MEMOIRE D’ARCHITECTURE
JEAN Clémentine
Promotrice : Christine SCHAUT
Co-promotrice : Sophie HUBAUT
Université Libre de Bruxelles Faculté d’architecture la Cambre Horta de l’ULB Année académique 2021-2022, session d’août
La question du jeu et du genre dans les espaces publics à Bruxelles.
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La fin du 20ème siècle marque un changement dans l’aménagement urbain. Goffman pointera du doigt les premières inégalités au sein de la ville, à travers les toilettes publiques. Par ailleurs, selon Yves Raibaud, la ville est faite par et pour les hommes, en excluant les femmes de la vie publique. Par conséquent, elles adoptent un comportement d’évitement, qu’elles intègrent dès l’enfance à l’école, avec la cour de récréation. Qu’en est-il du comportement des enfants dans les espaces publics Bruxellois ? Partant de cette question, le mémoire sélectionnera une série d’espaces publics à analyser. Cette analyse sera le corpus principal de ce travail, alimentée par des enquêtes de terrains étalées sur plusieurs mois. Ces observations permettront de proposer une série de critères à prendre en compte pour intégrer les enfants dans la conception de nos espaces publics, dans le but d’éviter une spatialisation genrée.
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ABSTRACT
MOTS-CLES
Espace public – Genre – Jeu – Enfants
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Je tiens, dans un premier temps, à exprimer toute ma reconnaissance à ma directrice de mémoire Sophie HUBAUT, pour avoir guidé et suivi ce travail pendant plus d’un an. Merci pour ta patience, ton aide, ton investissement, et tes relectures.
Je désire aussi remercier Apolline Vrancken pour son intervention dans le cours de théorie de l’architecture en master 1, et qui fût la première à me faire découvrir cette notion de genre en architecture.
Je m’adresse à présent à mon acolyte Molly, avec qui j’ai réalisé l’ensemble de mes études. Je pense à cette vie étudiante à tes côtés et je te remercie pour tous ces bons moments.
À mon meilleur ami, Nicolas. Merci d’avoir donné ton avis sur mes projets architecturaux alors que tu n’y connaissais rien. Merci de me faire rire et de toujours répondre au téléphone, on reconnaît à ça un bon ami.
A mes deux belles rencontres de cette année, Louise et Aurore, qui l’ont rythmé avec leurs sourires, leurs conseils et leurs soutiens.
Je remercie chaleureusement l’ensemble de ma famille. Vous me donnez l’impression que je peux tout accomplir, vous avez cru en moi quand j’étais au plus bas, et vous m’avez donné la force de continuer. Comme le dit si bien ma grand-mère « Avec de la volonté, on arrive à tout ». Merci à toi pour ce leitmotiv.
Je voudrais adresser tout mon amour à ma petite sœur Charlotte, merci de toujours être là pour moi. Merci de me conseiller, d’écouter mes états d’âmes à n’importe quelle heure et de m’encourager à ne jamais rien lâcher.
Enfin, je dédie mon mémoire à mes parents Vous m’avez permis de réaliser les études que je voulais, grâce à vous, j’ai réalisé un rêve de gamine de dix ans. Merci d’avoir toujours été là derrière moi, d’avoir cru en mon travail en me répétant sans cesse que j’allais réussir. Je vous aime.
5 | Page REMERCIEMENTS
3.
2.
2.1 Définition du terme espace public
2.2 Genre, et inégalités des espaces publics
2.3 Une ville au masculin
3.1 De l’enfance aux espaces publics
3.2 Le jeu comme usage de la ville
4. Etude de genre en ville
4.1 Politique de gender mainstreaming
4.2 Pays pilote
4.3 Les outils mis en place : l’existence de grilles d’analyse
5. Bruxelles, le genre et le jeu
5.1 Le Maillage jeu
5.2 La notion de genre à Bruxelles
6 | Page SOMMAIRE 10 INTRODUCTION GENERALE Choix du sujet Problématique Méthodologie 17 LEXIQUE 22
partie : Cadre théorique 24...……………………….…………………....
de la notion de genre 28
Première
1.Présentation
Genre & Ville
37
Genre & Jeu : Espaces de jeux, un micro-espace public genré
44
54
59…...………………..…………………………………………………....
6. Conclusion
60 Deuxième partie : Cas d’étude : La question du genre dans les espaces publics à Bruxelles.
62...……………………………………………........................
1. L’enquête de terrain
1.1 Méthodologie générale
A. L’échantillon choisie
B. Les thématiques d’analyses
C. Le choix des terrains
1.2 Fiches Identitaires sous forme de livret
100
2. Des thématiques genrées
2.1 Les terrains de sport
2.2 Les espaces minéraux
2.3 Les espaces verts
2.4 La topographie
2.5 Le rapport à l’eau
2.6 Les espaces de séjours 148...………….…………………………………....................................
150 Troisième partie : La place des enfants dans les grilles d’analyse, confrontation avec les enquêtes de terrain.
152 ….1. Analyse des thématiques proposées dans les grilles 159...…………
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3. Conclusion
...………..………………………………….......................................3. Conclusion
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
.………………………2. Adaptation des grilles aux jeux des enfants 165
167
172
178
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« I call myself a feminist. Isn’t that what you call someone who fights for women’s rights?” 1 Dalai Lama
1 Traduction : « Je me considère comme féministe... Ce n'est pas le mot pour désigner une personne qui se bat pour les droits des femmes ? »
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Choix du sujet
Ce mémoire s’inscrit dans une perspective féministe, c’est-à-dire visant une égalité entre les hommes et les femmes. Car oui, en 2022, ce n’est pas tout à fait le cas. Nous avons fortement évolué dans nos sociétés occidentales, mais des failles persistent, et c’est notamment sur l’une d’entre elles que la question de recherche se portera.
Il m’a fallu 23 ans et un cours de théorie de l’architecture, pour me rendre compte de certaines inégalités dans mon quotidien. En 1ere Master, Apolline Vrancken est venue nous présenter le comportement genré que nous retrouvons dans la ville et dans les espaces publics. Lors de cette conférence, elle a évoqué une étude d’Edith Maruéjouls2 sur la cour de récréation qui décrit une spatialisation genrée dès l’école. Cette spatialisation se matérialise notamment à travers le terrain de foot qui recouvre 80 % de la cour d’école et investi principalement par des garçons. Ces situations d’inégalités de genre, nous les avons toujours vécues, et parfois sans s’en rendre compte. Je suis sortie de ce cours, perturbée et pensive. Pourquoi je ne m’en étais jamais rendue compte avant ? Alors que, oui, je fais attention quand je rentre tard le soir, oui, je me suis déjà fait siffler et suivre dans la rue, oui, il y a des endroits que j’évite dans les espaces publics, car ils me paraissent dangereux. Pour moi, je vivais ces événements comme une normalité et une habitude. Cette prise de conscience m’a donné envie de traiter la notion de genre dans ce mémoire, en décidant de me concentrer sur la ville de Bruxelles. Une ville que j’ai intégrée pour mon master, et que donc, je connaissais très mal. J’ai vu l’opportunité, avec ce travail de fin d’études, de pouvoir la découvrir à travers ce sujet
Si au départ, mes recherches de mémoire s'intéressaient au jeu dans l'espace public, et de comment les enfants investissaient l’espace par le jeu, j'ai dès lors cherché à aborder cette problématique à partir d'une posture féministe Je me suis demandée si l'approche développée par E. Maruéjouls dans les cours de récréation n'était pas aussi applicable aux espaces publics, extérieurs aux écoles. Et si les espaces de jeux en dehors de l’école reprenaient la même dynamique genrée, et lesquels ? C’est ce qui m’a amené à m’intéresser aux aires de jeux et à leur spatialisation/usages genrée Malgré l’intérêt pour la question, je
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INTRODUCTION GENERALE
2 MARUEJOULS Edith. (2014) « Mixité, égalité et genre dans les espaces du loisir des jeunes : pertinence d’un paradigme féministe ». [Thèse de doctorat en géographie]. Université Bordeaux Montaigne.
me suis confrontée à ses limites quant à la difficulté d’observer ce type de comportement genré dans ces espaces. Surtout chez les enfants en bas âge, puisque leur jeu est induit par les parents, qui les suivent dans leurs moindres faits et gestes. De plus, cet espace fermé, et les infrastructures de jeux sur place, poussent les enfants à se comporter d’une façon bien spécifique. Par conséquent, les enfants suivent des règles de jeux établis par une structure telle que le toboggan, le bac à sable, le mur d’escalade etc… De mon point de vue, et après de nombreuses observations, l’environnement n’était pas propice à une liberté d’agissements, qui pouvait découler sur une attitude genrée entres les enfants. Ce constat rendait mon travail difficile et sans réel apport. Ce que je remarquais aussi, c’est que j’employais une mauvaise méthodologie pour observer l’espace. Je finissais par arriver sur le terrain avec beaucoup d’aprioris et d’influence dû aux lectures scientifiques sur le sujet. J’en arrivais à déformer la réalité pour aller dans le sens de ces dernières. Je me suis résignée à abandonner cette idée pour choisir un autre espace de jeu extérieur. C’est de cette façon que je suis revenue sur ma première idée du jeu dans les espaces publics, en me questionnant de différentes manières : est-ce que ces endroits leur étaient attractifs malgré l’absence d’infrastructures de jeux ? Est-ce que les enfants, filles ou garçons, l’utilisaient de la même manière ? À quels endroits les filles et les garçons jouaient ?
Retrouvons-nous des différences dans leur comportement et leur déambulation ?
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Problématique
Ce sujet est donc un sujet d’actualité qui tente d’apporter une autre vision des espaces publics par le prisme du genre et de la place des enfants. En effet, le but de cette recherche est de comprendre si la dynamique de la cour de récréation est transposée dans nos espaces urbains. Je serais alors attentive à la place du jeu des enfants, en essayant de répondre à la problématique suivante :
« La place du jeu dans les espaces publics bruxellois est-il porteur d’un comportement genré chez les enfants, plus spécifiquement à l’égard de la jeune fille avec cette idée de spatialisation limitée ? Comment analyser ces questions de genre dans les espaces publics ? »
Pour répondre à cette question, le mémoire se développe en trois parties. La première sera une partie cadre théorique, qui me permettra de comprendre les grandes lignes de la définition du genre ainsi que ses différents concepts ; tout en portant un point d’intention sur les espaces publics et le jeu des enfants. Dans la seconde partie, j’essayerai de comprendre la dynamique genrée des espaces urbains grâce à un travail d’observation. Ce corpus d’enquête de terrain aura pour but d’identifier l’appropriation des espaces publics par le jeu sous l’angle du genre. La troisième partie tentera de proposer des pistes d’amélioration et/ou des élément à prendre en compte ou non au regard du jeu genré dans les espaces publics.
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Méthodologie
Pour ce travail de mémoire, il y aura une partie recherches et une partie enquêtes de terrain qui constituera une grande partie du travail.
Dans un premier temps, j’ai dû me spécialiser dans cette notion de genre. Qu’est-ce que cela voulait dire ? À quoi cela renvoyait-il ? Le livre de Lépinard et Lieber,3 sur Les théories de genre, m’a fortement aidé. Leur livre relate toute l’histoire du genre, en expliquant très bien son évolution et ses concepts. Après cette étape, je me suis renseignée sur les études de genre dans les espaces publics. Pour cela, Guy di Méo, Marylène Lieber et Yves Raibaud ont été des auteur/trices inspirant/es, qui m’ont boosté dans mon travail et surtout dans la révélation des différentes utilisations genrées de la ville.
Par la suite, pour m’aider à ce sujet du jeu dans les espaces publics, je me suis orientée vers l’étude d’Edith Maruéjouls, et des rapports réalisés par Bruxelles Environnement tel que Jeu dans la ville Ces recherches m’ont permis de commencer avec une connaissance large pour ensuite les spécifier à la ville de Bruxelles. Il sera alors intéressant de déceler les comportements genrés dans ce mémoire, en se demandant quel type d’espace public est propice à cette attitude, et surtout par qui est-il investi. J’ai alors compris que mon mémoire sera essentiellement tourné sur des observations de terrains. Pour assimiler les comportements genrés, et connaître les espaces publics bruxellois, il n’a pas fallu hésiter à aller découvrir, parcourir et observer la ville. Etant donné que je ne connaissais pas bien la ville de Bruxelles la difficulté de ce travail a été de cibler au plus vite les lieux les plus intéressants. Néanmoins, mon regard « extérieur » a pu, peut-être, apporter une plus-value à ce travail, avec un regard neuf sur Bruxelles à l’occasion des observations
Pour écrire ce mémoire, il a également fallu s’intéresser et comprendre la méthodologie pour observer les espaces publics avec une focale sur le genre. Le genre est une notion difficile à observer, plusieurs méthodes existent, et il a été important de s’en saisir pour arriver à comprendre le fonctionnement genré d’un espace. Des personnes ressources sont intervenues pour m’aiguiller dans ce travail. Notamment Apolline Vrancken4 qui a effectué son travail de fin d’études sur les béguinages et l’architecture féministe. Peu de temps après, elle a été l’investigatrice de la plateforme L’architecture qui dégenre, une plateforme qui travaille sur la question des égalités de genre urbain, architecturale et artistique. J’ai aussi rencontré Laura Chaumont5 de l’ASBL Garance, qui est chargée de la section des espaces publics au sein de l’association. Cette dernière lutte contre les violences basées sur le genre,
4 Communication personnelle, le 14 mars 2022.
5 Communication personnelle, 16 juin 2022.
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3 LIEBER Marylène, LEPINARD Eléonore. Les théories en étude de genre. Paris. La Découverte, 2020.
en mettant en place une série d’activité tel que de l’autodéfense, des groupes de réflexions et aussi de la sensibilisation. Laura Chaumont, et Apolline Vrancken m’ont alors fourni plusieurs méthodes pour se saisir de la question du genre dans les espaces publics. Dans ce mémoire, il n’a pas été question de tous les appliquer, mais de me concentrer sur les observations et sur le comptage genré
Le mémoire se concentre sur des enquêtes de terrain basées sur l’observation des usages genrés dans les espaces publics. Le travail d’enquêtes débute sous une démarche d’observation flottante : soit, partir sans apriori jusqu’à arriver à une saturation du terrain. Cela m’a amené à déterminer des lieux plus intéressants que d’autres, afin de me concentrer sur une thématique ou problématique et de poursuivre l’observation dans une démarche, cette fois-ci, focalisée. Les résultats sur terrain permettront d’apporter des réponses concrètes à ce travail Des résultats qui seront néanmoins trier au préalable afin de ne garder que ceux qui pourront apporter davantage de support au mémoire.
Ces observations genrées seront rythmées par un comptage genré. Cette méthode consiste à se poser à un endroit et de compter le passage à intervalle de 15-30 min, à des moments différents de la journée et de la semaine. Ce comptage consiste à relever le nombre de garçons et de filles, avec un point d’intention sur les déplacements et de l’espace sonore de chacun Dans le cadre de ce mémoire, le comptage fut un aspect compliqué à cerner. Comme ce travail concerne différents espaces publics, pour que le comptage soit efficace, il aurait fallu que je sois sur tous les espaces à la même heure pour y voir les similitudes et/ou les différences. Le comptage reste alors à titre indicatif, et nous communique une certaine information sur l’utilisation genrée de l’espace.
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Ce mémoire emploie des notions spécifiques à l’étude du genre. Il est important de les définir pour comprendre de quoi il s’agit. Ces définitions n’ont pas été choisies au hasard, et se veulent en adéquation avec ce que le mémoire veut transparaître.
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LEXIQUE
Binarité de genre6 : ce concept limite le genre en deux catégories, homme ou femme.
Egalité des chances7: l’égalité des chances est une valeur sociale qui tente de donner à chacun les mêmes chances, et les mêmes opportunités. Très souvent, cette notion s’applique aux personnes discriminées, et lutte contre le racisme, l’homophobie, le sexisme…
Féminisme8 : la définition du féminisme dans ce mémoire renvoie à l’aspiration de l’égalité entre les hommes et les femmes.
Gender Budgetting9 : le gender budgetting est la partie budget qu’une ville consacre dans ses dépenses pour intégrer la dimension du genre.
Gender mainstreaming10 : le but du gender mainstreaming est de faire en sorte que les décisions prise lors d’une conception d’une politique publique. Cela veut dire, que dans tout projet la dimension du genre, et le vécu de chacun sera pris en compte dans l’élaboration de celui-ci. L’objectif est donc d’éviter toute discrimination envers les hommes et les femmes.
Genre11 : le genre est une notion que chaque individu s’attribue. Il laisse la liberté à chacun de s’attribuer une sexualité, une identité selon ce que cette personne aura choisi. Ce terme est en dualité avec le terme « sexe », qui lui, en revanche est imposé à la personne dès la naissance avec l’assignation d’un organe génital.
6 LIEBER Marylène, LEPINARD Eléonore. Les théories en étude de genre. Paris. La Découverte, 2020, page 17
7 Egalité des chances. (2022, 20 avril). Dans Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89galit%C3%A9_des_chances
8 MINTZER Mara. « Comment les enfants peuvent contribuer à concevoir les villes ? » [Vidéo en ligne], TedX Talks, novembre 2017. La vidéo est visible sur internet à l’adresse : english-video.net/v/fr/26779
9 INSTITUT POUR L’EGALITE DES FEMMES ET DES HOMMES. « Gender Budgetting » IEFH, disponible en ligne : https://igvmiefh.belgium.be/fr/activites/gender_mainstreaming/mise_en_oeuvre_de_la_loi/gender_budgeting
10 JAQUOT Sophie. « Le gender mainstreaming et l’Union européenne : quels effets ? ». Lien social et politiques, n°63 (2013) p 17-34. Disponible en ligne : https://www.erudit.org/fr/revues/lsp/2013-n69-lsp0644/1016482ar/
11 DELPHY Christine. L’ennemi principal. Nouvelles questions féminines, Syllepse, septembre 2013.
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Patriarcat12 : forme d’organisation sociale / politique / familiale où l’homme détient tous les pouvoirs, et notamment sur les femmes.
Polarisation des genres13 : ce phénomène sociétal correspond à une exagération des traits dits « spécifique » à un genre. Il amène une différenciation définit entres le comportement des femmes et celui des hommes. Un homme ne peut pas se comporter comme une femme et inversement.
Sexe14 : organe génital qui différencie les femmes aux hommes dans leur rôle reproductif.
Sexisme15 : le sexisme est une discrimination envers l’autre sexe. Celle-ci est souvent dirigée vers le sexe féminin
Stéréotypes16 : les stéréotypes sont des idées toutes faites, souvent à cause de clichés sociétaux. Par exemple, dire qu’une femme est fragile et vulnérable, car elle a moins de force qu’un garçon est un stéréotype.
12 LIEBER Marylène, LEPINARD Eléonore. Les théories en étude de genre. Paris. La Découverte, 2020, page 41.
13 DUFRESNES Jacques. « La neutralité sexuelle ». L’agora, février 2004, disponible en ligne : https://agora.qc.ca/documents/sexe la_neutralite_sexuelle_par_jacques_dufresne
14 LIEBER Marylène, LEPINARD Eléonore. Les théories en étude de genre. Paris. La Découverte, 2020, page 15.
15 LAROUSSE. (2022). Sexisme. Dans Dictionnaire
16 LIEBER Marylène, LEPINARD Eléonore. Les théories en étude de genre. Paris. La Découverte, 2020, page 21.
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Première partie Cadre théorique
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Dans ce mémoire, je m’intéresse à la question du genre dans les espaces publics à Bruxelles, avec une focale sur les enfants. Cette partie cadre théorique me permettra d’établir un cadre, et de comprendre les grandes lignes de la définition du genre ainsi que ses différents concepts. Ainsi, cela m’aidera à fixer une position et une définition propre à ce travail de fin d’études. J’aborderai la façon dont les espaces sont investis par les enfants, en me concentrant sur la place du jeu. Pour finir, je m’intéresserai à la ville de Bruxelles, et de sa position face à cet enjeu social et urbain.
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Mon projet de recherche s’intéresse aux inégalités de genre dans l’espace public, spécifiquement centrées sur l’enfance. Il est donc basé à la fois sur des études de genres et sur les études liées aux usages et à l’aménagement des espaces publics (genrés). L’état de l’art est structuré suivant ces thématiques : les inégalités de genre, l'inscription du genre et la place des femmes dans les espaces publics et puis enfin les analyses spécifiques centrées sur l'enfance et le jeu et leur interaction avec les questions de genre. Cette étude sera basée dans la ville de Bruxelles, je porterai donc une attention à la position de la ville face à ce sujet de société.
Par ailleurs, j’ai constaté que ces questions d’inégalités de genre n’étaient pas nouvelles et qu’elles se développent de plus en plus dans la littérature ces 50 dernières années. Ils existent donc plusieurs livres scientifiques qui retracent l’histoire du féminisme, et des théories de genre, notamment dans l’espace public tel que : Les théories en étude de genre de Lépinard et Lieber17 ; et Genre, violences et espaces publics de Marylène Lieber18, qui sont de mon avis de très bonnes sources pour cerner la thématique du genre.
1/ Présentation de la notion de genre
La littérature sur les concepts et les théories en genre est déjà bien fournie dans le monde. Pour cette partie, je ne vais pas exposer toute l’évolution du genre à travers le temps, mais je vais reprendre les notions essentielles à la compréhension de ce mémoire. Dans ce but nous prendrons comme principale source le bouquin Les théories en études de genre de Éléonore Lépinard et Marylène Lieber ; qui relate l’histoire de la notion de genre dans son entièreté.
« On ne naît pas femme, on le devient 19 »
La théorie du genre débute avec cette question sur le sexe des individus. Qu’est-ce qu’être une femme ? Qu’est-ce qu’être un homme ? Pendant, longtemps, il n’existait aucune recherche scientifique pour évoquer ce problème de société, les différences de genres ayant longtemps été considérées comme « naturelles » et normales. Ainsi, l'approche qui prévalait avant était une lecture qui assignait aux hommes et aux femmes des fonctions différentes selon leurs caractéristiques biologiques et reproductives Cet effet de naturalisation20 a très
17 LIEBER Marylène, LEPINARD Eléonore. Les théories en étude de genre Paris. La Découverte, 2020.
18 LIEBER Marylène. Genre, violences, et espaces publics. Paris : Presse de la fondation nationale des sciences politiques, 2008.
19 DE BEAUVOIR Simone. Le deuxième sexe. France : Editions Gallimard, 1949.
20 LIEBER Marylène. Genre, violences, et espaces publics. Paris : Presse de la fondation nationale des sciences politiques, 2008, page 16.
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longtemps répondu à ces deux questions. Je suis une fille alors je dois me comporter comme telle.
Simone de Beauvoir, dans son ouvrage, Le deuxième sexe, expose sa mésentente avec l’idée que l’on assigne un comportement à un individu selon son sexe. Elle dévoile la position des femmes, et de cette différentiation sociale qu’elles subissent. Ce livre, publié en 1949, est la prémices d’une lutte pour les droits des femmes. C’est en 1930 que commence à être questionnée cette lecture biologique par des travaux en anthropologies, en philosophie et en sociologie ; avec l’introduction du concept de genre par Margaret Mead, qui mentionne pour la première fois cette notion de « rôles sexuels »21 . A partir de son étude22 de trois peuples différents, elle constate qu’il existe une distinction entre la dimension biologique et la dimension sociale des corps. Le but de son étude est de montrer que le rôle social qu’on nous attribue est dû à une influence sociétale sur notre façon de vivre. Le livre de Lépinard et Lieber, explique cette expérience, en voici l’extrait :
« En étudiant trois peuples (…), elle observe ce qu’elle qualifie de tempéraments distincts, et des divisions sexuelles du travail qui varient entre ces peuplades. Ces observations l’engagent à souligner que ce qui caractérise le comportement des hommes et des femmes d’une société donnée est issu de spécificités de leur culture et non de critères biologiques23 ».
En effet, Mead se rend compte de l’impact de la société et notamment de la culture sur le comportement des hommes et des femmes. Elle va alors différencier les notions de sexe et de genre, établissant ainsi les principes fondamentaux de la théorie du genre.
Cette conclusion est en corrélation avec l’idéologie principale de Simone de Beauvoir. On devient donc une femme, selon les critères de la société dans laquelle on vit. C’est ce qui va véhiculer un certain nombre de préjugés et de stéréotypes que l’on va associer aux femmes.
Viola Klein, sociologue anglaise, dénonce cette idée qu’il existe des caractéristiques propres aux femmes et aux hommes :
« Le fait que l’on se rende de plus en plus compte que les traits prétendus
« masculins » se retrouvent, à des degrés variables, chez les femmes et les traits dits
« féminins » chez les hommes, cependant, n’élimine pas la division originelle mais rend, au contraire, plus nécessaire d’examiner, ces caractéristiques, qui sont appelées féminines et masculines »24
Klein dévoile une évolution de la pensée, avec cette conscience que les caractéristiques sont variables d’un sexe à l’autre. Le but de ces nombreuses recherches est de déconstruire
21 MEAD M. Moeurs et sexualité en Océanie. Pocket, 2016.
22 Ibid.
23 LEPINARD Eléonore et LIEBER Marylène. Les théories en études de genre. Paris, Editions La Découverte, 2020, p 19.
24 KLEIN V. « Le caractère féminin, critique d’une idéologie » Cahiers du genre, 2, n° 61 (2016), p 21 à 47
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la vision naturaliste évoquée au début. C’est alors que la distinction entre sexes et genre va apparaître.
Dans les années 1960-1970, cette théorie du genre progresse petit à petit en Europe grâce aux luttes féministes. L’inégalité des genres devient alors controversée, et renvoie une image de la société et une division du travail construite essentiellement sur une distinction du genre homme-femme. A ce propos, Christine Delphy, sociologue, militante et spécialiste des études féministes depuis les années 70, dans son œuvre la plus connue, L’ennemi principal 25, dénonce l 'exploitation des femmes au sein de la sphère domestique par les hommes. Elle va aussi affirmer, que nous retrouvons une hiérarchisation dans les rapports de genre, avec une société qui a été construite selon l’idée d’un rôle dominant (les hommes) et d’un rôle dominé (les femmes). Cette hiérarchisation est amplifiée en attribuant à chaque sexe des caractéristiques bien précis. Pour elle, le genre est une forme de patriarcat, c’est-àdire un rapport de pouvoir et une domination sur les femmes. Ce rapport de domination sera la raison précurseur qui justifiera la mobilisation collective des femmes en Europe, à travers notamment le Mouvement de Libération de Femmes (MLF) qui questionne la société patriarcale et la libre disposition du corps des femmes. Depuis la fin du 19e jusqu’à l'apparition des théories/concept de genre (suffragettes26 etc.) les vagues de luttes féministes portaient essentiellement sur les droits civils et civiques des femmes. Par exemple avec la loi Ferry, en 1882, qui concerne la reconnaissance de l’égalité des sexes dans l’enseignement, le droit de vote des femmes en Belgique à partir de 1948… Puis, progressivement, à mesure des premiers acquis et de l'apparition des concepts de genre, elles vont s'opposer à d'autres formes de dominations liées au patriarcat (Contraception, autonomie financière, etc. etc.) La dernière vague féministe identifiée prend forme en 1990, par des femmes de cultures différentes, qui dénoncent les discriminations à leur égard. C’est à cette époque qu’apparaît les premiers combats sur la transidentité, et de cette volonté à différencier le sexe du genre. A partir de 2010, plusieurs auteurs constatent l’émergence d’une transformation des luttes avec de nouveaux moyens de communication à travers le numérique, qui dénonce notamment les violences sexistes et sexuelles, avec des mouvements tels que le collectif #NousToutes27 Ces multiples recherches, ainsi que ces mouvements de luttes vont commencer à casser les codes et à permettre de pointer l’existence d’inégalités et de les analyser avec un regard neuf
25 DELPHY Christine. L’ennemi principal Nouvelles questions féminines, Syllepse, septembre 2013.
26 Selon la définition du Larousse : « Nom sous lequel on a désigné, en Grande-Bretagne, les militantes qui réclamaient pour les femmes le droit de voter. ». LAROUSSE. (2022). Sufrafregettes. Dans Dictionnaire.
27 Oxamfrance. Le féminisme à travers ses mouvements et combats dans l’Histoire France : Septembre 2021 [consulté le “25 juillet 2022]. Disponible sur Internet à l’adresse : https://www.oxfamfrance.org/inegalites-femmeshommes/le-feminisme-a-travers-ses-mouvements-et-combats-dans-lhistoire/
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Fig. 1 : Manifestation #NousToutes contre les violences sexistes et sexuelles, le 23 novembre 2019 à Paris.
Source Image : Marie MAGNIN pour FranceInfo
Les études du genre permettent de décrire une certaine réalité fondée sur la distinction homme-femme. Elles ouvrent le champ de savoirs et visent à comprendre comment ces différences et inégalités se constituent. En ce sens, le genre est « un concept politique qui permet de dénaturaliser et de déconstruire les normes de genre et de sexualité, tout comme de proposer des modalités alternatives »28 Après 50 ans de recherches, cette question de genre est toujours d’actualité, et tend à se faire connaître de plus en plus avec des mouvements féministes. A travers le temps, une évolution certaine et une prise de parole sont plus présentes de la part des femmes. Leurs revendications portent notamment sur des questions égalitaires, dans le domaine professionnel, domestique, mais aussi dans leur représentation au sein de la société et dans les espaces publics depuis les années ’80-‘90. C’est ce dernier point qui va m’intéresser dans la suite de ce mémoire.
