "Façades végétalisées - une régulation thermique esthétique et naturelle", Les Cahiers techniques du bâtiment, n°297, Mai 2010, pp.75-80 (p.79) 282 Moréteau, Sylvain, Murs et toits végétalisés, Paris, Rustica Éditions, « planète écologie », 2009, 112 p. (p.30) 283 Daures, Jean-François, Architecture végétale, Paris, Éditions Eyrolles, 2011, 250 p. (p.102) 284 Ibid. 285 M.F., "Façades végétalisées - une régulation thermique esthétique et naturelle", Les Cahiers techniques du bâtiment, n°297, Mai 2010, pp.75-80 (p.80) 286 Strasbourg.eu, Guide de végétalisation – Façades, Strasbourg ça pousse, pp.12, En ligne : https://www.strasbourgcapousse.eu/app/uploads/2017/03/BD_GUIDE_VERTICALES.pdf 287 M.F., "Façades végétalisées - une régulation thermique esthétique et naturelle", Les Cahiers techniques du bâtiment, n°297, Mai 2010, pp.75-80 (p.78-79) 70


de la solution nutritive « avec gestion de la lutte biologique pour éviter l’installation de nuisibles » 288 et vérifier l’état du tissu support. De plus, Sylvain Moréteau précise qu’il faudra régulièrement vérifier le taux d’acidité de la solution nutritive, qui doit être stable et compris entre 5,5 et 6,5 pour assurer la bonne santé des plantes 289. Il souligne également le fait que le système d’irrigation devra faire l’objet d’une surveillance rigoureuse car celui-ci « a tendance à s’encrasser, notamment au niveau des goutteurs » 290. Cet entretien ponctuel permettra de contrôler le bon fonctionnement général du système, mais aussi d’anticiper d’éventuels problèmes susceptibles d’évoluer, et qui pourraient mettre en danger le mur végétalisé. Il est également important de noter que le système modulaire est une solution intéressante du point de vue de l’entretien, dans la mesure où l’on peut remplacer un module défectueux 291 en termes d’irrigation, ou trop abîmé au niveau de la végétation ou du substrat.

III.3.2.2 Projet représentatif Mur végétalisé du Quai Branly – Patrick Blanc Le mur végétal de la façade Nord du musée du Quai Branly a été créé en 2004 par un célèbre botaniste français : Patrick Blanc, qui a notamment modernisé et popularisé le « jardin vertical ». Cette façade a été réalisée à la demande de Jean Nouvel, l’architecte du musée, et a donné lieux à de nombreuses collaborations par la suite. Elle a été rénovée en 2018 et elle est constituée d’une culture en hydroponie qui Figure III-18 : Photographies du mur végétalisé du Quai Branly accueille aujourd’hui 22 000 plants de 376 (Source : www.murvegetalpatrickblanc.com) espèces végétales différentes, réparties sur une surface de sur 730 m² 292. Le système d'arrosage est constitué de 16 réseaux et « tous sont connectés à un système de gestion technique centralisé capable de piloter et de délivrer à distance les quantités d’eau et de nutriments apportés (engrais). » 293 C’est, encore à ce jour, l’un des murs végétalisés les plus célèbres en son genre.

III.3.3 Double peaux végétalisées III.3.3.1 Principe Les double peaux végétalisées, enveloppant une ou plusieurs façades du bâtiment, se présentent généralement sous la forme d’une seconde peau de plantes grimpantes formant un rideau végétal qui repose sur une structure secondaire écartée de la façade principale. Cette double peau est alors constituée d'un support, le plus souvent en treillis métallique, séparé de la façade principale d'une distance allant de plusieurs dizaines de centimètres à plusieurs mètres, sur lequel viennent s'accrocher les plantes grimpantes, plantées au niveau du sol et/ou dans des bacs intermédiaires. Ainsi, il s’agit simplement d’une végétalisation par plantes grimpantes indirecte (c’est-à-dire se développant sur un support séparé du mur), dont la cavité d’air prend une certaine épaisseur, qui peut parfois accueillir des usagés. La cavité derrière la couverture végétale ne se limite donc plus à une « lame d’air », ce qui réduit les propriété isolantes de cette végétalisation, car l’air y circule plus librement. De plus, contrairement à la simple végétalisation par plantes grimpantes, qui a tendance à se limiter au recouvrement des surfaces opaques de bâtiments, elle est généralement conçue 288 M.F., "Façades végétalisées - une régulation thermique esthétique et naturelle", Les Cahiers techniques du bâtiment, n°297, Mai

2010, pp.75-80 (p.78-79) 289 Moréteau, Sylvain, Murs et toits végétalisés, Paris, Rustica Éditions, « planète écologie », 2009, 112 p. (p.33) 290 Ibid. 291 Daures, Jean-François, Architecture végétale, Paris, Éditions Eyrolles, 2011, 250 p. (p.102) 292 Jardins de Babylone, Rénovation du mur végétal du Quai Branly par Jardins de Babylone (2017), Jardins de Babylone, https://www.jardinsdebabylone.fr/realisations/mur-vegetal/mur-vegetal-quai-branly/ 293 N2B Arrosage, Le mur végétalisé du Quai Branly, N2B Arrosage, https://www.n2b-arrosage.com/realisations/paris/murvegetalise-quai-branly/ 71


pour se développer aussi devant les surfaces vitrées et les espaces extérieurs compris dans son épaisseur, et son feuillage est, de fait, un peu moins dense pour permettre davantage d’apports lumineux. C’est d’ailleurs cette épaisseur qui va définir les accès possibles pour l’entretien, qui sera réalisé par les usagers, dans le cas où il s’agit d’espaces extérieurs utilisables, ou par des professionnels qui disposeront alors de passerelles techniques pour s’en occuper. Globalement, la double peau végétalisée reprend donc de nombreuses caractéristiques déjà évoquées dans la partie sur les plantes grimpantes, notamment en ce qui concerne les différentes espèces végétales possibles à mettre en place. Bien qu’assez rares, la majorité des projets mettant en place cette solution sont des bâtiments tertiaires. Dans certain cas, la double peau végétalisée peut prendre d’autres formes, et être constituée de plantes tombantes, ou encore d’une seconde peau architecturée de pots plantés. Cependant, ces formes étant très minoritaires, je ne les aborderai pas ici.

III.3.3.2 Projets représentatifs Les double peaux végétalisées sont peu courantes et c’est une typologie sur laquelle j’ai réalisé beaucoup de recherches. Contrairement aux murs vivants ou aux façades végétalisées directes, ces double façades sont assez mal répertoriées, et surtout mal documentées, ce qui complique les possibilités de comparaison entre différents projets. En explorant longuement les projets qui pouvaient se rapprocher de cette typologie, j’ai malgré tout réussi à répertorier plusieurs dizaines d’édifices mettant en place cette solution. Je présenterai donc sur les pages suivantes quelques exemples de projets représentatifs de double peaux, chacun ayant sa propre approche de cette typologie, et ses propres objectifs.

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KMC Corporate Office - RMA Architects Le KMC Corporate Office est situé à CyberCity, à Hyderabad, en Inde. Il s'agit d'un bâtiment d’entreprise réalisé par RMA Architects pour l'entreprise KMC. C’est sûrement le projet avec une double peau végétalisée le plus abouti et le plus documenté que j’ai pu trouver durant mes recherches. Figure III-19 : KMC Corporate Office (Source : archdaily.com)

Selon Rahul Mehrotra, fondateur de RMA architectes, le bâtiment a été pensé comme un exemple allant à l'encontre du modèle dominant des bâtiments d'entreprise, qui, aujourd'hui, tentent de représenter « l'idéologie des aspirations » 294 en mettant en avant la mondialisation et la modernité par des façades aux matériaux réfléchissants. Il explique que ce modèle dominant traduit le fonctionnement même du capitalisme avec « la nécessité de libérer, de construire et de répandre très rapidement pour faire partie d’autres investissements mondiaux aussi rapides » 295 . L'architecture est conçue « non plus seulement comme un produit, mais comme un processus et également en termes de production » 296, qui a tendance à évincer les pratiques locales, telle que les techniques de construction « humides » en Inde. En effet, ces dernières, qui demandent un « temps de durcissement naturel et [qui] prennent donc plus de temps » 297, sont écartées pour des murs-rideaux en verre réfléchissant pouvant être assemblés rapidement par exemple. Cette conception est souvent confiée à des entreprises occidentales, ce qui entraîne une sorte de « divorce du lieu et de la communauté » 298 d'après Rahul Mehrotra. RMA Architects a donc souhaité redéfinir la typologie conventionnelle des entreprises en remettant en question ce modèle dominant dans un bâtiment qui « prend en compte divers aspects socio-économiques et socio-environnementaux comme des facteurs centraux de la conception et donne l’exemple du passage nécessaire du global au local » 299 . L'idée était donc d'« enraciner et [d']investir le projet dans la localité » 300, aussi bien sociale que climatique, tout en répondant aux besoins du client. Ainsi, la réalisation du bâtiment (et son entretien) tend à valoriser l'artisanat local, et met également en place des « systèmes de refroidissement traditionnels de surfaces humidifiées » 301 particulièrement adaptés au climat chaud et sec d'Asie du Sud. Une réflexion importante a d'ailleurs été portée sur son image symbolique, qui s'est traduite par une double peau végétalisée... La double peau a été pensée, à l'image du bâtiment, pour aller au-delà des projets « mondialisés » en proposant un concept « plus local et plus sensible au climat, tout en répondant aux aspirations de ses utilisateurs et propriétaires. » 302

Figure III-20 : Double peau avant/après la pousse de la végétation (Source : rmaarchitects.com)

294 Khatri, Aastha, KMC Corporate Office by Rahul Mehrotra : Modulation of light and air, Rethinking the future, https://www.re-

thinkingthefuture.com/case-studies/a4093-kmc-corporate-office-by-rahul-mehrotra-modulation-of-light-and-air/ 295 ibid. 296 ibid. 297 ibid. 298 ibid. 299 ibid. 300 ibid. 301 ibid. 302 ibid. 73


Ainsi, le bâtiment dispose d'une première « peau » constituée d'une armature en béton armé avec des fenêtres standard en aluminium 303. Il est ensuite enveloppé dans une seconde « peau », espacée d'environ 50cm et constituée d'un « treillis en aluminium moulé sur mesure avec des bacs hydroponiques et une irrigation goutte à goutte » 304 pour accueillir diverses espèces de plantes grimpantes. La mise en place d'une

Figure III-21 : Conception de la structure (Source : rmaarchitects.com)

Figure III-22 : Calepinage végétal des façades (Source : archdaily.com)

double peau a permis une construction à deux vitesses. La première « peau » a été complétée rapidement pour rendre le bâtiment et ses bureaux occupables et fonctionnels 305 le plus tôt possible. La seconde « peau » a été réalisée en parallèle, en 24 mois, dans une l'usine locale de Patnam 306. Elle est constituée de 675 panneaux 307 composés de 4 modules qui forment donc jusqu'à 16 (4²) motifs uniques 308. Étant donné que la complexité de la façade résulte principalement de leur disposition et du calepinage prédéfini, et non pas d'une réelle complexité des modules eux-mêmes, ces panneaux ont pu être réalisés par une main-d’œuvre peu qualifiée 309, ce qui a donc participé à l'économie locale. Les différentes espèces végétales ont ensuite pu pousser en « grimpant » sur cette structure. Elles ont été disposées précisément sur chaque façade pour former des motifs, qui diffèrent selon les différentes périodes de floraison propres à chaque espèce, « attirant ainsi l’attention sur les différentes parties de la façade du bâtiment à travers les saisons changeantes. » 310. Les passerelles techniques, qui séparent les deux façades sur les 5 niveaux, accueillent ponctuellement jusqu'à 20 jardiniers pour entretenir les plantes 311 (cf. photo ci-contre). D'après l'architecte, la continuité et la transparence entre l'intérieur et cette entre-deux permet ainsi d'atténuer « le seuil social créé Figure III-23 : Entretien des façades par les différences de classes, qui sont inévitables dans les (Source : rmaarchitects.com) organisations d’entreprises en Inde » 312. 303 RMA Architects, KMC Corporate office, 2012, Hyderabad, Inde. Lien : http://rmaarchitects.com/architecture/kmc-corporate-

office/ 304 ibid. 305 Khatri, Aastha, KMC Corporate Office by Rahul Mehrotra : Modulation of light and air, Rethinking the future, https://www.rethinkingthefuture.com/case-studies/a4093-kmc-corporate-office-by-rahul-mehrotra-modulation-of-light-and-air/ 306 ibid. 307 ibid. 308 ibid. 309 ibid. 310 RMA Architects, KMC Corporate office, 2012, Hyderabad, Inde. Lien : http://rmaarchitects.com/architecture/kmc-corporateoffice/ 311 ibid. 312 Khatri, Aastha, KMC Corporate Office by Rahul Mehrotra : Modulation of light and air, Rethinking the future, https://www.rethinkingthefuture.com/case-studies/a4093-kmc-corporate-office-by-rahul-mehrotra-modulation-of-light-and-air/ 74


La fonction visuellement dynamique de la façade relève en réalité d'une addition esthétique à son rôle premier : l'amélioration du confort des utilisateurs. En effet, cette deuxième peau végétalisée a été conçu comme un « principe qui permet la modulation de la lumière et de l’air à travers le bâtiment » 313 . Elle permet de filtrer les apports solaires directs sans pour autant obstruer entièrement les vues. De plus, les végétaux de ce type de façade ont un impact réel sur le confort des usagers en améliorant la qualité de l'air, en servant d'écran acoustique pour réduire les nuisances sonores ou encore en rafraîchissant l'air entrant grâce au phénomène d'évapotranspiration. Ce dernier est d'ailleurs le plus impactant car, en plus du système d'irrigation goutte à goutte classique, le treillis en aluminium intègre aussi un système de brumisation ! Ce système permet de « contrôler et de réguler la quantité d’eau délivrée aux plantes et est utilisé, en cas de besoin, pour rafraîchir le bâtiment ou nettoyer la façade de la poussière pendant les mois chauds et venteux d’été à Hyderabad »314. Ce principe de refroidissement passif permet donc d'entourer ponctuellement le bâtiment d'une « brume » pour améliorer le confort des personnes qui y travaillent. Figure III-24 : Vue de la façade embrumée (Source : archdaily.com)

Maison de l'Habitat et du Cadre de Vie (MHCV) - Yves PERRET et Aline DUVERGER Située à Clermont-Ferrand, la Maison de l'Habitat et du Cadre de Vie (MHCV) se distingue dans le paysage urbain grâce à sa façade Sud en double peau végétalisée. Livré en 2005, et conçu par Yves PERRET et Aline DUVERGER, le bâtiment regroupe 8 structures de conseil et d'assistance à la maîtrise d'ouvrage pour les particuliers et les collectivités sensibilisés aux enjeux liés à l'habitat et au cadre de vie. La MHCV aborde une multitude de matérialités, allant du bois local (superstructures en bois massif, planchers collaborants, parquets) à la végétation, en passant par le métal, le béton armé (minoritaire) ou encore le chanvre (mono-murs en Figure III-25 : La Maison de l'Habitat et du Cadre de Vie parpaings, cloisonnements intérieurs, mur pédagogique) 315. (Source : maison-habitat.puy-de-dome.fr) De plus, la conception de l’édifice est basée sur des principes bioclimatiques pour favoriser la « capture d’énergies passives » 316, notamment par le biais des toitures et des façades. Les toitures sont largement végétalisées par des végétaux autosuffisants qui contribuent à l’inertie du bâtiment, et à « l’amortissement des courses des eaux de pluies » 317, également appuyés par un petit bassin de rétention d'eau. On y retrouve aussi quelques panneaux solaires pour la production d’électricité. Pour ce qui est des façades, elles présentent des balcons et des brise-soleils et la façade Sud est largement végétalisée par un système de double peau.

313 Khatri, Aastha, KMC Corporate Office by Rahul Mehrotra : Modulation of light and air, Rethinking the future, https://www.re-

thinkingthefuture.com/case-studies/a4093-kmc-corporate-office-by-rahul-mehrotra-modulation-of-light-and-air/ 314 RMA Architects, KMC Corporate office, 2012, Hyderabad, Inde. Lien : http://rmaarchitects.com/architecture/kmc-corporateoffice/ 315 Yves PERRET, Aline DUVERGER, Maison de l'Habitat et du Cadre de Vie (MHCV), 2005, Clermont-Ferrand, France. Lien : http://perret.desages.free.fr/fmhcv.html 316 ibid. 317 ibid. 75


Figure III-26 : Vue de la façade Sud végétalisée (Source : maison-habitat.puy-de-dome.fr)

Figure III-27 : Entrée du bâtiment et point de départ de la végétation (Source : www.caue63.com)

Lors de mon entretien avec Yves PERRET, j’ai pu en apprendre plus à propos de cette façade. Ainsi, il s’agit d’une « double peau végétale avec plantation en pleine terre » (Entretien avec Yves PERRET, architecte, le 12 Avril 2022). En effet, la végétation prend racine au niveau d’une dalle inclinée sans fond, qui lui permet donc d’être plantée en pleine terre. Cette terre est surélevée pour être mise à l’écart du trottoir et éviter ainsi d’être détériorée : « étant donné que les trottoirs sont minéraux, si les chiens commencent aller gratter dans la terre, ça va mal se passer » (Entretien avec Yves PERRET). Cela permet aussi de profiter de la vue sur la végétation depuis le rez-de-chaussée car les allèges se présentent au niveau de la base des plantations.

« Les dedans et dehors s’emmêlent pour donner, malgré l'étroitesse de la parcelle, une générosité d’espace, une fluidité, une poésie du quotidien, une permission donnée à la distraction. » 318 La couverture végétale se développe ensuite sur un treillage, séparé de la façade principale par des galeries filantes, qui vont permettre l’entretien et également faire office de « pare-soleil sur les fenêtres » (Entretien avec Yves PERRET). La végétation est composée d’espèces de plantes grimpantes caduques qui vont fleurir à des périodes différentes : « au Figure III-28 : Vue depuis l’une des galeries filantes (Source : maisonprintemps les glycines blanches et mauves, habitat.puy-de-dome.fr) à l’automne les vignes rouges » 319 . Ainsi, l’hiver, les plantes laisseront passer le rayonnement solaire car elles auront perdu leur feuillage, mais en été, elles filtrent ces rayons et assurent une protection efficace ! À cela s’ajoute l’évapotranspiration des plantes, qui leur permet de jouer un rôle important dans la régulation des températures extérieures en période chaude, ce qui fait « qu’on dégringole de 2 ou 3 degrés » derrière la double peau (Entretien avec Yves PERRET). Enfin, comme on peut le voir sur les photos, la végétation parait très dense à certains moments de l’été, on peut donc se demander si la lumière est suffisante à l’intérieur, mais d’après l’architecte « l’entretien permet d’éclaircir si on juge Figure III-29 : Coupe schématique de la façade, dessinée par Yves que ça obscurcit un peu trop fort » (Entretien avec Yves PERRET). PERRET lors de notre entretien

Yves Perret est un architecte qui pratique la frugalité et qui prône l’utilisation de solutions low-tech, économes en ressources et en énergies, ou encore la mise en valeur de l’artisanat local. Ainsi, c’est dans cet esprit qu’il a conçu cette double peau, où la végétalisation est, selon lui, une solution qui exprime une certaine frugalité.

318 Yves PERRET, Aline DUVERGER, Maison de l'Habitat et du Cadre de Vie (MHCV), 2005, Clermont-Ferrand, France. Lien :

http://perret.desages.free.fr/fmhcv.html 319 ibid.

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Tour de la biodiversité (M6B2) - Maison Edouard François Pour concevoir le projet M6B2, la Maison Edouard François a travaillé, entre autres, avec l’agence de paysagisme et d’urbanisme BASE, et sa végétalisation est également le fruit d’un partenariat avec l'école d'horticulture de la ville de Paris : l’école Breuil. Cette coopération a donné naissance en 2016 à un lot de plusieurs bâtiment comportant 140 logements familiaux, 92 logements pour jeunes travailleurs, une crèche de 250m² et 1200m² de commerces 320. Parmi ces bâtiments, la tour résidentielle M6B2 se distingue par l’omniprésence de la couleur verte, de par sa façade et sa végétation, qui lui vaudront d’ailleurs le fait d’être rebaptisée « Tour de la biodiversité ». Du haut de ses 18 Figure III-33 : La Tour M6B2 étages, l’édifice culmine à 50m et se dresse au-dessus de tous les (Source : www.edouardfrancois.com) bâtiments alentours. Il constitue en effet une exception par rapport aux règlements parisiens qui limitent normalement la hauteur maximale des bâtiments à 37m 321. Sa façade est double : une première couche, recouverte de panneaux en titane irisé vert, se couvre d’une seconde peau constituée d’un filet garde-corps en acier inoxydable sur lequel se développent diverses plantes grimpantes. L’épaisseur de la façade laisse place à des balcons filants pour les logements de cet immeuble destiné à l’habitat social. Ainsi, 285 spécimens végétaux sélectionnées dans les forêts de la région Îlede-France 322 - des grimpantes et des arbres de basse et hautes tiges - sont répartis entre la toiture et de nombreux tubes, de 3,5m de hauteur et de 35cm de diamètre 323, où ils trouvent racine. Ces tubes, qui ponctuent la façade, son irrigués par un système informatisé, notamment alimenté par un réseau de récupération et de redistribution des eaux pluviales. La couverture végétale du bâtiment sera donc, à termes, assurée par les plantes grimpantes plantées Figure III-32 : Vue depuis l’un des balcons en pied de façade et dans ces tubes intermédiaires. De plus, (Source : archello.com) d’après l’architecte, la tour M6B2 est un véritable outil d’ensemencement de l’environnement urbain : du fait de sa hauteur, la tour « permet aux vents de diffuser des graines de rang 1 dans son environnement immédiat, devenant alors un outil d’aménagement mais aussi de régénération à Figure III-31 : Coupe de la l’échelle de la métropole parisienne. » 324 En somme, le projet de la tour M6B2 tend façade (Source : à souligner l'importance de la biodiversité dans l’environnement construit, qui www.edouardfrancois.com) devrait être, selon l’architecte, « l’aspiration primordiale » 325 de ces milieux urbains. Figure III-30 : Zoom sur la double façade (Source : www.edouardfrancois.com)

Figure III-34 : Vue au pied du bâtiment (Source : paris-promeneurs.com) 320 Paris habitat, M6B2, La tour de la Biodiversité, Paris 13e (Janvier 2016), Dossier, La Revue / numéro 2, pp.40 (p.24-25), En ligne :

https://en.calameo.com/read/004261774cbdd6dbbc6ed 321 Maison Edouard François, Tour de la Biodiversité - M6B2, 2016, Paris, France. Lien : https://www.edouardfrancois.com/projects/tour-de-la-biodiversite 322 Paris habitat, M6B2, La tour de la Biodiversité, Paris 13e (Janvier 2016), Dossier, La Revue / numéro 2, pp.40 (p.24-25), En ligne : https://en.calameo.com/read/004261774cbdd6dbbc6ed 323 ibid. 324 Maison Edouard François, Tour de la Biodiversité - M6B2, 2016, Paris, France. Lien : https://www.edouardfrancois.com/projects/tour-de-la-biodiversite 325 ibid. 77


Le Nouvel KLCC - Ateliers Jean Nouvel Ce projet de deux tours résidentielles de luxe de 43 et 48 étages, mesurant respectivement 180m et 200m de haut 326, a été réalisé en 2016, à Salengor, en Malaisie. Situé en face des tours jumelles Petronas, les deux édifices s'élèvent au-dessus d’un quartier d'affaires du Kuala Lumpur City Center (KLCC), un centre moteur de l’activité socio-économique du pays. Le projet Nouvel KLCC se a été développé par Wing Tai Asia et conçu par les Ateliers Jean Nouvel, en collaboration avec « des sommités du design de renommée internationale comme le concepteur d'éclairage Hervé Descottes, le paysagiste Patrick Blanc et l'architecte d'intérieur primé Koichiro Ikebuchi » 327. Dans ces tours, on peut retrouver 195 unités de vie d’une superficie allant de 150 à 425 m², des piscines, une salle de sport ultramoderne, une grande salle de yoga, des salles spacieuses de jeux, de théâtre, de karaoké, et bien d’autres espaces et services haut de gamme 328. Elles sont également reliées par une piscine au-dessus du vide au niveau 7, et un « Sky Bridge » 329 au 34ème étage offrant un panorama sur toute la ville.

Figure III-35 : Les de tours du Nouvel KLCC (Source : www.lnklcc.com)

Les 8 façades des 2 tours sont jonchées de plantes grimpantes tropicales disposées sur les treillis en acier inoxydable 330 des parties en double peaux végétalisées ponctuelles. Les conditions changeantes (insectes, exposition au soleil et intensité des vents), induites par les différentes situations de hauteur des édifices, ont conduites Patrick Blanc à utiliser 243 espèces différentes 331, adaptées au climat tropical local chaud et humide (donc assez propice au développement des végétaux), « pour s’adapter à ces disparités » 332. Figure III-36 : Zooms sur la double peau végétalisée (Source : www.verticalgardenpatrickblanc.com)

Je souhaitais aborder ce projet car il semble ouvrir de nouvelles perspectives aux façades double peaux végétalisées. En effet, l’application de façades végétalisées sur des gratte-ciels est très limitée : d’abord peu d’espèces végétales arrivent à monter et survivre aussi haut, mais également parce que les vents violents, courants à cette altitude, peuvent arracher la surface végétalisée. Une végétalisation de cette envergure, et surtout à de telles hauteurs, est donc très rare ! En 2017, il s'agissait d’ailleurs du jardin vertical le plus haut du monde.

Figure III-37 : Système d’accrochage de la double peau végétalisée (Source : www.jeannouvel.com)

326 Ateliers Jean Nouvel, Le Nouvel KLCC, 2016, Salengor, Malaisie. Lien : http://www.jeannouvel.com/projets/le-nouvel-klcc/ 327 KLCC Residences, Le Nouvel KLCC – A Nouvel Idea, e-brochure, KLCC Residences, https://klccresidences.com.my/wp-

content/uploads/2020/04/Le-Nouvel-KLCC.pdf 328 ibid. 329 ibid. 330 Mavros, Kara, Le Nouvel KLCC by Jean Nouvel (Août 2019), Architectural Record, https://www.architecturalrecord.com/articles/14191-le-nouvel-klcc-by-jean-nouvel 331 ibid. 332 ibid. 78


Projets représentatifs supplémentaires Comme je l’ai évoqué au début de cette partie, les projets mettant en place des double peaux végétalisées sont assez difficiles à retrouver. Durant mes recherches, j’ai pu repérer une cinquantaine d’édifices, majoritairement situés en Europe, mettant en place ce type de solutions. J’ai compilé tous ces bâtiments dans un répertoire comportant quelques illustrations de la double peau végétalisée réalisée, le titre et l’architecte du projet correspondant, ainsi que des liens menant à des sources de documentation les concernant. Vous pourrez retrouver ce répertoire dans l’annexe « E - Projets de double peaux végétalisées répertoriés lors de mes recherches », à la fin de ce manuscrit. Pour n’en citer que quelques-uns de plus, voici des photographies de 5 autres projets avec une façade double peau végétalisée :

Amphithéâtre et bâtiment de l'institut Francfort - Kissler Effgen + Partner Architekten

Garden Tower Buchner Brundler Architekten

Student Hall of Residence Fink+Jocher

ASI Reisen Headquarters Snøhetta

Student Housing H Arquitectes

III.3.4 Autres typologies III.3.4.1 Des arbres en façade Certaines façades végétalisées mettent en place des plantes de plus grande envergure, allant des arbustes à de véritables arbres qui animent les façades. Contrairement aux autres typologies, la végétation de ce type de façade ne constitue pas une surface continue qui habille totalement le bâtiment, il s’agit plutôt d’une accumulation de plantes qui se développent sur les espaces extérieurs et qui forment un rideau végétalisé souvent interrompu par les nez de dalle. Cependant, cette typologie présente tout de même une quantité de végétation assez conséquente pour avoir une influence non négligeable sur le comportement de ces édifices. Voici, brièvement, quelques projets représentatifs de cette typologie : Tower Flower par la Maison Edouard François Situé dans la ZAC des Hauts Malesherbes, Porte d’Asnière, à Paris, ce bâtiment expose une façade jonchée de pots de fleurs géants, inspirée « des jardinières parisiennes qui sont parfois de véritables prouesses botaniques » 333. Cette façade végétalisée comporte 380 pots en béton Ductal, où poussent des bambous, qui profitent aux terrasses des 30 logements en accession du bâtiment. Figure III-38 : Tower Flower (Source : www.edouardfrancois.com) Figure III-39 : Les pots plantés de bambous (Source : www.edouardfrancois.com) 333 Maison Edouard François, Tower Flower, 2004, Paris, France. Lien : https://www.edouardfrancois.com/projects/tower-flower

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Bosco Verticale (Forêt Verticale) par Stefano Boeri Architetti Il s’agit de 2 tours résidentielles 80 et 112 mètres de haut, situées à Milan, en Italie. Ces tours sont littéralement arborées de 800 spécimens, « 480 arbres au premier et deuxième stade de développement, 300 plus petits, 15 000 plantes vivaces et/ou couvre-sol et 5 000 arbustes, fournissant une quantité de végétation équivalente à 30 000 mètres carrés de bois et de sous-bois, concentrés sur 3 000 mètres carrés de surface urbaine. » 334 Cette végétation est répartie dans des grands bacs de plantations installés sur les balcons en porte-à-faux disposés en quinconce. D’après l’architecte, cette « forêt verticale » constitue « un avant-poste de recolonisation spontanée de la flore et de la faune dans la ville » 335 et accueille de nombreuses espèces animales avec environ 1 600 spécimens d'oiseaux et de papillons. Figure III-40 : Bosco Verticale (Source : www.stefanoboeriarchitetti.net) Il semblerait que l’entretien soit assuré par une équipe spécialisée d'arboristes-grimpeurs qui utilisent des techniques d'alpinisme pour descendre du toit et « effectuer des élagages tout en contrôlant l'état des plantes ainsi que leur éventuelle élimination ou substitution. » 336 Enfin, l'irrigation est centralisée et gérée par une installation à commande numérique, et l’eau est tirée en grande partie des effluents filtrés des tours 337 (récupération des eaux de pluie, eaux grises, etc.). Figure III-41 : Diagramme illustrant le principe de façade végétalisée (Source : www.flickr.com)

Prado Concorde par Valode & Pistre Dans une moindre mesure, j’aimerais citer aussi ce projet, le Prado Concorde, situé à Castelnau-le-Lez, et devant lequel je ne cesse de passer. Je pense qu’il illustre bien les limites de ce type de végétalisation des façades. Ici, des arbres sont disposés sur les balcons en porte-à-faux du bâtiment. Chaque balcon a une inclinaison qui constitue la fosse de l’arbre à son point le plus épais (environ 1m). Figure III-42 : Le Prado Concorde (Source : www.v-p.com)

Je n’ai pas trouvé d’informations précises sur la végétation et sa mise en place mais il est certain que ces arbres ne peuvent pas se développer dans des fosses aussi étroites, un arbre a besoin de beaucoup plus d’espace pour avoir un système racinaire viable. D’ailleurs, les arbres ont été livrés déjà « à maturité », et depuis la livraison, en 2019, ils ne semblent pas s’être développés. C’est une supposition personnelle, mais je pense qu’il doit sûrement s’agir d’arbres développés au préalable en pépinières, et qui ont sans doute été habitués ou « dopés » aux engrais, et sont aujourd’hui irrigués en continu. Si c’est bien le cas, en cas de panne 334 Stefano Boeri Architetti, Bosco Verticale, 2014, Milan, Italie. Lien : https://www.stefanoboeriarchitetti.net/project/bosco-

verticale/ 335 Ibid. 336 Ibid. 337 Ibid.

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du système d’irrigation lors de périodes de fortes chaleurs, comme on peut régulièrement avoir dans notre région, les arbres risquent sûrement de dépérir à cause du stress hydrique. Plus largement, leur mise en place hors sol (donc hors pleine terre), et l’étroitesse des fosses ne permettront pas à ces arbres de s’épanouir pleinement, loin de là… Dès lors, est-ce vraiment une solution pertinente ?

III.3.4.2 Autres La végétalisation des façades peut évidemment être réalisée à l’aide de dispositifs plus classiques : des balconnières, des bacs de jardinières ou tout simplement un investissement du rebord des fenêtres. Cependant, même ces micro-usages doivent être anticipés en phase de conception, car aujourd’hui l’épaisseur de façade, qui laissait auparavant davantage la place à des espaces adaptés pour ces dispositifs, a tendance à diminuer, voire à disparaître, ce qui diminue les possibilités d’appropriation. On peut également remarquer que même ces formes de végétalisation « simples » peuvent être réinterprétées dans une conception de façade plus complexe, et plus complète, comme on peut le voir dans le projet suivant : Stacking green par VTN Architects Il s’agit d’une maison individuelle conçue à l’intérieur d’une double peau végétalisée avec des jardinières en béton. « La distance entre les jardinières et la hauteur des jardinières sont ajustées en fonction de la hauteur des plantes, qui varie de 25 cm à 40 cm » 338. De plus, les plantes tropicales des différentes jardinières sont irriguées à l’aide d’un système automatisé.

Figure III-43 : Illustrations du projet Stacking green (Source : vtnarchitects.net)

III.4 Des solutions accessibles à tous ? Il est intéressant de noter que les typologies de murs végétalisés et de plantes grimpantes, sont - dans leur version les plus simples et sur de petites surfaces - les plus accessibles au grand public pour végétaliser euxmêmes leur façade. Elles sont souvent mentionnées dans les guides de végétalisation parfois proposés par les villes dans le but d’encourager cette pratique, et font partie des solutions proposées par les municipalités qui mettent en place des permis de végétaliser.

338 VTN Architects, Stacking Green, 2011, Ho Chi Minh City, Vietnam. Lien : https://www.stefanoboeriarchitetti.net/project/bosco-

verticale/

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Figure III-44 : Tableau récapitulatif présenté dans la rubrique « Faire son choix de végétalisation » du guide de végétalisation des façades de Strasbourg

Les particuliers doivent cependant bien respecter la réglementation et les normes en vigueur. Ainsi, l’installation d’une telle façade doit être autorisée par un ABF (Architecte des Bâtiments de France) lorsqu’elle est située dans un périmètre de 500m autour d’un bâtiment historique. De plus, lorsqu’une partie de la façade est en limite de propriété, ou limitrophe à un espace public, « les branches ou rameaux qui pourraient dépasser de la limite de propriété devront être élagués (art. 673 du Code Civil) » 339. Enfin, si la personne qui souhaite mettre en place cette solution n’est pas propriétaire, mais locataire, elle devra obtenir l’accord du propriétaire ou de la copropriété et, d’après le décret du 26 août 1987 340, les frais d’entretien et d’élagage seront à sa charge. Prix J’aborderai ici aussi les typologies les plus courantes avec les murs végétalisés et les plantes grimpantes car les autres solutions sont plus complexes ou prennent des formes tellement variées qu’il est difficile d’en tirer des généralités. L’investissement financier nécessaire pour l’installation d’une telle façade doit être considéré et s’envisager sur un temps long. En effet, il comprend le coût d’installation, le coût de maintenance et le coût d’entretien. Le coût d’installation dépend principalement de l’accessibilité de la façade, de l’architecture du bâtiment (surface lisse/présence de modénatures par exemple), des matériaux utilisés et de la surface à couvrir, en sachant que plus la surface à végétaliser est grande, plus le coût d’installation au mètre carré va décroitre ! 341 La solution la moins chère reste la végétalisation par plantes grimpantes, en particulier lorsqu’elle est directe, c’est-à-dire à-même le mur, car elle ne nécessite pas d’investir dans une structure de support. La végétalisation par plantes grimpantes indirecte, qui nécessite cette structure secondaire, sera alors un peu plus coûteuse. De plus lorsqu’une plantation en pleine terre n’est pas possible, l’investissement dans des jardinières s’ajoutera au prix d’installation. Les murs végétalisés sont beaucoup plus complexes car ils sont constitués de davantage de matériaux et nécessitent une installation par un professionnel. Le prix sera alors très variable en fonction « de la technologie choisie, de la surface à couvrir et des contraintes architecturales du bâtiment » 342. Le coût de maintenance est principalement composé du coût de consommation en eau et en nutriments pour la fertilisation et l’irrigation des plantes 343. Lorsque les plantes grimpantes sont plantées en pleine terre, ce coût est négligeable car elles disposent des réserves en eau et en nutriments fournies naturellement par le sol. Ce coût augmente lorsqu’elles sont disposées dans des jardinières, car cette réserve est alors limitée et les plantes vont nécessiter une certaine irrigation et fertilisation pour survivre. Cependant, cet investissement 339 Strasbourg.eu, Guide de végétalisation – Façades, Strasbourg ça pousse, pp.12, En ligne :

https://www.strasbourgcapousse.eu/app/uploads/2017/03/BD_GUIDE_VERTICALES.pdf

340 Ibid.

341 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail

de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.30), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 342 Ibid. 343 Ibid. (p.31) 82


ne sera pas comparable au coût de maintenance d’un mur végétalisé, qui possède souvent une réserve d’eau et de nutriment encore moins élevée, et ce, « même si les substrats sont conçus pour avoir une bonne capacité de rétention » 344 . Le coût et la consommation en eau et en nutriments de cette solution dépendra principalement du système utilisé. Pour ce qui est du coût d’entretien, les solutions à base de plantes grimpantes n’en génèrent presque aucun. En effet, « hormis une taille pour contrôler l’expansion de la couverture végétale et un palissage si cela s’avère nécessaire, aucune autre opération d’entretien ne doit être effectuée » 345. Il y a cependant quelques situations pour lesquelles il peut augmenter légèrement : si les plantes sont caduques, il faudra ramasser les fanes ; si elles dépendent d’un réseau d’irrigation, il faudra le contrôler régulièrement ; et si les surfaces végétalisées sont difficilement accessibles, « il faut faire appel à des cordistes ou utiliser une nacelle au sol ou en toiture » 346 . En ce qui concerne les murs végétalisés, il s’agit d’une solution qui nécessite davantage d’attention car il faut régulièrement vérifier l’intégrité et le bon fonctionnement des systèmes afin d’optimiser la consommation en eau ; mais, il faut aussi contrôler les conditions hygrométriques et l’apport suffisant de nutriments nécessaires au bon développement des espèces plantées 347 . Le coût d’entretien dépendra notamment de la hauteur du mur végétalisé, de sa surface, de son accessibilité et du système utilisé 348. Il peut être important et l’entretien sera généralement pris en charge par les sociétés installatrices qui disposent souvent d’un contrat pour les murs végétalisés qu’elles ont mis en place 349. « Les entreprises pilotent les systèmes d’irrigation à distance. Au moindre problème, elles sont averties et peuvent rapidement entrer en œuvre afin de résoudre la situation. » 350

Principaux types de végétalisation des façades 351 Végétalisation intégrée au bâtiment Sur mesure

Système

Végétalisation à partir du sol : à planter

Modulaire

Structure métallique sur Système plaque de laquelle sont fixés Armature métallique PVC recouverte aux dimensions du mur. des éléments d’un feutre imbibé Végétalisation à planter modulaires de solution plantés en usine, au pied du bâtiment. nutritive. assemblés sur le chantier.

Plantes grimpantes le long du mur.

Poids

30 kg/m²

45 kg/m²

45 kg/m²

Coût d’installation

500 à 1500 €/m²

300 à 600 €/m²

300 à 600 €/m²

NC

Consommation d’eau

NC

0,2 m3/m²/an

0,2 m3/m²/an

0,2 m3/m²/an

Figure III-45 : Tableau récapitulatif des prix moyens en fonction de la solution de végétalisation mise en place (Source : cf. note de bas de page n°351, p.4) 344 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail

de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.31), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 345 Ibid. (p.32) 346 Ibid. (p.32) 347 Ibid. (p.32) 348 Ibid. (p.32) 349 Ibid. (p.32) 350 Ibid. (p.32) 351 Equipe de l’ALE, Les bâtiments se mettent au vert, Les DOSSIERS de l'ALE, Dossier n°2, Agence Locale de l’énergie de l’agglomération grenobloise, Décembre 2007, 12p. (p8), En ligne : https://scot-region-grenoble.org/transitions/wpcontent/uploads/2015/03/ALE-toitures.pdf 83


Ainsi, les plantes grimpantes génèrent un coût global plutôt accessible, de par « la simplicité de leur structure, leur faible consommation en eau et en nutriments, ainsi que la facilité de démontage et la recyclabilité des matériaux la composant » 352. De plus, nous avons pu voir que les murs végétalisés auront un coût global plus élevé, du fait de leur complexité qui nécessite une installation (et un démontage) par un professionnel, et de par leur consommation importante en eau et en nutriments. Enfin, je souhaiterais compléter mes propos en donnant une idée du prix d’une double peau végétalisée, qui dépend, bien entendu, de la surface à végétaliser, mais aussi, et surtout, de la structure qui sert de guide pour la croissance des plantes et de son maillage. « Ces structures sont généralement composées de câbles et/ou de barres en inox accrochés à la façade grâce à des entretoises. » 353

Figure III-46 : Estimation des prix au m2 HTVA pour les solutions de plantes grimpantes (d’après l’IBGE)

Selon l’IBGE 354, l’Institut Bruxellois pour la Gestion de L’Environnement, ces solutions, désignées ici par « paroi végétale séparée » ont un prix qui varie d’environ 10€/m² à plus de 200€/m² (hors taxes) dans le cas d’un support tridimensionnel. Cependant, l’IBGE lui-même estime que le coût du végétal peut être sous-évalué, en réalité « une plante coûte de l’ordre de 15 à 30 € et permet de recouvrir 2 à 10 m² » 355. Il est important de noter qu’on ne parle ici que du prix des matériaux d’installation ; ces solutions nécessitent souvent une installation par des professionnels, ce qui entraîne un surcoût, auquel s’ajoute le coût de la maintenance et de l’entretien, bien qu’il soit assez faible. De plus, comme nous l’avons évoqué au début de cette partie, ce n'est qu'un prix indicatif car ces solutions sont plus complexes et prennent des formes tellement variées qu’il est difficile d’en tirer des généralités ; dans certains cas, le coût d’installation sera bien plus élevé.

III.5 Points forts III.5.1 Avantages et impacts directs III.5.1.1 Amélioration du confort des usagers La végétalisation des façades apporte de nombreux avantages, qui vont notamment participer à une amélioration du confort des usagers des bâtiments qui abordent ce type de solutions. Impact sur le confort thermique : Le principal avantage de ces solutions est l'effet de rafraîchissement de l’air ambiant à proximité immédiate grâce au phénomène d’évapotranspiration, « un mécanisme qui sert à réguler la température des plantes : les racines des végétaux captent l’eau qui se trouve dans le sol et qui s’échappe ensuite en partie au travers des micropores des feuilles, l’autre partie servant à la photosynthèse. » 356. Cette « eau » rafraîchit l’air autour de la végétation et fait donc baisser les températures. De plus, ce processus permet à la plante de convertir

352 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail

de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.33), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 353 Ibid. (p.30) 354 Institut Bruxellois pour la Gestion de L’Environnement (IBGE), Réaliser des façades vertes, Guide pratique pour la construction et la rénovation durables de petits bâtiments, IBGE, pp.14 (p.4), En ligne : https://nanopdf.com/download/ter07-realiser-desfaades-vertes_pdf 355 Ibid. 356 M.F., "Façades végétalisées - une régulation thermique esthétique et naturelle", Les Cahiers techniques du bâtiment, n°297, Mai 2010, pp.75-80 (p.79) 84


près de 60% du rayonnement absorbé en chaleur latente 357. D’autres processus vont participer à la diminution des apports calorifiques des bâtiments. Tout d’abord, la végétation va intercepter le rayonnement solaire et créer des zones d’ombre. Lorsqu’elles sont disposées au-dessus d’une surface opaque, cela peut créer un abaissement de la température de la face extérieure allant jusqu’à 15°C 358, ce qui va réduire les gains de chaleurs ; et lorsqu’elles couvrent des menuiseries, elles vont protéger les vitrages et limiter ainsi l’effet de serre. En période froide, lorsque ces gains de chaleurs sont indispensables, il est intéressant de disposer de la végétation caduque, qui perdra donc son feuillage en hiver et laissera passer le rayonnement solaire. De plus, dans le cas d’une couverture dense de plante grimpante ou d’un mur végétalisé sur une structure secondaire, la lame d’air qui sépare cette couche de végétation de la façade principale va « générer un microclimat caractérisé par une température plus faible et un taux d’humidité relative plus élevé »359. En période chaude, selon son épaisseur, cette lame d’air peut être sujette à un effet cheminée plus ou moins efficace : l’air chaud va être expulsé en partie haute, alors que l’air frais va le remplacer en s’introduisant en partie basse. En période froide ou la nuit, « l’effet de ventilation naturelle ralentit et la lame contient un « matelas » d’air, situé à l’abris entre les deux murs » 360. Cette lame d’air et la couverture végétale vont participer, dans un moindre mesure, à l’isolation 361 et permettre une meilleure rétention de la chaleur dans le bâtiment 362. Dans le cas de murs végétalisés, cette participation à l’isolation peut d’ailleurs être amplifiée par la capacité thermique et la résistance thermique du support 363 et du substrat des contenants de la végétation. Tous ces effets vont permettre de réduire le besoin en climatisation et en chauffage, et donc de réaliser des économies d’énergie. Certaines études montrent qu’un « abaissement de 5,50°C des températures des surfaces extérieures d’un bâtiment [, s’il est atteint,] contribuait à réduire de 50 à 70% les besoins en climatisation ! » 364 . En pratique, l’été, l’évapotranspiration et l’ombrage créé permettent en moyenne d’économiser 30% d’énergie électrique 365 . De plus, l’hiver, une étude réalisée au Royaume-Uni montre qu’une couverture directe d’un mur avec des plantes grimpantes permettrait de réaliser des « économies d'énergie de chauffage de 21 à 37 % » 366 ! À cela s’ajoute le fait que le parement végétal permet de protéger le mur support des intempéries (vent et pluie) 367 , et que le feuillage permet de réduire grandement la vitesse des vents forts 368, qui pourraient sinon occasionner de la gêne aux usagers. Impact sur le confort acoustique : La recherche montre que l’installation d’une façade végétalisée permet une réduction allant jusqu’à 5 dB 369 des nuisances sonores provenant de l’extérieur du bâtiment « par blocage des fréquences basses (substrat)

357 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail

de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.24), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 358 Daures, Jean-François, Architecture végétale, Paris, Éditions Eyrolles, 2011, 250 p. (p.119) 359 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.24), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 360 Daures, Jean-François, Architecture végétale, Paris, Éditions Eyrolles, 2011, 250 p. (p.119) 361 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.24), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 362 Inconnu, Green Facades - Greenwashing or a green future ?, alsecco, https://alsecco.co.uk/2019/11/green-facadesgreenwashing-or-a-green-future/ 363 Yang, Feng et coll., (2018), Summertime thermal and energy performance of a double-skin green facade: A case study in Shanghai, pp. 9, https://doi.org/10.1016/j.scs.2018.01.049 364 Moréteau, Sylvain, Murs et toits végétalisés, Paris, Rustica Éditions, « planète écologie », 2009, 112 p. (p.12) 365 Souza, Eduardo, Creating Vertical Gardens and Green Facades with Steel Cables (Février 2020), Archdaily, https://www.archdaily.com/933692/creating-vertical-gardens-and-green-facades-with-steel-cables 366 Yang, Feng et coll., (2018), Summertime thermal and energy performance of a double-skin green facade: A case study in Shanghai, pp. 9, https://doi.org/10.1016/j.scs.2018.01.049 367 Daures, Jean-François, Architecture végétale, Paris, Éditions Eyrolles, 2011, 250 p. (p.119) 368 Inconnu, Green Facades - Greenwashing or a green future ?, alsecco, https://alsecco.co.uk/2019/11/green-facadesgreenwashing-or-a-green-future/ 369 Souza, Eduardo, Creating Vertical Gardens and Green Facades with Steel Cables (Février 2020), Archdaily, https://www.archdaily.com/933692/creating-vertical-gardens-and-green-facades-with-steel-cables 85


et plus élevées (végétal et substrat). » 370 En effet, en tant que « matériau poreux », le substrat permet une certaine atténuation du bruit de toute fréquence, même s’il est plus efficace pour absorber les hautes fréquences 371. Cette propriété acoustique dépend principalement « de son épaisseur, sa porosité et sa teneur en eau » 372 . Pour ce qui est du feuillage, il a moins d’effet mais, il participe surtout à l’absorption des fréquences élevées « où la diffusion est importante » 373. Globalement, la performance acoustique de ces façades végétalisées reste limitée, en particulier pour les plantes grimpantes qui ne disposent pas d’une couche de substrat superposée à la façade, et il faut tout de même atteindre une certaine densité et une surface importante pour que l’effet soit réellement perceptible 374. Impact sur la qualité de l’air : Enfin, la végétalisation des façades contribue à améliorer la qualité de l’air dans, et autour du bâtiment support. Les feuilles des plantes permettent notamment « une filtration des particules fines contribuant aux allergies et à l’asthme » 375. De plus, étant donné que les plantes produisent de l’oxygène (après absorption du CO2), cela améliore la teneur en oxygène de l’air ambiant, ce qui contribue à réduire la fatigue 376.

III.5.1.2 Autres points forts Services rendus à l’échelle urbaine : Les façades végétalisées constituent une opportunité intéressante pour offrir à la ville « une nouvelle typologie d’espace verts » 377. Aujourd’hui on sait qu’une augmentation de seulement 10% des espaces verts en ville pourrait permettre une réduction de la température ambiante (locale) de près de 2,5°C 378. Cette baisse des températures est rendue possible par le rafraîchissement passif opéré par ces plantes, avec l’ombrage qu’elles projettent et le phénomène d’évapotranspiration. Cette capacité de rafraîchissement des végétaux permet d’atténuer l’effet des îlots de chaleur urbains 379 ; et grâce à la création d’un microclimat, avec de l’air plus frais et une meilleure qualité de l’air 380, les plantes sont même en capacité d’offrir leur opposé : des « îlots de fraîcheur » 381 ! De plus, comme nous l’avons déjà évoqué, la disposition de végétation en façade permet de faire un travail remarquable de dépollution atmosphérique et d’amélioration de la qualité de l’air autour des bâtiments « en interceptant les particules fines » 382. Les façades végétalisées permettent d’ailleurs le stockage du carbone dans leurs tissus et leurs substrat, ce qui contribue « à diminuer la quantité de gaz à

370 M.F., "Façades végétalisées - une régulation thermique esthétique et naturelle", Les Cahiers techniques du bâtiment, n°297, Mai

2010, pp.75-80 (p.79)

371 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail

de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.25), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 372 M.F., "Façades végétalisées - une régulation thermique esthétique et naturelle", Les Cahiers techniques du bâtiment, n°297, Mai 2010, pp.75-80 (p.79) 373 Ibid. 374 Ibid. 375 Inconnu, Green Facades - Greenwashing or a green future ?, alsecco, https://alsecco.co.uk/2019/11/green-facadesgreenwashing-or-a-green-future/ 376 Mnif, Rania, Quand la nature écoute l'architecture, mémoire réalisé sous la direction de M. Amine HASNI à l'École nationale d'architecture et d'urbanisme de l'Université de Carthage, Novembre 2019, pp.130 (p46-54). En ligne : https://issuu.com/raniamnif3/docs/m_c3_a9moire 377 M.F., "Façades végétalisées - une régulation thermique esthétique et naturelle", Les Cahiers techniques du bâtiment, n°297, Mai 2010, pp.75-80 (p.75) 378 Vásquez, Claudio et coll., (2020), Hygrothermal Potential of Applying Green Screen Façades in Warm-dry Summer Mediterranean Climates, Journal of façade design & engineering, pp. 20, https://doi.org/10.7480/jfde.2020.2.5109 379 Inconnu, Green Walls and Biophilic Design - are companies greening to Greenwash ?, (Mars 2020), Scotsape, https://www.scotscape.co.uk/news/living-walls-biodiversity-greenwashing 380 Ibid. 381 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.24), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 382 Ibid. (p.23) 86


effet de serre dans l’atmosphère » 383, dans un contexte où ils sont de plus en plus présents. Enfin, ces façades peuvent participer à la réduction des risques d’inondation, grâce à l’interception des pluies et à la diminution du ruissellement 384. En effet, une partie de l’eau interceptée lors d’évènements orageux va être absorbée par le substrat (diminuant au passage le besoin en irrigation de la plante) et par la plante elle-même, qui la mobilisera par la suite pour « évapotranspirer ». Services rendus à l’échelle du bâtiment : En plus de l’amélioration du confort des usagers que nous avons déjà évoquée, les façades végétalisées ont également un apport bénéfique sur le bâtiment en lui-même. Elles vont constituer une couche de protection efficace contre l’impact des conditions météorologiques extrêmes 385 (pluie, grêle, etc.), contre les rayonnements solaires directs et les rayons ultraviolets 386 , mais également contre les agressions « physiques […] comme les graffitis ou autre acte de vandalisme » 387. De plus, la filtration des polluants contenus dans l’air par les plantes permet d’atténuer l’effet de corrosion 388 que pourraient avoir certains d’entre eux sur les façades. Toutes ces vertus permettent ainsi de prolonger la durée de vie de l’édifice et de réduire les coûts d’entretien 389 à long terme. Enfin, l’utilisation de façades végétalisées présente un intérêt évident pour l’intégration paysagère des bâtiments, en particulier en milieu rural où ils pourront mieux « se fondre » dans la nature. Dans un contexte urbain, la végétation peut aussi permettre de masquer une structure peu esthétique, ou, au contraire, valoriser des éléments d’architecture. Développement de la biodiversité : Les façades végétales peuvent abriter une faune et une flore riche et diversifiée, et contribuent ainsi au développement de la biodiversité dans les espaces urbains.

« Un mur recouvert de plantes grimpantes est une véritable oasis pour toute une variété de petits animaux. Des invertébrés (insectes, araignées) trouvent là refuge et nourriture (nectar des fleurs, feuilles, autres invertébrés). » 390 Ces solutions permettent donc notamment d’héberger des insectes. En période de floraison, on peut y retrouver des « centaines d’insectes butineurs affairés » 391 , et en particulier des abeilles. Ces insectes constituent une source de nourriture pour certains oiseaux comme des passereaux 392. Si les branches ou le feuillage le permettent, certains d’entre eux s’installent également au milieu de la couverture végétale pour nidifier 393, ou pour s’abriter du froid tout simplement. En accueillant toute cette biodiversité, les façades végétalisées permettent de combler les lacunes du réseau écologique et rallongent ainsi les corridors écologiques parfois en place, ce qui participe à « augmenter la capacité de migration de la flore et de la faune » 394. Les surfaces végétalisées exposées aux vents peuvent même capter et fixer les graines emportées par ce dernier, ou par les oiseaux, et, à l’inverse, propager certaines graines, conférant ainsi à ces façades une 383 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail

de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.23), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 384 Ibid. (p.26) 385 Inconnu, Green Facades - Greenwashing or a green future ?, alsecco, https://alsecco.co.uk/2019/11/green-facadesgreenwashing-or-a-green-future/ 386 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.26), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 387 Ibid. 388 Ibid. (p.25) 389 Inconnu, Green Facades - Greenwashing or a green future ?, alsecco, https://alsecco.co.uk/2019/11/green-facadesgreenwashing-or-a-green-future/ 390 Moréteau, Sylvain, Murs et toits végétalisés, Paris, Rustica Éditions, « planète écologie », 2009, 112 p. (p.14) 391 Ibid. 392 Ibid. 393 Ibid. 394 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.26), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 87


fonction semencière ! Cependant, ce potentiel de développement de la biodiversité est très dépendant du type de façade, du substrat et des plantes sélectionnés. Pour des plantes grimpantes, ce potentiel évoluera au rythme de la croissance du végétal. De plus, pour le maximiser, il faut « travailler avec des espèces qui ont le plus d’interactions possible avec la faune locale » 395 et qui peuvent donc servir d’abri et de source de nourriture à toute cette biodiversité. Ainsi, il est préférable d’utiliser des essences qui vont fleurir et/ou fructifier, comme le lierre par exemple, qui « est parfois l’unique source de nourriture pour certains oiseaux et insectes durant certaines périodes de l’année » 396. En ce qui concerne les murs végétalisés, cela dépendra des espèces et du type de système utilisés, et en particulier de « la nature du substrat et de son accessibilité » 397. Ainsi les solutions qui reposent sur des nappes en feutre horticole, qui est un substrat synthétique, accueilleront moins de biodiversité que celles qui mettent en place « un substrat organo-minéral » 398 accessible, où la « faune épigée et endogée présente dans les sols naturels peut s’épanouir » 399.

III.5.2 Avantages et impacts plus subjectifs III.5.2.1 Le phénomène de biophilie Les bénéfices d’une végétalisation des façades ne se limitent pas à des bénéfices physiques et environnementaux mesurables, ces solutions peuvent également avoir un impact conséquent sur le bien-être physique et mental de tous grâce au phénomène de biophilie. Le mot « Biophilie » est composé de « Bio » qui signifie la vie ou désigne un être vivant, et du suffixe « philie » qui rapporte à l’attraction et l’amour 400. La Biophilie désigne donc le fait d’aimer le vivant, c’est le lien biologique inné entre l’humain et la nature.

« C’est un terme créé par le psychanalyste Erich Fromm en 1964 dans son exploration de “ l’essence de l’homme ”. Il explique que la biophilie est l’obsession psychologique d’être attiré par des choses vivantes et vitales, c’est “ l’attraction vers tout ce qui est vivant ”. » 401 C’est 20 ans plus tard, en 1984, qu’un biologiste américain, Edward O. Wilson, va approfondir les recherches du psychanalyste, et publier un livre qui va populariser le concept de « l’être humain biophilique » 402. Ce livre, c’est Biophilia, et il va y décrire la biophilie comme étant une « tendance innée à se focaliser sur la vie et sur les processus qui en ressemblent » 403. Selon lui, la biophilie a pour objectif de « promouvoir le bien-être physique et psychologique des habitants » 404 , elle agit positivement sur les performances cognitives, la diminution du stress, les émotions et l’humeur 405. Elle s’applique « aussi bien avec des éléments naturels, des matières, des imitations de textures, des inspirations naturelles, des représentations fidèles ou stylisées de la nature (courbe, foisonnante, irrégulière…) ainsi que des atmosphères vivantes. » 406

395 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail

de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.35), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 396 Ibid. 397 Ibid. 398 Ibid. 399 Ibid. 400 Mnif, Rania, Quand la nature écoute l'architecture, mémoire réalisé sous la direction de M. Amine HASNI à l'École nationale d'architecture et d'urbanisme de l'Université de Carthage, Novembre 2019, pp.130 (p.46). En ligne : https://issuu.com/raniamnif3/docs/m_c3_a9moire 401 Ibid. (p.47) 402 Ibid. (p.47) 403 Ibid. (p.47) 404 Ibid. (p.49) 405 ARP-Astrance avec le soutien d’Altarea Cogedim, Biophilie le cahier technique, Juin 2017, édité et diffusé par Ecologik, 7 p. (p.3), En ligne : https://www.biodivercite.fr/wp-content/uploads/2017/10/ARP_ASTRANCE_BD.pdf 406 Ibid. 88


D'après le cabinet de conseil en environnement Terrapin Bright Green, il existe 14 modèles d’approches biophiliques 407 différents, qui peuvent être combinés entre eux : La nature dans l’espace : - Lien visuel avec la nature - Lien invisible avec la nature - Stimulations sensorielles nonrythmiques - Variabilité thermique et renouvellement d’air - Présence de l’eau - Lumière dynamique et diffuse - Lien avec les systèmes naturels

Les analogies naturelles : - Formes et motifs biomorphiques - Lien matériel avec la nature - Complexité et ordre

La nature de l’espace - Perspective - Refuge - Mystère - Risque

« Il a été démontré que l’intégration d’éléments naturels dans un environnement bâti fournit une expérience polysensorielle et émotionnelle, tantôt apaisante, tantôt stimulante, qui améliore sensiblement le bien-être des utilisateurs. » 408 Le but de l’approche biophilique est de stimuler tous les sens en recréant ce que l’on peut ressentir en contact avec la nature, par des sons, des odeurs, des ambiances, etc. Elle se traduit de différentes manières, et la connexion à la nature se fait directement, indirectement ou symboliquement 409 , notamment par l’incorporation d’éléments naturels comme des plantes, ou d’éléments synthétiques, qui vont évoquer des couleurs et des textures naturelles. Ces éléments sont ainsi disposés dans les paysages extérieurs des bâtiments, ou à l’intérieur avec des objets décoratifs ou des éléments ayant parfois un usage. Ils permettent une interaction continue, mais également variée, par le biais de « subtils changements » ou de « stimuli », tout au long de la journée 410. Les effets associés à la biophilie et les avantages d’un environnement bâti en rapport avec la nature ont fait l’objet de différentes études et travaux de recherche ces dernières années. La présence d’éléments naturels, ou évoquant la nature semble ainsi augmenter la productivité de 8% dans un milieu de travail 411. Dans cet environnement, cela participe aussi à réduire l’absentéisme, augmenter la créativité et aussi le « taux de bienêtre » de près de 13% 412. Dans les espaces dédiés à l’enseignement, la capacité d’apprentissage augmenterait de 20 à 25% 413, avec une amélioration de la concentration, de l’assiduité, et des résultats. Il est également prouvé que dans les établissements de santé, cela peut réduire de temps de récupération post-opératoire d’environ 8,5%, et l’utilisation d’analgésiques de près de 22% 414. À l’heure où nous devenons de plus en plus sédentaires, réduisant ainsi nos contacts avec l’extérieur et la nature, la conception biophilique semble être un enjeu important dans la conception des villes, des quartiers et des aménagement intérieurs. En créant de nouvelles expériences sensorielles à différentes échelles via l’intégration d’éléments naturels, elle valorise le bien-être et la santé de l’Homme en répondant à son besoin inné de connexion à la nature.

407 Browning, Hon. AIA William, Clancy Joseph, Ryan Catherine, 14 Modèles de conception biophilique, Terrapin Bright Green,

2014, 68p. (p27), En ligne : https://www.slideshare.net/ARP-Astrance/terrapin-14-modles-de-conception-biophilique 408 ARP-Astrance avec le soutien d’Altarea Cogedim, Biophilie le cahier technique, Juin 2017, édité et diffusé par Ecologik, 7 p. (p.5), En ligne : https://www.biodivercite.fr/wp-content/uploads/2017/10/ARP_ASTRANCE_BD.pdf 409 Ibid. (p.3) 410 Ibid. (p.3) 411 Mnif, Rania, Quand la nature écoute l'architecture, mémoire réalisé sous la direction de M. Amine HASNI à l'École nationale d'architecture et d'urbanisme de l'Université de Carthage, Novembre 2019, pp.130 (p.48). En ligne : https://issuu.com/raniamnif3/docs/m_c3_a9moire 412 Ibid. 413 Ibid. 414 Ibid. 89


« [La biophilie] n’est pas seulement définie par ce qui est conçu mais elle dépend essentiellement de la conscience des habitants de l’importance de la faune et la flore, de leur connaissance des diverses espèces qui les entourent, et du temps passé dans la nature. » 415. III.5.2.2 Une plus-value esthétique Nous l’avons vu précédemment, bien que cette notion soit subjective, l’esthétique peut être un élément déterminant dans les choix de conception. Il est indéniable que la fonction ornementale du végétal influence l’esthétique de la ville et du bâtiment. La plus-value esthétique de ces solutions végétalisées est difficile à déterminée, car elle est principalement définie par des considérations personnelles qui peuvent être, comme nous l’avons évoqué, conditionnées par le phénomène de biophilie. Cependant, il est possible de comparer certaines caractéristiques de ces façades ayant une influence concrète sur l’aspect de ces façades, et par extension, son rendu esthétique. La première caractéristique qui peut avoir une influence sur l’aspect de ces solutions, ce sont les essences végétales utilisées. Chaque essence va avoir un rendu esthétique différent. Dans le cas des plantes grimpantes, elles ont chacune une manière différente d’investir et de grandir sur le support, ce qui va créer des formes et une géométrie plus ou moins élégante : les plantes grimpantes à vrilles, ou les radicantes, vont apporter une esthétique particulière par exemple. De plus, certaines essences de plante vont comporter des fleurs, ce qui peut ajouter une variété de couleurs à ces solutions. Ces fleurs ne sont souvent pas exposées toute l’année : les plantes vont avoir une saisonnalité, et elles peuvent changer périodiquement de couleur, que ce soit par leurs feuilles, ou par leurs fleurs. Il est intéressant de noter que cela peut également être un moyen de raccorder les usagers à un temps plus long, car ces plantes vont agir comme de véritables repères temporels. En composant avec ces différentes essences de plantes, on va créer ce que l’on appelle une « palette végétale », qui va produire (ou non) une certaine diversité, et définir le niveau de richesse visuelle à l’échelle de la façade. Lorsque l’on met en place des plantes grimpantes, la palette végétale sera forcément plus limitée que dans le cas d’un mur vivant, dont les possibilités d’essences végétales sont beaucoup plus étendues et où l’on pourra « se permettre plus de fantaisies et même incorporer des plantes tropicales, pour autant qu’elles soient adaptées au climat local » 416. Cependant, il est important de remarquer que la plus-value esthétique sera souvent mieux amenée par une hétérogénéité végétale qui reste harmonieuse, et qui joue sur des couleurs complémentaires entre les essences ou avec l’édifice sur lequel elles se situent, que pas un « patchwork » désordonné d’espèces végétales. De plus, il est utile de rappeler que l’étape de conception permet d’organiser ces plantes selon une certaine composition, qui peut être définie par la forme et la direction des supports qui vont guider le végétal dans le cas des plantes grimpantes par exemple. Cette composition peut être conçue pour créer des formes harmonieuses ou même des motifs qui vont impacter fortement la lisibilité de la façade. Finalement, cela revient à créer une architecture des plantes elles-mêmes, à la manière de l’art nouveau ou de l’art déco par exemple, qui tentaient de reproduire les formes organiques des espèces végétales en façade. Enfin, pour préserver le rendu esthétique voulu de manière pérenne, il faut veiller à ce que les plantes soient adaptées au contexte du projet, et dans de bonnes conditions, car il faut qu’elles disposent d’une quantité d’eau et de nutriments suffisante pour leurs bon développement. Cela évitera que ces façades ne « crament » à cause du soleil, et cela favorisera un temps de couverture plus court en début de croissance pour les plantes grimpantes, afin d’arriver plus vite à une forme de « rideau végétal » qui constituera une composante importante de l’esthétique de la façade du bâtiment support. On peut également rappeler que l’entretien et l’accompagnement de la plante aura également un rôle primordial pour préserver l’aspect maîtrisé de ces solutions, et ne pas se laisser submerger par une végétation incontrôlable. En somme, le potentiel esthétique des façades végétalisées doit être soigneusement étudié ; d’autant plus de nos jours, car leur impact visuel sera très important dans un paysage urbain contemporain encore caractérisé 415 Mnif, Rania, Quand la nature écoute l'architecture, mémoire réalisé sous la direction de M. Amine HASNI à l'École nationale

d'architecture et d'urbanisme de l'Université de Carthage, Novembre 2019, pp.130 (p.53). En ligne : https://issuu.com/raniamnif3/docs/m_c3_a9moire 416 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.33-34), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 90


par la domination du minéral, où chacune de ces solutions va donc avoir un effet signal conséquent par contraste avec son contexte.

III.5.3 Précisions sur les spécificités des plantes grimpantes, et, par extension, sur les double peaux végétalisées Durant l’élaboration de ce travail de mémoire, j’ai particulièrement approfondi mes recherches sur les plantes grimpantes et les double peaux végétalisées, qui constituaient, selon moi, des solutions très intéressantes. Je précise donc ici quelques informations sur ces solutions assez similaires, la double peau végétalisée étant souvent une façade végétalisée par des plantes grimpantes de manière indirecte (sur une structure secondaire) qui développe juste une plus grande épaisseur entre la végétation et la façade principale ; une épaisseur qui peut parfois accueillir des usages. Rappel des avantages liés à l’utilisation de plantes grimpantes : Tout d’abord, les plantes se développent soit sans support, à même le mur, soit sur une structure légère (généralement treillis ou câbles métalliques), ce qui en fait une solution facilement déployable. Les plantes grimpantes nécessitent très peu d’entretien (sauf en début de croissance), et lorsqu’elles sont plantées dans le sol ou dans des jardinières assez volumineuses, elles peuvent se passer de réseau d’irrigation et se contenter d’un arrosage ponctuel, voir seulement de l’eau contenue dans les précipitations. En ce qui concerne les impacts sur le confort, l’ombre portée des grimpantes abaisse la température des murs extérieurs et limite l’effet de serre lorsqu’elle protège aussi les vitrages. L’évapotranspiration et la capacité filtrante des plantes permettent de rafraîchir et de dépolluer l’air ambiant. Cette solution améliore l’acoustique, dans une moindre mesure, grâce à l’absorption par le feuillage des nuisances de fréquences élevées. Elle permet d’améliorer le bilan thermique des bâtiments grâce aux propriétés isolantes des plantes elles-mêmes, dans le cas d’une végétalisation par plantes grimpantes directe (utilisant donc directement le mur comme support), ou combinées au microclimat de la lame d’air dans le cas d’une végétalisation par plantes grimpantes indirecte se développant sur une armature secondaire. Enfin, la couverture végétale protège le mur support des intempéries et permet de réduire la vitesse des vents.

Spécificités propres aux double peaux végétalisées : Maintenant que nous avons revu les avantages des façades végétalisées avec des plantes grimpantes, nous allons nous intéresser davantage aux spécificités des double peaux végétalisées, et tenter de quantifier leur apport sur le confort thermique en se basant sur des articles scientifiques. Pour rappel, la double peau végétalisée est un cas particulier des façades végétalisées par des plantes grimpantes de manière indirecte, c’est-à-dire des façades dont la végétation se développe sur une armature secondaire espacée de la façade principale. La double peau végétalisée se démarque cependant sur certains points : •

L’épaisseur entre le mur et les plantes grimpantes sera plus importante, allant parfois jusqu’à accueillir des usages.

On a souvent plus d’interactions structurelles entre la façade principale et l’armature secondaire (points de contact au niveau des nez de dalle, jardinières intermédiaires, etc.).

