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Au détour d’une semaine entre pirates

Loic Cochard Mathieu Morel

Partir rejoindre mon ami Mathieu et sa petite famille pour une dizaine de jours sur une rivière Française, je vous l’avoue, procure de nombreux rêves. Tous deux passionnés de pêches fortes, de nature et d’aventure, nous avons très vite enchaîné, dès mon arrivée, sur un bief bien connu de mon ami. Notre principal but étant de traquer les géantes qui hantent ces lieux magiques. Sur place, Mathieu, sa femme et les placards à poulets (deux jeunes minots en pleine croissance), m’attendent sur un poste très sauvage et atypique des lieux.

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C’EST ICI QUE TOUT ALLAIT DÉBUTER !

Après avoir passé un long moment sur l’eau à découvrir et sonder ma zone, j’ai décidé de placer trois cannes en aval de mon pote, avant d’aller préparer le barbecue du soir. C’est un de nos moments préférés, nous permettant de profiter du paysage, tout en papotant tranquillement sous le chant des oiseaux. J’ai eu à peine le temps de préparer le repas que le visage de mon ami s’est transformé tout en criant «Au nom de dieu, c’est la bossue !». Ni une ni deux, nous sommes partis voir de plus près à l’aide de notre zod, le funeste spectacle. Une star du bief était bel et bien remontée une dernière fois à la surface des eaux, était-ce un signe ? L’odeur était insoutenable, avec beaucoup de précautions nous avons bien évidemment, et avec beaucoup de respect, ramené la dépouille sur la berge. Le moral était bien sûr sérieusement entamé, d’autant plus qu’elle faisait partie de nos objectifs. Nous avons décidé de l’accrocher le long de la rive car la nuit tombait. Nous n’avions évidemment plus faim, mais les pitchounes, Pépito et Chukki avaient la dalle, et c’est l’appétit bien freiné que nous sommes passés à table. Pendant le repas , Mathieu m’a lâché : «je suis blasé, j’ai traqué ce poisson plus de dix ans sans jamais l’attraper... demain, on l’enterre et on se casse» et sans hésiter je lui ai répondu : «c’est normal qu’on bouge… il y a une page à tourner».

Le lendemain matin les choses se sont très vite enchaînées. À peine levés, nous avons immortalisé une carpette faite dans la nuit, puis nous avons replié le campement. L’enterrement de la bossue, avec le dernier filet d’épuisette qui l’a sorti de l’eau, s’est réalisé dans une confusion de sentiments entre respect et tristesse, lui rendre hommage était primordial.

Changement de zone, c’est quelques biefs plus loin que nous avons décidé de cibler notre nouvelle traque. Nous sommes début juin, il fait beau et chaud, la rivière est calme, elle nous offre un superbe plateau couvert d’herbiers en face de notre poste. l’idéal était là pour une sympathique pêche en famille, mais ce bief est resté capricieux pendant 24 heures. Malgré tout, l’arrivée d’une dépression avec une probable montée des eaux nous a motivés à rester sur place. Nous ne pouvions pas encore imaginer ce que la nature nous mijotait à petit feu. En effet, la nuit suivante le bal était lancé avec un magnifique doublé de carpes aux formes généreuses. Mais la crue se préparait gentiment, mais sûrement, avec un débit des eaux bien élevé. Ça s’annonçait costaud, avec une rivière rapidement porteuse de troncs d’arbres dérivant à toute allure. Pas le choix, après réflexion et concertation, nous avons décidé de bouger.

La pêche était fanée sur cette zone. Mathieu et moi même étions convaincus qu’il fallait gratter ailleurs. Lire les changements du cours de l’eau, retrouver des zones de contre-courant et amortis était primordial ▶ pour poursuivre notre aventure. Le bief suivant fut un échec, mais un pirate amorce toujours un plan B de repli, chose que nous avions bien-sûr anticipé sur un fameux contre-courant bien plus bas…