2.1 Définition du terme espace public Parmi les études de genres, certaines abordent plus spécifiquement la question de l'espace public. Avant de continuer le développement, il est nécessaire de donner la définition des espaces publics, afin de renseigner la direction que prend ce mémoire. Si cette notion est très vaste, je vais me référer ici à celle formulée par Thierry Paquot :
« Les espaces publics, [...] désignent les endroits accessibles au(x) public(s), arpentés par les habitants, qu’ils résident ou non à proximité. Ce sont des rues et des places, des parvis et des boulevards, des jardins et des parcs, des plages et des sentiers forestiers, campagnards ou montagneux, bref, le réseau viaire et ses à-côtés qui permettent le libre mouvement de chacun, dans le double respect de l’accessibilité et de la gratuité »29
D’après Paquot30, les espaces publics remplissent la fonction de communication et mettent en relation les êtres humains. Ils peuvent être perçus différemment en fonction de l’usage qu’en font les utilisateur/trices Par ailleurs, Guy Di Meo définit les espaces publics, comme des espaces « dont la loi commune autorise l’accès libre et sécurisé à tous, sans aucune distinction d’âge, de sexe, de catégorie sociale, économique, religieuse ou ethnique »31 En d’autres termes dans ce mémoire, les espaces publics désigneront les zones publiques accessibles à tous/toutes de façon gratuite, accueillant des usages multiples et construits pour accueillir une série d’interactions.
28 LIEBER Marylène, LEPINARD Eléonore. Les théories en étude de genre. Paris : La Découverte, 2020, p 174
29 PAQUOT Thierry. L’espace public France : La découverte, 2015, p 3.
30 Ibid
31 DI MEO Guy « Les femmes et la ville » Pour une géographie sociale du genre. Annales de géographie, 2, n°684 (2012), p 107-127. Disponible sur internet : https://www.cairn.info/revue-annales-de-geographie-20122page107.htm#:~:text=Les%20espaces%20publics%20sont%2C%20quant,%2C%20%C3%A9conomique%2C% 20religieuse%20ou%20ethnique
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2/ Genre & Ville
Après avoir défini et cadré notre sujet de recherche, je vais analyser, dès à présent, cette notion d’inégalité genrée dans nos espaces publics.
2 2 Genre, et inégalités des espaces publics
Erving Goffman est l’un des premiers à se pencher sur les problématiques du genre dans les espaces publics, avec cette notion de « regroupement des hommes d’un côté et des femmes de l’autre »32. Prenant l’exemple des toilettes publiques, Goffman s’indigne de cette ségrégation des sexes qui s’applique pour ce type de lieu, et écrit que c’est « une conséquence naturelle de la différence entre les classes sexuelles alors qu’en fait c’est plutôt un moyen d’honorer, sinon de produire cette différence » 33 . Goffman, avec son étude sur l’espace public, montre que la ville est essentiellement faite par les hommes. Ce point d’intérêt sera le point de départ des recherches sur les pratiques urbaines homme/femme. La géographie féministe ou la géographie de genre, mettra alors cette dimension sexuée en évidence, à travers des études sur les lieux-dits masculins, féminins ou mixtes Les études comme celles de Jaqueline Coutras34 ou Nancy Duncan35 permettent de souligner la répartition et l’occupation des espaces urbains, et de conclure que les espaces sexués engendrent des représentations de stéréotypes des genres. Partant de ce constat, la question du genre dans les espaces publics est devenue un nouveau champ de recherche Ceux-ci reflètent bien souvent les problématiques de notre société et révèlent entre autres certaines inégalités de genre. En effet, ces endroits étant des lieux de rencontre et de mélange de toute la diversité humaine, ils influencent notamment la construction des identités subjectives, sociales et citoyennes des individus. D’ailleurs, dans son article Genre et ville, une réflexion à poursuivre, Marianne Blidon36 cite l’auteur Hubbard qui révèle que :
« les villes jouent un rôle essentiel dans la production, la consommation et la reproduction des normes et des identités de genre »37 et ajoute également : « La ville produit le genre comme le genre produit la ville »38 La ville est souvent présentée comme le lieu où les individus peuvent vivre ensemble39 sans se connaître personnellement, et où ils peuvent partager un espace commun.
32 GOFFMAN Erving. «L’arrangement des sexes ». Travail, genre et sociétés, 2, n°8 (2002), p229 à 249. Disponible à l’adresse : https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2002-2-page-229.htm
33 Ibid
34 COUTRAS Jaqueline Crise urbaine et espaces sexués Paris : Armand Colin, 1996.
35 DUNCAN Nancy. Bodyspace: Destabilizing Geographies of Gender and Sexuality London: Routledge, 1996.
36 BLIDON Marianne. “Genre et ville, une réflexion à poursuivre”. Les Annales de La Recherche Urbaine, n°112, 2017. Disponible à l’adresse : https://doi.org/10.3406/aru.2017.3235
37 HUBBARD P. « Cities and sexualities» in BLIDON Marianne. “Genre et ville, une réflexion à poursuivre”. Les Annales de La Recherche Urbaine, n°112 (2017). Disponible à l’adresse : https://doi.org/10.3406/aru.2017.3235
38 BLIDON Marianne. “Genre et ville, une réflexion à poursuivre”. Les Annales de La Recherche Urbaine, n°112 (2017), p 6-15. Disponible à l’adresse : https://doi.org/10.3406/aru.2017.3235
39 SIMMEL. Philosophie de la modernité. Les femmes, la ville, l’individualisme Lausanne : Payot, 1989.
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Fig. 2 : Illustration du concept de barrière que s’impose les femmes dans l‘espace public
Les études de genre tendent à montrer que cette pensée est idéalisée et que la réalité est tout autre. Véritablement, les espaces publics sont perçus de manière différente en fonction du genre de l’individu. Mais alors pourquoi ?
En 1988, Michelle Perrot, une historienne et militante féministe française connue pour ses travaux sur la question, écrit dans Le genre de la ville 40 que la ville est dangereuse pour tous, mais plus spécialement pour les femmes. Selon elle, une femme seule dans la rue, à cette époque, représentait une menace pour sa vertu, alors que les hommes bénéficiaient d’une liberté de circulation. Michelle Perrot écrit à ce sujet que :
« Le vocabulaire est significatif et oppose par ailleurs la femme publique, l'horreur, à l’homme public, l'honneur, la première est propriété commune-la putain ; le second, la figure même de l'action, l’espace public, dont la ville est une forme, souligne avec éclats la différence de sexe »41
Elle met alors en évidence la dimension sexuée de la ville, et révèle que le genre des individus influence inébranlablement la manière de vivre l’espace. C’est ce que confirme Guy Di Méo, « le genre, en tant que rapport de domination socialement construit sur la base d’une différenciation sexuelle entre individus, fournit un déterminant notable des pratiques et des représentations urbaines »42. Il appuie ainsi les propos de Michelle Perrot en affirmant une véritable distinction spatiale en fonction du genre des individus. Guy Di Méo écrit alors qu’« elles ne se déplacent pas partout en totale liberté de corps et d’esprit »43 et parle de murs invisibles pour évoquer ces frontières spatiales que les femmes s’imposent dans nos espaces publics. Par exemple, certaines femmes s’interdisent des zones dans la ville, qu’elle juge trop dangereuse (dû à l’éclairage, à l’étroitesse de certaines rues…) ou dans lesquelles elles ne se sentent pas à l’aise. Les femmes sont vigilantes et adaptent leur trajet dans la ville en fonction de ce qu’elles voient ou ressentent.
Ce comportement peut être notamment expliqué par un sentiment d’insécurité, lié à une peur d’agression physique et sexuelle. Marylène Lieber écrit que « les femmes perçoivent l’espace public comme un espace étranger. Le sentiment de peur qui en découle les conduits à limiter l’usage qu’elles en font, ce qui explique leur propension à moins s’insérer dans la vie publique »44. Elle évoque également deux types de stratégique utilisées par les
40 PERROT Michelle. « Le genre de la ville ». Communications, 65 (1997)
41 Ibid., page 149
42 DI MEO Guy. « Les femmes et la ville ». Pour une géographie sociale du genre. Annales de géographie, 2, n°684 (2012), p 107-127. Disponible sur internet : https://www.cairn.info/revue-annales-de-geographie-20122page107.htm#:~:text=Les%20espaces%20publics%20sont%2C%20quant,%2C%20%C3%A9conomique%2C% 20religieuse%20ou%20ethnique
43 DI MEO Guy. « Femmes, sexe, genre Quelle approche géographique ? ». Espaces et sociétés, n°150 (2012), page 2. Disponible à l’adresse : https://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2012-2-page-149.htm
44 LIEBER Marylène. Genre, violences, et espaces publics. Paris : Presse de la fondation nationale des sciences politiques, 2008, page 59.
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femmes pour se mouvoir à travers la ville, entre ces « murs invisibles ». Il y a celle dite d’« évitement », et celle de la « gestion de risque ». La première vise à réduire le temps d’exposition dans un espace public, soit le traverser rapidement, soit le contourner. Tandis que la deuxième est un moyen de réduire le danger en prenant des précautions au préalable. Par exemple, en choisissant de prendre un taxi pour rentrer chez soi, ou alors de faire attention à la tenue portée. Ce sentiment de peur est généré par les caractéristiques physiques des espaces, perçus différemment par chaque individu/e, mais également par la présence du harcèlement de rue qui dissuade certaines minorités d’investir l’espace public.
Cette problématique du harcèlement de rue a par ailleurs été mise en exergue et portée audevant du débat public en 2010 par la diffusion du reportage Femme de la rue 45 réalisé par Sofie Peeters. Ce dernier rapporte l’expérience d’une jeune femme se baladant à travers les rues de Bruxelles, et des différentes façons dont on l’accoste dans cet environnement. Elle dénonce alors les différents types de harcèlement, d’injures, d’insinuations sexuelles qu’elle subit. Des dénonciations qui sont souvent prises à la légère, et provoquent des réactions étonnantes chez certain/es, à savoir des réflexions sur sa tenue, et sur le fait qu’elle soit seule dehors. Les individu/es dans le reportage lui conseillent de toujours être accompagnée d’un homme pour circuler dans l’espace urbain afin de lui éviter ce type de situation. Selon ce point de vue, le problème ne viendrait pas de l’attitude des hommes vis-à-vis de cette femme, mais du fait que cette dernière serait seule dehors. Ce genre de réflexion, souvent intériorisée, insinue qu’une femme ne peut être seule pour se balader, mais aussi que c’est à elle de trouver une solution.
Les femmes grandissent alors avec cette idée qu’elles sont vulnérables et fragiles. La société donne une vision d’un monde extérieur, notamment celui de la ville, dangereux pour elle. Ces valeurs sont souvent véhiculées de manière inconsciente, mais elles ont un impact considérable sur la façon dont elles s’approprient les espaces publics. Dès lors, une peur érige leur comportement, et limite leur usage, si bien que ces ressentis engendrent un désintérêt pour la vie publique chez les femmes. Marylène Lieber46 précise que les femmes ne sont pas « explicitement » exclues, mais qu’elles ne « peuvent » pas se mouvoir librement dans les espaces publics. Par ailleurs, Lieber explique que cette question de sécurité est souvent reléguée au second plan, rarement pris en compte par les pouvoirs publics47 Un privilège pour le sexe masculin, au détriment des femmes
45 PEETERS, Sofie. Femme de la rue [FILM]. Belgique : 26 juillet 2012.
46 LIEBER Marylène. Genre, violences, et espaces publics. Paris : Presse de la fondation nationale des sciences politiques, page 302, 2008.
47 Ibid., page 19.
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Fig. 3 : Exemples de noms de rues à Bruxelles
2.3 Une ville au masculin
La partie précédente a révélé les problématiques genrées de la ville, et cette inégalité qui relègue les femmes aux intérieurs. Dans le développement qui va suivre, il sera mentionné la littérature qui affirme que la ville est masculine.
Yves Raibaud 48 , spécialiste en géographie sociale, explique dans son livre que la ville est faite « par et pour les hommes », et dénonce l’oubli des femmes dans leur conception, s’apparentant à une réponse face à l’inégalité des genres dans l’espace public. Cela commence par le nom des rues, des places, des avenues, etc. Où à Bruxelles seulement 6 % des rues portent le nom d’une femme. Le fait, que les femmes apparaissent très peu dans le nom des rues appuient leur invisibilisation dans les domaines créatif, politique, scientifique, etc. Mais plus encore, ce constat renvoi une image très masculine aux espaces publics. C’est pourquoi, le collectif féministe « Noms peut-être » organise des balades à travers Bruxelles, permettant de découvrir les places, les rues, et les fresques dont le nom est en l’honneur des femmes. Une initiative qui tente de redonner une visibilité à un aspect de la ville qui n’est pas encore égalitaire.
En-dehors de la toponymie et de cette invisibilisation, il y aussi une discrimination spatiale au sein de la ville. Certainement, Yves Raibaud dans son livre La ville faite par et pour les hommes49, intitule un de ses chapitres « une ville, deux usages » en introduisant celui-ci par une citation de Rebecca Solnit, de son œuvre l’Art de marcher :
« Une règle générale veut (…) que les hommes soient plus chez eux dans la rue que les femmes, et que ces dernières payent souvent très cher l’exercice de la liberté toute simple qui consiste à sortir faire un tour. La raison est que leur façon de marcher, leur être même, sont inlassablement sexualisés dans toutes les sociétés soucieuses de contrôler la sexualité féminine 50».
Cela nous renseigne sur un déplacement urbain des femmes différent de celui des hommes. D’après Allesandrin et Dagorn51, le déplacement des femmes est érigé par des raisons fonctionnelles, souvent liées au care Suivant Tronto52, la notion de care, est une notion qui renvoie à 4 phases : se soucier de, se charger de, accorder des soins et recevoir des soins. Pour plusieurs auteurs53, « le soin ne se rapporte pas tant aux activités de soin qu’à l’investissement émotionnel consenti pour être en mesure de soigner »54. Tronto explique
48 RAIBAUD Yves. La ville faite par et pour les hommes France: Belin, 2015.
49 Ibid , page 24.
50 Ibid., page 25.
51 ALLESSANDRIN Arnaud, DAGORN Johanna. 2018. « Sexisme(s) urbain(s) : Jeunes filles et adolescentes à l’épreuve de la ville ». Enfances, Familles, Générations. N°30.
52 TRONTO Joan. « Du care » Revues de Mauss, n°32 (2008), p 243 à 265.
53 BLUSTEIN J. « Care and Commitment » in TRONTO Joan. « Du care ». Revues de Mauss, n°32 (2008), p 243 à 265.
54 TRONTO Joan. « Du care ». Revues de Mauss, n°32 (2008), p 243 à 265.
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que les femmes « ont plus d’aptitudes pour le soin »55 , car, d’après les idéologies traditionnelles du genre, elles sont plus émotives que les hommes et par conséquent responsable des soins dans la sphère privée/familiale. Cette notion de care est encore fortement valable aujourd’hui. Par exemple en Belgique, et plus spécialement en Wallonie, les femmes consacrent « plus de 20h (21h45) par semaine aux tâches ménagères, aux soins et à l’éducation des enfants, à 14h39 pour les hommes »56 . Les femmes se déplacent dans la ville pour amener/chercher les enfants à l’école, se rendre au supermarché, conduire les enfants à leur loisir etc… Elles opèrent de nombreux trajets, mais sur des petites distances, souvent aux heures de pointe et très rarement la nuit. Cette absence des femmes dans la ville s’explique aussi à travers d’autres études qui démontrent que la ville est créée et se créer de manière masculine. Yves Raibaud57 souligne la construction de grands stades, consacrés au football ou au rugby, très souvent destinés à un public d’hommes. 75 % des budgets publics sont destinés aux loisirs des jeunes profitant aux garçons58. C’est un constat et un fait, on retrouve rarement 100 000 femmes dans un environnement fermé pour partager une même passion. Donner cette importance aux équipements dits masculins, c’est faire le choix de financer ces activités aux dépens des autres minorités, et de la pratique mixte. Selon lui, ces décisions écartent un peu plus chaque jour les femmes de l’espace public. De plus, ces décisions sur le plan de l’aménagement du territoire, et les investissements qui sont faits en termes d’aménagement sont genrés et contribuent à exclure les femmes de l’espace public. Plus encore, le fait de ne pas considérer dans les choix d’investissement le filtre du genre, contribue à favoriser un genre au détriment d’un autre. Ceci s’explique, car les décisions sont prises par un groupe dominant, dont elles reflètent les positions et les intérêts, un groupe bien souvent masculin. L’aménagement sur le plan du genre nécessite un travail actif de prise en compte des femmes, que ce soit dans l’intégration de cette question du genre dans le projet, mais aussi dans les prises de décisions. Partant de ces différents constats, la ville ne peut donc être égale envers tous, et nous sommes confrontés à un processus lent dans ce changement radical de la société vis-à-vis de cette question du genre.
Après avoir relevé ces éléments de recherches, j’ai compris que la ville était vécue de manière différente pour les hommes et pour les femmes. Je me suis donc questionnée sur cette façon que les femmes ont de se restreindre dans la ville. Depuis quand les femmes s’imposent des barrières ? A quel moment cela prend place dans sa manière d’investir la ville ?
55 TRONTO Joan. « Du care ». Revues de Mauss, n°32 (2008), p 243 à 265.
56 O’DORCHAI Sile. « Egalité entre les femmes et les hommes en Wallonie ». Louvain-La-Neuve, IWEPS, 2017. Disponible en ligne : https://www.iweps.be/wp-content/uploads/2017/10/HF2017-Cahier2_DEF.pdf
57 RAIBAUD Yves. La ville faite par et pour les hommes. France : Belin, 2015, p 14.
58 Ibid., page 16.
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Fig. 4 : Bande dessiné « Les Crocodiles » par Juliette Boutant et Thomas Mathieu. Dénonciation du harcèlement de rue Source image : projetcrocodiles.tumblr.co
3/ Genre & Jeu : Espaces de jeux, un micro-espace public genré
3.1 De l’enfance aux espaces publics
Vraisemblablement, cette description de la ville, cette situation de la femme dans cet espace, et le comportement qu’il engendre, n’apparaît pas du jour au lendemain. Ce type de dynamique intervient en effet très tôt dans la vie d’une jeune fille59, et c’est un processus long résultant d’une éducation par les pairs.
Pour bien le saisir, la géographe Edith Maruejouls60 se concentre sur les cours d’école et affirme que l’attitude des jeunes filles dans la cour de récréation n’est que le reflet de celui des femmes dans la ville. En ce sens, il est important d’apprendre aux enfants à partager l’espace dès l’école, en commençant par ce micro-espace public. On parle d’ailleurs d’apprentissage par le jeu61, qui permet à l’enfant de développer la motricité globale en courant, jouant au ballon et/ou grimpant, et également la motricité fine avec l’exemple des billes. L’aspect qui m’intéresse le plus est le bienfait de la cour de récréation sur le développement social de l’enfant, qui devra s’intégrer dans un groupe, se situer par rapport à celui-ci ; mais en se confrontant aussi à ses premiers conflits. Des échanges sociaux primordiaux pour se faire accepter dans cet univers, et impératifs motivés par les adultes qui poussent les enfants à communiquer entre eux. Une manière de créer des liens, et de vivre en groupe. A travers plusieurs études62 on se rend compte que les enfants développent par eux-mêmes leur propre société ; du moins très proche de ce que nous connaissons en tant qu’adulte. Une micro-société avec des problématiques et des inégalités. Une vie collective qui est érigée par des règles bien définies, formateur pour la vie future.
Une place qui doit se mériter et qui instaure une dynamique particulière à l’espace, avec cette référence à « la loi du plus fort ». Une loi qui renvoie à un rapport de force, une distinction entre « faible » et « fort » en intimidant ou blessant leur victime par la parole ou le geste63. Dans le cadre de ce mémoire, cette loi concerne la relation entre les filles et les garçons.
59 DELALANDE Julie. « La cour de récréation : permanence et mutations » [En ligne]. Presses universitaires de Caen, 2007. [Consulté le 22 mai 2021]. Disponible sur internet à l’adresse : https://books.openedition.org
60 MARUEJOULS Edith. (2014) « Mixité, égalité et genre dans les espaces du loisir des jeunes : pertinence d’un paradigme féministe ». [Thèse de doctorat en géographie]. Université Bordeaux Montaigne.
61 DELALANDE Julie. « La cour de récréation : permanence et mutations » [En ligne]. Presses universitaires de Caen, 2007. [Consulté le 22 mai 2021]. Disponible sur internet à l’adresse : https://books.openedition.org.
62 RUBI Stéphanie. « Les « crapuleuses », ces adolescentes déviantes ». Le Monde - Presses universitaires de France, Paris, 2005 ; DELALANDE Julie. « La cour de récréation : permanence et mutations » [En ligne]. Presses universitaires de Caen, 2007. [Consulté le 22 mai 2021]. Disponible sur internet à l’adresse : https://books.openedition.org ; MARUEJOULS Edith. (2014) « Mixité, égalité et genre dans les espaces du loisir des jeunes : pertinence d’un paradigme féministe ». [Thèse de doctorat en géographie]. Université Bordeaux Montaigne.
63 RUBI Stéphanie. « Les « crapuleuses », ces adolescentes déviantes ». Le Monde - Presses universitaires de France, Paris, 2005.
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Fig. 5. : Dynamique d’une cours de récréation. Source image : Lisa Mandel pour la consultation nationale de l’Unicef 2018.
Dans son étude Edith Maruéjouls, informe que cette distribution de l’espace dans la cour de récréation est articulée autour d’un élément central : le terrain de foot. Ce dernier prend 80 % de l’espace, souvent interdit aux filles par les garçons qui vont les contraindre à occuper les espaces en périphérie, plus calmes et à l’abri des regards. Il y a alors un groupe dominant (les garçons), et un groupe dominé (les filles). Les filles sont limitées dans leur capacité de mouvements, puisqu’elles sont empêchées de disposer de l’entièreté du terrain, et de couvrir l’espace. Ces conditions les empêchent d’expérimenter ce qu’Edith Maruéjouls a nommé l’envahissement64, pour insister sur l’idée de concept en termes d’occupation de l’espace et de la prise de position quelque part. Elles finissent ainsi par adopter des stratégies résilientes en se contentant de l’espace qui leur est laissé. Edith Maruéjouls, invoque une notion de « spatialisation de la virilité »65 qui distribue les espaces de la cour entre les espaces dominants et les espaces en dehors de ceux-ci. Ces derniers font référence à des endroits de la cour où aucune règle discriminante n’est érigée, et où les endroits sont utilisés de manière égale. C’est alors que je me suis posé cette question : comment expliquer le comportement genré au sein de la cour de récréation ? Pourquoi cet espace de jeu amène une inégalité de genre ?
Maccoby66, explique que c’est la présence physique des pairs qui incitent les enfants à réagir et à agir selon leur genre, autrement dit, ce sont les rapports sociaux qui contribuent à la reproduction des rôles genrés dès le plus jeune âge. De l’avis de Marylène Lieber, c’est aussi le fait que le lieu soit « non-encadré »67 par les adultes qui entraînent un tel processus. Mais cela se doit aussi à un mimétisme, à une imitation du fonctionnement des adultes. En d’autres termes les rapports de genres entres les enfants ne sont que le résultat d’une reproduction et d’une observation des adultes68 . Malheureusement, cela attire l’attention sur cette division de l’espace pour jouer. Se faire interdire un endroit parce qu’on est une fille, ou un garçon qui ne correspond pas aux conventions sociales habituelles est parfois la première forme de discrimination, d’injustice et d’inégalité de genre. Les filles sont limitées dans leurs droits, tout en leur imputant une image fragilisée qui va malheureusement les poursuivre dans leurs propres représentations. Ce constat n’est pas non plus sans conséquence pour les garçons qui sont assignés au terrain de foot en leur
64 BROUZE Emilie. « Comprendre les inégalités dans la cour d’école par Edith Maruéjouls ». Genre et ville, février 2017. Disponible en ligne : http://www.genre-et-ville.org/comprendre-les-inegalites-dans-la-cour-decolepar-edith-maruejouls/
65 MARUEJOULS Edith. (2014) « Mixité, égalité et genre dans les espaces du loisir des jeunes : pertinence d’un paradigme féministe ». [Thèse de doctorat en géographie]. Université Bordeaux Montaigne.
66 MIEYAA Yoan, ROUYER Véronique, LE BLANC Alexis. « La socialisation de genre et l’émergence des inégalités à l’école maternelle : le rôle de l’identité sexuée dans l’expérience scolaire des filles et des garçons ». Inégalités sociales et orientation, n°1 (2012), disponible en ligne : https://journals.openedition.org/osp/3680
67 NORDSTRÖM Maria. « L’utilité des cours d’école dans la construction de l’identité de genre : observations des activités pratiquées par les filles et les garçons âgés de 12 ans pendant la récréation ». in Enfants et jeunes dans les espaces du quotidien, Rennes, 2010, page 21 à 34.
68 Ibid.
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apprenant à dominer ce qui est autour. Les individu/es sont alors rangé/es dans des cases en fonction de stéréotypes sur les comportements liés à leur genre ou leur sexe.
Cette segmentation spatiale en fonction du genre est donc présente dès l’école et transposée par la suite à l’âge adulte chez les femmes. Je me suis donc interrogée sur l’entre deux. Est-ce que cette inégalité de genre se retrouve dans d’autres espaces ludiques ? Et plus spécialement dans les espaces publics ?
3.2 Le jeu comme usage de la ville
Bien avant l’arrivée de la voiture dans les villes, il était commun de voir les enfants jouer dans les rues sans se soucier d’un quelconque danger, en profitant d’un vaste espace sans limite. Une liberté de jeu qu’aujourd’hui, on ne retrouve plus, à cause d’un réaménagement des espaces urbains. Le but étant donc de les fragmenter en leur donnant à chacun une fonction, limitant alors les enfants dans leur façon d’approprier l’espace en jeu69 , et les excluant du reste de l’espace public. Cette tendance à mettre de côté l’enfant et ne pas l’inclure dans nos espaces publics, les amènent à être cloisonnées dans des aires de jeux… Pourtant, Philipe Aries70 soulignait déjà en 1970 le problème de nos villes par rapport à nos espaces urbains, qui selon lui devait être repensés pour les enfants et pour les adultes. Dès lors, pour Clément Rivière71, les enfants sont des bons révélateurs du rapport qu’entretiennent les citadin/es aux espaces publics, en comprenant leur utilisation et leur fonctionnement. De surcroît, la ville est un élément important dans la vie d’un enfant, puisqu’ils apprennent à connaître l’environnement et le monde en agissant sur lui72 Le rapport Jeu dans la ville parle de transformation lorsque qu’un enfant « découvre son milieu dans une interaction constante, en le transformant autant qu’il se laisse former par lui »73. Ils évoquent les bienfaits de l’espace sur la formation d’un enfant, à travers lequel il forge sa personnalité, « laisse son empreinte et devient acteur74 ». Les enfants ont cette capacité à
69 PAQUOT T. « La ville récréative : enfants joueurs et écoles buissonnières ». Infolo, 2015 [consulté le 10 janvier 2021]. Disponible sur internet à l’adresse :http://www.barricade.be/publications/analyses-etudes/penser-une-villeenfants-admis-une-proposition-un-espace-urbain-plus
70 ARIES P. 1993 [1979]. « L’enfant et la rue, de la ville à l’antiville ». Essais de mémoire, 1943- 1983, Paris, Éditions du Seuil, p. 233-254. [Consulté le 08 janvier 2021].
71 RIVIERE Clément. « Les enfants, révélateurs de nos rapports aux espaces publics » [En ligne]. 2012. Revue métropolitiques, mis en ligne le 18 juin 2012 [consulté le 10 janvier 2021]. Disponible sur internet à l’adresse : www.metropolitiques.eu
72 MILLER Carolyn. « Genre as Social Action ». Quarterly Journal of Speech, 70 (1984), p 151 à 167. Disponible sur internet à l’adresse : https://oportuguesdobrasil.files.wordpress.com/2015/02/miller_genre_as_social_action.pdf
73 BRUXELLES ENVIRONNEMENT. « Le jeu dans la ville-Pour un maillage jeux à Bruxelles » [En ligne]. Environnement. Brussels, 2015, p 115. [Consulté le 14 décembre 2020]. Disponible sur internet à l’adresse : https://document.environnement.brussels/opac_css/elecfile/BRO_JeuDansVille_FR.pdf
74 BRUXELLES ENVIRONNEMENT. « Le jeu dans la ville-Pour un maillage jeux à Bruxelles » [En ligne]. Environnement. Brussels, 2015, p 91. [Consulté le 14 décembre 2020]. Disponible sur internet à l’adresse : https://document.environnement.brussels/opac_css/elecfile/BRO_JeuDansVille_FR.pdf
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transformer n’importe quoi en jeu. Cette série d’arguments soutient l’utilité d’étudier le rapport entres les enfants et les espaces publics.
D’ailleurs, lorsque l’enfant est libre de ses mouvements, il n’est pas rare de les voir s’approprier l’espace public à leur manière, en particulier les espaces aux formes organiques qui suscitent leur appropriation sans en définir l’usage à priori, à contrario de modules de jeux formels comme les voitures ou les petits trains. Cette liberté de mouvement sera essentielle pour pouvoir comprendre la dynamique de l’espace par le prisme des enfants. En effet, ce qui différencie de la cour de récréation, c’est que les espaces publics peuvent être envisagés comme des espaces dépourvus d’encadrement dans la mesure où il n’est pas fermé et sous surveillance constante. Cette opposition est cependant à nuancer, d’une part les professeur/euses chargé/es de surveiller la cour interviennent peu et laisse les enfants décompresser ; d’autre part, les parents accompagnent et suivent leurs enfants dans l’espace et dans leur jeu par soucis de sécurité. Ce comportement limite la spontanéité d’utilisation que pourrait avoir l’enfant dans l’espace. De plus, dans l’aménagement de l'espace public, la place du jeu est souvent reléguée aux zones définies, tel que les aires de jeux75. Ce contrôle réduit la place des enfants dans le reste de l’espace et notamment pour les enfants en bas âge. En effet, au début de mes observations, j’ai compris que les comportements genrés seraient difficiles à observer chez les plus petits. D’une part, les parents sont plus présents auprès des enfants de moins de 6 ans, d’autre part, la conscience du genre arrive vers l’âge de 7 ans.