Contrairement à la simple végétalisation par plante grimpante (indirecte) qui a tendance à se limiter au recouvrement des surfaces opaques de bâtiments, elle est généralement conçue pour se développer aussi devant les surfaces vitrées et les espaces extérieurs compris dans son épaisseur, et son feuillage est donc souvent un peu moins dense.

La double peau végétalisée profite ainsi de la quasi-totalité des avantages cités précédemment, à la différence près que le fait que la « lame d’air » prenne une épaisseur plus conséquente limite les propriété isolantes de cette végétalisation, l’air circulant plus librement derrière la couche végétale. Cette typologie est sans doute plus propice à l’interaction avec les usagers au niveau des espaces extérieurs car elle vient parfois habiller la 91


façade entièrement. Le fait que cette seconde peau passe devant les menuiseries et les espaces de vie permet d’y apporter une certaine qualité, et de faire profiter les usagers d’avantages qu’ils n’auraient pas forcément pu voir, ou avoir, si la solution choisie était une simple végétalisation par plante grimpante. En termes d’acoustique, on retrouve par exemple le chant des oiseaux ou même le bruissement des feuilles qui deviennent audibles car ils sont situés en face des ouvertures. D’après Robert CELAIRE, Ingénieur conseil en performance énergétique et prestations environnementales, ce type de façade apporte aussi une protection dite « psycho-acoustique » en créant un rideau végétal qui vient masquer la source des nuisances sonores : « je ne vois pas une voiture qui fait du bruit, donc je l’entends moins » (Entretien avec Robert CELAIRE, le 12 Avril 2022). En termes de confort thermique, nous allons voir que cette solution a des effets variables selon le climat, comme le montre les expérimentations ci-dessous. Climat méditerranéen continental (été chaud et sec) Une première expérience 417 a été menée sur le terrain sur 3 cubes évidés et aveugles de 3m de côté avec, respectivement, une double peau végétalisée d’une plante grimpante caduque, un mur vivant avec des arbustes à feuilles persistantes plantés en pots, et une absence de couverture (cube témoin), dont les performances thermiques ont été mesurées en période chaude et en période froide. Si on ne regarde que le potentiel de la double peau végétalisée, l’étude démontre qu’elle permet d’économiser 33,8 % d’énergie, comparé au cube de référence, avec des conditions de confort interne à 24 °C 418. Une corrélation entre l'irradiation solaire et les économies d'énergie montre que pour chaque kWh d'irradiation solaire, la double peau végétalisée réduit la consommation d'énergie de 19,4 % 419. Enfin, sans surprises, en hiver, la stabilité thermique du système de cette façade a des valeurs similaires à celles du cube de référence, car la plante a perdu son feuillage. Une seconde expérience 420 a été menée sur le même terrain, sur 2 cubes évidés et aveugles de 3m de côté. L’un disposait d’une double peau végétalisée d’une plantes grimpante caduque avec un indice de surface foliaire compris entre 3,5 et 4, et l’autre ne disposait d’aucune couverture (cube témoin). L’étude cherchait à identifier l'influence de l'indice de surface foliaire (LAI 421) et de l'orientation des façades du bâtiment sur l’ombre portée de la double peau et les économies d'énergie correspondantes. L’étude a montré qu’en été, la double peau permettait de réduire la température de surface du bâtiment de 15°C à l’Est ; de 16°C au Sud ; et de 16,4°C à l’Ouest 422 . Une première expérience avait d’ailleurs déjà permis de voir que, même partiellement développée, la façade double peaux végétalisée entraînait une réduction de la température de la surface externe allant jusqu’à 10,1°C au Sud, réduisant les températures intérieures de 2,5°C 423. Une autre étude 424 qui comparait quatre bâtiments avec des double peaux végétalisées à Santiago de Chile, au Chili (qui a bien un climat méditerranéen), a démontré que le refroidissement passif par évapotranspiration en présence du rayonnement solaire pouvait conduire à une réduction de la température de la cavité d’air derrière la double peau allant jusqu'à 8°C, avec une augmentation de 30% de l'humidité relative ; et qu’en l’absence de rayonnement solaire, la double peau produisait un chauffage passif. De plus, l’étude montre que « lorsque l'angle d'incidence solaire est compris entre 0° et 50° par rapport à la façade, les pics de performance sont atteints » 425. Selon une dernière étude 426, le rafraîchissement le plus important de la part de la végétation se produirait d’ailleurs avec une vitesse du vent ambiant de 3 à 4 m/s, une humidité 417 Coma, Julià et coll., (2016), Vertical greenery systems for energy savings in buildings: A comparative study between green walls

and green facades, pp. 25, https://doi.org/10.1016/j.buildenv.2016.11.014

418 Ibid. 419 Ibid.

420 Pérez, Gabriel et coll., (2016), Green facade for energy savings in buildings: The influence of leaf area index and facade

orientation on the shadow effect, pp. 14, https://doi.org/10.1016/j.apenergy.2016.11.055

421 LAI, ou Leaf Area Index, désigne la surface totale des feuilles sur la surface de sol couverte.

422 Pérez, Gabriel et coll., (2016), Green facade for energy savings in buildings: The influence of leaf area index and facade

orientation on the shadow effect, pp. 14, https://doi.org/10.1016/j.apenergy.2016.11.055

423 Ibid.

424 Vásquez, Claudio et coll., (2020), Hygrothermal Potential of Applying Green Screen Façades in Warm-dry Summer Mediterranean

Climates, Journal of façade design & engineering, pp. 20, https://doi.org/10.7480/jfde.2020.2.5109

425 Ibid.

426 Yang, Feng et coll., (2018), Summertime thermal and energy performance of a double-skin green facade: A case study in

Shanghai, pp. 9, https://doi.org/10.1016/j.scs.2018.01.049

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relative de 30 à 60% et un rayonnement solaire supérieur à 800 W/m2. Autres climats étudiés Une expérimentation 427 menée sur un bâtiment d’administration à Shangaï (climat subtropical chaud et humide) a cherché à définir les performances de rafraîchissement estivales d'une façade double peau végétalisée par une plante grimpante à feuillage persistant. Des mesures de températures ont ainsi été prises au niveau d’une façade Sud-Ouest, et d’une Façade Nord-Est en août et septembre 2015. Ainsi, on peut remarquer que pour la façade faisant face : o Au Nord-Est, la double peau végétalisée permet de réduire très légèrement la température de la cavité d’air, avec un pic à -3,3°C. Elle réduit aussi la température de surface du mur de 0,8 °C en moyenne, avec un maximum d’environ 4,5°C ; et elle réduit très légèrement la température intérieure, avec un pic de -1,9°C. 428 o Au Sud-Ouest, cette solution est plus efficace, elle permet de réduire légèrement la température de la cavité d’air, avec un pic à -5,5°C. Elle réduit aussi la température de surface du mur de 1,5 °C en moyenne, avec un maximum d’environ 9°C ; et elle réduit la température intérieure de 1,1°C en moyenne, avec un pic de -2,7°C. 429 Dans un contexte caractérisé par un climat tempéré chaud et humide, une étude du rafraîchissement thermique de 3 espèces de plantes grimpantes, mises en place sous la forme de double peaux végétalisées devant un mur orienté Sud, montre que cette solution permet de rafraîchir la surface du mur de 1,84°C en moyenne, et, dans le cas de la vigne, de 2,91°C en moyenne 430. Facteurs déterminants pour le bon fonctionnement d’une façade végétalisée par des plantes grimpantes de manière indirecte : Pour déterminer les variables qui ont le plus d’influence sur l’apport de ces façades en termes de confort thermique, je m’appuierai sur les conclusions des études et expérimentations déjà évoquées. Ainsi, le fonctionnement d’une Façade Végétalisée par des Plantes Grimpantes de manière Indirecte (FVPGI) va être conditionné par le choix des espèces végétales (et si elles sont caduques ou non), le climat, le bâtiment support, et les « mécanismes variés qui font de ces systèmes des outils passifs d'économie d'énergie » 431. Ces « mécanismes » sont fondamentaux, il s’agit de l’ombre portée, de l’isolation, de l’évapotranspiration, et de la variation des effets de ventilation 432. L’ombre portée est le phénomène le plus important car il intercepte une plus ou moins grande partie des « rayonnements solaires directs et diffus » 433 , en fonction de l’orientation 434, de la densité du feuillage, de la transmittance solaire des feuilles, et de l'aire couverte par ces dernières 435 . Cela permet une réduction importante des températures de surface des murs et de la température intérieure 436. On peut également remarquer que la densité du feuillage est directement liée à l'indice de surface foliaire (LAI) 437. Un indice qui va aussi influencer la capacité d’isolation des FVPGI, qui peut contribuer à « la réduction du transfert de chaleur de l'extérieur vers l'intérieur et améliorer l’économie 427 Yang, Feng et coll., (2018), Summertime thermal and energy performance of a double-skin green facade: A case study in

Shanghai, pp. 9, https://doi.org/10.1016/j.scs.2018.01.049 428 Ibid. 429 Ibid. 430 MacIvor, J. Scott, Margolis, Liat, (2015), Cooling of a South-Facing Wall Using a Double-Skin Green Façade in a Temperate Climate, pp. 10, https://doi.org/10.17660/ActaHortic.2015.1085.30 431 Coma, Julià et coll., (2016), Vertical greenery systems for energy savings in buildings: A comparative study between green walls and green facades, pp. 25, https://doi.org/10.1016/j.buildenv.2016.11.014 432 Yang, Feng et coll., (2018), Summertime thermal and energy performance of a double-skin green facade: A case study in Shanghai, pp. 9, https://doi.org/10.1016/j.scs.2018.01.049 433 Ibid. 434 Pérez, Gabriel et coll., (2016), Green facade for energy savings in buildings: The influence of leaf area index and facade orientation on the shadow effect, pp. 14, https://doi.org/10.1016/j.apenergy.2016.11.055 435 Yang, Feng et coll., (2018), Summertime thermal and energy performance of a double-skin green facade: A case study in Shanghai, pp. 9, https://doi.org/10.1016/j.scs.2018.01.049 436 Pérez, Gabriel et coll., (2016), Green facade for energy savings in buildings: The influence of leaf area index and facade orientation on the shadow effect, pp. 14, https://doi.org/10.1016/j.apenergy.2016.11.055 437 Ibid. 93


d'énergie » 438. De plus, le phénomène d’évapotranspiration permet à la façade d’agir comme un système de refroidissement passif et d’engendrer des économies d’énergie, notamment en période estivale 439 . Son efficacité dépend de la densité du feuillage, qui va fixer « la capacité de rétention et de libération de l'humidité dans la cavité intérieure » 440 ; mais également de l’orientation, qui va déterminer l’exposition au soleil 441. La performance du phénomène est d’ailleurs optimale lorsque les rayonnement dépassent une certaine intensité, et « à des moments où les angles d'incidence solaire ne sont pas perpendiculaires à la façade, mais latéraux » 442. Enfin, les espèces végétales, l'orientation de la façade et l’épaisseur de la cavité d’air jouent aussi leur rôle dans la variation des effets de ventilation 443, et « la vitesse de l'air dans la cavité entre le mur et la plante a une forte influence sur le coefficient de transfert thermique convectif du mur » 444. Pour résumer toutes les observations qui ont été faîtes, j’ai réalisé une liste des facteurs déterminants pour le bon fonctionnement d’une façade végétalisée par des plantes grimpantes (et qui concerne donc également les double peaux végétalisées), en grande partie basée sur un des articles scientifiques 445 cité, que j’ai largement complétée en y ajoutant de nombreuses informations issues de mes recherches et de ma réflexion. Vous pourrez la retrouver à la page suivante.

438 Widiastuti, Ratih et coll., (2021), Thermal insulation effect of green façades based on calculation of heat transfer and long wave

infrared radiative exchange, pp. 18, https://doi.org/10.1016/j.measurement.2021.110555 439 Pérez, Gabriel et coll., (2016), Green facade for energy savings in buildings: The influence of leaf area index and facade orientation on the shadow effect, pp. 14, https://doi.org/10.1016/j.apenergy.2016.11.055 440 Vásquez, Claudio et coll., (2020), Hygrothermal Potential of Applying Green Screen Façades in Warm-dry Summer Mediterranean Climates, Journal of façade design & engineering, pp. 20, https://doi.org/10.7480/jfde.2020.2.5109 441 Ibid. 442 Ibid. 443 Yang, Feng et coll., (2018), Summertime thermal and energy performance of a double-skin green facade: A case study in Shanghai, pp. 9, https://doi.org/10.1016/j.scs.2018.01.049 444 Ibid. 445 Ibid. 94


Tout d’abord, l’apport sur le confort d’une façade végétalisée par plantes grimpantes dépend donc de plusieurs facteurs. Il va reposer sur : •

L’efficacité de l'ombre portée 446 , qui va dépendre de l’orientation, des espèces végétales sélectionnées (à feuilles caduques ou persistantes), de la densité des feuilles, de la transmittance solaire et de l’aire couverte par ces feuilles.

L’efficacité de l'évapotranspiration 447, qui va dépendre des conditions climatiques, de l’orientation, des type de plantes utilisées, de leur exposition, du contenu du substrat humide où elles trouvent leurs nutriments, de la densité du feuillage et des caractéristiques des stomates des feuilles.

La propriété isolante de la couverture végétale448, qui va dépendre de la densité du feuillage ainsi que de l’épaisseur et du taux de renouvellement de l'air de l'espace tampon entre le mur et la végétation.

Sa capacité à faire varier les effets de ventilation 449 (de la cavité d’air notamment), qui va dépendre des espèces végétales sélectionnées, de l'orientation de la façade et de l'espacement entre le feuillage et le mur. La pertinence globale de ce type de façade reposera également sur : •

Sa viabilité, qui va dépendre des conditions climatiques, de sa résistance à la chaleur/au froid, de ses besoins en eau, de son temps de pousse (taux de croissance), du mode de plantation utilisé (Pleine terre ? Bacs ?), du type de sol (Calcaire ? Argileux ? Sableux ? etc. – Humidité ? – PH ?), de sa vulnérabilité aux nuisibles et de la fréquence d’entretien nécessaire.

Sa compatibilité avec le projet, qui va dépendre de sa hauteur à maturité, de la fonction du bâtiment, du support nécessaire et du type d’accrochage des plantes utilisées.

L’interaction possible avec les usagers, qui va dépendre de ses modalités d’entretien, de sa capacité à écarter les nuisibles (anti-moustique par exemple), de son apport en nourriture et de sa capacité à créer des connexions sociales (cf. mélange des classes dans le bâtiment à double peau KMC Corporate Office).

Ses qualités visuelles, qui vont dépendre de la diversité des essences utilisées, de leurs couleurs (avec la présence, ou non, de fleurs), et du dynamisme à court terme (mouvements avec le vent / comportement avec le soleil) et à long terme (évolutivité en fonction des saisons) de la façade.

Ses qualités sensorielles (pour l’ouïe, l’odorat), qui vont dépendre de l’ambiance sonore générée par la double peau végétalisée (bruissement des feuilles) et des potentiels parfums qu’elle va libérer.

Son potentiel écologique, qui va dépendre de sa capacité à accueillir de la biodiversité, de son positionnement dans les corridors écologiques, de son environnement et de sa capacité à faire écho à d'autres systèmes de végétalisation pour générer un microclimat.

Son impact environnemental, qui va dépendre de sa consommation en eau, de l’utilisation d’intrants artificiels (ou non), de la teneur en énergie grise du support et de la provenance des matériaux utilisés.

446 Yang, Feng et coll., (2018), Summertime thermal and energy performance of a double-skin green facade: A case study in

Shanghai, pp. 9, https://doi.org/10.1016/j.scs.2018.01.049

447 Ibid. 448 Ibid. 449 Ibid.

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IV.

ANALYSE DU POTENTIEL DES SOLUTIONS VÉGÉTALISÉES

Dans cette quatrième et dernière partie, nous mobiliserons à nouveau la méthodologie et le corpus employé dans ce mémoire (et détaillés dans le II.1) pour tenter d’analyser le potentiel des façades actives végétalisées, et notamment des double peaux végétalisées, et interroger la place de ces solutions dans la crise environnementale. Pour rappel, j’ai d’abord procédé à une analyse de documentation, basée sur des ouvrages, des documents, des articles de revues, des articles en lignes et des publications scientifique. J’ai également utilisé la méthode du sondage, avec un questionnaire à destination des professionnels (architectes, urbanistes, paysagistes, botanistes, ingénieurs, bureaux d'étude façade, etc.). Ce court questionnaire était conçu pour identifier la place des façades actives multi-couches, comme les double peaux (végétalisées ou non), dans le processus de conception, les aprioris qui leurs étaient associés, et les potentiels problèmes qui freinaient leur démocratisation. Les résultats, disponibles dans l'annexe « A - Résumé des réponses obtenues au questionnaire », m’ont permis d’apporter des informations dans de nombreuses parties de mon développement. J’ai ainsi obtenu 14 réponses qui ont été le point de départ de nombreux entretiens réalisés par la suite avec des professionnels sachants sur la question. En effet, mes recherches documentaires sur les façades actives, et en particulier les double peaux, m’ont permis de commencer à structurer mon mémoire, mais aussi d’identifier des flous ou des lacunes dans ma compréhension, qui m’ont servi de base pour créer une grille d’entretien sous forme semi-structurée, disponible dans l’annexe « B - Grille d'entretien concepteurs - double peaux ». Ces entretiens ont par la suite été réalisés de manière semi-directive avec des questions ouvertes classées par thèmes qui servaient à lancer, ou relancer la discussion. La liste des 14 personnes avec qui j’ai pu m’entretenir est disponible dans l’annexe « C - Liste des entretiens réalisés » et les retranscriptions des entretiens sont disponibles dans l’annexe « D - Retranscriptions des entretiens ». Enfin, le corpus prenait pour objet des façades de projets principalement situés en Europe, issues de mon expérience personnelle, de mon analyse documentaire, des réponses données à mon questionnaire ou encore des retours d’expérience de mes entretiens.

IV.1 Des façades parfois remises en question Nous avons parlé des avantages de ces façades mais il est temps de parler aussi de leurs inconvénients et de leurs limites, qui, dans l’imaginaire collectif, relèvent parfois simplement d’a priori ou de mauvaises expériences qui auraient pu être évités !

IV.1.1 Inconvénients et limites IV.1.1.1 Analyse et retours négatifs sur les solutions de végétalisation des façades « En fait, moi je n’ai aucun retour de façades végétalisées qui aient fonctionné [..] je n’en ai jamais vu qui fonctionnait vraiment bien. » (Entretien avec Nicolas PAULI, Docteur en Mécanique et Génie Civil et Spécialiste des membranes textiles architecturales, le 9 Mai 2022) Des projets de façades végétalisées « qui crament », une végétation qui devient parfois incontrôlable, un entretien contraignant, des dommages infligés aux bâtiments, des systèmes trop complexes ou même une consommation en eau excessive : voilà les retours négatifs qu’on a l’habitude d’entendre à propos des façades végétalisées. Mais qu’en est-il réellement ? Quelles sont les limites, les enjeux, et les problèmes posés par ce type de solutions ? Sont-ils évitables ? Au cours de mes entretiens, j’ai pu discuter de ces questions avec des personnes qui se situent généralement du côté de l’équipe de conception, et j’ai tenté ici de retranscrire le fruit de ces échanges.

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Limites inhérentes à ces systèmes Chantier D’après Simon DIARD, Paysagiste chez PUNK Agency, la phase de chantier peut parfois poser problème avec ce type de solutions. En effet, « les entreprises n’ont pas tout le temps l’habitude » de travailler avec du vivant et ils appliquent donc les choses « d’une façon très mécanique », parfois sans faire attention. L’installation de façades végétalisées peut poser problème en termes de phasage de chantier : « arrivée des végétaux, mise en œuvre des végétaux, arrosage des végétaux », il y a une certaine complexité. De plus, il faut maintenir les végétaux en vie pendant tout ce temps. C’est particulièrement un problème dans le cas des murs végétalisés, mais même en cas d’utilisation de plantes grimpantes, il faut toujours faire attention en début d’installation car ce sont des systèmes fragiles qu’il faut accompagner. « En phase chantier on se rend compte que ce n’est pas toujours aussi simple. » (Entretien avec Simon DIARD) Sol La question du sol est cruciale dans l’installation de ces façades, notamment dans un contexte urbain. Certaines solutions, comme les murs végétalisés, ne vont, d’office, pas être en contact avec celui-ci, mais d’autres, comme les plantes grimpantes plantées en pleine terre, vont avoir besoin d’un sol adéquat : « il faut de la place, puisque pour que tout l’appareil aérien puisse vivre, la plante a besoin d’une prospection de la part des racines suffisamment étendue, notamment pour aller chercher de l’eau, mais aussi des substances nutritives » (Entretien avec Gilles CLÉMENT, Paysagiste, botaniste, biologiste et écrivain, le 02 Mai 2022). Et cela dépend donc principalement de la nature du pourtour de l’édifice, selon Gilles CLÉMENT, « s’il est minéralisé, si c’est de l’asphalte partout, cela ne marche pas. » Dans un contexte urbain parfois très dense, et très minéral, il peut donc être difficile de trouver un sol qui correspond à la solution choisie, à moins de « forcer » le sol minéral existant pour aller chercher la terre. Jean François RAVON, architecte, paysagiste et enseignant rajoutera que pour se rendre compte de cette difficulté, on peut prendre l’exemple de l’installation des lignes de tramway, qui entraînent une certaine complexité car on est « obligé d’enlever et de déporter les réseaux pour pouvoir garder une continuité ». Temps de pousse Il ne faut pas oublier qu’une végétalisation, quelle qu’elle soit, doit être pensée dans un temps long, en particulier au début du projet. En effet, contrairement aux murs vivants modulaires qui ont l’avantage de s’installer avec une végétation pré-établie, les autres solutions vont mettre un certain temps à se développer et à recouvrir leur support dans le cas de plantes grimpantes. Selon Simon DIARD, la « question de temps de couverture et du temps de pousse […] est aussi un point qui mène à une appréhension sur ce type de façade ». Il ne faut pas le négliger, car cela veut dire que le rendu esthétique d’une telle solution ne va pas être immédiat, il va prendre des mois dans le cas d’un mur vivant, voire des années pour les plantes grimpantes ! De plus, cela va également poser problème lorsque l’on « cherche à avoir un masque solaire à partir de cette solution » car la protection solaire ne sera pas assurée jusqu’à ce que l’espèce végétale soit suffisamment développée. Ce temps de pousse va principalement dépendre du taux de croissance des végétaux et de l’apport suffisant en eau et en nutriments, pour assurer leur bon développement. Dans le cas de plantes grimpantes, l’usage de jardinières intermédiaires peut permettre d’accélérer ce processus en divisant l’espace à couvrir pour chaque plante Hauteur Comme nous l’avons évoqué pour le projet du Nouvel KLCC, le développement de ces systèmes végétalisés a ses limites, car les plantes « n’aiment pas le vent » d’après Robert CELAIRE. En effet, selon Simon DIARD, cela pose « un problème assez simple, un problème de vitesse de vents en hauteur avec peut-être des risques d’arrachement sur certaines lianes ». Cependant, cela semble principalement dépendre des espèces utilisées, de leur mode de fixation, et du support mis en place, car il est parfois possible de monter très haut comme le prouve le projet du Nouvel KLCC. L’esthétique 97


Il est possible d’obtenir des façades très esthétiques avec ces systèmes de végétalisation verticale et c’est un de leurs nombreux atouts. En effet, les plantes viennent apporter une certaine « poésie organique », avec leurs différentes formes et leurs couleurs, ou même leur organisation sur la surface à végétaliser qui peut créer des motifs géométriques harmonieux. Cependant, il est également intéressant de souligner que cette esthétique peut aussi jouer en leur défaveur, et les résumer à un rôle décoratif, qui donne parfois lieu à des réalisations d’objets très complexes pour mettre en avant un esthétisme, sans pour autant que cela soit justifié ou qu’il y ait un réel apport positif sur le projet. Pire, cette complexité peut entraîner davantage de risques et de problèmes, qui sont eux même plus complexes à résoudre ! Enjeux majeurs de ces systèmes Consommation d’eau ? L’irrigation des plantes est l’un des enjeux les plus importants liés à la mise en place de ces façades, il va jouer un rôle indéniable dans leur viabilité, mais aussi dans leur impact écologique, car certains systèmes peuvent être très consommateurs en eau ! Ce n’est pas le cas des plantes grimpantes, car même si l’apport en eau est indispensable en début de croissance, elles peuvent se passer d’un réseau d’irrigation lorsqu’elles sont plantées en pleine terre et qu’elles disposent d’une quantité de substrat suffisante. Malheureusement, ce n’est pas souvent le cas dans les zones fortement urbanisées (trottoirs) donc on a tout de même une consommation d’eau dans la plupart des cas. Lorsqu’elles sont plantées en jardinières, l’installation d’un système d’irrigation est conseillée, mais ce n’est pas obligatoire, et la plante grimpante ne sera pas très demandeuse en eau. En ce qui concerne les murs végétalisés par contre, le bilan est moins bon. L’installation de ce système induit forcément la mise en place d’un système d’irrigation car, dans le cas contraire, le substrat pourra se dessécher très vite. Le problème c’est que ce système est généralement raccordé au réseau d’eau courante et qu’il consomme énormément d’eau potable 450, d’autant plus lorsque que le réseau d’irrigation est en circuit ouvert. Selon Simon DIARD, le choix réfléchi des espèces peut également influencer cette consommation : lorsque l’on dispose, sur une façade exposée, « des fougères et des plantes qui aiment l’ombre, et non pas le soleil, il va falloir vachement d’eau. » Cette consommation peut être réduite grâce à des capteurs d’humidité intégrés au substrat qui optimisent la distribution en eau pour ne pas consommer plus que nécessaire, mais cet réduction n’est parfois pas très importante comparée à la consommation globale. De plus, l’irrigation automatisée entraîne une grande dépendance à l’intégrité du système d’irrigation, qui peut alors mettre en danger les végétaux en cas de panne. « C’est ce qui est arrivé au bâtiment rue Belliard à Bruxelles. La façade réalisée par Patrick Blanc a déjà brûlé deux fois en 6 ans. […] En 24 heures, 5000 des 7000 plantes ont péri [Fabré and Nahjari, 2010]. La fois suivante […] la compagnie n’a pas réussi à joindre le propriétaire de l’immeuble à temps et la façade a complètement brûlé. Elle doit être démontée et reconstruite pour un coût estimé entre 60 et 70 000 euros » 451. Il est également intéressant de noter qu’une irrigation trop importante peut rendre les plantes très dépendantes à cette eau. C’est en tout cas ce qu’affirme Jean François RAVON : « dans nos pays méditerranéens, on a un gros ennemi, qui est le goutte à goutte, […] parce qu’en fait, la plante c’est du vivant, donc elle a le côté fainéant de tout vivant, elle va au plus simple. Si vous lui donnez du goutte à goutte quotidien, l’eau va en surface, elle descend sur 15, 20 ou 25cm, et du coup la plante vit avec ça et ne va jamais vraiment chercher en profondeur et elle devient totalement dépendante de ce goutte-à-goutte. » (Entretien avec Jean François RAVON, Architecte, paysagiste et enseignant, le 18 Mai 2022). Cette dépendance va entraîner une plus grande consommation d’eau, car le végétal ne se sera pas adapté pour aller la chercher plus loin dans le substrat. Selon Jean François RAVON, il faudra alors privilégier un arrosage du végétal 450

Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.26-27), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 451 Ibid. (p.21) 98


uniquement en début de croissance et en période de canicule, car « plus on va le conditionner pour que ses racines aillent chercher profond, plus il va supporter le stress hydrique, parce que plus on est profond, plus il y a de la fraîcheur et plus il y a de l’humidité ». Cela permettra donc, à long terme, une meilleure viabilité. Il existe tout de même des pistes pour réduire cette consommation. La plus évidente consiste à augmenter la capacité de stockage du substrat des plantes en leur accordant plus de volume ou d’épaisseur, ce qui va également permettre de favoriser le développement du système racinaire. Une autre solution est de récupérer les eaux de pluies dans un réservoir d’eau en toiture, qui va la redistribuer pour l’irrigation, mais selon Simon DIARD, dans certains climats chaud et secs, cela ne fonctionne pas très bien, car « généralement il ne pleut pas ou peu en été et c’est là que les plantes ont besoin d’eau », alors qu’en hiver, le réservoir est plein mais le besoin en irrigation est moindre. Une autre stratégie, qui a d’ailleurs la même limite, consiste à remplacer ce grand réservoir par une multitude de petits réservoir directement installés dans les jardinières, l’eau de pluie y arrivant via une connexion avec les gouttières 452. Enfin, il est également possible d’utiliser les eaux grises du bâtiment en adaptant le réseau d’évacuation et le réseau d’irrigation, et en installant « un système de filtration de l’eau, de neutralisation de certains polluants ou de certaines bactéries avec des systèmes électriques anodes, cathodes ou des choses comme ça », ce qui implique une certaine maintenance me rappelle Simon DIARD. De plus, c’est un système assez onéreux et « il faudrait énormément de place », le genre de place qui coûte cher dans une ville comme Paris par exemple, où on préfèrera investir dans « 2 places de parking » plutôt que dans un bassin de filtration d’après Simon DIARD. Enfin, pour l’instant, en France du moins, « c’est interdit, tu ne peux pas récupérer les eaux de toilettes ou les eaux de lavabo. Il faut filtrer tout ça et c’est en cours, c’est le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) qui est dessus, et c’est un peu compliqué de pouvoir avoir tous les ATEX et toutes les réglementations. » (Entretien avec Simon DIARD) Entretien des végétaux ? L’entretien des façades végétalisées est une étape indispensable pour s’assurer de la bonne santé et du bon développement des végétaux qui la composent, et d’après Simon DIARD, « Il faut imaginer l’entretien que c’est ! ». L’entretien prend différentes formes selon le système de végétalisation utilisé, mais en général il s’agit du contrôle des systèmes, de la taille, de la fertilisation, du nettoyage ou encore de l’irrigation lorsqu’elle n’est pas automatisée. En ce qui concerne la taille, elle va principalement permettre de contrôler le développement de la couverture végétale pour éviter qu’elle ne dévie de la surface qui lui est attitrée, et qu’elle ne cause de problèmes aux usagers. Elle sera ainsi réalisée pour les façades végétalisées qui commencent à entraîner des problèmes d’accès à la lumière du jour en obstruant les fenêtres par exemple, car « on ne peut pas leur offrir (aux usagers) un masque de verdure en permanence » (Entretien avec Simon DIARD). De plus, il peut être nécessaire « de remplacer des végétaux, des éléments du système d’irrigation ou une partie du substrat. » 453 Il faut d’ailleurs s’assurer que le substrat contienne suffisamment de nutriments pour la viabilité des plantes, autrement, une fertilisation sera nécessaire pour éviter à la plante des carences qui pourraient ralentir son développement. Sur ce point, les façades végétalisées par plantes grimpantes n’en ont généralement pas besoin lorsqu’elles sont en pleine terre, car le sol contient suffisamment de nutriments. Cependant, en ce qui concerne les murs végétalisés, qui ne disposent que d’une fine couche de substrat, une fertilisation sera nécessaire et pourra être intégrée au système d’irrigation (système de ferti-irrigation) 454. La fertilisation se fera alors avec des engrais chimiques, ou des engrais organiques, qui n’auront pas été sujets à une série de réactions chimiques et qui auront donc une empreinte environnementale beaucoup plus faible 455. Dans le cas d’espèces à feuillage caduque, l’entretien comprendra aussi le ramassage des fanes en automne, pour éviter d’entraîner des problèmes pour les usagers ou les systèmes. En somme l’entretien est très important pour la survie de ce type de façade. Selon Simon DIARD, la preuve en est que de nombreuses 452

Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.36-37), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 453 Ibid. (p.27) 454 Ibid. (p.27) 455 Ibid. (p.38) 99


façades végétalisées n’ont pas survécu aux périodes de confinement ou de canicules extrêmes, car dans ces conditions, si personne ne peut les entretenir, et pour peu que ces façades n’aient pas de systèmes d’irrigation, les plantes mourront. Cependant, l’entretien constitue des contraintes d’exploitation et de gestion conséquentes, parfois très chères, et qui peuvent poser question en termes de durabilité. Par exemple, d’après Simon DIARD, le mur végétalisé du quai Branly nécessite un passage de 4 personnes par semaine, avec des plantes à changer en permanence. « Avoir des plantes qui sont sous perfusion pour exercer leur rôle de peau ou sinon d’esthétisme […] ça pose quand même la question de la consommation d’eau, d’utilisation d’engrais, et des contraintes d’exploitation et de gestion qui sont très onéreuses. » (Entretien avec Simon DIARD). Maintenant, on peut se demander à qui sont destinées ces charges et cette complexité d’entretien. Simon DIARD m’expliquera que pour les bâtiments tertiaires et industriels, il n’y avait qu’un seul gestionnaire, ce qui est plus simple. Pour les bâtiments publics aussi, « même si les moyens ne sont pas infinis ». Par contre, il est très sceptique sur l’emploi de ces solutions en copropriété :

« Quand vous êtes en « co-pro », ou des choses comme ça, ce n’est pas du tout viable. […] Ça marche dans l’imaginaire, ça marche sur les concours, mais après c’est plus compliqué au niveau de l’entretien dans la réalité. » (Entretien avec Simon DIARD, Paysagiste chez PUNK Agency, le 31 Mai 2022) Maintenance des systèmes ? Selon Simon DIARD, même si la technologie utilisée n’est pas entièrement automatisée et qu’elle fonctionne en partie de manière passive, « la technologie il faut l’entretenir, toujours ». La maintenance des systèmes, et notamment du système d’irrigation, est donc primordiale, et nécessite une grande attention. Il faudra ainsi s’assurer qu’il n’y ait aucun problème au niveau informatique lorsque c’est automatisé, mais également au niveau matériel, car ce système « a tendance à s’encrasser, notamment au niveau des goutteurs » 456. Globalement, ces questions d’entretien des plantes et de maintenance des systèmes sont déterminantes pour ces systèmes végétalisés. Comme nous le verrons par la suite, c’est d’ailleurs la plus grande source d’appréhension les concernant, car cela représente une certaine charge de temps et d’argent qu’il faut anticiper. À ce propos, Simon DIARD me dira quelque chose de très intéressant :

« Ça pose des questions d’avoir 25 intervenants pour la gestion d’un bâtiment de 60 logements, tu peux être sûr que ça dure 1 an ou 2, mais après, quand on voit les coûts, il y a pas mal de contrats de gestion qui passent à la trappe, et tes systèmes d’eau sont morts, tes systèmes tournent, tes systèmes deviennent pourris, il faut les démonter et ça coûte encore plus d’argent. [L’installation d’une façade végétalisée] partait d’une bonne idée, mais comme ça n’a pas été entretenu, ça devient une fausse bonne idée, et il y en a beaucoup des comme ça. Donc ce n’est pas décourageant parce […] si tu prends soin du bâtiment le plus simplement possible, en anticipant les coûts de gestion - ce qui est le plus important parce que c’est souvent le nerf de la guerre - [ça fonctionnera !] » (Entretien avec Simon DIARD) Cela pose également la question de la capacité même à entretenir les façades végétalisées de grande hauteur, et en particulier les double peaux végétalisées par exemple, car cela nécessite parfois l’intervention de spécialistes de l’entretien qui doivent être qualifiés (techniques de cordistes pour descendre du toit par exemple). Autres problèmes évitables Nuisibles et problèmes liés à l’eau Certaines façades végétalisées semblent parfois s’accompagner de la prolifération de « nuisibles », comme les moustiques par exemple. L’étanchéité des structure et l’évacuation d’eau est alors un point très important à prendre en compte durant la conception de ces systèmes végétalisés car « il faut à tout prix éviter c’est l’eau 456 Moréteau, Sylvain, Murs et toits végétalisés, Paris, Rustica Éditions, « planète écologie », 2009, 112 p. (p.33)

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stagnante » d’après Jean François RAVON. En effet, si on se retrouve avec des points où l’eau n’est pas évacuée et commence à stagner, « même en faible quantité, [les moustiques] peuvent se développer » (Entretien avec Jean François RAVON). Au-delà de ça, « il faut qu’on ait des choses drainantes pour que l’on n’ait pas de problèmes de remontées d’humidité » d’après lui, car cela peut être un problème récurrent lorsque l’on travaille avec du végétal. Espèces de plantes problématiques Il existe des variétés de plantes, et notamment de plantes grimpantes, qui peuvent être envahissantes et problématiques malgré leur notoriété actuelle. On a par exemple la glycine, qui est particulièrement robuste, et dont les lianes peuvent devenir « de véritables troncs ayant assez de force pour tordre une clôture » 457, qu’il faudra donc tailler régulièrement pour en contrôler le développement. On a également le lierre, qui peut s’infiltrer « dans les moindres interstices » 458, et qui possède des racines aériennes avec une force redoutable. Enfin, on peut aussi citer la vigne vierge 459, qui se développe très rapidement avec des feuilles larges et des branches solides, et qui nécessite donc une certaine surveillance pour limiter son expansion à la surface voulue. Dommages sur le bâtiment Les plantes grimpantes ont parfois la réputation d’infliger des dommages aux bâtiments support. Cependant, lorsque cela arrive, cela est généralement dû à une négligence ou une mauvaise anticipation du gestionnaire. En effet, certaines plantes, comme le lierre ou d’autres plantes grimpantes 460, peuvent occasionner des dégâts en s’introduisant « dans les fissures ou dans les joints » 461. Simon DIARD me le confirme : « le lierre et ses crampons, ça abîmera la façade ». Cependant cela n’arrive que lorsque la façade support est déjà en mauvais état, et il suffit juste de réaliser un ravalement de façade en amont de la pose des grimpantes pour éviter cette situation 462. « De manière générale, il est tout de même conseillé de rafraîchir la façade avant d’installer une façade végétale, peu importe la technologie choisie, car l’entretien de la façade sous la couverture végétale ne pourra plus être effectué. » 463 D’autres types de dégâts sont possibles, notamment à cause de la force des tiges de certaines grimpantes qui peuvent tordre leur support, ou endommager tuiles et gouttières lorsqu’elles les atteignent. Le ramassage des feuilles mortes évite également de se retrouver avec les conduites d’évacuation des eaux de pluies bouchées, qui pourraient entraîner un ruissellement de l’eau le long de la façade et l’abîmer à long terme 464. Viabilité des végétaux Certaines façades végétalisées ne sont pas viables, ou peinent à survivre, avec un taux de mortalité important au niveau des végétaux. Cela vient généralement du choix des essences de plantes utilisées, qui n’aura pas été judicieux. En effet, il est important d’utiliser des plantes locales qui vont être adaptées aux conditions de culture du milieu où va être installée la façade végétalisée, caractérisé par un certaine exposition au soleil, des conditions météorologiques et climatiques particulières, un certain vent, un certain sol, etc. Lorsque les plantes ne sont pas adaptées, cela peut entraîner le développement de ravageurs ou de maladies (pucerons ou oïdium par exemple) qui leurs seront fatals dans certains cas. 457

Les experts Ooreka, Choisir une plante grimpante, Ooreka, https://jardinage.ooreka.fr/astuce/voir/337819/choisir-une-plantegrimpante 458 Ibid. 459 Les experts Ooreka, Choisir une plante grimpante, Ooreka, https://jardinage.ooreka.fr/astuce/voir/337819/choisir-une-plantegrimpante 460 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (25-26), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 461 Ibid. 462 Ibid. 463 Ibid. 464 Strasbourg.eu, Guide de végétalisation – Façades, Strasbourg ça pousse, pp.12, En ligne : https://www.strasbourgcapousse.eu/app/uploads/2017/03/BD_GUIDE_VERTICALES.pdf 101


Conclusion Nous avons pu voir que malgré leurs nombreux avantages, ces façades végétalisées n’étaient pas des « solutions miracles » mais que leur mise en place s’accompagnait aussi de nombreuses contraintes, et parfois même des problèmes de viabilité, de gestion ou d’usage. Cependant, il est utile de rappeler qu’une grande partie de ces problèmes peuvent être facilement évités s’ils sont anticipés durant l’étape de conception. Il suffit de s’informer suffisamment et d’étudier les tenants et aboutissants propres à chaque système de végétalisation verticale, afin d’avoir le plus de chance d’aboutir sur une solution viable. IV.1.1.2 Les particularités des double peau végétalisées J’aborderai aux pages suivantes les retours que l’on m’a fait qui ne concernent que la solution de la double peau végétalisée. Pour commencer, j’aimerai revenir sur le projet de la Tour de la biodiversité, ou « M6B2 », décrit dans les projets représentatifs de la partie sur les double peaux végétalisées (III.3.3.2) et sur lequel on m’a fait des retours assez instructifs. En effet, c’est un projet qui m’a particulièrement intéressé, car c’est un des rares projets de double peau végétalisée qui est « sous les projecteurs » et qui a des ambitions assez énormes ! Je m’y suis penché de plus près, car un détail m’a tout de même interpelé : cela fait 6 ans déjà que le projet a été livré, et pourtant, la double peau ne se limite aujourd’hui qu’à un développement très partiel et clairsemé des plantes grimpantes, comme on peut le voir sur cette photo récupérée de google maps, qui date d’août 2022. Je me suis donc interrogé sur les raison de ce très lent développement, et j’ai Figure IV-1 : « Street View » de la tour M6B2 datant d’Août notamment partagé mes interrogations avec Simon 2022 (Source : www.google.com) DIARD, paysagiste chez PUNK agency, qui a eu l’occasion de travailler sur de nombreux projets de façades végétalisées. Il m’a fait le retour suivant : « C’est assez compliqué, elle (la végétation) a un petit peu de mal à se développer. C’est le paysagiste BASE qui a travaillé dessus, avec Édouard François, et en fait elles sont plantées dans des grandes gouttières en colonne en inox, et il y a un arrosage automatique donc la question de la consommation d’eau se pose aussi, mais c’est autre chose. Le problème c’est que pour que la plante se développe, ça ne pousse pas forcément que dans des colonnes, il faut que la plante puisse aller « fouisser » d’autres horizons horizontalement, et là ça ne pousse que verticalement. Le seul ennui d’une colonne c’est que la section du pot et très petite et, en été, une petite section, ça veut dire une forte évaporation. Parce que les façades les plus exposées sont en plein cagnard, et c’est des tubes en acier galvanisés, qui doivent faire 20cm de section, sur des longs tubes qui font à peu près 1m et qui sont tous reliés à l’arrosage automatique. Le seul problème c’est qu’au mois de Juillet, ça se déshydrate très vite et, en fait, le substrat n’est pas assez rétentif pour que la plante puisse avoir assez à manger, et se développer sereinement. Et en plus, c’est une façade qui est réfléchissante, avec une espèce de nickel un peu vert, ce qui fait que les plantes ne sont absolument pas à l’ombre et elles ont vraiment très chaud, aussi bien sur les feuillages que sur les systèmes racinaires. Donc effectivement, le développement des plantes est super long. » (Entretien avec Simon DIARD, Paysagiste chez PUNK Agency, le 31 Mai 2022) Je pense que c’est assez révélateur de l’impact de la conception sur les façades végétalisées, et sur leurs performances à court terme (qui est souvent déterminant dans l’industrie du bâtiment). Ici, la conception du projet et l’expérimentation préalable (tests réalisés en partenariat avec l’école d’horticulture Breuil), ont conduit au choix de disposer des contenant intermédiaires, qui permettent généralement aux plantes grimpantes des double peaux végétalisées de couvrir plus rapidement leur support. Or, malgré l’installation 102


d’un système d’irrigation automatisé, qui aurait dû, lui aussi, favoriser le développement de ces plantes, elles ont toujours du mal à s’épanouir et, même après tout ce temps, elles sont loin de couvrir la façade ! Le problème semble donc bien venir du fait que les plantes grimpantes sont ici installées dans ces tubes, qui font en réalité 3,5m de hauteur et 35cm de diamètre 465 . C’est également l’avis d’Elizabeth MOTAMAIS, architecte, paysagiste et directrice de recherche à l’ENSAPVS : « Ils ont planté dans des espèces de cylindres qui vont chauffer au soleil, or pour les plantes, les chocs thermiques entre la nuit et le jour, entre l’été et l’hiver, c’est absolument terrible ! » 466. Ces dispositifs semblent partir d’une bonne intention, mais en pratique il semblerait qu’ils soient à l’origine de stress thermiques et d’une épaisseur horizontale trop contraignante, qui peuvent amener les plantes à se développer avec plus de difficulté, et donc plus de temps. Cela m’amène donc à aborder le problème du temps de couverture, qui semblent être un des principaux inconvénients de ce type de façade. En effet, les plantes grimpantes mettent un certain temps à pousser, et cela dépend de nombreux facteurs, or, durant cette période de pousse, la façade ne bénéficie pas de la protection octroyée par les plantes et il faut parfois attendre plusieurs années avant d’avoir une couverture optimale. Pour le projet de double peau de la Maison du Cadre de Vie et de l’Habitat, conçu par Aline DUVERGER et Yves PERRET, ce dernier m’expliquera qu’il s’était rendu compte que la plante grimpante utilisée, plantée en pleine terre, montait « à peu près d’un étage en 1 an, donc en 4 ans c’était au sommet ». Cependant, comme me le rappelle Sébastien RANDLE, ingénieur et chef de projets chez Étamine, « pendant ce temps-là, on ne peut pas se passer de protection solaire ! ». Ce rôle est alors confié à d’autres éléments, le plus souvent industriels, présents sur la façade du bâtiment dès ses débuts et qui vont assurer des performances thermiques et un confort suffisant. Ainsi, on perd cet intérêt de la végétalisation protectrice, qui assurerait ce rôle en même temps qu’un rafraîchissement de l’air par évapotranspiration par exemple. Certes, à terme, elle finira par endosser ce rôle en se développant devant les éléments de protection déjà installés, mais cela voudra dire qu’on aura déjà mobilisé une certaine quantité d’énergie grise pour la mise en place de ces éléments industriels, qui se retrouve ainsi gâchée. De plus, la combinaison de ces deux éléments peut finir par conduire à une surprotection dans le cas d’éléments industriels fixes, ce qui ne laisserait pas assez rentrer la lumière du jour. On sera alors obligé d’adapté l’un des deux éléments, et cela se traduira par la taille de la plante grimpante, ce qui conduit à nouveau à un certain non-sens. Pourtant, il a été prouvé qu’une solution de végétalisation par plante grimpante avec un rôle de protection solaire offrait un impact comparable aux solutions industrielles traditionnelles de protection solaire 467 . De plus, elle a l’avantage supplémentaire de générer un rafraîchissement de son environnement immédiat, elle n’accumule pas de chaleur (car elle la transforme) elle stocke du carbone et n’implique pas, ou très peu d’énergie grise, et elle est également plus modulable, moins « figée » qu’une protection traditionnelle. Mais effectivement, « c'est difficilement acceptable de dire : attendez, ça va venir ! » (Entretien avec Sébastien RANDLE) Entretien, ombre portée et facteur lumière du jour Maintenant que nous avons vu que son temps de couverture pouvait lui faire perdre son rôle de protection solaire ou parfois conduire à des solutions doubles qui peuvent être dénuées de sens, il est utile de rappeler que dans le cas où cette solution se développe sur la façade, elle peut aussi avoir un impact négatif. En effet, lorsque ces double peaux végétalisées ne sont pas suffisamment entretenues, la végétation peut proliférer et créer des masque trop grands sur les vitrages, qui peuvent alors encombrer la vue, réduire

Figure IV-2 : Vue de la façade Sud de la MHCV (Source : maison-habitat.puy-de-dome.fr)

465 Paris habitat, M6B2, La tour de la Biodiversité, Paris 13e (Janvier 2016), Dossier, La Revue / numéro 2, pp.40 (p.24-25), En ligne :

https://en.calameo.com/read/004261774cbdd6dbbc6ed 466 Citation tirée d’une entrevue avec Mme Elizabeth Motamais, architecte et paysagiste, directrice de recherche à l’ENSAPVS, réalisée dans le cadre du Rapport de licence de Lucile PERRIN, à Ecole nationale supérieure d'architecture de Paris Val de Seine, en 2017, sous le tutorat de Mme Aurore REYNAUD, En ligne : Quel est l'intérêt de la végétalisation dans le projet architectural ? Le cas de la tour M6B2 by Lucile Pe - Issuu 467 Pataky, Rita, (2016), Outline of the Design and Functioning of Green Shading Systems, Compared to Industrial Products, Periodica Polytechnica Architecture, pp. 11, https://doi.org/10.3311/PPAR.8913 103


l’apport en lumière 468 (et, de ce fait, augmenter les consommations d’énergies liées à la lumière artificielle) et parfois réduire l’efficacité de la ventilation. Lors de mes entretiens, je n’ai pas spécialement eu de retour négatif sur ce point, mais lorsque l’on regarde la Maison de l’Habitat et du Cadre de Vie (MHCV), cela peut effectivement poser question, car on peut avoir l’impression que la végétation a tellement proliféré qu’elle encombre en partie la vue et l’accès à la lumière du jour (cf. illustration ci-contre). Selon Bernard PAULE, spécialiste du contrôle et de l'utilisation de la lumière naturelle dans les bâtiments, il est « important de toujours préserver la partie haute des vitrages, de ne pas les obstruer, parce que si la végétation fait concurrence à l’entrée de lumière (depuis cette partie haute déterminante) alors ça peut devenir un mauvais remède » (Entretien avec Bernard PAULE, le 14 Avril 2022). En effet, la lumière naturel a aussi des effets très bénéfiques qui sont à considérer, notamment sur la santé avec la gestion du rythme circadien (jour/nuit, sommeil/éveil). Il est donc essentiel que l’entretien de ces couvertures végétales soit réalisé pour ne pas nuire à l’accès à la lumière du jour. Cependant, dans certains cas, il semble donc difficile de combiner protection solaire et apport en lumière naturelle, ce qui peut limiter l’utilisation de cette solution. D’après Simon DIARD, la double peau végétalisée peut être une solution fonctionnelle, mais pas forcément pour des logements où l’on a un certain besoin en lumière naturelle. « Peut-être sur d’autres bâtiments plus tertiaires ou même d’industrie ou de logistique, qui sont des bâtiments quasiment aveugles et où ça aurait beaucoup plus de sens, avec ce système à faible entretien, et en laissant la végétation complètement libre » (Entretien avec Simon DIARD, Paysagiste chez PUNK Agency, le 31 Mai 2022). Autres enjeux Sol Comme nous l’avons évoqué, la question du sol est cruciale dans l’installation des façades végétalisées, et en particulier dans un contexte urbain dense. La double peau végétalisée est donc encore plus concernée car elle va prendre une épaisseur, et son emprise au sol ne va pas se limiter au pied du mur. Jean François RAVON, architecte et paysagiste avec qui je me suis entretenu, m’a d’ailleurs fait remarquer que si l’on applique cette double peau végétalisée sur une façade existante, il est important de noter que l’on se retrouve tout de même souvent face à une impossibilité de faire « plomber » cette double peau sur la voie publique pour aller « chercher » la pleine terre, ce qui revient à faire débuter le développement des grimpantes au R+1, nécessairement dans des bacs ou des jardinières. Mais lorsqu’il est possible de descendre jusqu’au RDC, et de planter en pleine terre ou par d’autres procédés, la question du lien avec l'espace public, ou du moins l’espace extérieur se pose alors. Que va-t-on donner aux usagers ou au public qui se retrouverait face à cette double peau végétalisée ? Des espaces d’assise pour en faire profiter les passants ? Une mise à distance pour, au contraire, protéger les plantes ? Pour son projet, Yves Perret a pris le parti de créer des jardinières hautes pour éviter la pollution et la détérioration du sol planté par les excréments d’animaux domestiques, ou des déchets, sans pour autant priver complétement les passants de cette végétation qui arrive donc à hauteur d’œil et qui profite également aux espaces intérieurs de l’autre côté de la jardinière. Selon Yves PERRET, il faut à tout prix favoriser une plantation en pleine terre, comme ce fut le cas pour la Maison de l’Habitat et du Cadre de vie, car « il ne faut pas mettre les plantes dans les bacs ». C’est également l’avis de Jean François RAVON : « il ne faut pas juste donner un pot avec un massif, il faut essayer de donner du sol, ce qui est toujours compliqué en ville, et c’est pour cela que pour les arbres, on nous demande de faire des fosses de minimum 2m par 2m par 2m. » (Entretien avec Jean François RAVON, Architecte, paysagiste et enseignant, le 18 Mai 2022). En effet, il semble que cette solution garantisse une meilleure adaptabilité des plantes grimpantes, et favorise leur croissance et leur durabilité. Entretien Selon Vinicius RADUCANU, architecte et enseignant, nous n’avons pas vraiment la culture de l’entretien des plantes grimpantes : « On ne plante pas assez de grimpantes en fait ; on plante des arbres c’est tout. Il n’y a pas de réflexe ». Cependant, l’entretien est un point très important pour la viabilité de toutes les façades végétalisées, et, bien que les plantes grimpantes ne nécessitent que peu d’entretien comme nous avons pu 468

Pataky, Rita, (2016), Outline of the Design and Functioning of Green Shading Systems, Compared to Industrial Products, Periodica Polytechnica Architecture, pp. 11, https://doi.org/10.3311/PPAR.8913 104


le voir, les double peaux végétalisées rajoutent une problématique supplémentaire : l’accessibilité. Selon Florent CAPPOEN, ingénieur, architecte et directeur de projets chez Arcora, « Il faut vraiment réfléchir à l'accessibilité pour l'entretien (coursives par exemple) car les jardiniers n'ont pas forcément la compétence de descendre en rappel sur les façades. ». Vinicius RADUCANU rajoutera que « les équipes ne sont pas forcément dimensionnées ou formées pour la gestion du végétal “ à la petite cuillère ” ». Besoin en eau Pour ce qui est des besoins en eau, nous avons vu que les plantes grimpantes avaient surtout besoin d’irrigation en début de croissance, mais n’étaient ensuite pas « gourmandes » en eau, et pouvaient même dans certains cas où elles sont plantées en pleine terre – s’en passer ; l’eau des intempéries étant suffisante. Climat méditerranéen ? Durant mes entretiens, j’ai cherché à avoir l’avis de mes interlocuteurs sur la pertinence de ces solutions dans notre climat méditerranéen, si c’était une solution adaptée, ou si d’autre climats pouvaient être plus favorables aux façades double peaux végétalisées. Ainsi, Jean François RAVON pense que c’est difficile d’après son expérience de paysagiste. En effet, sur la question de la disposition de végétation sur de la 5ème façade (les toitures végétalisées), dont il a plus l’habitude, il m’explique qu’il y a « des difficultés pour la tenir » dans un climat méditerranéen, notamment l’été, à cause du vent car « dès qu’il y a un peu de mistral ça sèche, et après il faut arroser et ça pose encore d’autres questions. ». Robert CELAIRE, ingénieur conseil en performance énergétique et prestations environnementales, rejoint son point de vue : « Le végétal grimpant, il a horreur du vent, donc ça veut dire aussi que si tu mets la double peau végétale dans un climat méditerranéen, où il y a beaucoup de Mistral et de Tramontane, on va la retrouver plutôt au Sud et à l'Est, qu’au Nord ». D’après Simon DIARD, paysagiste chez PUNK Agency, la double peau végétalisée est « une très bonne idée en soi mais peut-être pas sous nos latitudes, et pas avec nos modes d’exploitation des bâtiments qu’on a surtout dans l’hexagone ».Jean François RAVON nuancera ses propos en m’expliquant qu’aujourd’hui ce type de solution était peut-être faisable mais que ça n’allait peut-être plus être le cas dans le futur à cause du réchauffement climatique : « si on se retrouve avec le climat de Marrakech à Montpellier en 2050, je ne suis pas sûr qu’on soit capable de tenir des grimpantes là-bas, enfin on peut mais dans un système d’Oasis ». Enfin, d’après Gilles CLÉMENT, paysagiste, botaniste, biologiste et écrivain, « d’une façon générale, les climats humides sont beaucoup plus favorables. Et pas forcément en termes d’arrosage, mais surtout par rapport à l’humidité ». La hauteur comme potentiel Comme nous l’avons déjà évoqué la mise en place d’une double peau végétalisée peut atteindre une certaine hauteur, qui vient aussi avec des risques liées au vent, notamment des risques d’arrachages de cette végétation. Cependant, des projet comme le Nouvel KLCC semblent montrer que des projets de plantes grimpantes de grande hauteur sont possibles, et que cela dépend principalement des espèces végétales utilisées et de leur mode de fixation au support. Sur cette question de la hauteur, Gilles CLÉMENT pense que cela peut constituer un atout pour ces solutions. En effet, selon lui, en ville, « dans les premiers mètres audessus des rues et du sol, il y a trop de pollutions et de matières grasses, qui collent sur les feuillent et qu’on ne voit pas du tout. » Cette pollution collante impacte particulièrement les espèces à feuillage persistant, qui ne peuvent donc pas s’en débarrasser, « mais à une certaine altitude, cette pollution-là n’existe plus, et finalement il y a des tas de plantes qui peuvent s’installer, donc cela veut-dire aussi des insectes, des oiseaux, etc. » (Entretien avec Gilles CLÉMENT, Paysagiste, botaniste, biologiste et écrivain, le 02 Mai 2022) Ainsi, la capacité de cette solution à se déployer sur des immeubles de grande hauteur, comme pour la tour M6B2 par exemple, pourrait renforcer son apport positif sur la biodiversité. Une double peau plutôt avantageuse Durant mon entretien avec Bernard PAULE, nous avons pu discuter de la pertinence de ce type de double peau comparée à des double peaux plus traditionnelles comme la double peau ventilée ou la double peau de protection solaire, sur lesquelles il était assez sceptique. Selon lui, cette double peau a donc de nombreux avantages. Tout d’abord, la mise en place de matière supplémentaire induite par la forme de la double peau lui semble davantage justifiée dans le cas d’une double peau végétalisée, car « la couche supplémentaire est 105


plutôt un matériau renouvelable ». De plus, son rôle de protection solaire potentielle lui semble intéressant, d’autant plus que « ces masques (solaires) peuvent être cycliques » lorsque l’on met en place des espèces caduques. Ainsi, on pourra se protéger grâce au feuillage dense en été, et capter le soleil l’hiver, car la façade est alors dégagée. Cependant, il nuancera cela en m’expliquant qu’on a parfois besoin d’avoir « une action instantanée » sur le système de protection solaire pour réguler l’apport solaire, or « avec la végétation, ce réglage on peut l’avoir sur une saison mais on n’a pas d’adaptation instantanée ; ça veut dire qu’on ne peut pas faire l’économie d’un système performant de protection mobile. » Bernard PAULE rajoutera que cette double peau a tout de même l’avantage de ne pas développer d’espace tampon clos, ce qui évite les risques de surchauffe, et « ne brise pas le potentiel de ventilation naturelle », contrairement à une double peau ventilée. De plus, l’épaisseur de cette double peau représente pour lui une opportunité d’offrir un nouvel usage, et d’en faire « un espace accessible » et appropriable. (Entretien avec Bernard PAULE, Directeur associé d’Estia, spécialiste du contrôle et de l'utilisation de la lumière naturelle dans les bâtiments, le 14 Avril 2022) Enfin, d’après Jean François RAVON, il ne faut pas non plus oublier le potentiel de cette typologie pour son emploi en réhabilitation, car la double peau végétalisée peut aussi se mettre en place sur de l’existant. Actuellement, la rénovation et la réhabilitation représentent énormément d’opportunités, c’est environ 60% de la demande aujourd’hui, et « et 80% dans 4 ans ! » (Entretien avec Jean François RAVON). Cependant, comme les autres double peaux, il faudra alors analyser l’existant pour savoir si cette double peau doit se déployer sur une structure autoportante, ou si la façade existante est en capacité de lui servir d’appui. À savoir que les charges à prendre en compte pour une double peau végétalisée seront : - Le poids de son support, qui va dépendre de sa nature (de 1 à 50 kg/m²) 469 ; - La charge ajoutée par les précipitations, c’est-à-dire « 2 fois le poids des plantes (de 10 à 25 kg/m²) 470 » pour une espèce caduque, et 3 fois pour une espèce à feuillage persistant 471 ; - La « charge du vent sur les végétaux et la structure de support » 472 , qui variera selon l’emplacement et l’orientation du projet. De plus, cette question du poids peut aussi conditionner le sol qui servira de base aux grimpantes, car dans le cas d’une structure autoportante, le sol au pied de la façade sera davantage sollicité et donc davantage occupé par les fondations, laissant ainsi moins de place aux racines des plantes pour se développer. C’est en tout cas l’avis de Jean François RAVON qui me rappelle que « pour que la végétation se développe, notamment les grimpantes, il faut vraiment du sol, c’est hyper important […] il faut qu’elles aient de l’espace dans la terre pour vivre ». De plus, même si « on a tendance à le mettre à côté du poteau ou du mur », la plantation des grimpantes doit, dans tous les cas, se faire à un certain écart de la façade pour maximiser son potentiel racinaire et éviter tout contact avec les fondations, notamment pour les protéger comme me le rappelle Simon DIARD, puisque « les racines végétales c’est quand même le seul être vivant qui peut digérer et assimiler le minéral, béton y compris ».

IV.1.1.3 Une méconnaissance de l’impact de ces solutions ? « Quand on livre un bâtiment il commence à mourir et quand on livre un jardin il commence à vivre, à pousser ». (Citation empruntée à Michel Corajoud, grand paysagiste, par Simon DIARD durant notre entretien) Dans cette partie, je tenterais d’analyser la connaissance de l’impact des façades végétalisées des concepteurs et experts interrogés dans mon questionnaire, afin de déterminer s’il peut y avoir des lacunes dans la compréhension de ces solutions.

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Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (28-29), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 470 Ibid. 471 Ibid. 472 Ibid. 106


Une conscience partielle de l’impact de ces solutions

Figure IV-3: Réponses données à la question « Selon vous, ces façades ont un impact positif - » (Section 5 du questionnaire)

On peut voir sur ce diagramme que pour les 14 personnes interrogées, de tous les avantages associés à la mise en place de ces solutions végétalisées, les plus évidents sont l’impact positif sur la biodiversité (71,4%), suivi de l’impact sur l’environnement (57,1%) et sur le bien être des usagers (57,1%). En effet, nous avons vu que ces solutions végétalisées pouvaient avoir un fort impact en termes de biodiversité et accueillir différentes espèces d’insectes et d’oiseaux, en fournissant un relais de biodiversité supplémentaire dans certains corridors verts qui traversent les villes. C’est forcément un plus pour l’environnement, comme la potentielle réduction des îlots de chaleur, la dépollution atmosphérique ou encore les services écosystémiques rendus par ces solutions. De plus, elles ont un impact conséquent sur le bien être des usagers, notamment grâce au phénomène de biophilie et à la filtration de l’air effectuée par les végétaux. On peut tout de même remarquer que les murs végétalisés ont un apport parfois moins conséquent sur ces différents points. À ce propos, lors de mon entretien avec Gilles CLÉMENT, paysagiste, botaniste, biologiste et écrivain, ce dernier pensait que les solutions de double peaux végétalisées, et par extension, de végétalisation par plantes grimpantes, étaient moins « artificiels » que les murs végétalisés, et sûrement « plus adapté[es] aux exigences qu’on a en consommation d’énergie ». Mais une méconnaissance de certains enjeux qui leurs sont associés Cependant, ce diagrammes montre aussi une méconnaissance de certains apports bénéfique et donc de certains enjeux liés à ces solutions. En effet, seules 5 des 14 personnes interrogées (35,7%) pensent que cela a un impact positif sur le confort thermique, 4 personnes (28,6%) sur le confort lumineux, et 3 personnes (21,4%) sur le confort acoustique. Or, cela montre un manque de connaissance de certains avantages procurés par ces solutions car nous avons pu voir que ces façades végétalisées pouvaient également avoir un impact, généralement positif, sur ces différents points, bien qu’il soit moins important. En effet, au niveau du confort thermique, la mise en place de ces solutions peut apporter un certain microclimat, avec un rafraîchissement de l’air ambiant par évapotranspiration. De plus, dans certains cas, elles vont avoir un rôle à jouer dans la protection solaire ou l’isolation des façades, et comme nous avons pu le voir dans les parties traitant des avantages de ces solutions, cela va avoir un impact important sur les performances thermiques des bâtiments. En termes de confort acoustique, les façades végétalisées vont participer à réduire jusqu’à 5 dB 473 des nuisances sonores environnantes en absorbant certaines fréquences grâce au feuillage et parfois au substrat. Enfin, il y a bien un impact sur le confort lumineux, certaines solutions ayant une certaine vocation de 473 Souza, Eduardo, Creating Vertical Gardens and Green Facades with Steel Cables (Février 2020), Archdaily,

https://www.archdaily.com/933692/creating-vertical-gardens-and-green-facades-with-steel-cables 107


protection solaire, elles participent ainsi à ce confort, mais vont avoir un impact parfois négatif sur ce dernier lorsqu’elles sont mal entretenues. Une étude menée sur les habitants d’une résidence au Caire, et visant à identifier la connaissance du grand public des solutions de façades végétalisées 474, montre des résultats similaires aux observations précédentes, entre une conscience des avantages principaux apportés par ces solutions et une méconnaissance de certains autres. Ainsi, sur les 60 personnes interrogées, plus de 85% des personnes pensaient que ces façade avaient « une influence importante dans la promotion de la santé humaine » 475 , ce qui se rapproche de ce que j’entendais par « bien être des usagers ». À inverse, seul 20% de ces personnes ont conscience de la capacité de ces solutions à « réduire la consommation énergétique et le bruit » 476. En somme, cela montre bien que certaines caractéristiques bénéfiques des façades végétalisées sont aujourd’hui peu connues et/ou peu valorisée. Enfin, comme je l’ai mentionné précédemment, j’ai eu une certaine difficulté à trouver des projets de double peaux végétalisées, contrairement à des projets de murs vivants ou de façades végétalisées « directes » qui n’ont souvent pas d’interaction avec les vitrages. Cela semble donc suggérer que la mise en place de cette solution spécifique en façade est encore une pratique marginale.

IV.1.2 Le Greenwashing IV.1.2.1 Définition et contexte du greenwashing, une pratique de plus en plus courante Le lien entre l’augmentations de nos émissions en CO2 et le réchauffement climatique est connu depuis déjà plusieurs dizaines d’années, mais cette corrélation a longtemps été ignorée par manque d’informations ou par pure scepticisme. Cependant, dès lors que les effets du changement climatique ont commencé à être perceptibles, et que la communauté scientifique a été plus active sur le sujet, on a pu observer une prise de conscience collective et progressive des enjeux climatiques et des conséquences passée, présentes, et futures, liées à ce phénomène. La naissance de la conscience écologique, en réponse à ces constats alarmant, est en réalité assez récente. Aujourd’hui, une grande partie de la population est sensibilisée à ces enjeux, et tente d’agir, à son échelle, pour limiter les dégâts. De plus en plus de personnes cherchent donc à avoir une attitude plus écoresponsable et à consommer mieux, et plus local. Cette volonté grandissante a fait naître une demande qui a pris de l’importance avec le temps, et à laquelle il fallait faire correspondre une offre du côté des distributeurs. Ainsi, on a pu voir émerger de nouvelles marques toutes plus éco-responsables que les autres, des labels d’agriculture biologique, des productions de plus en plus locales, etc. Cela a également entraîné une mutation nécessaire pour un bon nombre de grands acteurs du marché, qui ont progressivement adapté leur offre pour tendre vers cette demande, et ce, dans tous les secteurs de l’économie. Le domaine du bâtiment et le marché immobilier n’ont pas failli à cette règle car ils ont vu émerger, eux aussi, un nouveau type de consommateur avec une demande de constructions éco-responsables et durables, de matériaux écologiques et vertueux, de performance énergétique, etc. Mais toutes ces aspirations semblaient être reliées, dans l’imaginaire collectif, par l’image d’une architecture verdoyante et innovante, entre végétalisation et technologies. On peut dès lors se demander comment s’est forgée cette vision imaginaire de l’architecture idéale. Comment la population a-t-elle été conduite à imaginer des gratte-ciels végétalisés lorsqu’elle se demandait à quoi pourrait ressembler la ville de demain ? D’autant plus qu’aujourd’hui, il existe de très nombreux exemples de bâtiments qui réunissent toutes ces aspirations, sans pour autant déployer de végétation ou de dispositifs technologiques avancés. Il en existe sûrement bien plus, d’ailleurs, que des édifices qui correspondent matériellement à cette image erronée.

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Ibrahim Momtaz, R., (2018), vertical garden as a sustainble urban prespective in Cairo, JES. Journal of Engineering Sciences, 46(2), 246–262. https://doi.org/10.21608/jesaun.2018.114517 475 Ibid. 476 Ibid. 108


Cela peut peut-être s’expliquer par l’apparitions d’utopies urbaines et architecturales qui illustraient une architecture inédite et merveilleuse, inatteignable techniquement à court terme, mais qui pouvait faire rêver sur du long terme. Ces utopies se sont multipliées et auto-alimentées entre elles, ce qui a donné naissance à de nouvelles réflexions concrètes pour se rapprocher d’une architecture et d’un urbanisme durable. Elles ont eu un rôle moteur, car elles ont permis de stimuler la recherche dans ce domaine, et de trouver des innovations, parfois pertinentes, pour tendre vers cet idéal ; mais leurs rôle a aussi été destructeur, car elles Figure IV-4 : Projet « Bridge Towers » de Vincent Callebaut (Source : vincent.callebaut.org) ont popularisé cette image de l’architecture verte « du futur », qui a tendance à éclipser, du moins aux yeux du grand public, d’autres solutions qui ne sont pas moins pertinentes. L’impact de ces utopies dans la définition de cet inconscient collectif est difficilement mesurable, et on peut se demander si cette image verdoyante n’est pas tout simplement apparue du fait de la mise en relation, conscientisée ou non, de l’impact que nous avons sur la nature, ou le vert et le végétal domine, et de la volonté d’inverser ce processus, et de préserver, voire même de recréer artificiellement cet écosystème. Ainsi, peut-être que ces utopies architecturales et urbaines ont simplement permis d’assoir cette idée, en la rendant plus tangible. Quoi qu’il en soit, cette image est indéniablement ancrée dans l’imaginaire collectif. Aujourd’hui, si on tape « ville durable » ou « architecture durable » dans un moteur de recherche, on se retrouve avec une quantité impressionnante d’images, allant de perspectives fabriquées de toutes pièces à des projets réalisés, où la végétation et l’architecture moderne aux formes épurées et élégantes sont omniprésentes. Ce sont alors ces représentations qui vont caractériser l’envie et l’aspiration de cette nouvelle génération d’acheteurs, à laquelle le marché de l’immobilier doit faire correspondre une offre. Cependant, voyant le potentiel marketing d’une telle vision, certains s’en emparent et choisissent de concevoir des projets « audacieux » et largement végétalisés dans l’unique but de leurs conférer une image « politiquement correcte » qui fait appel à cette image de l’architecture « écologique » ancrée dans l’imaginaire collectif, et c’est ça le Greenwashing ! Lors de notre entretien, Jean François RAVON parlera même d’un « effet de mode de verdir les choses ». Le greenwashing désigne donc le fait de se cacher derrière cette image vertueuse afin de camoufler, ou de mieux « vendre » un projet dont les ambitions environnementales ne sont pas cohérentes, ou viables, et vont en réalité être vouées à l’échec lors de sa réalisation. Le terme « greenwashing » nous vient de l’environnementaliste Jay Westerveld, qui l’a employé pour la première fois en 1986 477. C’est la contraction de « brainwashing », littéralement « lavage de cerveau », et de « green » pour désigner la couleur verte omniprésente. Ce terme a ensuite été popularisé par différentes ONG, et même s’il est aujourd’hui rentré dans le langage courant, en français, on parlera aussi « d’écoblanchiment », ou encore de « verdissement d’images ». Le greenwashing consiste à déformer édulcorer une réalité en mettant en avant des images et des principes évocateurs de l’écologie dans l’inconscient populaire, afin de promouvoir un produit, alors qu’en réalité peu d’efforts sont mis en œuvre pour réduire son impact environnemental. Selon Tim Waterman 478, c’est une pratique courante qui prend « de nombreuses formes, allant d’une intention bénigne mais faible à une tromperie pure et simple ». Il peut avoir une vocation promotionnelle, ou être une manière maladroite d’atténuer le manque de pertinence écologique globale de certains projet, et plus largement l’inaction de divers acteurs du marché et de l’économie face à la crise environnementale.