© Mathieu Poc-Morel

Arrivés sur les lieux, le spot était magnifique et nous permettait de pêcher plus facilement. Une pêche à la frappe était possible, ça sentait bon le fish, et très rapidement, cela c’est confirmé avec 12 runs pour le plaisir des petits qui s’en sont donné à cœur joie. Les touches se sont enchaînées, mais l’envie de prendre le large et naviguer pour traquer, ont vite repris le dessus ! Conscient du danger, s’est bien équipé que nous avons décidé de partir pour quelques heures de chasse à la baleine sur une rivière déchaînée. Tous deux harnachés de notre gilet de sauvetage, nous avons longé les berges avec un thermique, pour assurer la navigation et contrer un courant bien violent. Grâce à la connaissance des lieux de Mathieu, nous avons réussi à trouver plusieurs poissons bien calés dans des zones de repli. En effet la rivière débitait à plus de 700 m³ seconde. Pour être honnête, cette fois-là, on a empilé les carpes !

RESTER HUMBLE DEVANT DAME NATURE

Soudainement, dring dring le téléphone du Poc s’ est mis à sonner, c’était sa femme qui nous contactait pour nous dire que Pépito était débordé et qu’il fallait qu’ on vienne à la rescousse du moussaillon. On l’entendait crier derrière « opa viens vite ! ». Eh oui, nous avions laissé une canne au petit, trop triste de ne pas pouvoir venir stalker avec nous. II était trop jeune pour nous accompagner et nous n’avions pas de troisième gilet de sauvetage. Nous avons donc remonté le courant au plus vite tout en esquivant les troncs d’arbres qui dérivaient à vive allure. Le thermique peinait, je l’avoue c’était limite…

C’est dans ce genre de situation qu’on prend conscience qu’il faut rester humble devant dame nature et ne pas jouer avec elle lorsqu’ elle a décidé de s’ énerver. Ce n’est que de la pêche, donc petit conseil, gardez les pieds sur terre si vous voulez garder la pêche ! D’ autant plus que nous avions déjà fait le job, bon nombre de fishs avait garni notre tapis et l’essentiel était là, nous vivions un pur moment tous ensemble, il aurait été dommage de tout gâcher. Comme chaque soir, nous avons profité ensemble de l’instant présent dans une nature apaisante autour d’un bon repas en se racontant quelques histoires de pêche.

Nous aurions pu nous contenter de tous ces bons moments vécus, mais il nous restait 48h devant nous et j’ai lancé à Mat «ça te dirait pas qu’on claque un steak chacun ?». Poc comme simple et unique réponse me fit un grand sourire de complicité. En mode bourrin, tout sanglé sur le zod, nous avons décampé fissa fissa,.

LA PIRATERIE N’A PAS D’ÂGE

Qui dit bourrin, dit changement de méthode, on est donc passé en tête de ligne 80 centièmes minimum, bas de ligne en 65, crochets de 1.0. Et nous voilà partis tendre de gros cassants de plusieurs kilos sur tous les arbres du village, hi hi ! La traque des baleines coule dans le sang de tous les pirates et nous rend dingues… Notre objectif était donc de finir comblés avec chacun un gros poisson sauvage au compteur. Les montages utilisés peuvent faire peur mais il est pour nous impardonnable de perdre bêtement un poisson alors que nous avons tout pour éviter cela . La confiance en son matériel est alors primordiale. Première touche pour moi et bim, c’est pendu, une grande miroir a fini dans le triangle après m’avoir mené la vie dure. Le Poc avec son sourire de passionné m’a regardé à cet instant-là et m’a dit :

« ATTENDS CE N’EST QUE LE DÉBUT ! ».

La nuit nous a apporté quelques poissons et une grande coco pour Mathieu sur le coup du matin. Nous voilà lancé sur le dernier 24h, toujours confiant et en espérant une dernière belle carpe de ces lieux. Ce n’est qu’au lever du jour qu’un dernier gros run a fait claquer un des cassants. Le fish tenait le fond, ça sentait bon et l’adrénaline montait en puissance. A mon plus grand plaisir, une grosse commune est alors venue percer la surface sous les yeux attentifs de mon pote qui savourait autant que moi l’instant magique de complicité. Comme pour sonner le gong de fin de ces vacances, elle est gentiment rentrée dans la filoche. Nous avons profité du dernier matin pour plier tranquillement et organiser les prochaines sessions ensemble, car la piraterie n’est jamais finie, mais ceci est une autre histoire ! NN Et merci la zone... N

« La traque des baleines coule dans le sang de tous les pirates »

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