L’article L’identité sexuée du jeune enfant : actualisation des modèles théoriques et analyse de la contribution paternelle76 explique le processus de la prise de conscience du genre. En voici un résumé succinct, pour justifier la position de ce mémoire. Pendant les trois premières années, l’enfant se trouve à l’étape de l’identité sexuelle, il sait reconnaître son propre sexe, et celui des autres. C’est-à-dire que les enfants dès cet âge vont comprendre ce qu’il leur est assigné en fonction de leur sexe, par exemple être policier pour le petit garçon et marchande pour la petite fille. Après cette étape, vers 3-4 ans « au stade de la stabilité de genre, comprends que le genre est stable dans le temps »77. C’est alors que l’enfant va se modeler en fonction des caractéristiques de son propre sexe, et se dirige vers ce que la société veux de lui. En effet, un enfant qui se comportera en décalé par rapport à son sexe, ne sera accepté que difficilement par les autres. Les premiers stéréotypes sexuels apparaissent à ce moment-là, en définissant un code à suivre pour
75 HUBAUT Sophie. (2013). « Jouer à Bruxelles : Winnicott comme clé de lecture des politiques et pratiques urbaines ». Mémoire de master, La Cambre Horta ULB.
76 ZAOUCHE-GAUDRON Chantal et ROUYER Véronique. « L’identité sexuée du jeune enfant : actualisation des modèles théoriques et analyse de la contribution paternelle ». Construction et affirmation de l'identité chez les filles et les garçons, les femmes et les hommes de notre société. Volume 31 (2002), p 523 à 533
77 Ibid
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chaque sexe. Par la suite « Aux alentours de 5 ans, l’enfant rentre dans le stade de la constance de genre et comprend que le genre est constant au-delà du temps et des situations. L’identité sera définitivement stable vers 7 ans »78. Cependant ; le comportement genré entre les sexes est presque absent chez les bébés et les jeunes enfants. On note, évidemment, l’importance d’agir dès le début pour éviter les stéréotypes, mais dans notre cas d’étude, il sera plus important de sélectionner les enfants dès l’âge de 7 ans (environ) afin d’observer les comportements genrés qui m’intéresse
3.3 Les espaces publics et les jeunes filles Après avoir étudié la dynamique genrée de la cour de récréation, je me suis interrogée sur la façon dont les espaces publics sont vécus par les jeunes filles. Pour cela, il est intéressant de prendre connaissance des études déjà réalisées dans nos espaces publics avec ce regard du genre sur les enfants.
Dans un premier temps, plusieurs études démontrent les difficultés pour les adolescent/es à intégrer les espaces publics. Souvent critiqué par les adultes qui les considèrent comme trop bruyants, ils doivent affirmer leur présence Ce procédé est encore plus dur pour une jeune fille qui doit affirmer un « droit de présence »79. Danic écrit à ce sujet :
« Lorsqu’ils sont autorisés à investir le quartier par leurs parents, les ados garçons peuvent y trouver aisément une place, au contraire des filles, que ce soit aux terrains de foot, dans les rues ou dans les équipements socio-éducatifs. »80
Le terme « place » induit que les garçons sont légitimes dans les espaces publics, ils se déplacent jusqu’au lieu-dit, et l’accueil se fait naturellement. Pourquoi est-ce si différent pour les jeunes filles ? Comme vu précédemment, bien souvent les équipements ne sont pas adaptés pour les filles, et leur sont interdits par le genre dominant. Un combat qui en décourage plus d’une, et les incite à déserter nos espaces publics. Leur abandon de l’espace public amène une disparition des activités de loisirs mixtes, et repli également les filles sur des activités plus conformes à leur genre, en rendant plus visible cette notion de stéréotypes. Par conséquent, la jeune fille se contente « d’espace de retrait »81, loin des regards, et des provocations des garçons. Ces espaces sont généralement dans les espaces les plus calmes des parcs et protégés par des éléments végétaux ou construits.
78 ZAOUCHE-GAUDRON Chantal et ROUYER Véronique. « L’identité sexuée du jeune enfant : actualisation des modèles théoriques et analyse de la contribution paternelle ». Construction et affirmation de l'identité chez les filles et les garçons, les femmes et les hommes de notre société. Volume 31 (2002), p 523 à 533.
79 DANIC Isabelle « Les places des adolescent.e.s en zone urbaine sensible, entre attribution, appropriation et retrait » Les Annales de la recherche urbaine, N°111(2016), p 78-89
80 Ibid.
81 ASBL GARANCE. « Femmes au parc ! Améliorer l’accés des femmes aux espaces verts ». [En ligne] Garance ASBL, septembre 2017 [consulté le 15 avril 2022]. Disponible sur internet à l’adresse : http://www.garance.be/docs/17FAPRapportfinalRegion.pdf
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Fig. 6. Photo prise par Nicole Adams. Les enfants manifestent pour leur droit.
Par ailleurs, le contrôle parental impacte énormément sur la liberté des adolescentes, et des jeunes filles. D’après Clément Rivière82, à partir de la puberté, les jeunes filles deviennent plus vulnérables aux yeux de leurs parents, qui sera définit par Lieber de « peur sexuée » 83 C’est pourquoi les parents seront plus stricts envers leur fille, en contrôlant leurs habits, l’heure de sortie etc…
Cette différence d’attention entre les filles et les garçons contribue à alimenter cette peur urbaine, en interdisant, ou en reléguant les filles à certains espaces. Par ailleurs, la société alimente cette restriction spatiale, et ces inégalités de genre. Je me suis demandée alors si les espaces publics peuvent être responsables de ces inégalités vis-à-vis des jeunes filles ?
La partie qui va suivre, permettra de comprendre si ces inégalités de genre sont prises en considération lors des décisions politiques
4. Etude de genre en ville
4.1 Politique du gender mainstreaming
La brochure de l’Institut Bruxellois de Statistiques et d’Analyse de 201484 explique à quel moment le genre apparaît dans la politique en Europe, les objectifs que celle-ci recommande pour les projets à venir. Mais aussi sur l’évolution du genre en Europe, dont en Belgique.
La conscience du genre est apparue dans la politique publique en 1995 grâce à la conférence mondiale sur les femmes des Nations Unies qui se déroulait en Chine cette année-là. Les pays présents se sont donc engagés à « faire progresser les objectifs d’égalité, de développement et de paix pour les femmes du monde entier »85. Un outil est alors créé dans le but d’aider à remplir ces objectifs, c’est « La Plate-forme d’Action de Pékin ». Cette mise en place, qui date d’il y a 27 ans, s’adonne à une volonté d’aboutir à une égalité entre les hommes et les femmes. L’Union européenne et le Conseil de l’Europe, ont mis en place des outils et des moyens pour amener cette égalité dans notre société et dans nos politiques. La Belgique a adopté cette position genrée dans sa politique, tant au niveau fédéral qu’à la Région de Bruxelles capitale:
« Article 4 de la loi fédéral gender mainstreaming du 12 janvier 2007 : En vertu de l’article 4 de la loi gender mainstreaming, il est clairement stipulé que « les services
82 RIVIERE Clément. « Les enfants, révélateurs de nos rapports aux espaces publics » [En ligne]. 2012. Revue métropolitiques, mis en ligne le 18 juin 2012 [consulté le 10 janvier 2021]. Disponible sur internet à l’adresse : www.metropolitiques.eu
83 CARDELLI Rébecca. « Les déplacements des femmes dans l’espace public : ressources et stratégies »
Dynamiques régionale, n°12, (2021), pages 102 à 121.
84 KALENGA-MPALA Roger. « Genre et statistiques en Région de Bruxelles-Capitale ». Institut Bruxellois de Statistiques et d’Analyse, mai 2014. Disponible en ligne : https://ibsa.brussels/sites/default/files/publication/documents/FOCUS-4-FR-final.pdf
85 Ibid. Page2.
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publics fédéraux, le Ministère de la Défense, les services publics de programmation, les institutions publiques de sécurité sociale, les établissements scientifiques fédéraux et les organismes d’intérêt public veillent à ce que toutes les statistiques qu’ils produisent, collectent, et commandent dans leur domaine d’action soient ventilées par sexe et que des indicateurs de genre soient établis »86
« Article 4 de l’ordonnance de la Région Bruxelles-Capitale concernant le genre du 29 mars 2012 :
L’article 4 de l’ordonnance du 29 mars 2012 précise que « chaque ministre et secrétaire d’État veille, dans les domaines relevant de ses compétences, à ce que les statistiques que les services publics bruxellois et les organismes d’intérêt public bruxellois produisent, collectent, et commandent dans leur domaine d’action soient ventilées par sexe et que des indicateurs de genre soient établis si c’est pertinent »87
Les instances publiques doivent veiller à ce que les statistiques ventilées par sexe soient produites avec la dimension de genre. Cette analyse permettra d’identifier les inégalités de genre dans les chiffres, et ainsi proposer des solutions pour rééquilibrer la balance. Malgré cette mise en place, nous sommes encore loin d’un bouleversement au niveau des espaces publics. Qu’en est-il alors de nos décisions et de nos planifications urbaines ?
Dans les années 1990, les femmes n’étaient pas incluses dans le milieu de politique urbaine, que ce soit dans les prises de décisions, mais aussi dans les espaces publics. Les femmes sont souvent une minorité de l’espace, auprès desquelles il faut apporter une attention particulière pour les intégrer. C’est alors que le genre commence à apparaître dans la politique en Europe. En effet, la conscience du genre est apparue dans la politique publique en 1995 grâce à la conférence mondiale sur les femmes des Nations Unies qui se déroulait en Chine cette année-là. Les pays présents se sont donc engagés à « faire progresser les objectifs d’égalité, de développement et de paix pour les femmes du monde entier »88
Compte tenu de l'importance des questions de genre dans l'espace public, celui-ci a été intégré aux approches d'aménagement et de gouvernance urbaine sous le principe du gender mainstreaming La démarche de gender mainstreaming se base sur la notion d’égalité de genre promue par l’Organisation des Nations Unies (ONU). Le but étant de réorganiser, améliorer, faire évoluer et évaluer les processus de prise de décision afin d’appliquer une égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines par les
86 KALENGA-MPALA Roger. « Genre et statistiques en Région de Bruxelles-Capitale ». Institut Bruxellois de Statistiques et d’Analyse, mai 2014, page 3. Disponible en ligne : https://ibsa.brussels/sites/default/files/publication/documents/FOCUS-4-FR-final.pdf
87 Ibid.
88 Ibid , page 2.
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acteurs concernés dans la mise en place politique. En soit, et comme il a été évoqué dans la partie précédente, c’est de cette manière que les inégalités seront évitées. Le but est donc de prendre des décisions où tout individu est traité avec égalité, sans favoriser un genre plutôt qu’un autre.
Il existe aussi un autre engagement sur l’intégration du genre dans l’action publique. Dans la continuité du gender mainstreaming, « des maires et des bourgmestres membres du Conseil, de plusieurs unions des villes, d’associations de pouvoirs locaux et de fédérations de municipalités provenant de plusieurs pays et régions d’Europes »89 se sont réunis pour faire émerger une charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes le 12 mai 2006 « Depuis lors, toute localité désireuse de renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes peut signer cet instrument »90, c’est-à-dire que chaque localité choisie ou non de s’engager. Dès lors, l’attention à cette conscience du genre est grandissante. Pourtant, cela reste toujours un combat pour qu’elle soit prise en compte dans les décisions urbaines. Pourquoi est-ce si difficile ?
Tout d’abord parce que le gender mainstreaming « figure parmi les missions de l’Union européenne, mais n’a pas pour autant acquis le statut d’engagement contraignant »91. Ce qui veut dire qu’il a un statut politique, et non-juridique. Les pays européens choisissent de s’engager ou non, mais le gender mainstreaming ne prévoit pas de réponse légale aux problèmes que son (absence d’) application peut soulever »92 Cet outil est donc, comme pour la charte européenne, de prime abord, un bon moyen d’intégrer cette conscience d’égalité des sexes au sein des politiques, néanmoins, elle n’est pas rendue obligatoire, et déséquilibre tout le processus.
Au-delà des moyens mis en place, il est aussi compliqué de rompre avec les idéologies et les habitudes sociétales. Par ailleurs, Tummers dans son article Stéréotypes de genre dans la pratique de l’urbanisme93 explique par le fait que « le genre, dans l’urbanisme, ne concerne pas seulement l’utilisation de l’espace physique, mais interfère avec des notions ancrées dans la culture, telles que la communauté et l’identification »94. La société est ancrée sur des idéologies, sur une culture et sur une façon de penser bien déterminer. De
89 DE VOS Dominique. « Activisme juridique - La Charte européenne pour l’égalité entre les hommes et les femmes au niveau local. A la recherche d’une ville femmes admises ». E-legal ulb, volume 3, février 2020,. Disponible en ligne :https://e-legal.ulb.be/volume-n03/hommage-a-eliane-vogel-polsky/axe-3-activisme-juridiquela-charte-europeenne-pour-l-egalite-entre-les-hommes-et-les-femmes-au-niveau-local-a-la-recherche-d-une-villefemmes-admises.
90 Ibid
91 JAQUOT Sophie. « Le gender mainstreaming et l’Union européenne : quels effets ? » Lien social et politiques, n°63 (2013) p 17-34. Disponible en ligne : https://www.erudit.org/fr/revues/lsp/2013-n69-lsp0644/1016482ar/
92 Ibid
93 TUMMERS Lidewij. « Stéréotypes de genre dans la pratique de l’urbanisme ». Travail, Genre et Sociétés , n°33 (2015), p 67-83. Disponible en ligne : https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2015-1-page-67.htm
94 Ibid.
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plus, nous pouvons rappeler Marylène Lieber qui stipulait que les hommes étaient beaucoup plus présents que les femmes dans les prises de décisions politiques urbaines Ce qui vient, une fois de plus, entacher cette évolution d’égalité de genre dans les espaces urbains.
Dès les années 2000, des projets pilotes apparaissent, en se considérant comme des modèles à suivre en termes d’inclusion et d’égalité genrée. Souvent, ces projets, ont pour but d’intégrer les femmes dans le processus, mais aussi dans la manière dont le projet est pensé en les prenant en compte. Certaines villes européennes s’engagent à respecter le principe de gender mainstreaming dans leurs politiques d’aménagement. Elles parviennent à s’adapter à cette révolution du genre, et à proposer des espaces publics de qualité95 . C’est en particulier le cas de Vienne, considérée par l’ONU comme une figure d’exemple en la matière96. Son objectif est de rendre la ville plus inclusive et égalitaire, avec une intention à la rendre plus sécuritaire et plus pratique pour les femmes.
Pour ce faire, la ville va analyser tous les projets du secteur public, avant réalisation, en intégrant à chaque fois cette question du genre. Elle va également publier un manuel97 sur l’intégration de la dimension du genre qui renseigne sur la manière d’appliquer correctement le gender mainstreaming. La ville donne des critères 98 à respecter dans la prise au sérieux de cette notion. En voici certains :
« Les aspects de genre sont systématiquement visibles dans le projet définition, objectifs, mesures et évaluation » ; « L'intégration du genre est directement liée au projet » ;
« Utilisation de la budgétisation sensible au genre, en veillant à ce que les femmes et les hommes bénéficient des investissements de manière équilibrée ».
Sur ce dernier point, la ville de Vienne tente également de rééquilibrer le partage de la ville et a adopté le gender budgeting soit la budgétisation sensible au genre. Une mesure qui implique une évaluation du budget avec une perspective du genre à tous les niveaux, toujours dans l’objectif de promouvoir une égalité entre les hommes et les femmes.
95 Exemple type de parc à Viennes : Einsiedlerpark, Alois-Drasche-Park, Rudolf bednar…
96 CHARREL Marie. « Vienne, pionnière des villes sensibles au genre ». Le Monde. Novembre 2021 4 [consulté le 27 juillet 2022]. Disponible sur internet : https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/11/03/vienne-pionnieredes-villes-sensibles-au-genre_6100726_3234.html
97 VILLE DE VIENNE. Gender Mainstreaming – Made easy. Vienne : Stadt Wien, 2021. 98 Annexe n°1.
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4.2 Pays pilote
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Fig. 7 : Plan du parc Rudolf-Bednar, considéré comme un espace public inclusif Source image : Hager Partner
Fig. 8 : Photographie du parc Rudolf-Bednar, Source image : Hager Partner
La ville de Vienne met aussi en avant des éléments qui pourraient sembler anodin dans l’aménagement urbain, mais qui véhicule pourtant des inégalités de genre. Elle cite notamment les cimetières, avec des études qui ont révélé que la majorité des visiteurs étaient des femmes âgées. Il est donc essentiel d’installer des bancs, ainsi que des toilettes publiques pour améliorer leur confort. L’éclairage public est aussi une notion à prendre en compte. Souvent, à l’origine d’un sentiment d’insécurité chez les femmes, il est important d’en installer le plus possible dans la ville. Un autre exemple notable est celui des toilettes publiques. La ville ne donne pas accès aux toilettes pour tous, les femmes ont plus de difficultés que les hommes de trouver un WC rapidement lors d’une balade. L’enjeu est donc de rétablir cette situation en ajoutant des toilettes publiques dans nos villes. Une considération du genre féminin et des petites actions qui tentent d’éliminer les stéréotypes.
Néanmoins, il est possible que ces interventions agissent dans le sens inverse. Malgré leur bonne volonté, il est notion de « ville rose »99 tous les aménagements destinés aux femmes (wagon de tram rose, place de parking rose dédiée aux femmes…) pour éviter un harcèlement et faciliter l’appropriation de l’espace. Ces solutions apportées reproduisent la division des sexes et les rapports de domination en s’attaquant finalement aux conséquences plutôt qu’aux causes du problème qui, elles ne sont pas prises à bras-lecorps. Le message transmis à travers ces propositions est en effet celui de « protégez vos filles » plutôt que « éduquez vos fils ». En effet, elle écrit que « la prise en compte des idées féministes en aménagement est encore loin d’avoir bouleversé en profondeur les théories urbanistiques et leur application ». Même si elle observe une nette augmentation au niveau des projets qui se disent féministes, l’impact n’a pas encore été bouleversant dans la conception en général.
Après avoir relevé ces éléments de recherches, j’ai compris que cette notion d’inégalité de genre dans la ville mettait en place des concepts et des moyens pour remédier à la situation. Cette question n’est pas oubliée, elle est juste mal connue et surtout pas assez mise en valeur dans certains pays telle que la Belgique Mais alors comment suivre le modèle de la ville de Vienne en terne d’inclusion du genre dans le domaine urbain ? Il y a-t-il une méthode à suivre pour créer un espace égalitaire pour tous ?
99 BIAROTTE Lucile. « Féminisme et aménagement : influences et ambiguïtés. La diffusion internationale d’initiatives d’urbanisme dédiées à l’émancipation des femmes ». Les annales de la recherche urbaine, N°112, 2017.
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4.3 Les outils mis en place : l’existence de grilles d’analyse
Les grilles d’analyses proposent une multitude de critères qui permettent d’identifier la position sur la question du genre de l’espace public. Ce type d’outils est conseillé auprès des concepteurs afin qu’ils soient sensibilisés à une série d’éléments à prendre en compte pour un espace égalitaire. C’est pourquoi, il est essentiel pour ce mémoire de s’en saisir. Notamment, auprès du guide établis par la mairie de Paris réalisé en 2016100, car il englobe un panel large de thématiques intéressantes sur le genre, et qui seront utile pour nos observations. Il sera essentiel d’établir une confrontation avec d’autres grilles, afin de comprendre leurs similitudes et/ou leurs différences.
Dans un premier temps, nous allons revenir à la méthode d’Edith Maruéjouls et de sa recherche sur la cour de récréation. Lors de son absence, elle demandait aux enseignants de remplir ce qu’elle a appelé une fiche d’observation de la mixité101. Ils devaient, alors spécifier le moment de la journée pendant lequel il faisait leur observation et le lieu de la cour. Ensuite, deux rubriques étaient à remplir. La première la renseignait sur le nombre exact de garçons et de filles dans cet espace, avec une précision sur ce qu’ils y faisaient. La deuxième concernait l’« évolution durant le temps de récréation : intrusions de filles, de garçons, réactions, élèves isolés, passifs, conflits éventuels, pourquoi ? ». Edith Maruéjouls récoltait ainsi des informations sur l’usage de l’espace via ce court formulaire. C’est une manière simple et efficace de faire l’état de la situation, et d’en comprendre la dynamique. De plus, les questions restent générales et du domaine de la description. Bien évidemment, d’autres questions se révèleront, plus spécifique à un terrain, et varieront en fonction de l’espace. C’est ce que propose l’ASBL Garance pour un contrat de quartier aux Marolles à Bruxelles, en constituant une feuille de route102 abordant une multitude de question sur le genre. Ces questions, et notamment les réponses à celles-ci, permettent de constituer un diagnostic, puis un bilan sur la position du projet en termes d’inclusivité du genre. Cette méthode est une première piste méthodologique pour l’intégration du genre dans les contrats de quartier. Puisqu’elle se focalise sur des pistes d’actions et des outils dans le but « de faciliter l'appropriation du genre par les différent.e.s actrice.eur.s dans leur travail »103. Ils procèdent, en premier lieu, « à la phase d’élaboration, qui est dédié à
100 Annexe n°2.
101 Annexe n°3.
102 ZELLINGER I. et CHINIKAR R. « Intégration du genre dans le dispositif des contrats de quartier ». Garance, juin 2020. Disponible en ligne : http://www.garance.be/IMG/pdf/feuille_de_route_pdf_.pdf
103 Ibid. Page 3.
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l’analyse des besoins, des souhaits et des priorités de revitalisation dans un quartier »104 . Voici, des exemples de questions qu’ils se posent pour cette étape :
o « Est-ce que pour chaque thématique du diagnostic, des efforts ont été faits pour réunir des informations sur l’impact de genre ? »
o « Quels sont les publics cibles qu’il est nécessaire d’inclure dans le contrat de quartier ? Quels sont les publics qui sont le moins représentés en général ? Comment assurer la représentation de toutes ces personnes ? »
Par la suite, l’ASBL Garance s’interroge sur des notions beaucoup plus spécifiques au projet sur lequel il travaille. Cette partie, peut être intéressante à étudier, afin de prendre connaissance de la façon dont ils procèdent pour intégrer cette notion de genre dans un projet défini. En l’occurrence, pour ce rapport, ce sont des questions qui ont été « soumises au bureau d'étude en charge des bains de Bruxelles dans le cadre de notre mission au sein du CdQ Marolles »105. Voici un exemple de questions qui ont été inspirantes pour la suite :
o « Comment l'aménagement peut-il avoir un impact sur le harcèlement sexiste envers les femmes et les filles ? »
o « L'exploitation de la piscine se fait-elle différemment en fonction du genre ? »
La feuille de route porte de l’intérêt, aussi, pour les concepteurs. Selon, l’ASBL Garance :
« La question du genre ne doit pas être l'apanage « d'experte.s en genre », mais être un objet d'attention de tou.te.s les acteurs et actrices impliqué.e.s dans les CdQ : des habitantes aux pouvoirs subsidiant en passant par les équipes et responsables de projet et les bureaux d'étude»106
C’est pourquoi ils se posent la question suivante : « Les bureaux d'études sélectionnés prévoient-ils une analyse de genre dans leurs études ? ». Il n’est, en effet, pas négligeable de prendre en compte la position des concepteurs dans cette conscience du genre.
Pour terminer, l’ASBL Garance évoque « la valorisation des espaces publics »107. Une rubrique qui souhaite sensibiliser les contrats de quartier, en les avertissant sur la façon d’aménager l’espace public, afin d’éviter de renforcer les inégalités. Encore une fois, la série de question proposée, reste très générale, et peut s’appliquer à ce mémoire :
o « Qui est présent.e (absent.e) dans l'espace et qu'est-ce qu'il.elle fait ? »
o « Comment les personnes s'approprient les espaces ? »
104 Ibid , page 6.
105 Ibid , page 6.
106 ZELLINGER I. et CHINIKAR R. « Intégration du genre dans le dispositif des contrats de quartier ». Garance, juin 2020. Disponible en ligne : http://www.garance.be/IMG/pdf/feuille_de_route_pdf_.pdf
107 Ibid , page 11.
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o « Quel sera l'impact de chaque aménagement sur l'utilisation des espaces par les femmes et les filles ? »
A présent, nous allons nous intéresser au guide108 référentiel sur le genre et les espaces publics édité par la mairie de Paris. Il évoque les questions à se poser et les indicateurs à prendre en compte pour un environnement urbain égalitaire.
Il s’organise autour de cinq thématiques : circuler, occuper l’espace, être présentes et visibles, se sentir en sécurité et enfin participer. L’objectif étant de se poser de nouvelles questions pour permettre un regard neuf sur l’espace public, la mairie de Paris espérant ainsi une amélioration à ce sujet. Chaque thématique est présentée avec les idées reçues les concernant. Ce travail permet de faire le constat de ce que la société peut penser de l’espace public, avec des idées reçues bien loin de la réalité. La mairie de Paris démontre que ces pensées ne sont pas du tout intégrées dans nos villes. Pour cela, ils proposent sept questions à se poser pour remédier à la situation, pour ensuite soumettre des pistes d’actions. Celle qui nous intéressera le plus est la thématique « occuper l’espace » qui se rapproche de notre question de recherche.
Néanmoins, on constate dans le guide de la mairis de Paris l’absence de thématiques concernant les jeunes filles. Tous, ont pour focale la place des femmes dans la ville. Alors qu’au début de celui-ci il est question de « droit à la ville »109 et donc de la « (ré)appropriation de l’espace public par les femmes et les jeunes filles »110. Pourtant, dans le développement du rapport, la place des jeunes filles semble mise à l’écart. Il est vrai qu’il en est notion une dizaine de fois, mais nous nous rendons compte que le sujet n’est pas abordé complétement. L’ASBL Garance semble y faire plus attention dans leur feuille de route111, en différenciant les femmes des filles. Pour la plupart des questions, l’ASBL sépare la situation des filles aux femmes, et considère que ce sont deux attitudes différentes. Ce mémoire, est en phase avec cette position, et se veut de proposer une grille d’analyse qui intégrera la place des jeunes filles.
108 MAIRIE DE PARIS. « Guide référentiel Genre & espace public ». Paris, octobre 2016. Disponible en ligne : https://api-site.paris.fr/images/85756
109 LEFEBVRE Henry. Le droit à ville. Economica, 2009.
110 MAIRIE DE PARIS. « Guide référentiel Genre & espace public ». Paris, octobre 2016, page 13. Disponible en ligne : https://api-site.paris.fr/images/85756
111 ZELLINGER I. et CHINIKAR R. « Intégration du genre dans le dispositif des contrats de quartier ». Garance, juin 2020. Disponible en ligne : http://www.garance.be/IMG/pdf/feuille_de_route_pdf_.pdf
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Fig. 9 : Domaines d’applications pour créer une ville égalitaire. Source image : Source image : Guide de la mairie de Paris
Fig. 10 : Extrait du guide de la mairie de Paris. Rubrique : Idées reçues pour la catégorie « occuper l’espace ». Source image : Guide de la mairie de Paris
Cette étude sur ces grilles a démontré que l’intégration du point de vue des enfants n’est pas un critère pris en compte. Le jeu des enfants est alors complétement absent, et n’est pas associé dans cette notion de conception genrée des espaces publics. Il est certes mention, dans les grilles, de ces publics délaissés dans les espaces urbains, mais le travail ne va pas plus loin. Les grilles ne se rapportant généralement qu’aux relations entre les femmes et les espaces publics. C’est pourquoi, il sera intéressant, à partir de nos observations, de fournir un certain nombre de critères à prendre en compte pour rendre la vie publique plus égalitaire. Ce constat m’a poussé à m’interroger sur les études en termes de jeu. Est-ce que nous retrouvons une volonté d’intégrer une égalité de genre dans les espaces ludiques ?
5. Bruxelles, le genre et le jeu
5.1 Le Maillage jeu
L’espace public est un lieu attrayant pour le jeu des enfants. L’absence d’équipement de jeux dédiés112 ne veut pas forcément dire que l’espace sera moins attractif en termes de jeu. Pourtant le rapport Jeu dans la ville met à disposition une liste d’éléments pour rendre l’espace plus ludique. Les équipements ne sont peut-être pas nécessaires, mais d’après eux il faut tout de même rendre attractif l’espace. Une attractivité qui se matérialise, selon eux, par plusieurs critères tels que, « le relief et la topographie », «la constitution du terrain et du sol », « la localisation et l’accessibilité de la zone », « l’espace disponible pour le jeu », « la valeur naturelle de l’espace ». Dans le maillage jeu par Bruxelles Environnement, il est d’ailleurs question des espaces formels et informels dans leurs grands principes de ce remodelage : « intégrer dans le paysage (notamment dans les espaces verts, sur les places…), des éléments informels qui stimulent le jeu. A l’inverse, intégrer des caractéristiques du paysage (arbre, pente, relief…) dans les zones de jeux formelles »113. Le but étant, de redonner une attractivité aux zones de jeux, tout en prenant compte des caractéristiques de l’un et de l’autre. Il est intéressant de voir qu’il y a une envie d’introduire des « éléments qui stimulent le jeu »114 dans nos espaces publics. Partant de cela, et de cette question d’espace ludique, je me suis questionnée sur leur position en termes de genre ? Est-ce que dans leurs études au sujet du jeu dans la ville, cette conscience d’égalité des genres est prise en compte ?