477

Inconnu, Green Walls and Biophilic Design - are companies greening to Greenwash ?, (Mars 2020), Scotsape, https://www.scotscape.co.uk/news/living-walls-biodiversity-greenwashing 478 Ibid. 109


« C’est un nouveau revêtement doux appliqué sur la même vieille pilule amère, une pilule qui ne guérit rien, mais nous rend tous malades. » (Tim Waterman, maître de conférences en histoire et en théorie de l’architecture du paysage, École d’architecture Bartlett (UCL), à Londres) 479. IV.1.2.2 La végétalisation verticale, solution vertueuse ou greenwashing ? Ainsi, le marché de l’immobilier semble inondé d’édifices, réalisés ou en projet, qui coïncident avec cet idéal d’architecture durable ancré dans l’imaginaire collectif, innovant et surtout noyé dans une profusion de végétalisation. Or, comme me l’a rappelé Bernard PAULE durant notre entretien, « C’est une prétention importante de dire qu’on va créer des méga-arbres ». On peut alors s’interroger sur la pertinence écologique de ces solutions, et sur ce qui se cache vraiment derrière ces manteaux verdoyants. Comme nous l’avons évoqué, le Greenwashing peut prendre de nombreuses formes. Il faut donc se méfier de cette pratique qui veut faire passer tous ces bâtiments comme durables et écologiques, alors qu’ils sont parfois à l’origine de non-sens écologiques. Comment se traduit donc le Greenwashing parmi les solutions de de façades végétalisées ? Dans une tribune au journal Le Monde, Laure Teulières, maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’université Toulouse Jean Jaurès, explique que « le greenwashing a permis de faire diversion en se satisfaisant de demi-mesures ou de fausses solutions » 480. On peut donc se demander comment se traduisent ces « demi-mesures » ou ces « fausses solutions » dans le secteur du bâtiment, et comment dissocier ce qui est de l’ordre du greenwashing, et les solutions qui fonctionnent réellement. Les avis sur le sujet sont très partagés. Du Greenwashing

« Les façades végétalisées, telles qu’elles sont actuellement conçues, ne sont pas pertinentes, un verdissement vertical significatif ne sera efficace et largement adopté que lorsqu’il fera partie intégrante de la forme d’un bâtiment dans sa structure, et non pas appliqué comme une sorte de couche de vert modernisée. »( Chris Churchman, directeur de Churchman Thornhill Finch, une agence d’architecture, de paysagisme et d’urbanisme) 481 Selon un article de Norman Day 482 , certains projets développant une végétalisation des façades peuvent avoir des conséquences très négatives sur leurs usagers. C’est le cas d’un projet de logements collectif nommé « Qiyi City Forest Gardens » qui est situé à Chengdu, en Chine. En effet, ce projet, regroupant un total de 826 appartements 483 répartis dans plusieurs édifices, s’est vu « submergé » par sa propre végétation. À l’origine, le projet se présentait, comme son nom l’indique, comme une forêt verticale, où chaque espace extérieur était vendu avec son lot de végétation, dans le but d’augmenter l’intimité, de réduire les nuisances sonore, de filtrer la pollution, et, plus largement, d’offrir un cadre de vie agréable à ses occupants. Cependant, une fois construit, il semblerait que les appartement aient mis du 479

Figure IV-5 : Qiyi City Forest Gardens, à Chengdu (Source : theconversation.com)

Inconnu, Green Walls and Biophilic Design - are companies greening to Greenwash ?, (Mars 2020), Scotsape, https://www.scotscape.co.uk/news/living-walls-biodiversity-greenwashing 480 Teulières, Laure, « Le greenwashing a permis de faire diversion en se satisfaisant de demi-mesures ou de fausses solutions » (Juillet 2022), Le Monde, https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/07/11/le-greenwashing-a-permis-de-faire-diversion-en-sesatisfaisant-de-demi-mesures-ou-de-fausses-solutions_6134317_3232.html 481 Inconnu, Green Walls and Biophilic Design - are companies greening to Greenwash ?, (Mars 2020), Scotsape, https://www.scotscape.co.uk/news/living-walls-biodiversity-greenwashing 482 Day, Norman, Green buildings can bring fresh air to design, but they can also bring pests, (Décembre 2020), The Conversation, https://theconversation.com/green-buildings-can-bring-fresh-air-to-design-but-they-can-also-bring-pests-147838 483 Ibid. 110


temps à être vendus : six mois après sa livraison, seule « une poignée de familles » 484 avaient emménagés. Le problème c’est que, pendant ce temps d’inoccupation, les plantes ont continué à se développer, favorisées par le climat local humide et semi-tropical 485. Ainsi, par manque d’entretien, elles ont commencé à devenir incontrôlables, en prenant toute la place possible sur ces espace extérieurs, et en allant parfois jusqu’à bloquer des fenêtres, ce qui a engendré des problématiques d’accès et de lumière. En parallèle, les insectes ont également commencé à pulluler, et en particulier les moustiques créant ainsi un environnement assez hostiles pour les occupants des tours. Selon Daryl Beyers 486, un architecte paysagiste américain, une mauvaise conception est à l’origine de l’échec de cette opération. « Dans le climat humide de Chengdu et les moussons moites, l’eau stagnante s’accumule dans les jardinières qui ne sont pas correctement drainées, et les moustiques s’y reproduisent. » 487 . D’après lui l’entretien et la maintenance n’ont pas été pensés et on a cherché à vendre aux clients une image de jardins bien entretenus alors qu’en réalité l’équipe d’entretien ne se rend que quatre fois par an sur place pour s’occuper de ces plantes, ce qui est beaucoup trop peu compte tenu de leur vitesse de développement. En somme, ce projet semble être un bon exemple de greenwashing promotionnel, où l’intention d’offrir un cadre de vie agréable et végétalisé a permis de trouver des acheteurs, et s’est transformée en réalité en un milieu presque « hostile » pour les occupants de ces appartements. La conception de telles façades doit donc être finement étudiée pour se dispenser de problèmes facilement évitables, comme l’accumulation d’eau stagnante. De plus, comme le dit bien l’auteur de cet article, « Les jardins ont besoin d’un jardinier » 488, l’entretien est crucial et il doit être anticiper. À l’opposé de ce projet, de très nombreux projets de végétalisation de façade se révèlent être parfaitement fonctionnels, et profitent aux usagers et à l’environnement. Cependant, certains d’entre eux semblent également relever de pratiques de Greenwashing. Un greenwashing de « camouflage », pour faire oublier l’inaction ou les conséquences néfastes de certaines entreprises face à la crise environnementale. C’est l’avis d’Anna French, architecte paysagiste, qui explique que certaines entreprises mettent « délibérément en place quelques murs végétalisés voyants pour prouver leur bonne volonté écologique, mais […] par ailleurs, ils continuent à faire comme si de rien n’était. » 489. Cette forme de greenwashing peut aussi servir à dissimuler matériellement un bâtiment dont la conception n’est pas vertueuse, mais se traduit au contraire par la réalisation d’aberrations écologiques, comme, par exemple, un usage massif du béton, de faibles performances énergétiques qui entraînent une surconsommation en climatisation, la destruction de relais de biodiversité déjà existants, ou encore l’importation de matériaux qui représente une quantité non négligeable d’énergie grise. Enfin, certaines de ces solutions de végétalisation « fonctionnelles » sont tout bonnement des non-sens écologiques en elles-mêmes ! Cela semble être le cas pour de nombreux murs végétalisés, car leur fabrication peut nécessiter l’utilisation de matériaux polluants à fabriquer, et parfois difficilement recyclables 490 . La végétation qui y est plantée est souvent pré-cultivée « dans des serres climatisées grandes consommatrices d’énergie » 491, où elle est habituée à être largement irriguée et à pousser à l’aide d’engrais, d’autant plus lorsque l’espèce végétale n’est pas locale. Lorsque cette végétation arrive sur les murs végétalisés, elle a donc des besoins en eau et en nutriments plus élevés, ce qui donne parfois lieu à la culture de plantes « sousperfusion » entraînant une plus grande consommation d’eau ; d’autant plus lorsqu’il s’agit d’un système d’irrigation en circuit ouvert, où on a aussi une problématique de perte et de rejets polluants. Selon Sylvain Moréteau, « la dimension écologique des murs végétalisés est donc toute relative. » 492. Stephen Fell, directeur 484

Day, Norman, Green buildings can bring fresh air to design, but they can also bring pests, (Décembre 2020), The Conversation, https://theconversation.com/green-buildings-can-bring-fresh-air-to-design-but-they-can-also-bring-pests-147838 485 Ibid. 486 Ibid. 487 Ibid. 488 Ibid. 489 Inconnu, Green Walls and Biophilic Design - are companies greening to Greenwash ?, (Mars 2020), Scotsape, https://www.scotscape.co.uk/news/living-walls-biodiversity-greenwashing 490 Moréteau, Sylvain, Murs et toits végétalisés, Paris, Rustica Éditions, « planète écologie », 2009, 112 p. (p.28) 491 Ibid. 492 Ibid. 111


général dans une entreprise de constructionn (Lindum), est du même avis : « Le fait de faire circuler l’eau dans un système pour maintenir en vie des plantes qui poussent de façon anormale dans une situation verticale ne me semble pas être une utilisation judicieuse d’une ressource précieuse. » 493 De plus, les pannes parfois récurrentes de ces systèmes en font des « murs de végétation mourante très coûteux » 494 et il est plus adepte des solutions de toitures végétalisées.

Une solution vertueuse Dans son article qui dénonce le greenwashing opéré dans le projet de Qiyi City Forest Gardens, à Chengdu 495, Norman Day nuance ses propos et aborde tout de même quelques projets exemplaires, qui semblent avoir mis en place des solutions de façade végétalisées pertinentes et viable. Selon lui, c’est le cas de projet « Bosco Verticale », de Stefano Boeri, dont nous avons déjà parlé auparavant. En effet, le succès de cette opération repose sur l’utilisation d’une diversité importante d’espèces végétales qui « conviendraient à leur emplacement et au climat milanais » 496. Il cite également le projet One Central Park apartments, à Sydney, réalisé par les Ateliers Jean Nouvel, en collaboration avec le botaniste Patrick Blanc. Sur ce bâtiment, on retrouve plus de 1100 m² de façade végétalisée 497 où se développent des espèces locales qui ont su résister aux étés chauds, secs et venteux australiens depuis 2014 498 . D’après Norman Day, « en utilisant des acacias (carouges) et des poa (graminées) sur les niveaux supérieurs et goodenia (houblon) et viola (violet indigène) plus bas, la végétation est adaptée à sa place et pousse avec succès. » 499. La sélection de végétaux en adéquation avec leurs milieux et leur utilisation projetée sur la façade végétalisées semble donc jouer un rôle déterminant Figure IV-6 : One Central Park apartments, à Sydney sur la pérennité de ces solutions (Source : theconversation.com) Cependant, il est important de rappeler que cette réussite est peut-être relative, et, même si ces projets sont « viables » en apparence, et qu’ils ont survécu jusqu’à présent, il faudrait regarder plus en profondeur ce qu’ils impliquent en termes de consommation d’eau et d’engrais, étudier le potentiel d’épanouissement réel des végétaux dans ces installations, et s’intéresser aux retours d’expériences des usagers pour voir si ces projets sont fonctionnels en pratique. De son côté, Anna Roochove, directrice du marketing de l’agence de paysagisme Scotscape 500, reste tout de même très optimiste en ce qui concerne l’utilisation de solutions de façades végétalisée à l’avenir. Selon elle, l’apport de la végétation - tant sur le plan de la biodiversité, que sur l’amélioration de la qualité de l’air et la réduction des îlots de chaleur urbains - font de ces solutions une réponse logique au contexte environnemental. De plus, elle ajoute que « l’industrie de la végétalisation verticale évolue » 501, et qu’avec ce développement apparaissent des améliorations pour réduire ou corriger les problématiques liées aux systèmes existants, comme l’entretien et la consommation d’eau par exemple 502, et tendre ainsi vers des solutions plus pertinentes.

493 Inconnu, Green Walls and Biophilic Design - are companies greening to Greenwash ?, (Mars 2020), Scotsape,

https://www.scotscape.co.uk/news/living-walls-biodiversity-greenwashing

494 Ibid.

495

Day, Norman, Green buildings can bring fresh air to design, but they can also bring pests, (Décembre 2020), The Conversation, https://theconversation.com/green-buildings-can-bring-fresh-air-to-design-but-they-can-also-bring-pests-147838 496 Ibid. 497 Ibid. 498 Ibid. 499 Ibid. 500 Inconnu, Green Walls and Biophilic Design - are companies greening to Greenwash ?, (Mars 2020), Scotsape, https://www.scotscape.co.uk/news/living-walls-biodiversity-greenwashing 501 Ibid. 502 Ibid. 112


« Étant donné que 68 % de la population mondiale devrait vivre au sein des zones urbaines d’ici 2050, il est essentiel que le mouvement de verdissement urbain intègre l’horticulture intelligente aux prémices des nouvelles constructions et de la conception paysagère, et cela ne devrait jamais être dévalorisé par l’ingénierie de la valeur. » (Anna Roochove, directrice du marketing de l’agence de paysagisme Scotscape) Une réalité plus complexe Finalement, la réalité est plus complexe, et on ne peut pas catégoriser ces solutions comme étant complètement du Greenwashing ; tout comme on ne peut pas nier que, dans certains cas, elles donnent lieu à des aberrations écologiques ou qu’elles sont parfois juste utilisées comme un instrument de marketing. Dans ce contexte, les projets développant des solutions de végétalisation verticale fonctionnels semblent se distinguer principalement grâce à la pertinence de leur conception. Selon Ian Drummond, directeur de la création chez Indoor Garden Design, « la conception biophilique est maintenant à l’ordre du jour » 503 et la prise de conscience globale des enjeux environnementaux a permis un investissement des clients plus important et plus tôt dans le processus de conception des façades végétalisées. D’après Stephen Fell 504, c’est cet approfondissement et cette implication dans la conception qui permet d’éviter les cas où la végétalisation se fait dans l’unique but de satisfaire le client, et représente simplement une « case à cocher » supplémentaire. De plus, il estime que « l’utilisation de façades vertes pour promouvoir les politiques environnementales pourrait être un abus de langage, surtout si des tonnes d’énergie et d’eau sont mises en place pour assurer l’entretien des plantes » 505. En somme, la mise en place d’une solution végétalisée qui n’a pas été pensée et qui viendrait s’appliquer comme un simple patch n’apportera rien à un projet, car la conception approfondie - à court et long termes - de ces solutions est cruciale pour bénéficier de leurs avantages. Norman Day est du même avis, selon lui le projet de Chengdu aurait très bien pu être un cas de végétalisation réussie s’il avait fait l’objet d’un « plan d’entretien et de gestion réalisable » 506. De plus, le succès des projets cités dans son article prouve qu’une planification travaillée, une sélection fine de la végétation et l’utilisation d’une technologie appropriée conduisent généralement à des solutions viables. Enfin, il rappelle l’opportunité constituée par ces solutions de végétalisation verticale, qui donne aux habitants des tours une chance de toucher au même confort qu’une maison avec un jardin par exemple, à condition d’en accepter les responsabilités. Ainsi, Je pense qu’il faut distinguer le greenwashing matériel, du greenwashing éthique, même s’ils vont souvent de pair. Selon moi, le greenwashing matériel est un greenwashing promotionnel, une volonté de s’Inscrire dans « la mode » et de profiter du potentiel marketing de ces solutions végétalisées pour vendre une idée de projet à des promoteurs, ou le projet lui-même à des futurs habitants. Ce type de greenwashing, intentionnel ou non, promeut donc les bienfaits de ces façades mais le manque de rigueur de la conception, une mauvais anticipation de la gestion, ou une méconnaissance des plantes et techniques utilisées dans ces jardins verticaux peuvent conduire à des problèmes lors de la réalisation. Cela aboutira donc : soit à des solutions qui ne seront pas viables à moyen / long terme (interruption de l’entretien, plantes qui ne sont pas adaptées au climat et qui meurent, etc.), ce qui induit un impact environnemental qui n’aura pas eu le temps d’être contrebalancé par la végétation ; soit à des solutions « viables » mais qui vont avoir un impact négatif important par l’utilisation de certains matériaux ou systèmes peu vertueux (surconsommation d’engrais, de nutriments et/ou d’eau, plantes sous perfusion, etc.), ou en rendant les espaces difficilement habitables ou utilisables (plantes qui masquent complètement les fenêtres, insectes indésirables, espace perdu, etc.) alors que la volonté initiale était au contraire de les améliorer par la présence de végétation. Le greenwashing éthique est différent, il donne lieu à des projets où ces solutions peuvent parfois être viables et vertueuses 503

Inconnu, Green Walls and Biophilic Design - are companies greening to Greenwash ?, (Mars 2020), Scotsape, https://www.scotscape.co.uk/news/living-walls-biodiversity-greenwashing 504 Ibid. 505 Ibid. 506 Day, Norman, Green buildings can bring fresh air to design, but they can also bring pests, (Décembre 2020), The Conversation, https://theconversation.com/green-buildings-can-bring-fresh-air-to-design-but-they-can-also-bring-pests-147838 113


en elles-mêmes (ou non) mais où elles agissent alors comme un simple placage, ou un camouflage architectural, dont le but est de dissimuler des bâtiments qui impactent négativement l’environnement derrière cette image prétendument vertueuse, ou de « compenser » et faire oublier l’attitude d’une entreprise ayant un impact négatif sur l’environnement. Selon moi ce n’est pas souhaitable, mais ce greenwashing éthique c’est peut-être mieux que rien, car il peut donner lieu à des solutions fonctionnelles (sorties de leur contexte) et en fin de compte, comme le dit Ian Drummond « l’ajout de toute verdure à un bâtiment est un pas dans la bonne direction tant que la conception a été bien étudiée et que la plantation est bien entretenue » 507 . Cependant, « il est important de reconnaître que si plusieurs milliers de bâtiments de chaque zone urbaine n’adoptent pas ces pratiques, l’impact global sera minime. » 508. C’est pourquoi, selon moi, il ne faut pas non plus tomber dans un scepticisme et une méfiance continue du greenwashing, alimenté par certains exemples négatifs ; car cette possible perte de confiance en ces solutions va noyer encore davantage les projets de végétalisation fonctionnels et pertinents dans la masse de contre-exemples. C’est pour cette raison qu’il est urgent et nécessaire de s’y intéresser et de mettre encore plus en lumière les projets de végétalisation réellement fonctionnels, en se libérant de toute influence politique ou de question d’image, afin de disposer de références exemplaire qui serviront de base au développement et à l’amélioration de ces systèmes, pour ne multiplier que les solutions les plus pertinentes.

IV.1.2.3 Quelle part de greenwashing pour les double peaux végétalisées d’après les concepteurs ?

Figure IV-7 : Réponses données à la question « Pensez-vous que ce type de façade participe au Greenwashing ? » (Section 5 du questionnaire)

À la question « Pensez-vous que ce type de façade (la double peau végétalisée) participe au Greenwashing ? » présente dans mon questionnaire, 42,8% des interrogés, soit 6 personnes sur les 14, pensaient que c’était probablement du Greenwashing et ne croyaient pas trop en cette solution (2 de ces personnes n’ont d’ailleurs aucun doute là-dessus). Cela reste une part non négligeable des personnes interrogées et cela montre qu’il y a une véritable appréhension sur la réelle pertinence de cette solution. Cependant, lors de mes entretiens, lorsque je posais à nouveau cet question, les experts interrogés avaient un avis moins tranché en plus optimiste. Ainsi, selon Bernard PAULE, la pertinence d’une double peau végétalisée, et par extension, d’une solution de façade végétalisée, est avant tout basée sur une question d’usage : « L’enjeu, ce n’est pas tellement d’offrir au paysage une façade, c’est d’offrir la verdure aux usagers. » (Entretien avec Bernard PAULE, Directeur associé d’Estia, spécialiste du contrôle et de l'utilisation de la lumière naturelle dans les bâtiments, le 14 Avril 2022). D’après lui il ne faut pas proposer des objets 507

Inconnu, Green Walls and Biophilic Design - are companies greening to Greenwash ?, (Mars 2020), Scotsape, https://www.scotscape.co.uk/news/living-walls-biodiversity-greenwashing 508 Ibid. 114


« techniques », qui ne sont « pas accessible pour 99% des gens », au contraire, il faut « limiter la technique au minimum » pour favoriser la possibilité d’une interaction réelle entre le plus grand nombre d’usagers et la végétation. « Si on offre à 90% des gens la possibilité de se faire une petite oasis dans cet espace intermédiaire (l’espace en interaction avec la double peau), franchement il y a de la poésie, de la créativité, il y a une offre importante et intéressante je pense. » (Entretien avec Bernard PAULE). Cela me permet également de souligner le fait que la mise en place d’une double peau, qu’elle soit végétalisée ou non, nécessite un réelle intelligence de conception qui ne peux pas se passer de définir et de qualifier l’entre-deux entre la façade principale et la seconde peau. Dans le cas des double peaux végétalisées, cela oblige donc les concepteurs à réellement penser les interaction possibles avec la couverture végétale, contrairement aux systèmes de façades végétalisées directes (accolés à la façade) qui sont plus facilement applicables comme des « patchs ». Ainsi, selon moi, la mise en place d’une telle solution plutôt qu’une autre façade végétalisée réduit les « risques » de créer des aberrations écologiques. Lors de mes entretiens, il m’est également arrivé d’interroger mes interlocuteurs sur la pertinence de cette solution dans un contexte urbain parfois très dense, très minéral, et presque « agressif », car je m’interrogeais sur le véritable potentiel de ces solutions, notamment en termes d’apport de biodiversité, dans de telles conditions. D’après Jean François RAVON, architecte, paysagiste et enseignant, « il ne faut vraiment pas que cette question de la densité soit un frein », car on se rend compte en pratique que « dès qu’on lâche un peu la pression, […] la biodiversité reprend très facilement de la force ». C’est aussi l’avis de Simon DIARD, paysagiste chez PUNK Agency :

« Tant que tu auras un arbre, tu auras des oiseaux qui viendront te voir. Tant que tu auras un tilleul, il y aura des abeilles et ça marchera […] parce que de toute façon c’est mieux que rien. Et effectivement, si tu mets une plante qui vient du japon, qui est inconnu au bataillon, qui vient par bateau et qui est nocive pour une certaine espèce d’abeille chez nous, alors là c’est une erreur. Par contre si tu prends des plantes très connues, naturalisées du bassin francilien ou des choses comme ça, dans tous les cas tu auras sûrement une petite araignée qui va se mettre là-dedans, qui va se faire manger par un moineau, un moineau qui va pondre et voilà, c’est parti. » (Entretien avec Simon DIARD) Il précise que, dans le contexte parisien par exemple, « quasiment toutes les rues ont des arbres », ce qui assure forcément un petit relais de biodiversité. Jean François RAVON rajoutera que dans certains cas extrêmes, il n’y aura pas de relais de biodiversité existant à proximité, mais selon lui « ce n’est pas grave, même s’il n’y a rien, ça reste positif ». En effet, même si à court terme le bâtiment ne joue aucun rôle de ce côté-là, rien ne dit qu’il ne viendra pas renforcer un corridor écologique dans le futur. Simon DIARD le rejoint d’ailleurs sur le fait que c’est toujours un plus car « de toute façon, quand on fait un bâtiment, c’est : ou ça (une solution végétalisée) ; ou ça finira en parement béton ou autre, donc c’est toujours intéressant. » car dans tous les cas, en termes « de services écosystémiques et de cadre de vie c’est génial ! Notamment pour les usagers de l’espace public. » (Entretien avec Simon DIARD). Pour compléter, Vinicius RADUCANU, architecte et enseignant, m’expliquera, quant à lui, qu’il pensait que les double peau végétalisées étaient « du vrai green », et non pas du Greenwashing, et que cela serait une bonne chose d’avoir plus de projet développant cette solution.

Pour conclure sur le greenwashing, comme nous avons pu le voir dans les parties précédentes, la mise en place de façades végétalisées entraîne parfois des dérives, souvent dues à un manque de connaissance de ces solutions, une conception moins adaptée et/ou une gestion mal anticipée, qui entraîne des problèmes à long terme. Les projets problématiques ne doivent cependant pas tous être considérés comme du Greenwashing intentionnel. Parfois la mise en place de ces façades part d’une bonne intention qui peine juste à remplir ses objectifs. On peut voir que certains projets mettent en place des façades végétalisées qui ne sont pas viables, ce qui conduit : soit à une surconsommation d’engrais, de nutriments et/ou d’eau, qui maintiennent les plantes « sous perfusion » et qui ont un impact environnemental conséquent ; soit à la mort pure et simple des végétaux, ce qui induit un « sacrifice » de l’impact environnemental lié à leur mise en place, 115


qui n’aura pas eu le temps d’être compensé par les apports bénéfiques liés à l’usage de végétation. Dans ces deux cas, les projets en question semblent pouvoir être considérés comme du greenwashing, qu’il soit intentionnel (par négligence volontaire), ou non. Cependant, lorsque l’on s’écarte de ces cas de figure, et que l’on regarde les autres projets végétalisés d'un point de vue purement environnemental (où le critère de la satisfaction des usagers n'est pas forcément le plus important), la mise en place de solutions végétalisées est généralement bénéfique pour l’environnement, et ce, même pour des projets où ces façades entraînent quelques problèmes sur le bâtiment ou les usagers. En effet, c’est toujours « un arbre de plus », une présence végétale supplémentaire qui « apporte sa pierre à l’édifice », et ces solutions ont des effets bénéfiques sur leur environnement immédiat, mais aussi à une plus grande échelle lorsqu’elles font écho à d’autres espaces végétalisés, que ce soit en termes de microclimat, de services écosystémiques ou de biodiversité.

IV.1.3 Impact environnemental et potentiel écologique Maintenant que nous avons une idée plus précise des avantages, des inconvénient et des limites liées aux solutions de façades végétalisées, il est temps d’étudier leur impact environnemental concret et leur potentiel écologique. Pour ce faire, nous nous pencherons davantage sur les conséquences écologiques des choix de conception liés aux différentes caractéristiques constituantes de ces typologies, en s’inspirant de la structure d’une étude menée par Gauthier Vandersmissen dans son travail de fin d’études intitulé « Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision » 509, et en l’alimentant des différents points soulevés lors des recherches et des entretiens réalisés. Énergie grise du support Tout d’abord, pour réduire l’énergie grise globale de chaque solution, il est important de rappeler qu’il faudra privilégier les filières les plus courtes et les plus locales possibles pour les nombreux composants de ces solutions végétalisées. Lorsque l’on plante des plantes grimpantes en pleine terre dans le cadre d’une végétalisation directe de façade (à même le mur), l’empreinte environnementale est quasiment nulle 510 . Cependant, dès lors que l’on installe un support, cette dernière va augmenter. En effet, « les supports sont généralement fabriqués en aluminium » 511 , qui a une empreinte carbone évaluée en moyenne à 18,3 kilogrammes d’équivalent CO2 par kilogramme d’aluminium produit (que l’on écriera 18,3 kg eq CO2/kg) lorsque celui-ci est issu d’une production primaire 512, et de seulement 0,619 kg eq CO2/kg s’il est issu du recyclage 513 ! Cette dernière solution devra donc être privilégiée pour réduire l’empreinte environnementale liée à son usage. Pour ce qui est des murs végétalisés, ils nécessitent « l’utilisation de matériaux polluants à fabriquer (bâche d’imperméabilisation en PVC ou EPDM, structure en aluminium, …) et parfois difficilement recyclables » d’après Sylvain Moréteau514. En effet, la structure de ces systèmes est souvent plus complexe que ceux des plantes grimpantes, ce qui induit l’utilisation de nombreux matériaux pouvant chacun avoir une empreinte carbone différente. En termes de structure de support, elle est généralement en aluminium, dont l’empreinte environnemental dépendra de la filière de production choisie ; en acier inoxydable, avec une empreinte de 4,43 kg eq CO2/kg 515 ; ou en acier galvanisé, dont l’empreinte est de 2,7 kg eq CO2/kg 516. Dans le cas d’une double peau végétalisée, la structure comportera généralement la même empreinte carbone au kilogramme que la structure d’une simple plante grimpante puisqu’il s’agit plus ou moins du même système, avec une plus grande épaisseur et des structures parfois plus robustes, ce qui veut dire qu’il y aura plus de matière déployée pour la réaliser, donc une empreinte écologique plus importante. Cependant, il est 509

Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81, En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 510 Ibid. (p.38) 511 Ibid. (p.38) 512 Ibid. (p.38) 513 Ibid. (p.38) 514 Moréteau, Sylvain, Murs et toits végétalisés, Paris, Rustica Éditions, « planète écologie », 2009, 112 p. 515 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.38), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 516 Ibid. (p.38) 116


intéressant de savoir qu’il existe des alternatives à l’utilisation de structure métalliques, qu’il s’agisse de câbles, de poteaux, de treillis ou de structure tridimensionnelles, certains matériaux auront un impact environnemental moins important. Tous les éléments organiques en font bien entendu partie (si on ne parle pas de durabilité), à savoir les cordes de chanvre et autres fibres végétales, des structures en bois, des cannages imputrescibles, des treillis en osier ; à conditions que leur exposition à des éléments agressifs soient anticipée pour assurer leur pérennité. Durant mes entretiens, Jean François RAVON m’a également suggéré le bambou, qui était utilisé pour de nombreux échafaudages en Chine notamment, ce que j’ai trouvé assez pertinent. Mais Simon DIARD m’expliquera qu’il faut toujours regarder plus loin que le matériau en lui-même. En effet, selon lui, pour l’exemple du bambou : « c’est un bois génial mais le problème c’est, où on le fait pousser ? Et d’où vient-t-il ? Parce que si c’est des enfants de 13 ans en Chine qui prennent des coups de fouets, autant continuer avec des treillis soudés je pense. Maintenant, si c’est issu d’une filière durable, française, avec des circuits courts, … mais de toute façon on a très peu d’endroits en France pour faire pousser des bambous avec des sections en tailles suffisantes pour pouvoir faire ça, ou alors des endroits chauds et très humides comme la Camargue. Mais si on faisait 20 treillis par jour dans des chantiers du bâtiment en France pour végétaliser des façades ou autres, il nous faudrait des hectares de bambous. Et là encore si tu fais une forêt de bambous, pour la biodiversité t’es à -2 sur 20 avec une espèce super invasive qui n’est pas adapté au climat, et qui n’apportera rien en biodiversité pour tout ce qui est faune. ». Chaque proposition a donc ses limites. En termes d’alternatives, on peut aussi envisager des éléments issus du recyclage ou du réemploi, où l’origine de cette seconde vie du matériau est bien connue et vertueuse car on évite de produire davantage. Le réemploi des vieux treillis à béton peut être intéressant par exemple. À noter que les éléments cités précédemment peuvent être particulièrement adaptés pour les solutions utilisant des plantes grimpantes, mais ils le seront parfois moins pour les murs végétalisés, dont les systèmes plus complexes sont parfois assez « figés ». Choix des végétaux Le choix des végétaux va également avoir un impact sur le bilan environnemental de ces solutions. En effet, certains végétaux sont importés et induisent donc une certaine quantité d’énergie gris produite par leur transport. De plus, d’après Sylvain Moréteau, « les plants d’origine tropicale poussent dans des serres climatisées grandes consommatrices d’énergie » 517 . Enfin, il existe aussi des variétés de plantes, et notamment de plantes grimpantes, qui peuvent être envahissantes et problématiques et qui sont donc à éviter. Pour avoir un minimum d’impact il faudra alors privilégier des espèces locales, dont on connait la provenance, et qui induiront le moins possible d’énergie grise préalable à leur installation sur la façade. Substrat, consommation d’eau et nutriments Substrat En ce qui concerne les substrats utilisés dans des contenants ou sur les murs végétalisés, nous en avions cité 3 types principaux. On a le substrat minéral à base de laine de verre ou de la roche hydrophile ; le substrat synthétique constitué à partir de feutre polyamide par exemple ; ou encore le substrat organique qui aura plus tendance à se dégrader avec le temps. Sans surprise, l’utilisation d’un substrat organique aura l’impact environnemental le plus faible (mais sera moins pérenne). Irrigation et nutriments La consommation en eau de ces solutions, et son impact environnemental, va dépendre de plusieurs critères. D’abord de la capacité de la plante à s’en passer, évidemment, car les espèces ont toutes des besoins en eau différents. De plus, il est préférable de ne pas habituer les plantes à une irrigation régulière, pour les obliger à « se débrouiller par elles-mêmes » et ainsi favoriser leur développement racinaire et leur pérennité en cas de stress hydriques. C’est également lié à la capacité de stocker cette eau, car plus la plante pourra faire des réserves, plus elle pourra se passer d’irrigation pendant une certaine période. Pour maximiser ce potentiel, il faut donc augmenter le volume ou l’épaisseur de substrat, qui aura ainsi une meilleure capacité de rétention. Ensuite, la nature du système d’irrigation va influencer son impact global. En effet, s’il est manuel, il sera plus 517

Moréteau, Sylvain, Murs et toits végétalisés, Paris, Rustica Éditions, « planète écologie », 2009, 112 p. 117


adapté à la plante, et l’impact sera moindre. Cependant, si le système d’irrigation est automatisé, cela amène tout de suite à une certaine consommation d’eau, qui sera d’autant plus grande avec un système en circuit ouvert, entraînant parfois des rejets polluants ; qu’avec un circuit fermé, qui « recycle » l’eau consommé pour la réutiliser. Les matériaux des systèmes d’irrigation en eux-mêmes ont également une certaine teneur en énergie grise. Pour les tuyaux des réseaux par exemple, généralement en polyéthylène haute densité, on parlera d’une empreinte carbone d’environ 2,29 kg eq CO2/kg 518. D’ailleurs, selon le niveau d’automatisation du système, il induira un certain nombre de composants qui peuvent avoir un impact environnemental conséquent. Il existe également d’autres systèmes innovants pour réduire la consommation d’eau, comme la récupération des eaux de pluie en toiture, qui va les redistribuer pour l’irrigation, ou l’installation de petits réservoir directement installés dans les jardinières, l’eau de pluie y arrivant via une connexion avec les gouttières 519. Enfin, il est également possible d’utiliser les eaux grises du bâtiment en adaptant le réseau d’évacuation et le réseau d’irrigation, mais dont le système de filtration de l’eau et de neutralisation de certains polluants va inclure à nouveau de la matière avec une certaine énergie grise. Fertilisation La fertilisation peut se faire avec des engrais de synthèse, parfois polluants, ou des engrais organiques, plus neutres pour l’environnement. Leur potentielle pollution par rejet dans des circuits ouverts est aussi à prendre en compte. En somme, comme me le dira Gilles CLÉMENT lors de notre entretien, ces solutions resteront vertueuses « s’il y a une technologie qui n’est pas trop discordieuse et qui ne demande pas, par sa mise en place, un autre tiers coûteux et compliqué ». Pérennité Selon Gauthier Vandersmissen, les couvertures par plantes grimpantes sont des solutions durables, dont la durée de vie peut s’étendre jusqu’à 50 ans, voire même 100 ans 520 ! De plus, dans le cas d’une végétalisation indirecte, avec un support en aluminium, on a également une certaine pérennité car « l’aluminium est un matériau très résistant à l’usure » 521. Simon DIARD confirmera ce point : « c’est très métallique […] pour des questions de durée dans le temps » (Entretien avec Simon DIARD, Paysagiste chez PUNK Agency, le 31 Mai 2022) Ainsi, l’utilisation de matière moins transformé et plus organique réduira l’impact environnemental à l’installation, mais pose parfois des problèmes de longévité. Par exemple, il m’expliquera que la corde en chanvre va très rapidement se détendre et se détériorer avec « les UV et les intempéries ». En ce qui concerne les murs végétalisés, et en particulier le système de « felt-layers », ils auront une « durée de vie beaucoup plus limitée » de 10 ans en moyenne 522, ce qui peut donc poser question car une fois arrivé en fin de vie, il faudra se poser la question du remplacement coûteux ou de l’abandon pure et simple de cette solution. Enfin, il ne faut pas oublier que la couverture végétalisée formée par ce type de façade va également protéger le bâtiment support contre les conditions météorologiques extrêmes 523 (pluie, grêle, etc.), les rayonnements solaires directs et les rayons ultraviolets 524, ce qui va prolonger la durée de vie de l’édifice.

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Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.38), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 519 Ibid. (p.36-37) 520 Ibid. 521 Ibid. 522 Ibid. 523 Inconnu, Green Facades - Greenwashing or a green future ?, alsecco, https://alsecco.co.uk/2019/11/green-facadesgreenwashing-or-a-green-future/ 524 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.26), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 118


Recyclabilité Une fois cette « durée de vie » dépassée, la question de la « seconde vie » des matériaux se pose. En effet, les matériaux recyclables auront un impact environnemental global plus nuancé, car ils pourront resservir, et l’énergie grise déployée pour leur « première vie » ne sera pas perdue, mais plutôt réinvestie. Ainsi, les systèmes basés sur les plantes grimpantes sont davantage recyclables. D’après Gauthier Vandersmissen, « la matière végétale peut être broyée et utilisée comme biomasse pour générer de l’énergie » 525. De plus, dans le cas d’une structure ou de composants en aluminium, ce dernier pourra être recyclé, car il peut être « réutilisé à l’infini sans aucune perte de qualité » 526. Simon DIARD rajoutera : « l’inox c’est un matériau qui a une énergie grise qui est importante, mais c’est recyclable, alors que le galva (l’acier galvanisé), c’est plus compliqué, une fois qu’il est pété il part très vite à la poubelle. » Ici aussi, pour avoir un impact environnemental moins conséquent, il faut penser au long terme, et voir plus loin que le projet en lui-même afin d’anticiper ces questions. Pour l’exemple du réemploi de vieux treillis à béton cité plus haut, il faut aussi s’interroger sur la réalisabilité en pratique. À ce sujet, Simon DIARD m’expliquera que « le problème c’est qu’il y a une question de soudure, de tenue, mais aussi de responsabilité pour le maître d’ouvrage » ce qui complique la mise en œuvre du remploi de ce matériau, notamment pour des questions réglementaires. Plus généralement, l’emploi de matières organiques peut aussi induire la production de déchets plus respectueux de l’environnement, car biodégradables. En ce qui concerne les murs végétalisés, nous l’avons vu, leur mise en place requiert « l’utilisation de matériaux polluants à […] et parfois difficilement recyclables » 527, c’est par exemple le cas pour les feutres textiles des systèmes « felt-layers » 528, qui ne serviront qu’une fois. Toutefois, d’autres composants, des systèmes modulables notamment, sont recyclables, comme le substrat : la sphaigne pourra, par exemple, être « incinérée pour produire de l’énergie » ; et un substrat « minéralo-organique » pourra être dispersé sur des terrains 529. Bilan carbone des végétaux Les façades déployant des végétaux permettent de séquestrer du carbone dans leurs tissus et leurs substrat, ce qui contribue « à diminuer la quantité de gaz à effet de serre dans l’atmosphère » 530, une fonction cruciale dans le contexte de crise environnementale qui est le nôtre. Selon Michela Marchi, le potentiel d’absorption du carbone par le végétal serait de 0,44 à 3,18 kg eq CO2 / m2 par an 531. Économies d’énergie Comme nous avons pu le voir dans la partie III.3 Avantages et impact sur le confort, l’utilisation des systèmes de façades végétalisées permet généralement d’améliorer le confort et les performances énergétiques d’un bâtiment, ce qui a un impact environnemental positif puisque cela permet d’économiser de l’énergie. Certes, cet impact positif sera différent d’un système à l’autre et dépendra des choix de conception, mais on peut rappeler quelques points caractéristiques de l’utilisation du végétal. Tout d’abord, ces systèmes vont permettre de rafraîchir l’air ambiant à proximité immédiate grâce au phénomène d’évapotranspiration. Ils vont également parfois jouer un rôle dans l’isolation, grâce à la lame d’air déployée entre la couverture végétale et la façade principale dans certains systèmes, mais aussi par la capacité thermique et la résistance thermique du support et du substrat des contenants de la végétation. Enfin, ces systèmes vont créer des masques et vont intercepter le rayonnement solaire, évitant ainsi l’échauffement des surface derrière la couverture végétale ; et dans le cas de l’utilisation de plantes caduques, les façades végétalisées vont laisser passer ce rayonnement en hiver ! Tous ces effets vont donc permettre de réduire plus ou moins le besoin en 525

Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.38), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 526 Ibid. 527 Moréteau, Sylvain, Murs et toits végétalisés, Paris, Rustica Éditions, « planète écologie », 2009, 112 p. 528 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.38), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 529 Ibid. 530 Ibid. (p.23) 531 Ibid. (p.23-24) 119


climatisation et en chauffage, et donc de réaliser des économies d’énergie. Certains facteurs vont permettre de favoriser l’efficacité de ces façades et d’améliorer cette performance. Les 4 mécanismes fondamentaux de ces façade, à savoir, dans leur ordre d’importance : l'ombre portée, la capacité d'isolation, l'évapotranspiration ou encore la variation des effets de ventilation vont en effet avoir un effet plus ou moins grand selon la densité du feuillage, l’orientation des façades, la transmittance solaire ou encore le taux de renouvellement de l'air de l'espace tampon entre le mur et la végétation. Toutes ces différentes variables ont déjà été évoquées dans la partie III.5.3. Il ne faut pas non plus oublier qu’en ce qui concerne l’ombre portée des plantes grimpantes qui pourraient avoir une vocation de protection solaire par exemple, elle ne sera efficace qu’après le développement de la végétation et le fameux « temps de pousse ». De plus, même si ce n’étais pas l’objet de ce mémoire, il a été prouvé que l’utilisation des plantes comme protection solaire pouvait avoir une performance similaire à des éléments de protection solaire industriels 532, avec quelques avantages supplémentaire comme le rafraîchissement passif, ou encore la transformation d’environ 60% de l’énergie incidente en chaleur latente 533 par évapotranspiration, contrairement à un système plus classique comme des BSO métalliques par exemple, qui vont avoir tendance à accumuler cette énergie et la transformer en chaleur radiante. Enfin, il faudra faire en sorte que la végétation ne fasse pas concurrence à la couverture des besoins en lumière du jour. Pour ce faire, un attention particulière devra être portée à l’entretien lorsque la végétation passe devant des surface vitrée, pour éviter qu’elle n’obstrue trop le passage de la lumière, qui pourrait entraîner une surconsommation dû à l’utilisation d’éclairage artificiel par exemple. En somme, les économies d’énergie induites par les façades végétalisées sont un véritable atout environnemental pour ces solutions. Selon Ian McCALL, « en termes de performances énergétiques, ça va dans le bon sens » ; ce que Nicolas PAULI complètera de la façon suivante : « c’est forcément un petit peu de l’économie planétaire dans le sens ou si tu ne consommes pas [ou moins, et que] tu fais pousser des plantes, c’est moins énergivore […] que de faire tourner une centrale nucléaire » Potentiel écologique multiscalaire et services écosystémiques Favoriser la biodiversité Les façades végétales peuvent abriter une faune et une flore riche et diversifiée, contribuant ainsi au développement de la biodiversité dans les espaces urbains et comblant parfois les lacunes existantes des corridors écologiques. Pour ce faire, il est nécessaire d’utiliser des espèces qui vont avoir le plus d’interactions possible avec la faune locale (milieu de vie, abri, source de nourriture, etc.). Pour les murs végétalisés, ce potentiel dépendra de la nature du substrat et de son accessibilité : tout élément organique va avoir tendance à favoriser cette biodiversité, contrairement aux solutions les plus synthétiques. Enfin, comme nous l’avons vu, dans certains cas, ces façades peuvent même avoir une fonction semencière ! Réduire les effets d’îlots de chaleur Grâce à la création d’un microclimat, d’un rafraîchissement et d’une amélioration de la qualité de l’air, la mise en place de façades végétalisées permet de lutter efficacement contre les effets néfastes des îlots de chaleurs urbains, en réduisant localement les températures, et en créant parfois leur opposé : des « îlots de fraîcheur » 534 ! Réduire la pollution atmosphérique L’emploi de ces solutions de façade permet de faire un travail remarquable de dépollution atmosphérique. Elles vont améliorer la qualité de l’air autour des bâtiments « en interceptant les particules fines » 535, leur

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Pataky, Rita, (2016), Outline of the Design and Functioning of Green Shading Systems, Compared to Industrial Products, Periodica Polytechnica Architecture, pp. 11, https://doi.org/10.3311/PPAR.8913 533 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.24), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 534 Ibid. 535 Ibid. (p.23) 120


tissus ou le substrat va également permettre de décomposer certains polluants organiques 536, et elles vont prélever et « séquestrer » des gaz à effet de serre, ou polluants, « comme le CO2, NO2, et le SO2 » 537. Réduire les risques environnementaux Enfin, ces façades peuvent participer à la réduction des risques environnementaux comme les risques d’inondation par exemple, grâce à l’interception des pluies et à la diminution du ruissellement 538. Ainsi, l’impact environnemental des façades végétalisées va largement dépendre des choix de conception de ces façades. Dès lors, une façade végétalisée par plantes grimpantes directe, avec des espèces végétales locales plantées en pleine terre, une irrigation manuelle adaptée, et l’absence d’utilisation d’engrais, aura un impact environnemental quasi-nul. Au contraire, pour des murs végétalisés qui auraient fait tous les mauvais choix évoqués plus haut, l’impact ne serait pas négligeable. Pour ce qui est du potentiel écologique de ces solutions, il est généralement très fort, car ces façades favorisent la biodiversité, réduisent la pollution atmosphérique et les risques environnementaux comme les inondations, et permettent de lutter contre les îlots de chaleur urbains !

IV.1.4 Freins à la démocratisation IV.1.4.1 Entretien avec les concepteurs Dans cette partie, je tenterai de déterminer les freins à la démocratisation de ces façades végétalisées et les potentielles appréhensions qui leurs sont associées. Ainsi, dans la partie de mon questionnaire qui portait sur la question des double peaux végétalisées, j’ai posé la question à mes interlocuteurs en proposant plusieurs réponses possibles identifiées à partir de mes recherches, à savoir : Manque de notoriété ou de connaissance du grand public / Solution trop technique comparée à d’autres / Poids budgétaire trop important / Appréhension de leur entretien / Solution trop spécifique, inadaptée dans la plupart des cas / Peur d'une diminution du confort avec ce type de solution / Utilisation d'eau trop importante / Réglementation trop limitante. Il y avait également une réponse « Autre », si certains avaient une autre proposition à soumettre. Cette question était à choix multiples, et les personnes pouvaient donc choisir plusieurs « freins » possibles à la fois.

Figure IV-8 : Réponses données à la question « Quels sont, selon vous, les freins les plus importants à leur démocratisation ? » (Section 5 du questionnaire) 536 Vandersmissen, Gauthier, Les façades végétalisées : analyse comparative et mise au point d’un outil d’aide à la décision, Travail

de fin d'études réalisé sous la direction de M. Joost WELLENS à Gembloux Agro-Bio Tech (GxABT), 2021, pp. 81 (p.23), En ligne : http://hdl.handle.net/2268.2/13260 537 Ibid. 538 Ibid. (p.26) 121


Ainsi, selon les personnes interrogées, le frein principal est surtout l’appréhension de leur entretien (85,7%), suivi de leur coût global (50%) et de la complexité/la spécificité de cette solution (28,6%). L’identification de ces freins semble être représentative et généralisable à toutes les solutions de végétalisation des façades. En effet, l’étude menée sur les habitants d’une résidence au Caire, qui visait à identifier la connaissance du grand public des solutions de façades végétalisées 539 et que j’ai déjà évoqué auparavant, montre que plus de la moitié des 60 personnes interrogées (53,33) sont conscientes que ce type de façade entraîne des « dépenses considérables en termes de maintenance » 540 . De plus, certains des citoyens sollicités « avaient des inquiétudes concernant la présence d’insectes, les dépenses liées à la maintenance, la viabilité des plantes et l’entretien continu nécessaire pour ces façades végétalisées » 541. L’entretien

« Dans tous les cas c’est un entretien qui est compliqué, et c’est un des freins principaux au développement de cette méthode, de cette pratique. » (Entretien avec Simon DIARD, Paysagiste chez PUNK Agency, le 31 Mai 2022) Nous l’avons vu, l’entretien et la maintenance des façades végétalisées sont des étapes cruciales pour assurer leur pérennité. Cela demande du temps, à des occurrences plus ou moins régulières selon le système de végétalisation, et cela demande de l’argent. Chaque système a ses propres contraintes, et même les moins problématiques, comme la végétalisation par plantes grimpantes directes, demande un minimum d’entretien. Selon Jean François RAVON, architecte, paysagiste et enseignant, l’entretien est donc un frein, parce qu’aujourd’hui « on est dans une logique où on voudrait produire des bâtiments qui ne demandent pas d’entretien, on part […] sur le fait que tout ça va se gérer avec des machines et des ordinateurs ». En effet, on cherche de plus en plus à automatiser les choses, et parfois c’est nécessaire, comme pour les systèmes de ferti-irrigation des murs végétalisés, mais cela créé aussi une dépendance à la technologie qui peut avoir de lourdes conséquence en cas de défaillance de cette dernière ! C’est par exemple le cas des problèmes qui ont eu lieu sur la façade végétalisée dont nous avons déjà parlé, qui avait été réalisée par Patrick Blanc à Bruxelles, et où deux pannes informatiques ont conduit à la mort de presque tous les végétaux, puis à l’assèchement total du mur végétalisé, qui a coûté très cher à démonter et faire reconstruire. Jean François RAVON ne croit donc pas en cette installation abusive de systèmes automatisés, en particulier pour les solutions de façades végétalisées, qui sont censées relever de technologies « low tech ». Selon lui, « le low-tech ça demande un investissement humain » qui peut être valorisable, et qui est à anticiper en conception : « si on trouve les bonnes mises en œuvre, avec des coursives, qu’on puisse y accéder sans échelle par exemple, c’est faisable. Ça ne pose pas de problème, c’est juste qu’on va devoir payer des gens pour le faire, mais est-ce que sociétalement ce ne serait pas une bonne chose ? D’avoir aussi des emplois de gens qui entretiennent le vivant ? ». D’après Vinicius RADUCANU, l’appréhension de cet entretien vient peut-être également du fait qu’on n’ait tout simplement pas l’habitude, et que l’on n’ait pas une « culture de travail avec le végétal », qui nécessiterait de penser le projet dans des « cycles longs ». Cela pose également la question des personnes ou entités chargées de cet entretien, et nous avons pu voir que cette question était très importante. Selon Simon DIARD, dans le cas des logements collectifs où la copropriété serait chargée de cet entretien, c’est difficilement viable. Cependant, ces solutions ont plus de chances d’être viables lorsqu’elles ne sont gérées que par un seul et même gestionnaire, comme c’est souvent le cas dans le tertiaire, les bureaux, les bâtiments industriels, ou encore les bâtiments publics. Cela entraîne donc une multiplication des projets de végétalisation sur ce type de bâtiment.

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Ibrahim Momtaz, R., (2018), vertical garden as a sustainble urban prespective in Cairo, JES. Journal of Engineering Sciences, 46(2), 246–262. https://doi.org/10.21608/jesaun.2018.114517 540 Ibid. 541 Ibid. 122


Figure IV-9 : Réponses données à la question « À quelle catégorie appartenaient la majorité de ces bâtiments ? » (Section 5 du questionnaire)

En ce qui concerne la double peau végétalisée, mon questionnaire comportait la question « À quelle catégorie appartenaient la majorité de ces bâtiments ? » (diagramme ci-dessus), qui faisait suite à la question « Avezvous déjà vu des projets mettant en place ce type de solutions ? », afin d’avoir une idée du type de projets qui déployaient ce type de solutions actuellement. Sur l’échantillon de projets reconnus comme des double peaux végétalisées par les interrogés, ce type de façade semble être mis en place majoritairement sur des bâtiments tertiaires (71,4%), des bureaux (35,7%) et même parfois sur des logements collectifs (28,6%). Cependant, elle ne trouve aucune application pour le logement individuel, et peu pour les bâtiments industriels (7,1%). Pour les bâtiment tertiaires et les bureaux, ces double peaux semblent donc rejoindre la même logique que pour les façades végétalisées en général. Cependant, elles trouvent également une application en logements collectifs, ce qui peut s’expliquer par le fait que sa typologie, qui leur confère une épaisseur, peut permettre d’y intégrer des espaces extérieurs et des usages. De plus, elle semble être moins indiquée pour les bâtiments industriels, puisque lorsque ce type de bâtiment met en place des façades végétalisées, cela se passe généralement sur des façades aveugles, où l’utilisation de plantes grimpantes en végétalisation directe sera donc sûrement plus appropriée. Enfin, à l’image des autres types de double peaux, elle ne trouve pas ou peu d’applications pour du logement individuel car ce sont des solutions disproportionnées et parfois inadaptées à ce type de projet. Le prix Dans la partie III.4 Des solutions accessibles à tous ?, nous avons pu nous pencher sur le coût global des solutions végétalisées, qui est composé en plusieurs dépenses de différentes natures. Ainsi, le coût d’installation peut être accessible et raisonnable pour les solutions les plus courantes, mais les coûts de maintenance et d’entretien seront ensuite assez conséquents à long terme, d’autant plus lorsque la phase de conception de la façade végétalisée aura fait l’objet de certaines négligences. En ce qui concerne les façades double peaux végétalisées, selon Sébastien RANDLE, ingénieur et chef de projets chez Étamine, « il y a un surcoût […] qu'il faut intégrer, et qui va se faire au détriment d'autre chose sur le projet, forcément, […] car ça fait comme une façade en plus à construire », comme les autres solutions de double peaux finalement. D’autant plus que l’on doit, de toute façon, installer des solutions de protections solaires autres pour répondre aux exigences réglementaires (et parfois éthiques) de performances énergétiques, qui ne pourraient pas être atteintes à court terme dans le cas où seules les plantes grimpantes exerceraient ce rôle, à cause du temps de pousse. D’après Sébastien RANDLE, « si on savait, grâce à la végétalisation, se passer des protections solaires type BSO, là, effectivement, on pourrait se dire qu'elle (la double peau végétalisée) coûterait moins cher […] que celle qui n’a pas de végétalisation mais, à condition de savoir le faire. ». Selon Bernard PAULE, 123


« ce n’est probablement pas la plus chère » des double peaux, mais « c’est celle qui demande le plus d’entretien », et qui va donc générer un coût d’exploitation bien plus conséquent, d’autant plus que « si la végétation du bâtiment et son entretien sont gérés au niveau centralisé, ça veut dire un réseau d’eau de plus, des évacuations d’eau, et au niveau investissement ça devient assez coûteux aussi. » (Entretien avec Bernard PAULE, Directeur associé d’Estia, spécialiste du contrôle et de l'utilisation de la lumière naturelle dans les bâtiments, le 14 Avril 2022) Complexité et expertise Comme nous l’avons évoqué plus tôt, les professionnels ont généralement une connaissance partielle des façades végétalisées et une certaine méconnaissance de plusieurs enjeux qui leurs sont associés, ce qui peut constituer un frein pour leur appropriation de ces solutions. Selon Ian McCALL, ingénieur en construction durable chez Losinger Marazzi, « cette expertise entre façade et végétal que personne vraiment maîtrise aujourd’hui, il y a certains spécialistes dans les végétaux et certains spécialistes en façade, mais enfin les deux, il y a vraiment peu de personnes qui maîtrisent les deux ». Le temps de pousse et le rôle de protection solaire des double peau végétalisées Comme nous l’avons déjà évoqué, la question du temps de pousse et du temps de couverture sont des problèmes pour les double peaux végétalisées qui ont une vocation projetée de protection solaire. Simon DIARD a « l’impression que c’est aussi un point qui mène à une appréhension sur ce type de façade étant donné que si on cherche à avoir un masque solaire à partir de cette solution, on va devoir attendre plusieurs années avant qu’il soit vraiment là. » (Entretien avec Simon DIARD, Paysagiste chez PUNK Agency, le 31 Mai 2022) Mais cela relève peut-être également d’une incompatibilité entre « temps court » et « temps long » d’après Bernard PAULE, car la végétation « a un cycle saisonnier, mais [que] pour gérer les apports solaires ou les apports de chaleur on a besoin d’un cycle beaucoup plus court, presque instantané, enfin disons un cycle horaire. ». Selon lui, cette incompatibilité peut même mettre tout simplement en lumière notre incapacité à s’inscrire et à résonner dans le long terme, dans un monde où l’on est « tous dans l’instant et à chaque génération ça augmente encore ! » (Réseaux, consommation) ; alors que « la végétation c’est des années en fait » (Entretien avec Bernard PAULE, Directeur associé d’Estia, spécialiste du contrôle et de l'utilisation de la lumière naturelle dans les bâtiments, le 14 Avril 2022) Notoriété et manque de projets ? Dans la partie de mon questionnaire qui portait sur la question des double peaux végétalisées, j’ai interrogé mes interlocuteurs sur leur connaissance de cette typologie, pour essayer d’en tirer des observations sur la notoriété de ces façades.

Figure IV-10 : Réponses données à la question « Avez-vous déjà entendu parler des façades double peaux végétalisées ? » (Section 5 du questionnaire)

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Figure IV-11: Réponses données à la question « Avez-vous déjà vu des projets mettant en place ce type de solution ? » (Section 5 du questionnaire)

Ainsi, nous pouvons voir sur les diagrammes précédents que 10 personnes sur les 14 interrogées n’ont pas ou peu - entendu parlé de cette typologie ; alors que les 14 personnes interrogées étaient familières avec le concept de double peau. Cela monte un certain manque de notoriété et de connaissances sur le sujet, qui pourrait donc constituer un frein à l’émergence de cette typologie. De plus, lorsque j’ai posé la question « Avez-vous déjà vu des projets mettant en place ce type de solution ? », plus du tiers des personnes interrogées (6 pers.) n’en avaient vu que sur 2 projets différents ou moins ! Les bâtiments mettant en place des façades double peaux végétalisées ne sont donc pas si courants dans le paysage urbain contemporain, alors que cette option semble constituer une alternative intéressante à d’autres formes de double peaux. Par conséquent, ce manque de projets exemplaires, que j’ai pu aussi expérimenter en ayant du mal à trouver des références déployant cette typologie, ne joue clairement pas en sa faveur, et garde ce type de double peau « dans l’ombre » en quelque sorte. Il faut cependant reconnaître que ces solutions semblent émerger avec le temps, tout comme les autres typologies de façades végétalisées, avec de plus en plus de de projets de murs végétalisés, ou de projets de végétalisation par plantes grimpantes (très présente dans les politiques de végétalisation des villes), sans pour autant qu’elles ne soient forcément mises en place sur des projets architecturaux ambitieux.

IV.1.4.2 Anticipation des performances ? « Au niveau de la modélisation des façades végétalisées, en fait aujourd'hui on fait comme s’il n'y avait pas de végétation ! Comme on ne peut pas prévoir le développement d'une plante, on calcule sans prendre en compte la végétation. » (Entretien avec Florent CAPPOEN, ingénieur et architecte, directeur de projets chez Arcora, le 19 Mai 2022) Un complexité pour l’anticipation des performances Je souhaitais partager ici ce fait plutôt étonnant. En effet, Florent CAPPOEN m’a expliqué qu’aujourd’hui, on n’était pas en capacité d’anticiper les performances des façades végétalisées, et qu’en termes de modélisation des façades, on faisait comme s’il n’y avait tout simplement pas de végétation. Cela m’a été confirmé par Ian McCALL, ingénieur en construction durable chez Losinger Marazzi : « dans les études thermiques, on ne prend pas en compte tout ce qui est végétalisation aux alentours ». Selon, Simon DIARD, paysagiste chez PUNK Agency, « certains logiciels les prennent en compte », mais la plupart du temps ça n’est pas modélisé car « le feuillage n’existe pas toute l’année et en fait ce n’est pas considéré comme un filtre solaire. » Robert CELAIRE, ingénieur conseil en performance énergétique et prestations environnementales, me rapporte que « ce que ne font pas la plupart des outils, c’est la prise en compte de l’évapotranspiration. » Enfin, d’après Simon DIARD, « c’est simplement que ce n’est pas dans le logiciel parce que […] ce n’est pas dans les mentalités. » On peut donc se demander si cette absence de prise en compte dans les calculs ne participe pas à freiner le développement de ces façades puisqu’on se retrouve avec une couche principale déjà performante, qui ne 125


nécessite pas forcément de végétation pour arriver aux performances énergétiques désirées, et qui, de ce fait, aura tendance à évincer cette solution de la conception, ou en tout cas, à conduire à des solutions logiquement moins poussées pour cette couche extérieure de végétalisation. Aujourd’hui on le fait de manière instinctive Dans sa pratique, l’architecte Yves PERRET m’explique qu’il fait tout simplement « les choses de façon instinctive » car il n’y a « pas besoin de calculer quoi que ce soit ». En ce qui concerne le projet de la Maison du Cadre de Vie et de l’Habitat et sa double peau végétalisée, le bâtiment est conçu pour « fonctionner sans peau », avec les galeries filantes qui ont un rôle de protection solaire. En fait, la double peau végétalisée du bâtiment « est simplement un plus par rapport à la fraîcheur estivale ». Mais d’après lui, son apport bénéfique ne nécessite pas d’étude poussée, « on sait qu’on va dégringoler de 3 degrés et qu’on sera mieux l’été. Point barre. Et on sait aussi que dans la rue on n’aura pas l’effet de paroi chaude qui va rayonner la nuit. ».

« En fait il y a une espèce d’orgie d’études de toutes sortes, mais qui sont finalement plutôt un obstacle à faire les choses, que de les faire. Le problème ce n’est pas de blinder le truc d’études et de rien faire, le problème c’est de faire. Parce que blinder d’études ça coûte un max, et c’est bête, il vaut mieux mettre ces sous dans le projet, plutôt que de les foutre en l’air pour un truc qu’on sait d’avance ! » (Entretien avec Yves PERRET, architecte, le 12 Avril 2022) Selon Yves PERRET, cela peut aussi être une question de gestion du temps et du rapport investissement/résultats pour le projet, car si on est obligé de tout modéliser à chaque fois, « on s’en sort plus ». Ian McCALL le rejoint sur ce point : « sinon on n’a pas le temps ». Le problème, c’est que si l’on ne modélise pas, et que l’on n’a pas une idée précise des potentielles performances d’un apport de végétation, cela entraîne également un manque de justification lorsque l’on doit « se battre » pour inclure et pousser la mise en place de solution végétalisées auprès des maîtres d’ouvrage. D’après Florent CAPPOEN, ingénieur, architecte, et directeur de projets chez Arcora, il faut alors « trouver des maîtres d'ouvrage qui sont ouverts à la végétation et qui comprennent que, même si cela n'apparaît pas dans les calculs, mettre un arbre à tel endroit va bien diminuer les apports solaires, etc... ». La simulation comme levier ? Cependant, cette approche instinctive n’est pas forcément donnée à tout le monde, et pour faire avancer les choses et populariser ces solutions de façades végétalisées, il serait nécessaire de pouvoir en mesurer les effet, pour prouver l’apport bénéfique de ce type de façade et faire en sorte que « les ingénieurs proposent plus facilement cette solution » à l’équipe de conception (Entretien avec Simon DIARD, Paysagiste chez PUNK Agency, le 31 Mai 2022) Selon Simon DIARD, cela doit être encouragé car « les architectes en sauront plus, parce que ce sera justement mesuré. Mais pour cela il y aurait un problème, c’est qu’il faudrait caractériser dans le logiciel la maille du filtre que représente un lierre, ou une vigne vierge ». C’est également l’avis de Bernard PAULE, spécialiste du contrôle et de l'utilisation de la lumière naturelle dans les bâtiments : « En fait la variation du feuillage c’est ce qui pose problème dans la modélisation. Peut-être qu’on peut […] le modéliser de façon un peu « rugueuse ». Le truc c’est de s’assurer que la géométrie qu’on va utiliser ou l’emplacement où on va filtrer est au bon endroit et est réparti comme il faut. ». Il y a donc sûrement dans cette modélisation un levier à trouver pour permettre une potentielle démocratisation des façades végétalisées, et en faire connaître les apports bénéfiques.

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IV.1.4.3 Pas assez d’engouement chez les décideurs pour l’instant

Figure IV-12 : Réponses données à la question « Quels sont, selon vous, les freins les plus importants à leur démocratisation ? » (Section 5 du questionnaire)

Comme nous avons pu le voir, du côté des concepteurs, l’entretien semble être le frein principal à la démocratisation des façades végétalisées. Mais cette « problématique » de l’entretien revient aussi du côté des décideurs ! En effet, les maîtres d’ouvrage semblent être réticents aux contraintes générées par cet entretien, pourtant primordial pour garantir l’intégrité de ces solution. Selon Ian McCALL, c’est parfois une barrière à l’installation de végétation, que ce soit pour des façades végétalisées ou non : « Aujourd’hui, ces impacts en termes de frais d’exploitation, ils n’y sont pas sensibles, ils vont dire non. Ils ne veulent pas des grands arbres parce qu’ils ne veulent pas des feuilles [qui tombent] par exemple ! ». D’après Simon DIARD, dans le cas des façades double peaux, le choix de conception sera également influencé par cette contrainte. Ainsi, une double peau ventilée coûtera, certes, « beaucoup plus cher au moment du chantier », mais à long terme, l’entretien d’une double peau végétalisé « sera beaucoup plus lourd » et « coûtera 2 ou 3 fois plus que le verre » (Entretien avec Simon DIARD, Paysagiste chez PUNK Agency, le 31 Mai 2022). Bernard PAULE est du même avis : « en termes d’investissement [la double peau végétalisée] n’est probablement pas la plus chère, mais par contre c’est celle qui demande le plus d’entretien. » Pour un maître d’ouvrage, le choix va donc souvent se tourner vers la solution la plus économique. Tout est donc une question de poids budgétaire, car avec les solutions végétalisées, les contraintes de gestion à long terme et les potentiels problèmes qui peuvent subvenir tout au long de la vie d’une façade de ce type, vont avoir un impact conséquent sur le budget alloué à un bâtiment. Selon Simon DIARD, « on a toujours ce problème, le ratio de rentabilité, de toute façon c’est toujours comme cela que ça se passe, et malheureusement c’est souvent la technique à l’ancienne qui est privilégiée. ». Pourtant ils semblent y avoir quelques exception, avec des projets largement végétalisés qui voient le jour, comme le Nouvel KLCC, qui repousse les limites de ces façades végétalisées en montant toujours plus haut. Mais d’après Simon DIARD, « là on est dans des budget assez importants et Jean Nouvel, quand il demande 80cm de terre, il les obtient, alors que nous quand on demande 80cm on en a 20… ». Ainsi, aujourd’hui, il y a une réelle recherche d’innovation pour optimiser ces solutions, en réduisant ces contraintes et le besoin d’entretien, mais même là, cela semble simplement déplacer le problème du végétal à la technologie, « il y a des choses super qui existent, mais le problème c’est le coût, […] même si la technologie peut être un peu passive ou relever du bon sens, le problème c’est que la technologie il faut l’entretenir, toujours. » (Entretien avec Simon DIARD). Ainsi, les systèmes de récupération des eaux de pluies, ou les expérimentations pour la récupération des eaux grises semblent constituer des innovations très pertinentes par exemple, mais elles induisent également la mise en place d’un système parfois contraignant et coûteux. Et lorsque l’on dépasse cette barrière économique et qu’on arrive à faire passer tous ces éléments coûteux dans le budget, parce que les maîtres d’ouvrage ont bien voulu se lancer, « ça dure 1 an ou 2 mais après quand on voit les coûts, il y a pas mal de contrats de gestion qui passent à la trappe, et tes systèmes d’eau sont morts, tes systèmes tournent, tes systèmes deviennent pourris, il faut les démonter et ça coûte encore plus d’argent. » (Entretien avec Simon DIARD). Une vraie spirale infernale donc ! 127


« Une fois que le projet s’amorce, tout ce qui est surplus, et le végétal en est, se réduit au fur et à mesure parce que le projet devient difficile à gérer du point de vue financier, donc en général on ne met pas forcément les moyens qu’on avait imaginé au départ », Motamais, architecte, paysagiste et directrice de recherche à l’ENSAPVS 542 Il faut alors trouver des maîtres d’ouvrages qui sont ouverts à la végétation, mais qui font surtout confiance à l’équipe de conception, et qui sont prêt à s’engager et parfois prendre des risques. Or c’est une tâche difficile car les projets exemplaires peuvent se faire rares, et le manque de connaissance sur ces façades végétalisées et leurs atouts peut entraîner un manque de confiance et une méfiance vis-à-vis de ces solutions, car pour les décideurs cela représenterai une grande prise de risques. Selon moi, c’est d’autant plus vrai avec la prise de conscience progressive des enjeux environnementaux par le grand public, qui peut parfois mettre ces solutions « sous les projecteurs », ce qui veut dire qu’un échec du projet pourrait entraîner une mauvaise publicité. Tout dépend donc de la volonté du maître d’ouvrage et de son engagement sur le long terme, à la fois financer, et éthique. Selon Jean François RAVON, il y aura de toute façon bien un moment où les conséquences du changement climatiques vont mettre en lumière les atouts et les « services rendus » par les façades végétalisées, et qui rendront ainsi l’investissement plus évident. Mais comme le rappelle Simon DIARD, « on travaille avec son temps » et c’est surtout « un problème d’évolution des mentalités ». Sauf que d’après lui, c’est un processus « très long et il y a une divergence qui est toujours là, et encore plus depuis le COVID : c’est que les acteurs de la promotion et les pouvoirs […] cherchent de plus en plus à faire de l’économie sur les projets. ». Il reconnaît qu’il y a tout de même un mieux, « notamment de certains pouvoirs publics, mais plutôt côté politiques que décideurs », avec des discours plus engagés, même s’ils sont parfois « très édulcorés et très drôles ». Selon lui il n’y a de toute façon « que comme ça que ça arrivera chez les décideurs et dans la tête de tout le monde, donc il faut bien passer par là. » Cela prend donc du temps, et comme Philippe SAMYN le rappelle, il faut parfois « un temps fou pour transformer une idée en réalité ». Ainsi, pour accélérer ce changement des mentalités, il faut l’accompagner, et proposer des solutions pertinentes et viables sur le papier, mais aussi en situation concrète, et c’est là que repose le rôle du concepteur.

« Un des sens de notre métier c'est de se méfier des contraintes que l'industrie nous impose et d'avoir ce regard un petit peu prospectif en disant : “ bon, on est fous ” » (Entretien avec Philippe SAMYN, architecte, ingénieur et urbaniste belge, le 29 Avril 2022)

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(Citation tirée d’une entrevue avec Mme Elizabeth Motamais, architecte et paysagiste, directrice de recherche à l’ENSAPVS, réalisée dans le cadre du Rapport de licence de Lucile PERRIN, à Ecole nationale supérieure d'architecture de Paris Val de Seine, en 2017, sous le tutorat de Mme Aurore REYNAUD, En ligne : Quel est l'intérêt de la végétalisation dans le projet architectural ? Le cas de la tour M6B2 by Lucile Pe - Issuu) 128


IV.2 Performance et pertinence concrètes des façades actives végétalisées au regard de la crise écologique IV.2.1 Rappel de la problématique Dans quelle mesure les façades actives végétalisées sont-elles pertinentes au regard de la crise écologique actuelle ? IV.2.2 Analyse des hypothèses La présence de végétation en façade impacte le confort des usagers de manière positive. La végétalisation des façades apporte de très nombreux bienfaits, dont certains vont, en effet, impacter le confort des usagers de manière positive. Cette amélioration du confort sera différente d’un système à l’autre et dépendra des choix de conception, mais certaines propriétés bénéfiques des végétaux sont communes à toutes ces façades. En effet, ces systèmes vont d’abord permettre de rafraîchir l’air ambiant à proximité immédiate grâce au phénomène d’évapotranspiration. Ils vont également parfois jouer un rôle dans l’isolation thermique du bâtiment, grâce à la lame d’air déployée entre la couverture végétale et la façade principale dans certains systèmes, mais aussi par la capacité thermique et la résistance thermique du support et du substrat des contenants de la végétation. Enfin, ces systèmes vont créer des masques et vont intercepter le rayonnement solaire, évitant ainsi l’échauffement des surface derrière la couverture végétale, et donc, du bâtiment, sauf en hiver en cas d’utilisation de plantes caduques, où les façades végétalisées vont alors laisser passer ce rayonnement solaire et favoriser les gains de chaleur. De plus, la recherche montre que l’installation d’une façade végétalisée permet une amélioration du confort acoustique avec une réduction des nuisances sonores provenant de l’extérieur. Cependant, pour que cette amélioration soit réellement perceptible, il faut tout de même atteindre une certaine densité et une surface importante de végétation. La végétalisation des façades contribue également à améliorer la qualité de l’air dans, et autour du bâtiment support. Les feuilles des plantes permettent notamment une filtration des particules fines contribuant aux allergies et à l’asthme. En outre, l’amélioration du confort des usagers peut s’étendre à l’échelle d’un quartier, car on sait que la multiplication des espaces végétalisés entraîne une réduction locale de la température ambiante grâce au rafraîchissement passif opéré par ces plantes, notamment grâce à l’ombrage qu’elles apportent et au phénomène d’évapotranspiration. Cette capacité de rafraîchissement permet ainsi d’atténuer l’effet des îlots de chaleur urbains, qui peuvent nuire au confort des usagers du quartier. Enfin, la mise en place de façades végétalisées peut avoir un apport bénéfique moins perceptible sur les performances cognitives, la diminution du stress, les émotions et l’humeur : c’est ce qu’on appelle le phénomène de biophilie. Cependant, il arrive aussi qu’elle entraîne une réduction du confort des usagers. Par exemple, la végétation peut réduire l’apport en lumière naturelle lorsqu’elle obstrue les vitrages. On peut également citer les retours d’expériences négatifs du projet Qiyi City Forest Gardens, situé à Chengdu, où la végétation a entraîné une gêne et une réduction de la qualité de vie avec un développement des plantes incontrôlable et la prolifération des moustiques. Néanmoins, l’impact négatif de ces solutions sur le confort des usagers se fait rare et la plupart des problèmes cités précédemment peuvent être évités avec une conception rigoureuse (éviter les points d’eau stagnante par exemple), et une anticipation de la gestion et de l’entretien (et des frais qu’ils induisent), qui permet de ne pas se laisser surpasser par les plantes. Il est également intéressant de noter qu’aujourd’hui on ne prend pas en compte la végétation dans les calculs de confort des bâtiments, ce qui fait qu’on ne peut jamais réellement anticiper les performances de ces solutions. Or, comme nous avons pu le voir, une meilleure quantification des nombreux bénéfices de ces façades pourrait sûrement être un levier pour les démocratiser. Parmi les solutions de façades actives multi-couches, les double peaux végétalisées contribuent davantage au confort des usager. Que ce soit dans le cadre de mes recherches, où lors de mes entretiens, les retours d'expérience que j’ai pu avoir à propos de l’impact sur le confort des solutions traditionnelles de façades actives multi-couches, et principalement des double peaux, sont assez mitigés ! En effet, la plus courante, la double peau ventilée, entraîne souvent une problématique de confort d’été avec de nombreux cas de surchauffe. Cette typologie 129


engendre parfois l’impossibilité d’utiliser la ventilation naturelle ou même d’ouvrir sur l’extérieur (la cavité d’air). Elle donne également lieu à des réalisations où l’on obtient une performance intermédiaire de confort acoustique et de confort thermique, car on a des contradictions à propos de l’étanchéité nécessaire de la façade selon les cas de figures. Pour ce qui est des double peaux de protection solaire, elles peuvent entraîner une réduction de l’apport en lumière naturelle, et le fait que la protection en place soit souvent fixe (cas d’une résille par exemple), ne permet pas une adaptation de la protection solaire en fonction des situations ou des saisons car on a le même degré d’opacité tout le temps, ce qui réduit notamment le potentiel d’utilisation des gains passifs en période froide. De plus, ces façades ont une incidence importante sur le confort visuel, et notamment les vues, où l’application d’une enveloppe de protection fixes va parfois réduire la lisibilité du paysage. En somme, ces façade double peaux traditionnelles semblent donner lieu à beaucoup de projets où l’on va avoir une sorte de confort intermédiaire. En revanche, les solutions de végétalisation des façades énumèrent de nombreux avantages, que nous avons rappelés dans l’analyse de l’hypothèse précédente, et qui semblent avoir un impact positif sur le confort des usagers, dès lors que la conception a été rigoureuse et que l’entretien des surfaces végétalisées est assuré. En effet, dans ces cas de figure, les retours d’expérience sont assez bons. En ce qui concerne le manque viabilité de certaines façades végétalisées, comme nous l’avons évoqué, aujourd’hui la végétation n’est pas prise en compte dans les calculs qui répondent aux exigences de confort, et les bâtiment sont « faits pour fonctionner sans ». Donc même en cas d’échec de végétalisation, le confort des usagers semble maintenu. Enfin, les nombreux bienfaits des double peaux végétalisées, comparés aux solutions plus traditionnelles, sont d’autant plus valorisables que ces solutions végétalisées vont également avoir un certain potentiel écologique à grande échelle et rendre des services écosystémiques comme : une réduction des effets d’îlots de chaleur urbains, une dépollution atmosphérique, une réduction des risques environnementaux, ou encore le développement de la biodiversité en milieu urbain et le rôle de relais dans les corridors écologiques. Une meilleure connaissance des spécificités des façades actives végétalisées pourra leur permettre de trouver leur place dans le paysage urbain contemporain. Entre un manque d’engagement des concepteurs et des décideurs, des a prioris, des défis d'entretien, une méconnaissances de certaines de leurs caractéristiques et des projets « green-washés » qui ne servent pas leur cause, les façades actives végétalisées sont peu souvent employées dans les projets architecturaux et peinent à trouver leur place dans le paysage urbain contemporain. Aujourd’hui, il est rare de trouver des experts suffisamment sensibilisés à la question de la végétalisation verticale pour réaliser des façades de ce genre assez pertinentes. De plus, les réalisation exemplaires en tous points sur ces sujets, sont peu connues et peu valorisées, parfois noyées dans la masse des projets « green-washés ». Donc il semble bien y avoir quelques lacunes de connaissances, de bases solides, de références. À ce sujet, il faudrait donc sensibiliser aux apports positifs de ces solutions, les quantifier en développant les possibilités d’anticipation des performances, et combler le manque d’informations sur certains enjeux qui leurs sont associés. Tout cela dans le but de conduire à des réalisation qui sont fonctionnelles et qui pourraient être exemplaires. Cependant, comme nous avons pu le voir, le problème n’est pas tant un manque de culture constructive renseignée à ce sujet, car cette culture et la recherche de solutions pertinentes viendra « naturellement » dès lors qu’on donnera assez d’importance à ces solutions. Aujourd’hui, les freins à la démocratisation des façades végétalisées se résument plutôt aux contraintes coûteuses d’entretien et de maintenance de ces façades, mais parfois aussi à la quasi-absence de décideurs ou de concepteurs qui seraient suffisamment engagés pour impulser un changement de mentalité. Parce que la clé semble être ce changement progressif des mentalités, pour prendre conscience des enjeux environnementaux contemporains et de l’urgence d’utiliser tous les moyens nécessaires pour adapter nos villes, pour peu que ces moyens ne constituent pas des aberrations écologiques ou n’aient pas un impact environnemental lourd et irréversible. La potentielle démocratisation des façades végétalisées repose donc surtout sur cette nécessaire évolution des mentalités, en particulier chez les décideurs, qui ne doivent plus se limiter à considérer l’entretien de ces façade comme un simple investissement financier, lourd et évitable, mais qui doivent plutôt considérer ces solutions végétalisées au regard de leurs nombreux bienfaits, à plusieurs échelles, dont on ne peut pas se passer, et qu’il faudra bien « se payer » un jour où l’autre, pour s’adapter aux effets du changement climatique. Et pour ce faire, les concepteurs, et notamment les architectes, ont un rôle à jouer : « si vous êtes sur ces thématiques et que vous êtes « juste » jardinier, on va vous prendre pour un jardinier, alors que si vous prenez cette problématique 130


avec une vision d’architecte et pas juste de paysagiste, vous avez des chances d’être influent sur des projets. » (Entretien avec Bernard PAULE, Directeur associé d’Estia, spécialiste du contrôle et de l'utilisation de la lumière naturelle dans les bâtiments, le 14 Avril 2022) Le climat méditerranéen continental ne réunit pas les conditions optimales pour profiter pleinement du potentiel des double peaux végétalisées. La double peau végétalisée est une forme de façade végétalisée assez intéressante et plutôt prometteuse. En effet, ces double peaux semblent avoir un impact environnemental assez faible, à l’image des autres solutions de végétalisation par plantes grimpantes. De plus, elles développent une certaine épaisseur qui pourra constituer des espace extérieurs appropriables, capables d’accueillir des usages, et en contact direct avec la végétation. Enfin, le potentiel de la double peau végétalisée en tant que protection solaire est équivalent aux solutions industrialisées traditionnelles, avec des « bonus » supplémentaires : un rafraîchissement et une amélioration de la qualité de l’air ambiant, la transformation de l’énergie solaire en chaleur latente (et non pas en chaleur radiante), ou encore l’adaptation spontanée en adéquation avec les besoins selon les saisons, pour les espèces de grimpantes à feuillage caduc. C’est pour toutes ces raisons qu’elles ont pris une grande place dans ma recherche pour réaliser ce mémoire. J’ai donc logiquement cherché à savoir si c’était une solution viable dans notre climat méditerranéen, ici, à Montpellier par exemple. Ainsi, il semblerait que cette solution puisse être viable, à court terme, dans ces conditions climatiques, mais non sans difficultés. Il faudra, pour cela, que sa mise en place fasse l’objet d’une conception rigoureuse car elle devra, évidemment, être adaptée à chaque projet. Il faudra également la protéger des vents caractéristiques de notre climat, qui pourraient nuire à son développement, l’assécher, ou conduire à un arrachement des plantes grimpantes. Enfin, il sera nécessaire de mettre en place des espèces locales robustes, et de ne pas les habituer à l’eau pour qu’elles puissent supporter les stress hydriques en périodes de canicule, quitte à ce que leur développement soit plus lent. Cependant, comme le l’a rappelé Jean François RAVON durant notre entretien, à long terme, le climat méditerranéen risque de ne plus réunir les conditions nécessaires à la viabilité des plantes grimpantes qui pourraient la constituer : « si on se retrouve avec le climat de Marrakech à Montpellier en 2050, je ne suis pas sûr qu’on soit capable de tenir des grimpantes là-bas ». En effet, le climat local va devenir plus chaud et plus sec, ce qui va être assez éprouvant pour ces plantes, à moins qu’il n’y ait la mise en place d’un système d’Oasis. Ainsi, certains climats plus humides mais tout aussi chauds pourraient peutêtre constituer une meilleure option pour profiter pleinement du potentiel des double peaux végétalisées, car « d’une façon générale, les climats humides sont beaucoup plus favorables. Et pas forcément en termes d’arrosage, mais surtout par rapport à l’humidité » selon Gilles CLÉMENT. Comparé au climat méditerranéen, l’installation de telles solutions dans un climat tropical, par exemple, facilitera la croissance et réduira l’entretien nécessaire aux plantes. De plus, à long terme, la solution alors en place aura plus de chance de rester viable, même avec les effets du réchauffement climatique. Les façades actives végétalisées sont des solutions vertueuses et respectueuses de l’environnement. La mise en place de ces façade actives végétalisées semble impacter positivement le confort des usagers et apporter de nombreux bénéfices. Mais cela ne veut pas dire qu’elles sont vertueuses pour autant. Alors ces façades sont-elles réellement des solutions vertueuses et respectueuses de l’environnement ? En réalité, cela dépend de la typologie utilisée, mais aussi des choix et de l’aboutissement du processus de conception. Certes, il existe des projets où l’utilisation de ces solutions semble être associée à une pratique de greenwashing, et la mise en place de façades végétalisées entraîne parfois des dérives, souvent dues à un manque de connaissance de ces solutions, une conception moins adaptée et/ou une gestion mal anticipée de l’entretien, qui entraîne des problèmes à long terme. Ainsi, on se retrouvera avec des façades végétalisées très consommatrices en eau, d’autres qui sont constituées de matériaux avec un impact environnemental important, ou d’autres encore qui entraînent des surconsommations énergétiques. Cependant, nous avons pu voir qu’une conception réfléchie et appuyée sur une véritable connaissance de ces solutions végétalisées permettait d’anticiper et de régler la plupart de ces problèmes en amont afin d’obtenir des façades plus vertueuses. Mais dès lors que ces problèmes situationnels peuvent être corrigés en conception, il faut s’intéresser à l’impact environnemental des systèmes de végétalisation en eux-mêmes. Comme nous avons pu le voir dans la partie IV.1.3, c’est une question complexe qui dépend de différentes variables. En effet,

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l’empreinte écologique de ces solutions sera définie par : l’énergie grise mobilisée dans le support, le choix et la provenance des végétaux, le substrat, la méthode d’irrigation et de fertilisation, la pérennité des composants mis en place, leur recyclabilité, le bilan carbone des plantations, ou encore les services écosystémiques et les autres impacts possibles sur l’environnement. Cet impact environnemental va donc largement dépendre des choix de conception de ces façades. Ainsi, une façade végétalisée par plantes grimpantes directe, avec des espèces végétales locales plantées en pleine terre, une irrigation manuelle adaptée, et l’absence d’utilisation d’engrais, aura un empreinte écologique quasi-nul. Au contraire, pour des murs végétalisés qui auraient fait « tous les mauvais choix », l’impact environnemental ne serait pas négligeable. Pour ce qui est du potentiel écologique, il est généralement très fort ! Et cela semble être une caractéristique commune à toutes les typologies de végétalisation verticale, car ces façades favorisent la biodiversité, réduisent la pollution atmosphérique et les risques environnementaux comme les inondations, et permettent de lutter contre les îlots de chaleur urbains ! En comparant ces solutions entre elles, on peut tout de même voir que les murs végétalisés constituent sûrement la typologie la moins « souhaitable », environnementalement parlant ; encore moins souhaitable d’ailleurs que les double peaux végétalisées, qui, malgré une implication de matière supplémentaire, ne s’en sortent « pas si mal » en termes d’impact environnemental. Pourtant, on voit de plus en plus de ces murs vivants ! En fait, on se rend compte que lorsque l’objectif de la façade végétalisée est avant tout de proposer une esthétique, c’est le choix le plus « judicieux », car il va permettre d’avoir une végétation instantanée, et très maîtrisée, car très contrainte. Mais aujourd’hui, l’objectif esthétique doit passer au second plan (sans pour autant ne pas en avoir), et lorsqu’il s’agit de mettre en place des solutions vertueuses et pertinentes, on réalise que les meilleures chances de succès sont du côté des typologies les plus simples, comme l’utilisation de plantes grimpantes. Selon Philippe SAMYN il s’agit, en quelque sorte, de revenir aux fondamentaux, et de s’inspirer de « la réponse traditionnelle » des Mas Provençaux couverts de vigne par exemple. En tout cas, c’est aussi la diversité des formes de solutions végétalisées qui va permettre de répondre à la diversité des contextes de projet, et on ne peut pas réellement faire de généralités sur la pertinence environnementale de ces solutions. Cependant, ce qui est sûr, c’est que plusieurs apports bénéfiques non négligeables sont commun à toutes ces typologies, c’est le « potentiel écologique » de l’empreinte environnementale, évoqué juste avant. Et chaque solution de végétalisation de façade déployée agira, à son échelle, en ce sens. Or, l’impact potentiel est d’autant plus grand qu’il y a de végétation dans un même secteur, car ces effet vont avoir tendance à se démultiplier entre eux. Ainsi, tout projet de végétalisation est bon à prendre car il va s’inscrire dans une amélioration de l’environnement et de la qualité de vie qui va au-delà du seul bâtiment support, et qui va s’étendre à l’échelle du quartier, ou de la ville. Pour résumer, les façades actives végétalisées sont donc, en elles-mêmes, généralement vertueuses et ont un impact environnemental positif à long terme, à condition, du moins, que les bon choix aient été faits à la conception, qu’elles soient bien pensées, et qu’elles soient adaptées au projet et à son contexte. De plus, l’impact environnemental positif de ces solutions sera d’autant plus grand qu’il fera écho à celui d’autres masses végétales, et idéalement, la multiplication de ces façades actives végétalisées pourrait permettre de créer des îlots de fraîcheur et des corridors écologiques d’importance !

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CONCLUSION Dans un monde où les changements climatiques se font de plus en plus ressentir, il est nécessaire de s’adapter et de mettre en place des stratégies prospectives et contextualisées. Cela doit également s’appliquer aux bâtiments, et nous avons ainsi pu voir que la mise en place de ces stratégies allait notamment se traduire en façade, avec des façades « actives ». Les façades actives sont des façades qui tirent parti de leur environnement particulier, comme le climat ou leur orientation, pour avoir un impact délibéré et conscientisé sur le confort et les performances des bâtiments. L’évolution de ce type de façade a d’abord été un processus lent, ponctué par quelques inventions, mais il s’est grandement accéléré au 20eme siècle, donnant lieu à de multiples typologies distinctes qui ont vu le jour grâce à autant d’innovations. Aujourd’hui il existe donc une grande diversité de façades de ce type, dont les éléments actifs sont des protections solaires, du vitrage, de la végétation, ou encore des dispositifs technologiques singuliers. Elles se matérialisent souvent par une enveloppe dite « simple couche », mais alors que les nouvelles constructions doivent toujours être plus performantes, on observe l’émergence d’une tendance architecturale qui consiste à multiplier les « couches » de façade, qui deviennent alors des façades actives « multi-couches », principalement sous la forme de double peaux ventilées ou de protections solaires. Cependant, malgré des promesses d’amélioration du confort et des performances énergétiques, on se rend compte, en pratique, que la plupart de ces double peaux ont une valeur ajoutée qui se limite souvent à l’esthétique, associée à une mise en place coûteuse et technique. De plus, elles constituent une complexité de conception supplémentaire qui induit une mise en place de matière additionnelle souvent associée à une quantité importante d’énergie grise. Ainsi, avec un impact sur le confort des usagers parfois négatif, cette solution semble aujourd’hui en décalage avec la nécessité d’une certaine sobriété énergétique. La recherche se porte donc sur d’autres possibles solutions, parmi lesquelles on retrouve les façades actives végétalisées ! Ces façades « vertes » se présentent comme une opportunité pour arriver à des façades plus pertinentes, grâce à tous leurs bénéfices, qui se jouent à plusieurs échelles. La végétalisation des façades est d’ailleurs une pratique encouragée par le GIEC pour s’adapter aux changements climatiques, ce qui laisse penser qu’il s’agit d’une solution souhaitable dans un contexte de transition environnementale. Cependant, dans un contexte où les projets accusés de « greenwashing » se multiplient, on peut se demander si ces façades sont réellement vertueuses. On se rend alors compte que la réalité est plus complexe car cela semble d’abord dépendre de la forme qu’elles prennent puisqu’il en existe plusieurs typologies, les principales étant : la végétalisation directe ou indirecte par plantes grimpantes, les systèmes de murs végétalisés, et les double peaux végétalisées. Leur pertinence dépend alors de la typologie choisie, de l’aboutissement de sa conception, et de l’anticipation de son entretien, qui est primordial pour assurer sa viabilité. Certaines façades végétalisées sont très consommatrices en eau ; d’autres nécessitent, pour leur mise en place, l’utilisation de matériaux avec un impact environnemental important ; d’autres encore entraînent des problèmes de consommations énergétiques. Malgré tout, nombres de ces problèmes semblent pouvoir être évités en amont par une conception poussée et appuyée sur une connaissance accrue de ces solutions végétalisées et de leurs enjeux, qui permettent donc d’atteindre des solutions plus vertueuses. Mais malgré des bénéfices communs, toutes ces solutions n’ont pas le même impact environnemental et il est utile de rappeler qu’il est parfois plus durable de miser sur une végétalisation simple, et, comme nous l’avons vu, plus vertueuse. Ainsi, il sera peut-être préférable d’éviter les murs végétalisés qui ont un impact environnemental plus conséquent. En effet, ils sont à l’origine d’une grande consommation d’eau et sont très dépendants de la technologie et de l’entretien. De plus, il s’agit de systèmes complexes avec un assemblage de divers matériaux plus ou 133


moins éco-responsables. On disposera alors plutôt des plantes grimpantes, qui restent la solution de végétalisation la plus vertueuse, avec moins de besoin en eau et en entretien, la possibilité de « grimper » sans structure ou avec une structure d’une énergie grise réduite, et même une durée de vie 5 à 10 fois supérieure allant jusqu’à 100 ans ! En ce qui concerne les double peaux végétalisées, qui peuvent se rapprocher d’une forme de végétalisation par plantes grimpantes indirecte (c’est-àdire se développant sur un support séparé du mur), dont la cavité d’air prend une certaine épaisseur. On peut voir cette typologie comme une forme de réinterprétation de la façade végétalisée par plante grimpante classique, « mieux adaptée » à l’architecture contemporaine. Cependant, même si elle a moins d’impact environnemental qu’un mur végétalisé, et qu’elle a plus de sens et de pertinence que les solutions plus classiques de double peaux, elle a aussi ses limites, et ce n’est pas forcément la forme de végétalisation des façades la plus efficace dans une optique de performance environnementale et de confort des usagers sur le long terme. Il s’agit donc d’une solution intéressante mais qu’il faut requestionner, tout comme les autres typologies de façades végétalisées, dans le but d’en imaginer de nouvelles, qui vont élargir les horizons et les applications de cette végétalisation verticale. Or, pour arriver à faire évoluer toutes ces typologies de façades végétalisées vers des solutions toujours plus vertueuses et pertinentes, il faut faire émerger une culture constructive de la végétalisation verticale, pour qu’elle s’affine et qu’elle s’étoffe de projets exemplaires. Mais pour y arriver, le changement des mentalités nécessaire est lent et progressif. Selon moi, il faut donc stimuler cette évolution des mentalités, et il en va de notre responsabilité en tant que concepteurs ! Alors, bien sûr, malgré ses très nombreux bienfaits, il ne faut pas généraliser et considérer la façade active végétalisée comme la « solution suprême », car la végétalisation d’un projet n’est pas systématiquement justifiée, ni réalisable d’ailleurs, par manque de place par exemple. De plus, tout projet doit toujours s’adapter à son contexte social, urbain, climatique, etc. pour ne pas apporter plus de problème qu’il n’en résout. Cependant, chaque projet qui va mettre en place ces solutions vertueuses de façade, et qui va bien le faire, va ainsi représenter « un arbre de plus » et une présence végétale supplémentaire qui apportera « sa pierre à l’édifice » dans l’adaptation de nos villes à la crise environnementale. Ainsi, à l’avenir, il faut espérer que l’évolution des mentalités s’accélère pour arriver à démocratiser les projets de façades végétalisées et qu’il y ait également des politique concrètes de verdissement vertical (ou non) de la ville à grande échelle, car c’est seulement une fois arrivé à cela, que les apports bénéfiques de ces façades pourront être démultipliés par effet de masse et devenir tangibles pour le plus grand nombre, que ce soit en termes de réduction des ilots de chaleur urbains, de services écosystémiques ou de biodiversité. Il serait dès lors intéressant de se pencher sur la compatibilité de ces solutions avec une application sur de l’existant, car les centres urbains représentent des environnements définis, presque figés, où peu de nouveau bâtiments vont voir le jour et où le potentiel se trouve ainsi au niveau des édifices et infrastructures existantes. La façade double peau végétalisée est donc peut-être une piste de recherche, de par sa prédisposition à la réhabilitation et aux formes architecturales contemporaines, où les espaces extérieurs occupent davantage d’espace, mais cela reste à voir.

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Druot, Lacaton & Vassal, Transformation de la Tour Bois le Prêtre - Paris 17 - Druot, Lacaton & Vassal, 2011, Paris, France. Lien : http://www.lacatonvassal.com/?idp=56# Maison Edouard François, Tour de la Biodiversité - M6B2, 2016, Paris, France. Lien : https://www.edouardfrancois.com/projects/tour-de-la-biodiversite Maison Edouard François, Tower Flower, 2004, Paris, France. Lien : https://www.edouardfrancois.com/projects/tower-flower RMA Architects, KMC Corporate office, 2012, Hyderabad, Inde. Lien : http://rmaarchitects.com/architecture/kmc-corporate-office/ Samyn & Partners, 225 – Brussimmo, 1993, Bruxelles, Belgique. Lien : https://samynandpartners.com/fr/portfolio/brussimmo/ Samyn & Partners, 577 – Siège social d’AGC Glass Europe, 2014, Louvain-la-Neuve, Belgique. Lien : https://samynandpartners.com/fr/portfolio/head-office-of-agc-glass-europe-5/ Sauerbruch Hutton Architects, GSW Headquarters, 1999, Berlin, Allemagne. Lien : https://www.sauerbruchhutton.de/de/project/gsw Stefano Boeri Architetti, Bosco Verticale, 2014, Milan, Italie. Lien : https://www.stefanoboeriarchitetti.net/project/bosco-verticale/ Valode & Pistre, Prado Concorde, 2019, Castelnau-le-Lez, France. Lien : http://www.vp.com/fr/projects/prado-concorde VTN Architects, Stacking Green, 2011, Ho Chi Minh City, Vietnam. Lien : https://vtnarchitects.net/stacking-green-pe208.html WOHA, Oasia Hotel Downtown, 2016, Singapour. Lien : https://woha.net/project/oasia-hoteldowntown/ Yves PERRET, Aline DUVERGER, Maison de l'Habitat et du Cadre de Vie (MHCV), 2005, ClermontFerrand, France. Lien : http://perret.desages.free.fr/fmhcv.html

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ANNEXES

A - Résumé des réponses obtenues au questionnaire (en date du 25/10/2022) : Partie 1 - Les Façades double peau

Pourquoi ? • •

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« Autant en réhabilitation qu'en neuf avec toutefois des spécificités de mise en œuvre et des prérequis différents (isolation existante/type de façade en réhab'). Les conditions de l'existant et de l'apport d'une seconde peau doit subir une analyse fine pour créer les bonnes conditions de mise en œuvre d'une seconde peau. » « Les systèmes de façade double peau permettent aujourd'hui de réaliser des façades très performantes d'un point de vue thermique et acoustique, tout en utilisant une épaisseur réduite (par exemple : CCF ou double peau mince respirante). Cela peut donc être avantageux soit en neuf, soit on en réhabilitation (surface disponible limitée). » « C'est une solution parmi d'autre de protection des façades » « De manière différente entre le neuf et la rénovation, avec des services rendus différents » « Intéressant si amélioration de la performance du bâtiment » « Peut permettre d'obtenir une bonne performance thermique sur des projets dont la façade est protégée au titre des monuments historiques, par exemple » « Approche générale de contrôle des ambiances valable dans les deux registres » « Le problème en réhabilitation, c'est que c'est cher... » « Parce qu'en thermique d'hiver, pour qu'elle soit efficace, il faut qu'elle soit fermée et étanche, et sur une façade ensoleillée (sud), de même pour qu'elle joue un rôle acoustique. Mais pour éviter les surchauffes d'été, il faut qu'elle soit largement ouverte et ventilée (elle n'apporte alors plus rien en acoustique) et c'est difficile et

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• • • • •

cher techniquement de faire les 2. Donc bien souvent on arrive à un entredeux, intéressant ni en hiver ni en été ni en acoustique. » « Plutôt plus de budget en neuf » « En réhabilitation cela dépend de du travail à faire en façade et de la place disponible (épaisseur) » « En réhabilitation la double-peau peut permettre de s'affranchir des contraintes formelles et structurelles de l'existant. En neuf, elle présente différents avantages également. » « La double peau réduit les apports lumineux et implique la mise en œuvre de matière supplémentaire (souvent une structure métallique à fort contenu en énergie grise). » « Parce que selon le site il sera plus ou moins opportun et faisable d'utiliser une double peau qui peut avoir des objectifs de confort (thermique - été et hiver - , acoustique, olfactif), d'amélioration technique etc... »

NON - Je n'ai jamais participé à la mise en place d'une façade double peau.

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OUI - J'ai déjà participé à la mise en place d'une façade double peau.

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Partie 2 - Les façades double peau végétalisées

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Pouvez-vous en citer un ou plusieurs ? • • • • • •

« Tour M6b2, jardin Biopark, Nice LE RAY, etc. » « C'est un bâtiment sur le plateau de Saclay, devant lequel je passe de temps en temps, mais la végétation est un peu malingre. » « BE à Lyon » « Mur végétal du quai branly - Mur végétal de l'école d'archi (2010-2015 env.) » « Ilet du centre / lianes + pare soleil à lames bois » « Bâtiment de l'Ineed à la Gare de Valence TGV » « Immeuble Villa M à Pasteur (Paris) par l'agence Tryptique Architecture / Immeuble Tours Duo et One Central Park (à Sidney) de Jean Nouvel / Stefano BOERI Architetti »

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B - Grille d'entretien concepteurs - double peaux Déroulement d'entretien

Enregistrement ? Tout d'abord, merci beaucoup d'avoir accepté de réaliser cet entretien. Est-ce que vous ne voyez pas d'inconvénients à être enregistré pour que je puisse retranscrire notre entretien correctement ? Ma présentation Même si vous avez déjà dû le voir sur le questionnaire, je vais me présenter rapidement : Je m'appelle Max COLIN, je suis en Master 1 à l'École Nationale Supérieure d'Architecture de Montpellier, l'ENSAM, et, pour mon mémoire, j'ai décidé d'aborder le sujet des double peaux, car elles constituent, selon moi, un outil architectural pertinent pour les qualités de confort et d'esthétique qu'elles peuvent apporter à un bâtiment. Mon mémoire s'oriente d'ailleurs petit à petit sur un type de double peau en particulier : les double peaux végétalisées. Présentation de l'interlocuteur Est-ce que vous pouvez d'abord vous présenter en quelques mots ? Donc nom, prénom, et profession ? Question d'introduction Avant toute chose, je risque de vous poser quelques questions assez similaires au questionnaire durant notre discussion pour vous donner l'occasion de développer votre réponse sur certains points. Pour commencer, quelle a été votre première approche de la double peau ? Un projet ? Une recherche ? Un article ? Autre chose ? Questions particulières : • A ADAPTER EN FONCTION DES INTERLOCUTEURS Entretien (cf. Grilles d'entretien aux pages suivantes) Dernières questions : • Seriez-vous disposé à partager des documents de conception des architectes ou des études techniques de projet de façades double peaux provenant de bureaux d'études thermique, environnement ou façades ? • Est-ce que vous avez des idées d'architectes, d'ingénieurs ou autres, qui sont familiers avec ce type de façade, et que je pourrais contacter, ne serait-ce que pour répondre à mon questionnaire ? • Est-ce que vous auriez des références bibliographiques ou des projets qui pourraient m'aider pour mon travail de mémoire ? • Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter ? Remerciements Merci beaucoup pour le temps que vous m'avez accordé. Cela va m'aider à avancer et donner une direction intéressante à mon travail.

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Thème Confort Thermique, Lumineux, Acoustique

Questions – les double peaux (en général) Quel est l'impact sur le confort du point de vue de l'utilisateur ? Y-a-t-il un impact plus significatif que les autres ? Quels paramètres, si mal étudiés en conception, peuvent au contraire nuire au confort des usagers ? Quelles qualités peut-on donner à cet entre-deux ?

L'épaisseur de la double peau Cette épaisseur de façade entraîne inévitablement un sacrifice de surface utile, qu'en pense la maîtrise d'ouvrage ? Quelle place pour ce type de façade dans le contexte de la transition énergétique ? Les doubles peaux constituent-elles une réponse pertinente Place dans la crise environne- pour adapter et revaloriser le parc immobilier existant face à la mentale crise écologique ? Quels sont, selon vous, les champs de recherche à privilégier pour tendre vers des solutions de double peau plus pertinentes à l'avenir ? Le choix de la double peau dans la conception

Les double peaux sont-elles pertinentes pour la construction neuve ? Ou des solutions moins techniques mais aussi performantes sont-elles à privilégier ? La réglementation et les contraintes techniques sont-elles un frein au choix de ces doubles peaux ? Quel sont, selon vous, les plus gros freins au développement et à la démocratisation de ce type de façade ?

Ces freins sont-ils justifiés ? Ou relèvent-t-ils d'une méconnaisCe qui bloque leur développesance ou d'aprioris sur ce type de solution ? ment ? Pensez-vous que, généralement parlant, même à long terme après bilan énergétique, les double-peaux coûtent plus cher que les solutions de façades plus classiques ?

Quel était l'élément actif de cette double peau ? Quelle épaisseur y a-t-il entre cette seconde peau et la façade à laquelle elle s'est superposée ? Quelle est la vocation de cette épaisseur ?

Un projet de double peau auConsidérez-vous que cette double peau un détail du projet ? Ou quel vous avez participé au contraire un élément indissociable de ce dernier ? Un autre type de double peau a-t-il été envisagé ? Quels éléments techniques ont validé - ou au contraire invalidé – le choix de cette double-peau ? Pourrais-je y avoir accès ?

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Thème Confort Thermique, Lumineux, Acoustique

Questions – les doubles peaux végétalisées Quel est l'impact le plus significatif de la double peau végétalisée sur le confort du point de vue de l'utilisateur ? Quels paramètres, si mal étudiés en conception, peuvent au contraire nuire au confort des usagers ? Les double peaux végétalisées sont-elles des solutions pertinentes dans le contexte de la transition énergétique ? Ou participent-elles au Greenwashing ?

Pensez-vous que dans le contexte de transition environnementale, ces façades devraient être mises en place à plus grande Place dans la crise environne- échelle et accompagner une politique urbaine de verdissement ? mentale La double peau végétalisée constitue-elle une opportunité dans la conception de façades actives moins impactantes pour l'environnement ? (Énergie grise et autre ?) Ces façades ont-elles réellement un impact positif sur la biodiversité ? Quels sont les critères essentiels à considérer pour évaluer la pertinence d'une double peau végétalisée dans le processus de conception ? Peut-on anticiper les performances d'une telle solution pour faLe choix de la double peau vé- voriser ses effets bénéfiques à plusieurs échelles ? (Modélisation possible ?) gétalisée Selon vous, pourquoi d'autres solutions de double peau sont parfois préférées à celle-ci ? Faut-il encourager la mise en place de double peaux végétalisées dans un climat méditerranéen ? Quel sont, selon vous, les plus gros freins au développement de ce type de façade ? Ces freins sont-ils justifiés ? Ou relèvent-t-ils d'une méconnaissance ou d'aprioris sur ce type de solution ? Ce qui bloque leur développe- Parmi les solutions de double peau, celle-ci revient-elle plus ment ? cher ? L'investissement que nécessite leur entretien est-il un argument pertinent pour leur exclusion ? La mise de ce type de double peau entraîne-t-il forcément une consommation d'eau trop importante ?

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C - Liste des entretiens réalisés : Les personnes interrogées sont présentées comme suit : Prénom NOM | Profession | Informations complémentaires | Durée de l'entretien | Date de l'entretien.

Dans l'ordre chronologique :

- Robert CELAIRE | Ingénieur conseil en performance énergétique et prestations environnementales | Ancien enseignant à l'ENSAM, il a également contribué à la fondation d'associations comme Envirobat, la Compagnie des NégaWatts et Bâtiments Durables Méditerranéens (BDM) | 50mn | 12 Avril 2022 (p.154) - Sébastien RANDLE | Ingénieur | Chef de projets chez Étamine, un bureau d'étude de qualité environnementale et de performance énergétique des bâtiments | 32mn | 13 Avril 2022 (p.163) - Bernard PAULE | Architecte | Directeur associé et membre fondateur d’Estia, spécialiste du contrôle et l'utilisation de la lumière naturelle dans les bâtiments et auteur d'un article sur les façades à plusieurs couches. | 1h 06mn | 14 Avril 2022 (p.169) - Ian McCALL | Ingénieur Construction Durable chez Losinger Marazzi (Suisse) | Possède une formation de thermicien et a travaillé sur des projets de double peaux ventilées | 57mn | 14 Avril 2022 (p.174) - Vinicius RADUCANU | Architecte | Enseignant à l'ENSAM et co-fondateur de l'Atelier Méditerranéen – concepteurs associés, un groupement de concepteurs en maîtrise d’œuvre spécialisés en bâtiments à forte performance énergétique et BDM | 35mn | 21 Avril 2022 (p.180) - Philippe SAMYN | Architecte, ingénieur et urbaniste belge | Concepteur du bâtiment Bâtiment Europa (siège du conseil de l'Union européenne à Bruxelles), il a beaucoup travaillé sur les double peaux ventilées | 1h 04mn | 29 Avril 2022 (p.184) - Gilles CLÉMENT | Paysagiste, Botaniste, Biologiste et écrivain (entre autres) | auteur de plusieurs concepts comme le « jardin en mouvement », le « jardin planétaire » ou encore le « Tiers paysage » | 34mn | 2 Mai 2022 (p.192) - Nicolas PAULI | Docteur en Mécanique et Génie Civil | Spécialiste des membranes textiles architecturales, il est aussi enseignant de structure à l'ENSAM | 54mn | 9 Mai 2022 (p.197) - Jean François RAVON | Architecte et paysagiste | A enseigné à l'École Nationale Supérieur de Paysage de Versailles (ENSP), à l'ENSA-Marseille, et enseigne à l'ENSAM depuis cette année | 1h 02mn | 18 Mai 2022 (p.204) - Florent CAPPOEN | Ingénieur et architecte | Travaille depuis 12 ans chez Arcora où il est aujourd'hui directeur de projets (nombreux projets de double peaux) | 1h 06mn | 19 Mai 2022 (p.211) - Simon DIARD | Paysagiste | Travaille chez PUNK Agency où il est consulté pour les question de végétalisation des projets | 56mn | 31 Mai 2022 (p.212)

Échanges brefs / correspondance :

- Yves PERRET | Architecte | Il a une grande carrière assez atypique et il a dernièrement réalisé une double peau végétalisée pour le projet de la Maison de l'Habitat et du Cadre de Vie à Clermont-Ferrand | Discussion à l'ENSAM à l'occasion d'une conférence. (p.161)

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- Raphaël MÉNARD | Ingénieur et architecte | Aujourd'hui Président du directoire d'AREP, il a notamment fondé Elioth réunissant une équipe de concepteurs spécialisée dans l’innovation bas-carbone | Échange par mail. - Benoit STEHELIN | Architecte | Responsable de studio à la direction de l'architecture d'AREP, il a également travaillé chez RFR et chez T/E/S/S | Échange par mail.

Personnes ou agences à contacter en priorité si je devais continuer les entretiens : • • • • • • • • •

Michel RYNEAUD – Architecte Paysagiste Botaniste ayant travaillé sur une double peau végétalisée Patrick BLANC, botaniste qui travaille énormément avec des architectes pour des projets avec de la végétalisation verticale (murs vivants, double peaux végétalisées, etc.) Atelier Jean NOUVEL, qui ont fait quelques projets de double peaux végétalisées Lacaton & Vassal qui ont fait beaucoup de projets de double peaux Valode et Pistre, pour le Centre de biotechnologie Biopark Lacoudre Architectures pour l'École National Supérieure de Techniques Avancées Duncan Lewis pour les projets Silva, Écopole Périgord - Aquitaine et EKKO BAU Architecture pour le projet Full Energy La Maison Edouard François pour la Tour de la biodiversité (M6B2) et Le Ray (Nice)

D – Retranscription des entretiens : Les retranscriptions sont disponibles aux pages suivantes, dans leur ordre chronologique.

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Retranscription de l'entretien avec Robert CELAIRE Datant du 12 Avril à 16h30 (durée : 52mn) Est-ce que tu peux me rappeler ce que c'est qu’une double peau ? est-ce que tu as davantage ? Je me demande si tu avais complètement zoomé ou pas sur certaines typologies ? Alors justement, en termes de double peau vers laquelle s'oriente plutôt mon mémoire, ce serait tout ce qui est double peau végétalisée. Parce que, en fait, il se trouve que les façades végétalisées, c'est quelque chose qui m'intéressait aussi comme sujet de mémoire et en fait comme j'ai commencé à aller dans les doubles peaux et que finalement c'était une typologie qui qui existait aussi, mais qui avait l'air plus rare, même si en fait, au final, de toute façon la typologie vraiment utilisée, c'est tout ce qui est double peau ventilée. Est-ce que c'est ton sujet très zoomé double peau végétalisée mais quand même tu as une première partie où tu parles un peu de double peau pour situer le contexte. Moi, c'est un sujet qui me paraît très intéressant, très pertinent, etc. J'avais un sujet de mémoire qui se rapprochait un peu de ça, que je peux t'envoyer d'ailleurs. Fait il y a longtemps par une certaine Morgane de Comenc. Qui, elle avait zoomé, dans le cadre d’un Erasmus en Argentine, sur tous ces pignons de bâtiments aveugles ; qu’est-ce qu'on pouvait en faire en termes d'usage ? Alors ça allait de l'usage artistique, mur peint, jusqu'à un usage de protection solaire ou de végétalisation. Elle était même allée jusqu'à une idée de végétaliser avec des plantes grimpantes mais, par exemple, des kiwis, des fruits, des façades énergétiques aussi. C'était c'est valorisation du pignon. Et donc du coup, tes doubles peaux, même si on zoome sur le végétal, elles peuvent avoir d'autres caractéristiques. Dans Montpellier, il y a Emmanuel BAU, qui a fait une double peau photovoltaïque. C’est un bâtiment qu'on voit, quand on rentre sur l’autoroute pour venir ici, bon, c'est intéressant, c'est un maximum intéressant. Il y a des endroits où moi je me souviens en Suisse, des doubles peaux acoustiques. Après, tu as classiquement celles qui ont des fonctionnalités thermiques, brise soleil, ventilées, etc., ça peut tracer la direction. Et après, c'est comment tu tournes la question ? En fait, actuellement dans mon mémoire, je commence à parler de façade active avant de parler de double peau. Du coup, j'ai essayé de définir « façades active ». En fait, je détaille les façades actives par typologie d'éléments actifs … Et 2 choses, est-ce qu'on est sur une typologie d'usage de documents, c'est à dire résidentiel, tertiaire, etc ? Je n’ai pas encore défini de typologie d'usage de bâtiments. Mais c'est intéressant de se poser la question, quitte à ce qu’on n’y réponde pas, quitte à ce qu'on dise, on est dans le logement. Et dans le logement ce n’est pas pareil parce que tu vas avoir des terrasses, etc, mais c'est intéressant. Est-ce qu’on embrasse large ou pas ? 1- Est-ce qu'on est sur une logique de bâtiments neufs ou de belles réhabilitations ? Pareil, en fait vraiment, en ce moment, je suis dans ces phases d'interrogation et de définition du corpus… C'est bien. L'important, ce n’est pas de répondre mais c'est déjà de se poser la question. Donc je trouve que c'est intéressant si tu as déjà trempé dedans. Ensuite, il y a la question de la zone géographique. Ouais, le climat, ça par contre, je me suis dit que j'allais essayer vraiment de m'orienter sur tout ce qui est climat méditerranéen. Et après, je l'espère, je ne sais pas pourquoi tu as choisi ce thème et comment ça s'est passé ? Oui, mais estce que tu es dans une logique écologique ? Autrement dit, on essaie de faire du développement et j’imagine que si tu as pris du végétal, il y a des raisons. Qui a plein de fonctionnalités qui sont en phase avec l'urgence du siècle : climatique, disparition de la biodiversité, etc. C’est pas que je veuille te faire venir sur mon camp et mais voilà, il faut défendre le réchauffement climatique et là, avant toute chose, il faut que tu saches que c'est un dispositif de rafraichissement extrêmement intéressant. Donc voilà, je pose un peu les questions et tu réponds ou tu lui dis qu'il y a encore des questions. Est-ce que tu vas jusqu'à la quantification ? Je ne pense pas aller jusqu'à la quantification, en tout cas pas par l'expérimentation. Alors il peut y avoir la pré-qualification, c'est à dire, il peut y avoir « la littérature me dit que dans tel climat, une double peau végétale avec du ? végétalisé, des câbles, etc. Je fais ça. C'est un sujet passionnant … Est-ce que tu abordes de front les problématiques réglementaires ? Les problématiques sécuritaires ? ça peut être ne pas passer à travers la double peau végétale quand on est au 5e étage. Ça peut être aussi que quand tu fais une double peau végétale, c'est vachement bien de grimper

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pour aller piquer. Je dis ça parce que moi je suis dans le réel. Donc, à mon avis, tout ça, il faut être capable d'y répondre. Mais, ce n’est pas compliqué le règlementaire. Il y a une chose un peu plus difficile parce qu'elles sont aux bornes du syndrome psychologique. Et justement là en fait, en ce moment, j'essaye déjà de de m'intéresser à tout ce qui est conception pour orienter un peu mon mémoire en me disant : est-ce qu’il y a un moment dans la conception ou les doubles peaux sont écartées pour tel ou tel à priori ou pas à priori, à voir, à explorer ? Et après, au-delà de ça, je m'interroge justement sur la pertinence de ces doubles peaux là dans le contexte justement de crise écologique actuelle et pour vraiment définir bien mon corpus, je m'interrogeais principalement sur la question de ces doubles peaux végétalisées. Mais là, en ce moment, du coup, je commence des entretiens pour essayer de donner une direction un peu pertinente à mon mémoire sur potentiellement des interrogations ou des choses qui ne sont pas vraiment explorées sur ces doubles peaux là et qui pourraient me permettre d'évaluer ou non leur pertinence pour l'instant dans le contexte du climat méditerranéen. Et comme j'ai du mal, en tout cas, pour les doubles peaux végétalisées, à trouver vraiment des références. Dans ce contexte-là, je ne me suis pas encore défini de catégorie de bâtiments sur lesquels m'arrêter par peur de ne pas avoir assez de cas concrets en fait. Et après, pour le neuf où la réhabilitation, ça c'est pareil. C'est une interrogation que je me pose. Je ne sais pas si je traite la question avec la direction : est-ce que c'est une solution pertinente, par exemple, pour réhabiliter le parc de logements existant ? Où est-ce que j'étudie ça sous l'angle : est-ce que ça peut être une solution intéressante à mettre en place dans la conception aujourd'hui pour des bâtiments neufs ? J'ai trop de questions en fait dans ma tête … Non mais alors ça, ça va se décanter en parti tous seul. Là où tu sais que tu ne te trompes pas : c'est trouver des cas d'exemple, c’est-à-dire, interroger, lire, te documenter sur où est-ce qu'il existe des doubles peaux végétalisées ? Tu vas en trouver plus en Allemagne que à Marseille mais, quand même, c’est en Allemagne que c’est intéressant. Ensuite, la question c'est un peu aussi la définition, est-que c'est une double peau végétalisée ? Est-ce que c’est une double peau qui globalement part d’en bas : on a une structure qui prend du végétal et qui monte par un dispositif ? Déjà, est-ce que c'est une double peau végétalisée sur des murs pignons ou sur des façades ? Est-ce qu’on qualifie là-dedans des doubles peaux végétalisées qui seraient gérées étage par étage ? Imagine qu'un bailleur social, au niveau de chaque bout de balcon met une jardinière. On peut même imaginer qu’il fournisse les graines et que, dans le cahier des charges, on est obligé de faire pousser du .... Un seul truc, ça vaut quand même pour le végétal, on le sait, c'est la protection acoustique ; ça fait de la protection dite psychoacoustique, c'est à dire ça c'est intéressant. Il y a des voitures qui passent en bas, il y a du bruit, j'ai du végétal, le végétal y fait 0,05 dB de protection. Moi, j'ai vu que ça pouvait monter jusqu'à 5 5 oui, mais il faut une grande épaisseur, etc, une forte densité. A priori, si c'est *inaudible*, tu ne vas pas faire pousser du lierre. Sauf que, je ne vois pas une voiture qui fait du bruit, donc je l’entends moins, c'est ça, c'est intéressant. Guy Jourdan qui est expert en psychoacoustique ou notre ancien étudiant de l’école qui s’appelle *inaudible* qui est acousticien-architecte, qui est au top. Je bosse avec lui en dehors de l'école et il est sympa comme tout. Mais, on peut très bien imaginer que cette double peau végétale, elle part à chaque niveau et chaque habitant, chaque locataire s'approprie le truc et à la fin, c'est un truc qui est sympa. Ce qui va tomber derrière, évidemment, y compris en termes de de cohérence écologique, c'est la consommation d'eau, c'est le type de végétaux, c’est-à-dire, dans un climat méditerranéen, on aura envie d'avoir des végétaux qui sont hyper coriaces ; si c'est pour leur mettre 50 l d'eau par jour et par pied, etc. C'est des choses à prendre en considération. Moi, je te suggérerais… Alors qui tu as interviewé comme paysagiste ? Alors là, pour l'instant, vous êtes la première personne que j'ai interviewée. Bon, d’accord. Moi, je ne suis pas paysagiste, je suis généraliste donc je m'intéresse à tout. Et donc il y a un excellent paysagiste à l'école qui s'appelle Jean-François. Il est top ! Il y a une autre paysagiste qui est une amie, qui est basée à Marseille, donc je te donne les coordonnés. Il faudra l’interviewer. Elle va commencer par te dire : mettons des arbres, du végétal dans la rue. Elle est un peu contre, tu sais, le bosquet vertical mais, je ne pense pas qu'elle soit contre une double peau bien faite, bien sobre, bien juste, etc. Donc elle est très forte. Ce qu’elle te dirait, à juste titre, par exemple, à priori sur la double peau on va mettre du végétal grimpant. Et, le végétal grimpant, il a horreur du vent. Donc ça veut dire aussi que si tu mets la double peau végétale dans un climat méditerranéen où il y a beaucoup de Mistral et de Tramontane, on va la retrouver plutôt au Sud et à l'Est, qu’au Nord, donc adaptation climatique, … et à mon avis, j’en rajoute une couche, il va falloir que tu rentres dans quels végétaux ? Alors je pensais plutôt plantes grimpantes pour ce qui est des doubles peaux végétalisées. 155


Après du coup, en fait, comme je l'ai dit pour mon mémoire, là j'ai commencé par parler des façades actives : la façade active, je l'ai définie comme une façade qui tire parti de son environnement particulier donc climat, orientation, pour avoir un impact qui se veut positif et délibéré, et conscientisé, souvent étudié au préalable sur le confort thermique, acoustique et/ou visuel de ces usagers. On parle de façades qui entourent le bâtiment et qui se développent depuis le sol, même si on désigne souvent la 5ème façade des bâtiments, je ne parlerai pas des toitures. Et après, ça se fait par diverses stratégies, je liste etc. Et après, j'explique le fait que toutes les façades ont forcément un rôle à jouer dans le confort d'un bâtiment mais, donc que ce soit par leurs caractéristiques d'isolation ou leur opacité etc, mais pour moi, le terme actif, ça désigne un caractère évolutif et adaptatif qui rentre en interaction avec le contexte environnemental en perpétuel changement (course du soleil, météo, saison) et c'est pour moi ce qui distingue ces façades des autres façades. Et après justement, pour moi, le cas des doubles peaux, c'est vraiment un cas structurel particulier de ces façades actives là. Et dans mes mémoires, donc je parle un peu de l'historique avec ce qu'on peut considérer plus ou moins comme les premières façades actives, c'est peut-être l'apparition des volets, puisque c'est un dispositif qui permet vraiment de s'adapter en fonction de son environnement. Après je parle de la disposition d'espaces tampons qui a été plus ou moins intuitive et ensuite j'arrive sur des solutions un peu plus techniques, avec les premières plus ou moins formes de doubles peaux, qui sont des doubles peaux ventilées, qui apparaissent tout début du 20ème s. Je parle aussi rapidement des concepts de Le Corbusier sur le mur neutralisant et la respiration exacte. Et après, un peu plus des formes contemporaines. OK, tu mets quoi ? Pour les formes contemporaines, pour l'instant, j'ai mis qu'un exemple, c'était la façade de l'Institut du monde arabe de Jean Nouvel, qui ne marchait pas à l'origine mais qui a été rénovée il n’y a pas si longtemps et qui normalement fonctionne aujourd'hui. Après du coup, je classe les façades actives par typologie d'éléments actifs. Et tu exclus les façades actives habitées, c'est à dire globalement Lacaton Vassal, c'est à dire les jardins d’hiver ? Non, non, … Tu les mets ailleurs, ok ? Oui, en fait, justement dans les typologies d'éléments actifs. Donc pour l'instant, j'ai la protection solaire avec en sous-partie soit brise-soleil, soit casquette, soit résille métallique. Le vitrage avec les zones tampons, les ventilations par tirage thermique donc jardin d'hiver, mur capteur et mur ? trombes - véranda. OK. Et ensuite la végétation, les dispositifs technologiques singuliers, comme c'est le cas pour la façade de l'Institut du monde arabe. Et j'envisageais peut-être même de mettre une petite partie sur tout ce qui est réemploi parce qu’il n’y a pas longtemps, j’ai vu le projet du Siège du Conseil Européen à Bruxelles par Philippe Samyn. Je ne sais pas si ça vous dit quelque chose ? Je connais très bien, Philippe. Justement, sur cette sur cette façade, il fait une double peau. Il est venu à l’école il y a 3 ans. Ah oui, mais je n'avais même pas remarqué. Peut-être, peut-être y a 5 ans, je ne sais plus. Ça peut être intéressant, si je peux le contacter parce que j'ai vu justement sur ce bâtiment-là, il a fait du réemploi de châssis pour faire une façade double peau. Et on va le faire revenir à l'école. Oui, tout à fait. Je vois son bâtiment, il est emblématique. Il a réemployé des menuiseries de folie. Il y a une espèce d'harmonie dans la disparité. Et du coup, je me suis dit que ça peut même être justement une catégorie d'éléments actifs, les éléments de réemploi, c'est quelque chose un peu à part, mais que ça pouvait rentrer. Après, du coup, je fais un point sur les façades double peau en expliquant que c'est un cas particulier, structurel, avec un zoom un peu sur les doubles peaux ventilées puisqu'au début de mon travail de mémoire, je me concentrais principalement sur ces doubles peaux ventilées. Et ensuite, je rentre dans une 2ème partie où je parle des façades végétalisées donc où dans ces façades actives l'élément actif, c'est la végétation. Donc là je parle des vertical Gardens, avec, soit des façades de plantes grimpantes, soit des murs vivants ou des façades avec des plantes en culture hydroponique. Du coup, les avantages, l'impact sur le confort, le phénomène de biophilie aussi. J'essaie d'interroger un peu si ça fait déjà parti plus ou moins du greenwashing et je pensais 156


dans une 3ème partie vraiment me concentrer sur ces façades double peau végétalisées. Ah oui, c'est vrai. Méfie-toi. Ce qui va t’amener à dire que c'est du greenwashing, à mon avis, c'est ce que ça va rapporter par rapport à ce que ça coûte. Et donc ça, par exemple, que je vois de mon amie Fanny, que j'aime beaucoup, qui est paysagiste experte, est contre le *inaudible* vertical etc, peut être qu’elle trouvera qu’une double peau végétale simple, qu'on n’arrose pas beaucoup etc, ça c'est assez frugal. Mais s'il doit commencer à mettre des arbres sur des balcons, en porte à faux, avec du béton pour tenir le coin des arbres. Et tout ça, tu vois, c'est loin d’être bien. Donc ça serait bien que tu aies une position par rapport à ça, même si peut-être, contrairement à certains, comme ce que risque de dire Fanny : met un arbre devant la maison ; il va prendre ses racines dans le sol et il va mieux te protéger du soleil et même des voisins et de tout ce que tu veux. Elle aura quand même des arguments pour dire que *inaudible* une belle fausse pour l'arbre, non pas 50 sur 50 mais 2 mètres sur 2 mètres sur 3 mètres. C'est intéressant y compris de critiquer sa propre démarche en balisant. Alors, 2 sous-questions : est-ce que dans la notion de façade active, tu fais intervenir la notion d’occupant, c'est à dire l’occupant est actif ? Non, pour l'instant non. Je n’ai pas abordé tout ça. Il me semble que la notion de variations climatiques, en fonction du soleil, etc donc il y a une notion de conception qui va s'adapter au climat mais, y compris au sous climat parce que le Nord, le Sud etc, donc estce que tu fais intervenir la notion de : une double peau qui est un élément de l’appropriation de l'habité ? parce que quand tu m'as cité le volet électrique, ça a fait tilt ! Le volet, il faut quelqu'un pour l’ouvrir et le fermer ! Le volet, Yves Perret, t’en parlera. Il évoque toujours sur nos grands-mères qui étaient des gestionnaires bioclimatiques, c'est à dire qui fermaient les volets la nuit en hiver, qui les entrebâillaient le jour en été, qui les laisser grand ouvert, parce qu'il y avait pas de voleurs, la nuit en été. Pareil sur les portes etc. Donc voilà et donc on peut dire que si j'ai bien aimé l'idée que le volet, c'est la première composante de la façade active, mais tu vois là, on aurait pu imaginer que ça s'ouvre tout seul mais, c’est quand même intéressant de dire : « tiens, on a chaud, on ouvre ! ». Si on est en saison froide, quand on ouvre, il ne faut pas oublier de fermer ! C'est intéressant ce que tu as dit et, ensuite, dans la quête des impacts positifs, quand tu parles de façade végétalisée, tu m’as parlé de confort thermique, confort visuel, confort acoustique. Qu'est-ce qui manque ? Du coup, l'impact sur la biodiversité, l'impact psychologique avec le phénomène de biophilie ? Oui, c’est bien, j'aime bien… C'est parce que t'as suivi les cours avec Célaire que tu te souviens de tout cela ? Je ne sais plus d'où j'ai entendu parler du phénomène de biophilie, mais justement c'était… Et puis, tu as un autre quand même ? Tu as oublié un sens là … Oui, l'olfactif, oui bien sûr. Et oui ! Moi, je suis derrière une façade végétalisée. Bon, on a parlé de l'acoustique, ça marche à moitié. Enfin, ça marche, mais ça ne marche pas, mais ça marche. Le thermique : on est tous d'accord. Le visuel : à la fois, ça me filtre la lumière. On peut imaginer les saisons, les couleurs etc. Le confort psychologique, c'est le côté protection, intimité ... Dans le visuel, il y a encore l’absence d’éblouissement, enfin vraiment, on a carton plein là-dessus. Dans l'acoustique, on a aussi le bruit des feuilles, le vent, tout ça, voilà. On est en lien avec du lien. Alors, moi je voyais une autre possibilité de lien avec le vivant, non seulement on encourage à l'université. Oui, c'est vrai aussi que si c'est un nid à rouges-gorges, il faudra qu’il y en ait beaucoup pour couvrir le bruit périphérique mais en tout cas, tu auras un impact positif. C'est ça, carrément. C'est bien, alors après je crois qu'il faut te faire une espèce de grille d'analyse, trouver des typologies. Je ne sais pas s’il faut qu'on prenne que l'habitat, que le neuf, que la réhabilitation … Là, j'ai bon espoir justement que tous mes entretiens me permettent justement de m'aiguiller là-dessus et de me donner une direction un peu pertinente et c'est pour ça que je me dis que la question d'entrée de la conception et de pourquoi on va choisir cette façade-là plutôt qu'une autre ou au contraire pourquoi on ne va pas la choisir, peut me donner des pistes de choses à creuser pour aiguiller la suite. Ce qu'il faudrait, c'est demander à des architectes qui aiment travailler avec du végétal. Donc Yves Perret, ça tombe bien ça, Il aime donc, il faut vraiment l’interviewer. Quitte à ce que je lui demande s’il peut consacrer 10 minutes en solo à Max. Pourquoi pas ? Oui. Parce que tu vas voir, je ne sais pas s'il va te présenter un petit projet sur lequel on travaille, c'est de l'habitat en bandes bioclimatiques etc. Trouver d'autres archi qui sont favorables à ça, discuter avec des paysagistes, 157


comme notamment à Jean-François. J’ai oublié son nom. Je vais te dire tout de suite, tout simplement : JeanFrançois Ravon. Tu veux son portable ou pas ? Oui, pourquoi pas ? Regarde quand est-ce qu’il a cours sur place et tu lui dit que tu viens de la part de Célaire. Sinon, mon amie paysagiste, Fanny. Elle s'appelle Fanny Vesco. Ça, c'est son portable. Et son mail, c’est : parailleurs.paysages@gmail.com. Ça marche, merci. Là, j’ai pas mal d’ingénieurs aussi qui ont répondu à mon questionnaire. C'est Yannick Sutter qui l'a diffusé à son réseau. J'ai pas mal d'ingénieurs que je vais interviewer. Je vais aussi contacter, Monsieur Pauli Nicolas, voir si il a des choses à me dire là-dessus. Ce serait bien que j'ai un peu des points de vue justement de tous les corps de métier. Enfin, tous les corps de métiers en tout cas, paysagiste, architecte, ingénieur, peut être chercheur aussi et voire peut être botaniste ? Botaniste, oui. Ce qui serait top, c'est d'interviewer Michel Raynaud. Michel Reynaud, qui est architecte paysagiste et botaniste à l'île de la Réunion. Il a fait une intervention dans un cours de Christelle Coranino, il n’y a pas longtemps. Je crois que cette intervention été enregistrée, sinon tu l'appelles de ma part à ce numéro. Va voir son travail. Son agence s'appelle le LEU, ça veut dire laboratoire d'écologie urbaine, île de la Réunion à Saint Pierre, et son mail c'est : mr@leureunion.fr. Je crois que ça a été filmé par Focus. La Réunion, c’est plus facile, ce n’est pas un climat méditerranéen. Mais lui, il végétalise comme un malade. Oui, dans tous les cas, c’est intéressant. Après pour tous ces gens-là que tu vas interviewer, essaie de préparer les questions parce que sinon ça part dans tous les sens. Voilà, avec tout ça, c'est un bon petit bagage de contacts. J'ai préparé pas mal de petites questions justement pour tous les entretiens et déjà des questions sur les doubles peaux en général et des questions sur les doubles peaux végétalisées en particulier. Et je vais peutêtre vous en poser quelques-unes d'ailleurs. Des fois, c'est des questions un peu générales, mais il y a la question de : est-ce que c'est une solution qui peut être pertinente dans le contexte de transition énergétique, ou c'est plutôt quelque chose qui participe au greenwashing ? Ben ça dépend, c'est à dire que c'est si ça fait sens, c'est une cohérence globale. Si le coût écologique et économique, parce qu'il y a une cohérence entre les 2, et l'impact sur les ressources est positif, c'est à dire que voilà, on peut imaginer que pour potentiellement pas forcément économiser un peu d'énergie, on consomme beaucoup d'eau, ce n’est pas forcément écologique. En revanche, qui dit végétal dit dépôt, ça c'est un vrai sujet. Mais, l'eau fatale qui sort d'un bâtiment, c'est à dire l'eau avec laquelle tu prends ta douche, c’est de l’eau propre qu’on rejette à l’égout. Sur les usages potentiels, il y a des gens qui commencent à travailler sur comment les envoyer dans la rue pour rafraichir la rue, etc. On peut très bien imaginer que non seulement, on est autorisé, mais en plus, on est obligé, cette eau-là de s'en servir et, évidemment, arroser les pieds de façade avec de l'eau filtrée évidemment sans les cheveux et le savon, avec cette eau qui est quasiment propre. Donc à ce moment-là, on dirait qu’il y a 0 impact puisqu'elle est serait mieux utilisée. C'est la même chose que, il y a une façade bien orientée, le soleil tape sur un mur ; il réchauffe le mur. Et puis, en hiver, si au lieu de mettre un mur, on met un capteur ou une fenêtre. Ben, il tombe sur le mur mais, il chauffe la maison et on n’a pas consommé de l’énergie. Pareil, quand on fait sécher son linge dehors plutôt que dans le séchoir. Donc, on peut imaginer cette utilisation fatale de l’eau. Mais sinon, si c'est pour faire des trucs qui coûtent cher. Mais pour ce qui est vertical, s’il faut faire des super structures en béton, tu oublies. Si tu fais l’éco-bilan, voilà. L’idée, c'est que l'éco-bilan soit positif, que le bilan humain par rapport à toutes les sortes de confort soit positif, le bien-être, la somme des conforts ou la multiplication des conforts, enfin le bien-être, mais le bien-être y compris Peace of mind, donc psychologique, ça tu peux en parler ? Et donc on peut imaginer que dans les solutions que tu vas explorer, tu puisses, sur la base d'indicateurs, dire tous les côtés positifs et tous les côtés négatifs. Il faut qu’à un moment donné l'addition économique et écologique, ne soit pas trop lourde, voire positive par rapport à tous les effets positifs sur lui-même quoi. Economie de matière, donc déjà la façade végétalisée qui s'appuie en bas, qui ne vient pas alourdir la structure, donc l'épaissir, ça parait une bonne idée. Mais tout ça, il faut que tu le regardes avec toujours un œil : en disant, comment ne pas faire du greenwashing, comment faire du greengreen ? Tu en es conscient donc je suis assez confiant sur le fait … Oui, c'est ça. Et ça rejoint d'autres questions, est-ce que c'est une opportunité dans la conception de façade active, moins impactante pour l'environnement, que ce soit par exemple aussi quand on compare ça à des 158


solutions plus « classiques » : je prends des BSO métalliques, est-ce que finalement même ne serait-ce qu'en terme d'effets de serre, de réchauffement climatique, d'un côté, on a quelque chose qui est métallique et de l'autre, on a quelque chose qui fait de l'évapotranspiration et tout ça… Tout à fait, tout à fait et tout ça, il faut l’analyser. Mais néanmoins, on peut imaginer que bien sûr quelques avantages avec plein d'inconvénients. C'est vrai que c'est intéressant. Voilà, une façade, on a le choix entre plusieurs options, mettre des plantes grimpantes ou mettre des BSO, c’est une très bonne idée. Il faut voir comment tu présentes tout ça, sans partir trop large, avec le zoom psychologique, le zoom sur le climat. Et en même temps, tu as la frustration de dire si je bosse que sur la réhab…. Par exemple, bosser que sur la réhab, ça veut dire qu’il va y avoir des conditions de faisabilité, notamment le foncier au pied du bâtiment, c'est à dire le bâtiment qui est en limite de propriété et là, il y a la rue publique. Et comment je fais alors ? ça se négocie, c'est à dire que s’il y a la rue publique mais, qu’ici tu as besoin de 50 cm pour planter ton végétal, ça se négocie. Cela s’appelle une occupation temporaire du domaine public. Par définition, le végétal est temporaire. Le jour où le Maire veut des parkings, il peut dire : foutez-moi en l’air ce … Mais, il y a aussi le travail. Je pense que le travail, c'est sur le choix de quelques espèces végétales adaptées aussi. Tu es obligé de rentrer là-dedans, tu n’en as pas 50. Et là, les paysagistes vont te dire : voilà si tu mets telle plante, ça va monter jusqu’au 5ème. Là aussi, en typologie, il y a les hauteurs. Est-ce qu’on est sur de l’immeuble classique qui souvent s’arrête au R+3, parce que à partir de R+4, il faut un ascenseur. Quand on regarde le paysage urbain, il y a beaucoup de R+1, R+2 et R+3. Tu peux monter plus haut. Je me demandais aussi sur les doubles peaux en général, justement ce côté foncier mais dans la question du neuf, est-ce que justement le fait de faire des doubles peaux, ce n’est pas quelque chose qui n’est pas très appréciée des maîtrises d'ouvrage pour le côté « sacrifice de surface utile » ? Ça dépend ; si ça se prend sur la surface utile, ça ne se fera pas ! Si c’est en surplomb à partir de R+1, de l'extérieur, et si c'est toléré par la mairie, 1ère solution : on négocie de vendre en R0 ; 2ème solution : on négocie en R+1 et donc ça ne devrait pas poser de problème. Mais s’il faut faire ça, personne ne sera d’accord. 2, ce qui ne va pas plaire au maître d’ouvrage, c’est l’entretien. Oui, j'ai vu sur mon questionnaire sur la question sur les doubles peaux végétalisées, qu'est-ce qui, selon vous, est le plus gros frein à leur démocratisation ? Sur toutes les réponses que j'ai eues, il y a 100% des personnes qui m'ont dit : l'appréhension de l'entretien sur ces façades-là ! Donc, ça à l'air d'être vraiment un sujet. Si on arrive à faire en sorte que l'entretien soit confié à des gens qui en profitent finalement, c’est mieux … Mais, je suis sur le champ des paysagistes. Il y a des ouvrages de référence sur les murs végétaux. Tu en as vu ? Oui, j'en ai vu quelques-uns, notamment de Patrick Blanc. Il fait partie aussi des personnes que j'envisageais de contacter mais, je ne suis pas sûr d’avoir trop le temps pour ça. Par exemple, Gilles Clément qui est un paysagiste très connu, il a parlé plusieurs fois à l'école. Régulièrement, on le fait revenir vous parler. Très très militant Gilles Clément … Je vais lui faire un mail. Oui, je veux bien. Essaie déjà d’anticiper et voir s’il a écrit quelque chose là-dessus. Il faut tout de suite lui dire qu’il s’agit d’une double peau végétale non « greenwashée », qui fait sens, qui est économe en ressources, etc sinon il va tomber du ciel ! Parce qu’il y a beaucoup de projets qui coûtent des fortunes, où on rajoute des engrais par exemple. Voilà, donc dis-moi si je peux faire un petit mail à Clément en lui en proposant dans le mois qui vient sans lui dire il faut que ce soit après-demain ! Oui, je veux bien. Je peux peut-être vous renvoyer le questionnaire si vous pouvez lui envoyer Ou bien, tu lui envoies, tu envoies un mail de ma part. Tu dis Robert Célaire de Montpellier. Il vous connaît de l'ENSAM ? Oui, de mon ancien enseignement à l'ENSAM. Son adresse email, c’est : piepol@gillesclement.com. Tu peux évoquer les murs végétalisés « frugaux ». Utilise un terme qui montre que tu es n'est pas du côté des gens qui dessinent du vert et qui ne savent pas ce qu'ils vont mettre, comment ça va pousser et combien ça va utiliser d’hectolitres d’eau par minute. Je peux vous poser une dernière question rapidement ? Oui, vas-y ! ça t’intéresse ce que je te dis ? Ah oui, oui, mais complètement. Est-ce qu'on peut anticiper les performances de telle solution pour favoriser les effets bénéfiques ? Est-ce que c’est modélisable ce type de façade avec le bilan ? 159


Alors, l’acoustique, ça se modélise. Le visuel, ça se modélise, il faut donner des facteurs de transmission lumineuse à tes végétaux, mais globalement ça se fait. Et à la limite, même si tu ne sais pas comment faire, si tu veux une idée que je suggère toujours aux étudiants, on a à l'école des luxmètres ; si tu veux voir la quantité de lumière qui passe derrière un filtre lumineux, tu mets ton luxmètre du côté extérieur, tu regardes. S’il y a 1000 lux. Tu regardes le côté intérieur, s’il y a 100 lux, tu sais que tu as bloqué 90%. C’est intéressant. Sur le thermique, la plupart des outils vont calculer l'effet de protection solaire. Là, c'est pareil, si tu as un filtre végétal qui te diminue le flux de 90%, tu vas rentrer ça dans un modèle et tu pourras, même avec des outils très simples comme Dial +, trouver une paroi qui a un facteur solaire de 10% donc qui vont aller jusqu’à 90%, ça marche. Ce que ne font pas la plupart des outils, c’est la prise en compte de l’évapotranspiration. C’est là qu'il faut te tourner vers une autre personne. Mais lui, il va falloir s'accrocher. C'est un mec qui est spécialisé dans les calculs thermiques urbaines, qui est capable de faire des calculs d'influence de la végétalisation sur les ambiances à prendre en compte évapotranspiration. Il faut aller voir son travail. Il s'appelle Benjamin Morille. Il est capable de calculer, par exemple, sur une place où tu as des arbres, la température que tu vas avoir. Et si à la place des arbres, au lieu de mettre des arbres tu mets des ombrières en plastique, il va te montrer que la température n'est pas la même. Pourquoi ? Parce que les arbres, quand ils évapo-transpirent, ils absorbent du chaud, ils génèrent du froid. Donc à mon avis, avec son outil, il est capable de te calculer aussi ce qu’il va se passer derrière la double peau en rajoutant l’effet protection solaire, l’effet évapo-transpiration. Alors lui, il est pris mais alors grave ! C'est un mec que je fais bosser et son bureau d'études s'appelle Sole Néos. Je vais chercher son adresse email. Moi, je pense que c'est vraiment le meilleur contact. Je suis surbooké jusqu'à samedi soir, mais surbooké, minute par minute, c'est un truc de folie ! Alors que les gens de mon âge, normalement, ils sont à la retraite. Alors, son adresse mail : benjamin.morille@solenos Quand tu écris à tous ces gens, tu peux me mettre en copie. Va voir sur son site, c’est génial ! Il est capable de calculer la température sur la Kfet en fonction des arbres, de la couleur du mur et du nombre de gens qui bougent. Ben, ça justement c’est une piste d'ouverture aussi, cette question de : est-ce qu’une mise en place à plus grande échelle de ce type de solutions justement peut avoir un impact … Yes, yes, c’est-à-dire que non seulement, tu as un impact sur ton bâtiment, mais tu as un impact indirectement sur la ville. Entrée de Yves Perret dans la salle … Et donc voilà, tu peux si tu veux lui poser quelques questions ? Oui, oui, si vous avez 5 minutes ? Benjamin, il est bien et je pense qu'il pourrait peut-être te dire voilà : derrière mon écran végétal, en fait, la caractérisation de cette fraîcheur qui n'est pas que physique, qui est aussi psychologique. Le frais, ce n’est pas que la température hydrométrique etc, mais en tout cas, y compris au thermomètre c'est réel, puisque la plante pour vivre elle évapo-transpire et en évapo-transpirant, elle donne du froid et tout seul ! Miraculeusement, c'est une pompe gratuite.