112 BRUXELLES ENVIRONNEMENT. « Le jeu dans la ville-Pour un maillage jeux à Bruxelles » [En ligne]. Environnement. Brussels, 2015, p 115. [Consulté le 14 décembre 2020]. Disponible sur internet à l’adresse : https://document.environnement.brussels/opac_css/elecfile/BRO_JeuDansVille_FR.pdf
113 BRUXELLES ENVIRONNEMENT. « Le jeu de mailles ». Environnement.brussels », mai 2020. Disponible en ligne : https://environment.brussels/node/1887
114 Ibid
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Le maillage jeu est un plan visant à assurer une répartition juste et équilibrée des aires de jeux dans Bruxelles en tenant compte de leur diversité (taille, zone ‘influence, tranche d’âge, types d’aménagements…). Le but étant de redonner aux enfants « une place privilégiée »115 Cependant la question que je me pose c’est la façon dont ce remaniement des espaces ludiques est appliqué en termes de genre. Allant dans ce sens, le rapport116 propose des lignes de conduite afin d’encadrer ce maillage jeu. C’est alors que quatorze rubriques sont mises à disposition, dont deux d’entre-elles sont interpellant, l’une « Les garçons et le jeu : privilégier le sport » et l’autre « Les filles et le jeu : privilégier les espaces familiaux et conviviaux ».
Non seulement, les propos sont basés/reproduisent des stéréotypes genrés et cloisonnent les genres dans des cases mais les photos qui illustrent les propos posent aussi question. Pour les garçons, nous voyons un espace extérieur, tandis que pour les filles, la photo montre le devant d’une maison. Comme si une jeune fille ne pouvait pas s’éloigner de son domicile et s’aventurer au-delà de la porte familiale.
D’autant plus que la question du sport et des espaces verts a été actualisé récemment dans l’étude de Bruxelles Environnement, « Sport et espaces verts en Région bruxelloise »
117 Elle
115 BRUXELLES ENVIRONNEMENT. « Étude pour un redéploiement des aires ludiques et sportives en région Bruxelles-Capitale » [En ligne]. Environnement.Brussels, mis en ligne en Juillet 2019, [consulté le 14 décembre 2020]. Disponible sur internet à l’adresse : https://environnement.brussels/thematiques/espaces-verts-etbiodiversite/action-dela-region/les-maillages/le-maillage-jeu
116 Ibid
117 BRUXELLES ENVIRONNEMENT. « Sport et espaces verts en Région bruxelloise ». Environnement brussels, juillet 2021. Disponible en ligne : https://environnement.brussels/lenvironnement-etat-des-lieux/endetail/environnement-pour-une-ville-durable/sport-et-espaces-verts
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Fig. 11 : Extrait du rapport Etude pour un redéploiement des aires ludiques et sportives en région de BruxellesCapitale de Bruxelles Environnement.
y dénombre 158 terrains de football et 133 terrains de basket118. Si ces infrastructures n’ont pas officiellement de public/genre dédié, Bruxelles environnement constate que 80% des pratiquants sportifs observés dans les parcs bruxellois sont des hommes119 Plus récemment, dans Jeu dans la ville, publié en 2015, cette conscience de « segmentation de l’espace »120 est soulignée. Leur objectif est donc de privilégier « dès que possible la mixité des publics dans les aires de jeux »121 Cependant, il ne traite pas cette notion de genre dans les espaces de jeux, mais évoque tout de même les groupes de minorités à prendre en compte, c’est-à-dire les jeunes filles et les personnes à mobilité réduite. Bruxelles environnement pointe du doigt leur quasi-absence dans les espaces publics, en expliquant cela par le fait que :
« Ce ne sont pas les parents qui souhaitent se débarrasser des jeunes filles, mais plutôt les garçons de leur âge. Des adultes de passage expliquent qu’en effet, l’usage principal de l’espace ludique est le football quotidien des garçons du quartier. Cette hégémonie révèle une « loi » prévalant pour tous les enfants, au-delà des univers de socialisation spécifiques : partout les filles ont un usage de l’espace plus réduit que les garçons »122
Ceci, reste néanmoins une petite évolution vis-à-vis de l’ancien rapport de 2009, évoqué précédemment, qui était à l’époque très catégorique sur cette question. Ici, la question est certes survolée, mais le rapport déploie une réalité à prendre en compte, et donc une considération sur cette volonté de rendre la ville égalitaire.
Plus récemment, à Bruxelles, l’ASBL Garance a récemment édité un rapport123 sur les femmes aux parcs, dans lequel il est notion du jeu dans l’espace public. A ce propos, elle souligne le fait que « certains jeux sont préférés par les garçons, d’autres par les filles »124 , et préconise donc de proposer un large panel d’activités différentes pour éviter de renforcer ce phénomène des stéréotypes, ainsi que de catégoriser les jeux par genre. Il valorise et met en lumière la nécessité d’intégrer ce concept de genre dans l’aménagement de nos espaces publics : « Au contraire, une perspective de genre dans l'aménagement des plaines de jeux
118 Ibid.
119 BRUXELLES ENVIRONNEMENT. « Sport et espaces verts en Région bruxelloise ». Environnement brussels, juillet 2021. Disponible en ligne : https://environnement.brussels/lenvironnement-etat-des-lieux/endetail/environnement-pour-une-ville-durable/sport-et-espaces-verts
120 BRUXELLES ENVIRONNEMENT. « Sport et espaces verts en Région bruxelloise ». Environnement brussels, juillet 2021, page 94. Disponible en ligne : https://environnement.brussels/lenvironnement-etat-des-lieux/endetail/environnement-pour-une-ville-durable/sport-et-espaces-verts
121 Ibid
122 Ibid
123ASBL GARANCE. « Femmes au parc ! Améliorer l’accés des femmes aux espaces verts ». [En ligne] Garance ASBL, septembre 2017 [consulté le 15 avril 2022]. Disponible sur internet à l’adresse : http://www.garance.be/docs/17FAPRapportfinalRegion.pdf
124 Ibid , page 26.
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encourage les enfants à essayer des activités non-stéréotypées et à renforcer la présence des filles »125
Ce que nous pouvons conclure, c’est que les études sur le maillage jeu, ou sur le jeu en général n’abordent pas cette question de genre chez les enfants, ou alors très peu. Nous savons que ces attitudes et cette spatialisation genrée existent aussi chez les plus petit/es, or, ils ne sont pas encore mis en avant dans cette volonté de réaménagement urbain. Cette analyse justifie alors l’intérêt d’étudier la place des enfants dans les espaces publics avec cette focale sur le genre.
5.2 La notion genre à Bruxelles Pour finir, sur la thématique de genre, en Belgique c’est à la commune qu’il revient de prêter ou non une intention particulière à l’égalité des genres. En soit, comme je l’ai évoqué précédemment, le gender mainstreaming ainsi que la charte européenne, ne sont pas rendu obligatoire. A Bruxelles c’est aux différentes communes de décider ou pas, de renforcer l’égalité des femmes et des hommes. Le degré d’engagement est alors très aléatoire, et varie d’une commune à l’autre. Dans la région de Bruxelles capitale, 11 communes126 ont signé cette charte européenne. Cet engagement les incite à se mobiliser dans cette cause qu’est l’égalité des genres, mais leur apporte également un soutien pratique aux villes et communes dans l’élaboration de leur politique de genre Certaines communes ont mis en en place et ont désigné un mandataire locale chargé de la thématique de l’égalité des chances Elle engage les « ville et les communes à lutter contre le racisme, l’homophobie, l’intolérance à la diversité et le sexisme ».127 Au niveau. Régional, « la Ministre bruxelloise chargée de l’Egalité des chances a mis en place un réseau des 19 échevin.e.s de l’ Egalité afin de stimuler et coordonner des actions intercommunales »128. C’est le service public régional de Bruxelles (SPRB) qui est chargé de faire respecter « cette politique au sein de l’administration et pour l’ensemble du territoire ».129 Ses missions concernent la sensibilisation, d’information et de communication. Le service fournit également un rapport après l’analyse et le suivi de projets externes.
125 Ibid
126 Anderlecht, Berchem Sainte Agathe, Bruxelles, Etterbeek, Evere, Ixelles, Jette, Saint Josse-ten-Noode, Schaerbeek, Woluwe-Saint- Pierre, Woluwe-Saint Lambert.
127 DE VOS Dominique. « Activisme juridique - La Charte européenne pour l’égalité entre les hommes et les femmes au niveau local. A la recherche d’une ville femmes admises ». E-legal ulb, février 2020, volume 3. Disponible en ligne :https://e-legal.ulb.be/volume-n03/hommage-a-eliane-vogel-polsky/axe-3-activisme-juridiquela-charte-europeenne-pour-l-egalite-entre-les-hommes-et-les-femmes-au-niveau-local-a-la-recherche-d-une-villefemmes-admises.
128 Ibid
129 BRUXELLES ENVIRONNEMENT. « Bruxelles a bon genre ! ». Bruxelles environnement, be.brussels, septembre 2014. Disponible en ligne : https://fr.slideshare.net/CWEHF/bruxelles-a-bon-genre-legendermainstreaming-en-rgion-en-bruxelles-capitale
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Cependant, malgré l’existence de charte au niveau communal, leur politique est encore loin de changer réellement130. Ceci est notamment dû à une division entre les thématiques liées à la personne et celles liées à l’aménagement de l’espace public d’une part, cela rend alors difficile l’articulation entre les deux. D’autre part la position du genre dans les décisions politiques communales est loin d’être efficace à cause d’un manque de formation du personnel. Le plan d’action pour l’Egalité entre les femmes et les hommes131 explique cela par le fait que « depuis la mise en place du plan d’action pour l’Egalité des Femmes et des Hommes (2014-2018), aucun agent des services de l’urbanisme n’avait pu se former à l’intégration d’une analyse de genre dans les projets d’aménagements de l’espace public »132 .
Ce n’est que très récemment, en 2020, que ce types de formations se mettent progressivement en place au sein des administrations, et qui permettent de les sensibiliser à l’« intégration de la thématique du genre dans l’aménagement des espaces de loisirs extérieurs destinés aux jeunes et aux enfants »133 Les formations sont également proposées par des associations chargées de la sensibilisation telle que L’ASBL Garance, mais cette fois-ci plus centré sur l’aménagement des espaces publics. En effet, elle est à l’initiative des marches exploratoires à travers Bruxelles dans le but de rassembler un groupe de femmes ayant pour objectif de décrire l’espace public selon leur ressenti, ou leur vécu. C’est un moyen de rassembler un tas d’idées pour changer la perception de l’espace public par les femmes, et des solutions pour rendre plus égalitaires ces espaces. Ces résultats et ces opinions sont alors publiés sous forme de brochure et délivrés aux décisionnaires pour les sensibiliser à cette cause. L’objectif étant de donner une place non-contournable au genre dans la conception des espaces. Malgré cette actualité brulante, cette prise de conscience peine à se développer.
130 Selon Laura Chaumont (Communication personnelle, 16 juin 2022)
131 BXL FEMINIST. « Plan d’action pour l’Egalité entre les femmes et les hommes ». Bruxelles, La ville de Stad, 2020. Disponible en ligne : https://www.bruxelles.be/sites/default/files/bxl/Plan_daction_egalite_des_femmes_et_des_hommes_20202022.pdf
132 Ibid , page 105.
133 Ibid
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6. Conclusion
La question de l’égalité de genre implique un bon nombre de sujets sociétaux. Le choix de ce mémoire s’est dirigé vers celui de nos espaces urbains. Les recherches scientifiques ont permis de dépeindre une réalité, et de découvrir un panel d’inégalité entre les hommes et les femmes. Véritablement, les femmes s’imposent très souvent des barrières dans leur manière d’utiliser l’espace, et en ont eu pour habitude dès la cour de récréation où les lois de l’espace de jeu sont très strictes. C’est alors que je me suis intéressée à ce comportement de la cour de récré en me demandant si celui-ci était transposé dans nos espaces publics par les enfants. En me renseignant sur les études de la ville, j’ai appris que les enfants étaient souvent une minorité oubliée dans la conception urbaine, cloisonné dans des espaces de jeux dédiés. Tout comme les femmes, leur place au sein de la ville est difficile à assurer, mais aussi restreinte dû à une image fragile et vulnérable que la société véhicule à leur sujet
C’est pourquoi les enfants sont rarement libres dans leur mouvement et donc dans leur jeu car souvent contrôlés par les parents qui voient la ville comme dangereuse.
Pour rendre la ville inclusive et égalitaire des moyens et des outils sont mis en place, telle que le gender mainstreaming, qui recherche à assurer une prise en compte des inégalités de genre dans les prises de décisions politiques et urbaines. Par ailleurs, des études existent, ainsi que des guides dans le but de donner une démarche à suivre dans la conception des espaces. Pour autant, avec mes recherches, j’ai pu constater que la place des enfants et du jeu y sont peu développés. Il y a donc un vrai intérêt à étudier les deux de façon concomitante dans le contexte bruxellois.
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Deuxième Partie
Cas d’étude : La question du genre dans les espaces publics à Bruxelles.
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Ce mémoire s’appuie principalement sur un travail d’observations des espaces publics bruxellois, sur lequel se concentre cette partie. Après y avoir abordé les aspects méthodologiques liés à l’observation du genre dans l’espace public, je présenterai les différents cas d’études choisis pour ce mémoire Les observations se feront à travers différentes thématiques d’analyse qui ont été déterminées au préalable. Ces thématiques identifient des éléments à prendre en compte pour une égalité spatiale et genrée du jeu des enfants.
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1/ L’enquête de terrain
1.1 Méthodologie Générale
La partie une m’a permis de cadrer mon sujet de recherche et de montrer la nécessité d’étudier la relation entres les espaces publics et l’inscription du jeu genré des enfants. En effet, le jeu et les enfants sont des notions qui ne sont pas encore totalement intégrées dans cette question de genre à l’échelle de la ville. Cette invisibilisation pose question, et m’amène à vouloir identifier la façon dont ces espaces publics sont investis par des comportements genrés à travers le prisme du jeu des enfants.
Pour ce faire, et pour réussir à comprendre la dynamique de nos espaces, mon travail se base sur une enquête de terrain auprès d’espaces publics Bruxellois, qu’il a fallu déterminer Comme je l’ai évoqué dans l’introduction, la ville de Bruxelles m’était complétement inconnu, et le premier travail fut donc de parcourir une grande partie de la ville, dans le but de découvrir ses espaces publics. Le choix des terrains est donc issu d’une longue période d’observation flottante entre septembre 2021 et février 2022 Je le rappelle, cela consiste à noter tout ce que l’on voit et récolter le plus d’informations possibles concernant les usages de ces espaces publics (organisation de l’espace, trajectoire des usagers, décompte de personnes, utilisation…). En premier lieu, j’ai dû faire un tri des éléments récoltés. Pour ensuite les ranger dans des catégories, faire des liens, et déterminer les événements qui se produisent le plus. Cette récurrence m’a permis de fixer des thématiques, et des points d’intention. Avec ce travail en amont, je suis passée à des observations focalisées de mars à juillet 2022. Ce qui signifie de se rendre sur le terrain avec des éléments que l’on souhaite observer, ou des aprioris, et de se concentrer sur cette thématique. Ces objectifs que je me suis fixés permettent d’alimenter les investigations et d’en tirer des conclusions. Pour cette étape, il a fallu être attentif à plusieurs éléments, à savoir l’heure de la journée afin de varier les moments ; mais aussi la météo qui peut impacter sur l’usage et surtout sur le jeu des enfants. Le but étant d’alterner les périodes d’observations pour recueillir un maximum d’informations variées. Au fil de ces observations et des lectures, plusieurs éléments se sont précisés, que ce soit sur les individus observés, les thématiques d’analyses qui constitueront la suite du mémoire, et bien sûr le choix des terrains.
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A. L’échantillon choisie
La méthodologie m’a permis de prendre position sur plusieurs éléments. La première décision fut dirigée vers l’âge des individus dont ce mémoire en ferait l’analyse. Au départ, l’idée était de se focaliser sur les enfants en bas âge dans les aires de jeux, mais rapidement je me suis rendu compte que la présence des parents induisait fortement le jeu des enfants ainsi que leur comportement dans l’espace. Ce constat rendait difficile l’observation genrée, et par conséquent sur leur utilisation spontanée. De plus, comme il a été évoqué dans l’état de l’art avec les recherches de Zaouche Gaudron et Rouyer134, cette conscience de genre apparaît plus tard dans la vie d’un enfant, soit vers l’âge de 5-7 ans. Pour se saisir de cette question de recherche, il était plus judicieux de sélectionner les enfants dès l’âge de 7 ans (environ), afin d’observer les comportements genrés qui m’intéresse. Le but est aussi de porter un regard sur la place des femmes, en général, dans les espaces publics que j’aurai choisis, afin de comprendre l’espace genré dans sa globalité.
B. Les thématiques d’analyses
Grâce au travail des observations focalisées, j’ai pu déterminer et souligner des thématiques récurrentes dans mes cas d’études. Certaines sont arrivées assez rapidement, tel que les espaces verts, les espaces minéraux, et les terrains de sport, car ce sont des configurations que l’on retrouve principalement dans les espaces publics. D’autres ont été alimenté par les lectures scientifiques, c’est le cas pour les espaces de retrait qui a été nourri par l’étude de l’ASBL Garance, Femmes au parc !135. Par ailleurs des éléments spécifiques à certains terrains, ont été source d’inspiration, et m’ont donné l’envie de les investiguer, cela concerne la topographie et le rapport à l’eau.
Les thématiques que j’ai décidé de développer sont donc les suivantes :
1. Les terrains de sport
2. Les espaces minéraux
3. Les espaces verts
4. La topographie
5. Le rapport à l’eau
6. Les espaces de retrait
134 ZAOUCHE-GAUDRON Chantal et ROUYER Véronique. « L’identité sexuée du jeune enfant : actualisation des modèles théoriques et analyse de la contribution paternelle ». Construction et affirmation de l'identité chez les filles et les garçons, les femmes et les hommes de notre société. Volume 31 (2002), p 523 à 533.
135 ASBL GARANCE. « Femmes au parc ! Améliorer l’accés des femmes aux espaces verts ». [En ligne] Garance ASBL, septembre 2017 [consulté le 15 avril 2022]. Disponible sur internet à l’adresse : http://www.garance.be/docs/17FAPRapportfinalRegion.pdf
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C. Le choix des terrains
Les terrains choisis pour l’observation focalisée sont répartis sur le territoire de trois communes bruxelloises présentant des caractéristiques sociologiques et d’aménagement urbain différentes : Schaerbeek, Saint-Gilles et Jette L’hypothèse qui me pousse à choisir des profils différents est que la diversité des profils me permettra potentiellement (ou pas) de faire apparaître des différences dans l’usage, l’aménagement, et le comportement genré.
Comme le montrent les données issues du monitoring des quartiers136 [Renvoi vers les tableaux 1, 2,3], ces trois communes ont des profils différents en termes de diversité culturelle, de revenus, d’espaces verts et d’âge de la population.
Ainsi, si je me concentre sur les données liées au sujet de recherche telle que la pyramide des âges [tableau 1] ou l’accès aux espaces verts [tableau 3], je constate que Schaerbeek est une commune beaucoup plus jeune que Jette et Saint-Gilles avec une moyenne d’âge de 34 ans contre 37-39 ans pour les deux autres. Sur la cible des 6-11 ans, ils représentent environ 8.5 % de la population de Schaerbeek et Jette alors que pour Saint-Gilles le pourcentage est un peu en dessous de 6.5 %. Au sujet de la diversité, Saint-Gilles et Schaerbeek font partie des communes avec un taux de plus de 2.5 % de leur population étrangère ; alors que Jette se situe entre 1.60 et 1.75 %
Concernant les revenus de la population, Saint-Gilles reste une commune très pauvre par rapport aux deux autres qui sont tous deux dans la même catégorie. Cet élément est un point essentiel, pour comprendre si oui ou non les usages différenciés en fonction du genre apparaissent davantage dans les communes plus pauvres, ou inversement dans les communes plus riches.
Puis je me suis intéressée à l’environnement de ces communes. Ce mémoire se concentre sur les espaces publics, dont certains sont considérés comme des espaces verts137. Je me suis, donc, demandée si l’accès restreint (ou pas) aux espaces verts joue un rôle dans les usages et en particulier les usages genrés des espaces publics. C’est alors que les données à ce sujet [tableau 2] montrent que Saint-Gilles est la commune où il y a le plus d’espaces verts mis à disposition de la population, suivi de Schaerbeek puis Jette. Dans une autre carte de 2012, le taux de la population à proximité d’un espace vert, est élevé pour les trois, soit 70-80 % pour Jette et Schaerbeek, et plus de 80% pour Saint-Gilles
136 IBSA.brussels. « Monitoring des quartiers » [En ligne]. Bruxelles, mis en ligne en 2005, [consulté le 25 juillet 2022]. Disponible sur internet : http://monitoringdesquartiers.brussels/a-propos/
137 Tel que le parc de la Jeunesse et le parc roi Baudoin à Jette.
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REVENU IMPOSABLE MOYEN PAR HABITANT EN € (2015)
SURFACE IMPERMÉABLE (2006) POPULATION À PROXIMITÉS DES ESPACES VERTS (2019)
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Tableau 1 : Histogramme groupé reprenant les différents pourcentages sur l’âge de la population, et sur la nationalité dans les communes.
Tableau 2 : Histogramme groupé reprenant les différents pourcentages sur le revenu imposable moyen par habitant dans les différentes communes.
8,63 7 3,34 6,23 7 2,55 8,44 5,19 2,46 PART
POPULATION
DE
POPULATION PART DE LA POPULATION APPARTENANT À UNE AUTRE NATIONALITÉ
Tableau 3 : Histogramme groupé reprenant les pourcentages des espaces verts dans les différentes communes.
DES 6/11 ANS DANS LA
PART DES 12/17 ANS
LA
69,89 77,41 83,98 85,55 46,02 77,34
Scharbeek St Gilles Jette
11542 12439 14650
Scharbeek St Gilles Jette
Scharbeek St Gilles Jette
L’étude Maillage Vert138 propose des chiffres concernant les espaces verts et les espaces récréatifs accessibles par habitant. Jette est à 2.9 m²/hab, Schaerbeek à 4.7 m²/hab, et en dernière position Saint-Gilles à 1.4 m²/hab. En comparant avec les données du monitoring, je comprends que les surfaces verdurisées ne sont pas nécessairement ouvertes aux publics, l’offre en espace vert public est donc assez limitée dans les communes choisies, et plus spécialement pour Saint-Gilles qui se retrouve en dernière position parmi toutes les communes de Bruxelles. Avec le graphique [tableau 3], je remarque une inégalité forte et un déséquilibre important entre les communes en termes de distribution spatiale concernant la disponibilité en espace vert et espaces récréatifs accessibles au public.
Source : BRAT 2009
138 BRUXELLES ENVIRONNEMENT. « Le maillage vert ». Bruxelles environnement, javier 2017. Disponible en ligne :https://document.environnement.brussels/opac_css/elecfile/Sol%206?_ga=2.262701132.1361891149.1656 332367-2145503670.1656332367
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Tableau 4 : Disponibilité en espaces verts et espaces récréatifs accessibles au public par commune (y compris squares et places majoritairement minéralisés, cimetières et friches)
1.3 Fiches identitaire
Afin d’introduire nos cas d’études, je propose un encart sous forme de livret en présentant pour chacun l’historique, le contexte, les plans, et la configuration de l’espace.
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FICHE IDENTITAIRES DES DIFFERENTS CAS D’ETUDE
68 | Page LIVRET
– Saint-Gilles – Schaerbeek – Jette -
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Fig. 12 : Situation des différentes études de cas à l’échelle de Bruxelles.
Source image : Pinterest
01. Situation
À l’échelle de la commune de Saint-Gilles, la place Morichar se situe presqu’au centre de celle-ci, dans le quartier Louise. Saint-Gilles qui est l’une des communes les plus pauvres de Bruxelles en raison des faibles revenus des habitants (cf. monitoring des quartiers), et plus spécialement au Nord, dans la partie près de la gare. La place Morichar, est placée entre ces deux situations économiques et sociales différentes, et créées une sorte de jonction, un point de rencontre à cet endroit-là.
02. Historique
La place Louis Morichar est une place connue et réputée dans la commune de Saint-Gilles. Dessinée dès l’année 1862 par l’urbaniste Victor Besme139, elle est aménagée seulement en 1898 après l’accord de la commune d’y construire un square public. Autrefois appelée « Place de Parme »140, la place Morichar est un vaste espace de forme rectangulaire (près de 7 000 m²) sur un terrain en dénivelé. Elle est bordée de maisons bruxelloises de styles éclectiques et d’art nouveau, pensé par les architectes et décorateurs du moment tels que Georges Delcoigne, Ernest Blerot, etc… Ce patrimoine architectural a souvent fait l’objet de plusieurs remaniement urbanistique au fil du temps et changé à travers le remaniement urbanistique de la place. En effet, au début de sa création, la place était aménagée de manière très simple, en pente continue avec des arbres plantés en périphéries de l’espace central, et était utilisée pour les manœuvres de la garde civique.
Un premier réaménagement de la place en 1958 a consisté à l’aménager en 3 plateaux de sortes à respecter la déclivité du site. Le plateau le plus haut étant utilisé par un terrain de pelote sur lequel se jouait le championnat de Belgique jusqu’en 2003. A l’époque un volume pour les vestiaires construit
139 Architecte et urbaniste belge du 19ème siècle, et qui réalisa une grande partie des plans d’aménagements de Bruxelles.
REFLEX CITY. « Place Louis Morichar ». Disponible sur internet : http://www.reflexcity.net/bruxelles/communes/saint-gilles/place-louis-morichar
140Place Louis Morichar. (2020, 10 septembre).Dans Wikipédia :https://fr.wikipedia.org/wiki/Place_Louis_Morichar
72 | Page PLACE MORICHAR_______________ ___________________________Saint-Gilles
Source : Bruciel
en 1957, séparait le haut de la place des deux autres niveaux. En 2004141, l’espace a presque 50 ans et les aménagements se dégradent, les pièces d’eau ont disparu depuis longtemps et certains arbres ont dû être abattus à la suite de multiples maladies. Les terrains de sport ne sont plus entretenus, et les vestiaires sont fermés aux publics. La même année, un appel à projet est lancé dans le but de réaménager la place Morichar. Ce projet est mené directement par la commune de Saint-Gilles, attentive aux demandes des habitants concernant cet endroit. C’est l’architecte Georges Pirson qui sera l’auteur de ce projet réalisé en 2011. Le projet avait pour objectif d’améliorer l’éclairage, d’agrandir l’espace, de réaménager l’espace central, et d’être attentif à l’aspect sécuritaire de la place. Ces critères de composition ont été établis pour redonner une valeur plus accueillante et plus sécurisante à la place Morichar. Ceux-ci sont alors appliqués sur la place, tout en gardant la même dynamique de spatialisation de l’année 1958. On garde ce patrimoine urbain, avec la logique des trois plateaux qui se succèdent, mais cette fois-ci avec des fonctionnalités distinctes pour chacun, c’est-àdire aux sports, aux jeux, et à la détente.
141 Le Code. « Saint Gilles : La place Morichar en travaux pendant 99 jours ». 16 avril 2010. Disponible sur internet : http://comitedefensesaintgilles.blogspot.com/2010/04/saint-gilles-place-morichar.html
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Fig. 13 : Photo aérienne de la place Morichar en 1953.
Fig. 14 : Photo aérienne de la place Morichar en 1961 (qui restera inchangé jusqu’en 2004)
Fig. 15 : Photographie des anciens vestiaires.
Pour l’intérêt du mémoire, je travaille sur l’analyse de la place Morichar telle que nous la voyons aujourd’hui. Je vais donc développer sa morphologie, ses accès, et ses équipements pour comprendre l’intégrité du site. La place Morichar est nichée au centre d’un îlot entouré de bâtis (en gris sur l’axonométrie) créant ainsi une confrontation entre le vide et le plein. La voirie, en blanc sur l’axonométrie forme une ceinture autour de la place Morichar, et constitue par la même occasion sa morphologie.
Lors de l’intervention de Georges Pirson, l’intention était de souligner le tracé existant de la place, et de mettre en relation les espaces les uns par rapport aux autres, tout en instaurant un caractère de jardin en maximisant les surfaces engazonnées. Lorsque je me suis rendue sur place, j’ai ressenti ces différents espaces, et cette succession de place qui amènent une diversité d’utilisation. Cette place est intéressante à étudier, grâce à cette diversité, mais aussi, avec ses différentes typologies d’espaces qui amènent potentiellement une spontanéité d’utilisation, sans en être induit par un équipement déterminé.
En effet, la configuration du premier plateau se rapporte à celle d’une place, bordée par des escaliers qui constituent une sorte de gradins face à cet espace, ce dernier est vaste et propose une dizaine de bancs sur les abords. Un espace de transition est situé juste après, avec un alignement de bancs et de transats sur toute la longueur. Cette zone, située en contrebas du premier plateau, surplombe le deuxième tout en étant caché par de la végétation basse. Le deuxième plateau, qui, à l’inverse du premier, est complétement végétalisé, avec une grande plaine gazonnée. Cet endroit est divisé en deux, avec d’un côté l’herbe et de l’autre une partie avec du gravier et deux tables de ping-pong. Le mobilier urbain à cet endroit est plus rare, les bancs se situant sur les deux extrémités Le troisième et dernier plateau, est un plateau dédié au sport, avec la présence d’un terrain de football, et de basketball ainsi que d’un espace gazonné sur l’extrémité.