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Retranscription de l'entretien avec Yves PERRET Datant du 12 Avril à 17h20 (durée : 9mn) Est-ce que vous avez déjà eu l’occasion de mettre en place des double peaux dans vos projets ? Oui. Quels étaient les éléments actifs de ces double peaux ? Est-ce que c’était des protections solaires ? Des résilles métalliques ? Autre chose ? La plus importante qu’on ait fait c’est justement une double peau végétale avec plantation en pleine terre, c’était la condition de base (il s’agit de la Maison de l'Habitat et du Cadre de Vie). C’est en ville, à Clermont Ferrand *dessine la coupe ci-contre*. C’est un immeuble de bureaux en l’occurrence, je crois que c’est un R+4. Il y a des histoires d’inondations donc le RDC est surélevé. C’est des inondations exceptionnelles, et il y a un garage inondable en dessous. Donc le système c’est de mettre au premier niveau des allèges. On a fait monter la terre jusqu’à un certain niveau. Il y a une dalle inclinée sans fond pour être en pleine terre. Ce n’est pas des bacs, c’est vraiment toute profondeur. Ensuite à chaque étage on a une petite galerie filante pour assurer l’entretien. Au dernier étage, le toit déborde et abrite ces galeries, et devant il y a un treillage qui monte et les plantes s’y installent. C’est de la glycine. Avant de faire ça on a fait des essais chez le préfet de Clermont Ferrand, qui avait une terrasse, et on s’est rendu compte qu’en 1 an grosso modo, si on était en pleine terre avec des bonnes conditions et une bonne qualité de terre, on monte à peu près d’un étage en 1 an Donc en 4 ans c’était au sommet. Sur cette double peau là, comment ça se passe au niveau de la conception ? Est-ce qu’il y a des études thermiques qui sont menées par des bureaux d’études ? En fait le bâtiment est fait pour fonctionner sans peau mais ça c’est pour le confort d’été, c’est-à-dire que les galeries font pare-soleil sur les fenêtres. En fait la double peau est simplement un plus par rapport à la fraîcheur estivale. On est quasiment plein Sud, donc ça veut dire feuilles caduques l’hiver, donc il y a que les branches, et l’été, si jamais c’est trop dense, l’entretien permet d’éclaircir si on juge que ça obscurcit un peu trop fort. Donc après, on fait des mesures, mais on sait qu’on dégringole de 2 ou 3 degrés derrière le truc. Et dès le départ de la conception c’était ce type de double peau-là qui était envisagé ? Oui. Et c’était une volonté de l’équipe de conception ? Oui. C’est-à-dire que c’est un truc qui a été fait sur concours, avec une commande publique, donc voilà c’était notre proposition. Il y a des bureaux d’études qui ont travaillés pour valider ou invalider cette double peau j’imagine ? Non, nous la plupart du temps on fait les choses de façon instinctive. Et puis sinon on s’en sort plus. C’est bête, on a besoin de rien, on n’a pas besoin de calculer quoi que ce soit, on sait qu’on va dégringoler de 3 degrés et qu’on sera mieux l’été. Point barre. Et on sait aussi que dans la rue on n’aura pas l’effet de paroi chaude qui va rayonner la nuit. Donc on sait que c’est aussi bénef pour le mec qui se balade sur le trottoir d’en face. Et puis même visuellement, c’est un apport agréable.

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Oui, voilà. En fait il y a une espèce d’orgie d’études de toutes sortes, mais qui sont finalement plutôt un obstacle à faire les choses, que de les faire. Le problème ce n’est pas de blinder le truc d’études et de rien faire, le problème c’est de faire. Parce que blinder d’études ça coûte un max, et c’est bête, il vaut mieux mettre ces sous dans le projet, plutôt que de les foutre en l’air pour un truc qu’on sait d’avance ! Si on prend un barrage qui retient plusieurs km3 de flottes, on est d’accord qu’on va mettre ce qu’il faut dans la résistance de l’ouvrage. Mais si on met une bordure de fleurs en haut, on ne va rien étudier, on va y mettre et puis point barre. C’est-à-dire que là, quel est le risque ? Il y en a point. Pourquoi la terre n’est pas au niveau du trottoir ? C’est pour les chiens, parce qu’étant donné que les trottoirs sont minéraux, si les chiens commencent aller gratter dans la terre, ça va mal se passer. En plus, étant donné que le bâtiment commence en dessous du niveau de la rue, pour le chantier, on a démarré à une certaine profondeur, et on est sûr que tout ce qu’il y a au-dessus, c’est de la bonne terre ! Mais les racines, rien n’empêche qu’elles aillent plus loin. 1 étage par an pour de la glycine c’est vraiment une croissance rapide ! (Agnès BURGERS qui passait par là) C’est parce qu’elles sont dans de la pleine terre. Il ne faut pas mettre les plantes dans les bacs. Les plantes elle sont comme nous, il ne faut pas nous mettre dans des bacs. De toute façon on a autant de masse végétale que de masse de terre.

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Retranscription de l'entretien avec Sébastien RANDLE Datant du 13 Avril à 13h00 (durée : 33mn) Même si vous avez déjà dû le voir sur le questionnaire, je vais me représenter rapidement donc moi c'est Max Colin, je suis en master 1 à l'Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Montpellier, donc l'ENSAM et pour mon mémoire, j'ai décidé d'aborder le sujet des doubles peaux, puisque c'était pour moi un outil architectural qui était pertinent pour les qualités de confort et d'esthétique qu’elles peuvent apporter à un bâtiment. Et du coup petit à petit, mon mémoire s'oriente plutôt sur tout ce qui est double peau végétalisée. Et du coup, si vous pouviez vous présenter en quelques mots, donc nom, prénom, profession. Moi, c'est Sébastien Randle, donc je suis chef de projet chez Étamine, c'est un bureau d'études de qualité environnementale et de performance énergétique des bâtiments, principalement notre cœur de métier, c'est de faire partie des équipes de maîtrise d'œuvre, parfois quelques missions d'assistance maîtrise d'ouvrage. Mais la plupart du temps, quand on est assistant à maître d'œuvre. On va soit dans des équipes de maître d'œuvre, soit dans des groupements type conception, réalisation, marché global de performance avec des entreprises générales. Nous, on n’est pas au bureau d'étude fluides, c'est à dire qu'on ne fait pas de prescription, de dessins, de plans, etc. Mais, on est vraiment spécialisé sur l'accompagnement de la maîtrise d’œuvre, sur tout ce qui est énergie et environnement, en passant nos études, on conseille beaucoup sur les simulations thermodynamiques pour toute la partie énergétique et sur les calculs du type ACV, on analyse les cycles de vie pour les matériaux, etc. Enfin, et puis sur la partie confort, les études de lumière naturelle, les études d'ensoleillement… D'accord, donc vous êtes une structure principalement composée d'ingénieurs, j'imagine ? Oui, c’est ça. On est un bureau d'études à 90% d'ingénieurs, on se répartit en 2 métiers différents : les chefs de projet, comme moi, qui sont en contact avec des architectes, des maîtres d'ouvrage pour les conseiller etc., et puis, les chargés d’étude qui font toutes les parties calculatoires en interne pour supporter nos conseillers pour un problème donné. D'accord, je vois. Du coup, avant toute chose, déjà, le questionnaire que vous avez rempli, il était anonyme, du coup je ne peux pas forcément faire le lien entre vous et les réponses que vous avez apportées directement. Je n’ai pas ce descriptif-là, donc il y a peut-être des questions qui risquent de revenir plus ou moins mais, ça vous donne l'occasion aussi de développer un peu votre réponse. Et peut-être déjà pour commencer, quelle a été votre première approche, en tout cas de la double peau. Est-ce que c'était un projet, une recherche, un article ou autre chose ? Non, c’était plutôt un projet, un ou plusieurs projets qu'on a pu faire, sur lesquels architectes qui travaillent envisagés la double peau, voire on est allé jusqu’au bout sur certains projets avec des solutions de double peau. Je ne crois pas en avoir déjà fait en double peau végétalisée, alors faudrait juste que vous me reprécisiez ce que vous entendez par double végétalisée, pour que l’on soit bien au clair. Alors du coup, par double peau végétalisée, en général, c'est plutôt une double peau avec une structure qui est plutôt indépendante et des plantes grimpantes, la majorité sont en tout cas avec en plantes grimpantes, même s'il y a de rares cas. Ce n’est pas une double peau que vous avez déjà eu l'occasion de… ? Non, non, donc avec des bacs au niveau du sol et puis des structures qui vont être au point de grimper tout du long ? C’est ça. Ouais ça non. Effectivement, j'en ai déjà vu, mais on n’a jamais vraiment travaillé dessus. D'accord. Du coup, dans les doubles peaux que vous avez déjà eu l'occasion d'aborder, c'était quel type d'élément : est-ce que c'était des protections solaires, des doubles peaux ventilées ? Voilà, moi la réponse que j'avais faite sur le questionnaire, c'est que, jusque-là, avec les études différentes qu’on a faites, avec les retours d'expérience qu'on a pu avoir, je n’ai jamais eu l'occasion de croiser une double peau vraiment satisfaisante, de mon point de vue de thermicien. Je ne parle pas effectivement de tout ce que ça peut apporter d'un point de vue esthétique, architectural etc, ça je n’en parlerai pas parce que ce n’est pas mon métier. Mais, d'un point de vue thermique et même acoustique, j’ai des difficultés à croire qu’une double peau peut être totalement impertinente sur ces aspects-là. Parce que, à chaque fois qu'on a voulu en faire ou qu'on a fait, en gros il y a vraiment une différence forte entre : quel est le besoin d’hiver et quel est le besoin d’été, et quel est le besoin d’acoustique et du coup, c'est difficile de rendre tout ça compatible. C'est à dire qu’en hiver, il faut que ce soit complètement fermé pour que ça joue un rôle tampon, et puis tout ça sur une

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façade ensoleillée pour que ça puisse bénéficier de l’apport solaire pour vraiment jouer ce rôle de tampon qui se réchauffe. Et pour ça, il faut que ce soit bien fermé, de même que pour l'acoustique, il faut que ce soit pris en compte alors que le problème, c'est qu'en été, il faut qu'on puisse ouvrir largement, sinon, on fait une serre et que du coup ça pose plein de problèmes derrière. En général, c'est sûr que l'intérêt, c'est qu'on met la protection solaire dedans, donc elle est plus dehors parce qu'on avait fait sur un gros projet sur le Bureau sur Lyon. Mais du coup, on avait cette double peau. Alors pour la ventiler naturellement, on a mis des ventelles qui s'ouvrent parce que sinon, en été, ça surchauffait. Et en fait, on s'est rendu compte que du coup, l'acousticien dans son dimensionnement d'affaiblissement de façade, il n’en a jamais tenu compte parce qu'en fait comme une partie de l'année elle est ouverte, ben ça ne marche pas quoi. Et même en hiver, finalement ce n’est jamais vraiment complètement étanche, fermé. Et finalement, cette double peau, elle joue un rôle architectural, mais c'est tout, et de protection solaire. Mais d’un point de vue thermique, acoustique, elle n’a jamais été prise en compte et n’a jamais apporté grand-chose. D'accord, et c'est, c'est une expérience qu'il y a eu que sur ce projet, là où justement c'est plutôt récurrent ? Non. De mon point de vue, c'est assez récurrent. Ça, c'est le seul projet où je suis vraiment allé jusqu'au bout. C'est un projet près de la Part-Dieu, à Lyon. Non, enfin je dis ça, ce n’est même pas vrai, on est en train d'en construire une autre sur un projet universitaire à côté de Paris. Elle est très architecturale, c’est sur une voie passante donc l’idée c’était l’apport acoustique. Mais c'est côté Nord, donc d’un point de vue thermique, ça n’apporte pas grand-chose. Là l'avantage, c'est comme il n’y aura jamais d'apport solaire dessus, on peut se permettre une double peau complètement fermée. Et du coup, qui peut servir acoustiquement. Faire une double peau qui soit suffisamment fonctionnelle, qui serve à la fois l'hiver, l'été, l’acoustique, moi je n’ai jamais réussi à trouver un équilibre qui fonctionne. Après, il y a une autre réflexion derrière tout ça, qui est : aujourd'hui, on essaie de faire des bâtiments qui sont les moins carbonés possible et, se rajouter une double peau, c'est à dire une 2ème façade quasiment, sachant que thermiquement, acoustiquement, ça ne vaut pas grand-chose avec beaucoup de matière de verre, d'acier, de métal en tout cas, ça questionne quoi ? Oui, ça fait partie des questions que je me pose et c'est aussi pour ça que j'oriente petit à petit mon mémoire sur les doubles peaux végétalisées avec ce facteur vivant qui peut aussi, dans une moindre mesure, contrebalancer un peu cet effet, avec justement toute l'énergie grise qui est mise en place pour la mise en œuvre de de ce type de structure. Après, c’est une question que je me pose dans mon mémoire, sur la pertinence en fait de ces doubles peaux dans le contexte méditerranéen puisque j'ai l'impression que c'est plus efficace dans certaines autres régions et aussi dans le contexte de crise écologique et si ce sont des solutions qui peuvent être pertinentes à mettre en place à ce moment-là ? Enfin, je me demande justement si ça peut être une solution qui serait moins impactante, en tout cas pour la double peau végétalisée, que certaines solutions plus classiques ? Quand on compare ça avec, par exemple, des BSO métalliques, qui du coup ont une certaine énergie grise et en même temps un certain effet sur tout ce qui est effet de serre tout ça, et si on compare ça avec une double peau végétalisée où y a le facteur vivant, il y a l’évapotranspiration. En tout cas, la réflexion est intéressante. Peut-être que dans ce cas-là, il faudrait envisager une double peau qui ne soit entre guillemets que pour l'été, qui ne soit effectivement qu’un remplacement d'une autre protection solaire, avec en producteur de la végétalisation, et dans ce cas-là, effectivement ça serait plutôt une double peau que sur les façades ensoleillées, en se disant qu'elle est assez ouverte pour ne pas surchauffer et que des plantes effectivement permettent de rafraîchir un peu cet espace et en même temps de protéger des apports solaires des fenêtres. C'est vrai que la réflexion, elle est intéressante. Après moi, j'y vois quand même 2 inconvénients au moins, c'est à dire que l’intérêt du BSO, c'est qu’à un moment il se lève ! Alors que la végétalisation c'est en permanence devant, c'est à dire quand il fait gris, quand il n’y a pas de soleil, en hiver, est-ce qu'elle est encore pertinente ? Alors, finalement, c’est presque encore plus pertinent dans le Sud où finalement, le niveau de lumineux ambiant est plus élevé qu’à Paris ou dans le Nord de France ou même à Lyon. Et après, le 2ème défaut que je vois quand même, c'est que en général, entre le moment où on construit un bâtiment et le moment où elle est végétalisée, jusqu'en haut, il se passe quelques années ! Pendant ce temps-là, on ne peut pas se passer de protection solaire, donc comment est-ce qu'on gère cette période ? Du coup, si on met des BSO en plus … La végétalisation, on perd de son intérêt, quoi ! Oui, c’est ça, il y a toute cette période justement de pouce qui peut prendre jusqu'à parfois 5 ans. J'étais à une conférence d'Yves Perret, hier soir, et il se trouve qu’ils ont eu l'occasion dans un projet de mettre en place une façade double peau végétalisée. C'était sur des bureaux, un R+4, et il se trouve que ça 164


a mis 4 ans à pousser et encore 4 ans visiblement c'était relativement rapide et c'est vrai que y a toute cette période-là qui pose question aussi sur l'usage : qu'est-ce qu'on en fait ? Est-ce que on accepte d'avoir ces problèmes thermiques entre guillemets pendant toute cette période ou pas ? Ça pose question. C'est difficilement acceptable de dire attendez, ça va venir ! Après, je me demandais aussi sur le futur de ces façades doubles peaux, est-ce que vous pensez que à ce jour on peut anticiper vraiment correctement les performances de ce type de façade ? ou est-ce qu’il peut parfois y avoir une grande différence entre la phase de conception où on fait des études thermiques, des modélisations, etc., et vraiment la mise en place en chantier ? Est-ce que ce que vous avez observé justement sur ces doubles peaux qui n’étaient finalement pas forcément pertinentes à certains endroits, c'est quelque chose que vous aviez observé dès la phase de conception ou c'est vraiment à la mise en place finale que vous vous en êtes rendu compte ? Alors, sur ma première expérience de double peau de ce bâtiment à Lyon, tout au long de la conception, on avait espoir de réussir quelque chose de satisfaisant quand même, en disant : on va réussir à la fermer l’hiver, bien comme il faut, et puis l'ouvrir que l'été, avec des stores dedans, et ça marchera bien ! Et en fait, c'est vraiment à la mise en œuvre qu'on a déchanté. A la fois motoriser les ventelles pour faire en sorte que ça s’ouvre, ça se ferme au bon moment … ça coutait très cher, c'était compliqué. Le futur propriétaire quand il arrive, il dit : « oh la, la, mais ça va tomber en panne tout le temps, je n’en veux pas ! ». Enfin voilà, et du coup, c'est là où finalement, on a gardé des ventelles fixes ouvertes en permanence, été, hiver. C'est un peu là qu'on s'est rendu compte que, à la mise en œuvre, au moment du chantier d'exécution, ça n’allait pas marcher comme on l’espérait. C’est vraiment ce retour d’expérience-là qui aujourd’hui, m’a un peu échaudé sur la pertinence de… parfois en conception, on peut avoir des trucs qui sur le papier sont géniaux, marchent bien, et puis en fait une fois qu'on arrive sur le chantier, on se rend compte que c'était génial sur le papier, mais en fait dans la réalité, c'est un peu moins génial. OK, je vois. Et, du coup, justement pour améliorer ce type de façade dans le futur, est-ce que vous voyez des domaines de recherche à privilégier pour potentiellement arriver à des doubles peaux plus performantes que ce que l’on a aujourd'hui ? Ah oui. Moi, le gros sujet, je ne sais pas s’il y a des choses qui existent dessus, c’est faire une double peau avec une ossature bois, est-ce que c'est possible ? Enfin, voilà, se passer déjà de toute la partie acier qui pèse très lourd dans le bilan carbone de ce type façade, ce serait déjà bien. Imaginez une double peau avec une ossature bois et végétalisée derrière, ça commencera à avoir un peu plus de sens que de se payer je ne sais pas combien de tonnes d’acier pour quelque chose, tant l’apport il reste à démontrer. Pour moi, ce serait le plus gros sujet. OK, je vois. Et après, ça me fait penser à un autre truc qu'on voit passer de plus en plus aujourd'hui, ce sont les verres thermochromes. Je ne sais pas si ça vous parle ? Pas du tout. Ce sont les verres dont les caractéristiques de protection solaire dépendent directement de l'ensoleillement. En fait, il y a dans le verre des cristaux de je sais plus quoi qui bougent en fonction d'un courant électrique qui passe dedans et du coup, les verres ils sont capables de s’opacifier eux même, du coup c'est eux-mêmes qui font la protection solaire. Alors, il y a une version électrochrome ; on a un interrupteur, on envoie une commande et du coup, ça s’opacifie, ça se ferme et ça fait la protection solaire. Et après, il y a les thermochromes, c'est un peu plus récent et qui eux évoluent tout seul automatiquement en fonction de la température et des apports solaires, c'est à dire qu’il n’y a même pas de commande à faire. C’est un truc qu'ils ont fait sur le bâtiment du CIRC à Lyon, Centre International de Recherche contre le Cancer. Et aujourd'hui, je me dis que, sur une double peau, ce serait limite pertinent que le vitrage lui-même joue luimême le rôle de protection solaire, parce que si on n’arrive pas à compter directement sur les plantes au début, et éviter de se mettre une autre protection solaire en plus qui va aussi peser lourd d'un point de vue carbone. C'est en discutant avec vous à l'instant que je me dis que ça ce serait intelligent. Pourquoi pas si on faisait une double peau avec un vitrage comme ça tout devant ? Mais pourquoi pas, oui ! Qu'est-ce qu'on peut voir sur le CIRC à Lyon, sur Internet ? Je ne sais pas si c'est un mur rideau ou une double peau mais, il y a une partie qui est vraiment comme ça, quoi. 165


OK, je vois. C'est un projet qui en en cours de construction du coup, parce que j'ai l'impression de voir que des perspectives ? Alors effectivement, soit il vient juste d'être terminé, soit il est encore en construction. Enfin, en tout cas, le chantier est sur la fin. OK, je vois. Je note ça. Après, du coup, est-ce que vous pensez que les doubles peaux peuvent constituer une réponse pertinente, pas forcément dans le neuf, mais pour revaloriser et peut-être réhabiliter le parc immobilier existant ? Voilà, est-ce que ça peut être une solution parce que on voit par exemple le projet de Lacaton & Vassal pour la tour Bois le Prêtre, qui était une réhabilitation, ils ont fait cette espèce de double peau de jardin d'hiver qui vient apporter un certain confort aussi sur l'existant ? C’est une bonne question. J’avoue qu’en rénovation, on n'a jamais expérimenté, ni étudié. Oui, on pourrait dire que c'est bien. Pour le coup, il faudrait une double peau qui soit vraiment fermée pour l'hiver. En fait, c’est un peu le même problème. Bon, j'imagine que si on fait une rénovation comme ça, ça veut dire qu'on ne va pas venir isoler la façade donc, pour que ce soit aussi pertinent énergétiquement, de mettre une double peau plutôt que de venir isoler, il faut que la double peau soit vraiment fermée l'hiver et qu'elle joue vraiment un rôle isolant. Après, si c'est faisable, pourquoi pas ? On crée effectivement un espace extérieur en plus pour les habitants devant leurs fenêtres. Après, la difficulté c’est toujours pareil : l'été, comment on fait pour éviter que ça devienne une serre et qu'on dégrade les conditions de confort dans le logement ? De la même façon au Nord dans ce cas-là, ça pourrait s'envisager en disant : on fait vraiment une double peau complètement fermée, étanche à l’air, avec un vitrage bien isolant et, du coup ça isole cette façade-là, peutêtre que ce serait pertinent. Je vois. Après, du côté de l'équipe de conception, comment, à travers les différents projets, est venue cette idée de double peau ? Est-ce que c'était vraiment une proposition de l'équipe de conception ou est-ce que dans certains cas, ça faisait partie d'une demande de la maîtrise d'ouvrage ? Non. Nous, quand on a regardé, ça a toujours été un peu l’idée qui est ressortie de l’étude de conception, parce ce que, architecturalement, c'est une évolution qui peut être bien. Pour moi, l'origine vient de ce côtélà. Ce sont souvent des idées qui viennent des architectes quand on est sur une voie passante, par exemple, pour des questions d’acoustique. Donc je vois. Et est-ce que vous pensez que dans certains projets, le fait que, mettre en place une double peau induise forcément un certain sacrifice de surface utile, ait pu déplaire en quelque sorte à la maîtrise d'ouvrage ? Est-ce que c'est quelque chose qui peut être mal vu justement, ce sacrifice de surface utile ? Nous, sur les projets qu’on a faits, on a respecté plutôt la surface utile et construit cette double peau en plus. Après l'effort, il est surtout financier parce que là, c'est vrai, qu'il y a un surcoût de la double peau qu'il faut intégrer et qui va se faire au détriment d'autre chose sur le projet, forcément. Mais pour la surface utile, non, pour moi, ce n’est pas un bon argument. OK. Oui, donc les surfaces doubles peaux ont vraiment tendance à coûter plus cher que des solutions classiques. Est-ce que vous pensez que, même si vous n’avez pas eu l'occasion d'en mettre en place, les doubles peaux végétalisées pourraient faire parties des solutions les moins chères ? parce que j'ai l'impression en tout cas, en termes de technicité, que c'est vraiment la double peau ventilée, qui est un peu au top en termes de demande de technicité, qui logiquement serait la plus chère. Ce qui est sûr c’est que la plus chère, ça serait celle qui est fermée l'hiver, qui s'ouvre l'été, avec l'automatisation etc, des moteurs pour gérer l'ouverture, la fermeture. Ça me semble être la plus chère. Après, à partir du moment où on la considère soit fermée en permanence, mais sur une façade ensoleillée je ne le conseillerai jamais même si elle est végétalisée, soit ouvert en permanence, la végétalisation en ellemême ne représente pas un coût supplémentaire, en plus de la double peau. La double peau, même ouverte en permanence, elle est assez chère car ça fait comme une façade en plus à construire. La partie végétalisée ne va pas renchérir ça pour moi. Voir dans l'idéal, si on savait grâce à la végétalisation, se passer des protections solaires type BSO, là effectivement on pourrait se dire qu'elle coûterait moins cher donc, globalement, que celle qui n’a pas de végétalisation mais, à condition de savoir le faire. J'ai fait un peu le tour des questions, est-ce que du coup dans certains projets sur lesquels vous avez eu l'occasion de travailler, vous auriez peut-être des documents de conception ou même des études qui ont permis de valider ou invalider la mise en place de certaines doubles peaux, qui pourraient être pertinents, 166


peut-être pour moi, pour étudier ? Est-ce que vous pourriez en partager peut-être certains ? Sur des projets réalisés ou non, parce qu’il y a vraiment ce choix dans la conception et le fait que si ça arrive ou non au bout de la conception et sur le bâtiment réalisé qui m'intéresse, même justement des études qui ont permis de démontrer que ce n’était pas pertinent, m'intéressent aussi, en fait. Oui, d'accord. Oui, je suis en train de réfléchir. Ce qui est sûr, c’est qu’on a fait plusieurs études sur le bâtiment de bureaux, à côté de La Part Dieu à Lyon. C’est assez vieux pour que je n’ai pas de problème à vous les envoyer. En tout cas, si vous avez des idées qui vous viennent plus tard, vous avez mon mail. Moi, tout m'intéresse. Après, est-ce que vous avez aussi peut-être des idées d'architecte avec lesquels vous avez eu l'occasion de travailler ou d'ingénieurs qui sont familiers avec ce type de façade et que je pourrai contacter, ne serait-ce que pour répondre à mon questionnaire ? Oui, je trouve que si vous en n’avez pas eu, ça serait intéressant de discuter avec un façadier dont c’est vraiment le métier. Mais si vous avez des références de façadier avec lesquels vous avez l'occasion de travailler. Oui, c’est sûr. Pour moi, le façadier avec lequel on a l’habitude de travailler Arcora, je ne sais pas si vous connaissez ? Pas du tout. Comment vous l'écrivez ? ARCORA. Alors après, eux, ils ne font pas que de la double peau mais souvent sur les projets un peu complexes en façade, c'est souvent eux qui sont spécialisés pour concevoir, chiffrer, etc, la façade. Et donc, quand y a une double peau, c’est souvent eux qui s’en occupent. Je peux vous envoyer par mail les coordonnées de Florent Cappoen qui est directeur de projet, sur un projet sur lequel on travaille. Vous pouvez, évidemment, le contacter de ma part. D'accord, ce serait top. Perso, je pense que ce serait intéressant de savoir quel avis ils ont de la double peau. Je n’en ai jamais discuté avec eux donc je ne sais pas du tout. Après, il y a un bâtiment qui fonctionne vraiment bien avec une double peau végétalisée, en tout cas visuellement, car techniquement je ne sais pas parce que je n’ai jamais travaillé dessus ; c'est la Clinique du parc à Lyon. Je ne crois pas l’avoir repérée. C’est devant la voie ferrée en fait. Donc, quand on passe en train, quand on va de Paris à Lyon en arrivant sur Lyon, on passe devant. Il y a ce grand mur rideau avec une végétalisation qui monte vraiment jusqu’en haut. Il y a peut-être 5 étages et je suis toujours surpris qu'il soit aussi dense. Il a vraiment bien pensé. Je crois que c’est un espèce de patio. Et là, l’architecte c’est Xanadu. Ça vaut peut-être le coup de le contacter. OK, je vois oui et puis du coup c'est une sorte de double peau avec justement à la fois la végétation et le vitrage qui vient après... ça m'a l'air ouvert en haut… Oui, je pense que ce n’est pas une vraie double peau fermée. Il y a une partie en double peau devant les chambres qui est sérigraphiée et une partie avec des murs rideaux végétalisés. Oui, ça peut être une référence intéressante. Je ne sais pas s’il prendra le temps pour vous répondre. Ça vaut le coup d'essayer de toute façon. Oui, nous on les connait assez bien. Vous pouvez dire qu’on a échangé ; ça peut aider à ce qu'il vous réponde mais je ne garantis rien. Ça marche. L'Agence s'appelait Xanadu et là, elle s'appelle Lipstick Xanadu. Sur le site de l’agence, il y a un truc de prise de contact. Ça marche, bien merci beaucoup. Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter, peut-être ? Non, là comme ça, je ne vois rien de plus. Merci beaucoup pour votre temps, ça va m'aider à avancer et à me donner un peu une direction pertinente à mon mémoire. Là, je suis encore en phase d'interrogation. Je suis un peu perdu entre toutes ces questions que je me pose sur les doubles peaux et sur les doubles peaux végétalisées. Mais voilà, en tout cas, ça m'aide à essayer de voir un peu quelles sont les questions, peut-être, les plus pertinentes à traiter dans mon mémoire pour la suite. Oui, c'est ça aide aussi d'avoir des avis différents, je pense. 167


J'ai eu l'occasion d'avoir un entretien avec Robert Célaire qui est thermicien, qui est un ingénieur thermicien qui a eu l'occasion de nous donner des cours à l'école d'architecture de Montpellier, mais vous êtes la 2ème personne que j'ai interviewé pour l'instant et ça me donne des pistes déjà. Ok. Ça marche. Bonne continuation. Je vous envoie le mail avec les coordonnées. Parfait, merci beaucoup. Bonne journée, au revoir.

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Retranscription de l'entretien avec Bernard PAULE Datant du 14 Avril à 9h30 (durée : 1h06mn) Je vais me présenter rapidement : je m’appelle Max Colin, je suis en Master 1 à l’ENSAM. Pour mon mémoire, j’ai décidé d’aborder le thème des doubles peaux, et petit à petit mon mémoire s’oriente en particulier sur les doubles peaux végétalisées. Est-ce que vous vous pouvez vous présenter en quelques mots : Nom, prénom, profession. Je m’appelle Bernard Paule. J’ai une formation d’architecte mais, je n’ai jamais exercé en tant qu’architecte. J’ai eu la chance de pouvoir travailler, encore étudiant, dans un labo qui s’appelle laboratoire des Sciences de l’Habitat à Lyon, à Vaulx en Velin. J’ai travaillé sur le thème de la lumière du jour. C’était dans les années 80 et, à l’époque, on travaillait beaucoup sur les Grands Projets de Mitterrand notamment. Il y avait le Louvre, la gare TGV de Roissy, le musée de Grenoble … sur lesquels la thématique de la lumière était une thématique importante. J’ai pu continuer sur cette thématique. J’ai monté un bureau d’études il y a bientôt 25 ans, à Lausanne, sur le campus de l’EPFL et ma spécialité « lumière du jour » s’est rapprochée de deux autres spécialités : la thermique d’hiver et la thermique d’été, si je simplifie, avec deux personnes qui avaient chacune cette spécialité. On a monté un bureau d’étude qui fait du conseil auprès des architectes ou des maîtres d’ouvrage sur comment faire des bâtiments dans lesquels on limite les besoins de chaleur, les besoins de froid, les besoins de lumière, donc du coup des bâtiments performants du point de vue énergétique et confortables. Avant toute chose, le questionnaire auquel vous avez répondu est anonyme. Du coup, même moi, je ne peux pas associer votre personne aux réponses que vous avez fournies, donc il y a peut-être des questions qui vont revenir mais ça vous donnera aussi l’occasion de développer votre réponse. Du coup, quelle a été votre approche de la double peau ? Est-ce que cela a été un projet, une recherche, un article peut-être ? Dans notre pratique, on est parfois confronté à des projets qui ont une double peau. Ma vision personnelle des doubles peaux est que l’on pense résoudre des problèmes mais en réalité ça en génère pas mal. Déjà en therme de matière employée, d’énergie grise, de raccords etc, c’est une couche supplémentaire. Quand cette couche, elle est purement vitrée, elle engendre un microclimat entre la vraie paroi et l’extérieur, qu’il faut gérer sinon cela peut devenir très problématique pour des problèmes de ventilation naturelle, car finalement on ouvre sur une serre, pour des problèmes de lumière aussi car ça absorbe une partie de la lumière, les parties opaques mais aussi les parties transparentes car il n’y a pas 100% de transmission. Parfois, on a coutume de dire que la double peau protège les protections solaires en gros, mais au niveau du bâtiment elle rajoute de la complexité mais n’offre pas de prestations intéressantes qui soient faciles à gérer, c’est mon avis à moi. Il nous arrive de travailler sur des bâtiments qui ont des doubles peaux et on essaie de faire en sorte que ces doubles peaux ne se transforment pas en serre. Il peut arriver que ces doubles peaux ne soient pas vitrées, que ce soit des coupes supplémentaires disons. L’article que je vous ai envoyé parle plutôt de ça. Ce n’est pas très facile de simuler une double peau vitrée parce qu’il y a des comportements dynamiques … il y a des outils complexes à utiliser pour savoir quel doit être l’effet sur le bâtiment. Quand les doubles peaux ne sont pas vitrées, on n’a pas ce problème de microclimat difficile à gérer, à n’a pas de danger. Par contre, pour la lumière naturelle, c’est toujours une soustraction et en réalité, dans ces façades supplémentaires, souvent l’épaisseur n’est pas très importante et cela fait une espèce de couche limite qui est difficile à entretenir, qui se salit, en plus dans laquelle on a du mal à mettre des protections solaires mobiles justement parce que on ne va pouvoir accéder à ces protections solaires mobiles. Du coup, on a un filtre extérieur et puis la protection solaire mobile est du coup à l’intérieur. Cela pose un problème, comme je le décris dans l’article, car cette couche supplémentaire elle réduit les gains solaires donc, en hiver, elle réduit le potentiel d’utilisation des gains passifs mais, en été, elle ne filtre pas assez et le fait que la protection mobile soit à l’intérieur fait qu’on a un système pas performant. Ça c’est pour les 3 cas que je montre dans article que je vous ai envoyé. C’est typique, on construit une vision extérieure du bâtiment qui est agréable, peu importe, mais on génère des problèmes à l’intérieur, c’est comme si vous étiez dans une voiture dans laquelle on ne peut pas ouvrir les fenêtres, par exemple. Il y a une restriction qui est apportée. Et puis, cela pénalise beaucoup la vue vers l’extérieur. Pour moi, la double peau, c’est une solution pour construire une image maîtrisée à l’extérieur. Et en réalité, cette image maîtrisée offre le plus souvent des prestations négatives par rapport aux usagers à l’intérieur. OK, je vois. Pour moi, ce que je retiens de votre article, c’est que finalement le jeu n’en vaut pas tellement

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la chandelle ; c’est peut-être une trop grande complexité ajoutée pour des bénéfices qui, au final, se révèlent être plutôt négatifs à la fin. Oui, c’est mon avis. Chaque fois qu’on a un avis, il est tranché. Quand je le dis comme ça, ça peut être perçu comme étant exagéré mais, c’est clair que, quand on rajoute l’aspect énergie grise en plus, on dépense de la matière et de l’énergie, on fait un stock de métal ou d’autres matériaux, et en fait ce stock-là, il a des prestations négatives. Par rapport à votre sujet, vous qui voulez plutôt utiliser la végétation comme écran devant la façade. On a toujours le support de cette végétation qu’il faut mettre en œuvre, etc mais, la couche supplémentaire c’est plutôt un matériau renouvelable donc on n’est pas dans un cas aussi tranché. Il y a aussi une histoire de géométrie : où est-ce qu’on met des masques devant la façade réelle ? Avec la végétation, l’avantage c’est que ces masques peuvent être cycliques et on peut dégager la façade en hiver, lorsqu’on a besoin de soleil et qu’on n’a pas beaucoup de lumière, et on peut densifier pendant l’été ; on se trouve dans un cadre complètement différent de ce que j’ai décrit précédemment. En plus, on n’a pas cet effet de tampon, au niveau climatique, on n’a pas un espace clos donc on n’a pas ce risque de surchauffe à proximité de la façade et on ne brise pas le potentiel de ventilation naturelle. Et enfin, je dirai que, si on parle de végétation généralement on parle d’une certaine épaisseur, ce n’est pas 20 cm. Du coup, dans cette épaisseur-là, on peut offrir un espace accessible, on peut offrir des fenêtres, on offre quelque chose de supplémentaire. La complexité à gérer dans ce cas, cette histoire de gestion des gains solaires dans un bâtiment standard, on la gère en continue, on a une action instantanée. Avec la végétation, ce réglage on peut l’avoir sur une saison mais on n’a pas d’adaptation instantanée ; ça veut dire qu’on ne peut pas faire l’économie d’un système performant de protection mobile. Voilà, comment je vois les choses. Je termine juste : comme mon sujet c’est la lumière du jour, si on devait utiliser la végétation comme élément de définition extérieure de l’identité du bâtiment, je pense que c’est important de toujours préserver la partie haute des vitrages, de ne pas les obstruer, parce que si la végétation fait concurrence à l’entrée de lumière (c’est l’entrée en partie haute qui est déterminant) alors ça peut devenir un mauvais remède ; on se prive d’un bienfait d’autant plus que la lumière naturelle a des effets, on le sait depuis pas si longtemps que ça, très bénéfiques sur la santé par le terme de la gestion du rythme circadien (jour/nuit, sommeil/éveil) donc on a besoin de grandes quantités de lumière, ce dont on est privé puisqu’on vit pendant 90% de notre temps, à l’intérieur, donc on n’est plus dans des conditions optimales au niveau biologique. L’homme est né dehors, il se mettait à l’abri la nuit et la journée, il était soumis à beaucoup de lumière. Et aujourd’hui, il est très rarement soumis à beaucoup de lumière. C’est pour cela, qu’on a intérêt dans les bâtiments à optimiser le potentiel d’accès à la lumière du jour et on ne devrait pas le péjorer de façon permanente. Voilà, j’ai beaucoup parlé ! C’est très bien. Moi ça me convient parfaitement. J’ai eu l’occasion d’en discuter avec deux ingénieurs autres que Robert Célaire. J’ai également eu l’occasion d’en discuter avec Robert Célaire à l’école. Les deux autres ingénieurs travaillaient majoritairement avec des doubles peaux ventilées ; les retours que j’ai eu de ces deux personnes, c’est une solution qui, bien souvent, se retrouve dans une sorte de semiperformance parce qu’il faut gérer à la fois cette thermique d’été avec une ventilation derrière ce vitrage et, en même, en hiver, il faudrait que ce soit étanche, déjà là il y a une complexité qui fait que souvent, c’est une espèce d’entre deux. Toute la partie acoustique également, qui du fait de cette ouverture, de cette étanchéité ou non, se retrouve également dans une sorte de semi-performance. Finalement, les retours qu’ils m’en ont fait, c’est que thermiquement et acoustiquement, on se retrouvait avec des solutions moyennes. En tout cas, plus je discute avec des gens de çà, plus j’ai l’impression que ces solutions de doubles peaux finalement ont plus un apport sur l’esthétique globale du bâtiment, plus sur le design, que sur le réel confort, sur la performance thermique pour les utilisateurs à l’intérieur. Je pense que c’est ça qui m’a orienté sur les doubles peaux végétalisées où j’avais l’impression que la plupart de ces effets-là pouvaient être minimisés avec le côté cyclique comme vous l’avez dit, le côté énergie grise aussi. Sur la plupart des projets que j’ai eu l’occasion de retrouver, on se retrouve souvent avec des armatures métalliques. Je pense qu’à l’avenir, c’est peut-être une solution qui pourrait être développée avec des structures en bois avec une empreinte carbone un peu moins induite. J’ai l’impression que le problème qui se pose sur ce type de solution, c’est vraiment le côté masque qui parfois peut être un peu trop proéminant, bloquer un peu trop de lumière du jour surtout quand la végétation est mal entretenue, prolifère un peu trop. C’est ce que j’essaye de creuser actuellement dans mon mémoire. Je m’interroge sur leur participation au greenwashing ? Oui, ça devient un système dans lequel il faut mettre de l’effort pour qu’il se comporte bien. C’est un effort 170


que l’on ne peut pas demander aux habitants parce qu’il y a des gens qui n’y connaissent rien, qui vont mal entretenir ou pas le faire du tout. Notre discussion me fait penser à une chose. J’ai été appelé par Yannick Sutter que vous devez connaître. Oui, c’est mon Directeur de mémoire. C’était cet hiver, j’ai participé au jury des mémoires. Parmi ces mémoires, j’ai vu un mémoire très intéressant fait par une étudiante, qui parlait des balcons, des surfaces extérieures. Elle parlait du fait que dans les balcons, quand on offre ça à un usager, en logement, il peut se produire différentes choses : ce balcon selon comment il est orienté, où est-ce qu’il est situé, s’il y a du vis-à-vis, etc il peut se transformer soit en pièce supplémentaire et là c’est une vraie offre, soit en débarras. Il y a cette notion finalement de succès ou d’échec par rapport à ce qu’on offre. Je pense que si vous abordez la question d’une double peau végétalisée, ça veut dire vous créez un espace extérieur qui, il faudrait lire son mémoire parce que peut-être que vous pourriez répondre à une partie des problèmes qui font qu’un balcon est ou pas utilisé, c’est notamment le fait qu’il soit ressenti comme intime ou pas par les gens et la végétation pourrait à mon avis être une réponse à cette intimité, c’est-à-dire que la végétation c’est une barrière visuelle. Cette barrière visuelle, on ne veut pas qu’elle pénalise la lumière naturelle mais, si c’est une barrière qui protège les gens d’un point de vue intimité, c’est plutôt la partie basse, peut être une façon de garantir qu’on offre un espace qui va être effectivement approprié par les usagers et qui a ce charme en fait. J’ai parlé de l’incidence de la lumière au niveau santé, je crois avoir vu plusieurs fois que l’accès à la végétation était très bénéfique pour la santé mentale. Vous voulez que j’essaie de rechercher ce mémoire ? J’étais justement en train d’essayer de le retrouver dans les mémoires que Yannick Sutter nous a fait passer, je ne le retrouve pas mais, il me semble qu’il nous en a déjà parlé. Je vous l’envoie, je l’ai retrouvé. Il a été fait par Elisa Munner Guillot (?). Le titre c’est : l’appropriation des espaces intermédiaires privés extérieurs dans le logement collectif. Je vous l’envoie par mail. Ça pourrait être intéressant pour vous de relier cette étude à votre recherche. Vous avez une problématique complexe, c’est bien de lui adjoindre des travaux qui sont connexes. Tout à fait. Dans la thématique des doubles peaux en général, cet espace qui sépare la façade principale de cette seconde peau, est vraiment une grande thématique puisqu’on se retrouve avec, dans les cas des RDC, on se retrouve avec une sorte de seuil, de transition entre intérieur et extérieur, ça donne des espaces qui peuvent parfois être appropriable depuis l’intérieur. C’est toute une question qui mérite d’être traitée. Également sur le côté bénéfique pour la santé mentale de la végétation, c’est dû au phénomène de biophilie. C’est un impact sur le confort directement qui n’est pas forcément très quantifiable mais, qui, je pense, est non négligeable sur ce type de solution. En y réfléchissant, je vais vous partager mon écran et je vais vous montrer quelque chose. Si vous recherchez « architecture » sur internet : voilà le flow d’image, c’est très stéréotypé avec des points de vue plutôt en contre-plongée, des bâtiments très imposants, etc. Si je tape, « architecture durable », j’arrive à ça et au fameux greenwashing ! Dans ce cas-là, on donne la végétation à voir pour des gens extérieurs et pour arriver à ça il faut des années. L’enjeu, ce n’est pas tellement d’offrir au paysage une façade, c’est d’offrir la verdure aux usagers. Quand on tape, ville durable, c’est vraiment du « washing », enfin c’est green ! Vous, vous devez plutôt vous situer du côté de ce genre d’image : qu’est-ce qu’on offre aux usagers, plutôt que qu’est-ce qu’on offre à la ville ? C’est une prétention importante de dire qu’on va créer des méga arbres. Complètement. De toute façon, c’est une sorte d’ineptie de se dire que des arbres vont très bien pousser ; à côté de chez moi, il y a un projet qui s’appelle le Prado Concorde, en fait on a des balcons qui dans leur endroit le plus épais doivent atteindre maximum 1 m d’épaisseur et ils ont planté des oliviers. Alors je n’ai aucune idée de comment les oliviers vont pousser dans 1 m d’épaisseur maximum de terre ! Quand je fais mes recherches sur les doubles peaux, j’ai énormément de mal à trouver des photos depuis l’intérieur ! C’est ça. C’est que des visions extérieures. Peut-être là, intérieur, extérieur. Je n’arrive à l’intérieur que quand je tape « architecture intérieure » et le seul endroit où on voit l’intérieur, des gens, c’est quand on tape « architecture bureaux ». On ne voit plus l’extérieur. C’est une sorte de déconnexion. Dans le bâtiment, les deux façades, intérieure, extérieure sont souvent déconnectées. Malheureusement, je ne sais pas si quelque chose qui va vraiment changer. Ces grands immeubles, c’est souvent soit pour des concours de maîtrise d’œuvre publique, soit pour des groupes immobiliers privés, peu importe. Ils sont tellement attachés à cet aspect extérieur, et ce qu’ils vont donner et dans le cadre du concours, finalement ce qui fait gagner, c’est presque l’image extérieure du bâtiment, et on arrive à une sorte de déconnexion alors que c’est vraiment quelque chose qu’il faudrait privilégier. 171


En fait c’est ça. Je dirai même que on vous forme vous, on va vous juger sur l’aspect extérieur des bâtiments, éventuellement sur comment ça fonctionne à l’intérieur au niveau organigramme, ou au niveau … mais il n’y a aucune empathie qui est accordée à l’usager : on s’en fiche de l’usager, ‘est presque comme dans une école en fait. Moi, je suis sur le campus de l’EPFL de Lausanne. Il m’est arrivé d’entendre que l’école était beaucoup mieux quand il n’y avait pas les étudiants ! L’architecte veut offrir des objets et je pense que c’est une erreur de la plupart des écoles d’archi, c’est de focaliser sur des gestes et de ne pas focaliser sur de l’offre auprès des usagers, que ce soit en logements, en bureaux, en écoles, etc. On doit s’intéresser aux gens qui sont dedans ! On construit des abris donc il faut s’intéresser aux usagers ! C’est ce que j’ai pu observer à l’école en effet. Maintenant, pour revenir au sujet, c’est vrai qu’il y a une thématique qui a vraiment pris son envol depuis moins de 5 ans je dirais, c’est tout ce qui est espaces verts, végétalisation, etc. Si vous êtes sur ces thématiques et que vous êtes juste jardinier, on va vous prendre pour un jardinier, alors que si vous prenez cette problématique avec une vision d’architecte et pas juste de paysagiste, vous avez des chances d’être influent sur des projets sur une thématique intéressante et limitée mais qui offre un impact très important, surtout si c’est un impact qui est réfléchi, et pas juste jeté « On va faire une façade verte ». En fait c’est très complexe et les solutions sont à adapter à chaque âge, à chaque usage, à chaque climat, etc. J’ai l’impression qu’en terme de prix, la solution de double peau végétalisée ne serait, parmi les double peaux, pas forcément la plus chère. J’ai l’impression que les plus chères c’est plutôt tout ce qui est double peau ventilée. Qu’est-ce que vous en pensez. Je pense que vous avez raison, en termes d’investissement ce n’est probablement pas la plus chère, mais par contre c’est celle qui demande le plus d’entretien. Pendant la pandémie où tout le monde était bloqué chez soi, on voyait les gens sur leur petite fenêtres, certains avaient des balcons et certains non. Et je m’étais fais la réflexion à ce moment-là : si on pouvait offrir un produit facile à s’approprier pour mettre sur ses fenêtres et sur ses balcons de la végétation mais en kit, ça serait très certainement une offre intéressante pour beaucoup de gens. D’avoir un produit facile à entretenir, à arroser, peut-être dans un bac, pour avoir quelque chose qui soit vraiment extrêmement local et pas quelque chose de centralisé. Parce que si la végétation du bâtiment et son entretien son gérés au niveau centralisé ça veut dire un réseau d’eau de plus, des évacuations d’eau, et au niveau investissement ça devient assez coûteux aussi. Donc il est probable que ça serait intéressant de trouver une forme d’objet qui ne soit pas forcément lié à l’architecture, mis qui puisse être ajouté, parce que si les gens ajoutent quelque chose, ils s’en occupent ! Oui ça les responsabilise ! C’est ça, et peut-être que c’est un champ d’étude intéressant la végétation comme élément de filtre entre intérieur et extérieur et de valorisation de cet espace entre intérieur et extérieur, ça peut être travaillé. Et d’ailleurs je pense qu’au niveau éducatif ça peut être un enjeu. Surtout dans notre contexte, finalement c’est ce côté gestion et éducation qui est important. Voilà, les gens si on leur donne de la végétation et une façade dont ils doivent s’occuper une fois par semaine, en fait ça va être une trop grosse charge mentale parce qu’aujourd’hui les gens ne sont pas forcément prêts, mais il est vrai que ce serait souhaitable que cela aille dans ce sens-là. Oui parce qu’il y a une histoire de temps court et de temps long. Au début de notre entretien je disais que le problème avec la végétation c’est qu’elle a un cycle saisonnier mais pour gérer les apports solaires ou les apports de chaleur on a besoin d’un cycle beaucoup plus court, presque instantané, enfin disons un cycle horaire. Donc il faut que la végétation arrive à ne pas générer un problème de privation d’une ressource pendant une saison par exemple, mais là où je voulais en venir c’est qu’aujourd’hui on est tous dans l’instant et chaque génération ça augmente encore ! Aujourd’hui les réseaux par exemple ça se joue dans l’instant par exemple. Alors que la végétation c’est des années en fait. L’autre jour j’écoutais une émission sur France culture sur l’agroforesterie et on se rend compte qu’il faut des années pour instaurer un système qui serait viable. Donc on est sur un temps super long, mais en même temps les gens sont en demande de méditation, de relaxation, etc. Donc ils voient bien qu’il y a des moments où il faut couper le truc. Et peut-être que la végétation c’est une offre que vous pouvez faire dans le bâtiment comme un élément de raccordement au temps long, à la rêverie, etc, plus qu’au climat ou des choses comme ça. À mon avis ce n’est pas une offre technique, on doit limiter la technique au minimum pour pas que ça soit compliqué et que ce ne soit pas des objets comme des tours borie et tout ça là. Parce que ça n’est pas accessible pour 99% des gens, c’est une offre de rêve. Par contre si on offre à 90% des gens la possibilité de se faire une petite oasis dans cet espace 172


intermédiaire, franchement il y a de la poésie, de la créativité, il y a une offre importante et intéressante je pense. Je ne sais pas si je m’égare trop… Non du tout. En fait plus j’avance dans les entretien, plus je me dis que dans mon mémoire il faudrait que je dresse une sorte de profil type de la solution souhaitable et de tout ce qu’elle implique, et notamment justement cette implication de l’usager, qui va avec une certaine responsabilisation, et qui fait qu’il y a presqu’une symbiose. Sans cette symbiose ça fonctionnera forcément moins bien. Et puis la végétalisation dans les villes elle est apparue depuis, disons, 5-10 ans maintenant. Et il y a une esthétique qui est arrivée avec ça, notamment l’usage du bois et ces objets qu’on pose un peu partout dans les villes, notamment dans les grandes villes, ces espèces de bacs à végétation, mais en réalité je ne suis pas sûr que ça soit la réponse finale. Il y a quelque chose à chercher là-dedans puisque c’est des espaces qui souvent deviennent des cendriers. J’ai l’impression qu’il y a un enjeu dans votre mémoire, c’est de montrer la valeur de la végétation et de montrer comment on peut arriver à utiliser ça pour rendre les gens plus heureux, mais sans jouer du tout sur des aspects d’images. Bon, c’est compliqué, mais c’est intéressant comme sujet et ça serait intéressant de l’aborder justement pas du côté greenwashing, parce qu’en plus vous serez toujours débordé par des gens qui seront plus « green » et plus « washeurs » que vous. C’est sûr mais en tout cas c’est ce qui est souhaitable c’est vrai. Je pense à quelque chose, c’est que tout à l’heure vous m’avez parlé de la difficulté à modéliser les double peaux vitrées, est-ce que vous pensez que cette difficulté de modélisation peut être également un frein à la mise en place de ces double peaux végétalisées ? Avec la difficulté sur les études thermiques, les études de lumière, tout ça, dû au facteur vivant qui fait que par définition, j’ai l’impression instinctivement que ça me paraît plus difficile à modéliser et à anticiper en tout cas. En fait la variation du feuillage c’est ce qui pose problème dans la modélisation. Peut-être qu’on peut la discrétiser en disant qu’en hiver on a un masque qui est égal à 0 ou 5% je n’en sais rien, on fait un espèce de tamis, et en été on met des objets qui vont réduire la transmission, je pense qu’on peut le modéliser de façon un peu « rugueuse ». Le truc c’est de s’assurer que la géométrie qu’on va utiliser ou l’emplacement où on va filtrer est au bon endroit et est réparti comme il faut. Vous devez faire des simulations ou des choses comme ça ? C’est selon ce que je décide, je ne pense pas faire de simulations parce que je ne suis pas sûr d’être assez qualifié là-dedans pour vraiment faire quelque chose de pertinent mais cette question de la modélisation c’est une question que je me pose, mais c’est vrai que, comme vous dîtes, il y a peut-être moyen de simplifier ça. Oui, il faut simplifier, c’est sûr. Est-ce que vous avez utilisé le logiciel Dial + dans votre cursus ? Oui, j’ai eu l’occasion, les années où j’ai eu Robert Célaire en tant que prof, il nous avait déjà initié à Dial +. Parce que vous pourriez utiliser ça et mettre par exemple des obstacles devant, des lames et des choses comme ça qui représentent un pourcentage d’obstruction qui pourrait représenter la végétation, et puis simuler en deux phase, ou simuler tout l’année à chaque fois. Vous faîtes deux simulations, une sans masque ou une avec masque. Peut-être que vous pouvez tirer quelques enseignements là-dessus en disant « il ne faudrait pas dépasser telle type d’opacité » ou des choses comme ça, à voir. Essayer de regarder avec des objets simples comme ça, parce que c’est vrai que simuler avec des complexités géométriques c’est compliqué. Ce n’est pas facile la végétation en fait parce que l’impact est thermique et lumineux. En fait comme vous êtes à Montpellier, il y a un vrai enjeu de protection solaire en été avec la végétation, il faut juste s’assurer que ça soit compatible avec le souhait des usagers d’avoir accès à la lumière quand même. Enfin, « le souhait », en fait ils ne le savent pas ce qu’ils souhaitent, il n’y a que l’offre. Bon, je ne sais pas si cette discussion vous aura été utile. SI, bien sûr, cela nourri forcément ma réflexion, consciemment ou inconsciemment, donc c’était très intéressant, merci beaucoup de m’avoir accordé ce temps. Derien, je suis intéressé par votre sujet, tenez-moi au courant ! Je vous tiendrai au courant de mon avancée et du coup normalement je devrais avoir terminé mon mémoire d’ici novembre ou décembre et avoir ma soutenance juste après. Je vous tiens au courant et merci beaucoup pour ce temps. Derien et bon courage alors ! Vous saluerez Yannick Sutter si vous le voyez. Ça marche, bonne journée ! Bonne journée et bon courage pour votre travail ! 173


Retranscription de l'entretien avec Ian McCALL Datant du 13 Avril à 14h00 (durée : 57mn) Même si vous avez déjà dû le voir dans mon questionnaire, je vais me représenter rapidement : je m’appelle Max COLIN, je suis en Master 1 à l’Ecole d’Architecture de Montpellier. Du coup, pour mon mémoire, j’ai décidé d’aborder le sujet des doubles peaux parce que cela constitue selon moi un outil architectural pertinent pour les qualités de confort et d’esthétique que ça peut apporter à un bâtiment. Mon mémoire s’oriente petit à petit sur les doubles peaux végétalisées et voilà, c’est à peu près tout. Est-ce que vous, vous pourriez vous présenter en quelques mots ? Donc, Ian McCall. Je suis expert en bâtiments durables depuis 10 ans, un peu plus, en fait. Je suis de formation ingénieur mécanique. J’ai fait un Master 2 en Sciences et Vie technique des environnements urbains avec une spécialisation en thermique des bâtiments. J’ai commencé en bureaux d’études en tant que thermicien et ensuite, je suis passé chef de projet environnemental et maintenant, je suis chez Losinger Marazzi, je fais partie de la Direction technique pour la construction durable. Je pilote des projets labellisés dans la construction durable de la conception jusqu’à la réalisation. Du coup, vous êtes plutôt du côté de l’équipe de maitrise d’ouvrage ou de maitrise d’œuvre ? Aujourd’hui, je suis dans une entreprise totale où on fait de la conception à la réalisation, ça veut dire qu’on a des archis qui travaillent pour nous et suivant les demandes, on fait des études internes ou externes, souvent avec des mandataires externes. C’est un peu comme Bouygues mais c’est Suisse et on est positionné comme une entreprise totale où on fait le développement immobilier donc on commence avec 0 et on développe le projet jusqu’à la fin. OK, je vois. Le questionnaire que vous avez rempli, étant donné qu’il est anonyme, je ne sais pas quelles réponses vous avez mises dans ce questionnaire donc il y aura peut-être des questions assez similaires mais, cela vous donnera aussi l’occasion de développer un peu votre réponse. Déjà pour commencer, quelle a été votre première approche de la double peau ? Est-ce que cela a été au cours d’un projet, une recherche ou un article ? Mon premier contact avec la double peau, ça date de 10 ans presque ou 8 ans, je crois que c’était un projet où j’ai fait des simulations pour un bâtiment qui avait au moins une façade en double peau qui donnait sur le périphérique de Paris. C’était façade Sud, direction périphérique, avec une étude thermique faite pour regarder des besoins de confort. Il y avait 2 fonctions : c’était le thermique et l’acoustique sur ce projet-là. Les premières impressions, ce n’est pas toujours les justes impressions. Mais telle que c’était vendu, les doubles peaux c’était le top du top : des choses que tout archi souhaite faire, c’est le mieux pour l’environnement, etc. La plupart des personnes dans le contexte, apprécie beaucoup les doubles peaux et mette pas beaucoup en question ses efficacités ou ses désavantages. Du coup, le projet dont vous m’avez parlé juste avant, c’était une double peau ventilée avec du vitrage ? C’était une double peau ventilée en vitrage avec une peau avec des distances… Je crois que c’était vers 10 ou 15 cm. Ce n’était pas énorme. Donc justement la question : est-ce que 10 ou 15 cm c’est assez large pour faire courant d’air avec des clapets en haut et en bas et avec au moins un grillage à toute hauteur. L’idée c’était la ventilation à toute hauteur quand c’était nécessaire. Ok je vois. Et, entre la phase de conception et la réalisation, avec les estimations thermiques que vous aviez faites, est-ce que vous êtes arrivés à avoir les performances attendues ou …? Le problème dans l’industrie de la construction, c’est que l’on commence beaucoup de projets mais on n’en termine aucun ! Je ne suis pas resté assez longtemps pour le terminer, même si je suis resté 5 ans et quelques avec la boite. Je crois que jusqu’à présent, je n’ai jamais été dans un projet où on a commencé et fini ! Le seul projet, c’était ma maison et ça a pris 7 ou 8 ans ! Et encore, je suis parti avant que ce soit fini ! Est-ce qu’au cours de votre carrière vous avez eu l’occasion d’approcher d’autres types de doubles peaux, de nature différente, que ce soit juste protection solaire ou même peut-être végétalisée ? Végétalisée, non. Par contre, peaux différentes, oui. Je peux partager mon écran ? je peux partager mon bureau par exemple. C’est nos bureaux à Lausanne, Crissi pour être exact, Losinger Marazzi est locataire de 3 étages dans ce bâtiment qui a été développé par Patrimonium et c’est Losinger Marazzi qui construit. Et on a fait une certification *inaudible*, dans lequel il y a une fausse double peaux, que vous voyez un peu dans l’écran. Ça c’est une coupe verticale, dans laquelle on voit un triple verre à l’intérieur, un store à lamelles, ensuite une peau extérieure. Par contre, c’est ouvert tout en haut. Il y a un grillage qui est présent et qui

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permet à l’air de passé en toute saison. C’est vraiment une double peau esthétique, ça ne sert pas à grandchose pour l’acoustique, ni pour le thermique mais, il est beau, quoi ! Il finit la façade et protège les stores à l’intérieur. En termes de performance thermique, on suit les consommations de notre bâtiment mais, je ne suis pas capable de dire si on consomme plus ou moins. Souvent la première année d’exploitation d’un bâtiment, on consomme plus pour différentes raisons : certains travaux qui ne sont pas finis, certaines portes qui restent ouvertes à cause des travaux, … Une des choses c’est la programmation des stores ; ça a pris un peu de temps. Ils ont développé une sorte de principe où quand la température extérieure dépasse un certain seuil, 21°C, pour plus de 24h, la clim s’active et les stores en lamelles basculent en automatique, ça veut dire qu’ils descendent en fonction de l’ensoleillement des façades. Ça, ça a été fait assez récemment. Je ne pense pas que la double peau peut ne rien apporter en termes de performance thermique ou acoustique des bâtiments. C’est vraiment un choix architectural. C’est vraiment plus l’esthétique qui prime par rapport aux autres aspects qu’elle peut avoir. Oui tout à fait. Ok je vois, est-ce que vous avez eu des cas de doubles peaux qui auraient été même mal conçues et qui auraient nuit au confort des usagers, auraient impacté négativement ce confort-là ? Par exemple, à titre indicatif, ce bâtiment avec une double peau rend inaccessible de l’extérieur la ventilation naturelle. L’équipe d’exploitation a fait un choix d’enlever toutes les poignées de fenêtre pour éviter que les gens ouvrent les fenêtres pour diverses raisons. Les 2 raisons principales, c’est : si certains endroits sont en dalle active, il est possible en toute théorie de refroidir la dalle, faire rentrer l’air chaud qui va condenser sur certains appareils ou espaces et donc faire rentrer l’humidité dans le bâtiment. L’autre raison, c’est qu’ils disent que ça peut dérégler le système double flux en ventilation ou chauffage. Donc, on a de belles fenêtres mais, on ne peut pas les ouvrir ou les utiliser ! Donc il faut éduquer les gens sur un principe qui est peut-être pertinent pour certaines personnes mais, pour d’autres, ils ne vont pas comprendre pourquoi ils ne peuvent pas profiter de la mi-saison, car il y a beaucoup de mi-saison en Suisse. Pourquoi je dois me contenter tout le temps d’avoir la ventilation double flux qui marche ou qui ne marche pas ? Est-ce que justement par rapport à ces doubles peaux qui aujourd’hui n’ont pas forcément de rôle thermique ou acoustique et qui ont plus un rôle visuel, quel champ de recherche vous pensez qu’il faut privilégier pour tendre vers des solutions plus pertinentes ou plus efficaces sur ce type de façade là ? Je pense qu’il faut faire des études plus poussées sur les impacts d’énergie grise, analyse de cycle de vie, et/ou analyse coût global du bâtiment en exploitation. Il y a deux raisons : une double façade avec beaucoup de verre et beaucoup d’acier a un impact sur le bilan énergétique, donc aujourd’hui si on souhaite baisser nos émissions de CO2 scope 3, donc vraiment la partie construction du bâtiment, il faut faire attention à tous ces matériaux qui ne sont pas forcément nécessaires dans le bâtiment. Pour garantir les bonnes performances énergétiques du bâtiment, il faut regarder les façades doubles peaux avec un œil critique d’un point de vue bilan énergétique, et analyse de coût global : comment on entretien ces espaces ? Comment on les nettoie ? Combien ça coûte ? S’il faut ouvrir les fenêtres à l’intérieur une par une pour nettoyer les intérieurs, etc, combien de temps ça prend ? C’est quoi le coût d’exploitation ? Je pense que ces 2 éléments-là n’était pas au sujet, il y a quelques années ou pas assez importants. Pour moi, mon expérience avec les doubles peaux, il a sa place pour certains projets emblématiques, pour un Frank GUERY, des grands archis qui veulent faire un bâtiment emblématique, important. Moi, je suis assez douteux sur les vrais bénéfices que l’on peut avoir sur un projet bureaux, surtout bureaux, en termes de consommation énergétique, bilan CO2, je suis très douteux sur le bénéfice positif, en plus des bâtiments tout en verre. Je pense qu’il n’a pas sa place aujourd’hui sur le marché parce qu’il faut climatiser tous ces espaces, comme vous le voyez c’est un bâtiment qui est très beau mais, il est tout noir donc d’un point de vue pilote de chaleur, c’est une mauvaise conception, avec une double peau, un faux double peau, qui isole encore le bâtiment donc il faut encore plus de besoins en clim. Donc pour moi, c’est complètement contre les enjeux environnementaux aujourd’hui, par contre, il est beau ! C’est sûr ! Je me demandais aussi en termes de choix sur ce type de façade, aujourd’hui dans les équipes de conception, les raisons qui pourraient écarter ce type de façade des solutions envisagées. Qu’est qui peut dissuader un architecte ou une équipe de conception en général, de mettre en place une double peau ? Est-ce que ça va être des études thermiques ? est-ce que ça va être la contrainte budgétaire ? ou même les contraintes techniques avec des règlementations coupe-feu qui sont trop contraignantes ? Quel est le frein principal en tout cas à l’utilisation de ces doubles peaux dans la conception aujourd’hui ? 175


Le frein principal, j’imagine en France, c’est les coûts ! Après coupe-feu etc, je ne suis pas expert en coupefeu mais, on va dire que la plupart sont des bureaux avec un certain standing et donc le coupe-feu n’était pas que je sache un énorme enjeu. Ce n’était pas forcément un centre commercial, ce n’était pas forcément un hôtel avec des chambres. Mais je ne suis pas du tout expert en coupe-feu mais c’est peut-être un enjeu. Il y a un autre bâtiment sur lequel j’ai travaillé pendant une certaine période, c’était la Samaritaine à Paris, qui a une façade …. (je vais te partager ça) … qui est juste magnifique ! Je n’ai pas eu l’occasion de la visiter mais c’est vrai que d’esthétique en tout cas, c’est assez beau En plus avec un effet miroir… C’est splendide ! c’est un coup de génie ! Ce sont des galeries commerciales, c’est ça ? Oui, c’est DFS qui a investi des duty free shop. Ce sont des commerces qui ont été par la suite repris par LVMH, donc ce sont des galeries de haute-couture ou de montres, des choses comme ça. Oui, il est beau ! En termes de frein financier, il n’y en n’a pas trop sur ce type de projet ou moins de frein. Ça a l’air assez léger comme structure sur ce bâtiment-là, enfin la structure portante en tout cas de la double peau. C’est vraiment esthétique, structure derrière, oui c’est très léger. Après, vous avez travaillé uniquement sur du neuf ou vous avez eu l’occasion de travailler sur des projets de rénovation, de réhabilitation avec ce type de solution là ? La plupart des projets, ou sinon la totalité, c’est neuf sauf cas particulier de la Samaritaine dont une partie a été rénovée et une partie construite à neuf. Ce que vous avez vu tout à l’heure c’est la partie neuve du bâtiment. Est-ce que vous pensez que ça peut être une solution pertinente dans tout ce qui est rénovation énergétique dans le parc immobilier existant. De ce que vous me disiez, pas forcément en termes de thermique puisqu’on n’atteignait pas forcément les bonnes performances … qu’est-ce que vous pensez de ça ? Pour un projet lambda en rénovation, je pense que c’est impossible de rentrer dans les coûts. On fait un peu de rénovation et déjà les prix de départ sont beaucoup plus faibles, les marchés sont moins intéressants et la marge est plus difficile. Aujourd’hui, la plupart des bâtiments rénovés sont des logements, donc non pas trop. Si par exemple, il y a une façade classée, oui peut-être. Ou un bâtiment historique, quelque chose comme ça, oui. Peut-être, il faut trouver un endroit géographique ou une façon de contrôler les apports solaires qui est convenable, donc peut-être dans certains endroits c’est intéressant, peut-être en façade Nord en Sibérie ou en Suède, parce qu’il y a moins d’apport solaire. Je ne sais pas, je ne suis pas assez raffiné sur le sujet pour dire où et quand c’est applicable. C’est sûr que tout en verre, est-ce qu’on va continuer dans les façades toutes vitrées en bureau ? je ne pense pas et je ne sais pas. En tout cas, ce n’est pas souhaitable disons Ce n’est pas souhaitable pour l’environnement. Faire des bureaux à 40 étages tous vitrés, est-ce que c’est l’avenir de la planète ? Je ne pense pas. Je ne pense pas non plus. Par contre, il y a des endroits, à Dubaï ils font ça, ils ont peut-être d’autres idées mais ça ne semble pas la chose la plus logique pour la planète. Pour finir, pour parler des doubles peaux végétalisées, vous m’avez dit que vous n’avez pas eu l’occasion de travailler sur une double peau végétalisée jusqu’à présent. Qu’est-ce que vous pensez de ces doubles peaux ? Est-ce que ça peut être une solution justement moins impactante pour l’environnement ou pour le bilan carbone des bâtiments ? Disons qu’il y a une mise en place d’une structure support pour la végétation mais, justement cette végétation derrière c’est du vivant, il y a de l’évapotranspiration, par définition c’est juste des plantes donc le bilan carbone et l’énergie grise est relativement faible. Est-ce que vous pensez que ça peut avoir une certaine pertinence pour l’avenir des façades doubles peaux même si ça a aussi certains désavantages ou des choses un peu plus compliquée comme la question de l’entretien ou même la période de croissance des plantes qui fait que pendant cette période on a une absence de protection solaire, par exemple ? Est-ce que vous pensez que ce sont des solutions qui devraient se mettre en place un peu plus ou un domaine de recherche à pousser peut-être ? Je ne connaissais pas avant le questionnaire, cette idée de façade double peau végétalisée. Je n’ai pas eu l’occasion de creuser cela sur un projet. Le plus proche qui arrive en tête c’est un projet state building où on a des endroits végétalisés sur la façade qui va contrôler certains apports solaires vis-à-vis du cycle de vie. C’est une idée intéressante. Je pense que c’est un sujet à développer dans le contexte de recherche. Par contre, il 176


y a des endroits comme à Singapour, qui sont tellement en avance sur certains sujets. Je pense à tout ce qui est façade végétalisée et/ ou peut-être double peau. Ça vaut la peine de croiser leur expérience et voir ce que cela peut apporter. Voilà les sujets d’entretien, maintenance, humidité, gestion de ces espaces parce qu’il faut avoir un certain accès. Il faut penser à tout cela et je pense que ça va faire encore enchérir le prix de la façade. J’estime que ça risque d’être encore moins accessible. Est-ce que c’est une solution intéressante ? oui, peutêtre pour certains projets phare. Est-ce que c’est possible de généraliser ça ? Non, je ne pense pas. Il faut déjà qu’on maîtrise les toitures végétalisées, les espaces extérieurs végétalisés en termes de biodiversité, de faune et de flore des espèces locales, des aménagements en exploitation sans pesticides. Je pense qu’il faut le temps pour qu’on arrive à cette maturité de tous ces éléments avant d’attaquer une double peau végétalisée. C’est effectivement une idée intéressante mais, je pense que ça pose beaucoup d’enjeux. Aujourd’hui, on travaille de plus en plus avec le bois, comment ça va réagir une sorte de végétalisation zone humide à l’intérieur d’une peau, avec le bois ? Je ne sais pas mais c’est un enjeu, donc c’est plutôt un domaine de recherche aujourd’hui. Oui. Et en parlant de bois justement, est-ce que dans certaines doubles peaux sur lesquelles vous avez eu l’occasion de travailler, vous avez déjà eu l’occasion de mettre en place une structure en bois, plutôt qu’une structure métallique, parce que j’ai l’impression que c’est quelque chose qui ne se fait pas beaucoup sur les autres solutions de doubles peaux en tout cas ? Déjà avoir des fenêtres en bois ou bois-alu, ce n’est pas toujours donné. Alors trouver une façade en bois double peau, je n’ai pas en tête un projet qui a fait cela. Voilà, j’arrive à peu près au bout de mes questions. Peut-être c’est à moi de poser des questions : est-ce qu’aujourd’hui ce type de façade, double peau végétalisée, est utilisée quelque part dans le monde ? Oui, oui, j’ai quelques références. J’ai beaucoup de mal à trouver des références. On a (partage d’écran) Il y a l’architecte Edouard François, en France, qui tente de mettre de plus en plus en place ce genre de façade. Il y a un autre projet qui s’appelle La Maison de la biodiversité, à Paris. C’est un système de treillis tout autour de … Ça c’est dans le 14ème ou 13ème arrondissement … oui, je vois bien ce bâtiment. Ça c’est un grillage dans lequel il y a des vignes grimpantes. C’est ça que vous appelez une double peau végétalisée ? Structurellement, c’est un peu un cas particulier, parce que ce n’est pas une structure indépendante. Ça se rapproche de la double peau végétalisée puisque ça constitue une couche supplémentaire à la façade principale. Ah, OK ! moi j’imaginais une double peau végétalisée : peau / peau / verre / verre … Non justement, c’est sans verre … Ah, OK ! Attendez, je dois avoir d’autres exemples D’accord. Moi, j’imaginai autre chose En fait, le terme double peau désigne surtout le fait de ramener une couche supplémentaire à la façade. Pour le cas des doubles peaux végétalisées, c’est souvent des treillis métalliques qui sont mis en place avec des plantes grimpantes qui partent du sol et qui viennent investir toute la façade. Oui, je trouve que c’est intéressant. La façon dont j’ai répondu à la question, ce n’est pas forcément la façon dont je répondrai maintenant. Parce que pour moi, une double végétalisée, c’était peau / peau donc verre / verre avec des plantes à l’intérieur. Mais, c’est façade … C’est façade et plantes finalement, qui viennent former cette seconde peau justement. Ça, je le trouve très intéressant pour plusieurs raisons. Par exemple, H architectes qui a fait un projet. Ce sont des logements étudiants avec une seconde peau en treillis métalliques qui sert de support à la végétation pour venir apporter une protection solaire. En plus, de cela, ce type de double peau ça permet également d’avoir tout le phénomène d’évapotranspiration qui permet de rafraichir l’eau. Ça aussi c’est des avantages. Il y a le côté entretien qui est un peu différent des autres types de double peau. Il y a aussi la période de pousse qui entraine forcément une période sans la présence de cette protection solaire. Et le côté plus ou moins figé ou en tout cas, moins contrôlable de ce type de protection. C’est là-dessus que j’essaie d’orienter mon mémoire parce que j’ai l’impression que c’est une solution qui est très peu mise en place et qui me semble intéressante en termes de recherche. Oui, oui, je suis d’accord avec vous. Et cela semble très intéressant et en termes d’énergie grise, bilan C02, 177


pareil presque pas d’impact, presque positive parce que les choses grimpantes vont absorber le CO2 et le stocker. Par contre, il y a des feuilles et les feuilles, il faut les ramasser et les gérer. Et il y a certains maîtres d’ouvrage qui ne souhaitent pas que les choses soient un peu verts. Faire de la maintenance ou de l’entretien, c’est à la main donc ils ne veulent pas que les oiseaux viennent, que les feuilles tombent, ils ne veulent pas ramasser tout ça. Aujourd’hui, ces impacts en termes de frais d’exploitation, ils n’y sont pas sensibles, ils vont dire non. Ils ne veulent pas des grands arbres parce qu’ils ne veulent pas des feuilles, par exemple ! Aujourd’hui, avec les problématiques environnementales qu’on retrouve et qui sont de plus en plus présentes, dans mon mémoire, j’essaie de m’interroger sur : est-ce que ce type de solutions peuvent être pertinentes, est-ce qu’elles peuvent avoir un impact sur le confort ? Je n’ai pas encore assez creusé pour avoir une réponse mais, on peut se demander si ce n’est pas quelque chose un peu d’esthétique ou qui peut faire greenwashing si vraiment derrière on se retrouve avec plein de problématiques d’entretien ou une végétation qui prend trop de place ? En tout cas, c’est là-dessus que j’essaie d’orienter petit à petit mon mémoire. Je vais revenir sur le projet que j’ai partagé tout à l’heure dans lequel, maintenant que j’ai bien compris, il y a des façades doubles peaux végétalisées qui sont ponctuelles. Et donc, puisqu’on parlait d’entretien, ce n’était pas un gros enjeu parce que c’était assez ponctuel. En termes d’accès, il y avait un accès vers l’intérieur pour ces bacs qui sont présents. C’était facilement accessible et je sais que pour le maître d’ouvrage, ce n’était pas un sujet l’entretien. Ça ne couvrait pas forcément toutes les façades, c’était vraiment ponctuel. Ça, c’est en bois d’ailleurs, c’est structure bois avec des bacs métalliques. Je n’étais pas à la réalisation mais, c’est en bois. C’est en train de se construire aujourd’hui donc je pense que vous pouvez trouver sur internet avec des photos. Voilà ça c’est la toiture végétalisée. Est-ce que vous savez si ces parties végétalisées ponctuelles, elles ont fait l’objet d’études thermiques ? Non, ce n’était pas pris en compte dans les études thermiques. D’habitude dans les études thermiques, on ne prend pas en compte tout ce qui est végétalisation aux alentours. Pour les études lumière du jour, on va peut-être prendre en compte un certain facteur de réflexion qui est moyen dans le secteur, mais ce n’est pas quelque chose qui rentre en jeu. Non, il n’y a pas de protocole à suivre aujourd’hui, établi sur le marché, sinon on n’a pas le temps. Je vois. Je crois qu’on a fait le tour. Est-ce que vous auriez par hasard des idées d’architecte ou d’ingénieur qui serait familier avec le concept de double voire peut être de double peau végétalisée, que je pourrai contacter ne serait-ce que pour partager mon questionnaire ? Ça peut être PCA, par exemple. A l’époque, il y avait un architecte chez eux qui était très sympa. Je peux vous réserver ses contacts. Il était capable de répondre à des questions liées à State building et d’autres projets qui sont en cours chez PCA. Je veux bien, ce serait top. Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter peut-être ? Non, j’ai peut-être plus des questions que d’autres choses. Est-ce que des gens avec qui vous avez pu passer du temps sont favorables à ce type de démarche, c’est quoi l’opinion générale du marché de la construction autour de cette idée de double peau végétalisée ? Alors, je ne pense pas pouvoir vous donner une opinion générale puisque, pour l’instant, je n’ai pu avoir que 2 entretiens. Sur les deux autres personnes que j’ai interrogées, déjà pour tout ce qui est double peau, c’est vrai que j’ai eu d’autres retours qui vont un peu dans le sens de ce que vous m’avez dit sur le fait que ces doubles peaux ne vont pas forcément être performantes en termes thermique ou même d’acoustique, en particulier les doubles peaux ventilées. Justement, j’ai eu le retour d’un autre ingénieur qui travaille beaucoup avec ce genre de doubles peaux et qui m’a expliqué que finalement le fait de devoir à la fois concilier la thermique d’été, la thermique d’hiver, le côté ventilation, fait que dans le meilleur des cas, on arrive à quelque chose d’assez moyen, performant moyennement dans les différents cas de figures, et que, du coup, ce n’était pas forcément une solution très pertinente même si il continue à travailler sur ce genre de solutions. Après, sur cette solution de double peau végétalisée, j’ai plutôt de bons retours. C’était une solution à creuser car, aujourd’hui, ils n’ont pas l’impression que ce soit vraiment connu, qui a assez de notoriété, pour pouvoir avoir vraiment une place dans la construction à ce jour. Ils sont plutôt optimistes sur ce genre de solutions. Je n’ai pas eu, en tout cas, de personne qui avait eu l’occasion vraiment de travailler avec beaucoup de projets de ce type-là. J’ai eu l’occasion d’aller à une conférence d’Yves Perret, qui a fait un bâtiment avec une double peau végétalisée. Il m’expliquait que ce genre de mise en place, c’est plutôt quelque chose qui est venu naturellement et pas forcément avec tout un tas d’études thermiques, de certificat, de performance 178


énergétique etc. Dans ce projet où il l’a mise en place c’est ce côté naturel et spontané, qui a fait que, finalement, c’est quelque chose qui a l’air de fonctionner aujourd’hui, même s’il y a eu quelques soucis. C’était pour un bâtiment de bureaux en R+4 et, forcément, le temps que les plantes grimpent jusqu’en R+4, il a fallu 4 ans. Et encore, 4 ans, c’était quelque chose d’assez rapide. Ça veut dire 4 ans sans protection solaire, même si aujourd’hui ça a l’air d’être quelque chose qui fonctionne assez bien. Je vais essayer de vous retrouver la référence. C’est un bâtiment à Clermont Ferrand. Non, je ne l’ai pas sous la main mais, je pourrai vous l’envoyer. Pas de soucis. Je trouve qu’en termes de performances énergétiques, ça va dans le bon sens ; utiliser les apports solaires en été ; apporter, quand les feuilles tombent, la lumière du jour en hiver, ça va dans le bon sens sans rien faire. Il y a des choses qui ne sont pas quantifiables comme la biophilie. Les gens sont plus à l’aise, moins stressés, plus contents avec des plantes qui sont autour d’eux, donc sa va dans le sens de biophilie, qui ne sont pas vraiment mesurables. Je pense qu’aujourd’hui ça apporte que des bénéfices avec un peu d’entretien de plus. Il faut dimensionner les structures et les façades pour que ça tienne bien. Ces éléments, il faut y réfléchir à l’avance. Je trouve l’idée très intéressante et très alignée avec les diminutions des îlots de chaleur qui, aujourd’hui, c’est un vrai sujet surtout dans les milieux urbains. Tout à fait, oui. C’est une ouverture que je compte aborder dans mon mémoire. J’espère avoir un entretien avec, Benjamin Morille, une personne qui s’est spécialisée un peu dans la quantification des effets bénéfiques de la végétation à l’échelle urbaine, et notamment, la végétation en façade. J’espère qu’il pourra m’apporter des réponses intéressantes. Je compte lui poser la question : qu’est-ce que ça pourrait donner dans le futur si des solutions de façades végétalisées de ce type étaient mises en place à une plus grande échelle comme à l’échelle urbaine, est-ce que ce serait vraiment bénéfique ? En tout cas, dans le peu de recherches que j’ai faites, j’ai l’impression que la réduction des îlots de chaleur urbains par la végétation ne peut être vraiment efficace que par la multiplication de façades ponctuellement végétalisées, et oui c’est une piste que je compte aborder dans mon mémoire. C’est bien. Je crois qu’à Singapour, ils sont très en avance sur l’aspect végétalisation et façade. Je crois que ça vaut la peine de chercher un peu sur internet des projets, des concepts qui sont faits là-bas. Pour en avoir discuté récemment avec quelqu’un de là-bas, sur cet aspect, il m’a dit qu’ils sont très en avance là-bas. OK, ça marche. Je ferai ça. Vous avez des questions peut-être ? Non, c’est tout bon. Merci pour le temps. Merci à vous, merci beaucoup pour m’avoir accordé ce temps. J’espère que ça va m’aider à avancer et trouver une direction pertinente à donner à mon mémoire. Voilà, merci. Je pense, pour être honnête, il y a un grand futur sur cet aspect-là. C’est quelque chose que l’on pousse de plus en plus dans nos projets donc, si vous rester dans cette ligne, cette expertise entre façade et végétal que personne vraiment maîtrise aujourd’hui, il y a certains spécialistes dans les végétaux et certains spécialistes en façade, mais enfin les deux, il y a vraiment peu de personnes qui maîtrisent les deux. Ça va faire que du bien et en termes d’opportunité, je crois qu’il y a beaucoup d’opportunités là-dessus. J’espère. Merci beaucoup et je vous souhaite une bonne journée. Oui, merci également. Au revoir.

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Retranscription de l'entretien avec Vinicius RADUCANU Datant du 21 Avril à 11h00 (durée : 35mn) Je travaille sur les doubles peaux et peu à peu mon sujet de mémoire s’oriente vers les doubles peaux végétalisées et du coup, déjà, pour commencer, quelle a été votre approche de la double peau. Est- ce que cela a été un article, une recherche, un projet directement ? Cela a été un article je pense C’était quel type de double peau ? C’était quand on a commencé à regarder les double peaux, côté école, des espaces non chauffés extérieurs. Après, avec votre agence, vous avez eu l’occasion d’en mettre en place plusieurs dans vos projets ? On a essayé, on a essayé … On a fait des concours plutôt avec des façades qui ont éventuellement une première épaisseur, dans des écoles pour s’approprier cet espace qui est devant la classe avec peut-être, selon l’orientation, si c’est une orientation défavorable et qu’on n’est pas au Sud, de mettre des supports de végétation, des choses comme ça quoi ? Et ce qu’on aime bien, c’est dessiner des façades que les thermiciens n’aiment pas trop, sans allège parce que ça fait des apports solaires qui sont plus présents dans ces parties basses là et on a aussi peu d’efficacité d’éclairage mais ça te donne un rapport à l’extérieur qui est autre. Comme c’est souvent des façades en rez-de-chaussée pour des classes donc il y a aussi un rapport avec l’extérieur qui se met en place. La question c’est comment on crée cette deuxième épaisseur juste près de la façade ? Donc là, il y a une double peau, c’est un peu fourre-tout, quoi. Il y a des situations où on plante en pied de façade pour pouvoir apporter un peu de fraicheur par évapo-transpiration mais, voilà il faut faire aussi attention car dans le bâtiment, on aime bien écarter l’eau des façades pour ne pas avoir de problèmes au niveau des fondations. Ça dépend, il a des endroits plus sensibles que d’autres notamment lorsqu’il y a des argiles gonflantes, là on essaie de ne pas avoir de variations hydriques dans le sol et que le sol soit le plus stable possible. Et puis, après, les façades on essaie souvent de les mettre au Sud. C’est tellement plus facile. Quand on est orienté Ouest, là on met des lames verticales et donc là il y a des petites lames, petit écartement entre les lames et des grandes lames, grand écartement entre les lames, donc en fonction de cela ce n’est pas la même perception de l’extérieur mais cela dirige quand même le regard. J’ai essayé des petits trucs cinétiques sur ces lames justement pour accrocher le soleil. Bon, beaucoup de projets qui ne sont pas sortis parce qu’on était sorti deuxième dans les concours. Un concours pour un lycée à Montpellier, le lycée Mermoz, une espèce de découpe dans les lames, il a de l’ombre comme c’était très rasant. Les ombres rasantes ça met en relief les petits reliefs donc avec des petites découpes, les ombres, ça donne des trucs un peu cinétiques dessus. Et puis, sur l’autre lycée Hemingway, l’idée c’était d’avoir aussi des pièges à son dans l’épaisseur de la lame, d’avoir un matériau poreux, parce que c’était sur une avenue très passante donc là ça devenait un truc plus complexe, même pour nettoyer le vitrage. L’intérêt d’avoir des éléments absorbants est que le bruit rentre mais moins par reflet, que ce soit plus *inaudible* frontal quand il y a la voiture qui passe. Et après, ce qui est intéressant, ce sont les doubles peaux qui arrivent juste à filtrer le froid de l’hiver avec des façades qui sont très changeantes selon la saison. C’est pour ça justement, ces façades à double peaux végétalisées avec le côté, dès qu’on peut mettre des plantes grimpantes, caduques, tout ça, ça me paraissait être quelque chose d’intéressant C’est intéressant aussi, mais il faut faire attention aussi aux périodes de végétation des plantes qui ne correspondent pas forcément, parfaitement, au moment où on a besoin de protéger. C’est intéressant de regarder à quel moment ça fleurit, à quel moment ça fait des feuilles, à quel moment ça perd ses feuilles, mais c’est sûr c’est la solution qui parait la plus simple d’un point de vue bioclimatique. Maintenant, il a un peu d’entretien et quand tu es sur des bâtiments publics, il y a ce problème d’entretien, de la maintenance parce que les équipes ne sont pas forcément dimensionnées, formées pour la gestion du végétal à la petite cuillère, ça c’est un sujet. Sur une école existante, il y a des rosiers de Banks. C’est des grandes lianes qui ont poussé sur une espèce de percola devant des grandes salles de classe, devant de grandes baies vitrées Ouest. Donc là à part, boucher la vue vers le jardin et les enfermer les classes… Ce que l’on fait, c’est que l’on remet les rosiers de Banks mais, à distance, mais pour le soleil frontal, il faut qu’on plante à bonne distance pour avoir justement, cacher l’incidence solaire horizontale. C’est très compliqué l’incidence horizontale. J’ai fait un centre technique municipal avec mon GIE, justement à Villeneuve Les Maguelones, où il y avait

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quelques lames verticales sur la partie bureaux en surépaisseur mais, c’était aussi une histoire de perception de la façade. Là, le bâtiment il est orienté Sud-ouest, le pire du monde donc j’avais étudié pour que les lames bouchent plutôt le soleil du Sud ou de l’Ouest. Il fallait choisir en la peste et le choléra. Il est bas le soleil, il est bas tôt. Les périodes de mi-saison sont les plus difficiles à maîtrisées. Après, les doubles peaux végétalisées, je crois qu’il y a peu d’études sur la densité du feuillage réel. Je crois qu’il y avait une étudiante qui a travaillé il y a qq années sur le sujet avec Robert Celaire. J’ai contacté Robert Celaire mais il ne m’en a pas parlé ; il m’a donné des personnes à contacter. On ne plante pas assez de grimpantes en fait ; on plante des arbres c’est tout. Il n’y a pas de réflexe. Il y a un entretien. J’ai l’impression que c’est vraiment le plus gros frein pour la démocratisation de ces façades ; ce côté entretien qui a l’air de ne peut pas pouvoir se faire tout court ou qui a l’air d’effrayer tout ce qui est maîtrise d’ouvrage. Je m’interroge sur la pertinence des doubles peaux en général, car c’est quand même une mise en place de matière. Dans les retours que j’ai eus, c’est comme une mise en place de matière supplémentaire assez conséquente puisque on vient littéralement faire une deuxième façade. Est-ce que finalement, il n’y aurait pas des solutions moins techniques à privilégier ou est-ce que justement les performances que peuvent amener ces doubles peaux valent vraiment le coup, à long terme en tout cas ? La question c’est de quelle double peaux parle-t-on ? Parce que parfois on parle d’une résille qui est mise à distance par rapport à une façade existante, on parle de la « Mantilla », on parle de quoi ? C’est tellement fourre-tout. Tout ce qui est des résilles déportées de la façade : cela peut coûter très cher sans avoir des impacts sur le confort ; cela a un impact juste esthétique ! Les stores fixes, est-ce que c’est une double peau ? Est-ce que cette façade, qui est dans son jus depuis 40 ans, c’est une double peau parce qu’il y a une fine résille qui a servi pendant des générations à faire des stores ? A partir de quand parle -t-on de double peau ? J’imagine que tu as fait des catégories ? C’est ça ! J’ai travaillé sur une histoire de classification et de définition car la définition de double peau est quelque chose d’assez flou dans mes recherches. A partir de quelle épaisseur, quelle notion d’accrochage, de fixation, quand on passe d’une façade un peu épaisse avec plusieurs couches à justement une double peau ? J’ai vraiment fait cette distinction en m’expliquant que cette double peau reposait sur une armature secondaire qui était accrochée à la façade principale ou complétement indépendante de cette dernière. C’est pour cela que, aujourd’hui, tu ne fais plus de façade sans protection solaire. Qui dit protection solaire en plus de la façade, tu rentres dans cette complexité. Bien sûr, tu protèges souvent les ouvertures parce que les allèges pleines ne les protègent pas. A partir du moment où tu protèges le tout, peut être que là tu peux commencer à en parler. C’est une nécessité la protection solaire ; à partir du moment où elle est fixe, ça coûte quand même moins cher qu’une protection mobile mais, une protection mobile, ça permet de mieux maîtriser l’aléatoire. Tu as toujours le même filtre qui se met en place que ce soit pour la lumière quand c’est fixe. Le filtre, c’est l’incidence des lames qui fait que ça change ; tu as la même porosité suivant la direction. Il y a juste des zones, des incidences particulières contre lesquelles tu veux te protéger et pas d’autres. C’est pour cela que tout ce qui est résille, ça ne marche pas car ça te fait le même degré d’opacité tout le temps. C’est surtout le changement en fonction des saisons qui est un peu compliqué à gérer. Surtout quand tu fais des bâtiments maintenant performants, les apports solaires ça compte ; à l’intérieur, dans les bilans énergétiques, les apports solaires l’hiver, ce n’est pas négligeable. Quand tu te prives de ces trucs-là, tu te prives d’une source d’énergie. Maintenant, idéalement, un bâtiment hyperperformant, il prend de l’extérieur ce qu’il lui faut ; l’été, il est suffisamment sur ventilé, naturellement régulé pour que tu aies besoin d’un petit poêle pour le système de chauffage. Donc voilà, c’est cela qu’il faut aussi voir. Une résille qui est juste pour l’esthétique, c’est peut-être cher pour pas grand-chose, mais cher pour qui ? Si tu fais une banque, ce n’est la même chose que si tu fais un logement social. La double peau, elle est intéressante quand tu commences à avoir des espaces extérieurs non chauffés. Pour que justement l’épaisseur puisse être appropriée … Suffisamment épaisse et pas seulement une épaisseur technique lié à la …et souvent ça marche assez bien, si tu es bien orienté, entre l’épaisseur des planchers qui débordent au niveau de la protection de la façade principale, ce que tu mets comme peau qui souvent c’est un truc qui n’est pas hyper cher parce que tu as besoin de performance et puis, tu as cette épaisseur complémentaire qui est quand même géniale. Après tu as des double peaux très techniques, des trucs pour réguler les températures comme le NUAGE à Montpellier. Cela aussi c’est une double peau qui n’a rien à voir avec une grille avec du lierre dessus ! Oui complètement, j’ai d’ailleurs contacté Nicolas Pauli pour mon questionnaire et il m’a proposé un 181


entretien pour en parler. Après dans le cas où cette épaisseur-là n’a que pour vocation, une vocation technique, le sacrifice de surface utile qui est induit par cette épaisseur, est-ce que c’est quelque chose qui est plutôt mal vu par les maîtrises d’ouvrage ? Non, pas forcément car ce n’est une surface de plancher. Ça ne rentre pas dans le calcul de l’emprise au sol. Dans le cadre des concours que vous avez réalisés, est-ce que pour mettre en place les doubles peaux, l’étape de conception restait un peu instinctive ou est-ce que vous avez fait appel à un bureau d’étude ? Non, on fait des simulations en interne d’éclairage et tout cela. On a un bureau d’étude qui est intégré dans le groupement. La conception se fait archi-ingé directe. Il n’y a pas forcément des simulations thermodynamiques en phase concours parce que par rapport au temps qu’on a et à l’argent d’un concours, les solutions des deux façades ne sont pas définies dans les premières semaines. Par contre, quand on bosse en 3D avec les objets qui sont géoréférencés, correctement orientés, au moins on voit au niveau des protections solaires comment ça se passe. Ils ont aussi des regards sur les questions d’apports d’énergie globalement, des petites moulinettes rapides pour dire : vous avez trop de vitrages, vraiment on ne va pas s’en sortir par rapport aux performances à atteindre. Tu vois, il y avait par exemple un concours pour le resto universitaire de Montpellier (St Priest), on était sorti deuxième, c’est Nebout qui a gagné : c’était un projet en pierre, très léger en bois. Je ne sais pas si c’était de la double peau avec une orientation principalement Sud-Nord. Il y a un système de lames qui font brise soleil de ce côté-là, qui sont épaisses. De l’autre côté, ça devient tellement épais, ça fait une espèce de terrasse, tramée. Devant, comme il n’y a pas de problème solaire, au contraire, le fait que ça vienne par-dessus, ça reflète et ça rapporte de la lumière indirecte dans un truc qui sinon serait Nord et ça fait des espèces de balcons. Et là, c’est une terrasse aussi pour le resto, la partie soutenance de thèse, VIP un peu, du resto universitaire. Et là c’était combiné avec un système de cheminée de ventilation solaire, qui chauffe et l’air chauffe et puis ça absorbe et ça fait de la lumière aussi. J’aime bien ce genre de trucs ; je n’ai jamais réussi à le faire en réalité ; pour l’instant que dans les concours. On n’a jamais trop fait de résille perforée avec un modèle juste pour …si juste pour se protéger des situations de grande mise à distance très proche, oui. Là, j’ai fait le concours avec mon associé Stéphane mais, après c’est lui qui s’est occupé de tout. Je n’ai plus du tout suivi après le concours. On a fait des tôles perforées devant des salles de classes parce qu’il y avait un passage au raz des salles de classes. Il y a des boites qui font de la perforation ; tu donnes le dessin et ils te font le tramage et ça te fait une image de truc sénégalais. OK je vois. Est-ce que vous pensez que toutes les solutions de double peaux végétalisées, même si aujourd’hui elles ne sont pas trop mises en place, pourraient être détournées et devenir des solutions de greenwashing ou presque ? Non, je ne pense pas car c’est du vrai green. Je pense que c’est bien qu’il y en ait plus. Je pense qu’on n’a pas trop une culture de travail avec le végétal. Il faut mettre de l’argent, accepter les cycles longs. Les lianes ça pousse vite par rapport aux arbres. On ne met pas assez d’argent dans la partie paysage aujourd’hui pour un milliard de raisons, parce que on n’a pas d’argent mais ça ne coûte pas non plus des masses. Il y a une culture de l’entretien : c’est plus facile quand c’est un espace appropriable de l’ordre de l’habitation que quand c’est un espace d’activité. Je pense que la question de l’entretien du bâtiment de manière générale, c’est une vraie question de sociologie. Je crois qu’on a à peu près fait le tour. Aujourd’hui du coup, vous pensez que c’est vraiment la question de l’entretien qui peut être le plus gros frein au développement de ce type de façades ? Et puis, la gestion de l’eau de pluie aussi je pense ; la gestion des sols et de l’eau. C’est l’un des points techniques pour lesquels on est hyper mal lotis. Quand je fais venir Claire Atger (spécialiste des systèmes racinaires) on apprend des trucs. Il faut se donner les moyens : il faut mettre de l’argent mais pas que dans l’achat du végétal, dans l’entretien, dans la préparation, tu travailles avec le vivant et ce qui est génial, c’est qu’il fait le job tout seul. Tu fais un bâtiment en coupe, tu le dessines autrement ; ta réflexion ne s’arrête pas au pied de façade ; je prolonge, j’ai un départ en terre, j’ai une connaissance du vivant donc je sais que si je plante tel truc ça va aller bien pour mes fenêtres mais, je sais aussi qu’il va monter jusqu’au R+3 ou pas, ou juste en R+2 donc ça veut dire que je mets un deuxième bandant en R+2. Il y a une vraie architecture du vivant à imaginer au-delà d’avoir un support de grimpant. C’est ça qui est important. Est-ce que du coup sur les concours que vous avez eu l’occasion de faire, est-ce que vous seriez disposé à partager certains documents, ou des échanges avec le bureau thermique ? Je n’ai pas gardé les échanges car on s’est fait viré des réunions de travail. On peut si tu veux, dans les 182


prochains jours, sur des trucs que tu vois en ligne et qui t’intéressent me demander si on peut en parler davantage et je t’envoie des trucs. Est-ce que vous auriez des idées d’architectes ou d’ingénieurs qui sont familiers avec ce type de façade et que je pourrai contacter ne serait-ce que pour répondre à mon questionnaire ? Il y a des stars qui font cela mais, ils ne vont jamais te répondre ! Il y a Jan Van Santen*, qui sont à Lille, un bureau d’étude de façades qui font des projets prestigieux. Il y Philippe Samyn qui est belge qui fait des trucs comme cela. Il a T/E/S/S à Pars, qui sont les successeurs de RFR. Nicolas Pauli a fait des chapiteaux double peau… Sinon, est-ce que vous auriez des idées de projets ou de références bibliographiques, en particulier, des projets de double peau végétalisées car j’ai vraiment du mal à en trouver ? Non, je n’en connais pas beaucoup. Quand tu vois la catastrophe le truc à Port Marianne, un pignon d’immeuble où il était censé avoir des plantes qui grimpaient : c’est mort, il n’y a plus rien ! Il y a juste la grille, le câble, c’est une catastrophe. Là, c’est vraiment pour faire joli ; derrière il n’y a pas d’usage. Je vais noter pour aller voir. OK. On a fait le tour. Je vous remercie beaucoup pour votre temps et j’espère que ça va donner une direction plus pertinente à mon mémoire. Là, je suis dans la phase d’interrogation de mon mémoire et je ne sais pas encore tout à fait quelle direction lui donner pour l’instant. Avec plaisir. *Robert-Jan Van Santen, qui a fondé son « Bureau d’études façade van Santen » (devenu VS-A par la suite)

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Retranscription de l'entretien avec Philippe SAMYN Datant du 29 Avril à 16h30 (durée : 1h 04mn) […] Dans le cadre de mon mémoire, j'ai décidé d'aborder le sujet des double peaux, car elles constituent selon moi un outils pertinent pour les qualités de confort et d'esthétique qu'elles peuvent apporter à un bâtiment. […] Tout d'abord, quelle a été votre première approche de la double peau ? Est-ce que ça a été directement un projet ? Est-ce que c'était dans le cadre d'une recherche, d'un article ? Pour commencer vous avez mélangé deux termes et il faut clarifier cela. Souvent, je cite Pierre Boulanger, à qui Citroën a confié la tâche d'inventer la deux chevaux. Boulanger, dans l'effort demandé pour créer cette voiture extraordinaire, reprenait aisément les ingénieurs, comme je vous reprends maintenant, en disant : « ne me parlez surtout pas d'esthétique ! ». Pour moi, l'Esthétique appartient aux domaines des arts, mais elle n'appartient pas au domaine de l'Architecture. L'architecture est une manifestation intellectuelle particulière, c'est le fruit d'une considération imparfaite d'une série de préoccupations. L'architecture parfaite n'existe pas. Ce sont des sujets qui préoccupent les concepteurs de constructions et bien évidemment, l'enveloppe des bâtiments, ce qu'elle peut apporter et quelles sont ses performances. C'est au lendemain de la guerre qu'est apparu la troisième dimension de la façade. Jusqu’à avant la première guerre mondiale, la façade avait naturellement une épaisseur. La guerre a tellement appauvri l'Humanité à tous les niveaux qu'on a dû réduire cette épaisseur au strict minimum pour satisfaire nos besoins. Cette influence historique a donné au bahaus des ailes et on a commencé à expliquer que cette faible épaisseur était une vertu. Alors qu'évidemment c'est tout sauf une vertu puisqu'on s’appauvrit d'éléments topologiques essentiels qui apportent une dimension […] Je suis ingénieur praticien de formation, j'ai poursuivi mes études d'ingénieur au MIT, où je me suis retrouvé pour exclusivement approfondir ou développer mes connaissances en calcul de construction métallique et en calculs dynamiques. Et donc je me suis retrouvé dans un environnement d'effervescence intellectuelle absolument magnifique et très poétique et je me retrouvais régulièrement dans des projets à Chicago, Boston et autres, en rencontrant des grands ingénieurs de l'époque. […] Je me souviens d'un entretien magnifique que j'ai eu avec Vincent Cannes *inaudible*, qui était l'ingénieur en chef du *inaudible* de Chicago et qui est, entre autres, l'inventeur du concept de *inaudible*, tout ça c'est Vincent Canne *inaudible*. Déjà j’étais frappé par cette morphologie standard avec un noyau central et une peau en verre la plus mince possible. Et cet ingénieur qui disait « mais c'est idiot, il faut envoyer la structure à l'extérieur », c'est à dire augmenter le moment inertiel du bâtiment. Et j'avais déjà été frappé par la logique de la pensée de cet ingénieur, et de dire que les bâtiments élevés, le noyau central était la manière la plus inefficiente de faire. En fait la simple peau est le petit frère ou la petite sœur du noyau central. Et c'est vrai pour à peu près n'importe quel bâtiment qui dépasse 3 ou 4 niveaux. Moi en tant qu'architecte j'ai toujours été forcé d'utiliser cette troisième dimension de l'enveloppe, d'abord pour des raisons de stabilité, d’économie de matière, et vite pour mettre des stores ou des volets. Je suis à moitié français, j'ai passé la moitié de mon enfance dans le midi, à Cannes donc j'ai la chance d'avoir profité des paysages flamands et des paysages méditerranéens. Donc cela a évidemment influencé ma balade intellectuelle, sur comment pouvons-nous faire le plus économiquement, le plus humainement et le plus humainement l'enveloppe d'une construction, et la double peau c'est simplement l'épaisseur de l'enveloppe. C'est une expression qui est apparu en réponse à la « maladie » de la simple peau. La double peau est seulement une manifestation de cette épaisseur. C'est le même objectif, vous prenez par exemple, dans le midi, un mur épais avec des volets qui se ferment, et vous avez une double peau ! Dans mes projets, très rapidement, cette évidence de la double peau en verre m'est apparue. Vous savez que l'architecture est d'abord le fait du commanditaire, c'est à dire que sans un commanditaire l'architecte est absolument incapable de produire quoi que ce soit. Le sort de l'architecte est intimement lié à la générosité intellectuelle du commanditaire et j'ai commencé par une série de projets qui se sont faits ratatiner parce que les commanditaires n'en comprenaient pas le sens jusqu'au jour où, par le plus grand des hasards, on me recommande à Sidmar, qui est la grande aciérie de l'industrie métallique de l'époque, qui devait construire

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un centre de recherche. Me voilà donc enfin, au début des années 90, à même de pouvoir réviser à grande échelle des principes d'architecture métallique, avec un commanditaire dont l'acier est le métier donc pour lui c'est un bâtiment dont l'architecture lui semblait assez logique. Dès lors, la troisième dimension de la façade est une évidence ! Avec du béton, vous pouvez vous contenter d'un bâtiment aux performances médiocres, en acier c'est impossible et on est obligé de donner une épaisseur. Donc on commence à faire un centre de recherche, et très vite, on nous demande de faire un siège à Bruxelles dans le centre d'affaires (cf. projet Brussimo ci-après) avec tous ces immeubles en béton, qui me paraissait fort étrangers. J'ai donc dis « écoutez il faut édifier un immeuble en verre transparent » parce que le contexte au départ c'était un « règne » de ces verres réfléchissants miroirs. Cette architecture avec ces verres dits « de hautes performances » qui renvoient l'énergie solaire sur les passants... Moi j'ai toujours essayé de me passer de ces verres là, et d'employer du verre ultra clair. Seulement quand on emploi du verre ultra clair, on doit s'occuper des préoccupations thermiques. En milieu urbain, la double peau a aussi des vertus acoustiques, et quand on emploi du verre clair, on peut non seulement assurer un haut degré de transmission lumineuse mais en plus garantir un rendu de couleurs, ce qui est la moindre des choses à offrir aux usagers, mais en plus de créer un environnement acoustique approprié. J'ai donc imaginé un système pour que la première enveloppe puisse s'ouvrir sur cet espace intermédiaire. Et cela rejoins un autre concept qu'on a théorisé maintenant, et tout particulièrement l'expression la plus pointue de double peau, pour le projet de l'école polytechnique à l'université de Bruxelles, pour lequel on vient d'obtenir, il y a précisément 3 semaines, après une procédure qui a duré presque 4 ans, le permis de construire. En fait on a dû démontrer, calculer, la résistance au feu de l'ensemble. Donc en fait il s'agit d'un concept que j'évoque depuis des décennies, qui est que dans nos climats tempéré, avec des hivers froids et des étés chauds, il faut tenter de favoriser la compacité géométrique maximale de la construction en hiver, c'est à dire maximiser le rapport de volume en clos de l'enveloppe, et en été, à l'inverse augmenter au maximum la surface spécifique, c'est à dire maximaliser la surface de volume en clos, et comme il n'y a pas de terrasse, il fallait des espaces tampons, donc cela consiste en des barres parallèles séparées par des atriums. Les atriums étant complètement fermés en période hivernale et complètement ouverts l'été, ce qui permet d'ouvrir des fenêtres vers l'espace tampon en été. Pour moi c'est la vertu première de la double enveloppe. C'est le cas pour le bâtiment Europa (référence 494), où cela marche bien, et où, en y ajoutant la question sécuritaire on ne parle pas de double enveloppe mais de triple ou quadruple enveloppe. Référence 225, Brussimo - Immeuble de bureaux pour la “European Free Trade Association” (EFTA) - 1993 On est en plein espace carcéral de bureaux urbains et tous ces immeubles sont en béton. […] Donc on a une peau extérieure qui sert d'éclairage et une ventilation par les longs tuyaux qu'il y a en toiture. Les fenêtres sur la double peau ont des châssis en bois et il y a des stores vénitiens du côté de la double peau, face aux châssis. C'est une des premières fois où des logiciels de calculs dynamiques étaient disponibles, même si personne ne leur donnait la moindre crédibilité à l'époque, mais heureusement les ingénieurs de production de l’aciérie employaient ces mêmes progiciels pour calculer les températures du process acier, donc pour eux employer ces logiciels était évident. C'est grâce à cela qu'on a pu convaincre le commanditaire que ce système fonctionnait. Et ce bâtiment est toujours là ! Référence 570, bâtiment E du campus la Plaine Projet Lauréat en 2010 Là, ce truc, qui a failli n’être à nouveau qu’un souhait vertueux, devient réalité. C'est le stade ultime, on n’est pas en milieu urbain, on est entouré d'espaces verts, et on est dans la situation la plus à même possible. Et pourquoi on emploierait une double peau dans ce cas-là ? Autant ouvrir bêtement sur l'espace extérieur non ? C'est là où le concept de grande compacité en hiver et de surface spécifique en été a 185


joué son plein. D'autant plus que c'est un bâtiment de recherche et d'enseignement qui est bourré de chaudières, donc on a en même temps des quantités incroyables de ventilateurs de toiture pour évacuer les gaz diode, et en même temps une quantité incroyable de cheminées pour évacuer les gaz brûlés, en ayant pris soin de dépolluer l'air balancé dans la toiture à la source, c'est à dire avec des filtres. Donc là c'est un cas caricatural dans le bon sens du terme. Et on va appliquer ça aussi dans un centre de recherche et de développement à Rixensart. Référence 317, Smithkline beecham biologicals sa (Centre de Recherche et de Développement à Rixensart) - 1999 Ici le commanditaire est un scientifique, un biologiste pointu, et qui a l'habitude d'utiliser des progiciels particuliers, et qui a lui aussi très vite compris l'intérêt de la double peau. Donc vous avez ici aussi une double peau extérieure, avec un atrium intérieur. Il s'agit d'une extension. En fait c'est un centre de recherche qui s'est étendu au fil du temps, donc on est venu atteler au bâtiment EST existant un grand parallélépipède horizontal, en profitant de la morphologie des lieux pour créer cet atrium central. On a d'ailleurs eu la chance d'être le premier dossier traité par la commission royale de dérogation en matière d'incendie, parce que, très vite, avec les doubles peaux, vous vous retrouvez avec des problèmes de sécurité au feu non négligeables. Cela fait qu'ici, la conjonction de la double peau et de l'atrium était assez exceptionnelle. De plus, c'est un sujet délicat, vous avez un étage de labos, un étage de bureaux, un étage de labos, un étage de bureaux. Et les bureaux sont interchangeables suivant le nombre de loc que vous avez en dessous, et là vous avez les risques biologiques en plus des risques environnementaux. Mais là, on parle de double peau étanches dont on peut maîtriser la perméabilité. Et puis si on prend maintenant la mesure de la troisième dimension de la façade, un des bâtiments les plus représentatif est le 577. Référence 577, Siège social d’AGC Glass Europe - 2014 Ici on a mis en place un concept qu'un avait développé pour le siège ENTE IDROCARBURI NAZIONALE, à Rome, concours qu'on a gagné mais qui n'a jamais pu être construit. On avait donc imaginé des ventelles qui bloquent le rayonnement solaire direct mais qui laissent passer la lumière. Quand on a gagné ce concours avec AGC, j'ai proposé la même chose, et étant donné que le commanditaire était producteur de verre, il ne se voyait pas mettre des ventelles en acier sur son bâtiment. Et donc il était prêt à développer des ventelles sérigraphiées en verre ce qui est magnifique même si ce n’est pas forcément la manière la plus économique de faire. Sur les photos on peut voir ces ventelles qui sont munies de bandes blanches sur les deux faces. Donc si vous regardez perpendiculairement ces ventelles, vous ne voyez pas à travers. Sauf que, comme cette image le montre, la lumière naturelle est réfléchie. Les ventelles sont guidées à l'aide d'une informatique pointue, avec les mesures des températures sèches et humides, du rayonnement solaire, de la vitesse du vent, etc. Tout ça c'est gérer par des machines, à l'échelle du bâtiment. Et donc ces ventelles bougent au gré des nuages qui passent, de manière à optimiser l’équilibre des températures pour jouir au maximum de la chaleur lorsqu'elle n'est pas 186


dérangeante, et de s'en prémunir un maximum lorsqu'elle est dérangeante, tout en garantissant un éclairage suffisant. Donc ça fonctionne vraiment très bien ! Mais de temps en temps il faut aller à l'entretien, donc ce sont des systèmes très performants mais en même temps très fragiles. Le bâtiment a une dizaine d'années et, de temps en temps, je passe devant et je vois qu'il y a un lot de panneaux en panne et je sais que très régulièrement ils doivent réparer un accumulateur à gauche ou à droite, mais c'est le prix à payer pour avoir un bâtiment zéro énergie. Ça montre aussi la limite du raisonnement : attention, pour faire des bâtiment zéro énergie, il faut aussi regarder l'énergie dépensée pour être zéro énergie, l'énergie gris si vous voulez. Voilà donc c'est un bâtiment très agréable, c'est un siège social, mais ce n’est pas un bâtiment pour les pauvres. Dans le même ordre d'idées, vous avez le 489. Référence 489, Immeuble de bureaux pour l’immobilière SEM - 2009 Là vous êtes à côté du siège la Bank Brussel Lambert (aujourd'hui ING Belgium), œuvre de Gordon Bunshaft, l'architecte de la lever house à Manhattan, et qui lorsqu'il est engagé par Léon Lambert pour faire son siège, découvre l'ouverture du béton architectonique, qui s'est développé *inaudible* et qui s'est retrouvé dans l’œuvre de Bunshaft *inaudible*. En face de ce bâtiment, réduit à une belle boîte de promoteur, comme vous pouvez le voir sur la photo, avec une caisse à savon en pierre naturelle avec des fausses colonnes régulièrement réparties, en bref l'immeuble vite fait bien fait des années 60 à Bruxelles. Et donc quand on m'a demandé de toucher à cet immeuble, j'ai commencé par enlever toutes les fausses colonnes *inaudible*, et puis ce bâtiment avait des performances énergétiques lamentables donc j'ai rapidement dû convaincre mon commanditaire de l'intérêt qu'il y avait de mettre quelque chose d'un peu plus humaniste à cet endroit-là, et donc j'ai gardé la structure profonde du bâtiment, j'y ai mis une bonne épaisseur d'isolation et j'ai habillé le tout avec des panneaux de bois. Et c'est en faisant les panneaux de bois *inaudible* et il pour ça il faut les protéger de la pluie. Et là on a développé un système de ventelles fixes que vous pouvez voir sur la photo. Par contre c'est beaucoup plus pérenne parce que ça ne bouge pas. C'est moins performant qu'AGC, mais ça permet aux occupants de l'immeuble d'ouvrir les fenêtres résultant un peu de bruit, mais aussi d'aller dehors fumer une cigarette entre deux réunions, et de nettoyer la façade même si c'est le concierge qui s'en occupe pour l'ensemble du bâtiment. On est d'ailleurs en pleine zone de *inaudible*, on est en face du palais royal, donc c'est un bel endroit. Ça nous a permis de mettre des stores en bambous à l'extérieur des châssis bois. Je vous montre tout ça parce qu'au fond on parle de façades épaisses, et sans parler du bâtiment Europa, le conseil de l'union européenne, le 494 avec les vieux châssis qui sont protégés de la pluie par des caillebotis, et où, là aussi on a une double façade, mais celle-là elle a aussi pour vocation de protéger contre une potentielle attaque d'une arme de guerre d'un russe qui serait planqué sur l'immeuble d'en face en vue aurait envie de descendre Macron par exemple ! Les double peaux ont aussi parfois des agendas cachés… Alors si vous parlez maintenant de façades végétales, on vient de se faire éliminer d'un concours, le 677.

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Référence 677, Magnifica Fabbrica: la technologie au service de l’écologie - Concours perdu en 2022 Là c'est le stade ultime en fait, j'ai dessiné ça il y a trois mois ! Il s'agit des atelier *inaudible* à Milan, sur le site de l'ancienne usine de *inaudible*, un concurrent de Vespa, où vous avez un site où il y a des dalles en béton qui se sont végétalisé, où les arbres ont vite fait de bouffer le béton et de transformer cette zone post-industrielle en écosystème. Et donc nous avions pour projet d'offrir plus de surface végétale après la construction de 100 000m² de *inaudible* qu'avant. Alors quand vous parlez de double enveloppe, il faut aussi penser au sol ! Vous savez que maintenant, un des grands enjeux c'est d'éviter de trop bétonner le sol et de modifier l'espace naturel des asticots et autres bestioles qui aèrent nos sols et qui permettent aux plantes de pousser. Et donc cela a donné un bâtiment sur pilotis, plus haut que le sol, équipé de panneaux photovoltaïques, et on proposait de développer une agriculture urbaine entière sous le bâtiment sur environ 100 000m². Le jury, un peu traditionnel, a trouvé ça trop excessif. L'autre sujet était d'éviter les flux de camion dans ce gigantesque ensemble, cet atelier de menuiseries, de charpenterie métallique, de tout ce qu'on peut imaginer, et de tout faire, par les composants intérieurs pour *inaudible* leur camion à l'entrée de l'ensemble. Et vous avez là cette façade végétalisée, qui est faîte de gabions et de débris caillouteux de béton prélevés sur le site et dans lequel on essaie de développer une végétation spontanée. Référence 390, Maison dans la périphérie de Bruxelles - 2007 J'ai eu l'occasion de travailler avec Patrick Blanc sur ce projet. Le commanditaire était un cinéaste fou, génial, et il avait une petite maison dans le style californien qu'il avait bricolé avec des copains architectes il y a une quarantaine d'année. On est parti d'un avantage, c'est que notre site était magnifique, et je lui ai tout de suite proposé de faire ce que j'ai appelé *inaudible*, et si vous voyez des photos de la maquette, à l'époque je pensais l'habiller simplement avec de la vigne vierge et du lierre. Et puis le jour d'un de ses tournages, il rencontre Patrick Blanc, et lui proposait d'aller plus loin, et il m'a proposé de travailler avec lui. Et je me suis mis à mettre au point un système d'irrigation compliqué pour cela. C'est un bâtiment terminé il y a 15 ans, j'ai été là-bas pas plus tard qu'il y a trois semaines et il faut bien dire qu'il est toujours impeccable, donc ça fonctionne malgré tout ce qu'on peut entendre. Il y a quelques plantes mortes évidemment, mais d'autres retrouvent leur vie, leur chemin. Et c'est en revoyant cette maison, avec aussi les problématiques actuelles, qu'on s'est dit que ce n’était pas idiot de proposer ça sur ce concours (pour la référence précédente), mais pas comme Patrick Blanc, si je peux me permettre, malgré toute l'esthétique de ses projets, mais plutôt de manière beaucoup plus brutale, c'est à dire de laisser les mauvaises herbes prendre leur place. Et là cette enveloppe végétalisée se trouve en fait dans la zone de stockage des conteneurs maritimes, donc si vous voulez, l'homme a besoin de lumière naturelle, mais là c'est le contraire, il faut protéger ces conteneurs. Là vous avez donc 2500 conteneurs maritimes qu'il fallait envelopper et tout ce qui éclaire c'est un éclairage zénithal. Donc pour la double peau, on revient vraiment aux fondamentaux et on parle de façade ou d'enveloppes tri-dimensionnées. Donc la gamme est infinie. Et est-ce que vous avez eu l'occasion d'envisager ou de mettre en place double peau végétalisée mais avec des plantes grimpantes utilisées en tant que protection solaire et pas seulement sur des murs opaques ?

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Euh non, pas encore, ça le sera peut-être dans un prochain projet. Vous savez, je n'ai aucun apriori formé, ma manière de faire c'est des questionnements. La première chose qui est essentielle c'est que le commanditaire ait d'abord pris le temps, de manière assez disciplinée, de savoir ce qu'il voulait réellement, et d'accepter le défi de la critique de ce qu'il veut par rapport à la pérennité, à l'environnement social et historique, etc. C'est d'ailleurs pourquoi la guerre en Ukraine ramène à la raison beaucoup d'entre nous parce que beaucoup de nos envies, de nos fantasmes sont mis à mal par la réalité cruelle des événements. Donc la question formulée par le commanditaire est la base de toute réflexion et elle est nourrie, ou contrainte, par les caractéristiques du site. Et ce n’est pas uniquement ce qu'on peut observer maintenant, au niveau végétal, biologique, climatique, géologique, urbain, etc... Même si l'histoire et la guerre en Ukraine posent question. Dans beaucoup de sites urbains l’histoire de la zone dans laquelle vous construisez jouent un rôle fondamental dans la réflexion. Par exemple, prenez le projet 628 Référence 628, Maison de la Culture de la Province de Namur 2019 À la base, il y avait un bâtiment construit au début des années 1960 par Victor Bourgeois, un architecte et urbaniste moderniste, directeur de La Cambre (École nationale supérieure d'architecture et des arts visuels). Donc c'était à l'époque ce Malraux, la maison de la culture, et donc on veut avoir une maison de la culture dans l'esprit de Malraux. Et sur les photos de chantiers historiques, on peut voir le bâtiment existant, un édifice légèrement courbé en croissant. Et en voyant le site, j'avais un sentiment de malaise, en fait c'est comme si Bourgeois avait essayé d'imposer son architecture. Et je me suis dit « il y a quelque chose qui manque », et l'intuition première c'était qu'il fallait mettre un cylindre là-dedans. Et dans mes consultants pour mes projets j'ai toujours un historien et en lui parlant de ça en rentrant de visite de site. Et le lendemain en sortant les cartes il me montre qu'au 18ème siècle il y avait une tour du même diamètre exactement à cet endroit-là. Et ça montre qu'il y a une sorte de récurrence historique d'évidence formelle qui disparaissent et qui réapparaissent au fil du temps. Donc pour répondre à votre question, pour l'instant je n'ai pas encore fait de façade en vigne vierge pour la protection solaire parce que ce n’est pas représenté et que je ne l’ai pas encore vu et imaginé d'une certaine manière, mais pourquoi pas, en effet. Et est-ce que vous pensez que ce type de façade peut-être vraiment pertinent dans notre contexte actuel de crise environnementale ? Et bien écoutez, vous qui êtes à Montpellier, vous avez devant vous des solutions évidentes qui répondent à votre questionnement. Quand vous avez un Mas Provençal, vous avez des espaces de vie couverts par une *inaudible* (pergola ?) avec de la vigne. C'est la réponse traditionnelle. Donc finalement, c'est presque revenir aux fondamentaux en fait ? On ne se rends pas compte d'à quel point cette première guerre mondiale a bouleversé les raisonnements intellectuels liés à la construction et il faut près d'un siècle pour revenir à la logique constructive. Et la manière dont on construit un Mas Provençal au début du 20ème siècle doit être assez proche de la manière dont nos amis romains faisaient au 3ème siècle avant Jésus Christ. Donc attention de ne pas transformer le bâtiment en machine, puisqu'en terme de pérennité, le bâtiment doit vivre plus longtemps qu'une machine. Et ça c'est un grand débat que nous avons eu avec Patrick Blanc, c'est que ce sont des choses fragiles. Regardez le projet 265. 189


Référence 265, La ferme de Stassart : Bureaux de Philippe Samyn and Partners - 1993 Ça c'est notre agence, et, coup de bol, j'ai acheté une ferme construite vers 1830 qui a été exploitée jusqu’à la fin des années 1960 et qui s'est retrouvée en ruine. Heureusement, on s'est opposé à la destruction de la ruine pour faire un immeuble BCBG, et évidemment, je n'ai pas cassé la ruine, je l'ai retapé. Et ça ne m'a quasiment rien coûté, au contraire, j'ai fait des économies majeures et depuis une trentaine d'année maintenant c'est toujours un espace paisible, on a végétalisé le plus possible et on va maintenant augmenter la biodiversité du site. *inaudible* […] Certaines architectures confondent le fond et la forme. C'est ce qui fait qu'on a construit ces pastiches grécoromains en millions de mètres carrés sur la planète. L'architecture n'a rien à voir avec une image, c'est un concept, un ancrage socio-culturel, environnemental, le plus modeste possible, et en même temps c'est ce qui peut éventuellement mener à une certaine poésie. L'architecture est plus proche de la musique et de la poésie que tout autre art. Sachez depuis 4 ans que je suis en train d'écrire un ouvrage que je vais publier à l’académie royale de Belgique quand j'aurais estimé que je serais arrivé à un puzzle suffisamment complet. L'ouvrage s'appelle QUCOCOMA, ce qui veut dire Quoi, comment construire maintenant, sous-titre : Pourquoi ? *inaudible* d'architecture de scientifiques de haut vol que ce ce soit en sciences humaines ou formelles. Ce texte est alimenté par ma pratique quotidienne et réciproquement aliment ma pratique quotidienne. […] Je vous suggère, plutôt que de parler de double peau / de double façade, de parler d'épaisseur de l'enveloppe. À propose de votre système de vantelles pare-soleil en tôle mince d'acier, avec le prototype en sérigraphie pour le siège social d'AGC Glass, je me demandais : est-ce que vous avez pu mettre en place la dernière version de ce système, en tôle d'acier, dans des projets depuis ? Malheureusement pas encore. Vous savez, parfois il faut un temps fou pour transformer une idée en réalité. Dans un autre registre, si vous regardez le projet 640... Référence 640, Maison administrative de la Province de Namur - 2021 Vous pouvez voir cet escalier, au milieu de l'élévation. Cet escalier est fait en tôle perforée, et cette tôle perforée est très particulière ! Si on regarde au 628, vous pouvez voir cette tôle perforée avec des marches boulonnées dedans. Et bien je crois que ça fait 7 ou 8 ans que j'essaie de convaincre l'industrie qui fabrique ces tôles perforées d’en fabriquer une avec des perforations carrées, avec des grands et des petits trous. Et la marque du perforateur m'a dit d'aller plutôt regarder sur le catalogue ce qui me convenait et « d'aller me faire voir ». Au final, c'est un petit ferronnier kabyle avec qui je travail qui m'a dit : « ah bah moi je n’ai pas de problème, je vais te fabriquer ça ». Il s'est débrouillé avec un petit perforateur pour perforer cette tôle qui a des vertus absolument extraordinaires. Mais il m'a fallu des années pour trouver un artisan qui pouvait me comprendre. Et d'ailleurs je n'ai pas encore trouvé l'industriel qui pouvait y voir un intérêt. Donc quand je dis que l'architecture n'est pas un art, c'est surtout qu'on est très dépendant et interactif avec les artisans. 190


En autre exemple on a le verre sous vide. Le verre sous vide a été inventé il y a une vingtaine d'année par un professeur génial à Sydney, en Australie. Les japonais ont vu l'intérêt, ont acheté le projet, et se sont mis à fabriquer du verre sous vide. *inaudible*, et deux jours après arrivait sur mon bureau un des premiers échantillons mondiaux du verre sous vide. Projet extraordinaire, j'ai pris mon automobile, j'ai été voir le patron d'AGC Glass, et le gars a éclaté de rire et est sorti du bureau. Mais quand on a gagné le siège d'AGC, j'ai dit au nouveau CEO : « ce n’est pas parce que j'ai gagné un concours que je vais forcément le faire ! Je ne ferais votre bâtiment qu'à une seule condition : c'est que vous développiez le verre sous vide. » Et le nouveau CEO m'a dit : « tu ne t’en rappelles pas, mais j'étais dans le bureau quand tu t'es engueulé avec mon prédécesseur, et bien sûr qu'on va développer le verre sous vide ! » Et j'ai encore eu des commentaires narquois de patrons de verre bâtiment me disant : « tu sais, on développe le verre sous vide pour te faire plaisir, mais il y a aucun marché. ». Entre temps, un jeune ingénieur et informaticien de *inaudible* à Tokyo, a trouvé une manière de faire du verre sous vide sans pipette pour faire le vide entre les verres. Faut se dire que quand le vitrage thermopâte est inventé dans les années 1940, malgré tous ses avantages, c'est un produit objectivement néfaste pour l'environnement puisque on a production de lames d'aluminium et de silicone en quantité incroyable *inaudible*. Or, le verre sous vide a cette qualité d'avoir un bord en céramique de 5mm plutôt qu'une lame en aluminium silicone de 25mm, donc c'est une révolution de la fenêtre qui est en train d'arriver au même titre que le double vitrage a modifié complètement la manière de faire des fenêtres à partir des années 50-60 en Europe et aux États-Unis. [… *inaudible* …] là (l'usine) où l'ingénieur français Fourcault a inventé le verre étiré - donc le premier étiré c'était d'après moi depuis la Belgique et puis c'est devenu un phénomène mondial. Et maintenant, dans la même usine ou le verre étiré a été inventé, se produit maintenant le verre sous vide. Et la première production date de 2020, à un prix de 420€/m² soit environ 10 fois le prix qu'un triple vitrage avec la même valeur d'isolation. Mais aujourd'hui on est déjà à 150€/m² et donc ce prix va continuer à chuter exactement comme le double vitrage, mais ça n'est pas avant d'ici 10 ans, qu'on peut imaginer que dans le cadre d'un projet un va pouvoir proposer sans honte à un commanditaire d’employer du verre sous vide. Mais ça va complètement changer l'approche du châssis ! Quand vous prenez des bâtiments anciens, avec des vieux châssis, la caractéristique c'est que les vieux verres sont petits, alors qu'avec du double vitrage vous ne pouvez surtout pas employer des petits volumes de verre parce qu'avec les pores c'est très néfaste pour les performances du vitrage. D'où l'architecture contemporaine s'est accommodée des vitrages d'au moins 2m², avec 1 mètre sur 2 et ça ça n'est pas moral. Et avec du verre sous vite, vous pouvez rester sur des petits vitrages de 30cm sur 30 et garder des performances convenables. Et donc on pourrait imaginer des châssis à petits bois par exemple ! Et donc un des sens de notre métiers c'est de se méfier des contraintes que l'industrie nous impose et d'avoir ce regard un petit peu prospectif en disant : « bon, on est fous », c'est comme mettre des bâtiments sous pilotis en permettant une agriculture urbaine en dessous. Mais cela va sûrement devenir quelque chose qui se démocratise d'ici quelques décennies. Quelque chose à ajouter ? Vous remarquerez que, tout aussi imparfaite soit elle, Brussimo (1993) était à l'époque une première mondiale. Et c'est grâce à mon commanditaire, parce qu'il employait dans son usine les mêmes progiciels que nous, que le bâtiment a pu se faire. Mais si vous regardez dans l'histoire de l'architecture vous ne trouverez pas de bâtiment à double peaux avant celui-là et j'espère qu'un jour on me donnera le crédit d'être un des premiers a avoir réalisé une véritable double peau en verre quasiment clair pour offrir un climat dans une zone hostile, dans un environnement aussi dégradé que l'était ce centre d'affaires urbain avec ces bagnoles qui polluent et qui font du bruit.