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03. Configuration de la place Morichar
Fig. 16 : Axonométrie de la place Morichar à Saint-Gilles (illustration personnelle)
Fig 17 : Place Morichar : schémas explicatifs
Respect de la morphologie
Lien entres les espaces
Division en trois plateaux
75 | Page 1er plateau 2em plateau 3em plateau
Fig. 18 : Plan de la place Morichar
• Terrain de sport 3èm plateau
• Espace vert 2èm plateau
• Zone de transition
• Place minéral 1er plateau
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Fig. 19 : Zoom sur les différentes zones de la place
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PLACE BETHLEEM_______________ ___________________________Saint-Gilles
01. Situation
La Place Bethleem est une place triangulaire située au croisement de la rue Théodore Verhaegen et de la chaussée de Forest. A quelques minutes de la gare du midi, cette place accueille une série d’équipement autour d’elle, notamment des restaurants et des commerces. Elle constitue une articulation entres les habitations autour, et devient un point de rendez-vous multiculturel.
02. Historique
Anciennement, au milieu du XVIe siècle, se dressait à la place Bethleem le château ferme de Bethléem. Le château, et son domaine, complétement démembré en 1827, seront mis en vente. C’est alors qu’une des granges sera réhabilitée en cabaret dénommé “A Bethléem”. Au milieu du XIXe siècle, le château-ferme est appelé “Enclos Bethléem et sera utilisé comme logements. A la fin du XIXe siècle, le château est détruit pour laisser place à la construction d’une école au style éclectique, bâtie selon les plans de l’architecte Edmond Quétin142 La place va connaître de nombreux changements urbanistiques. D’une simple place en 1953, on lui accordera une attention particulière et plus minutieuse dans les années 50 afin de la revaloriser.
142 ST GILLES BRUSSELS. « La place de Bethleem ». Syndicat d’initiative de Saint-Gilles. Disponible à l’adresse : https://stgilles.brussels/wp-content/uploads/2019/10/Totem-Betheem_v7bis.pdf
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Source : Bruciel
En effet, grâce à l’outils BruCiel, j’ai pu avoir accès aux vues aériennes de la place Bethléem depuis 1944, ce qui m’a donné une indication sur son évolution. En 1953, la place s’accorde une position de distribution en accentuant la forme du rond qui s’apparente à celui du rond-point. On ressent visuellement que cette place était utilisée à titre de passage et non pour de détentes. En 1971, le cercle central devient plein, et rend impossible cette notion de traverser. En 1996, on voit enfin se dessiner une place, et non plus un endroit à utilisation momentanée L'estrade épouse cette forme arrondie, et donne accès à une place généreuse. Au centre de cette dernière, on y aperçoit le tracé d’un terrain de foot143, qui sera effacé dans les années 2000. Cette typologie vient épouser son contexte, et non s’en éloigné, ce qui donne une certaine harmonie à l’ensemble.
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143 Pas d’explication supplémentaire sur sa disparition, on peut supposer un événement éphémère.
1971
Fig. 20 : Evolution de la place Bethleem, dans l’ordre 1944- 1953- 1971-1996.
Source : Bruciel
Fig. 21 : Place Bethléem, carte postale datant de 1948.
Source Image : https://stgilles.brussels
03. Configuration de la place Bethléem
Au cœur d’un îlot commercial, la place Bethléem est réputée pour être un endroit plein de vie à SaintGilles. Les voiries qui encerclent la place, viennent la former spatialement tout en gardant un rôle mineur dans la dynamique de ce lieu. Certaines routes sont condamnées pour accueillir les terrasses des restaurants qui viennent, alors s’étendre jusqu’à la place centrale et véhicule une sensation d’unité. La place est d’une certaine manière encadrée par plusieurs moyens, notamment avec le mobilier urbain très présent sur celle-ci. Il joue un rôle majeur en termes de spatialisation, puisqu’il donne un rythme à suivre et un périmètre à la place. Par soucis de sécurité, les bancs sont placés entre l’espace central, et la voirie.
Du point de vue de sa morphologie, la place Bethléem respecte le terrain légèrement en dénivelé, en proposant une estrade en demi-cercle. Cette estrade vient rompre l’espace en deux zones distinctes : la partie haute et la partie basse. La partie haute comprend plusieurs bancs protégés par une végétation plus dense, en surplombant le deuxième espace de la place. Ce dernier, en contrebas de l’estrade, propose un espace spacieux pour une appropriation de l’espace libre.
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Fig. 22 : Croquis à la main de la place Bethleem
Centralité
Placement
Fig. 23 : Croquis à la main du mobilier urbain présent sur la place Bethleem.
Voirie autour de la place
de la place
du mobilier autour de cette centralité
Fig. 24 : Axonométrie de la place Bethleem
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Espace supérieur
Espace inférieur
Fig. 25 : Implantation de la place Bethleem
Le parc Gaucheret prend place dans la commune de Schaerbeek. Proche de la gare du Nord, il se situe au cœur du quartier des affaires. Il est au cœur du projet par Bruxelles Environnement, qui vise à redynamiser le quartier nord. Il a été construit à partir des années 2000 sur une zone longtemps laissée en friche.
01. Situation 02. Historique
Pour écrire cette partie et la suivante, je me suis inspirée de la fiche-info144 déjà réalisée sur le parc Gaucheret par Bruxelles Environnement. Je vais donc expliquer brièvement la partie historique.
Non loin du canal, la zone de ce quartier était autrefois très exploitée industriellement. Néanmoins avec l’installation portuaire au Nord, l’activité se doit de se déplacer, laissant derrière lui un quartier à l’abandon. Pour remédier à cela, les pouvoirs publics veulent rénover et réorganiser le quartier, et présenteront le plan Manhattan. Soit, « un projet mégalomane inspiré du modèle américain prévoyant la construction d’une soixantaine de tours sur une vaste dalle artificielle sous laquelle s’organiseront toutes les circulations automobiles »145. Ce projet, jugé trop cher, sera laissé en suspens pendant 20 ans, et la zone étudiée sera donc non investie pendant ce laps de temps. Dans les années 1990, la situation économique étant favorable, le plan voit enfin le jour. C’est alors que la commune de Schaerbeek et la région bruxelloise porte une attention particulière à l’espace du parc Gaucheret, qui est classé comme « zone d’intérêt régional ». De leur point de vue : « L’objectif, sur les quelques 7 hectares du site, est d’en faire une zone tampon permettant d’articuler dans un contexte de cohésion territoriale et sociale, deux quartiers très différents : celui des affaires implantées autour de la gare du
144 BRUXELLES ENVIRONNEMENT. « L’espace Gaucheret ». Bruxelles Environnement, Janvier 2011, page 2 Disponible sur internet :
https://document.environnement.brussels/opac_css/elecfile/IF%20EV%20ESPACE%20GAUCHERET%20FR
145 Ibid., page1.
82 | Page PARC GAUCHERET______________________________ ____________Schaerbeek
Source : Bruciel
1987
Nord avec ses tours et son apport journalier de travailleurs et le quartier populaire et résidentiel Masui avec son habitat traditionnel et sa population multiculturelle. Sont ainsi prévus des logements moyens, des commerces, des équipements d’intérêt collectif (crèche, maison des citoyens), un parc et le réaménagement des voiries et de la place Gaucheret146»
03. Configuration du parc Gaucheret
Je reprécise que les propos repris dans cette partie s’inspirent également de la fiche espace vert réalisé par Bruxelles Environnement. Dans celle-ci, ils décrivent les différentes étapes dans le réaménagement de la place Gaucheret, ainsi que leur priorité dans ce projet. C’est alors que dans un premier temps, la place a été pensé de sorte à expulser le camion, qui était trop présent à cet endroit-là. En termes de morphologie, Bruxelles Environnement explique que : « Implanté là où autrefois s’érigeait un îlot résidentiel, l’espace Gaucheret hérite de sa forme étroite et allongée. Dans pareille configuration, il est important d’agrandir l’espace, de l’étirer au maximum jusqu’aux façades des fronts bâtis qui l’environnent et d’éliminer tout ce qui pourrait l’enfermer dans ses propres dimensions147 ». Ils ont fait de la forme de l’espace leur force, faisant en sorte que l’espace recouvre un maximum de surface au sol. Le parc Gaucheret s’accorde avec son contexte, tout en proposant une diversité d’espaces tous reliés par un réseau de chemins. Ce qu’il explique également, c’est de cette volonté de rendre les usages et les espaces progressifs. C’est la raison pour laquelle, à travers le plan, il y a des sections, des dilatations et des compressions à certains endroits. « Cet aménagement par phases successives présente l’avantage indéniable de pouvoir tester les installations en fonction de l’usage que les
146 BRUXELLES ENVIRONNEMENT. « L’espace Gaucheret ». Bruxelles Environnement, Janvier 2011, page 2. Disponible sur internet : https://document.environnement.brussels/opac_css/elecfile/IF%20EV%20ESPACE%20GAUCHERET%20FR
147 Ibid.
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Fig. 27 : Croquis représentant l’espace Gaucheret avec les espaces de dilatations et de compressions.
Fig. 26 : Evolution du parc Gaucheret, dans l’ordre 1930-1977-1987
Source : Bruciel
habitants en font pour ensuite, éventuellement, rectifier le tir148». Ils prennent en compte et analyse l’utilisation de leur espace, pour l’améliorer par la suite. Dans le cadre de mes observations, j’ai décidé de nommer les parties du parc en fonction de leur spécificité, afin de faciliter le travail de description. Cela commence par la zone du parc, avec tous les espaces verts composé de manière linéaire, avec un côté marqué par une topographie appuyée. Au centre du parc, une place est créée, et semble être le noyau distributeur de l’espace. Il donne accès, à l’aire de jeux des plus de six ans, aux terrains de sport, aux espaces verts, et aux espaces minéraux.
148 BRUXELLES ENVIRONNEMENT. « L’espace Gaucheret ». Bruxelles Environnement, Janvier 2011, page 2. Disponible sur internet : https://document.environnement.brussels/opac_css/elecfile/IF%20EV%20ESPACE%20GAUCHERET%20FR
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Fig. 28 : Axonométrie du parc Gaucheret
Place minérale n°1
Place minérale n°2
Aires de jeux + 6 ans
Terrains de sport
Topographie
Aires de jeux – 6 ans
Espace transitoire
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Fig. 29 : Plan du parc Gaucheret
01. Situation
Le parc de la Senne est situé en plein cœur du quartier Masui à Schaerbeek. Il porte ce nom, car il prend place sur un ancien lit de bras de la Senne. Il part du parc Gaucheret et se termine trois îlots plus loin, à la rue des Palais. Le parc se compose en trois sections avec des ambiances différentes.
02. Historique
Le parc de la Senne se situe à l’endroit, où autrefois le fleuve de la Senne passait. Le voutement de la Senne a été un gros changement dans la morphologie de la capitale. La création des boulevards, et la contamination du fleuve ont été les deux raisons qui ont amené à ce que la Senne soit comblée149
Pour le parc de la Senne, grâce à l’outils Bruciel, le fleuve était encore à l’air libre dans les années 1960. Une dizaine d’années plus tard, la situation est tout autre, et l’eau est complétement recouverte d’une voirie. En 1987, une volonté d’aménager l’espace, et des prémices de parcs sont visibles. Néanmoins, visuellement, cela s’apparente plus à des espaces laissés en friche qu’à un parc entretenu. C’est seulement en 2015, qu’un projet est lancé pour revaloriser le parc. Il contribue à renforcer la trame végétale dans la capitale et s’inscrit dans le maillage vert régional de BruxellesCapitale.
149 A.B. « La vallée de la Senne ». Dans mes malles… Disponible sur internet : http://chemin.eklablog.net/2-lavallee-de-la-senne-a117739916.
86 | Page PARC DE LA SENNE _____Schaerbeek
Source : Bruciel
03. Configuration du parc de la Senne
Comme nous l’avons évoqué, le parc de la Senne se sectionne en trois parties. Nous allons, dans ce mémoire, nous saisir d’une partie de la deuxième et de la troisième. Cela comprend, le parc de Reine, et l’espace avec les équipements sportifs. Le premier, est le reflet d’un dilatement dans un des îlots. Il accueille un espace minéral, type place, bordé par de la végétation. Il s’inscrit tout en longueur, et est interrompu par la rue de l’Eclusier Cogge, en lui donnant un accès. Cette place (numéro 1 sur le croquis), rejoint alors l’avenue de la reine et notre espace continu en face de celle-ci. De l’autre côté, des infrastructures sportives (numéro 2 sur le croquis), ont été placées, ainsi que deux demi-terrains de basket. Le mobilier est fortement présent dans ce parc, puisqu’il est parsemé de part et d’autre du sentier.
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Fig. 30 : Schéma à la main du parc de la Senne.
Fig. 31 : Ambiance de la section 2, place de la Reine.
Source Image : compagniedupaysage.com
Fig. 32 : Axono du parc de la Senne
1 2
Fig. 33 : Croquis parc de la senne. Place de la Reine, avec au centre des fontaines.
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Terrains de sport
Avenue
de la reine Espace des fontaines
Place de la reine
Fig. 34 : Plan du parc de la Senne
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01. Situation
Le parc de la Jeunesse se situe dans la commune de Jette, dans le nord de Bruxelles. Juste à côté de la gare de Jette, le parc se déploie longitudinalement, et crée une continuité paysagère avec le parc roi Baudoin. Mais aussi avec le bois de Dieleghem, plus vers le nord, qui constitue le poumon vert de la commune.
02. Historique
D’un point de vue historique, il était difficile de trouver des informations sur le parc de la Jeunesse. Pour en comprendre son évolution à travers le temps, j’ai utilisé l’outils Bruciel. Le parc a commencé à être aménagé dans les années 50. Autrefois des champs agricoles, le parc prend forme avec des terrains de tennis, et des aires de jeux pour enfants. Par la suite, des terrains de sport viennent compléter le complexe de tennis. En effet dans les années 60, six terrains sont ajoutés. Aujourd’hui, il y a toujours le club de tennis, ainsi que des terrains dédiés aux sports autour d’une grande plaine verte.
90 | Page PARC DE LA JEUNESSE ________________________________ ___________Jette
Fig. 35: Photographies aériennes – 1953 à gauche et 1961 à droite.
Source image : Bruciel
Source : Bruciel
03. Configuration du parc de la Jeunesse
Le parc de la Jeunesse se constitue de plusieurs pôles d’activités autour d’un grand espace central. Ces activités sont tous étroitement liés aux sports, tels qu’une rampe de skate, un terrain de basket, des équipements sportifs, qui sont tous sont ouverts et gratuits aux publics. Deux aires de jeux, pour les plus et les moins de 6 ans, viennent refermer le cercle autour de la plaine verte. Cette dernière est l’élément majeur, qui lie tous ces éléments. Un espace, où deux buts de football prennent place, sans pour autant retrouver un terrain marqué au sol. Le parc est entouré d’une végétation dense, tandis que le centre de celui-ci est complétement aéré. Une couronne d’arbres délimite le parc, et permet de créer deux ambiances.
Voiries encadrent le parc Continuité paysagère Plusieurs pôles d’activités Centralité distributive
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Fig. 37 : Croquis sur la morphologie du parc de la Jeunesse
Fig. 36: Photographie du parc de la Jeunesse dans les années 70. Source : Bruciel
Terrain de basket
Espace vert
Terrain de tennis
Aires de jeux -6
Rampe de Skate
Equipements
Sportifs
Aires de jeux 6
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Fig. 38 : Plan du parc de la Jeunesse
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01. Situation
Le parc roi Baudoin se situe dans la commune de Jette, au nord de Bruxelles. Il s’étire d’ouest en est dans la vallée de Molenbeek, constituant une barrière végétale dans le paysage. Cette étendue est constituée d’une végétation abondante et diverse. Entre bois, étangs et plaines, le parc roi Baudoin s’inscrit dans les parcs les plus emblématiques de Bruxelles.
02. Historique
Une fois de plus, Bruxelles Environnement, a établi une fiche150 de cet espace public. Je m’en suis donc saisie pour récolter les informations essentielles.
En 1977, la commune de Jette se mobilise pour préserver ce qui considérait comme une des « dernières enclaves du paysage brabançon naturel dans l’agglomération bruxelloise »151. La décision est alors portée sur la possibilité d’y créer un parc. Cette idée voulant aller jusqu’à reprendre les codes des plus grands parcs de la capitale, tels que le bois de la Cambre, ou encore le parc de Woluwe. Ce projet de réaménagement s’est déroulé en trois phases, sur trois parties différentes du parc. Notre cas d’étude se porte sur la première, réalisé en 1981. Avant le renouvellement de cette zone, elle était investie par un îlot de maisons, ainsi que des potagers. Entre 1977, et 1987, l’îlot est détruit, et un parc se dessine. Ce dernier était aménagé de sorte à créer un lien avec la rue Eugène Toussaint. L’aménagement de l’époque amène un réseau de sentiers, ainsi qu’un espace dédié pour un terrain de football et une place minéralisée.
150 BRUXELLES ENVIRONNEMENT. « Parc Roi Baudoin ». Environnement brussels. Disponible sur internet : https://document.environnement.brussels/opac_css/elecfile/IF_EV_Parcs_Parc_Roi_Baudouin_FR.PDF?langtype =2060
151 Ibid., page 1.
94 | Page PHASE 1 DU PARC ROI BAUDOIN________________ _____________________Jette
Source : Bruciel
Dans les années 2010, le parc attire l’attention, et l’Institut Bruxellois pour la Gestion de l’Environnement désigne le bureau BUUR pour réaménager cette partie du parc.152 Dans un article du journal DHnet, la ministre en charge de l’Environnement, Céline Fremault, déclare que « L’objectif était d’améliorer l’accessibilité du site pour les cyclistes les piétons et les PMR, d’offrir une plus grande diversité d’espaces de jeux et d’améliorer de manière générale la qualité paysagère153 ».
03. Configuration de la phase 1 du parc roi Baudoin
La partie qui m’intéresse dans cette phase du projet, est la partie la plus à l’ouest, entre la voirie et la zone boisée. La charge du projet a été confiée au bureau d’urbanistes BUUR qui s’est associé avec le bureau Dees & Lepage. Leur volonté est alors d’« harmoniser les différents espaces de façon à créer un parc vivant où la nature aura une place prépondérante154» Pour ce faire, ils vont intégrer l’îlot existant dans la continuité du parc, et ainsi supprimer une voirie. La voiture est mise de côté en devenant mineure dans l’espace.
La place de la mobilité douce, est désormais mise à l’honneur. Chacune ayant leur propre accès, en blanc pour le vélo sur le plan (cf. Fig 40), et le reste pour les piétons. L’eau est également une notion importante dans l’aménagement du parc. Le sentier suit le ruisseau, et redonne une visibilité au Molenbeek. Autour de celui-ci des gradins intégrés dans le sol donne la possibilité aux utilisateurs de s’y attarder. Près de cela, un pôle sportif est aménagé avec un city-stade, et un demi-terrain de basket. Des balançoires et des structures de jeux viennent alimenter l’espace, avec des espaces verts à proximité. Pour finir, près de la route une place se dessine avec en son centre un jeu de fontaine
152 CG. CONCEPT. « Jette / Parc Roi Baudoin ». Septembre 2015. Disponible sur internet : https://cgconcept.fr/jette-parc-roi-baudoin/
153 GONZE Nathan. « Le parc Roi Baudouin plus beau que jamais ». DH Sports, septembre 2015. Disponible sur internet : https://www.dhnet.be/regions/bruxelles/2015/09/21/le-parc-roi-baudouin-plus-beau-que-jamaisXZZESU2CEVH75HRR3CNIORTHLM/
154 CG. CONCEPT. « Jette / Parc Roi Baudoin ». Septembre 2015. Disponible sur internet : https://cgconcept.fr/jette-parc-roi-baudoin/
1983 1983
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Fig. 39 : Evolution du parc roi Baudoin de la phase 1, dans l’ordre 1953-1971-1987
Source : Bruciel
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Fig. 40 : Plan d’implantation du parc roi Baudoin phase 1 Source image : https://cgconcept.fr/jette-parc-roi-baudoin/
Fig. 41 : Croquis à la main de la place au parc roi Baudoin, avec les fontaines à eaux
97 | Page Terrains de sport Fontaines Topographie Place minéralisée Infrastructures de jeux
Fig. 42 : Plans du parc roi Baudoin
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2. Des thématiques genrées
Fig. 43 : Illustration personnelle : « où se trouve le genre féminin dans les espaces publics ? ».
Le terrain de sport
« Terrain, intérieur ou extérieur, aménagé en vue de la pratique des sports d'équipe. »155 155
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« Terrains de sport », 2014, Office québécois de la langue française, Québec.
Comme l’a montré Edith Maruéjouls156 à propos des cours de récréation, le terrain de football, principalement masculin, prend souvent 80% de l’espace central. Cette position exclut les autres élèves, bien souvent des filles, reléguées aux espaces périphériques Ce mémoire a débuté en se demandant si ce comportement genré était également visible dans d’autres espaces ludiques, et particulièrement dans nos espaces publics. Partant de l’étude de la cour de récréation157, c’est tout naturellement, que j’ai voulu m’intéresser à la dynamique des terrains de sport dans les espaces urbains. Cependant, cette comparaison est à nuancer avec l’étude d’Edith Maruéjouls. La cour de récréation est un espace consacré aux enfants, tandis que les espaces publics sont accessibles à tous, que ce soient les adultes, les personnes âgées, les adolescent/es, et les enfants. Il faudra donc composer avec cette mixité et cette cohabitation, en comprenant comment les enfants s’imposent, ou non dans ces espaces. De plus, la cour de récréation reste un vaste espace, généralement sans infrastructure sportif physique. Dans nos cas d’étude, cela sera plus varié, avec parfois la présence de city-stade, ou de zones dédiées à la pratique d’un sport
Pour finir, mes observations s’adaptent aussi aux terrains choisis, c’est pourquoi le foot ne sera pas le seul sport sur lequel je porterai de l’attention. Il y aura également le basket, le skate et la pratique sportive dans les aménagements urbains à cet effet.
Sur les sept lieux observés, six proposent un espace dédié à une pratique sportive. Le tableau, ci-dessous, reprend toutes les infrastructures liées au sport dans les espaces publics choisis :
Espaces Publics Terrain de football Terrain de basket Aménagement sportif urbain Skate parc
Parc Gaucheret
Parc de la Senne
Place Morichar
Place Bethleem
Parc roi Baudoin
Parc de la Jeunesse
156 MARUEJOULS Edith. (2014) « Mixité, égalité et genre dans les espaces du loisir des jeunes : pertinence d’un paradigme féministe ». [Thèse de doctorat en géographie]. Université Bordeaux Montaigne.
157 Ibid.
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Le travail pour cette thématique se divise en deux temps. Le premier étant dédié à la typologie des terrains qui semble déterminé leur appropriation genrée. Le second portera sur les usager/ères présent/es qui laissent entrevoir la possibilité ou non de participer ou de s’approprier le terrain.
a. Les différentes typologies
Tout comme je l’ai évoqué, la typologie des terrains de sport varie en fonction des espaces publics. Au cours des observations, j’ai pu déterminer des différences de comportement relative à la configuration, selon s’il est tracé au sol, fermé, ouvert, ou suggéré.
La configuration de la place Morichar divise l’espace en trois plateaux distincts (cf. Livret page 76). L’un d’eux est entièrement dédié au sport, avec un terrain de football et de basket. Deux terrains distincts, simplement tracés au sol, recouvrant la quasi-entièreté de la surface et séparé par une zone d’herbe.
Extrait de carnet de terrain, 16 juin 2022 à 15h50, place Morichar :
« L’ensemble des usagers et des usagères semblent se contenter du 1er et du 2em plateau. Le 3em, celui destiné au sport, est évité, ou contourné. Seuls, des adolescents l’investissent pour jouer au football et au basket. Deux filles regardent le groupe de garçons jouant au basket, du haut des escaliers, sans pour autant se rapprocher. »
Extrait de carnet de terrain, 16 juin 2022 à 16h, place Morichar :
« Une jeune fille traverse la place Morichar. Elle arrive du 1er plateau, descends sur le deuxième et ne continue pas. Au lieu de passer par le troisième, elle préfère directement récupérer la rue, pour longer l’espace sportif. »
Au fil des mois, je constate, un comportement d’évitement vis-à-vis de cet espace. Les autres utilisateur/trices ne passent pas par ce plateau pour aller d’un point A à un point B, et s’avère être infranchissable. Au cours des cinq mois d’enquête, j’ai constaté une sorte de barrière mentale chez les autres utilisateur/trices qui ne se légitiment pas dans l’espace s’ils n’y vont pas pour pratiquer du sport. Cette barrière mentale est parfois accompagnée d’une barrière physique. Le city-stade du roi Baudoin, est une structure entièrement fermée, et tout comme la place Morichar, il est utilisé uniquement par des hommes et des adolescents. Audelà d’un espace ouvert, l’espace fermé ajoute une frontière à dépasser pour la gent féminine. Une spatialisation limitée alors dans les deux cas qui dissuadent les jeunes filles d’investir et d’exploiter ces espaces.
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Fig. 45 : Photographie du terrain de sport au parc Gaucheret.
Fig. 44 : Photographie des terrains de sport du parc de la Senne.
Fig. 46 : Photographie du plateau sportif (le troisième) à la place Morichar.
Ces deux barrières que j’évoque, je les retrouve aussi sur les terrains de sport tracés au sol tel que le parc Gaucheret (Cf. Fig. 45) et le parc de la Senne (Cf. Fig. 44) Toutefois, le premier est tracé au sol surélevé d’une dalle en béton, tandis que le second est tracé, mais dans la continuité du sol. Extrait de carnet de terrain, 30 avril 2022 à 13h20, parc Gaucheret :
« Ce jour-là, trois garçons sont sur le terrain de foot en train de jouer, accompagnés de deux filles en rollers sur le terrain de basket. Je relève le passage de ceux qui traversent le terrain ou pas :
Traverse
Un jeune garçon avec un ballon
Ne traverse pas
Deux hommes
Une femme avec poussette
Une femme
Une adolescente
Un homme
Une femme et ses deux enfants
Cet extrait de terrain illustre bien que même en ayant la possibilité, les personnes ne franchissent pas les terrains de sport. Quand bien même si celui-ci est dans le passage et donc accessible par tous (à contrario de la place Morichar et du city-stade du roi Baudoin), cet endroit reste privilégié.
Pour Edith Maruéjouls, cela s’explique de la façon suivante : « Quand le terrain est dessiné au sol, c’est radical : légitimement, c’est là où l’on fait du foot. A partir du moment où vous légitimez une pratique, vous allez prescrire un usage et vous allez proscrire tous les autres»158 . Cette affirmation semble bien s’appliquer aux cas du parc Gaucheret et de la place Morichar, mais reste plus nuancer pour le parc de la Senne.
Extrait de carnet de terrain, 15 avril 2022 à 14h30, parc de la Senne : « Deux jeunes filles jouent au basket sur le terrain de basket du parc de la Senne. A côté d’elles, deux autres filles jouent au football, avec l’une qui défend le but matérialisé par le mur et l’autre qui tire. »
158 BROUZE Emilie. « Comprendre les inégalités dans la cour d’école par Edith Maruéjouls ». Genre et ville, février 2017. Disponible en ligne : http://www.genre-et-ville.org/comprendre-les-inegalites-dans-la-cour-decolepar-edith-maruejouls/
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Fig. 47 : Photographie les deux terrains de basket du parc de la Senne.
Plus précisément, dans le parc de la Senne, les équipements sportifs et le terrain de basket sont dans la continuité de la balade. La configuration tout en longueur de ce parc en intra-îlot conduit à avoir des espaces étriqués. Les bâtiments autour et la végétation abondante font que l’ambiance du parc se fait plus intimiste. En effet, ce sont les seuls terrains où j’y ai vu plus de filles que de garçons pendant la période d’observation. Par conséquent, cette mise à distance, incite les jeunes filles à plus se l’approprier (Cf. Fig 47).
Jusqu’à présent, j’ai évoqué les terrains de sport visibles, c’est-à-dire soit tracés au sol, soit encadré d’une structure. La configuration y est toute autre au parc de la Jeunesse, où le terrain de foot n’est pas marqué au sol, mais suggéré avec deux buts au centre d’une étendue verte.
Extrait de carnet de terrain, 9 juillet 2022 à 17h15, Parc la Jeunesse :
« La plaine verte investie par deux buts (en noir sur le schéma), est fortement occupée aujourd’hui. En violet pour les garçons, et en orange pour les filles, le schéma illustre l’utilisation mixte de l’espace. Le cercle vert représente l’endroit où le ballon y est présent. Ce jour-là, le ratio filles/garçons est presque égalitaire. Aux alentours les gens se réunissent en petit groupe, en famille, pour jouer au molkky159 (cercle bleu sur le schéma) et jouir du grand espace végétal. »
Le terrain peu défini du parc de la Jeunesse n’entraîne pas de forme de contournement ou d’exclusion comme il a pu être évoqué avec les cas d’études précédents. Au contraire, il est ouvert à tous et à d’autres usages moins genrés
Ainsi, le fait que le terrain de sport soit clairement délimité ou non dans l'espace, soit par un marquage au sol, soit par des barrières, semble avoir une importance dans les formes d'appropriation ou non La conclusion que j’émets, grâce au travail d’observation est que le terrain qu’il soit ouvert ou fermé sera exclusivement masculin. Là, où la tendance change, c’est lors du tracé au sol, sans tracé l’espace est plus mixte, avec des jeunes filles qui s’intègrent beaucoup plus facilement. Les limites physiques semblent, donc, réfuter les filles dans l’appropriation de certains espaces, qui vont les éviter.