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Retranscription de l'entretien avec Gilles CLÉMENT Datant du 02 Mai à 11h10 (durée : 34mn) Bonjour, c’est Max COLIN, je vous ai contacté par mail la semaine dernière pour vous solliciter pour mon travail de mémoire sur les double peaux et en particulier les double peaux végétalisées. Est-ce que vous avez un peu de temps à m’accorder pour échanger sur le sujet ? Oui, allez-y, posez-moi vos questions. Tout d’abord, je vais me représenter rapidement pour mettre un peu de contexte, donc moi c’est Max COLIN, je suis en premier année de master à l’école d’architecture de Montpellier (l’ENSAM) et pour mon mémoire j’ai décidé d’aborder le sujet des double peaux en architecture, et je m’oriente sur un type de double peau en particulier qui sont les double peaux végétalisées. Sur les conseils de Robert CELAIRE, qui était anciennement enseignant à l’école, je vous contacte pour avoir votre avis sur ce type de solution au regard de votre expérience. Il y a plusieurs expériences, les double peaux, si on peut appeler ça comme ça, peuvent exister à l’état naturel et peuvent aussi bien sûr exister par projet de construction comme l’architecture. J’ai pu travailler avec des gens comme Patrick Blanc, que je connais, mais je ne suis pas du tout responsable du travail qu’il a pu faire sur les façades du musée du quai Branly. Ce sont des bureaux avec un très beau mur végétalisé et j’ai pu voir le côté très artificiel de la construction, c’est-à-dire qu’il y a d’abord l’architecture et ensuite on colle pardessus quelque chose qui est un peu comme un tissu avec une pochette dans laquelle on va mettre les plantes, le substrat, et ça suppose une irrigation par exemple. Donc c’est intéressant, c’est très esthétique surtout. Il y a une très grande diversité, mais cela n’est pas forcément très simple à entretenir. Moi je ne suis responsable que du jardin dans *inaudible*, l’entreprise qui se charge de l’entretien du jardin se chargent aussi de l’entretien du mur végétal, et ils passent plus de temps sur le mur que dans le jardin, donc il y a un problème du temps dans l’entretien, d’artifices par le fait qu’on n’est pas avec des produits complètement naturels *inaudible*, mais les végétaux il faut les aider énormément parce qu’on est obligé de les nourrir et là il y a de l’eau mais c’est de l’eau avec des apports alimentaires dedans donc c’est pas si simple. Ce qui est beaucoup plus simple de mon point de vue, ce serait une architecture avec des redans, c’est-à-dire des surfaces horizontales, peut-être des creux qui acceptent les dépôts de poussières, ou bien on peut aussi apporter quelque chose pour aider les végétaux à s’installer, mais les végétaux s’installent tout seuls, et là il n’y a pas d’assistance et c’est l’eau qui tombe du ciel qui arrose. Alors dans certaines architectures, notamment où il y a des bétons qui sont poreaux, on peut voir des plantes s’installer sans aucun problème. J’ai eu l’occasion de travailler sur le toit de la base sous-marine de Saint Nazaire, qui est un truc qui a été fait par des allemands durant la dernière guerre mais il n’a jamais été fini. Et c’est un béton qui n’a pas une très haute qualité et, même si ça continue d’exister, il y a des fuites quand même. Et c’est très intéressant parce qu’il y a des plantes qui s’installent, mais là il n’y a pas de problème, on est sur une surface plane, horizontale, donc ce n’est pas aussi compliqué que quand on a une surface verticale. Donc après il y a certainement d’autres choses qui seraient à signaler. Moi j’ai été très frapper par l’architecture en terre. J’avais dû intervenir sur une *inaudible* à la frontière de la Tunisie. C’est difficile de parler de double peau quand on est dans une architecture en terre. Donc on est dans un système très particulier, extrêmement isolant et on peut l’utiliser comme une double peau. Moi j’ai construit ma maison de mes mains, en Creuse, ce n’est pas dans un climat tropical, mais à l’époque où j’ai fait ça, j’ai commencé en 1977, il y avait encore des informations données à travers des petits ouvrages, où ils donnaient des indications sur l’isolement, et d’autres choses techniques que je trouvais très intéressantes. Moi je ne suis pas du tout maçon, je me suis transformé en maçon sans le vouloir, parce que je n’avais pas du tout prévu de construire une maison mais j’ai fini par le faire. Et ce que j’ai fait c’est qu’il y a comme une double peau si on peut dire. J’ai pris les pierres sur le terrain, qui sont dans le coin, ici c’est du granit qui est déjà relativement poreux mais ce n’est pas suffisant si on prend que ça pour avoir une isolation intéressante. J’ai mis un vide d’air qui est à l’intérieur et qui fait vraiment double peau. Ce sont des briques creuses. Et ça c’est très précieux. De même j’ai mis de l’air en dessous de la dalle du RDC pour qu’elle ne soit pas en contact avec le sol. Je suis dans une pente, c’est compliqué. Donc il y a un assainissement qui s’est fait comme ça. Donc ce n’est pas à proprement parlé la même chose qu’une végétalisation en se servant de double peau, amis il y a quand même un double mur avec de l’air au milieu. Finalement en fait cela se rapproche presque plus du concept de double peau. En fait, moi, dans mon

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mémoire, par double peau végétalisée j’entends vraiment une seconde peau qui se détacherait de la façade principale. Et cela va au-delà du mur végétalisé, ou du mur vivant, et c’est souvent sous la forme de support en treillis séparés de la façade principale, où viennent se développer des plantes grimpantes qui sont soit plantées au niveau du sol, soit au niveau de bacs intermédiaires, et il y a donc vraiment cette idée d’espace entre la seconde peau et la façade principale qui, parfois a une vocation uniquement technique et parfois constitue des espaces de vie. Et c’est vrai que pour le coup j’ai l’impression que c’est une solution un peu moins « artificielle » que les murs vivants. Ah oui beaucoup moins. Là je pense que c’est plus adapté aux exigences qu’on a en consommation d’énergie. Cela me paraît très bien. Il y a toute une partie qui peut effectivement trouver ses racines dans le sol à la base, et ensuite, selon la hauteur de l’édifice, tout article a besoin de contenant qui lui permette de se détacher de la paroi. Voilà, c’est vraiment sur ce type de solutions que je pose mon questionnement aujourd’hui dans mon mémoire. Même si aujourd’hui souvent sur ce type de façade, toute la partie support et armatures, on se retrouve avec des treillis métalliques, avec pas mal d’énergie grise. Et je me demande – je n’ai pas vu d’exemples, en tout cas pour l’instant - si ce type de solutions pourraient peut-être tendre vers des solutions un peu plus frugales avec des structures bois par exemple. Je ne sais pas trop comment on peut gérer ce rapport entre végétaux et structure bois. Est-ce que c’est quelque chose que vous avez déjà eu l’occasion d’approcher dans des projets ? Moi non, mais peut-être Phillipe MADEC, qui est un architecte en faveur de la frugalité, ou peut-être d’autres, comme Lacaton Vassal ou des gens comme ça qui ont abordé ce sujet. Moi vous savez je ne suis pas architecte, j’ai construit ma maison en tant que maçon c’est tout. C’est un sujet qui est très important aujourd’hui je pense. Parce que si on va vers un réchauffement climatique, tous les végétaux capables d’accepter ce réchauffement - évidemment on étudie beaucoup le changement des espèces par rapport à ces questions-là - si on y va parce qu’on n’est pas capable de lutter contre ça, la vie à l’intérieur d’un bâtiment devient de plus en plus difficile, mais facile s’il y a quelque chose qui est en rapport avec l’isolation thermique. Les végétaux jouent un rôle important là-dessus. Ce n’est pas du tout la même chose s’il y a *inaudible* des végétaux qui est en façade ou pas. Ne serait-ce que ça, parce qu’il y a *inaudible*, il y a toute sortes de question. Maintenant il y a la gestion, là on n’a pas suffisamment d’expérience pour dire si c’est facile ou pas. Moi je suis plutôt en faveur de ce qui ne demande aucun entretien mais, moi-même j’ai une plante grimpante sur la maison et je suis obligé d’intervenir quelques fois. Oui en fait cette question de l’entretien est vraiment une question récurrente sur ce type de solution végétalisées et j’ai l’impression que c’est souvent ce qui les exclue des projets. Et sur cette question de l’entretiens, je me dis que peut-être impliquer davantage les usagers dans cet entretien, cela pourrait presque « régler » ce problème. Après c’est une question d’éducation et de bonne volonté j’ai envie de dire. Est-ce que vous pensez que pour les plantes grimpantes en général, c’est un entretien qui peut être fait par une personne formée rapidement ou est-ce que cela nécessite une formation particulière ? Non, ce n’est pas une formation longue, mais cela demande un petit peu de compréhension de comment cela se passe, *inaudible*, il faut tailler, il faut enlever ce qui est mort l’hiver, voilà, des choses simples, mais cela n’est pas très compliqué, il faut juste trouver des gens qui sont en accord avec l’idée de faire ça, c’est-à-dire de ne pas forcément le déléguer à une entreprise qui vient, qui fait ça en vitesse et qui s’en va, mais plutôt aux habitants eux-mêmes, cela serait l’idéal. Mais tout le monde n’est pas forcément d’accord. Oui voilà, ce serait vraiment une question de bonne volonté mais j’ai l’impression que ce serait le plus souhaitable puisque de toute façon comme dans tous projets, c’est l’implication des usagers qui fait souvent la réussite d’un projet dans la durée. Oui, c’est vrai. Mais enfin il y a beaucoup d’habitants dans des immeubles, dans des systèmes d’habitations productives, qui délèguent, qui disent « non ce n’est pas à moi de faire ça, c’est l’entreprise X ». C’est difficile d’obtenir un résultat positif là-dessus. Mais cela nous est arrivé avec le collectif Coloco, avec qui je travaille beaucoup, mais pas sur des parois verticales, plutôt sur le terrain qui est autour, où là les habitant sont invités à participer à quelque chose qui *inaudible* en place pour le parking en jardin, et là les habitants viennent et ils ne privatisent pas mais ils utilisent chacun un morceau et cela marche très bien, donc c’est possible. Est-ce que vous pensez que ces double peaux végétalisées pourraient avoir réellement un impact positif sur la biodiversité et en particulier dans des contextes urbains parfois assez denses et presque agressifs ? Alors c’est vrai qu’on pourrait se poser la question puisque la ville est, à priori, polluante, et cela vient beaucoup de la consommation de l’essence et des carburants en général. Et c’est quelque chose qui 193


*inaudible* diminue, et il n’y a pas, depuis quelques années, d’autres polluants agressifs. Ce qui fait qu’on voit arriver une diversité d’insectes, d’animaux et de plantes aussi, qu’on ne trouve plus dans la périphérie d’une ville comme Paris, comme les abeilles par exemple. C’est très difficile d’avoir un élevage d’abeilles en territoire agricole parce qu’elles ne peuvent pas vivre avec toute la chimie utilisée dans les exploitations agricoles de type industrielles, prétendument conventionnelles, mais en réalité complètement destructrices. On fait du miel à Paris, qui s’appelle du « miel béton », c’est Olivier DARNE qui s’occupe de ça. Il a d’ailleurs créé un parti qui s’appelle le parti poétique. Ça se passe dans le Nord de Paris à Saint-Denis, il y a une zone sensible, c’est très intéressant hein. Et donc il y a des ruches installées qui font un miel qui a une haute qualité avec une grande diversité de pollen, ce qui signifie qu’il y a une grande diversité d’espèces, de plantes. Rien n’a poussé, mais d’après les observations, c’est à partir d’une certaine hauteur. Si on est dans les premiers mètres au-dessus des rues et du sol, il y a trop de pollutions et de matières grasses, qui collent sur les feuillent et qu’on ne voit pas du tout. *inaudible* et ça finit par coller sur les feuillages et il y en a qui souffrent, en particulier les plantes à feuillages persistants, qui souffrent plus car elles sont sans arrêt confrontés à cela. Les plantes qui changent de feuillage d’une année sur l’autre peuvent se faire un feuillage neuf et se débarrasser de la pollution collante. Mais à une certaine altitude cette pollution-là n’existe plus et finalement il y a des tas de plantes qui peuvent s’installer. Donc plante cela veut-dire aussi des insectes, des oiseaux, etc. Est-ce que vous pensez que - dans le contexte de la transition environnementale que l’on traverse - ce serait souhaitable, et envisageable, d’avoir une politique urbaine de verdissement avec des solutions de végétalisation verticale, à plus grande échelle, et en particulier avec les problématiques des îlots de chaleur urbains par exemple ? Oui, s’il y a une technologie qui n’est pas trop discordieuse et qui ne demande pas, par sa mise en place, un autre tiers coûteux et compliqué, il n’y a aucun problème, c’est positif. Je vois. Je compte axer mon mémoire sur le climat méditerranéen en particulier. Est-ce que vous pensez que tous les climats peuvent être adaptés à ce type de solutions en plantes grimpantes ou est-ce que l’on peut avoir des climats qui excluent complètement ce type de solutions, ou d’autres climats qui, au contraire, qui leurs permettent d’être un peu plus efficaces avec une meilleure pousse, une meilleure longévité ? D’une façon générale, les climats humides sont beaucoup plus favorables. Et pas forcément en termes d’arrosage, mais surtout par rapport à l’humidité de l’air qui peut suffire à nourrir les plantes qui ne peuvent pas tenir sans eau ou sans cette humidité. Dans les endroits qui sont complètement secs, il n’y pas grandchose qui survit, à part les plantes qui sont *inaudible*, c’est-à-dire qui arrivent à stocker l’eau dans un pot ou dans un corps. Dans les plantes comme ça on a les plantes dîtes « grasses », qui, même s’il ne pleut pas, ou très peu comme 10-15 jours par ans, elles stockent. Il y a toutes sortes d’espèces qui sont habituées à ça, surtout dans les zones désertiques, mais cela n’est pas aussi facile que dans un climat humide. Cela dit, il y a des espèces *inaudible*. Même dans les zones désertiques il peut y avoir de l’humidité dans l’air qui arrive, poussée par le vent, qui finit par se condenser, il y a même des capteurs de *inaudible*, c’est quelqu’un qui travaille avec des filets sur lequel l’humidité vient se condenser et accélère les gouttes dans une espèce de gouttières qui remplit un réservoir. Et au chili, il y a comme ça un village qui vit à partir de l’eau qui vient de l’humidité de l’air alors qu’il ne pleut jamais, c’est possible. Moi j’ai construit une tour à eau, c’est un système qui fait la même chose, mais c’est en France, *inaudible* en Ardèche, et c’est inspiré de tous ces systèmes-là. Dans ce village on n’a pas réellement besoin d’avoir cette capture de l’eau par une architecture de ce genre parce qu’il pleut, mais c’était pour parler cet *inaudible* suite à une commande artistique, et pour parler de l’urgence et s’intéresser à la question. Et c’est possible de faire en sorte que l’humidité *inaudible*. J’ai réalisé ça sur la ligne du partage des eaux en Ardèche. C’est quelque chose qui existe à l’état naturel, il y a même des plantes qui sont structurées pour que le long de leur nervures les gouttelettes finissent par arriver sur les racines génératrices pour les nourrir alors qu’il ne pleut jamais, c’est dans le désert. Dans le désert du Namib, il y a une plante qui s’appelle Welwitschia mirabilis et elle a des structures sur le feuillage qui ont ce rôle. Et il y a aussi des insectes, des coléoptères, qui se mettent en haut des petits reliefs, et tendent leurs élytres. Il y a des gouttières le long des élytres, qui font arriver des gouttelettes microscopiques mais qui se sont condensées et qui finissent par couler pour arriver sur leurs bouches 194


et comme ça ils vivent, sinon ils ne survivraient pas. Il y a toute une adaptation des espèces vivantes dans ces milieux-là qui est très intéressantes à étudier mais cela dit ce n’est pas une diversité énorme dans ces zoneslà. Est-ce que vous avez des idées d’espèces de plantes grimpantes qui vous paraîtraient particulièrement adaptées à ces types de double peau végétalisées, ou est-ce que vous pensez que n’importe quelle plante grimpante pourrait aller ? Tout dépend de l’endroit dans lequel on se trouve puisque cela dépend des zones climatiques, mais chez moi, en Creuse, j’ai remarqué une plante chinoise qui est de la famille des glycines et qui est une plante grimpante géante, gigantesque, et celle qui est la plus grande monte jusqu’en haut d’un chêne qui doit faire 25 ou 30 mètres. C’est invraisemblable, c’est très impressionnant, et ça ensuite retombe en rideau ce qui fait une couverture fantastique. Le problème principal pour elles c’est qu’elles doivent s’accrocher. En bas il y a un sol suffisamment profond et fertile pour qu’elles poussent, après elles grimpent et là il leur faut des systèmes d’accroches comme des branches d’un arbre. D’habitude les glycines on ne les voit jamais comme ça parce qu’on les taille. On ne voit jamais leur pouvoir d’extension mais il est énorme, il est fantastique. Il n’y a pas que ça, il y a les passiflores, il y a plein d’espèces qui grimpent, mais ça dépend du climat, d’où on est. Plutôt en climat méditerranéen ducoup, je ne sais pas si vous en voyez des plus adaptées que d’autres. Le domaine du *inaudible* dans le Var, en climat méditerranéen complètement au bord de la mer, il y a des glycines qui sont arrivées extrêmement haut et on ne voit que les fleurs parce qu’elles sont en haut des arbres. Mais oui, il y a des choses qui peuvent pousser. La vigne est une plante qu’on taille énormément pour qu’on puisse récolter le raisin à hauteur d’humain, mais ce n’est pas du tout ça, une vigne ça monte très haut ! Il y a plusieurs plantes du genre vitis, en latin, notamment la vigne de Coignet, Vitis coignetiae, qui est une plante qui monte très haut, elle est gigantesque, donc rien qu’avec ça on peut couvrir un bâtiment. Enfin ça dépend de la hauteur du bâtiment, si c’est une tour à la défense ce n’est pas pareil. Et cela me fait penser à une autre question, justement, sur le développement vertical de ce type de plantes, est-ce qu’à l’intérieur du sol, en termes de système racinaire, ce sont des plantes qui ont besoin de beaucoup d’espace ? Ça c’est quelque chose que malheureusement on ne connait pas. On suppose qu’il faut de la place, puisque pour que tout l’appareil aérien puisse vivre, la plante a besoin d’une prospection de la part des racines suffisamment étendue, notamment pour aller chercher de l’eau, mais aussi des substances nutritives, mais cela dépend aussi de comment est traité le pourtour de l’édifice. S’il est minéralisé, si c’est de l’asphalte partout, cela ne marche pas. Mais j’émet quand même une réserve là-dessus, parce qu’on a pu faire une expérience en Italie du Sud, en climat méditerranéen. C’était un désalphatage partiel d’un hectare de parking à la manufacture *inaudible*, qui était un bâtiment abandonné à un moment donné. Et là on a planté et on a fait des trous, et il se trouve que les plantes, et surtout les arbres, qui étaient directement dans les trous et qui n’avaient pas d’étendue de sol apparent, ont très bien vécu et vivent très bien parce que leur système racinaire s’étend sous l’asphalte, protégé de la *inaudible*, et l’asphalte, semble-t-il, n’apparaît pas comme un poison. On a découvert ça et on était inquiets, parce qu’on ne savait pas trop comment cela pouvait se développer. Mais finalement cela marchait mieux que dans les endroits en pleine terre partout, où il y a une dissipation par évaporation, dans un climat méditerranéen sec. C’est étonnant ! Oui c’est étonnant, mais je ne conseille pas pour autant d’aller goudronner le jardin ! Mais quand on a ce matériau en protection, ce n’est pas inutile et il se trouve qu’il n’empoisonne pas. Je vois. Une dernière question par rapport à ces plantes grimpantes et ces systèmes de double peau végétalisées. Est-ce qu’en terme de consommation d’eau, vous pensez que cela peut être des solutions qui seraient bien plus consommatrices, voire destructrices que d’autres ? J’ai l’impression qui c’est un des reproches qui leur est régulièrement fait. C’est sûr qu’il y a un besoin d’eau, s’il n’y a pas de substrat qui retienne l’eau. Je parlais tout à l’heure du béton poreux. Des substances poreuses peuvent retenir de l’eau, longtemps, et elles sont invisibles donc cela marche assez bien. Je pense même à du granit, s’il y a des granits poreux, même si quelques fois cela ne marche pas. Mais s’il faut arroser tout le temps, là cela ne va pas, parce qu’on perd de l’eau. Ce qu’il faut c’est éviter de l’eau qui ne sert à rien, il faut que l’eau soit retenue. Elle est nécessaire à la plante mais si on arrose et qu’elle s’en va dans les égouts, c’est un peu dommage, même si elle se retrouvera dans la mer quoi qu’il arrive, et le cycle de l’eau sur la planète, on l’espère, existera toujours. Cependant, c’est une dépense, parce que c’est couteux. Si on peut éviter ça et arriver à ce que l’eau que l’on met soit en quantité mineure et bien 195


retenue, cela pourrait marcher. Donc privilégier des systèmes poreux et qui puissent stocker. Oui. J’ai fait le tour, est-ce que vous auriez des idées de personnes qui pourraient être familiers avec ce type de double peaux végétalisées, ou même de l’architecture végétalisée et frugale en général ? Ou même de paysagistes ou de botanistes que je pourrais contacter pour enrichir mon mémoire ? Je pensais aussi à Patrick Bouchain, qui est plutôt dans le recyclage et qui pourra peut-être vous apporter des réponses. Patrick Blanc, évidemment, auteur de murs végétalisés. Il peut donner des réponses que moi je ne pourrais pas donner car il est complètement expert en la matière. Je ne vois pas tellement de personnes spécialisées là-dedans, je n’en connais pas vraiment. Déjà allez vers ces gens et puis vous verrez. Est-ce que vous auriez aussi des références bibliographiques à me conseiller dans votre travail ou le travail de collègues ? Malheureusement il n’y a rien qui me vient à l’esprit sur ce thème particulier, je suis désolé. Phillipe MADEC aura peut-être des pistes.

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Retranscription de l'entretien avec Nicolas PAULI Datant du 9 Mai à 18h00 (durée : 54mn) Max : Oui, bonjour, Max Colin. Bonjour Max ! Déjà merci d’avoir accepté de réaliser ce petit échange avec moi. Est-ce que vous ne voyez pas d’inconvénient à ce que j’enregistre la conversation pour que je puisse retranscrire l’entretien. Pas de souci Parfait, alors, pour remettre en contexte rapidement, je suis en M1 à l’ENSAM et pour mon mémoire, je voulais parler des doubles peaux puisque, de ce que j’en ai vu, j’ai l’impression que c’est un outil architectural assez pertinent pour la qualité de confort et d’esthétique que ça peut apporter, et mon mémoire s’oriente petit à petit sur un type de double peau en particulier, qui sont les doubles peaux végétalisées. Du coup je risque peut-être de vous poser quelques questions qui sont assez similaires au questionnaire durant notre discussion, mais ça vous donnera peut-être aussi l’occasion de développer un peu certaines réponses. Du coup déjà pour commencer, quelle a été la première approche que vous avez eue de la double peau ? Est-ce que ça a été tout de suite un projet, ou d’abord une recherche, un article ou autre chose peut être ? Ben en fait, moi, comme mon métier c’est de faire de l’architecture textile, la double peau j’en vois depuis pas mal d’année ! Puisque moi ma pratique d’ingénieur, en fait, c’est de faire des enveloppes textiles singulières, donc ça fait quelques années qu’on commence à faire des doubles peaux en textile. Ok, je vois. En fait, justement c’est quelque chose auquel j’ai pas pensé forcement quand j’ai commencé à rédiger mon mémoire, puisque j’ai essayé de faire une sorte de classification par typologie de double peau, et c’est vrai que je n’ai pas pensé à l’architecture textile, mais ce côté, enfin, disons que le fait que ça se « gonfle » entre guillemet, implique forcement deux couches de peaux différentes et c’est un cas un peu particulier parce que, disons que dans mon mémoire, je donne une définition de la double peau comme une façade active qui se décolle de la façade principale pour former une seconde peau et ça joue un peu avec le flou de cette définition de l’architecture textile. Non, mais en fait quand je te parle des doubles peaux, ce n’est pas des peaux gonflables. Parce que, par exemple, sur « Nuage », à Montpellier là, il y a une double peau certes, gonflable, et même une triple peau ! Ces trois peaux viennent en 2eme couche par rapport à la peau intérieure qui est une façade vitrée. Là c’est une vrai double peau mais en ce sens-là que j’entends *inaudible*. C'est-à-dire, une deuxième peau qui vient en plus d’une peau primaire. OK, je vois, et du coup dans le questionnaire le projet en ETFE auquel vous avez fait référence c’était bien le « Nuage », c’est ça ? Oui, c’est ce projet-là. Et j’ai vu justement que pour votre réponse à la question, « Est-ce que les objectifs qui ont été posés ont été atteints ? », vous aviez parlé d’objectifs à la fois esthétiques et de confort thermique, et vous avez répondu qu’ils avaient été atteints en partie. Quel est l’objectif objectif qui n’a pas forcement été atteint alors ? C’est que la technique des double peaux est loin d’être maitrisée par les bureaux d’études lambda, standards. C'est-à-dire la double peau, il faut vraiment travailler en STD, c'est-à-dire en Simulation Thermique Dynamique. Le flux de l’air qu’il y a entre les deux peaux est analysé, on va dire, dans sa dynamique. C'est-àdire que grosso modo il y a un effet cheminée, surtout pour la thermique d’été. Et l’effet cheminée n’est pas très facile à modéliser. Parce qu’il y a plein d’échanges. Il y a l’échange convectif, l’échange radiatif et la conduction thermique. Oui, mais en tout cas c’est une difficulté que j’ai trouvé régulièrement dans mes recherches sur n’importe quel projet, c’est que souvent, en tous cas, dans la partie conception, cette simulation thermique dynamique était parfois un peu simplifiée ce qui entrainait des complications après dans la réalisation. Soit des complications, soit des incertitudes sur le fonctionnement réel de ce qu’on a conçu, et c’est pour ça, par exemple que ENERTEC, tu as eu Christelle Corradino j’imagine en cours ? Oui ! Tu sais qu’elle travaille, c’est pas pour faire de la pub, dans un bureau d’études qui s’appelle ENERTEC, qui est un bureau d’étude spécialisé dans tout ce qui est modélisation thermique, dynamique, etc.. Comme ils

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connaissent très bien les faiblesses de leurs modèles, en tout cas des inconnues, on va dire, de modélisation. Eh bien, eux, pour certains programmes, ils ont également toute une procédure d’appareillages, c'est-à-dire qu’ils vont mettre en œuvre, ils installent des capteurs, etc.. Puis ils surveillent si ce qu’ils ont calculé c’est juste ou pas, tu vois. Ok, je vois. Eux, ça leur crée des retours d’expériences de chantiers pour pouvoir améliorer leurs modèles. Parfois il y a des coef qu’il faut un peu *inaudible*, donc ça leur permet d’identifier les coef ou alors carrément de valider certains modèles. C’est vachement bien. Ok, je vois. Mais j’ai essayé de la contacter, malheureusement je n’ai pas eu de réponses. Oui, elle a un agenda, c’est du délire ! Ceci explique cela. J’ai lu justement à propos du Nuage, qu’il y avait un système en tout cas pour tout ce qui est thermique d’été, qu’il y avait un système de ventilation. Alors ça, c’est plutôt une question par curiosité, mais je me demandais comment interagissait la ventilation et le fait qu’on est sur quelque chose sous pression. Est-ce que c’est uniquement le coussin, enfin la partie gonflée, enfin, c’est la partie textile gonflée qui est sous pression, ou est-ce qu’il y a aussi une pression entre le vitrage et la partie gonflée, textile ? Je ne vais pas te faire mon coquin, et te répondre les deux mon commandant, mais il y a de la pression d’air, une vrai surpression entre 100 et 300 Pascal dans les coussins, c'est-à-dire entre 10 et 30 kg/m² d’air. Ça c’est pour maintenir la géométrie des coussins. Ces coussins sont à peu près à 1.20m a peu près des vitrages. Les vitrages sont des façades rideaux, qu’on appelle des façades bandeaux, c’est-à-dire qu’elles viennent à l’intérieur des dalles, entre les dalles. Il y a toujours un nez de dalle qui apparait. Et le vitrage n’est pas sur toute la hauteur mais coincé entre chaque nez de dalle. Tu vois à quoi ça ressemble à peu près ? Oui. Eh bien, entre ce vitrage interrompu toutes les dalles et les coussins gonflés, il y a un plenum qui varie en dimension, qui va de 1.2m à 60 cm, car comme ils sont gonflés les coussins ils prennent de la place. Cette lame d’air, ce plenum, dispose de registres de ventilation. Je ne connaissais pas le terme avant que j’en fasse, mais qu’est-ce que c’est : c’est globalement, on va dire, une grille de ventilation en bas, une grille de ventilation en haut, et ça s’appelle registre parce que ça peut se fermer ou s’ouvrir, et c’est commandé par un automate asservi à la température de la masse d’air. D’accord, je vois. C'est-à-dire que quand la lame d’air est froide, les registres se ferment, il n’y a pas de ventilation. Quand la lame d’air est chaude, à une certaine température, on va dire peut-être 30°, 40°, ça dépend si on a 30° l’hiver, on va fermer, et si on a 30° l’été on va ouvrir pour ventiler au maximum. Et quand on ouvre, il y a un effet cheminée, car on a 12m de haut sur le bâtiment. Il y a un effet cheminée qui va se passer entre la ventilation basse, enfin l’ouverture qui est en bas. Il va y avoir une convection de l’air à l’intérieur, ou plutôt un transport de l’air à l’intérieur de la double peau, de la partie basse qui est ouverte vers la partie haute qui est également ouverte. Tout cela a été dimensionné pour pouvoir justement ventiler suffisamment. Et c’est là que peut être, c’est ce que je crois, qu’on n’a pas assez mis de registres. C’est qu’un registre coute un peu cher. C’est une sorte de caisse, qui va ressembler … tu vois des brises soleil orientables ? Oui. Tu imagines des brises soleil étanches horizontalement. On peut orienter les antennes du brise soleil, et ça sert à fermer et à ouvrir. C’est asservi, il y a un moteur, il y a de la mécanique, etc.. Chaque objet coute un peu cher. Donc, comme il fallait un peu limiter, on en a mis un certain nombre. Je crois qu’on aurait pu en mettre un bon tiers, ou une fois et demi de plus, ça n’aurait pas été de trop. Pour des questions de ventilation. La ventilation n’est peut-être pas assez grande. Mais parce que c’était mal anticipé. Et est-ce que du coup, il y a aujourd’hui des problèmes de confort thermique dans ce bâtiment, ou est-ce que c’est compensé par … ? Moi je crois qu’il y a des problèmes de confort thermique, la climatisation bosse fort. Si ce n’est pas climatisé, il fait trop chaud. La lame d’air peut monter à 40°, comme c’est une verrière, c’est débile d’avoir une verrière sans ombrage devant, ce n’est pas malin. Par contre il y aurait un brise soleil devant, là oui. Mais ce n’était pas le design de l’archi, il voulait qu’on voit les coussins, Il ne voulait pas qu’on voit des rideaux. Pour une question d’image, le projet architectural n’est pas très écoresponsable. Mais au début le client a hurlé, ça faisait cher l’électricité de la climatisation. Tout a été réétalonné, les ouvertures, les fermetures, etc. Il nous a 198


lâché, mais quand même pas satisfait du bilan économique du projet. En tout cas, dans mes recherches, beaucoup de projets de doubles peaux ventilées, (2 peaux vitrées), qui fonctionnent du coup de la même manière, même s’il n’y a pas cette épaisseur. Les retours que j’ai eu dans d’autres entretiens d’ingénieurs qui ont eu l’occasion de travailler sur ce genre de double peau, même de ce que j’ai pu voir sur internet, il y a vraiment beaucoup de cas de double peau qui finalement ne fonctionnent pas et qui conduisent à une surutilisation de la climatisation, et des problèmes de confort thermique… Mais tu as identifié pour quelles raisons ? Enfin, pour moi, c’est une question de difficulté de simulation et d’anticipation. Non, parce qu’il n’y a pas de brise soleil. Si tu mets un brise soleil en plus à l’extérieur, tu perds par contre le nu spéculaire et l’aspect super beau vachement lisse et super classe de la façade vitrée. Et c’est mauvais pour la thermique. Par contre si, à l’extérieur, tu mets des brises soleil, c'est-à-dire des choses que tu vas ouvrir et fermer comme des stores, ou des brises soleil orientables, oui mais tu n’es plus fidèle au projet, c’est sûr. Mais par contre tu vas vraiment retirer tout cet apport lumineux qui est, disons, qui fait de l’effet de serre ! On sait que c’est ça, en fait, ce qu’il faut éviter c’est de faire entrer de la lumière derrière une vitre quand il fait trop chaud. Dès lors que tu laisses entrer de la lumière, c’est que déjà tu te mets en difficulté. Donc il faut absolument que le principe de ce genre de truc ne va bien marcher que si on est en capacité de mettre un brise soleil quand on en a besoin devant le vitrage pour empêcher la radiation de rentrer. Parce que quand la radiation elle rentre, ça fait monter en température avec l’effet de serre, et la ventilation n’est jamais suffisante, donc ta lame d’air est très chaude, donc ça chauffe le verre intérieur, qui lui rayonne chaud vers l’intérieur. Donc ça crée de l’inconfort. Oui, je vois. Sinon, tout à l’heure on parlait des nez de dalles qui dépassaient du vitrage sur lesquels était fixé tout ça. Est-ce que c’est un choix de conception qui n’a pas été guidé par des contraintes techniques, ou est-ce que justement ça été guidé tout ce qui est contraintes technique, coupe-feu, etc … Non, on n’est pas lié avec cette histoire de coupe-feu. Pourquoi est-ce qu’on est dans le *inaudible*, parce que justement parce qu’on a un vitrage intérieur. Comment ça se fait ? Parce que la règle du C+D ils ont dû l’appliquer. Il n’y a aucune ouverture, quoi. J’ai vu qu’il y avait eu un ATEX, enfin, je ne sais pas si les ATEX permettent de contourner un peu ces réglementations là, mais j’ai vu qu’il y avait eu un ATEX pour Nuage. L’ATEX a été fait sur la partie technique, pas sur la partie feu. Sur la partie feu, il y a un règlement. Mais là je ne sais pas trop d’ailleurs comment ça s’est passé, parce que ça s’est réglé quand je n’étais pas encore sur le projet toute cette partie réglementaire. Donc je ne sais pas. Parce que normalement, quand on commence à faire des doubles peaux, il faut recouper tous les deux niveaux Eh Oui. Justement je me demandais si ces règlementations, notamment les contraintes coupe-feu ça pouvait être justement un frein au choix de ce type de solution de double peau, puisque justement cette obligation de recouper à chaque fois et d’interrompre, en quelque sorte cette peau, j’avais l’impression que ça pouvait être un frein. Oui, je pense aussi. Je pense que c’est un frein. On comprend que la double peau avec l’effet cheminée donc la propagation du feu, ça crée des situations critiques, comme il y a eu en Angleterre avec ce bâtiment qui a brulé. Mais, quand on met du textile, le textile brule et il n’y a plus d’effet cheminée. C'est-à-dire ? Si le textile prend feu, il se troue, et s’il se troue, il y a une sortie de la flamme, il n’y a plus le même effet cheminée. Il y a un effet cheminée quand il y a du tirage, il n’y a plus de tirage, … il n’y a pas d’effet cheminée. Bon, ça c’est une vision personnelle du truc. Un pompier il dit : « non, si la règlementation dit on coupe tous les deux niveaux, on coupe tous les deux niveaux ». Il ne cherchera pas à tergiverser, mais la réalité c’est un peu ça. Ok, je vois. Et tout à l’heure, on parlait du fait que ça pouvait être, notamment pour Nuage, un bâtiment qui peut consommer énormément. Est-ce vous pensez quand même que les double peaux ont une place dans le contexte de la transition énergétique, ou est-ce vous pensez au contraire que ça peut être quelque chose qui ne va pas forcement dans le bon sens ? Non, c’est vachement bien les doubles peaux. Le tout c’est de bien les faire. C’est une question d’anticiper à la conception ? Eh oui, c’est qu’il faut absolument mettre des brises soleil à l’extérieur. Mais là on enfonce des portes ouvertes en disant ça. C’est connu depuis belle lurette de tous ceux qui font de la thermique de base. Je pense à Wright 199


par exemple, sur l’architecture naturelle, ou les disciples de mur trombes, des choses comme ça. Tous les principes de thermique massive, cette histoire de la double peau c’est très connu. Moi, j’y crois dur comme fer. Je ne veux faire que ça. Là j’en fais une grande, enfin juste un brise soleil qui a pour objet de casser le soleil sur la façade, puis de créer l’effet venturi pour la thermique d’été. La thermique d’hiver ce n’est pas fermé donc c’est un brise soleil ouvert. C’est un petit peu cher, mais ça peut faire faire des économies singulières. Est-ce qu’aujourd’hui vous pensez qu’il y a des champs de recherches à privilégier, ou des innovations vers lesquelles il faudrait se diriger pour tendre vers des solutions de doubles peaux plus pertinentes à l’avenir ou est-ce que vous pensez qu’on peut déjà faire assez bien avec justement des principes simples, comme vous disiez juste avant, des principes fondamentaux de l’architecture et la protection passive. Moi je pense qu’aujourd’hui, dans le panorama des bureaux d’études un petit peu pêchus là-dedans, ça devient un peu des bureaux d’études structures spéciales qui ont commencé à faire des grandes verrières. Le truc c’est que, dans les années 80- 90, on a commencé à faire du verre structurel, à faire des grandes portées en verre. Parce que St Gobains et compagnie ils ont fait des verres plus épais, mieux maitrisés au niveau de la trempe, et avec du feuilletage. Grosso modo des verres plus résistants, plus fiables, qu’on était capable d’usiner, y faire des trous, etc.. Une fois que ça été fait, on s’est dit on a du verre structurel, on va faire des grands trucs en verre. Ça c’était dans les années 90. Mais seulement ils se sont rendu compte qu’ils faisaient des serres magnifiques, mais tout le monde cramait dedans. Donc ces mêmes bureaux d’études, ils ont créé…moi je les regardais avec des yeux ronds à l’époque parce que moi je faisais de la structure spéciale et je me disais mais pourquoi est-ce qu’ils font de la thermique, mais en fait parce qu’ils avaient déjà dépassé le défi technique de faire des verticales, alors que moi je peinais, et ils étaient déjà un coup d’après, à savoir la thermique. Ces bureaux d’études, ça va être Arcora, à Paris qui ont une antenne structures spéciales et associé à un truc qui s’appelle Façade *inaudible*, et bien évidemment ils ont développé des modèles de calcul de flux thermiques, etc.. Parce que ça va avec leurs modélisations structurelles. Ils savent faire des verrières qui tiennent, des façades en verre, etc... et puis après il faut savoir quel comportement thermique associé à ça, parce que forcement il y a les surprises des clients. Un petit peu de fiabilité par rapport à ce qu’ils vendaient. Ensuite, … Je cherche le bureau d’étude qui a fait le stade Vélodrome. Raphael Menard … Ça c’est un truc ! Une formule 1 ! Pour Arcora, c’est une coïncidence, mais la dernière personne à avoir répondu à mon questionnaire c’est justement quelqu’un de chez eux qui est d’accord pour que je fasse un entretien avec lui. C’est sympa, il s’appelle comment ? Alors, son adresse mail c’est fl.cappoen. Je ne vois pas, mais les ingénieurs qui avaient mon âge à l’époque quand j’ai commencé sont devenus les patrons. Donc, je ne connais que les patrons. Tu jettes un petit coup d’œil aussi sur Tour GSW à Berlin, tu la connais cette tour ? Oui, ah, mais on l’avait vu dans votre cours ? Oui c’est un projet que justement … je savais que je l’avais vu quelque part et j’arrivais pas du tout à me souvenir, c’était dans votre cours, en fait. Tout à fait. Je suis très content de le retrouver ce bâtiment. Parce que celui-là il fait vraiment de la thermique passive. Il a une façade sud double peau, il a une façade nord avec des transparences. En fait, il y a des flux d’air entre la façade nord et la façade sud qui traversent les dalles qui sont des dalles alvéolaires qui viennent recracher l’air dans la partie façade. C’est plutôt pas mal fait, et il y a les stores. Les stores ne sont pas à l’extérieur, ils sont à l’intérieur de la double peau, c’est déjà mieux, mais le soleil est déjà rentré quand le store est baissé, mais bon c’est déjà mieux que rien. Ensuite, chez Egis, il y a un bureau d’études spécialisé qui s’appelle Elioth, comme le soleil. Ça c’est un bureau d’études qui ne fait que ça. Tu vois, ils ont des techniques sur les structures, …structures façades environnement, c’est normal. Aujourd’hui tu ne fais plus de la structure vraiment où tout ce qui est compliqué tu ne le fais pas sans maitriser toute la partie environnementale. Oui, je vois. Et si on revient sur Ménard, il est maintenant … directeur chez AREP. Oui, il est là maintenant. Tu sais ce que c’est AREP ? Pas du tout. C’est l’agence des gares, grosso modo ce sont ceux qui font les grandes gares. D’accord, du coup vous pensez que ce serait intéressant que je le contacte ? Je crois qu’il a à peu près zéro temps, mais tu peux tenter. 200


Sais-t-on jamais, sur un malentendu. Ok Il a fait l’école des ponts, il travaille a DPEA L’architecture Post Carbone … Ah c’est ça, il était président chez Elioth jusqu’en 2018. Voilà. Ok ça marche. J’ai juste une dernière question, dans mon questionnaire vous avez parlé sur la partie double peau végétalisée. Sur la question « Quels sont les freins selon vous pour la démocratisation de ce type de façades », vous avez parlé de chances de succès plutôt faibles. En fait, moi je n’ai aucun retour de façades végétalisées qui aient fonctionné, ni des toits pourtant qui sont plus favorables qu’une façade, je n’ai jamais été convaincu par les toitures végétalisées je n’en ai jamais vu qui fonctionnait vraiment bien. Une seule, c’est celle du Quai Branly que j’ai vu de mes yeux, c’est celles du quai Branly, mais je sais qu’elle est hyper entretenue. C’est une réalisation phare, c’est le botaniste Patrick Blanc qui l’a faite celle-là. Oui, c’est ça, mais c’est vachement entretenu. Alors par contre, j’habite plutôt sur le nord de Montpellier, et quand je prends l’autoroute, je vais du coté de Baillargues, et après entre Castries et le rond-point de l’autoroute, là il y a un truc incroyable, en fait, il y a un mur végétalisé, il était moribond, il n’était pas joli. J’y suis passé il y a un mois à peu près, c’était verdoyant, hyper homogène etc. alors peut-être qu’il a été entretenu, peut-être parce que les essences se sont bien plus, etc.. Je revois ma copie concernant ces faibles chances de succès parce que simplement aujourd’hui la botanique ou l’entretien, parce que en fait aussi c’est une question de maitrise d’ouvrage, le client il faut qu’il décide de mettre du pognon dans ces plantes plutôt que dans la clim, et ça on n’a pas encore casser le tas, et pourtant c’est peut-être que même avant qu’il faudrait mettre. C'est-à-dire que, la personne qui dit : oh ben non, je n’entretiens pas mes plantes, je préfère mettre de la clim parce que … je ne sais pas quoi. On pourrait se dire que mettre des plantes ce n’est pas forcement de l’économie instantanée Oui, c’est sur le long terme ! Mais par contre, je parle en convaincu c’est forcément un petit peu de l’économie planétaire dans le sens ou si tu ne consommes pas, si tu fais pousser des plantes, c’est moins énergivore en fait que de faire tourner une centrale nucléaire. Tout le monde le sait. Donc on devrait pouvoir payer, mobiliser de l’argent pour ça. Ce n’est pas encore trop dans les mœurs, quoi. Et du coup vous m’avez dit, c’est le rond-point de Castries ? Oui, je vais t’envoyer un point sur Google Maps. *Recherche sur google maps* Mon point de vue sur les végétaux, il pourrait changer, mais par contre ça dépend énormément de l’entretien, enfin de l’attention que va avoir le client, ou le nouveau propriétaire sur l’entretien de ces plantes. C’est quelque chose qui s’entretien, c’est de la vie quoi. C’est pour ça. Oui, mais j’ai l’impression que l’entretien c’est le gros stop sur ce type de solution « vivante ». C’est ce qui revient le plus dans mon questionnaire, en tout cas, il y a à peu près 3 personnes sur 4 ont sélectionné dans les freins l’entretien. Parce que toi tu imagines que ça fonctionnerait comment ? Non, j’ai bien conscience qu’il y a un entretien mais disons que je ne pensais pas que ça pouvait à ce point freiner les gens parce que finalement, comme vous l’avez dit tout a l’heure, c’est des dépenses qu’on va mettre en moins dans une clim et qui sont juste mis dans de la main d’œuvre pour des entretiens ponctuels, enfin, du coup ça m’étonne que ce freine autant mais visiblement c’est le point qui freine le plus. Après il faut aussi se mettre à la place du client, il n’est pas sûr de trouver le bon jardinier, même s’il met de l’argent il n’est pas sûr que ça marche. Il a une certaine incertitude, imprécision. Incertitude sur ça, quand même l’air de rien. C’est comme tout, moi, avec les façades textiles on dit ouais, on ne sait pas faire, etc …, mais quand tu vas chercher les professionnels de la profession, les gens qui connaissent un peu de quoi ils parlent et que tu vas chercher le bon réseau, au fond c’est potentiellement possible de faire des choses qui fonctionnent. A l’image peut être d’ailleurs de la façade végétale du Quai Branly. Pour moi c’est la seule bonne référence que je connaisse de façade végétale. Oui, elle a vraiment eu beaucoup de succès. En tout cas, Patrick Blanc fait beaucoup de projets, j’ai l’impression qu’il marche pas mal, même si sur certains j’ai un peu plus de doutes. J’ai eu l’occasion, il n’y a pas longtemps, d’avoir un entretien aussi avec Philippe Samyn, qui a eu l’occasion à quelques reprises de travailler avec Patrick Blanc, notamment sur des maisons individuelles. Et c’est pareil, il dit que … il a fait un projet de maison individuelle avec un mur totalement végétalisé, c’était il y a des années et étant donné que c’est des amis, il a eu l’occasion d’y retourner et c’est vrai qu’avec de l’entretien ça tient sans soucis. 201


Bien, tu as Philippe Samyn qui t’a appelé ? Enfin, tu as eu un rendez-vous avec lui ? C’est plutôt moi qui l’ai appelé, oui, à mon grand étonnement. Pas mal, pas mal. Je suis resté une heure avec lui au téléphone. C’était très intéressant. J’ai eu beaucoup de chance. C’est quelqu’un qui a fait beaucoup de double peau ventilée dans ses projets. Après il a tellement de projets que je ne sais pas si ça représente une grosse partie de ses projets. En tout cas il a eu l’occasion d’en faire pas mal et c’est un sujet qui l’intéresse énormément. Je pense que son assistante a dû lui parler brièvement de mon mail et le terme de double peau l’a peut être interpelé, et la chance de pouvoir discuter un peu avec lui c’était vraiment top. En fait ce que j’ai appris aussi, récemment, c’est une double peau opaque. Grosso modo, c’est de l’ITE, de l’isolation thermique par l’extérieur, où ton isolant il est fixé, il y a un pare-pluie puis après tu as 5 cm de vide, et puis t’auras un paravent qui est mis en plus, bon moi je le fais en textile parce que c’est mon métier, sinon il peut être en acier ou en bois, et la question du pont thermique, ça peut se poser, mais si on retire la question du pont thermique, pour la thermique tout court de la ventilation de la lame, c’est plutôt pas mal. Parce que ça permet d’avoir une lame ventilée totalement sur la cavité qui fait que t’as une ventilation qui coupe le soleil sur l’impact direct sur le soleil quand bien même il y aurait ce résidus solaire, en ventilant tu retires l’apport lumineux et ça c’est plutôt pas mal en termes de thermique d’été j’entends, et après l’isolant se charge de la thermique d’hiver. C’est clair. C’est vrai que les systèmes d’ITE, c’est presque des doubles peaux miniatures. Oui, c’est ça, exactement ça. Si tu tapes Chapiteaux Nexon, par exemple, tu vas trouver un chapiteau, et ça c’est un double peau isolé. Ce que l’on voit, c’est la peau extérieure. On voit le chantier, et une vidéo YouTube du chantier, où on voit très bien ce qui se passe, sur le Facebook du SIRQUE. On voit la double peau. La première peau, son isolant, sa couche d’étanchéité, puis la peau textile rouge. Ça c’est de la double peau, on va dire, de base. Tu ne peux pas passer sous silence cette première solution qui consiste à maitriser les températures de parois en y imposant une sorte de distance avec la peau extérieure et un élément ventilé. Oui, c’est vrai qu’à cette échelle-là finalement c’est des solutions qui sont apparues plus tôt et un peu moins technique en tout cas que faire des doubles peaux ventilées un peu plus grandes et complexes. Je vais le noter. Je crois que j’ai fait à peu près le tour de mes questions. Est-ce vous avez des idées, peut être, enfin vous m’en avez déjà donné, s’il y a d’autres personnes qui vous viennent que je pourrai peut être contacter, d’architectes, d’ingénieurs, ou autres qui pourraient être familiers avec ce type de façades. Des gens un petit peu dispo, je ne sais pas trop. Il y a la société Terrell à Toulouse et le patron c’est Guillaume Niel. Eux, je ne sais pas trop, ils font de la structure spéciale mais ils ont peut-être une approche aussi sur les façades, les doubles peaux, la par exemple sur des projets on voit des doubles peaux. On les sent un peu *inaudible* sur toute cette dimension technique. Je connais Guillaume Niel, mais pas plus que ça. Ok, ça marche, je vais jeter un œil. Après il y a aussi un autre bureau d’études. VP & Green engineering, eux aussi font de l’ingénierie spéciale qui bien souvent est associée à une maitrise de la thermique. C’est toujours demandé quand tu fais de la structure spéciale, genre verrière, etc. il faut que tu fasses gaffe à la thermique, et comme tu fais gaffe à la thermique, tu deviens expert dans le truc, parce que tu es formé, parce que tu as ton réseau, etc.. Ok ça marche parfait. Oui, ils ont l’air d’avoir des projets qui pourraient vraiment m’intéresser. Et puis, je ne peux pas l’oublier mon copain Bernard Vaudeville, du bureau d’études T/E/S/S J’ai eu l’occasion de les contacter eux aussi, je ne sais plus quelle réponses ils m’ont donné. Eux, c’est pareil, ils ont un agenda de ministre ces gens-là. Oui, T/E/S/S c’est un bureau d’études qui a l’air vraiment réputé. Oui, en fait c’est, dans les tops, en France il y a des bureaux d’études…RFR, je ne sais pas si tu te souviens et puis tu as Rice. Peter Rice, c’est donc l’ingénieur qui a fait Beaubourg avec Piano et Foster, Piano et … Foster non ? Donc, résultat des courses, il a créé son bureau d’études à Paris, principalement à Paris. Puis il a eu une équipe, puis de fil en aiguille, RFR est tombé dans sa route. Ça c’est une émanation de RFR. Ils n’ont pas une connotation hyper technique sur la thermique lié aux façades, alors que Elioth, c’est son métier. Ça marche. Merci beaucoup pour votre temps, je pense que ça m’a aidé un peu à avancer dans une direction plus intéressante, plus pertinente. Si vous avez quelque chose à rajouter en particulier, peut-être ? Non. 202


Ça marche. Ecoutez je vous souhaite une bonne soirée alors, merci encore, et peut-être à bientôt à l’ENSAM. À bientôt, bon courage. Merci beaucoup. Bonne soirée, Au revoir.

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Retranscription de l'entretien avec Jean François RAVON Datant du 18 Mai à 10h30 (durée : 1h 02mn) Je vais me re-présenter rapidement pour remettre tout ça en contexte, moi je m’appelle Max COLIN, je suis en première année de master à l’ENSAM et pour mon mémoire j’ai décidé d’aborder le sujet des double peaux en architecture, et je m’oriente plus particulièrement sur un type de double peau : les double peaux végétalisées. Est-ce vous pourriez peut-être d’abord vous présenter en quelque mots donc nom, prénom, profession, etc… ? Jean François RAVON, je suis architecte de formation mais aussi paysagiste. Ça fait une 20aine d’années que je travaille dans le paysage. Je suis aussi enseignant à l’ENSAM. J’ai une activité où j’ai été enseignant à l’école nationale supérieure du paysage. J’ai aussi enseigné à l’école d’architecture de Marseille, et maintenant de Montpellier et mon activité professionnelle est basée à Marseille. Je collabore avec un paysagiste qui s’appelle Jérôme Mazas depuis 2004, donc 18 ans. Et c’est avec lui que vous avez fondé Horizons Paysages ? Oui, c’est lui qui a fondé l’agence, et ensuite je l’ai rejoint, et en fait j’ai découvert un peu le paysage à ses côtés. Et après je suis devenu paysagiste pratiquant et en apprenant aux étudiants. Et je me demandais à quel moment vous interveniez à l’ENSAM ? Parce qu’honnêtement, je ne vous connaissais pas du tout avant. Oui parce que je viens d’arriver en fait, c’est la première année où je travaille à l’ENSAM, j’ai été recruté en Septembre. Donc là je travaille avec les licences pour l’instant et il est peut-être question que je travaille avec des masters, mais comme je n’ai qu’un mi-temps, je donne des cours en licence, en S5 et S6 et puis je travaille aussi avec des formations professionnelles continues, j’en fait un petit peu aussi. Je vois. Pour commencer, est-ce que vous avez déjà entendu parler du concept de double peau, et, si oui, à quelle occasion ? Alors oui j’ai commencé à en entendre parler, mais c’est un concept que je ne connais pas bien, ce n’est pas un truc que j’ai vu dans des projets que j’aurais pu accompagner juste comme ça. Mais c’est un concept que je connais un peu parce que ça m’intéresse les questions un peu bioclimatiques donc à ce titre là c’est comme ça que j’ai connu cette idée je pense. Et en fait il y a aussi un peu un truc, plutôt dans le thème de l’entretien, j’ai suivi un peu les earthship, aux États-Unis. Dans cette maison il y a une partie qui n’est pas vraiment une double peau mais qui fonctionne un peu pareil, c’est-à-dire une espèce de verrière qui est côté Sud, et qui a une dimension productive parce que c’est un – Vous avez déjà entendu parler des earthship ou pas du tout ? Pas en profondeur, mais rapidement, oui. Voilà, donc je crois que c’est Michael Reynolds qui a été à l’origine de ces earthship, et donc l’idée c’est d’avoir une maison qui semble à la fois un *inaudible*, mais bon ça, pour moi, ce n’est pas le plus intéressant. Le plus intéressant c’est vraiment le travail dans le site, avec une partie semi-enterrée, un système de ventilation naturelle avec une sorte de puit canadien, et cette partie avant de la maison, qui est côté Sud, et qui permet de tempérer la maison, de la chauffer et de la ventiler en été, et de faire une serre qui produit avec de l’eau de récupération de pluie un système d’autosuffisance pour la maison. Alors je ne sais pas ce que ça donne dans le réel pour la question de l’auto-suffisance mais en tout cas l’idée est assez radicale. Mais je n’ai pas bien compris, c’est un projet sur lequel vous avez eu l’occasion de travailler, c’est ça ? Non, pas du tout, c’est un projet théorique, qui est un peu une référence que je connais. Je n’ai pas travaillé sur le projet directement, on va pouvoir discuter mais je ne serais pas d’une grande aide et d’un apport de mon expérience directement sur ces questions-là. Mais de toute façon cela rentre aussi ma démarche avec l’entretien, ce n’est pas forcément le point de personnes qui ont eu l’occasion d’en mettre en place, c’est aussi le point de vue d’architectes, de paysagistes, ou parfois de botanistes sur ce type de solution, même s’il n’est pas forcément appuyé sur des expériences. Pour moi tous les points de vue sont bons à prendre. C’est ce qu’il faut faire je pense. Et dans notre métier dans la période dans laquelle on rentre, qui est vraiment une étape de transition dans laquelle il faut réinventer les logiciels, je pense que c’est une très bonne pratique que de consulter. Pour commencer je vais peut-être vous partager un peu l’état de mon mémoire pour re-situer le sujet des double peaux. *partage d’écran sur mon mémoire et des illustrations* Pour l’instant dans mon mémoire, que j’ai appelé « Façade active, la double peau végétalisée et son impact

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multi-scalaire ». C’est une orientation de mon mémoire que je n’ai pas encore tout à fait définie, mais la double peau végétalisée c’est vraiment quelque chose qui m’intéresse. Pour l’instant j’ai une première partie qui parle du concept de façades actives, mais pas forcément de double peau directement, mais plutôt façade active dans le sens d’une façade avec des dispositifs qui vont être adaptatif à l’environnement, et qui vont vraiment avoir un rôle actif dans le confort interne du bâtiment mais pas seulement une façade opaque. En voyant les images, l’institut du monde arabe j’étais étudiant quand il a été construit et je me souviens que ce bâtiment c’était un choc, en plus à l’époque il fonctionnait, mais maintenant je crois qu’ils ne fonctionnent plus les diaphragmes malheureusement. En fait ça a fonctionné un peu au début, puis ça n’a plus fonctionné, mais il y a eu une rénovation récemment qui a permet de remettre les diaphragmes en route, et réhabiliter tout cela pour que cela fonctionne de nouveau. Par exemple là c’est typiquement une référence de double. La double peau pour moi c’est un cas particulier structurel de ce concept de façade active où l’on se décolle de la façade principale pour former une seconde peau justement, avec un espace vide qui est plus ou moins grand entre les deux et qui peut avoir une vocation technique ou devenir un nouvel espace de vie par exemple, ou même, comme dans le projet earthship, accueillir de nouveaux usages comme la production. Pendant que j’y pense il y a un projet par rapport aux références que vous mettez, c’est le MUCEM à Marseille, parce que dans le cas de cette double peau, moi je trouve que c’est une sacrée réussite dans cette questionlà, avec cette circulation dans l’épaisseur qui est super intéressante, la question de la ventilation marche bien, après je ne sais pas forcément si cela rentre dans le cadre de vos recherches mais je pense que c’est un exemple qui a de l’intérêt. Complètement, alors avant de parler du cas particulier des double peau, je classe les façades actives par typologies, avec des façades actives avec des protections solaires, des résilles métalliques ou non, comme ici la résille du MUCEM, il me semble qu’elle est en béton. Il y a aussi une typologie, qui est très connue de la plupart des architectes et ingénieurs que j’ai interrogés, c’est la typologie qui est évoquée en premier dans leur esprit quand je leur parle de double peau, c’est les double peaux ventilées, qui se basent sur deux peaux vitrées avec cette épaisseur entre les deux et un phénomène de tirage thermique l’été, en ouvrant au-dessus, et d’effet de serre l’hiver, pour réchauffer. Alors j’ai vu que dans les faits cela avait l’air d’être un apport plutôt esthétique que véritablement sur le confort, en tout cas d’après les retours d’ingénieurs et d’architectes qui ont travaillés sur ce genre de projet, et que j’ai eu. Donc ma réflexion est partie de là, et dans une seconde partie de mon mémoire, je parle un peu des façade végétalisées, donc pas forcément en double peau, mais vraiment tous les types de façade végétalisées avec la végétalisation verticale, que ce soit par des murs vivants, par des plantes grimpantes et un peu tout ce qui va avec, donc les bienfaits des plantes avec l’évapotranspiration et – Alors pendant que j’y pense, comme exemple, il y a l’école de la biodiversité en région parisienne, vous en avez déjà entendu parler ? Alors j’ai déjà entendu parler de la maison de la biodiversité, est-ce que c’est MB26 ou quelque chose comme ça ? Oui, quelque chose comme ça. Je dis ça parce qu’en fait la question en l’occurrence ce n’est pas directement le végétal qui sert de double peau, mais par contre la question qui est posée qui est intéressante quand on traite cette question de la façade végétalisée, c’est comment elle vit ? Quel est son milieu de vie ? Parce que c’est le gros souci de ces façades, comment est-ce qu’on maintient un milieu nourricier avec une humidité ? Et c’est là que cela se complique vraiment, parce que dans les faits ça marche sous certains climats, mais dans notre climat à nous cela ne marche pas. On a du vent comme le mistral à Marseille, et nous sur la question de la 5ème façade végétalisée, c’est-à-dire toiture-terrasse, on a vraiment des difficultés pour la tenir. Nous aujourd’hui on fait des toitures végétalisées avec des milieux qui sont très proches des milieux de *inaudible*, c’est-à-dire très proche de l’écosystème existant, et ducoup on le fait suivre les saisons, c’est-à-dire qu’en été il jaunit complètement, parce que dès qu’on a de la « plantouille », notamment les sedums, les choses comme cela, dès qu’il y a un peu de mistral ça sèche, et après il faut arroser et ça pose encore d’autres questions. La vraie question qui se pose sur ces choses-là, d’après moi, c’est vraiment les bonnes conditions pour que la vie soit possible. C’est-à-dire ce n’est pas mettre de *inaudible*, c’est mettre de la vie dans un dispositif qui va permettre que cette vie-là ne soit pas superflue. C’est vraiment important. Je vous dis ça même de manière générale, il ne faut pas tomber dans l’effet de mode de cette idée de verdir les choses. Justement, c’est une des questions que je pose dans mon mémoire, avec la pertinence de ce type de 205


solution et notamment leur participation, ou non, au phénomène de greenwashing. C’est que j’ai trouvé pas mal de projet où ils utilisent cette végétation vraiment pour l’argument vendeur et qu’au final comme ce n’est pas forcément très bien étudié en conception, on se retrouve avec – soit de la végétation qui n’existe plus au bout de X temps, qui ne pousse pas, ou au contraire, dans un quartier qui était en Chine par exemple, c’est devenu complètement incontrôlé et c’est devenu un problème avec des nuisibles qui s’installaient, et disons que c’est vraiment un soucis de conception pour que cela soit vraiment performant. Après il y a un vrai souci des étanchéités des structures, quand on installe du vivant comme, il faut qu’on puisse avoir les systèmes qui suivent derrière, ce qui n’est pas forcément facile. Là sur les balcons, ça va, il n’y a pas de soucis. Qu’est-ce que vous entendiez par « les nuisibles » ? Dans ce projet là je crois qu’ils avaient vraiment des moustiques partout qui s’étaient installés à tous les balcons et au-delà de ça, étant donné que la végétation était très peu entretenue, on se retrouvait finalement avec des problèmes de luminosité énormes, puisque la végétation se développait vraiment devant les vitrages et c’était invivable visiblement. Sur la question des nuisibles avec les moustiques, c’est une question très présente mais il faut quand même savoir que si on la prend en compte dans la conception et que l’on n’a pas de rétention d’eau, s’il n’y a pas d’eau stagnante, on n’a pas de problème. Parce que les moustiques ils se développent et ils pondent dès qu’il y a de l’eau stagnante, c’est-à-dire que si on a des systèmes avec des réservoirs d’eau, du sable et des choses comme cela, on n’a pas de problème. Ce qu’il faut à tout prix éviter c’est l’eau stagnante, puisque même en faible quantité, ils peuvent se développer. Après, effectivement, la végétation peut devenir un abri pour les moustiques mais – Alors il y a des lieux de propagation et d’habitation. Les lieux d’habitation, on ne pourra jamais vraiment intervenir dessus, mais la propagation, en ayant un bon suivi technique, on peut gérer. Mais pour moi, par exemple, typiquement, la façade du Quai Branly, de Patrick Blanc, je n’adhère pas. Je n’ai pas vraiment d’avis mais par rapport à la dimension bioclimatique, est-ce que ça a un intérêt ? Je n’en sais rien, je n’ai pas de retour là-dessus, je ne sais pas s’il y a des données scientifiques sur la dimension isolante du végétal. Probablement en été, mais ce qui m’embête c’est la question du vitrage. Parce que pour avoir des systèmes avec plantes grimpantes saisonnière, qui font de l’ombre. Le très bon exemple de la protection végétale, c’est la glycine. Justement, tout ce qui est double peau végétalisée, qui est la partie suivante, je suis vraiment dans le cœur de mon sujet, et pour le coup je me retrouve vraiment avec cette question des plantes grimpantes qui jouent un rôle de protection solaire, et notamment des glycines et autres plantes grimpantes, sur divers projets. Et là c’est les projets que j’aimerais le plus étudier dans mon mémoire. Alors on a peut-être quelques trucs là-dessus. Moi je n’en ai pas fait directement, mais Jérôme je crois qu’il en a fait à Aix-en-Provence. Moi ce que je sais c’est qu’on en a fait à plusieurs endroits, mais je n’ai rien de significatif, on en a fait à Château-Renard, mais je ne sais pas où cela en est parce qu’on a eu des soucis avec le maître d’ouvrages et je n’y suis pas retourné depuis un moment pour voir comment ça pousse. En gros, par rapport à cette question, il y a une question hyper importante, qui est de séparer le poids porteur de la structure, du poids de plantation. Pour une raison simple, c’est que si on met les deux, entre le poids porteur et le poids de plantation, on a un massif en béton au niveau du point porteur, on a de la fondation, et que pour que la végétation se développe, notamment les grimpantes, il faut vraiment du sol, c’est hyper important. Donc ça c’est vraiment un truc que j’ai identifié très clairement, cela demande un vrai savoir-faire sur ces questions de savoir comment on gère le démarrage de pieds de la grimpante. Il faut qu’il soit un peu détaché, parce qu’on a tendance à le mettre à côté du poteau ou du mur, c’est l’évidence, mais il faut remettre cette évidence en question parce qu’on a la question du vivant et il faut prendre en compte le fait qu’il faut qu’elle ait de l’espace dans la terre pour vivre. Cela paraît évident, je pense qu’on coupe vous voyez bien le principe ? Oui, tout à fait, et d’ailleurs je me demandais, en termes de système racinaire, ce que ça pouvait donner ces plantes grimpantes. Parce que dans mes études on m’a déjà parlé de systèmes racinaires de grandes plantes, d’arbres, etc. Mais c’est vrai que sur ces grimpantes je me demandais si c’était quelque chose qui était un peu proportionnel à leur développement hors-terre ou si cela restait assez réduit comme développement. C’est une bonne question, en fait je n’en sais trop rien. Moi je connais un peu les systèmes racinaires de quelques familles d’arbres, donc évidemment on a en tête cette question des systèmes racinaires traçants de pins, qui ont tendance à avoir des racines principalement horizontales parce que l’échange gazeux se fait beaucoup avec l’air ambiant. C’est pour cela qu’on ne peut pas rajouter de la terre sur un terrain où il y a des pins, puisque sinon on étouffe l’arbre. Les grimpantes je ne me suis jamais vraiment posé la question. Je pense 206


qu’il y a une question importante aussi, c’est les dispositifs de protection de la façade, notamment en termes d’humidité. C’est-à-dire qu’il faut qu’on ait des choses drainantes pour que l’on n’ait pas de problèmes de remontées d’humidité, parce que quand on a du végétal, au moins au démarrage, … Une autre question qui est une généralité, dans nos pays méditerranéens, on a un gros ennemi, qui est le goutte à goutte, pourquoi ? Parce qu’en fait la plante c’est du vivant donc elle a le côté fainéant de tout vivant, elle va au plus simple. Si vous lui donnez du goutte à goutte quotidien, l’eau va en surface, elle descend sur 15, 20 ou 25cm et ducoup la plante vit avec ça et ne va jamais vraiment chercher en profondeur et elle devient totalement dépendante de ce goutte-à-goutte. Par contre il y a des gens qui ont fait des travaux là-dessus, notamment un paysagiste qui s’appelle Filippi, qui a écrit notamment des bouquins sur les alternatives au gazon, qui a été à l’école d’ailleurs. Il est situé à Mèze et lui il travaille beaucoup sur cette question. Il s’inspire beaucoup du végétal méditerranéen en habitat naturel, et évidemment c’est ce qu’il faut rechercher, c’est-à-dire que nous aujourd’hui, ce qu’on essaie de faire quand on plante, c’est qu’on propose des choses où il y a de l’arrosage au démarrage et dans les périodes de canicules et le reste du temps on essaie de se passer de l’arrosage, avec l’idée que le végétal, plus on va le conditionner pour que ses racines aillent chercher profond, plus il va supporter le stress hydrique, parce que plus on est profond, plus il y a de la fraîcheur et plus il y a de l’humidité. Donc ça c’est hyper important pour votre question. Je ne connais pas la nature de la racine de la grimpante, et je pense que ça dépend beaucoup de la famille de la grimpante, mais en tout cas il faut avoir cette idée en tête qu’il ne faut pas juste donner un pot avec un massif, il faut essayer de donner du sol, ce qui est toujours compliqué en ville, et c’est pour cela que pour les arbres, on nous demande de faire des fosses de minimum 2m par 2m par 2m. C’est vrai que cette question de l’entretien derrière, et comment on va laisser vivre plus ou moins la plante, j’ai l’impression que c’est quelque chose qui freine à leur mise en place. J’ai l’impression que c’est une vraie appréhension, et les résultats que j’ai pu avoir dans mon questionnaire où j’interroge les concepteurs vont dans ce sens. Sur ces systèmes de double peau végétalisées, l’appréhension de leur entretien est identifiée comme l’un des plus gros freins à leur démocratisation. Bien sûr, mais en même temps je suis convaincu qu’on doit changer de logique par rapport à ça. Aujourd’hui on est dans une économie où on produit des choses mais où on n’est pas dans la prise en compte du vivant, et donc ça veut dire qu’on n’a pas de jardinier pour entretenir, on ne remplace pas, on démoli et on refait, c’est exactement pareil qu’avec le bâtiment. Et je pense qu’on va devoir changer de logique par rapport à cette question. Quand on aura compris qu’une vigne vierge sur un bâtiment en double peau un peu comme vous l’avez montré, c’est une zone mellifère, c’est-à-dire qui attire les abeilles d’une manière incroyable, qu’il y a plein d’autres qualités que je ne connais pas comme ça, mais je suis sûr qu’en terme de biodiversité il y en a plein, en fait il y a un certain nombre de services rendus dont on a besoin pour vivre et qu’il faudra qu’économiquement on se paye le fait d’y passer un peu de temps pour l’entretenir. En plus je pense qu’il vaut mieux faire ça, au niveau sociétal. Enlever les feuilles mortes de ces trucs plutôt que de passer une peinture toxique sur un mur. Ça c’est ma vision un peu écolo mais je pense que c’est comme cela qu’il faut voir les choses. Donc bien sûr qu’aujourd’hui c’est un frein, mais il faut bien mettre aussi en face la réalité dans laquelle on s’inscrit. C’est-à-dire qu’aujourd’hui c’est un frein parce qu’on est dans une logique où on voudrait produire des bâtiments qui ne demandent pas d’entretien, on part dans une espèce de délire sur le fait que tout ça va se gérer avec des machines et des ordinateurs, moi je n’y crois pas du tout. Je pense qu’au contraire le lowtech ça demande un investissement humain, mais je pense que si on le gère bien, si on trouve les bonnes mises en œuvre, avec des coursives, qu’on puisse y accéder sans échelle par exemple, c’est faisable, ça ne pose pas de problème, c’est juste qu’on va devoir payer des gens pour le faire, mais est-ce que sociétalement ce ne serait pas une bonne chose ? D’avoir aussi des emplois de gens qui entretiennent le vivant ? C’est des questions à poser aussi puisque lorsqu’on propose ce genre de solution, il faut absolument arriver à prendre l’ensemble des tenants et des aboutissants, on ne peut pas simplement dire que ça remplace une ventelle. Bien sûr ça peut remplacer une ventelle mais il y a d’autres questions qui vont avec. Je suis complètement d’accord mais c’est vrai que plus j’avance dans mon mémoire, plus je me dis qu’il faudrait que je dresse une sorte de portrait de la double peau végétalisée « souhaitable » et cette question de l’entretien me paraît vraiment cruciale et je me demande, si quand on pousse plus loin le raisonnement, si dans cette double peau végétalisée souhaitable, il n’y aurait pas aussi une part à trouver dans l’implication des usagers et d’éducation presque, pour maintenir leur entretien et sensibiliser à cette question du vivant et des plantes grimpantes qui vont filer sur leur façade. Moi je pense que c’est une évidence et que tout l’intérêt c’est ça. Cette reconnexion à la nature par laquelle 207