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159 Le mollky est un jeu finlandais dont le but est de renverser le plus de quille possible avec un rondin.
b. Les usages
Auparavant, je me suis intéressée à l’aspect matériel des terrains de sport, qui comme on l’a vu détermine une certaine appropriation genrée. Dans cette sous partie, je vais m’intéresser à la pratique même du sport sur le terrain existant.
Extrait de carnet de terrain, 12 avril 2022 à 15h11, place Morichar :
« Ce jour-là, le plateau sportif est occupé par une trentaine de jeunes. Sur le terrain de football, je compte dix garçons qui s’adonnent à la pratique de leur sport. A deux pas de là, le terrain de basket est, lui aussi, occupé par douze garçons. Tout autour, j’aperçois des groupes de deux/trois adolescents qui regardent les matchs se dérouler devant eux. On a l’impression qu’ils attendent leur tour, sans pour autant s’y imposer. Deux d’entre eux, jouent malgré tout au foot, mais à côté du terrain. De la même manière que deux autres garçons se font des passes avec un ballon de basket. Au bout de 15 minutes d’observation, une jeune fille (plus ou moins 8 ans) arrive avec un de ses amis, pour jouer au ballon, mais sur l’espace gazonné. »
Extrait de carnet de terrain, 17 juin 2022 à 16h, parc de la Jeunesse :
« Un groupe de 10 garçons fait un match sur une partie du terrain de basket. Pendant 30 minutes, une jeune fille observe les joueurs, en tentant quelques fois d’intégrer le jeu, mais sans succès. Véritablement, les garçons ignorent sa présence ce qui l’incite à se rasseoir sur le bord. »
Extrait de carnet de terrain, 17 juin 2022 à 15h30, parc roi Baudoin :
« Au sein du city-stade, quatre garçons jouent au foot ensemble. Quinze minutes après mon arrivée, un homme avec deux garçons (environ 9/10 ans) arrivent ballon en main. Les garçons se dirigent vers le terrain et intègrent le jeu. »
Ces observations montrent que, quels que soient les cas d’étude de ce mémoire les individus qui se donnent le droit de se rendre et d’investir les espaces de sports sans barrière mentale et physique, appartiennent au genre masculin. Les filles ont du mal à intégrer le terrain (cf. extrait de terrain du 17 juin au parc de la Jeunesse), et deviennent invisibles dans ce type de lieu. Pourtant, pratiquer du sport est un droit pour tous, tout le monde devrait y avoir le droit sans s’imposer de barrière160
Malgré tout, ces extraits de terrains illustrent que les filles ne sont pas les seules à avoir du mal à s’imposer ou à s’interdire ces espaces. La description des abords dans l’extrait du 12 avril à la place Morichar, démontre qu’ils sont investis aussi par des garçons en attente de jouer. Ainsi, il ne suffit pas d’être un garçon pour avoir officiellement une place sur le terrain. Les garçons sur le terrain dominent l’espace, ils prennent de la place et imposent parfois sans le vouloir, une situation d’écartement des autres.
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160 DI MEO Guy. « Les Murs invisibles ». Armand Collin, mai 2021.
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Fig. 49 : Terrain de basket du parc de la Jeunesse. Sur les abords, certains garçons attendent de jouer, d’autres regardent le match.
Fig. 48 : Photographie du terrain de foot de la place Morichar. En arrière-plan on aperçoit des garçons jouer au foot hors du terrain, pendant que d’autres regardent le match.
Une manière de remédier à l'exclusion des filles des terrains de sport serait alors d'agir activement sur leur présence, d'en favoriser l'accès. A Vienne par exemple des démarches161 ont été conçu pour privatiser des terrains de sports pendant un laps de temps défini pour les femmes et les jeunes filles. C’était le moyen pour elles de pratiquer du sport comme quiconque voudrait en faire, mais aussi de se faire une place dans cet espace privilégié. Au fil du temps, les utilisatrices avaient de moins en moins besoin d’encadrement, et venaient toujours à la même heure pour s’approprier le terrain sans problème. En Belgique, l’ASBL Garance tente de proposer des solutions similaires sous forme des séances de sport, de danse, d’initiation en plein air spécialement pour les femmes et les jeunes filles162 . Les séances de foot rencontrent – du point de vue de l’ASBL - beaucoup de succès : les filles s’autorisaient en effet à intégrer la partie de foot car « si c’est que des filles on peut y aller », elles ont osé jouer car il n’y avait pas de garçon sur le terrain.
Extrait de carnet de terrain, 9 juin 2022 à 17h35, Parc la Jeunesse :
« Deux enfants arrivent dans le parc, un petit garçon et une petite fille avec leur trottinette. Ils se dirigent tout deux vers la rampe de skate. La fille s’adresse alors au garçon : La fille : « On peut aller là-bas ? »
Le garçon : « Oui il y a des enfants ! » »
Cette observation au parc de la Jeunesse fait étroitement écho à l’anecdote énoncé par Laura Chaumont de l’ASBL Garance, avec cette idée d’appartenance à un groupe et plus spécifiquement à un groupe entres des personnes de même sexe. L’absence d’individu sur les terrains de sports incitent les enfants et les jeunes filles à se les approprier. Je l’ai notamment remarqué avec les aménagements sportifs urbains. Dans le cas où ils ne sont pas utilisés par des utilisateur/trices sérieux, les enfants s’autorisent à s’y amuser en grimpant sur les modules.
Ce que je peux émettre comme conclusion pour cette partie, c’est qu’au-delà de la typologie des terrains de sports qui amènent une segmentation spatiale genrée, l’usage qu’en font les gens véhiculent les mêmes conséquences. Les limites que s’imposent les enfants, et particulièrement les jeunes filles, sont induites par un comportement dominant d’un groupe, souvent masculin, sur un espace. Les seuls moments où les filles s’autorisent à investir les lieux, tout comme les enfants en général, c’est quand elles se reconnaissent dans les usager/ères déjà présent/es.
161 KAIL Eva. (Mardi 26 avril 2022) Espaces publics sensibles à la dimension de genre : parcs, terrains de jeux et places [Conférence] Bruxelles, BSI-citydev.brussels.
162 Selon Laura Chaumont (Communication personnelle, 16 juin 2022)
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Fig. 50 : Rampe de skate dans le parc de la Jeunesse, investie par de jeunes enfants.
Les espaces minéraux
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Les espaces minéraux planes ont la capacité, à priori, d’accueillir de multiples usages. Cependant, au fil de mes observations, ceux-ci se trouvent parfois monopolisés par une appropriation dominante Cette thématique portera une attention sur ces espaces que nous nommons communément « place » pour les définir.
Dans son article Emmanuelle Lenel163 , évoque le Plan Canal, soit un plan de restructuration d’un territoire. Dans celui-ci, il est question d’espace public qu’il qualifie de « scénique »164 lorsque :
« Des espaces composés d’une large scène centrale, sans coulisses, entourée de bancs ou d’autres types d’assise (comme des podiums) et d’éléments de décor valorisés dans l’architecture des façades qui l’encadrent ou encore placés sur la scène centrale (comme du mobilier dit ludique) (…) Les espaces publics scéniques se présentent ainsi comme des espaces à saisir pour inventer collectivement les modalités de l’être-ensemble dans la diversité. Le dégagement spatial doit aussi fournir des occasions de rencontre heureuse avec l’étranger, en multipliant les liens faibles et occasionnels autour des appropriations spontanées de l’espace. »165
Cette notion d’espace public scénique correspond expressément au cas d’étude de ce mémoire. Néanmoins, cette comparaison s’arrête à la configuration spatiale de l’espace, qui coïncide avec ce « dégagement spatial » encadré de banc et d’estrade que l’article évoque. En effet, les espaces minéraux libres considérés comme "multifonction" en fait, profitent à certaines catégories d'usagers qui ont la capacité de se l'approprier. Ces usager/ères seront défini/es, par la suite, par le terme de dominant/e
Extrait de carnet de terrain, 16 juillet 2022 à 11h, parc Gaucheret « Deux espaces minéraux existent dans le parc Gaucheret, l’un est au cœur du parc, l’autre à l’extérieur en relation directe avec la voirie qui le contourne (Cf. fig 51). Dans ce dernier, je note un nombre conséquent de passant/es, en voici la liste :
- Trois femmes
- Une femme
- Une femme
- Une femme
- Une femme
- Deux femmes
- Un homme avec un petit garçons
- Une femme avec son bébé en écharpe
- Une femme et un homme
- Deux hommes
- Une femme »
163 LENNEL Emmanuelle. « Une architecture de revitalisation urbaine : production et appropriation des nouveaux espaces publics bruxellois ». L’espace des Sociologues (2018), pages 89 à 112. Disponible en ligne : https://www.cairn.info/l-espace-des-sociologues 9782749258126-page-89.htm
164 Ibid.
165 Ibid
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Fig. 51 : Notion de passage dans le parc Gaucheret sur la deuxième place.
Fig 52 : Notion de passage dans le parc de la Senne sur place de la reine.
Extrait de carnet de terrain, 15 avril 2022 à 15h, parc de la Senne, zone de la place de la reine
« Arrivée sur place, 8 hommes seuls sont chacun assis sur un banc. Ils resteront pendant les 30 minutes de mon observation. Lors de ce délai, je note le passage :
- Une femme
- Une femme avec son chien
- Un homme âgé
- Deux adolescentes
- Un homme
- Trois femmes avec une poussette
- Deux femmes
- Groupe de 3 femmes et deux hommes »
Extrait de carnet de terrain, 30 avril 2022 à 12h, parc Gaucheret, zone intitulée Place n°2 dans le livret page 85
« La fréquentation du lieu est calme aujourd’hui. Une petite fille avec sa trottinette déambule sur la place surveillée par son papa, assis sur l’un des bancs présents. Quelques, minutes plus tard, deux garçons avec leur vélo arrivent. Plus tard, un pré-adolescent avec une trottinette électrique arrive en criant, rigolant tout en essayant de faire des dérapages devant ses copains qui le suivent derrière lui. Les deux petits garçons s’arrêtent pour le regarder. La petite fille retourne auprès de son papa. »
Bien que les espaces publics aient des bienfaits sociaux166 , souvent les utilisateurs/trices ne s’y attardent pas, et passent leur chemin. L’espace n’est plus un espace de loisir, de détente et de rencontre, mais un espace fonctionnel utilisé, en l’occurrence ici, comme des lieux de passage. L’espace public est oublié, invisible aux yeux de certain/es qui le traversent. En fonction, des heures de la journée (sortie d’école, de travail, pause déjeuner…), les lieux de passage peuvent être plus ou moins fréquentés Lorsque c’est le cas, l’espace est moins propice au jeu (réf. Extrait de terrain du 15 avril du parc de la Senne), constat qui sera nuancé par la partie avec le rapport à l’eau. Toutefois, il arrive que l’espace soit investi de manière ludique (réf. Extrait de terrain du 30 avril du parc Gaucheret). La surface lisse et plane permet aux enfants de pouvoir rouler à vélo, à trottinette ou en rollers plus facilement. Les bancs autour de cet espace le délimitent, et permettent aux parents de s’asseoir entre la place et la voirie. Une manière de contrôler facilement le jeu de l’enfant à distance. Par ailleurs, ces activités sportives, pratiquées par les enfants, comme le vélo, ou la trottinette, sont souvent l’usage ludique principal de ces places minérales qui facilitent la déambulation avec ces véhicules
166 RIVIERE Clément. « Les enfants, révélateurs de nos rapports aux espaces publics » [En ligne]. 2012. Revue métropolitiques, mis en ligne le 18 juin 2012 [consulté le 10 janvier 2021]. Disponible sur internet à l’adresse : www.metropolitiques.eu
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A la place Bethleem, la place circulaire est abordée d’une estrade en demi-cercle, qui est interrompu par un toboggan (Cf. Fig. 53). La place est délimitée par le mobilier urbain qui l’entoure, et qui permet de la mettre à distance de la voirie. L’espace central est, à contrario du parc Gaucheret et de la Senne, un espace actif dominé par une caractéristique ludique. C’est-à-dire, que pour chaque observation, les enfants étaient les seul/es à investir l’espace
Extrait de carnet de terrain, 12 avril 2022 à 15h41, place Bethleem
« Deux jeunes filles (environ 10 ans) font du roller sur l’espace central. Une petite fille de 6 ans est à vélo accompagnée de sa sœur un peu plus vieille. Une maman joue avec ses deux filles en leur jetant un ballon de foot qu’elles doivent aller récupérer le plus rapidement possible. Pendant ce temps, autour du toboggan, trois jeunes garçons s’amusent avec une jeune fille à glisser ensemble. Sur l’estrade, les parents (plus de mamans que de papas) attendent et regardent leurs enfants jouer. »
Extrait de carnet de terrain, 24 avril 2022 à 15h31, place Bethleem
« En plein milieu de l’après-midi ce dimanche, la place Bethleem est remplie d’enfants. Six enfants (4 filles et 2 garçons) sont au toboggan. Deux garçons jouent au ballon entre eux. Un groupe de trois filles (environ 9 ans) joue ensemble, deux d’entre elles sont en rollers. Un père et son fils se font des passes avec un ballon. Deux adolescents, font des tirs au but au niveau de l’estrade. »
Malgré une multitude d’usages, chacun/es trouvent leur place. Aucun groupe ne nuit à un autre, et tous cohabitent La place Bethleem amène un jeu varié, et mixte. Des événements qui ne sont pas systématiques à tous mes cas d’études. Pour autant, cette mixité d’usages, je la retrouve partiellement, dans le second espace minéral du parc Gaucheret (Cf. Fig. 54). Elle est néanmoins à nuancer sur la mixité du genre des usager/ères.
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Fig 53 : Espace minérale à la place Bethleem
Fig 54 : Espace minérale du parc Gaucheret.
Extrait de carnet de terrain,11 avril, 13h30, parc Gaucheret :
« Une mère et son fils arrivent pour jouer au badminton. A côté d’eux, un garçon joue au football tandis que deux filles assisent sur le banc discutant. Les filles vont inclure le jeu une fois que les garçons leur proposent de faire le jeu de 1,2,3 soleils »
Ce que je constate, c’est que les jeunes filles investissent l’espace une fois que le jeu du ballon est écarté, et qu’une autre activité est proposée. Par manque d’intérêt certainement pour le sport, les filles préfèrent jouer à autre chose, ou de discuter entres elles. Cet extrait montre également que l’espace minéral est capable d’apporter d’autres possibilités de jeu et d’appropriation. Elle n’est pas figée sur un usage comme les terrains de sport, et permettent de varier le jeu en le rendant plus égalitaire.
Extrait de carnet de terrain, 12 avril 2022 à 14H26, place Morichar
« La place minérale (cf. Fig. 55), est une fois de plus investie par le skateboard. Cinq adolescents, et une adolescente roulent sur l’espace sans se soucier réellement des autres. Une petite fille en roller, un petit garçon à trottinette et un autre à vélo, tentent de se faire une place. Un père avec une poussette fait le tour de l’espace minéral sans s’y hasarder. Il finit par le traverser pour y retrouver sa fille en roller au centre de la place. Il lui conseille de faire attention, pour finalement la restreindre à une zone proche de lui. »
Ce qui est habituel, pour la place Morichar, c’est la présence du skate sur la place minérale. Pour toute observation réalisée à cet endroit, l’espace est à chaque fois dominé par ce sport. D’autant plus, que cette domination est constamment représentée par le genre masculin.
C’est alors que la cohabitation avec d’autres usages devient difficile. Les skateur/euses non aguerri/es parfois, se jettent sur l’espace et essayent de réaliser des figures. Si ces dernières ne fonctionnent pas, le risque de chute est élevé et la planche propulsée quelques mètres plus loin. Non seulement, l’appropriation couvre la totalité de la surface, mais elle est aussi instable et imprévisible. Ce constat amène l’hypothèse sur la raison pour laquelle les individu/es ne traversent pas l’espace, sûrement par peur de se faire heurter. Le jeu des enfants en est alors impacté d’une certaine façon. L’extrait du 12 avril à la place Morichar dépeint un contrôle et une peur des parents face à leurs enfants qui jouent dans cet espace, si bien qu’ils préfèrent quelquefois les rappeler ou les suivre. L’appropriation est moins spontanée, à cause de cette occupation dominante qui entraîne un contrôle parental sur le jeu de l’enfant plus conséquent.
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Fig 55 : Plusieurs appropriations sur la place minérale à la place Morichar.
Extrait de carnet de terrain, 12 juillet 2022 à 18h, place Morichar
« Ce jour-là je compte une dizaine de skateurs sur la place. Avec eux, deux petits garçons à trottinette, ainsi qu’une fille avec un garçon chacun sur leur vélo. Deux jeunes filles arrivent sur l’espace munies de leur roller, et s’installent sur les marches pour se préparer. Une fois prêtes, elles regardent l’espace et hésitent à se lancer. C’est qu’au bout de 5/10 minutes, qu’elles prennent finalement la décision de se lever. Non loin de là, deux jeunes garçons de 11/12 ans arrivent sur l’espace avec un ballon. Ils se mettent immédiatement à jouer dans une petite zone, pour finalement prendre de plus en plus de place. Tandis que les skateurs s’adaptent à eux et se restreignent à une partie réduite de l’espace »
Extrait de carnet de terrain, 12 mai 2022 à 14h30, Place
Morichar :
« Un groupe de 16 enfants, encadrés par un professeur d’école, est venu sur la place Morichar pour y faire du vélo. Ils recouvrent alors l’entièreté de l’espace. Le skate perd de plus en plus son espace, malgré quelques skateurs encore sur le terrain. Au bout de 10 minutes, le skate n’avait plus sa place. Un garçon arrive pour rejoindre ses amis, déjà sur place. En voyant tous les vélos, il s’écrie : « Hey quoi, c’est pris par les vélos aujourd’hui ?? » »
Bien que le skate soit continuellement l’usage dominant, celui-ci peut s’adapter ou s’effacer face à d’autres utilisations L’extrait du 12 mai de la place Morichar démontre que la seule façon de casser un groupe dominant et de le remplacer par un autre. Je peux alors faire le lien avec l’interview de Laura Chaumont qui travaille à l’ASBL Garance, qui a déclaré pendant celle-ci que « la non-mixité c’est le seul moyen d’arriver à l’égalité, sans la nonmixité on n’y arrivera pas »167. Selon elle, il faut être catégorique, et dédié une zone de l’espace public pour une activité réservée aux filles. Or dans ce cas-là, l’espace n’est jamais réellement rendue mixte. Certes le travail est long et rigoureux, mais n’existe-t-il pas d’autres manière plus nuancée ?
Dans ce travail d’analyse certains espaces minéraux, notamment celui de la place Morichar, ne sont pas tout public, ni multifonction, ni égalitaire en termes de genre. Cependant, cette conclusion ne s’applique pas pour tous, car d’autres sont plus diversifié en termes d’usages et d’usager/ères. La place Bethleem est un bon exemple pour illustrer la possibilité d’un espace minéral mixte, et égalitaire dans l’intégration des enfants dans l’espace. Le jeu prend place et forme dans un espace minérale sécuritaire, sans groupe dominant pour évincer cela.
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167 Selon Laura Chaumont (Communication personnelle, 16 juin 2022).
Fig.56 : Evolution des appropriations. En orange la prise au sol du skate. En violet, le foot. En rouge le trajet des filles en rollers.
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Les espaces verts
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La définition d’« espace vert » est assez vaste. Elle se réfère, comme le définit la Cellule Paysage et Nature du Service Public de Wallonie (SPW), à :
« Un espace vert public est un espace non construit à dominante végétale pouvant inclure un ou plusieurs points d’eau, accessible et ouvert à tous, situé sur le domaine public. Cet espace ne doit pas faire l’objet d’appropriation par un groupe social et doit s’adapter à la diversité des usages que l’on peut en faire (loisir, récréatif, détente, pédagogie, espace structurant, cadre de vie, etc.). »168
Les espaces verts urbains sont souvent envisagés comme des lieux calmes, opposés au bruit de la ville, favorisant la relaxation et la détente169. Ainsi Long et Tonini identifient que les citadin/es utilisent souvent ces espaces pour fuir, se cacher ou oublier la ville.170 Dans le cadre de mes observations, il a été intéressant de se pencher sur ces espaces et comprendre leur utilisation ainsi que leur fonctionnement. Dans ce mémoire, j’utilise cette notion d’espaces vert pour qualifier les grandes étendues vertes des parcs observés, c’est-à-dire les pelouses En effet, quatre des cas d’études disposent d’un espace gazonné : le parc Gaucheret, la place Morichar, le parc de le Jeunesse et le parc roi Baudoin.
168 CAP RURALITE. « Espaces verts et verdunisation des espaces ». Wallonie. [Consulté le 3 août 2022]. Disponible sur internet : http://www.capru.be/espaces-verts-et-verdurisation-des-espaces
169 LONG Nathalie et TONINI Brice. « Les espaces verts urbains : étude exploratoire des pratiques et du ressenti des usagers ». Natures et Métropoles, n°2, volume 12, (2012).
170 Annexe n°4.
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Fig 57 : Vue aérienne du parc Gaucheret avec encerclé en rouge la zone d’étude pour cette thématique. Source Image : Google Earth.
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Fig 58 : Vue aérienne, dans l’ordre, de la place Morichar, du parc roi Baudoin, et du parc de la Jeunesse avec encerclé en rouge la zone d’étude pour cette thématique. Source Image : Google Earth.
Extrait de carnet de terrain, 16 juin 2022 à 16h46, place Morichar :
« L’espace vert est investi par un bon nombre d’usager/ères. Le beau temps incite les gens à se poser. Aujourd’hui ; deux jeunes hommes font une partie de molkky, près d’eux deux amies partagent une bière. Une femme seule est allongée par terre et écoute de la musique. Peu de temps après une famille s’installe pour pique-niquer. »
Extrait de carnet de terrain, 9 juillet 2022 à 17h25, parc de la Jeunesse :
« Journée de canicule. Dans le parc de la Jeunesse, un couple joue au mollky, tandis qu’un autre est posé à l’ombre sur des chaises de camping. Deux hommes bronzent en plein soleil eu centre de l’espace vert. Non loin d’eux, une femme fait de même avec un livre en main. »
Extrait de carnet de terrain, 24 avril 2022 à 15h58, parc Gaucheret :
« Deux familles se sont rejointes pour pique-niquer ensemble, dans les espaces ombragés de l’espace vert. En plein soleil, deux hommes discutent assis sur l’herbe. Une femme arrive sur le parc Gaucheret et s’installe directement au pied d’un arbre, elle semble faire une pause dans sa balade. »
D’une manière générale, cette diversité d’occupation chez les adultes était souvent observable pour les espaces verts de la place Morichar, du parc Gaucheret et du parc de la Jeunesse. Pour les enfants, cette diversité était plus compliquée à observer. La première partie de ce mémoire a fait l’état des bienfaits des espaces aux formes organiques pour les enfants, en leur suscitant une liberté de jeu171. Qu’en est-il réellement des cas d’étude choisis ?
Extrait de carnet de terrain, 30 avril 2022 à 12h15, parc Gaucheret : « Dans l’espace vert du parc Gaucheret, deux structures/sculptures (Cf. Fig. : 60) sont positionnées l’une en face de l’autre. Une fille et un garçon jouent à grimper dessus. Derrière eux, deux garçons jouent au foot. »
Extrait de carnet de terrain, 1er juin 2022 à 18h30, place Morichar : « Un petit garçon à vélo circule autour de la plaine verte sur la partie minérale. D’autres enfants, deux garçons et trois filles s’amusent à escalader les grandes pierres qui sont sur place. (Cf. Fig. 61). Pendant ce temps, un garçon avec un ballon regarde le terrain de foot en contrebas, il semble attendre son tour. »
171 BRUXELLES ENVIRONNEMENT. « Le jeu dans la ville-Pour un maillage jeux à Bruxelles » [En ligne]. Environnement. Brussels, 2015, p 115. [Consulté le 14 décembre 2020]. Disponible sur internet à l’adresse : https://document.environnement.brussels/opac_css/elecfile/BRO_JeuDansVille_FR.pdf
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Fig. 59 : Photographie du parc de la Jeunesse, couple qui joue au mollky.
Fig. 61 : Photographie des pierres sur l’espace vert de la place Morichar
Fig. 60 : Photographie du parc Gaucheret, avec les deux enfants jouant sur les structures.
Les enfants s’approprient l’espace à leur manière tout en découvrant ce que celui-ci leur propose. Notamment ici, des structures sur lesquelles ils peuvent grimper et jouer. Toutefois, les enfants ne s’y attardent généralement pas longtemps, car rappelés par les parents accompagnant/es qui poursuivent leur chemin Les espaces verts ne semblent pas avoir d’intérêt pour les parents, qui préfèrent aller à l’aire de jeux. Le jeu de l’enfant est donc dirigé et encadré par l’autorité parentale qui décide où et quand celui-ci se fera. Ce non-intérêt peut s’expliquer par la présence de la voirie accolé à l’espace, mais aussi par la facilité de l’encadrement dans les aires de jeux.
Extrait de carnet de terrain, 9 juillet 2022 à 17h10, parc de la Jeunesse :
« Deux mamans arrivent sur l’espace, avec trois enfants, deux garçons et une fille (respectivement 5-8-10 ans environ). Une fois installés, les enfants s’éloignent en courant, et jouent à ce que je crois comprendre être le jeu du loup172, au bout de quelques minutes, une des mamans leur crie : « Hey, revenez là !! ». Les enfants rebroussent chemin et jouent plus proche des mamans. »
à l’extrait de terrain du 9 juillet du parc de la Jeunesse Les points orange représentent les mamans, les croix les enfants. Retour des enfants vers les mamans, du cercle noir au cercle rouge.
Pour autant, lorsque les parents décident quand même de s’installer dans l’espace vert, les enfants sont assignés à une zone de jeu, de laquelle il ne faut pas s’éloigner. Ce comportement peut s’expliquer par l’étendue du parc de la Jeunesse qui dissuade les parents de laisser autonomes leurs enfants (Cf. Extrait de terrain du 9 juillet au parc de la Jeunesse) Dans le sens contraire, l’espace vert de la place Morichar rend les parents plus souples avec les enfants, grâce à sa taille relativement petite qui se rapporte à celle d’un square.
D’une manière contraire, l’espace vert du parc roi Baudoin est plus nuancé. En effet, ce parc est fragmenté en petits espaces, dans lesquels on retrouve des bouts de surface verte
172 Jeu où un enfant est désigné « loup » et doit toucher un des autres joueurs pour lui transmettre le rôle du loup.
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Fig. 62 : Schéma correspondant
disperser, parfois avec des bosses (Cf. Partie sur la topographie page 130). Néanmoins, cela n’empêche pas les gens de s’y poser entres amis ou seuls. La différence notable avec les trois premiers espaces verts énoncés, c’est que les usages en rapport avec le sport et le loisir, étaient rare à observer. Les espaces étriqués et bossus ne leur permettant pas de jouir d’un espace confortable pour ces accommodations. J’ai donc émis l’hypothèse que la surface de l’espace vert était un élément à prendre en compte dans l’attractivité de celui-ci. Malgré tout, il est à noter, qu’au cours de mes observations dans les espaces verts, en général, j’ai relevé plus d’adulte que d’enfant. En se penchant sur leur aménagement, je constate que, pour le parc Gaucheret, roi Baudoin, et de la Jeunesse, une aire de jeux se situe non loin des plaines vertes. Par conséquent, lorsque le choix entre un espace vert et un espace de jeu dédié est possible, les parents vont opter pour le deuxième. Je reviens alors à ce qui a été dit dans le cadre théorique avec cette idée que les enfants sont cloisonné/es dans des aires de jeux, provoquant leur exclusion des espaces publics173
Finalement, les espaces verts planes présentent une diversité d’occupations, moyennant une échelle suffisante. Outre cette multitude d’usages, ces espaces sont surtout accessibles pour tous sans inégalité de genre, à l’inverse des terrains de sport. C’est-à-dire qu’aucune règle n’est fixée et que c’est au bon vouloir des utilisateur/trices. Cependant, cette dynamique ne se retrouve pas auprès de l’utilisation qu’en fait les enfants. Dans la mesure où les parents assignent un périmètre défini aux jeux de l’enfant, lorsque l’espace est trop vaste et sans possibilité d’une large visibilité.
173 PAQUOT T. « La ville récréative : enfants joueurs et écoles buissonnières ». Infolo, 2015 [consulté le 10 janvier 2021]. Disponible sur internet à l’adresse :http://www.barricade.be/publications/analyses-etudes/penserune-ville-enfants-admis-une-proposition-un-espace-urbain-plus
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130 | Page La topographie
A présent, prenons le cas de la topographie présent dans deux des cas d’étude. Cette thématique est ressortie à la suite des observations du parc Gaucheret et du parc roi Baudoin, en raison de son appropriation en jeu par les enfants. Tout d’abord, dans le développement qui va suivre, le terme de topographie renvoie à un relief accidenté du terrain, relatif à des bosses174 soit végétales, soit minérales.
Plus précisément, le parc Gaucheret est conçu avec un relief assumé dans la composition des espaces. Il se manifeste particulièrement au centre du parc, près du terrain de foot (Cf. Fig 63 et Livret page 85). Mes observations se sont donc concentrées sur cet espace. A contrario, le parc roi Baudoin propose deux espaces où les bosses présentes (Cf. Fig 64) sont à une échelle plus petite. En revanche, deux revêtements différents sont à noter dans ce parc, à savoir un en minéral, et l’autre en végétal. Autrement dit, cette différence permettra d’observer s’il y a une distinction notable sur l’appropriation par le jeu.
Zone avec relief végétal
Zone avec relief végétal
Zone avec relief minéral
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Fig. 63 : Axonométrie du parc Gaucheret, avec la situation de la zone étudiée.
Fig. 64 : Axonométrie du parc roi Baudoin, avec la situation de la zone étudiée.
174 Ce sera le terme que j’utiliserai, par la suite, dans mes observations et extrait de terrain.
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Fig. 65 : Schéma en coupe du relief dans le parc Gaucheret.
Fig. 66 : Schéma en coupe du relief dans le parc roi Baudoin.
Extrait de carnet de terrain, 15 mai 2022 à 14h, parc Gaucheret :
« En ce dimanche, le temps est plutôt couvert, mais quelques enfants sont présent/es dans le parc. Deux garçons âgés plus ou moins de 10 ans se bousculent sur la pointe de la bosse. Jusqu’à ce que l’un d’entre eux descende en faisant des roulades. Peu de temps après l’autre le suit. »
Extrait de carnet de terrain, 29 mars 2022 à 17h30, parc Gaucheret :
« Une petite fille (environ 6 ans) tente de monter la bosse. Une fois arrivée en haut, elle regarde sa mère plus loin en levant les bras au ciel, signe de victoire. »
Extrait de carnet de terrain, 2 juillet à 13h, parc roi Baudoin :
« Un père et son fils à trottinette arrivent sur l’espace. Ce dernier se lance sur la place où se situent les bosses minérales. Il s’établit alors un circuit, et fait en boucle le même trajet en s’amusant avec les ondulations. »
Ces trois extraits de terrain démontrent une appropriation par le jeu de ces espaces. Les bosses donnent aux enfants la possibilité de se l’attribuer de la manière qu’ils désirent, mais surtout, en explorant et donnant de la valeur ludique à cette configuration. De sorte que, ces bosses deviennent un espace qui stimule l’imaginaire et le corps des enfants. Comme l’illustre l’extrait de carnet du 15 mai au parc Gaucheret, les enfants sur place, roulent, grimpent, d’autant plus, qu’il y a aussi une idée de dépassement de soi, avec cette volonté d’atteindre le sommet en se challengeant. En conséquence, ces bosses amènent une diversité dans le jeu, ainsi qu’une place à ce dernier dans l’espace public. Par ailleurs, il est à noter qu’à aucun moment, lors de mes observations, des inégalités de genre ont été relevé. L’espace mixte, et égalitaire est partagé par tous les enfants sans qu’il n’y ait de mise à l’écart en fonction du genre.
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Fig. 67 : Photographie des bosses dans le parc Gaucheret.
Au-delà de cette appropriation de l’espace par le jeu, j’ai pu observer un autre phénomène avec cette configuration. Extrait de carnet de terrain, 18 avril 2022 à 14h, parc roi Baudoin : « L’espace ensoleillé accueille aujourd’hui de nombreux groupes d’enfants et d’adolescent/es. L’espace vert en relief n’est pas investi. Peu de temps après mon arrivé, je vois quatre jeunes adolescents arriver dans le parc avec des raquettes et un filet de badminton. Le relief du terrain ne leur permet pas de jouer, et avec la présence de grands arbres aux alentours, ils viennent s’installer sur un bout d’herbe entre la place minérale et la balançoire » (Cf. Fig. 68)
Comme je l’ai énoncé dans la partie des espaces verts, les surfaces planes avec un gazon entretenu amènent une plus grande diversité et facilité d’utilisation. Ces bosses limitent les possibilités d’usages « classiques » liées au sport tel que le football, le badminton (Cf. extrait de terrain du 18 avril du parc roi Baudoin). Il est vrai que pendant mes cinq mois d’observation, aucune appropriation dominante175 n’a pris le dessus à ces endroits. Par conséquent, cela permet de susciter d’autres types d’usages que j’ai énoncé juste avant, et de décaler les usages sportifs sur leur périphérie ou dans les lieux dédiés.
175 Ce terme fait référence au phénomène que j’ai pu apercevoir à la place Morichar, avec la place du skate qui domine l’espace.
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Le rapport à l’eau
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Fig. 68 : Photographie du parc roi Baudoin, avec en arrière-plan le groupe de garçon qui jouent au badminton sur une petite zone d’herbe.
Pendant mes enquêtes de terrain, j’ai compris que certaines configurations des espaces publics peuvent bloquer le jeu des enfants. Des espaces, comme le parc de la Senne ou le parc roi Baudoin sont des lieux de passage (cf. parti sur les espaces minéraux), où l’abondance des gens qui circulent entrave cette appropriation par le jeu. Les enfants, investissent, alors, que très rarement ces zones. Néanmoins, cette situation change, lorsque les fontaines placées à ces endroits, sont activées. L’espace se transforme en terrain de jeu, complétement investi par des enfants.
Extrait de carnet de terrain, 24 juin, 14h, parc de la Senne
« En début d’après-midi, je suis surprise de voir le parc de la Senne investi par le jeu. La place de la reine (cf. Livret page 88) est occupée par 3 filles et 5 garçons qui jouent avec l’eau des fontaines. Ces dernières étant placées au milieu du passage (Cf. Figure 69), les passants, doivent éviter cette zone afin de ne pas se faire arroser ».
Extrait de carnet de terrain, 9 juillet, 16h30, parc roi Baudoin
« L’espace minéralisé (cf. Livret page 97) est en plein soleil ce jour-là. Les enfants sur place sont tenus de rester à l’ombre par leur parent, et les observations sont devenues peu intéressantes. Puis, l’eau s’active, et une petite dizaine d’enfants courent pour aller se mouiller. La place, jusque-là déserte, devient rapidement une zone de jeu. Les parents ne trouvant rien à redire au vu de la chaleur étouffante à cette heure-là.»
Les enfants ne se soucient pas du reste des utilisateur/trices (cf. extrait de terrain du 24 juin), mais s’adonnent à leur amusement Pour le parc de la Senne, les enfants arrivent, à ce moment-là, à occuper une grande partie de l’espace, et à légitimer leur présence. Les gens s’adaptent au jeu de l’enfant, en le contournant pour pouvoir continuer leur chemin (Cf.
Figure 69) D’après les observations, la place minérale du parc roi Baudoin, n’est pas un endroit propice au jeu, qui s’explique par son utilisation de passage. Pour autant, des fontaines sont aussi installées sur la place, et comme pour le parc de la Senne, l’engouement autour de celle-ci souvent par les enfants, entraîne une appropriation ludique du lieu Qu’en est-il lorsque l’eau intervient dans un espace où le jeu est déjà affirmé par les enfants ?
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Fig. 69 : Schéma de la place de la reine au parc de la Senne. Soit en rouge l’emplacement des fontaines, avec les enfants jouant autour symbolisé/es par les croix, puis le trajet en violet des autres usagers/usagères
Fig. 70 : Schéma du parc roi Baudoin représentant l’évolution de l’appropriation de l’espace par le jeu avec et sans les fontaines. En rouge : l’emplacement des fontaines, et les croix pour les enfants.
L’eau intervient aussi dans un autre cas d’étude, c’est celui de la place Bethleem. D’après mes observations précédentes à son sujet, cette place propose deux ambiances sur deux espaces différents. L’un d’entre eux, que je nomme d’espace inférieur (Cf. Livret page 81), est souvent investi par le jeu des enfants. L’engouement de ce dernier prend de l’ampleur lorsque les fontaines sont activées.
Extrait de carnet de terrain, 29 juin, 19h, place Bethleem « Ce soir-là, les fontaines sont activées (Cf. Fig. 71). Une vingtaine d’enfants, d’environ 7/8 ans, s’amusent avec l’eau en s’éclaboussant, et en se mouillant de la tête au pied. Je compte 7 filles et 9 garçons sur l’espace, tous prêt à jouer de bon cœur. Les parents, hommes et femmes, les regardent depuis les bancs placés autour. »
La présence de l’eau dans les espaces publics a donc plusieurs bienfaits. Au niveau de l’appropriation spatiale, les enfants se sentent plus légitimes et s’affirment d’autant plus lorsque des fontaines sont incluses dans l’espace. Dans le rapport Jeu dans la ville176, il soulève également les bienfaits de l’eau dans l’espace public en écrivant : « La présence de l’eau, surtout si elle permet de jouer et d’interagir, est un des éléments les plus attractifs d’un espace public177». De plus, il précommande d’intégrer, systématiquement, l’eau dans les projets urbains, quand celui-ci le permet. Par ailleurs, mes observations me permettent d’affirmer que l’eau amène un jeu sans inégalités de genre. Le jeu est mixte et égal entres les enfants, sans qu’il y ait un genre plus exclu qu’un autre. Il est donc intéressant d’envisager la mise en place de ce type de dispositif dans la conception de nos espaces publics pour le rendre plus inclusif envers les enfants. Cependant, il y a des limites à prendre en compte pour ce critère. C’est son côté aléatoire vis-à-vis de la météo, car si le temps ou la période de l’année ne le permettent pas, les fontaines ne seront pas activées, et donc les enfants seront privés de cet aspect ludique.
176 BRUXELLES ENVIRONNEMENT. « Le jeu dans la ville-Pour un maillage jeux à Bruxelles » [En ligne]. Environnement. Brussels, 2015. [Consulté le 14 décembre 2020]. Disponible sur internet à l’adresse : https://document.environnement.brussels/opac_css/elecfile/BRO_JeuDansVille_FR.pdf
177 Ibid., page 115.
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Fig. 71. : Espace des fontaines de la place Bethleem, extrait de terrain du 29 juin
Fig. 72 : Espace des fontaines de la place Bethleem de jour.
178 ASBL GARANCE. « Femmes au parc ! Améliorer l’accés des femmes aux espaces verts ». [En ligne] Garance ASBL, septembre 2017 [consulté le 15 avril 2022]. Disponible sur internet à l’adresse : http://www.garance.be/docs/17FAPRapportfinalRegion.pdf
142 | Page Les lieux de retrait178
Cette thématique a été découverte dans le rapport Femmes au parc !179 de l’ASBL Garance, qui évoque les études de la ville de Vienne sur l’intégration de genre dans les espaces publics. Le rapport reprend alors le terme de « lieux de retrait » qui correspond aux espaces plus intimistes et reculés de parc dans lesquels les jeunes filles/adolescentes se rassemblent. « Dans des espaces de retrait, elles peuvent rester entre elles pour communiquer et faire communauté, loin de regards désapprobateurs d'adultes ou de provocations de garçons »180. En prenant connaissance de cette notion, je me suis demandée si ce genre d’espace existait dans les cas d’études choisis.
Comme le souligne, l’ASBL Garance, ces espaces de retraits sont spécifiques aux adolescentes. Des adolescentes qui ont souvent été absentes de mes observations. Certains auteurs181 dévoilent que cet absentéisme est issu de la surprotection des parents vis-à-vis de leur fille, en considérant la ville comme trop dangereuse pour elle. Dans certains cas d’étude, notamment au parc roi Baudoin, et à la place Bethleem, à aucun moment, des adolescentes ont investi l’espace. Pour premier, cela peut s’expliquer à la part de la population des 12/17 ans faible (cf. Tableau 1) Au sujet du deuxième, l’espace en hauteur aménagé par du mobilier urbain est souvent investie par des hommes qui ont une vue sur tout l’espace en contrebas. Cette configuration donne l’impression d’une domination sur le reste, et peut rebuter les jeunes filles en pleine puberté.
Au sujet du parc de la Jeunesse, de la place Morichar, du parc de la Senne et du parc Gaucheret les espaces sont plus variés et donnent peut-être la possibilité aux adolescentes d’être davantage présente, de manière dissimulée.
Extrait de carnet de terrain, 13 juillet, 11h15, parc de la Jeunesse
« Non loin de l’espace central, qu’est l’espace vert, deux adolescentes sont installées au pied d’un arbre. Une autre est sur les abords du terrain de basket et attend. Sur un banc proche du chemin principal, deux jeunes filles discutent entres elles. Le reste des adolescentes que je vois, traversent le parc, mais ne s’y arrêtent pas. »
179 ASBL GARANCE. « Femmes au parc ! Améliorer l’accés des femmes aux espaces verts ». [En ligne] Garance ASBL, septembre 2017 [consulté le 15 avril 2022]. Disponible sur internet à l’adresse : http://www.garance.be/docs/17FAPRapportfinalRegion.pdf
180 Ibid., page 29.
181 RIVIERE Clément. « Les enfants, révélateurs de nos rapports aux espaces publics » [En ligne]. 2012. Revue métropolitiques, mis en ligne le 18 juin 2012 [consulté le 10 janvier 2021]. Disponible sur internet à l’adresse : www.metropolitiques.eu
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Extrait de carnet de terrain, 12 juin, 14h, parc de la Senne
« En ce jour assez fréquenté, avec la présence des fontaines, je m’attarde sur les usager/ères présent/es. Un groupe de dix enfants joue surveillés par les parents justes à côté. Sur les bancs, deux adolescents discutent et rigolent. Une famille est posée sur un banc non loin de là. Un groupe de 3 adolescentes passe, mais continue leur chemin. Plus tard, une adolescente cette fois-ci seule traverse aussi le parc ».
Ce qui est commun à ces deux extraits, c’est le passage des adolescentes dans les espaces publics sans pour autant l’investir. Ceci démontre le peu d’intérêts qu’elles accordent à ce qui les entoure. Au parc de la Jeunesse, l’espace vert est quant à lui investi de manière périphérique (Cf. Fig. 73) par les adolescentes. A l’inverse des enfants, elles ne vont pas s’autoriser à se poser au centre du parc, préférant l’utiliser de manière fonctionnelle en le traversant.
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Fig 73 : Utilisation en périphérie par les adolescentes de l’espace vert du parc de la Jeunesse
Sur la place Morichar, il y a un espace qui fait le lien entre la place minérale et l’espace vert, je la nomme dans mon livret : l’espace de transition. Tout en longueur, l’espace est caché par deux talus de végétation, en proposant une variété d’assises avec des transats et des bancs (Cf. Fig 74)
Extrait de carnet de terrain,12 avril, 15h11, Place Morichar : Croquis de l’espace de transition, avec en orange les adolescentes, et en violet les adolescents.
Le comptage genré du 12 avril de la place Morichar fixé sur la zone de transition indique qu’elle est investie principalement par les jeunes adolescents et adolescentes. Et plus particulièrement, ce jour-là, par des adolescentes, qui se rejoignent pour discuter à l’abri des regards. La situation de cette observation, n’est pas systématique, car les adolescents y sont globalement plus présents. Cet espace, se rapprochant le plus à cette notion d’espace de retrait, évoqué au début, se voit investir, occasionnellement, par des jeunes filles qui y trouvent leur place.
Dans le même style que l’espace de transition de la place Morichar, il y a la première place minérale du parc Gaucheret (Cf. Fig. 75). Tout comme la description précédente, cette zone est aménagée d’une série de bancs, positionnés de manière parallèle les uns par rapport aux autres. Séparé du reste du parc par un bâtiment, l’espace est à l’écart avec un aspect intimiste. Il n’était donc pas rare de voir des adolescentes se l’approprier.
La notion d’espace de retrait se retrouve également dans nos espaces publics bruxellois. Néanmoins, à l’inverse de la définition préconisée par le rapport de l’ASBL Garance, ces espaces sont moins cachés dans nos observations. Au vu de tous, ces espaces ne sont pas dissimulés, et peuvent être utilisés par tout le monde. Pour autant, leur placement n’est pas central dans l’espace public et reste à l’écart des autres. Par conséquent, les adolescentes se sentent probablement moins regardées et plus tranquilles. Comme je pouvais m’y attendre, ces zones n’existent pas pour les plus jeunes filles dans l’éventualité où je n’ai pas déterminé d’espace à cet effet. Dans l’état actuel des choses, et grâce aux autres thématiques, je peux affirmer que les jeunes filles investissent encore l’espace public partiellement (étant donné que les terrains de sport sont encore des espaces masculins).
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Fig 74 : Espace de transition de l’espace Morichar.
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Fig 75 : Espace investi par des adolescentes au parc Gaucheret.
Le travail d’observation à Bruxelles et le développement de ces thématiques me permettent d’affirmer plusieurs éléments sur l’usage genré des espaces publics.
Premièrement, l’usage des espaces peut amener une segmentation spatiale genrée. La place du jeu est parfois induite par un groupe dominant présent sur l’espace, c’est alors que les enfants, filles et garçons, ne s’autorisent parfois pas un terrain, car ils ne se reconnaissent pas dans l’usage et dans les usager/ères. Les enfants vont préférer s’approprier des endroits là où d’autres enfants jouent déjà
Pour autant, la configuration, ou la mise en place de certains éléments dans l’espace favorise le jeu des enfants. Je pense alors aux thématiques de l’eau et de la topographie, qui permettent d’apporter à l’espace un aspect ludique à leurs yeux. A contrario des espaces verts qui ne sont pas forcément utilisés par les enfants du fait de leur manque de module ludique, de sécurité, ou parce qu’ils sont placés trop près d’une aire de jeux, qui sera le choix favori des parents.
Pour finir, les observations m’ont permis de déterminer des espaces de retrait parmi les cas d’étude, des espaces intimistes appréciés des adolescentes. Pour autant, elles restent une minorité dans l’espace qu’elles investissent beaucoup moins que les jeunes filles.
148 | Page 3.Conclusion
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Troisième partie
La place des enfants dans les grilles d’analyse, confrontation avec les enquêtes de terrain.
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Cette troisième partie vise à faire le lien entre la partie une et la partie deux. Elle reprend la littérature scientifique et les enquêtes de terrain pour proposer les méthodes liées à l’observation du genre. Et enchaîner sur les thématiques suggérées dans les grilles d’observation. Je pourrais alors confronter ces grilles avec une réalité observée. Le but étant de montrer les failles de ces grilles, mais aussi de visibiliser le fait que les enfants ne soient pas pris en compte dans celles-ci. Le dernier point de cette partie sera la transmission de certains éléments et critères, que j’ai pu analyser lors de ces observations, pour intégrer le jeu des enfants dans les espaces publics.
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1. Analyse des thématiques proposées dans les grilles
Comme il a été dit précédemment certaines grilles n’englobent pas les zones de jeux ni la place des jeunes filles dans les espaces. A présent, grâce au travail d’observation, je vais pouvoir confronter ces grilles aux enquêtes de terrains, afin d’en dénouer leurs faiblesses et leurs forces. Il ne faut pas oublier, que la question de recherche concerne la place des jeunes filles dans les espaces publics, et donc, qu’il faudra adapter les critères des grilles en conséquence. Parmi les thématiques énoncées dans ces grilles, quelles en sont celles qui semblent les plus pertinentes dans le cadre de ce mémoire ? Cette partie aidera, par la suite, à créer une grille d’analyse, propre à notre sujet d’analyse.
Dans le guide de la mairie de Paris182, il est question de la circulation à travers la ville. Comment cette dernière rend l’accessibilité possible pour tous ? Cette rubrique s’intéresse spécialement aux femmes, et à leur façon de déambuler dans la ville et dans l’espace. L’idée de déambulation est également spécifique aux jeunes adolescentes. En effet, leurs habitudes de déplacement différent des adultes. Dans l’article Sexisme(s) urbain(s) : Jeunes filles et adolescentes à l’épreuve de la ville183 il est précisé que « Si les déplacements des adultes sont beaucoup plus contraints par les obligations familiales et les horaires de travail, les déplacements des plus jeunes sont marqués par les rythmes scolaires »184. C’est ce que j’ai pu observer notamment à la place Morichar, située près de plusieurs écoles. Aux heures stratégiques, c’est-à-dire aux heures de pauses ou aux heures de fin de classe, l’espace est rempli d’adolescents, et très rarement d’adolescentes. Yves Raibaud souligne que les jeunes filles disparaissent des espaces publics vers l’âge de 12 ans185. Pourquoi ? Il déclare que la rue devient le « fief des mâles »186, et donc que les filles ne s’autorisent pas à s’y faire une place. Dans nos enquêtes de terrains, il était pertinent de se focaliser sur leur trajectoire, et sur leur temps de pause. Où vont-elles s’installer dans l’espace ? Quels espaces préfèrentelles ne pas investir et pourquoi ?
Au fil des observations, j’ai pris conscience que l’espace que les jeunes filles semblaient le plus éviter était les terrains de sport puisqu’essentiellement investi par des garçons. Dans les cas d’étude, les terrains de sport constituent, très souvent, un noyau dans l’espace public. Celui-ci se compose parfois de plusieurs pôles à caractère sportif, mais se positionne
182 MAIRIE DE PARIS. « Guide référentiel Genre & espace public ». Paris, octobre 2016. Disponible en ligne : https://api-site.paris.fr/images/85756
183 ALLESSANDRIN Arnaud, DAGORN Johanna. 2018. « Sexisme(s) urbain(s) : Jeunes filles et adolescentes à l’épreuve de la ville ». Enfances, Familles, Générations. N°30.
184 Ibid., page 11.
185 RAIBAUD Yves. La ville faite par et pour les hommes France : Belin, 2015.
186 Ibid.
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toujours de manière à être proche les uns des autres. Ces bulles masculines, marquent une rupture avec le droit à la ville187, car les filles ne s’autorisent pas ces endroits.
Dans le guide de la mairie de Paris, cette conscience du terrain de sport est présente. Il soumet alors ces trois questions à se poser :
• « Existe-t-il des espaces accaparés par un seul groupe qui deviennent officieusement interdits aux autres groupes (espaces d’exclusivité) ? »
• « Existe-t-il des mesures pour apporter une plus grande mixité filles/garçons dans les espaces de sports et de loisirs ? »
• « Lorsque l’on met en place une base de sport ou de jeux, veille-t-on à ce que cet espace soit autant attractif pour les filles que pour les garçons ? »
Le terrain de sport est donc un élément central dans cette question de genre. Il pose de nombreuses difficultés, comme on a pu le constater dans nos enquêtes de terrains, et c’est pourquoi il n’est pas à négliger pour la suite du travail.
Dans les questions évoquées précédemment, il y a également cette idée de groupe dominant. Un groupe qui prend place dans un espace, et rejette donc les autres en les dissuadant. C’est ce qui a été évoqué pour le terrain de sport. Toutefois, cette dynamique sociale, impactant l’appropriation urbaine, se retrouve aussi dans d’autres espaces. A la place Bethleem, le plateau supérieur est globalement investi par des hommes, le skate parc du parc de la Jeunesse est, quant à lui, utilisé par des enfants, la place minérale dans le parc Morichar accueille très souvent des skateurs etc… Ces exemples démontrent que cette idée de dominance s’applique sur une série d’espace. Par conséquent, ce phénomène de domination exclut très souvent les groupes de minorités, tels que les enfants, et les jeunes filles. Lors des observations, il a, malgré tout, été intéressant de voir ces groupes dominants perdent du terrain à cause d’autres groupes. Par exemple la fois où un groupe de vélo est venu déloger le skate à la place Morichar Cependant, il ne faut pas nier que cette cohabitation se fait difficilement avec des groupes de filles. Mais alors pour quel motif ?
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187 LEFEBVRE Henry. Le droit à ville. Economica, 2009.
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Fig. 76 : L’invisibilisation des filles dans les espaces publics, et plus particulièrement sur les terrains de sport (Photographie de la place Morichar).
Les filles désertent les espaces publics pour plusieurs raisons. Certaines ont été évoquées dans la partie cadre théorique (Ref.page 42) de ce mémoire. La principale raison est liée à cette idée d’insécurité dans l’espace public. C’est le prochain point sur lequel je vais m’intéresser et sur lequel le guide de la mairie de Paris se préoccupe. Dans la présentation du thème, ils certifient qu’« Il y a pour les femmes une forme « d’interdit social d’être là», un non-droit à la ville. Leur éducation leur fait accepter que leur place ne soit pas à l’extérieur et qu’elles sont en danger dans l’espace public, et plus encore, que les hommes sont un danger ».188 Cette idéologie est donc ancrée dès le plus jeune âge chez les jeunes filles, attisant une crainte de l’extérieur. Les parents jouent donc un rôle important dans cette transmission de stéréotypes genrés et sexistes. Dans Postures et trajectoires urbaines : la place des enfants et adolescents dans la fabrique de la ville189 de Nadja Monnet et Mouloud Boukal mène l’enquête sur la façon dont les enfants et les adolescents investissent la ville. L’article conclut sur une faible présence des jeunes dans les espaces urbains, et surtout pour les adolescentes a qui ont demandes, selon Michel Fize, « de faire un effort soit en les incitant à se faire discrètes soit en bravant leur peur 190» pour s’intégrer dans la vie extérieure. Encore une fois, c’est aux filles de s’adapter et non à la ville ou aux autres utilisateur/trices.
Pour remédier à cette question de sécurité, le guide la mairie de Paris, évoque la notion d’éclairage, de zones d’inquiétudes, et du fait de prendre en compte le « voir et être vu »191 Ce sentiment d’insécurité est très souvent ressenti le soir, soit le moment de la journée où les femmes évitent de se promener dans les espaces publics. Dans le cadre de ce mémoire, cette notion ne sera pas prise en compte. L’étude des enfants à partir de l’âge de 7 ans, ne rend pas pertinente cette thématique. Du fait que, les enfants de cet âge sont à leur maison, et ne sortent pas tard le soir dehors. Cela ne serait pas judicieux d’en apporter un point d’analyse. Néanmoins, cette question de sécurité peut être retranscrite d’une différente manière que j’évoquerai dans la partie suivante.
Toujours dans le guide de Paris, il est question de zone de retrait, des espaces étriqués et cachés dans les espaces publics « pouvant générer un sentiment d’insécurité »192. D’après eux, ce sont des endroits qui sont évités des minorités, considérés comme trop dangereux au vu de sa position. A l’inverse, pour l’ASBL Garance, dans Femmes au parc ! elle évoque
188 MAIRIE DE PARIS. « Guide référentiel Genre & espace public ». Paris, octobre 2016, page 27. Disponible en ligne : https://api-site.paris.fr/images/85756
189 MONNET Nadja, BOULAKA Mouloud. 2019. « Postures et trajectoires urbaines : la place des enfants et adolescents dans la fabrique de la ville ». Explorer la ville. Rapport aux espaces publics des enfants et des adolescents. N°30.
190 Ibid., paragraphe 36.
191 MAIRIE DE PARIS. « Guide référentiel Genre & espace public ». Paris, octobre 2016, page 28. Disponible en ligne : https://api-site.paris.fr/images/85756
192 Ibid., page 16.
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la nécessité d’introduire ce type d’espaces pour les adolescentes qui préfèrent être à l’abri des regards. Alors que les femmes préfèrent, toujours selon l’ASBL Garance, des lieux de séjours exposés, et donc des espaces avec une vue sur l’ensemble. Je peux appuyer leur propos à travers les observations de la place Morichar. Elle propose un espace en longueur, étriqué et caché par la végétation, qui est donc essentiellement utilisé par les adolescentes et adolescents. Toutefois le ratio filles/garçons n’est pas égalitaire, et les garçons restent majoritaire dans cet espace. Il reste, cependant, intéressant de se concentrer sur cette notion d’espaces de retrait, et d’oublier celle d’espace à la vue de tous pour cette question de recherche.
Pour finir, le guide de la mairie de Paris, met un point d’honneur au mobilier urbain. Ils stipulent que leur positionnement dans l’espace peut être source d’inégalités. Effectivement, « Aujourd’hui la majorité des bancs « regarde » la rue. Il faut penser à d’autres orientations des assises puisqu’il s’agit d’établir des zones de convivialité avec le mobilier urbain, de donner envie, de permettre de multiples appropriations »193. Le mobilier n’est généralement pas utilisé par les enfants, qui préfèrent intégrer l’espace public pour jouer. Cette notion concerne, donc, plus les adultes. Pourtant, il est intéressant de s’en soucier. Les enfants vont dans les espaces publics accompagnés de leur parent. Ce dernier investit le mobilier afin de s’y prélasser et de surveiller les enfants. Certaines zones proposant des bancs publics, sont trop excentrées du parc, et donc dans des endroits peu fréquentés. Dans ce cas-là, les bancs seront généralement exploités par les hommes. C’est ce que j’ai constaté au parc Gaucheret (cf. Fig. 78), où la série de bancs sous les arbres sont 100 % masculin. Ce rassemblement de bancs à un endroit précis reste dérangeant et source d’inégalité, car les jeunes filles, les femmes et les enfants vont éviter ces endroits. Alors que pour les bancs proches des aires de jeux, et du grand espace central, l’utilisation se fait plus mixte (cf. Fig. 77)
193 MAIRIE DE PARIS. « Guide référentiel Genre & espace public ». Paris, octobre 2016, page 17. Disponible en ligne : https://api-site.paris.fr/images/85756
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Fig. 77 : Banc de l’aire de jeux au parc Gaucheret investi par des mamans qui surveillent leurs enfants
Fig 78 : Sentier en extérieur du parc Gaucheret avec des bancs sur toute une longueur.
Pour continuer le guide de la mairie de Paris mentionne les parcs et des espaces verts au sein du rapport. La question qu’il préconise de se poser à ce sujet est la suivante : « Les parcs et espaces verts, sont-ils occupés de façon paritaire et pour le même usage ?194 » La question reste vague, qu’est-ce que signifie « le même usage » ? En effet, comme je l’ai constaté lors de mes observations, certains espaces publics, et notamment les espaces verts sont propices à une multitude d’usage propre aux usager/ères. Les usages varient en fonction de la personne, de son âge, de son genre, par exemple un enfant ne va pas se rendre sur un espace vert pour les mêmes raisons qu’un adulte. C’est pourquoi l’intitulé de la question est à prendre avec parcimonie, et en s’adaptant aux utilisateur/trices face à nous.