on va être obligé de passer pour survivre parce qu’on n’a pas le choix et qu’on a pris le chemin de s’écarter de ce truc là et aujourd’hui on se rencontre que si on est en rupture par rapport à un certain nombre de rythme, on va droit dans le mur. Une bonne manière de le formuler c’est peut-être aussi de dire « bon bah on fait ça et ducoup on a une saisonnalité, une réalité, avec des stress hydriques quand il fait très chaud, il se passe des choses, il y a du vent, ça bouge. Toute cette question qui fait que même simplement par la fenêtre on a un contact quotidien avec cette dimension et je pense que c’est comme cela qu’il faut penser les choses. Il faut dire que le vivant qui est avec le bâtiment doit appartenir aussi aux usagers du bâtiments. C’est du vivant qui doit être entretenu par du vivant, cela forme un ensemble en fait. Mais ce n’est pas une idée simple parce que nous par exemple on a été sur un projet d’un promoteur dans un terrain absolument incroyable qui a été plus ou moins abandonné à Marseille, il y avait 400 arbres et nous, dès qu’on a été sur ce projet, on a tout de suite dit au promoteur qu’il fallait absolument un parc. D’abord il fallait trouver l’implantation des bâtiments, mais après l’idée c’était de faire le contraire de d’habitude, où on met les bâtiments et on plante derrière ; là il y avait déjà des arbres et on vient faire des bâtiments qui vont vivre avec eux, donc il faut l’entretenir ce parc, il faut être avec les jardiniers, il faut que les enfants puissent en profiter pour apprendre des choses, il faut le régénérer. Il y a des moments où certains arbres vont être malades donc on va les abattre pour en planter des autres, il faut le surveiller, il faut l’entretenir, il faut vivre avec et il ne faut pas simplement le consommer. C’est ça le gros changement de paradigme, il faut qu’on arrête de consommer notre environnement, il faut le vivre. Et je pense que cette question de la double peau elle se pose très bien par rapport à cette question globale. Je vois. Déjà je me posais la question de l’impact réel sur la biodiversité de ce type de solution et en particulier dans des contextes urbains qui peuvent être très denses et très coupés de toute la biodiversité environnante, et je pensais aussi au lien avec l’extérieur et la nature. Est-ce que ce serait complètement inefficace de mettre en place ce type de solution dans des contextes urbains très denses et très coupés de la nature ? Est-ce que finalement l’apport sur la biodiversité ne se fait pas dans ce cas-là ou est-ce que au contraire cela peut être un levier pour rapporter et ramener un peu de biodiversité dans ces endroits-là ? Moi j’aurais 2 éléments de réponses, le premier c’est que dès qu’on lâche un peu la pression, en tout cas sur la question des espaces naturels, ce qui n’est pas tout à fait le cas avec la biodiversité, on se rend compte que la biodiversité reprend très facilement de la force. Donc ça c’est la première chose, ça veut dire qu’à un moment, pour un peu qu’on laisse permettre des choses un peu vertueuses, ça fonctionne, donc il faut l’avoir en tête. La deuxième chose, pour faire un peu simple, sur la question de la biodiversité, pour moi il y a 2 catégories, ce qu’on appelle les réservoirs de biodiversité, c’est-à-dire des lieux qui sont déjà un peu constitués et qui ont une taille minimale critique qui permettent une sorte d’échange, les barques, un jardin, une haie de biodiversité multi-spécifiques. Après il y a des sortent de pointillés qui rejoindraient ces réserves, et cette solution pourrait être dans les pointillés. Évidemment qu’en ayant une seule espèce, on ne pourra pas imaginer reconstituer un biotope, c’est sûr. Je pense qu’il faudrait peut-être le travailler, mais ça serait tellement complexe qu’avec le bâtiment on aurait du mal. Mais par contre, il y a cette question du pointillé quoi, et dès qu’on a du pointillé, c’est sûr que s’il y a aucun jalon à côté, il n’y aura rien, mais ce n’est pas grave, même s’il n’y a rien, ça reste positif. Je crois qu’il ne faut vraiment pas que cette question de la densité soit un frein. Il y a toujours plein de questions, c’est toujours pareil, il ne faut pas s’arrêter juste ni sur la question du climat ni sur la question de la biodiversité, toutes sont inter-liées. En gros il y a la question de la santé, la question de l’agriculture pour produire, bien sûr la question du climat et la question du vivant. Mais imaginez qu’on supprime une de ces 4 questions, on supprime la santé, avec les problèmes qu’on a eus, on n’y arrive pas. On supprime l’école, on n’y arrive pas non plus. En fait la question de l’écologie c’est la prise en compte de ces 4 questions. Et ça veut dire que, par exemple, sur la question d*inaudible*en centre-ville, il y a plein de vertus. Il y a une vertu de santé par rapport aux habitants. Il y a eu des tests très clairs qui ont été faits sur des patients à l’hôpital qui avaient vue sur le par cet d’autres qui avaient vue sur le parking. Cela a été documenté. Vous savez, si dans les blocs opératoires tout est vert, c’est parce que le vert est une couleur apaisante. Alors c’est aussi parce que c’est le contrepoids du rouge, mais voilà, le vert a été choisi en grande partie pour cela. Donc il y a toutes ces données là qu’il faut intégrer, et évidemment dans la question de la double peau végétalisée, il y a la question de l’îlot de chaleur urbain. Si sur la biodiversité on n’était pas hyper performant, on est performant sur d’autres trucs, donc je pense que la vraie question c’est plutôt la question de la réhabilitation, c’est-à-dire comment est-ce qu’on plante en pieds de façade des bâtiments existants, sans provoquer des dommages sur les fondations, ça c’est la vraie question pour moi. Je vois. Et sur la plupart de ces solutions, en tout cas de ce que j’ai vu, on se retrouve très souvent avec des 208


treillis et des supports métalliques et ça vient donc souvent avec un certain « coût » en énergie grise, et je me posais aussi la question de la possibilité de faire des double peaux comme cela, mais un peu plus frugales en quelques sortes, et sur des solutions avec peut-être plus de bois ou d’autres matériaux avec moins d’impact environnemental. Mais je me demande aussi si c’est vraiment viable, si ce sont des matériaux qui peuvent avoir une bonne interaction avec le vivant et notamment avec l’humidité aussi. Qu’est-ce que vous en pensez ? Oui, je pense que c’est un raisonnement qui peut tenir, mais après je pense que ça vaudrait le coup de se poser la question de la réhabilitation. Est-ce qu’il y a des endroits où l’on peut créer des double peaux végétalisées sur de la réhabilitation. Aujourd’hui je fais partie des gens qui pensent qu’à l’école d’archi vous devirez faire beaucoup plus de réhabilitation que ce que vous faites aujourd’hui, vous devriez faire presque que ça. J’exagère peut-être un peu. Non mais c’est vrai, et ne serait-ce qu’aujourd’hui ça représente énormément d’opportunités. Je crois que j’avais lu que c’était 60% de la demande. Et 80% dans 4 ans ! Alors je pense qu’il y a un truc qu’il faudrait regarder peut-être, c’est le bambou. Alors je sais qu’il y a des échafaudages en bambou dans les pays qui produisent beaucoup de bambou, donc c’est peut-être une solution. J’avoue qu’on ne nous a jamais demandés de réfléchir là-dessus donc on ne l’a pas fait, donc il y a peut-être une piste là ! C’est vrai que je n’avais jamais pensé au bambou mais c’est intéressant en effet. Je pense qu’il y a des exemples d’échafaudages en bambou qu’il faudrait regarder. *montre une image* Voilà, alors après il faut réfléchir à la question de comment est-ce qu’on se tient sur la façade, etc. Je pensais à ça et cela m’a fait penser à un projet que j’ai trouvé absolument extraordinaire, de Renzo Piano en nouvelle Calédonie. Je n’ai jamais regardé de détail technique mais il y a peut-être des choses intéressants sur la mise en œuvre, qui s’inspire de la mise en œuvre traditionnelle. Mais moi je pense que c’est toujours pareil, qu’on doit regarder aussi ce que faisaient les anciens, *inaudible* et qu’on a oublié. Alors cela ne veut pas dire qu’il faut revenir à ce que faisaient les anciens, mais on peut sûrement s’en inspirer et peut-être qu’il y a des solutions de mise en œuvre, je ne sais pas. Une dernière question, vous avez commencé à y répondre, en partie en tout cas tout à l’heure. C’est vrai que je comptais axer mon mémoire plutôt dans la limite du climat méditerranéen. Est-ce que vous pensez que c’est un climat adapté dans lequel il faudrait encourager la mise en place de ce type de solution, ou peut-être qu’il faudrait plutôt privilégier d’autres solutions dans ce climat là puisque ce serait moins efficace que dans un climat tropical par exemple. Et bien c’est une vraie bonne question. Je pense qu’aujourd’hui je répondrais oui, sans problème, mais demain, je ne sais pas. Parce que si on se retrouve avec le climat de Marrakech à Montpellier en 2050, je ne suis pas sûr qu’on soit capable de tenir des grimpantes là-bas, enfin on peut mais dans un système d’Oasis. Je pourrais essayer de vous trouver des photos, je suis déjà allé à Marrakech il y a quelques années et je vais regarder ce que j’avais fait. Effectivement, on est en droit de se poser la question si la double peau végétalisée est viable avec un système qui s’assèche, ce qui est sûr c’est que si on n’a pas de sol ce n’est pas possible. Il faut du sol. On a des réseaux sous les trottoirs donc ça peut être compliqué. Mais c’est vrai qu’aujourd’hui la grosse problématique de la ville devant les bâtiments c’est la question du sol d’une manière générale, parce qu’on peut planter des arbres *montre une image*. Là on voit bien comment ça fonctionne par rapport au bâtiment. Alors c’est une rue particulière qui a à Marseille, et j’y suis passé hier et c’est incroyable la différence de confort. On est que le 15 Mai et en été c’est super. Par contre c’est vrai que ça demande des emprises au sol et le problème aujourd’hui c’est l’érosion. Quand on voit la difficulté, par exemple quand on fait des tramways ou des choses comme cela, où on est obligé d’enlever et de déporter les réseaux pour pouvoir garder une continuité *inaudible*. C’est pour cela qu’on les libère les tramways, on voit que c’est la grosse partie *inaudible*. Tout ce travail de préparation, de dévoiement, c’est vrai que c’est compliqué. Nous les projets qu’on a pu faire pour des espaces publics en ville le problème à chaque fois c’est le sol. Après sur des bâtiments neufs je pense que la question se pose complètement différemment, mais sur l’existant, je pense que c’est vraiment très compliqué de mettre de la *inaudible* en ville, autre qu’avec de l’arbre. C’est vrai que l’arbre au moins on a une fausse qu’on peut arroser, recalibrer. C’est vrai que sur la pertinence en réhabilitation, ces histoires de réseaux ça peut vraiment être un très gros frein. Et bien écoutez, j’ai fait à peu près le tour de toutes les questions que j’avais à vous poser. Est-ce que vous avez des idées de personnes qui pourraient être familières avec ce type de façade et que je pourrais contacter dans le cadre de mon travail de mémoire ? Pour ce type de façade ou des personnes plus ou 209


moins familières avec les systèmes de plantes grimpantes ou de double peau tout court ? Je vais y réfléchir. Est-ce que vous avez quelque chose à ajouter ? Encore une fois je pense qu’il faut voir chaque chose dans son ensemble. Il ne faut surtout pas commencer à coller du végétal pour faire cette *inaudible*. Là on a un premier ministre qui est nommé à la transition écologique et on va voir s’ils ont pris la mesure de ce que devait être la transition. En fait une transition c’est une évolution. C’est-à-dire qu’à un moment on ne peut pas coller des choses juste à côté des autres, il faut vraiment les penser en interaction. La double peau je pense que ce n’est pas vraiment une solution. Dès qu’on y intègre le vivant il ne faut pas oublier *inaudible* le vivant et les conditions du vivant. Ducoup c’est compliqué mais peut-être qu’on n’a pas trop le choix. Parfait merci. Je vous remercie vraiment de m’avoir accordé autant de temps et je vous souhaite une bonne journée. Bonne journée Max, au revoir. Au revoir.

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Retranscription de l'entretien avec Florent CAPPOEN Datant du 19 Mai à 14h00 (durée : 1h06mn) Malheureusement, le fichier audio était corrompu, voici donc ma prise de note : Florent CAPPOEN, ingénieur et architecte. Il travaille depuis 12 ans chez Arcora* où il est aujourd'hui directeur de projets (dont de nombreux projets de double peaux). *Arcora est un bureau d'études, filiale du groupe Ingérop, spécialisée dans les domaines de la structure, de l'enveloppe et de la façade des édifices et ouvrages complexes Voir groupe ingerop Sur les façades double peaux des bâtiments de grandes hauteurs, on a généralement des modules préfabriqués de 1m35 avec une partie vision et une partie opaque. Elles sont communément appelées façades cadres / façades blocs. Document de référence : DTU 33.1 sur les façades rideaux Autre document sur la « Façade multiple » : Un guide Grenelle Environnement (RAGE) https://www.programmepacte.fr/sites/default/files/pdf/guide-rage-facade-multiple-double-peau201402_0.pdf Un article qui résume bien le fonctionnement https://www.sageglass.com/fr/article/facades-double-peau

des

double

peaux

:

Sa première approche = un projet directement → Tour EQHO/ CB50 (anciennement Tour Descartes). C’est un projet de réhabilitation de cette tour avec une double peau mince. Le vrai problème avec les double peau c’est que la lame d'air « ventilée » peut monter à 60 voire 80°C. On dit que c’est une double peau « ventilée » mais qui ne l'est pas vraiment car ce n'est pas agréable d'ouvrir sur cet espace beaucoup trop chaud. Cela peut-être fonctionnel à la mi-saison, et encore... La réglementation coupe-feu conduit constamment à la réalisation d’ATEX sur ce type de façade. Selon lui, un domaine de recherches à privilégier → les plantes grimpantes, et plus généralement intégrer le vivant. Chez Arcora ils ont d'ailleurs un département de recherche sur des innovations en façade (le Lab) dont une des thématiques de travail actuelle est la mise en place de végétaux en façade. Ce qui ne va pas avec les double peaux végétalisées, c’est l'entretien. Il faut vraiment réfléchir à l'accessibilité pour l'entretien (coursives par exemple) car les jardiniers n'ont pas forcément la compétence de descendre en rappel sur les façades. Au niveau de la modélisation des façades végétalisées, en fait aujourd'hui on fait comme s’il n'y avait pas de végétation ! Comme on ne peut pas prévoir le développement d'une plante, on calcule sans prendre en compte la végétation. Après il faut trouver des maîtres d'ouvrage qui sont ouverts à la végétation et qui comprennent que même si cela n'apparaît pas dans les calculs, mettre un arbre à tel endroit va bien diminuer les apports solaires, etc... Pour creuser sur cette question de la façade végétalisée : → Contacter Triptyques architecture à propos du projet Villa M → Contacter l’Atelier Jean Nouvel

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Retranscription de l'entretien avec Simon DIARD Datant du 31 Mai à 17h30 (durée : 56mn) Même si vous avez dû le voir dans mon questionnaire, je vais me re-présenter rapidement, moi je m’appelle Max COLIN, je suis en première année de master à l’école nationale supérieure d’architecture de Montpellier et pour mon mémoire j’ai décidé d’aborder le sujet des double peaux en architecture, et au fur et à mesure de ma réflexion, j’ai commencé à m’intéresser de plus en plus aux double peaux végétalisées, parce que j’avais l’impression c’était une pratique émergente et à première vue plutôt souhaitable comparée à d’autres solutions de double peau et mon mémoire s’oriente donc petit à petit là-dessus. Estce vous pourriez peut-être d’abord vous présenter en quelque mots donc nom, prénom, profession, etc… ? Alors Simon DIARD, paysagiste chez PUNK Agency dans le 20ème à Paris. L’agence réalise divers types de projets, du logement à l’industrie, et sur lesquels je suis beaucoup consulté pour ces questions de végétalisation de façade ou de toiture dans le neuf et notamment en phase chantier parce que c’est toujours là où on tout le temps la bonne idée, et en phase chantier on se rend compte que ce n’est pas toujours aussi simple. D’abord parce que les entreprises n’ont pas tout le temps l’habitude, ou applique les choses d’une façon très mécanique alors qu’ils travaillent avec du vivant. Ça, c’est extrêmement compliqué ne serait-ce qu’en terme de phasage de chantier, de plein de choses. Arrivée des végétaux, mise en œuvre des végétaux, arrosage des végétaux, quand ce n’est pas arrosé c’est toujours un peu compliqué. Voilà on essaie de trouver les bonnes solutions. Alors c’est en faisant qu’on apprend, mais maintenant ça fait une dizaine d’années que je fais ça donc je commence à avoir l’habitude de ces questions. Je vois, et ducoup vous parlez de façades végétalisées que ce soit par des murs vivants, des … Enfin quels types de solutions ? Alors les mise en végétaux oui, en plein parce que c’est une très bonne idée en soi mais peut-être pas sous nos latitudes, et pas avec nos modes d’exploitation des bâtiments qu’on a surtout dans l’hexagone, mais c’est vrai qu’un mur végétalisé ça peut être très bien en plein, j’entends les murs type quai Branly et les choses comme ça. L’ennui c’est les contraintes d’entretien, d’arrosage, d’étanchéité, et parfois d’engrais qui sont tout de suite des problématiques du point de vue de la durabilité. Et en fait si c’est pour avoir des plantes qui sont sous perfusion pour exercer leur rôle de peau ou sinon d’esthétisme en fait ça pose quand même la question de la consommation d’eau, d’utilisation d’engrais, et des contraintes d’exploitation et de gestion qui sont très onéreuses. Le quai Branly par exemple c’est un passage par semaine de 4 personnes, il faut changer toutes les plantes en permanence, c’est très compliqué. Oui ce projet de Patrick Blanc est vraiment énormément cité et même si c’est vrai qu’esthétiquement je dois reconnaître que c’est plutôt réussi, c’est vrai que derrière visiblement l’entretien c’est quand même quelque chose ! Ah oui, c’est plus que quelque chose, c’est surtout beaucoup. Là c’est un musée donc c’est de l’argent public, donc ce n’est pas illimité, loin de là, mais on va dire que ça passe à blanc. Quand vous êtes en co-pro ou des choses comme ça c’est pas du tout viable. Au bout de 2 ans, ou même une période de COVID tout simplement, où pendant 3 mois, au mois de Mars 2020 il a fait super chaud, personne ne pouvait entretenir ces choses-là et si ce n’était pas irrigué c’était mort, et il y a plein d’exemples de façades végétalisées qui sont souvent mortes durant ces périodes. Alors s’il n’y a pas les moyens en plus, si c’est une co-pro privée ou des choses comme ça, c’est pas du tout possible ni viable. Ça marche dans l’imaginaire, ça marche sur les concours, mais après c’est plus compliqué au niveau de l’entretien dans la réalité. Quelle a été votre première approche de la double peau ? Est-ce que ça a été directement un projet, une étude, un article ? Et est-ce que ça a été directement aussi par une double peau végétalisée. Oui, alors c’était une double peau pour un immeuble de la poste dessiné par *inaudible* l’architecte. Donc effectivement on avait une première question : est-ce qu’on a un grillage ? Parce que c’était des logements privés, plutôt haut de gamme, qui faisaient toute la périphérie entière du bâtiment, donc des balcons filants qui tournaient tout autour du bâtiment. Et effectivement, ça a été du grillage, des choses comme ça, et on voulait éviter l’effet balcon-grillage absolument, pour des problématiques de renvoie d’images ou des choses comme ça. Et l’idée est venue petit à petit de créer un treillage à très large maille végétalisé. Donc ma première expérience de ça c’était un dessin en AVP, jusqu’au DCE et l’exécution que je n’ai pas suivie. Donc il fallait dessiner du mieux possible cette double peau végétalisée. Et je n’ai pas vu la livraison, j’ai vu les photos et ça a l’air d’avoir fonctionné, même là, 10 ans après ça a l’air d’avoir tenu !

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Est-ce que vous pensez que ces double peaux végétalisées ont vraiment leur place aujourd’hui dans les solutions de conception qui se veulent plus pertinentes dans le contexte de transition énergétique ? Là il y a différents points de vue, si on se met sur l’aspect bâtiment avec combien de mètres carrés de végétal on va imposer en façade, sur quelle épaisseur, quelle biomasse ça va représenter, quelle captation de CO2, des choses comme ça, le rendu réel en service écosystémique en fait. C’est intéressant de le voir comme ça. C’est toujours un plus de toute façon. Quand on fait un bâtiment c’est ou ça, ou ça finira en parement béton ou autre, donc c’est toujours intéressant. Après c’est important de se poser la question, si dans le contexte, une fois le bâtiment réalisé, est-ce que c’est viable ? Co-pro privé c’est compliqué, bâtiment tertiaire c’est un peu plus simple parce qu’il y a souvent qu’un seul gestionnaire, industriel c’est pareil, c’est souvent qu’un seul gestionnaire, bâtiment public c’est un peu plus simple, même si les moyens ne sont pas infinis, surtout en ce moment. C’est toujours une façon de se poser la question de, plutôt que d’aller chercher absolument du mètre carré à construire, et donc à vendre, et dire je ne fais pas de jardin dans mon lot parce que la façade est végétalisée, si on est en ville, si on est en ZAC ou des choses comme ça, est-ce qu’il ne serait pas plus malin d’avoir des systèmes de végétalisation qui seraient plus simples et plus basiques, je pense simplement à des jardins en pleine terre, qui assurera un écosystème directement établi avec des trames brunes, des choses comme ça, et qui, avec très peu d’entretien – façade végétalisée il faut imaginer l’entretien que c’est, même si les premières années, on peut regarder l’arbre en ville d’Édouard François, dans le 13ème, effectivement, le temps que ça se développe ça paraissait un petit peu à clairevoie on va dire, mais il y a un moment où de toute façon, les gens qui habitent dedans, on peut pas leur offrir un masque de verdure en permanence, les conditions d’accès à la lumière du jour, les choses comme ça, ensuite c’est un confort de vie à l’intérieur des logements, donc tout ça il faut aussi se poser la question. Dans tous les cas c’est un entretien qui est compliqué, et c’est un des freins principaux au développement de cette méthode, de cette pratique. Après ce qui est intéressant quand même dans tous les cas c’est qu’en terme de services écosystémiques et de cadre de vie c’est génial ! Notamment pour les usagers de l’espace public, après je ne sais pas si vivre dedans, en tout cas pour ce que j’ai vu au moment des livraisons, il y a des questions d’accès à la lumière du jour ou d’impression d’être enfermés un petit peu, qui posent des questions. Mais après, si on prend les images *inaudible* avec les *inaudible* végétales c’est génial quoi. Ça peut marcher, mais je ne sais pas si c’est forcément le cas pour des logements où on a besoin de lumière du jour. Ça peut être sur d’autres bâtiments plus tertiaires ou même d’industrie ou de logistique, qui sont des bâtiments quasiment aveugles et où ça aurait beaucoup plus de sens, avec ce système à faible entretien et en laissant la végétation complètement libre. Ça ce serait le plus intéressant. C’est mon point de vue, après dans tous les cas ça se défend et ça se déplace, ça dépend des projets, ils sont tous très différents. À propos de cet entretien, est-ce que vous avez déjà eu l’occasion, au moins d’initier la réflexion, dans certains projets, d’impliquer les usagers dans cet entretien directement ? Ou est-ce qu’il n’en a jamais été question et ça a toujours été écarté ? Si, j’avais déjà essayé ces questions-là, on a été urbanistes de ZAC Tartres dans le 93, qui est à cheval sur 3 villes, Pierrefitte-sur-Seine, Stains et Saint-Denis. C’était une commune qui était aux manettes de cette t étude, et l’urbaniste c’était Nathalie Quiot de Ozone Architecture. Et on s’est posé la question justement, et avec les communes et les services de Saint-Denis on est arrivé à des réunions d’atelier de réflexion mais c’était très compliqué parce qu’il y avait plusieurs opérations à Paris ou en banlieue Parisien, ou même Nantes, où on essaie de livrer des toitures potagères. Alors ça marche toujours très bien la première année, mais il faut vraiment un syndic ou une association d’habitant qui soit super motivés. Parce que le premier printemps c’est toujours top, tout le monde va être là-haut au soleil à ramasser ses tomates, ça c’est sûr. Au premier hiver faut quand même entretenir tout ça, et le printemps qui suit généralement là c’est terminé, c’est out, personne ne s’en occupe. C’est très fréquent. Et c’est aussi les questions de la destination des logements, si c’est des gens qui achètent pour faire du locatif, les locataires sont souvent moins investis dans la vie des immeubles que quand ils sont chez eux. Ça dépend vraiment des coins, des promoteurs ou des *inaudible*, c’est tout le temps des questions de programmation qui sont super importantes et qui parfois passent à la trappe. Et c’est pour ça qu’il y a des tas de loupés. En toiture déjà c’est un peu plus simple, quand la toiture est accessible et aux normes, ensuite, de l’entretien en façade par des habitants ou des occupants des logements, ça me semble toujours un peu compliqué en termes de sécurité, parce que c’est quand même des cordistes, des gens comme ça, sur des interventions de grande hauteur et des trucs comme ça. Pour les façades c’est souvent une question d’âge aussi (?), généralement les occupants ne sont jamais conviés ou n’ont pas la capacité de pouvoir gérer ça. C’est très rare. Sauf dans le cas où c’est différentes peaux posées sur les 213


balcons qui participent à ça, ou la peau peut être privative et participe à l’ensemble de la façade, c’est-à-dire que X peaux privatives font une grande façade, ça peut marcher, mais c’est toujours la question de : s’il y en a 1 qui entretien et 2 qui n’entretiennent pas, la moitié de la façade va être grillée en fait. Et là on a tout de suite l’impression d’un loupé, et en fait ce n’est pas tant une erreur de conception mais plutôt une erreur de post-livraison on va dire. Et ça ce n’est pas des erreurs d’ailleurs, c’est de l’implication habitante sur lequel l’architecte ou le paysagiste n’ont aucune prise. Quand vous parliez du projet d’arbre en ville d’Édouard François, vous parliez du projet de la tour M6B2 ? Oui c’est ça, l’arbre en ville. Justement sur ce projet, c’est un des projets qui est régulièrement revenu dans les recommandations que l’on m’a faites sur les double peau végétalisées, et j’ai beaucoup de mal à trouver des photos où cette végétalisation est développée. C’est parce qu’elle n’est pas développée en fait, c’est assez compliqué, elle a un petit peu de mal à se développer. C’est le paysagiste BASE qui a travaillé dessus, avec Édouard François, et en fait elles sont plantées dans des grandes gouttières en colonne en inox, et il y a un arrosage automatique donc la question de la consommation d’eau se pose aussi, mais c’est autre chose. Mais le problème c’est que pour que la plante se développe, ça ne pousse pas forcément que dans des colonnes, il faut que la plante puisse aller fouisser d’autres horizons horizontalement, et là ça ne pousse que verticalement. Le seul ennui d’une colonne c’est que la section du pot et très petite et en été une petite section ça veut dire une forte évaporation. Parce que les façades les plus exposées sont en plein cagnard, et c’est des tubes en acier galvanisés, qui doivent faire 20cm de section, sur des longs tubes qui font à peu près 1m qui sont tous reliés à l’arrosage automatique. Le seul problème c’est qu’au mois de Juillet ça se déshydrate très vite et en fait le substrat n’est pas assez *inaudible* pour que la plante puisse avoir assez à manger et se développer sereinement. Et en plus c’est une façade qui est réfléchissante avec une espèce de nikar (?) un peu vert, ce qui fait que les plantes ne sont absolument pas à l’ombre et elles ont vraiment très chaud, aussi bien sur les feuillages que sur les systèmes racinaires donc effectivement le développement des plantes est super long. Et en l’occurrence c’est beaucoup de plantes buissonnantes et ça a l’air d’avoir un petit peu de mal à démarrer. Et je suis passé devant pendant des années et des années donc j’ai pu voir l’évolution. Et oui parce qu’il commence à dater un petit le bâtiment ! Oui il a dû être livré il y a au moins 7 ou 8 ans déjà. (6ans pour être exact) Et sur cette question de temps de couverture et du temps de pousse j’ai l’impression que c’est aussi un point qui mène à une appréhension sur ce type de façade étant donné que si on cherche à avoir un masque solaire à partir de cette solution, on va devoir attendre plusieurs années avant qu’il soit vraiment là. Oui tout à fait, alors maintenant si la maîtrise d’ouvrage est très riche et très généreuse, on peut planter grand, mais le problème de planter grand ça veut dire qu’il faut des grands pots, donc beaucoup de substrat, qu’on va mettre en eau donc ça veut dire une surcharge en poids lorsqu’il est en eau, et donc ça veut dire des surdimensionnements sur tout ce qui est conditions de tenue des façades, donc ce n’est pas du tout les mêmes treillis. C’est tout bête, mais si on met sur une façades 200 pots qui font 20Kg, ça commence à peser, s’il y a des balcons filants ça commence à être encore plus lourd et alors si la façade est autoportante on n’en parle même pas, il faut des surdimensionnements et là ça devient excessivement coûteux. Alors effectivement pour qu’une plante se développe bien il faut la transplanter souvent ou alors il faut qu’elle soit suffisamment de place pour son développement optimal à termes pour avoir l’effet que l’on veut. Mais ça c’est très dur à calculer, ça se peut, mais de toute façon faut planter avec beaucoup de substrat et là on aura des problèmes de dimensionnements de structure, enfin il n’y aura pas de problème mais il faudra juste dépenser beaucoup d’argent pour que cela tienne. Et je connais très peu de promoteurs qui aiment bien dépenser beaucoup d’argent pour que cela tienne. Et vous avez déjà eu des projets où vous avez planté en pleine terre en pied de façade ? Oui, tout à fait, moi c’est mon approche favorite, c’est en pieds de façade avec des horizons quasiment infinis. Enfin pas partout, infini ce n’est pas vrai, mais qu’au moins on puisse déjà protéger les pieds de façade avec les dispositifs nécessaires selon le type de plante. C’est toujours la question de planter près d’un ouvrage bétonné quel qu’il soit, pour les racines, étant donné que les racines végétales c’est quand même le seul être vivant qui peut digérer et assimiler le minéral, béton y compris, donc ça peut poser des questions d’humidité, d’arrosage, etc. Mais c’est vrai que c’est évidemment la meilleure solution de prendre une plante toute simple, qui pousse très bien, qui est chez elle, on va prendre un lierre par exemple. Après le seul problème des plantes grimpantes en façade directe c’est que ça abîme les façades, donc le lierre et ses crampons, ça abîmera la 214


façade. En double peau, quand on a la chance d’avoir une peau comme un grillage ou un treillage qui viendra se coller mais pas tout à fait à la façade, ne serait-ce que pour laisser respirer le mur, c’est super intéressant de le mettre en pleine terre. Au moins on n’a pas ces problématiques d’arrosage, on arrose les 2-3 premières années et après c’est terminé, ça pousse. C’est toujours la meilleure solution la pleine terre. De toute façon la pleine terre c’est sûr que c’est ce qu’il faut pour les plantes, sinon faut arroser. Après cette question de la consommation de l’eau, selon vous, pour rester dans une consommation raisonnable et souhaitable et pour ne pas que ça devienne un projet trop consommateur, avec trop de points négatifs, cela relève vraiment de l’intelligence de la conception ? D’habitudes d’entretien ? Alors bien sûr il y a déjà tout le choix des espèces, on peut planter des choses très belles, mais, typiquement, le quai Branly, si c’est des fougères et des plantes qui aiment l’ombre, et non pas le soleil, il va falloir vachement d’eau. Ensuite il y a le choix des espèces, comme planter des chênes verts à Paris il y a 20 ans on rigolait quand on disait ça, aujourd’hui 1 projet sur 2 il y a la moitié de chênes verts parce que le chêne vert il n’y a pas besoin de l’arroser, et il est de plus en plus adapté à la hausse des températures et aux périodes de canicules qu’on a en Ille de France. Si on plantait encore des érables comme on plantait il y a 20 ans, les canicules qu’on *inaudible* donc ça c’est de l’adaptation aux différents changements climatiques, mais c’est vrai que l’intelligence de construction ça peut être aussi récupérer les eaux de toiture par exemple. Le seul problème avec le fait de récupérer les eaux de toiture pour arroser les plantes c’est que généralement il ne pleut pas ou peu en été et c’est là que les plantes ont besoin d’eau, donc en fait on a nos cuves qui sont pleines quand on récupère les eaux de toiture en hiver, mais on n’a pas besoin d’arroser les plantes. Donc quand on a besoin de les arroser, en été, il ne pleut pas, elles ont soif, et les cuves sont vides. Et est-ce que dans certains projets vous avez déjà eu l’occasion de mettre en place un système de récupération des eaux grises ? Alors ça la réglementation ne l’autorise pas, c’est interdit, tu ne peux pas récupérer les eaux de toilettes ou les eaux de lavabo. Il faut filtrer tout ça et c’est en cours, c’est le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) qui est dessus, et c’est un peu compliqué de pouvoir avoir tous les ATEX et toutes les réglementations. Et effectivement c’est tout à fait faisable de récupérer une eau grise tant que ce n’est pas du produit vaisselle qu’on utilise pour arroser les plantes. Mais ensuite pour mettre en place le système je pense qu’il faudrait énormément de place et effectivement ces problématiques-là, à Paris, quand tu parles de 10m², ne serait-ce que pour un bassin de filtration ou des choses comme ça, ça fait 2 places de parking et ça a un prix. Un promoteur investira plus dans des places de parking que dans un système de filtration d’eau. On a toujours ce problème, le ratio de rentabilité, de toute façon c’est toujours comme cela que ça se passe, et malheureusement c’est souvent la technique à l’ancienne qui est privilégiée. Alors oui, il y a plein d’autres systèmes à imaginer avec des chimistes ou des choses comme ça, c’est certain, il y a des choses super qui existent, mais le problème c’est le coût, et après c’est pareil le domaine de la technologie dans le bâtiment, même si la technologie peut être un peu passive ou relever du bon sens, le problème c’est que la technologie il faut l’entretenir, toujours. Et surtout quand c’est du réseau d’eau ou du système d’ouverture. Récupérer les eaux grises pour les stocker c’est génial, s’il y a un système de filtration de l’eau, de neutralisation de certains polluants ou de certaines bactéries avec des systèmes électriques anodes, cathodes ou des choses comme ça, ça s’entretient. Après il faut avoir le contrat d’entretien derrière, il faut que tu aies livré, que tu sois sûr que c’est entretenu, c’est un peu comme une climatisation ou des VMC dans des bâtiments. Si ce n’est pas entretenu tout le monde *inaudible* et on en parle plus. Et c’est toujours un peu le même problème. Moi je suis plutôt côté bon sens et choses simples et planter simplement en pleine terre. Récupérer des eaux c’est super mais il faut s’assurer que derrière il y a la gestion qui suive quoi. Ça pose des questions d’avoir 25 intervenants pour la gestion d’un bâtiment de 60 logements, tu peux être sûr que ça dure 1 an ou 2 mais après quand on voit les coûts, il y a pas mal de contrats de gestion qui passent à la trappe, et tes systèmes d’eau sont morts, tes systèmes tournent, tes systèmes deviennent pourris, il faut les démonter et ça coûte encore plus d’argent. Ça partait d’une bonne idée mais comme ça n’a pas été entretenu ça devient une fausse bonne idée et il y en a beaucoup des comme ça. Donc ce n’est pas décourageant parce qu’une idée c’est que si tu prends soin du bâtiment le plein simplement possible en anticipant les coûts de gestion ce qui est le plus important parce que c’est souvent le nerf de la guerre, et ce qui fait que tu as ensuite une bonne réputation d’architecte parce que tes bâtiments ne sont pas flingués au bout de 15 ans. L’idée c’est que là ça peut être super intéressant parce que c’est une approche un peu à la low-tech et tu travailles simplement avec la nature et la physique. Tu n’inventes pas des techniques, des mécaniques et des trucs qui font des usines à gaz qui tombent en panne. Mais quand ces systèmes sont vraiment performants, adaptés, et connus, je pense qu’il 215


y a des choses fantastiques à faire, et avec des coûts raisonnables. En parlant du travail avec le vivant, il y a une phrase de Michel Corajoud, grand paysagiste : « Quand tu livres un bâtiment il commence à mourir et quand tu livres un jardin il commence à vivre, à pousser ». Donc dès que tu plantes un jardin, il faut anticiper la gestion du végétal. Et tout le monde aime bien avoir un arbre devant chez soi mais tout le monde n’aime pas s’en occuper. C’est toujours pareil, tu vois des projets d’archi à Paris qui viennent d’être livrés, c’est super beau avec des arbres plantés à 2m de la façade, et tu repasses 3 ans après, l’arbre on l’a coupé parce qu’il touchait la façade. J’ai l’impression que, c’est peut-être un peu utopiste, mais finalement cela relève aussi d’une certaine éducation ou d’une sensibilisation des usagers à toutes ces questions du vivant et de l’entretien. On est en train de penser que les tomates sont fabriquées dans des usines, on mange tous les jours du pain, on respire tous les jours gratos, alors que tout ça c’est les arbres et la nature, donc ça s’arrêtera que lorsqu’on aura l’impôt sur l’air parce qu’on pourra plus respirer et que tout sera filtré par des usines géantes, ça c’est juste *inaudible* depuis des millions d’année. Le problème c’est qu’effectivement, on aime bien tous aller en forêt et on aime bien tous prendre le métro aussi, mais il faut bien se rendre compte que la gestion des arbres, notamment en ville, c’est un métier, et il y a plein de bonnes idées, mais l’ennui c’est que c’est difficile dans le contexte actuel. On doit de plus en plus de logements pour que tout le monde puisse habiter, c’est normal, on veut densifier ou monter au maximum pour éviter de grignoter des terres, c’est normal, mais cela pose la question de la surexploitation déjà urbaine, et tout court, qui est liée à la question des arbres en ville et des espaces verts. Tu vois des villes comme Vincennes ou Ivry-sur-Seine, Ivry-sur-Seine les arbres tu les comptes sur les doigts de la main quand tu te balades. Vincennes c’est pas du tout la même approche de l’arbre en ville, c’est travaillé avec beaucoup plus de sensibilité et le service gestionnaire leur donne plus d’importance. À propos des solutions low-tech et de ces systèmes, aujourd’hui j’ai l’impression que le ¾ voire 9/10 du temps, on est sur des supports métallique ce qui signifie forcément – même si avec le recyclage c’est relativement atténué – une certaine consommation en énergie grise. Est-ce que vous pensez qu’aujourd’hui, ces supports pourraient être faits d’autres matériaux, que ce soit sur la structure porteuse, peut-être en bois, ou même le treillage, est-ce que c’est possible de le faire dans d’autres matériaux ? Est-ce que vous avez déjà eu l’occasion d’en réaliser des différents sur certains projets ? Alors c’est vrai que c’est très métallique, c’est pour des questions de durée dans le temps, ce qui est à peu près normal. On avait pensé à des cordes, des choses comme ça mais en fait c’est très compliqué car très rapidement la corde, notamment en chanvre, avec les UV et les intempéries, va très rapidement se détendre. Quand elle est mouillée-séchée, mouillée-séchée, au bout d’un moment elle pète. Et très rapidement la solution qui va être choisie c’est de l’inox ou du galvanisé. Alors après l’inox c’est un matériau qui a une énergie grise qui est importante, mais c’est recyclable, alors que le galva c’est plus compliqué, une fois qu’il est pété il part très vite à la poubelle. Après on avait réfléchi à plusieurs solutions, comme récupérer des vieux treillis à béton qu’on a pour faire les planchers. Parfois ça arrive qu’il y ait des sur-commandes en m² sur les chantiers pour les treillis, donc vu qu’ils avaient été pliés, qu’ils étaient là et qu’ils repartaient de toute façon à la benne ou sur un autre chantier, l’idée c’était de les récupérer pour pouvoir faire une espèce de treillis, puisque c’est déjà très rouillé donc ça n’allait pas bouger. Le problème c’est qu’il y a une question de soudure, de tenue, mais aussi de responsabilité pour le maître d’ouvrage, donc ce n’est pas un système qui est fait pour fonctionner *inaudible* et en fait c’est ça le problème, c’est que par exemple des contrôleurs techniques peuvent refuser ça sur ton chantier. Donc comme ce n’est pas aux normes ce n’est pas utilisé. Donc ça c’est un problème d’évolution des mentalités et on travaille avec son temps. En tout cas les cordes cela ne marche pas, parce que de toute façon elles n’ont pas une durée de vie assez importante. Là encore pour les treillages il y a 1000 façons de les faire mais à un moment tu es forcément confronté au problème des normes. C’est vrai qu’il n’y a jamais eu d’autres solutions que les deux caissettes en galvanisé mais après il y a sûrement d’autres solution, en terre cuite ou des choses comme ça. Mais par exemple la terre cuite, on a des cuissons à 1200°, en énergie grise c’est pas mal aussi. Alors un des intervenant avec qui j’ai eu un entretien m’a suggéré l’utilisation du bambou, qu’est-ce que vous en pensez ? Oui, le bambou c’est un bois qui a une super diversité d’emploi extérieur, c’est quasiment imputrescible et en Asie on construit des tours avec des bambous. Donc c’est un bois génial mais le problème c’est, où on le fait pousser et d’où vient-t-il ? Parce que si c’est des enfants de 13 ans en Chine qui prennent des coups de fouets, autant continuer avec des treillis soudés je pense. Maintenant si c’est issu d’une filière durable, française, avec des circuits courts, mais de toute façon on a très peu d’endroits en France pour faire pousser des 216


bambous avec des sections en tailles suffisantes pour pouvoir faire ça, ou alors des endroits chauds et très humides comme la Camargue. Mais si on faisait 20 treillis par jour dans des chantiers du bâtiment en France pour végétaliser des façades ou autres, il nous faudrait des hectares de bambous. Et là encore si tu fais une forêt de bambous, pour la biodiversité t’es à -2/20 et avec une espèce super invasive qui n’est pas adapté au climat et qui n’apportera rien en biodiversité pour tout ce qui est faune. Mais c’est vrai que pour la solution pure, si tu lui enlèves tout son contexte, le bambou c’est un matériau assez magique. Et ça se voit, tu as de plus en plus d’ustensiles dans les cuisines qui sont fabriqués en bambous, comme les cuillères, et ce sont des choses qui ne bougent pas. Mais l’ennui c’est toujours de savoir comment il est fait et d’où il vient. Juste avant vous parliez d’évolution des mentalités, et je me demandais si vous, dans votre carrière, c’était quelque chose que vous aviez vraiment pu observer, ou est-ce que vous trouvez que c’est un processus très long ? C’est très long et il y a une divergence qui est toujours là, et encore plus depuis le COVID, c’est les acteurs de la promotion et les pouvoirs publics qui cherchent de plus en plus à faire de l’économie sur les projets. Il y a eu 1 an et demi très dur et donc ça chasse la moindre économie. Et pour un projet bâtiment + jardin ou bâtiment + espace public, c’est toujours les espaces extérieurs qui prennent. De toute façon les bâtiments il faut des murs et une toiture pour les construire. Après, si ça va chasser sur les seconds lots, toutes les finitions, les parements, les enduits, tout ça. Mais c’est souvent quand tu veux planter 20 arbres, qu’on te dit OK mais tu as le budget pour 10. Alors il y a quand même un mieux notamment de certains pouvoirs publics mais plutôt côté politiques que décideurs, d’avoir un discours plus engagé, et on l’a vu dans les dernières élections présidentielles, avec des points très édulcorés et très drôle, mais il n’y a que comme ça que ça arrivera chez les décideurs et dans la tête de tout le monde donc il faut bien passer par là. Mais c’est quand même très lent, quand on voit les programmes des partis pour l’écologie, c’est catastrophique et on est en 2022, et ça fait 30 ans qu’on en parle, et quand on voit encore où on en est… C’est en France, donc on n’est pas en Allemagne ou dans les pays du Nord, mais on est vraiment à la recule. Par exemple, les cours d’école végétalisées on parle depuis 3-4 ans à Paris, mais il n’y a pas besoin d’en faire tout un concept, ça paraît tout à fait normal d’avoir des arbres dans une école… Mais à côté de ça il y a des normes et des labels comme le label HQE qui t’interdit de planter certains types d’arbres considérés comme allergènes près des écoles pour éviter les allergies. Le problème c’est que moins tu plantes d’arbres qui font des allergies, plus tu fais de gens allergiques, ça s’appelle sensibilisation de la désensibilisation. C’est sûr qu’après si tu mets des enfants en Provence ils vont avoir des allergies parce qu’ils n’ont jamais vu un boulot ou un châtaignier de leur vie, alors que c’était des arbres qu’on voyait dans tous les squares quand j’étais jeune et je n’en suis pas mort. Et c’est des solutions toutes simples comme ça mais on essaie de plus en plus d’assainir les villes, et d’avoir des endroits super légers comme ça, qui renvoient à la gestion du *inaudible* qui est un truc qui est mal pensé ou mal mis en œuvre du moins, et en fait je trouve que cela n’a pas trop évolué. Ça évolue mais peut-être pas assez vite par rapport aux besoins de tous et de tout le monde, les fourmis comme les humains. J’en profite pour vous demander un avis, vous connaissez le projet de la tour Jean Nouvel KLCC ? Je regarde ça sur internet. C’est un projet en Malaisie, où Jean Nouvel a travaillé avec Patrick Blanc. Sur le papier ils disent qu’ils font monter cette espèce de double peau, qui n’est pas vraiment totale, et ce treillis métallique, jusqu’en en haut de la tour. Est-ce qu’une végétalisation comme cela en façade sur des tours aussi grandes vous pensez que c’est viable ? Oui, je pense qu’il n’y a pas de problèmes. Je vois qu’il y a une espèce qui part en vrille, il y a beaucoup de tons, il y a des ampelopsis, des ipomées, il y a plein de choses intéressantes. C’est assez varié, il n’y a pas qu’une seule espèce, comme *inaudible*. Connaissant Patrick Blanc je pense qu’il ne s’est pas fait avoir 2 fois comme au quai Branly. Mais je pense qu’on aura un problème assez simple, un problème de vitesse de vents en hauteur avec peut-être des risques d’arrachement sur certaines lianes. Mais là sur des hauteurs pareilles on est encore sur d’autres problématiques et pour avoir un avis, il faut vraiment y regarder autrement qu’en photo. On dirait que c’est du câble inox avec les plantes qui sont autour. C’est assez ambitieux et ça semble assez joli, et l’avantage c’est que par endroit ça ne masque pas les vitrages donc c’est bien pour le confort de l’usager intérieur. Il faut voir aussi, mais je pense que ça a été pensé, les espèces qui sont plutôt là que là, pour avoir plus de masques solaires ou moins. Après je ne sais pas trop, je ne connaissais pas ce projet. Je me posais la question justement parce qu’on ne voit pas souvent cette solution sur des projets de grandes hauteurs et ça a attisé ma curiosité. Après c’est un climat aussi la Malaisie, c’est très ensoleillé, et très chaud tout le temps, toute l’année. Là on 217


est dans des budget assez importants et Jean Nouvel quand il demande 80cm de terre, il les obtient, alors que nous quand on demande 80cm on en a 20… Ça peut être intéressant mais là c’est une tour sûrement payée par des banquiers à côté des tour Petronas en plus. Je pense que c’est budget « no limit ». Je pense qu’il a mis ce qu’il voulait, que ce soit des câbles en inox ou en argent ça n’aurait pas fait beaucoup de différence. C’est assez impressionnant. Et le miroir en sous-face de l’héliport c’est assez intelligeant parce que tu vois le végétal comme « à l’infini ». Les essences sont super belles. C’est un peu cet effet là qu’ils ont cherché sur l’arbre en ville d’Édouard François, mais en beaucoup plus dense. Aujourd’hui ça fait un peu cet effet-là. Après l’idée de l’arbre en ville c’est vraiment d’avoir un cocon végétal donc il y a eu un petit problème de fonctionnement. Sur les photos là on voit les bacs de plantations, avec des bacs suspendus et dans lesquels viennent les plantations mais ce n’est pas continu, c’est vraiment dispatché et calepiné, ce qui permet d’avoir cet effet *inaudible* par endroit. C’est une belle opération parce que c’est sûr que ça doit être super agréable d’être à l’intérieur parce que tu tournes les yeux et t’as un peu de végétal et après tu tournes les yeux et t’es sur le lointain. C’est bien travaillé. Maintenant, pour aborder les performances de ce type de solution, je me posais la question de la modélisation. Est-ce que ces façades-là font l’objet de modélisation thermiques ? Est-ce qu’elles participent au confort thermique ? J’ai cru comprendre qu’elles n’étaient pas prises en compte, c’est bien ça ? Ça dépend, certains logiciels les prennent en compte, mais la plupart du temps les logiciels pour faire les STD, les simulations thermiques dynamiques, même si maintenant ce n’est plus les STD, il y a un autre terme. Effectivement ça tu ne peux pas le modéliser parce que le feuillage n’existe pas toute l’année et en fait ce n’est pas considérer comme un filtre solaire. Mais dans cette logique un arbre non plus n’est pas considéré comme un filtre solaire dans ces logiciels. Pourtant, même à l’époque de Babylone, ils construisaient les palais comme ça quoi… Donc c’est évident que ça sert au confort thermique du bâtiment, mais c’est difficile à modéliser. J’ai travaillé 2 ou 3 ans dans des boîtes qui faisaient du développement durable comme ça, avec des études et, effectivement, la condition végétale on en parle beaucoup mais c’est très peu pris en compte dans les calculs d’ingénierie bâtimentaire. C’est simplement que ce n’est pas dans le logiciel parce que comme on disait tout à l’heure, ce n’est pas dans les mentalités. Et est-ce que vous pensez que ce type de prise en compte, si on arrive à faire des simulations plus précises de cette végétalisation, pourrait améliorer, ou en tout cas pousser un peu plus l’émergence de ce type de solution ? Oui je pense, parce que déjà si les ingénieurs proposent plus facilement cette solution, les architectes en sauront plus parce que ce sera justement mesuré. Mais pour cela il y aurait un problème, c’est qu’il faudrait caractériser dans le logiciel la maille du filtre que représente un lierre, ou une vigne vierge, ou une *inaudible*. Et en fait là on rentrerait dans des combats d’experts avec des botanistes et des ingénieurs qui font des STD, et là, bon courage. Mais c’est le seul moyen d’y arriver puisqu’effectivement un végétal qui fait office de filtre solaire c’est une maille plus ou moins dense qui fait passer plus ou moins de lumière. Donc il faudrait que ce soit déterminé par un organisme du type du CSTP ou des gens comme ça, et que ce soit rentré un peu comme *inaudible*, quelque chose de normé et on saurait que sur 100% de soleil qui arrive sur un lierre, il ne reste plus que 40% de soleil sur la façade ou sur un vitrage. *inaudible* Dans le cas du lierre c’est toute l’année donc on est tranquille mais pour la vigne vierge qui est caduque et qui n’a pas de feuilles l’hiver par exemple, là ça vaudrait vraiment le coût puisque tu auras un filtre solaire que tu ne recherches qu’en été. Je vois. Je crois que, dans mon questionnaire, vous aviez mis un projet où il y avait été envisagé à un moment un autre type de double peau. Sur la question du prix, j’ai l’impression que dans tous les cas, toutes les solutions de double peau engagent forcément un certain surcoût. Est-ce que vous pensez que ces doubles peaux végétalisées ont tendance à entraîner des surcoûts plus importants que les autres solutions ? En soit, quand tu fais une double peau en verre et des coursives en extérieures en guise de circulation par exemple. Tu la fais en verre super stylé, comme tu veux, très bien. C’est beaucoup plus cher au moment du chantier. L’avantage c’est que le verre une fois qu’il est posé tu passes une fois par an passer un coup d’éponge dessus et voilà. Le végétal il va falloir que tu fasses venir des équipes 3 fois en été, pour le dompter, l’arroser, voir s’il est malade, etc. Mais le végétal sera beaucoup moins cher en phase de travaux, mais par contre à la gestion ce sera beaucoup plus lourd. Donc là encore c’est une analyse du cycle de vie du bâtiment qu’il faudra faire pour essayer de voir où est le surcoût réel avec des retours d’expérience. Donc le verre coûte tant au chantier au m², mais par contre, en entretien, il coûte tant à l’année. Et le végétal il coûte tant en chantier mais par contre en entretien il coûte 2 ou 3 fois plus que le verre. Et derrière il y a aussi la potentiel amélioration des performances énergétique qui peut contrebalancer 218


peut-être un peu ça non ? Même si j’imagine que c’est sûrement moindre par rapport au poids budgétaire de l’entretien, je ne me rends pas compte… Oui, mais là c’est vraiment dans le champ de la conception, là ça dépend d’où tu mets ton curseur avec l’architecte, de comment tu travailles avec le BET développement durable ou environnement, quel label tu veux viser si tu en vise un ou plusieurs, quel niveau énergétique, etc. Mais tout ça va jouer avec l’épaisseur de mur, les isolants, plein de choses. En sachant que plus tu es performant en termes d’enveloppe énergétique, plus ton chantier est coûteux. Donc est-ce qu’il est utile de faire une double peau qui vaut 1 milliards ? Je ne sais pas. Mais ce qui serait intéressant ce serait de passer sur une double peau végétale. Tu auras forcément des performances qui vont être un peu moindres, il y a moins d’étanchéité, mais ça peut être toujours intéressant de l’imaginer. Mais tout ça c’est au moment où tu conçois le « savant mélange ». Je vois, et d’ailleurs j’ai eu l’occasion d’interroger déjà une dizaine de personnes à ce sujet, majoritairement des ingénieurs, et en fait, eux, quand on leur parle de double peau ils ont directement les double peaux ventilées avec des grandes surfaces de verres, et c’est d’ailleurs parfois la seule image qu’ils ont. Et sur le papier j’avais l’impression que c’était une solution qui fonctionnait avec le tirage thermique et étant donné que ça coûtait super cher je me disais que le jeu en valait forcément la chandelle. Pourtant dans les retours que j’en ai eu, j’ai l’impression que c’est une solution qui marche relativement mal, ou en tout cas qui entraîne beaucoup de problème de surchauffes et autre, et beaucoup plus de problème qu’elle n’en résout en fait. Ça semble bien marcher effectivement, avec une peau et hop, tu fais partir la chaleur et ça tire le reste. Ça semble fonctionner mais l’ennui c’est que lorsqu’il fait 40° dehors et que tu veux du tirage thermique alors qu’il fait 40° dans les bureaux, tu ne tires rien du tout, sans compter que tu t’es payé une serre en façade donc tu chauffes 2 fois plus. Donc ça marche quand tu as des très fortes amplitudes de températures, et là tu as du tirage thermique. C’est comme les murs trombes et les autres solutions comme ça. Mais il faut des super amplitudes sinon il fera 40° partout. Et le temps que cela déphase, et ça dépend de la conception de ton bâtiment et de plein d’autres facteurs. C’est super compliqué et c’est là qu’est le « savant mélange ». Mais de toute façon je pense qu’on construit encore comme il y a 20 ans, avec des choses que l’on sait faire, mais on se prend une canicule tous les étés et on le vit très mal dans un bureau. Et pourtant on continue comme ça. Moi les bâtiments que je vois en ce moment c’est les mêmes qu’on faisait il y a 10 ans, rien n’a changé. Et pourtant il y a 10 ans il n’y avait pas une canicule tous les étés pendant 2 semaines. Alors que là en ce moment c’est ce qu’on a depuis 3 ans de suite, du mois de Mai jusqu’à Août avec 15 jours de canicule. Dans mon questionnaire, sur la question des impacts positifs que pouvait avoir ce type de solution sur le confort des usagers mais aussi au-delà, à plus grande échelle, il me semble que vous aviez coché impact positif sur la biodiversité. Ça me paraît logique mais je me demandais si cet impact, dans des contextes urbains qui sont parfois très denses, très minéral, ou en tout cas un peu coupés de la biodiversité, est-ce que d’avoir un projet isolé comme ça, cela fonctionne, ou est-ce qu’il faut qu’il puisse être relié avec plus ou moins de proximité à d’autres projets comme cela ? Tant que tu auras un arbre, tu auras des oiseaux qui viendront te voir. Tant que tu auras un tilleul, il y aura des abeilles et ça marchera. Dans l’idéal c’est mieux d’en avoir 2 et c’est encore mieux d’en avoir 2000, mais là c’est un peu la guérilla urbaine. Moi je me bats tout le temps pour qu’il y en ait toujours un maximum dans les coins, tous les carrés, parce que de toute façon c’est mieux que rien. Et effectivement, si tu mets une plante qui vient du japon, qui est inconnu au bataillon, qui vient par bateau et qui est nocif pour une certaine espèce d’abeille chez nous, alors là c’est une erreur. Par contre si tu prends des plantes très connues, naturalisées du bassin francilien ou des choses comme ça, dans tous les cas tu auras sûrement une petite araignée qui va se mettre là-dedans, qui va se faire manger par un moineau, un moineau qui va pondre et voilà, c’est parti. Dans tous les cas ça marchera, sauf si tu es entre deux bretelles de périph, ça peut être un peu compliqué. À Paris, quasiment toutes les rues ont des arbres et tu as un petit relais de biodiversité qui est forcément là. Donc positif pour les humains ou non, puisque si t’as pas de chance tu peux attirer une colonie de moustique. Mais dans tous les cas tu auras forcément des espèces vivantes qui vont venir voir ces espèces vivantes parce que c’est des refuges en fait. Pourriez-vous me transmettre les références de certains projets de double peau végétalisées que vous avez réalisé ? Puisqu’en fait j’ai du mal à trouver des projets de double peau végétalisées, j’ai l’impression que c’est quelque chose qui est très mal documenté ou référencé et j’imagine que c’est dû au fait que c’est une sorte de pratique émergente et très peu démocratisée, mais c’est vrai que dans mes recherches pour mon mémoire, j’ai cherché longtemps et j’ai dû en trouver une 20 aine en Europe vraiment bien calés 219


architecturalement parlant. Je vais t’envoyer ceux que je peux t’envoyer puisqu’il y en a plein qui ont été livrés mais qui appartiennent aux promoteurs et aux maîtres d’ouvrage et je n’ai pas le droit de les diffuser sans leurs accords. Mais celles que je peux te diffuser et dont on est encore propriétaires des dessins, ou alors des très vieilles je pourrais sûrement te les envoyer, je vais voir avec les architectes. Parfait merci. Je crois que j’ai fait le tour, merci pour votre temps et bonne soirée. Bonne soirée, au revoir.

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E - PROJETS DE DOUBLE PEAUX VÉGÉTALISÉES RÉPERTORIÉS LORS DE MES RECHERCHES Illustration de la double peau végétalisée Nom du projet et sources

KMC Corporate Office - RMA Architects Sources de documentation : http://rmaarchitects.com/architec ture/kmc-corporate-office/ https://www.rethinkingthefuture.com/casestudies/a4093-kmc-corporateoffice-by-rahul-mehrotramodulation-of-light-and-air/ https://www.archdaily.com/3844 08/kmc-corporate-office-rmaarchitects Le Nouvel KLCC - Jean Nouvel (Botaniste Patrick Blanc) Sources de documentation : https://www.architecturalrecord.c om/articles/14191-le-nouvel-klccby-jean-nouvel http://www.jeannouvel.com/proje ts/le-nouvel-klcc/ https://www.verticalgardenpatric kblanc.com/realisations/kualalumpur/le-nouvel-kuala-lumpur Ex Ducati - Mario Cucinella Sources de documentation : https://www.floornature.eu/mari o-cucinella-ex-ducati-rimini-20064878/ https://www.mcarchitects.it/proje ct/green-facade-building https://www.archdaily.com/1686 3/ex-ducati-mario-cucinellaarchitects Green Screen House - Hideo Kumaki Architect Office Sources de documentation : https://www.archdaily.com/4216 07/green-screen-house-hideokumaki-architect-office

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Breathing House - VTN Architects Sources de documentation : https://www.archdaily.com/9112 96/breathing-house-vtn-architects

Sports Center in Turo de la Peira Anna Noguera + Javier Fernandez Sources de documentation : https://www.archdaily.com/9220 95/sports-center-in-turo-de-lapeira-anna-noguera-plus-javierfernandez https://inhabitat.com/barcelonasnew-solar-powered-sports-centerfeatures-green-facade/ DESINO Eco Manufactory Office Ho Khue Architects Sources de documentation : https://www.archdaily.com/8786 35/desino-eco-manufactoryoffice-ho-khuearchitects?ad_medium=gallery Sun Path House - Christian Wassmann Sources de documentation : http://www.journal-dudesign.fr/architecture/sun-pathhouse-maison-singuliere-miamipar-christian-wassmann-97200/ Stadthaus M1 - Barkow Leibinger Sources de documentation : https://www.archdaily.com/5462 25/stadthaus-m1-barkowleibinger

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Sky Green Residential & Retail Tower – WOHA Sources de documentation : https://www.archdaily.com/9308 92/sky-green-residential-andretail-tower-woha MIA Design Studio Office - MIA Design Studio Sources de documentation : https://www.archdaily.com/9562 42/mia-design-studio-office-miadesignstudio?ad_medium=widget&ad_n ame=more-from-office-articleshow Consorcio Building Concepcion Enrique Browne Sources de documentation : https://www.archdaily.com/1068 5/consorcio-building-concepcionenrique-browne https://www.earchitect.com/chile/consorciosantiago-building http://www.ebrowne.cl/wpcontent/uploads/2014/11/2007_c onsorcio_stgo_i.pdf The Gipson Commons, St Michael’s Grammar School – Architectus Sources de documentation : https://architizer.com/blog/projec ts/the-gipson-commons-stmichaels-grammar-school/ Student Hall of Residence Fink+Jocher Sources de documentation : https://wordpressmdesignhabitat gecollectiuwordpress.wordpress.c om/2016/12/21/student-hall-ofresidence-finkjocher/

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Platinum Apartments - Squillace https://fytogreen.com.au/platinu m-apartments/

Centre de biotechnologie Biopark - Valode et Pistre Sources de documentation : https://architizer.com/projects/ce ntre-of-biotechnology-biopark/

École National Supérieure de Techniques Avancées - Lacoudre Architectures Sources de documentation : http://www.lacoudre.eu/projets16 Silva (Eysines Aimé Césaire) Duncan Lewis (en cours de réalisation au 05-11-22) Sources de documentation : https://www.duncanlewis.com/PROJETS/169.EYSINES/ Eysines.xhtml https://lafab-bm.fr/eysines-aimecesaire/ Student Housing - H Arquitectes Sources de documentation : https://www.archdaily.com/3278 68/student-housing-universitatpolitecnica-de-catalunya-harquitectes-dataae https://www.archdaily.com/3962 45/student-housing-in-sant-cugatdel-valles-dataaeharquitectes?ad_medium=widget &ad_name=recommendation

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Rhône 8 - Richter Dahl Rocha & Associés Sources de documentation : https://www.archdaily.com/8688 33/rhone-8-richter-dahl-rochaand-associes https://www.swissarchitects.com/en/rdr-architecteslausanne/project/rhone-8 https://dra4.ch/dra4/projets/180 8/rhone-8/ Maison de l'Habitat et du Cadre de Vie (MHCV) - Yves Perret Sources de documentation : http://perret.desages.free.fr/fmhc v.html https://maison-habitat.puy-dedome.fr/maison-de-lhabitat.html Écopole Périgord - Aquitaine Duncan Lewis (végétation pas encore développée) Sources de documentation : http://www.duncanlewis.com/PROJETS/145.VELINES/ Velines.html https://www.ecopoleaquitaine.fr/ sites/ecopoleaquitaine.fr/files/Pla quette%20Ecop%C3%B4le%20P%C 3%A9rigord%20Aquitaine_0.pdf EKKO - Duncan Lewis Sources de documentation : https://architizer.com/projects/ek ko/ http://logementneufabordeaux.fr /2021/04/residence-ekko-abordeaux.html https://www.bastideniel.fr/ekkoduncan-lewis/ https://groupelaunay.com/projets/1-promotionimmobiliere/8-ekko

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Virchow 16 - RMA Architects Sources de documentation : https://www.hydroplant.ch/fr/ref erences/campus-novartis-bale/ https://www.academia.edu/4272 0114/DI_67_Virchow16_Novartis _Basel_by_RMA_Rahul_Mehrotra _and_interview_with_Kaiwan_M_ on_building_abroad_practice_in_I ndia https://cgconcept.fr/campusnovartis-quartier-urbain-durablevert/ ASI Reisen Headquarters – Snøhetta Sources de documentation : https://snohetta.com/projects/51 3-asi-reisen-headquarters-a-lushopen-office-space-in-timber OMLC - Tzannes Associates Sources de documentation : https://www.archdaily.com/5310 91/omlc-tzannes-associates https://drive.google.com/file/d/0 B5g_RY2uN1FNDRXLUtEUHBYNlU/vi ew?resourcekey=0DdmZWEVuuwWztEFWJfyfiQ (p20) Garden Tower - Buchner Brundler Architekten Sources de documentation : https://bbarc.ch/en/garden-tower

National Wildlife Federation – HOK Sources de documentation : https://www.greenroofs.com/201 8/11/26/national-wildlifefederation-hq-green-facade/ https://continuingeducation.bnpm edia.com/courses/ykkap/strategies-for-moresustainable-exterior-solutions/3/

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Hotel Casacalma - del PUERTO SARDIN Arquitectos Sources de documentation : http://delpuertosardin.com/hotel-casacalma/

Casa Scout – BAAG Sources de documentation : https://www.archdaily.com/5264 08/casa-scoutbaag?ad_medium=gallery

Full Energy - Bau Architecture Sources de documentation : https://bauarchitectes.fr/portfolio/fullenergy/

Tour de la biodiversité (M6B2) Maison Edouard François Sources de documentation : https://www.edouardfrancois.co m/projects/tour-de-la-biodiversite

MUSE - Renzo Piano Sources de documentation : https://www.archdaily.com/4231 01/muse-renzopiano?ad_medium=gallery

Pasona Urban Farm - Kono Designs Sources de documentation : https://www.dezeen.com/2013/0 9/12/pasona-urban-farm-bykono-designs/

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Hall d'exposition - Lacaton & Vassal Sources de documentation : http://www.lacatonvassal.com/in dex.php?idp=11

Pavillon de verre, Montréal Lacaton & Vassal (Projet non réalisé) Sources de documentation : http://www.lacatonvassal.com/in dex.php?idp=87 Le Ray, Nice – Maison Edouard François (végétation pas encore développée) Sources de documentation : https://www.vinciimmobilier.com/trouver-sonlogement/nice-le-ray-13731 https://www.edouardfrancois.co m/projects/le-ray https://www.archilovers.com/proj ects/190288/leray.html#renderings https://www.darchitectures.com/l e-ray-nice-edouard-francoisa5692.html Amphithéâtre et bâtiment de l'institut, Francfort - Kissler Effgen + Partner Architekten Sources de documentation : https://www.kisslereffgen.de/gebaut/#portfolio-itemexample-22 https://www.akh.de/baukultur/ba ukultour/projekte/horsaal-undinstitutsgebaude-103 Office Building, Westerstede Fischer Architekten Sources de documentation : https://cargocollective.com/fische rarchitekten/Wohnen-undArbeiten https://www.carlstahlarchitektur.com/fr/references/det ail/buerogebaeude-in228


westerstede/ https://www.fischerarchitekten.de /projekte/wohnen-und-arbeitenwesterstede https://www.degagalabau.de/Gruene-Fassadenfuer-nachhaltigesBauen,QUlEPTYwNzAzNTUmTUlEP TUwMjc4.html Casa Andamio - Bosch.capdeferro arquitectures Sources de documentation : https://www.boschcapdeferro.co m/_data/pdf_es/casa-bastidacast-print-11-es.pdf Vent Vert - Edward Suzuki Associates Sources de documentation : https://www10.aeccafe.com/blog s/archshowcase/2013/03/28/vent-vertby-edward-suzuki-associates-inc/ Swiss Re – BauNetzArchiteckten Sources de documentation : https://www.baunetzarchitekten.de/haditeherani/4220591/projekt/42697 09 St Dominic's College, Harrow Green wall mma Sources de documentation : http://jakobwirerope.blogspot.co m/2014/06/green-wall-growthrates.html https://greenwalls.co.uk/projects/view/stdominics-college-harrow/

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Tokyu Hospital - Yasuda Koichi Sources de documentation : http://www.yasudaatelier.com/ar chitect/archi_07_03.html https://centerforactivedesign.org/ tokyuhospital https://www.spoontamago.com/2008/10/22/tokyuhospital-by-yasuda-koichi/ CO・OP Kyosai Plaza - Nikken Sekkei Sources de documentation : https://www.nikken.co.jp/en/proj ects/office/coop_kyosai_plaza.ht ml https://www.gmark.org/award/describe/47960? locale=en https://trends.archiexpo.fr/projec t-28288.html Webnet Greening, Pfäffikon, Suisse - Green wall mma Sources de documentation : https://greenwalls.co.uk/projects/view/innovat ive-green-wall/ https://www.jakob.com/fr/en/ref erences/webnet-greeningpfaeffikon Hotelplan headquarters Burckhardt+Partner Sources de documentation : https://www.burckhardtpartner.c om/en/projects/detail/projekte/sh ow/Projekte/vertical-green-spacehotelplan-headquarters-inglattbrugg/?no_cache=1&cHash= dfa3e92c856a3ca9c005419d1ecc 6a0e

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Bosco - Makoto Yamaguchi Design Sources de documentation : https://www.archdaily.com/5653 95/bosco-makoto-yamaguchidesign https://www.designboom.com/ar chitecture/makoto-yamaguchidesign-bosco-factory-conversiontokyo-11-16-2014/

Projets atypiques

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Finnish Embassy (Washington) Heikkinen Komonen Architects Sources de documentation : https://architecturerevived.com/fi nnish-embassy-washington-d-c/ https://inhabitat.com/embassyof-finland-becomes-first-leedplatinum-certified-embassy-inthe-u-s/ https://finnisharchitecture.fi/was hington-d-c-embassy-of-finland/ Terra Mater - Berger+Parkkinen (Végétation pas encore développée) Sources de documentation : https://www.neozone.org/innovat ion/terra-mater-un-pavillonequipe-dune-enveloppemetallique-pour-accueillir-desplantes-grimpantes/ Jakob Factory - G8A Architecture Sources de documentation : https://projects.archiexpo.com/pr oject-274444.html https://www.archdaily.com/9473 00/jakob-factory-g8aarchitecture-and-urban-planningplus-rollimarchiniarchitekten?ad_medium=office_la nding&ad_name=article


Haus E - Müller Sigrist Architekten Sources de documentation : http://www.muellersigrist.ch/arbe iten/bauten/mehr-als-wohnenzuerich-leutschenbach/ Kö-Bogen II - Ingenhoven Architects Sources de documentation : https://www.architonic.com/fr/pr oject/ingenhoven-architects-kobogen-ii/20154834 https://www.amazingarchitecture .com/index.php/mixed-usebuildings/ko-bogen-ii-europeslargest-green-facade-indusseldorf-germany-byingenhoven-architects MFO Park - Burckhardt+Partner (parc) Sources de documentation : https://www.burckhardtpartner.c om/en/projects/detail/projekte/sh ow/Projekte/new-mfo-parkzurich/?no_cache=1&cHash=7bd9 cdb8d64d4503487a9f4d345a4a33 https://www.houzz.com/magazin e/a-vertical-park-in-zurich-greensup-the-grid-stsetivw-vs~3997357 Eco Boulevard in Vallecas Ecosistema Urbano (Projet de renouveau urbain avec installation de grands pavillons rafraichissants) Sources de documentation : https://www.archdaily.com/6303/ eco-boulevard-in-vallecasecosistemaurbano?ad_medium=gallery

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