Pour finir, tout comme l’ASBL Garance195 , une section du guide est réservée sur la participation des habitant/es dans les projets de réaménagement urbain. Ce procédé propose aux habitants des temps de paroles afin qu’ils puissent contribuer et s’impliquer dans le projet. La mairie de Paris souligne néanmoins l’importance que la participation à ces temps de paroles soit égale, qu’il y ait autant de femmes et d’hommes. Il propose et émet l’idée de dédier des séances réservées aux femmes. Tout en reconnaissant les moyens mis en œuvre, le sujet sur la participation, n’évoque pas celle des enfants. D’ailleurs il est même proposé un service de garderie aux parents qui participeraient : « A-t-on organisé des événements dans des horaires et lieux différents pour laisser l’occasion à chacun et chacune d’y participer ? Met-on en place des modalités d’accueil pour la petite enfance ? ». Un aspect et une catégorie de la population qu’il faudrait absolument mettre en avant, dans le but de créer comme la mairie de Paris le souhaite des espaces publics égaux pour tous.
194 MAIRIE DE PARIS. « Guide référentiel Genre & espace public ». Paris, octobre 2016, page 16. Disponible en ligne : https://api-site.paris.fr/images/85756
195 ASBL GARANCE. « Femmes au parc ! Améliorer l’accés des femmes aux espaces verts ». [En ligne] Garance ASBL, septembre 2017 [consulté le 15 avril 2022]. Disponible sur internet à l’adresse : http://www.garance.be/docs/17FAPRapportfinalRegion.pdf
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2. Adaptation des grilles aux jeux des enfants
Après avoir sélectionné les critères les plus pertinents des guides existants, d’en avoir fait leur analyse et d’en prouver leur nécessité, je peux dès à présent faire l’état des éléments à ajouter ou à améliorer pour l’intégration de la place du jeu des enfants, tout en incluant cette notion d’égalité de genre.
Pour cela, nous allons reprendre ce qui a été énoncé dans la partie précédente, tout en apportant nos propres thématiques. Ces dernières ne sont pas des choix au hasard, mais sont le fruit des enquêtes de terrains. En effet, lors de ce processus d’observations, des éléments en sont ressortis, et sont, de mon point de vue, important à prendre en compte pour inclure les enfants dans les espaces publics avec cette notion de genre. Par ailleurs, il sera intéressant de se pencher sur des exemples concrets réalisés dans d’autres villes, dans d’autres pays, pour certaines thématiques ; afin d’illustrer des cas concrets en termes d’application. Ce travail a pour but de valoriser des éléments à prendre en compte dans la conception des espaces publics afin que ce droit à la ville196 s’applique également aux enfants.
Tout d’abord, nous pouvons reprendre la grande thématique du terrain de sport. Cet espace masculin est souligné dans la grille de la mairie de Paris comme j’ai pu le relever dans la partie précédente. Est-il attractif pour les filles et pour les garçons ? De ce que j’ai pu observer, cette notion d’attractivité n’est pas la source du problème. Comme évoqués dans les observations (ref. Partie sur les terrains de sport, page 101), le marquage au sol, le revêtement et l’emplacement sont des éléments à prendre en compte lors de la conception d’un espace sportif. C’est-à-dire que ces différences se font au niveau de l’appropriation de usager/eres. Pour rappel, un terrain qu’il soit ouvert ou fermé sera essentiellement masculin, alors qu’un terrain qui n’est pas tracé au sol sera davantage mixte. Les limites physiques ont leur importance pour cette thématique. Bertrand Masson, lors d’une conférence intitulée L’espace public, vers une égalité de genre197 explique un projet urbain qui au départ concerné quatre city-stades, et qui s’est transformé en piste de roller derby. Le roller derby est un sport qui se pratique en patins à roulettes, ce jeu est une course où un joueur ou une joueuse arrivent à dépasser l’adversaire en un temps imparti198 . Autrement dit, Bertrand Masson a pris connaissance des inégalités de genre dans ces infrastructures sportives, et n’a pas voulu continuer le projet en préférant l’adapter. C’est pourquoi à Rouen, un roller
196 MAIRIE DE PARIS. « Guide référentiel Genre & espace public ». Paris, octobre 2016, page 7. Disponible en ligne : https://api-site.paris.fr/images/85756
197 MAISON DE L’ARCHITECTURE DE NORMANDIE. (4 février 2021). L’espace public, vers une égalité de genre [Conférence]. Viso-conférence disponible en ligne : https://www.youtube .com/watch?v=xE-Bi4-HV1g&t=4788s&ab_channel=Maisondel%27architecturedeNormandie-leForum 198 « Roller Derby ». (2022, 15 juin).Dans Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Roller_derby
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derby a été construit. Il justifie son choix en voulant proposer un espace typiquement féminin. Rapidement, après la réalisation de cet espace, il a pu observer des usages divers, autres que le roller, tel que la danse… Les terrains de foot ou autres sports privilégient un seul usage, à contrario d’un espace comme celui conçu par Bertrand Masson, ou même dans nos cas d’étude avec le parc Gaucheret, permet aux utilisateur/trices de la façon qu’ils/elles souhaitent. C’est alors que d’une manière générale un terrain vaste, qui laisse libre à l’imagination en termes d’utilisation, sans barrière et sans de fonctions premières avec une connotation masculine induite fonctionnera de façon beaucoup plus mixte.
D’autres aspects à l’étape de la conception d’aménagement sont à prendre en compte pour ne pas exclure le jeu des enfants dans l’espace public. Premièrement, je vais évoquer les espaces utilisés comme lieux de passage. Ces espaces franchissables, je les retrouve dans le parc roi Baudoin, le parc Gaucheret, et le parc de la Senne. Ils sont souvent placés de sorte à faire la jonction entres les axes importants de la ville. C’est alors que les gens l’utilisent comme un raccourci et finissent par le traverser. Ce phénomène engendre une perte d’espace du point de vue du jeu, car le passage fréquent dissuade souvent les parents de s’y installer avec leurs enfants. Il serait alors intéressant de faire attention à ce type de configuration, limiter ces espaces pour ne pas avoir de surface perdue inutilisé par les usager/ères et surtout les enfants. Néanmoins, cette situation de passage, peut être contournées lorsque des fontaines sont placées à cet endroit. Prenons l’exemple du parc de la Senne, qui illustre parfaitement le changement d’un espace fonctionnel à un espace ludique. Principalement utilisé pour une balade en intra-îlots, le parc de la Senne se transforme en terrain de jeu lorsque les fontaines sont activées. L’espace public change de fonction, et devient attractif aux yeux des enfants qui légitiment leur place. Les passant/es doivent alors contourner ce nouvel événement pour poursuivre leur chemin. Pareillement, pour la place Bethleem, l’eau activée engendre un engouement auprès des enfants, et le caractère ludique déjà présent prend davantage d’ampleur. Dans le rapport Jeu dans la ville199, il soulève également les bienfaits de l’eau dans l’espace public en écrivant : « La présence de l’eau, surtout si elle permet de jouer et d’interagir, est un des éléments les plus attractifs d’un espace public ». De plus, il précommande d’intégrer, systématiquement, l’eau dans les projets urbains, quand celui-ci le permet. Par conséquent, je peux conclure en disant que l’eau est un bienfait pour le jeu des enfants, mais aussi pour redonner une mixité au lieu.
199 BRUXELLES ENVIRONNEMENT. « Le jeu dans la ville-Pour un maillage jeux à Bruxelles » [En ligne]. Environnement. Brussels, 2015, p 115. [Consulté le 14 décembre 2020]. Disponible sur internet à l’adresse : https://document.environnement.brussels/opac_css/elecfile/BRO_JeuDansVille_FR.pdf
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Fig. 79 : Couverture du livre « Le petit Nicolas » de Sempé et Goscinny. Source image : pinterest.
Un autre point, au niveau de l’aménagement est à souligner, c’est celui du mobilier urbain. Comme il a été évoqué dans la partie « espace de retrait » des observations, il existe des espaces qui favorisent l’appropriation des adolescentes. Des espaces intimes, parfois cachés qui les mettent plus en confiance et qu’elles s’autorisent à utiliser. Cependant, créer ce type d’espace, c’est confirmer qu’elle n’investira pas le reste de l’espace mis à disposition. C’est alors les enfermer à un endroit précis de l’espace public. C’est pourquoi, de mon avis, ces espaces de retrait sont à nuancer, et à prendre avec parcimonie dans la conception urbaine. Dans la mesure où il est possible d’agir sur d’autres critères qui permettront d’intégrer les adolescentes dans un espace plus généreux que les espaces de retrait. Par exemple, en évitant de créer des zones à l’entrée du parc ou à ses extrémités, où le mobilier urbain y est regroupé. Je pense alors, aux bancs du parc Gaucheret qui amènent une appropriation souvent masculine, et qui découragent le passage à cet endroit. Ces endroits intimidants peuvent facilement être évités en déplaçant les bancs de sorte qu’ils soient plus au centre de l’espace, dans des endroits plus vivants. Dans le guide de la mairie de Paris, il stipule qu’ « ajouter des lieux pour s’asseoir (bancs, sièges uniques, abris de bus ou de tramway…) : «s’il y a trop d’hommes sur les bancs, il faut en rajouter… des bancs !». Ces as - sises sont essentielles pour les personnes responsables du care : les enfants et les personnes âgées ont particulièrement besoin d’une ville jalonnée de bancs, pour une pause200 » Allant dans ce sens, les créateurs de la plateforme Genre et Ville, conseillent de mener une réflexion sur « les éléments de mobilier urbain pour les rendre plus inclusifs. Travailler à leur emplacement, leur orientation, comme pour les bancs en arc de cercle ou les assises face-à-face, peut totalement changer la façon dont ils seront adoptés 201 ». Par conséquent ; et accentué par mes observations, il est essentiel de porter une attention bien précise sur le placement du mobilier urbain pour une appropriation moins genrées de celuici. Mais aussi pour redonner une visibilité aux minorités, telle que les adolescentes
Pour continuer dans l’analyse, un point que j’ai pu relever est la notion de sécurité. Précédemment, dans la partie, j’ai souvent mentionné ce contrôle parental sur le jeu et la déambulation des enfants. Par exemple des espaces placés proche de la voirie dissuaderont les parents d’y laisser leurs enfants jouer, à cause du danger de la voiture. Par ailleurs, un espace qui est trop vaste, tel que la plaine verte du parc de la Jeunesse amènera à ce que les parents imposent une zone définie pour le jeu. Une zone sur laquelle ils pourront avoir un œil constamment.
200 MAIRIE DE PARIS. « Guide référentiel Genre & espace public ». Paris, octobre 2016, page 17. Disponible en ligne : https://api-site.paris.fr/images/85756
201 GENRE ET VILLE. « Le Moniteur « Dans l’espace public, les hommes sont souvent majoritaires ». Janvier 2018, disponible en ligne : http://www.genre-et-ville.org/le-moniteur-dans-lespace-public-les-hommes-sontsouvent-majoritaires/
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Pour autant, il existe, et l’exemple de la place Morichar et la place Bethleem l’illustrent bien, des espaces qui valorisent le jeu de l’enfant. Dans un premier temps, les espaces à petite échelle tels que l’espace vert à la place Morichar qui amène une liberté dans le jeu des enfants avec des parents plus tranquilles au vu de la petitesse de l’espace et de la mise à distance des voiries. Par la suite, dans le cas de la place Bethleem, le mobilier urbain vient sécuriser un périmètre et donne la possibilité aux enfants d’investir l’espace, et ce, de manière mixte. C’est une place qui fonctionne avec une diversité d’usages, notamment vis-àvis du jeu des enfants. Pour continuer sur l’aspect ludique des espaces qui fonctionnent, il y a aussi les espaces en relief. Les bosses présentent sur la topographie du terrain, engendrent une stimulation de l’imaginaire chez les enfants, qui se l’approprient d’une manière variable. Ces trois aspects énoncés sont des moyens, à petit moyen, de rendre l’espace public utilisable par tous en revalorisant la place et le jeu des enfants
Le dernier point de cette analyse portera sur les groupes dominants. Il était effectivement fréquent d’observer sur les cas d’études, des utilisations dominantes qui évinçaient les autres. Reprenons le cas de la place Morichar avec la présence systématique du skateboard. Cette appropriation donne de la difficulté aux autres usager/ères à l’investir, et principalement pour la gent féminine qui n’est jamais représentée à cet endroit. Ce phénomène est néanmoins compliqué à contrer, dans le sens où il relève d’un mode de vie. L’architecte peut avoir un impact sur l’aménagement, en anticipant parfois des utilisations propices à véhiculer des inégalités de genre, mais il ne peut pas tout prévoir. C’est pourquoi la mise en place, comme le soulignait l’ASBL Garance, de réunion participative avec les habitants avant la conception des espaces est essentiels. Les réunions permettront de s’adapter à la demande et de réaliser un espace public en conséquence. Pour autant, il faut impérativement inclure les enfants et les adolescents dans ces initiatives. Dans son article, Cloë Voisin-Bormuth202 évoque la méthode du fondateur du bureau de conseil en urbanisme 8-80 Cities Gil Peňalosa :
« Il propose donc de prendre deux types d’usagers aux deux extrêmes de la pyramide des âges pour tester la qualité d’usage des espaces publics : un enfant de huit ans, qui peut commencer à avoir un usage autonome de l’espace public tout en restant particulièrement vulnérable par sa taille et son degré de maturité et d’expérience, qui ne lui permettent pas d’appréhender tous les dangers ; et une personne âgée de 80 ans dont la vulnérabilité particulière tient surtout à une capacité physique amoindrie et à un isolement social plus important. L’hypothèse (simplifiée)
202 VOISIN-BORMUTH Chloë. « Les espaces publics : clef du bien vivre ensemble ? ». La Fabrique de la Cité, juin 2019, disponible en ligne : https://www.lafabriquedelacite.com/publications/les-espaces-publics-clef-du-bienvivre-ensemble/
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de Gil Peňalosa est que si l’espace public est accueillant pour ces deux types d’usagers, alors il pourra l’être pour tous. »203
Il est alors important d’entendre l’ensemble de la population, du plus jeune au plus vieux. Les enfants vivent la ville différemment que les adultes, son environnement est rythmé par le jeu tandis que les adultes y voient un aspect fonctionnel. La contribution des deux peut alors donner une plus-value à nos espaces urbains. De plus, des moyens ont été mis en place pour permettre cela. Il s’agit de programmes internationaux tels que Grandir en ville de l’Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) de 1990, et des Villes amies des enfants par les Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF)204. Ces deux programmes ont créé des outils (cartographie, visites de la ville, photographies, témoignages…) pour faciliter la participation des enfants dans les prises de décisions politiques urbaines. Pourtant, ceux-ci sont encore rarement appliqués au sein des projets si ce n’est, par exemple, pour le projet de Louise Carlier sur l’Abbaye de Forest en Belgique205 Avant sa réalisation, elle met en place « une démarche d’enquête qui s’appuie sur la mise en place d’ateliers cartographiques avec différents publics fréquentant le site et concernés par le projet »206. Ces ateliers cartographiques consistent à dessiner l’espace vécu du quartier, tout en racontant leur expérience. Allant dans ce sens, Edith Maruéjous à travers son étude de la cour de récréation207 utilise la cartographie mentale, en demandant aux enfants de dessiner la cour et de situer l’endroit où les garçons et les filles jouent208 Pour Edith Maruéjouls et Louise Carlier, cette méthode leur permet de récolter la parole, une expérience, un vécu d’un individu/e qui vive réellement l’espace. Une façon alors de créer un projet le plus juste et égal possible.
203 VOISIN-BORMUTH Chloë. « Les espaces publics : clef du bien vivre ensemble ? ». La Fabrique de la Cité, juin 2019, disponible en ligne : https://www.lafabriquedelacite.com/publications/les-espaces-publics-clef-du-bienvivre-ensemble/
204 RUE DE L’AVENIR. « La participation des enfants et des jeunes ». Rue de l’avenir, fiche 8, disponible en ligne : https://www.ruedelavenir.com/wp-content/uploads/2020/06/VilleEnfantFiche8Participation.pdf
205 CELLULE ABBAYE DE FOREST. « Ateliers cartographiques autour du projet Abbaye ». Urban Inclusion, disponible en ligne : https://metrolab.brussels/publications/ateliers-cartographiques-autour-du-projet-abbaye
206 Ibid.
207 MARUEJOULS Edith. (2014) « Mixité, égalité et genre dans les espaces du loisir des jeunes : pertinence d’un paradigme féministe ». [Thèse de doctorat en géographie]. Université Bordeaux Montaigne.
208 BROUZE Emilie. « Comprendre les inégalités dans la cour d’école par Edith Maruéjouls ». Genre et ville, février 2017. Disponible en ligne : http://www.genre-et-ville.org/comprendre-les-inegalites-dans-la-cour-decolepar-edith-maruejouls/
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3. Conclusion
Le travail de la seconde partie, mis en lien avec la troisième, m’a permis d’établir une liste d’éléments que je considère important dans l’intégration de la question du genre dans le jeu des enfants au sein des espaces publics bruxellois. Les observations, ainsi que les grilles existantes pointent les critères utiles pour ce sujet d’étude. A savoir, les terrains de sport avec une remédiation de sa configuration spatiale et physique dans le but de le dégenrer Ou bien avec une éventualité de s’étendre vers d’autres propositions d’espaces sportifs tels que le roller derby. Par après, il est essentiel d’amener des espaces où le jeu de l’enfant est le moins possible contrôler par les parents qui les accompagnent. Je pense alors à des espaces avec une surface raisonnable et sécurisée d’une manière ou d’une autre pour proposer un espace de jeu sans dangerosité. Des espaces alors qui pourront être alimenté d’un aspect ludique avec l’ajout de jets d’eau et d’un relief accidenté de bosses pour stimuler l’imaginaire des enfants.
Pour se rapprocher le plus possible d’un espace public qui convient à tout public, il est important de mettre en place une participation des habitants, en prenant compte des enfants. Des enfants qui ont eux aussi droit à la ville209
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209 LEFEBVRE Henry. Le droit à ville. Economica, 2009.
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La question de genre dans les espaces publics, est une question d’actualité qui prend de plus en plus d’importance dans les politiques urbaines. L’enjeu est de donner la possibilité à tout le monde d’investir les espaces publics de la même manière. Pourtant, au cours de mes recherches, je me suis aperçue que ça n’était pas le cas partout. Et la problématique de ce mémoire était alors la suivante :
La place du jeu dans les espaces publics bruxellois est-il porteur d’un comportement genré chez les enfants, plus spécifiquement à l’égard de la jeune fille avec cette idée de spatialisation limitée ? Comment analyser ces questions de genre dans les espaces publics ?
Ce mémoire s’est intéressé dans un premier temps à la position des femmes dans les lieux publics. Le livre de Yves Raibaud, « La ville faite par et pour les hommes »210 m’a renseigné sur un certain nombre d’inégalité entre les hommes et les femmes dans notre manière de penser et d’aménager la ville. Notamment, d’un point de vue du loisir, où 75 % des budgets publics211 sont destinés à la gent masculine C’est l’une des raisons pour laquelle les femmes s’amoindrissent le droit à la ville, et déserte les espaces urbains. Par ailleurs, Marylène Lieber212 a prouvé que les femmes utilisaient la ville différemment des hommes, à cause d’un sentiment d’insécurité qu’elles peuvent ressentir, et qui les dissuadent de s’y balader ou de l’investir. Cette attitude d’évitement se forge dès l’enfance, dans la cour de récréation. Edith Maruéjouls213, dans son étude sur cette dernière, informe que l’attitude des femmes dans les espaces publics, est la transposition d’une spatialisation genrée vécue à l’école. Par conséquent, le sujet de ce mémoire a tenté de comprendre si ce phénomène d’inégalité de genre se retrouvait également dans le jeu chez les enfants au sein des espaces publics.
Thierry Paquot214 définit la ville comme d’une « anti-ville » vis-à-vis des enfants. De son avis, les enfants sont invisibilisés et non pris en compte dans les décisions urbaines. Clément
Rivière215 souligne quant à lui que la présence d’enfants dans un espace public est le signe que celui-ci est en bonne santé. C’est-à-dire que, de son avis, un espace public utilisé de
210 RAIBAUD Yves. La ville faite par et pour les hommes. France : Belin, 2015.
211 Ibid., page 16.
212 LIEBER Marylène. Genre, violences, et espaces publics. Paris : Presse de la fondation nationale des sciences politiques, 2008.
213 MARUEJOULS Edith. (2014) « Mixité, égalité et genre dans les espaces du loisir des jeunes : pertinence d’un paradigme féministe ». [Thèse de doctorat en géographie]. Université Bordeaux Montaigne.
214 PAQUOT Thierry. L’espace public. France :La découverte, 2015, p 3.
215 RIVIERE Clément. « Les enfants, révélateurs de nos rapports aux espaces publics » [En ligne]. 2012. Revue métropolitiques, mis en ligne le 18 juin 2012 [consulté le 10 janvier 2021]. Disponible sur internet à l’adresse : www.metropolitiques.eu
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CONCLUSION GENERALE
manière ludique par les enfants, et donc un espace public qui fonctionne. J’ai alors voulu savoir si les espaces publics bruxellois étaient en bonne santé, et si les enfants investissaient l’espace en jeu.
C’est à ce moment-là, que le travail d’observation a débuté. En effet, pour analyser ces questions de genre dans les espaces publics, il est essentiel de commencer par une phase d’observation. Pour simplifier cette étape, j’ai fait le choix de me concentrer sur trois communes de Bruxelles, afin de diversifier les situations géographiques, politiques et sociales. Après plusieurs mois d’enquête de terrain, j’ai pu constater que la localisation n’impactait pas le comportement genré auprès des enfants. La différence d’âge de la population, de revenus, ou de nationalité n’influence pas la place du jeu, ni l’utilisation des espaces publics en général, mais est souvent due à un aménagement inadapté. Puisque plusieurs récurrences et dynamiques se retrouvent dans la plupart des cas d’étude. Et plus particulièrement avec les terrains de sport, qui sont exclusivement masculins, où les jeunes filles sont mises de côté. Pour autant, tout au long de mes analyses, j’ai constaté l’importance des limites du terrain tracé au sol ou non. C’est comme cela, que j’ai appris qu’un terrain sans délimitation défini sera un endroit où les jeunes filles vont s’autoriser à jouer au foot, et donc à investir.
Néanmoins, ce n’est pas une situation récurrente et les jeunes filles/adolescentes sont souvent exclues des zones de sport. Plus généralement, les adolescentes ont du mal à se faire une place et à s’approprier les zones publiques. Au fil des mois, j’ai remarqué que je n’avais presque pas vu d’adolescentes dans mes observations, puisque les seules jeunes filles présentes étaient généralement âgées de moins de 11 ans Pour autant, seules les zones dites de retrait216 placé dans l’espace public, de sorte à être loin des regards, semblent être des lieux que les adolescentes apprécient et investissent. C’est ce que j’ai observé dans certains cas, où les zones en dehors de l’espace central étaient souvent occupées par des adolescentes. Cette notion est donc une notion déterminante pour inclure les filles dans l’espace public. A contrario de certaines typologies d’espaces, tels que les allées parsemées de bancs qui posent parfois des problèmes en véhiculant des inégalités de genre. Ces bancs, utilisés de manière 100 % masculine, regroupés dans un même espace, peuvent mettre mal à l’aise une jeune fille qui voudrait soit s’y asseoir, soit passer devant. Ces zones sont donc évitées, et deviennent des espaces dits « à risque » à leurs yeux. Ces constats sont toutefois à nuancer, surtout pour les espaces de retrait qui admette une place pour les adolescentes en dehors de l’espace public en lui-même.
216 ASBL GARANCE. « Femmes au parc ! Améliorer l’accés des femmes aux espaces verts ». [En ligne] Garance ASBL, septembre 2017 [consulté le 15 avril 2022]. Disponible sur internet à l’adresse : http://www.garance.be/docs/17FAPRapportfinalRegion.pdf
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Pour ce qui est de la place du jeu, des zones se révèlent bien plus mixte que les terrains de sport. Prenons l’exemple des espaces verts, où la diversité d’usages et d’usager/ères sont visibles. Malgré cela, les enfants ne sont pas souvent intégré/es dans ces types d’espaces, car face à l’étendue parfois vaste de certaines pelouses, les parents se dissuadent d’y laisser leurs enfants jouer. Le contrôle et la surveillance y étant alors plus compliqués. De plus, les parents préfèrent placer leurs enfants dans un espace de jeu dédié plutôt que de les laisser vagabonder dans l’espace public sans barrière. Cela leur facilite d’autant plus la maîtrise sur le jeu et la déambulation des enfants. Cet état de contrôle n’est plus observable lorsque l’espace vert est à une échelle plus petite, et où les parents semblent plus souples envers les enfants. Par conséquent, les espaces verts peuvent être ludiques moyennant l’échelle qu’ils proposent.
Ces grands espaces gazonnés, sont dissemblables aux espaces minéralisés. Ces derniers sont souvent investis, soit par une utilisation dominante, soit par une fonction de passage. Ils ne véhiculent pas une attractivité en termes de jeu et exclu alors les enfants. Une situation qui n’est pas impossible de changer, car la place Bethleem reste un espace minérale exemplaire pour le jeu des enfants. Une place qui est dominée par ces derniers, et qui propose une variété d’utilisation. Au-delà, de la place Bethleem, une place minérale peut se voir transformer en un espace de jeu lorsque des fontaines à eaux sont intégrées sur l’espace. Devant ce nouvel attrait, les enfants légitiment et affirment leur place en utilisant les jets d’eau de manière ludique. Une place, qui est d’autant plus affirmée, lorsque les enfants se reconnaissent dans les autres utilisateur/trices ; autrement dit s’il y a déjà des enfants sur place. C’est un constat que j’ai pu faire après avoir entendu cet échange marquant :
« La fille : « On peut aller là-bas ? »
Le garçon : « Oui, il y a des enfants ! » »
Pendant le travail d’observation, j’ai compris que le jeu est souvent mis à l’écart et rencontre des difficultés à s’imposer dans les espaces publics. Cela m’a amené à sélectionner des thématiques, et des critères à prendre en compte pour inclure les enfants dans les espaces publics par rapport aux enquêtes de terrain. Pour ce faire, je me suis interrogée sur la conception des espaces, en voulant savoir si la place des enfants et du jeu y était considérée. Le but étant d’offrir des espaces inclusifs pour tous, et même pour les enfants Or, cette attention est très souvent oubliée. En conséquence, les projets urbains sont encore fragiles sur cette question de genre, et restent des endroits où l’on peut observer des comportements genrés, à l’égard des femmes, mais aussi des enfants. Les enfants sont souvent rangés dans des espaces de jeux dédiés, avec un contrôle sur leur liberté de mouvement et de jeu.
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Dans la troisième partie du mémoire, il a été question de se pencher sur les grilles d’analyse qui préconise des points d’intentions, afin de rendre un espace public égalitaire pour tous. Pour tous, mais pas pour les enfants. Cette minorité et le jeu ne sont pas intégrés dans ces réflexions, alors qu’il serait judicieux, et nécessaire d’y apporter des éléments de réponse pour que les enfants puissent réintégrer nos villes. L’ambition de ce travail est de rendre visible ce qui est invisible. Bien évidemment que les espaces publics sont genrés, avec des attitudes et un aménagement discriminant à l’égard des jeunes filles, et plus généralement des enfants. Yves Raibaud a dit que « le phénomène du sexisme urbain relève de l’invisible visibilité217», le problème des enfants aussi. Beaucoup de rapports, notamment ceux de Bruxelles Environnement ont conscience de cette problématique, mais ne change pas spécialement la situation initiale. Alors que, sans effort et avec facilité parfois, un espace public peut être transformé en un terrain de jeu inclusif, convivial et accueillant. Plusieurs éléments de réponse ont été cités précédemment, notamment avec la place de l’eau dans les espaces. Mais il y a également l’idée de la topographie qui émet un aspect ludique et challengeant pour les enfants. De plus, les terrains de sport étant des espaces masculins, il serait judicieux d’offrir d’autres alternatives telles que des roller derby etc… Pour autant, ces éléments de réponses ne seront efficaces que, si la parole des enfants est écoutée lors des décisions politiques urbaines. De mon avis, pour créer un espace public égalitaire en termes de jeu chez les enfants, il faut leur témoigner une attention participative au projet.
Ce mémoire, m’a permis de réaliser les faiblesses de certains espaces publics bruxellois. Le droit à la ville, est une notion que j’ai très vite vu déchanté au fur et à mesure des observations. Moyennant cette envie de rendre l’espace public égalitaire pour tous, le processus est encore lent et sans réel impact. Dans le cadre de cette question de recherche, je me suis confrontée à la limite de la question de genre en Belgique, en me demandant si parfois ces inégalités que j’apercevais dans les espaces publics ne relevait pas du domaine de l’éducation, et d’un facteur autre que l’aménagement urbain. Certes, il est amplement temps de réaliser que nos espaces publics sont à revoir vis-à-vis de cette égalité de genre, mais parfois il semble difficile de prévoir comment les utilisateur/trices vont s’approprier l’espace, et cela relève alors de l’imprévisible. C’est pourquoi, de mon point de vue, la participation des habitant/es au projet reste essentiel pour éviter toute domination qui pourrait entraîner des inégalités. Et pourquoi pas en commençant par les enfants ?
217 ALLESSANDRIN Arnaud, DAGORN Johanna. 2018. « Sexisme(s) urbain(s) : Jeunes filles et adolescentes à l’épreuve de la ville ». Enfances, Familles, Générations. N°30.
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Annexes
Annexe n° 1 : Critères à respecter pour bien appliquer la notion du gender mainstreaming selon la ville de Vienne
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Annexe n° 2 : Extrait du guide de la mairis de Paris à propos de la catégorie « Occuper l’espace »
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Annexe n° 3 : Exemple d’une fiche d’observation de la mixité
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Annexe n° 4 : Graphique issus de LONG Nathalie et TONINI Brice dans leur étude Les espaces verts urbains : étude exploratoire des pratiques et du ressenti des usagers.
Conception des espaces verts par les habitants
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