Carlingue #6 - 1969

Concorde Woodstock Apollo XI Easy Rider glastron boats Holden Hurricane L’Aerotrain (Jean Bertin) Françoise Sagan et les voitures de sport

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É D I T O

1969. Rarement année ne fut aussi prolifique en matière d’événements marquants.

Et ce, dans tous les domaines, à commencer par celui qui nous intéresse au tout premier plan, la locomotion. Sur la terre ferme, l’actualité fluctue à divers degrés de pertinence. Robert Chapatte, par exemple, enfourche une moto BMW, équipée pour la toute première fois d’un émetteur-récepteur, qui permet à cet ancien coureur cycliste reconverti en journaliste sportif, de commenter en direct et au plus près, été comme hiver, les compétitions sportives. Son but ? Relever les audiences de la station de radio Europe 1, à la peine derrière France Inter et RTL. Comme un air de déjà vu... Sur le petit écran, le public français se passionne, depuis le 2 janvier, pour les aventures de Joe Mannix, ce détective privé américain campé par Mike Connors, dont le costume impeccable ne saurait se départir de son convertible Dodge Dart GTS vert mousse de 1968. En juillet, c’est une autre américaine, l’Oldsmobile Delta 88 de Ted Kennedy qui défraie la chronique en glissant mystérieusement dans l’eau, au retour d’une soirée dont le clan des Démocrates a le secret. On retrouvera sur la banquette arrière le cadavre d’une jolie blonde de 29 ans, ce qui vaudra au Sénateur deux mois de prison... avec sursis. C’est par la route également qu’Eric Tabarly conduit son tout nouveau Pen Duick V au Salon international de la navigation de plaisance de Paris, qui accueille cette année-là pas moins de 250 000 visiteurs, preuve de l’engouement naissant vis-à-vis d’un loisir qui se démocratise à son rythme. Au Mans, sur la grille de départ, Jacky Ickx se paye le luxe de rejoindre sa Ford GT40 sans courir, à l’inverse de ses concurrents fidèles à la tradition, et de boucler tranquillement son harnais de sécurité avant de partir, en dernière position. Le lendemain, il franchit la ligne d’arrivée en première position avec 120 mètres d’avance sur la Porsche 908 de Hans Hermann. C’est en roulant au pas que Pompidou, quant à lui, entre dans la cour de l’Élysée pour succéder à De Gaulle. Au carrossier Chapron, il commandera deux exemplaires d’apparat de la fameuse SM à moteur V6 Maserati, dans une version « Opéra » décapotable : plus statutaire que la Porsche 356 de sa femme, avec laquelle il s’amusait à semer ses gardes du corps. Signe des temps nouveaux, le couturier Pierre Cardin remanie à sa façon l’intérieur de la Simca 1100, laissant ainsi la pop culture envahir le Salon de l’auto. Peccadille que tout cela. C’est en effet la tête en l’air et les yeux rivés vers le ciel ou à défaut sur son poste de télévision, que le quidam moyen va assister au vol inaugural du premier jet supersonique à vocation commerciale, le Concorde. Plus haut, bien plus haut, au printemps, les cosmonautes soviétiques réussissent à arrimer dans l’espace deux vaisseaux, Soyouz IV et Soyouz V ; les Etats-Unis préparent leur réplique pour le 20 juillet suivant, objectif Lune. A Woodstock aussi, on a pas mal voyagé, seul les « moyens de transport » différaient. Soviétiques et Américains en lice pour la conquête de l’Espace, un président français qui aimait les bagnoles et qui préconisait que l’administration « foute la paix aux Français », des séries télévisées élégantes dont la réalisation n’avait rien à envier au cinéma, une jeunesse exaltée et enthousiaste qui se regroupait par milliers avec des fleurs dans les cheveux, le cul nu et les deux pieds dans la boue pour écouter de la musique tout en s’embrassant sur la bouche... Y’a pas où aller, il y a un forcément un moment par la suite où ça a merdé...

Jean-Paul Milhé

SO MMAIRE 08

LES NEWS Quoi de neuf dans la sphère vintage

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L E T ’ S G O PA R T Y !

Le festival de Woodstock

GRANDEUR ET DÉCADENCE Le Concorde

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NOM DE CODE RD 001 Concept Holden Hurricane

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ALUNE-TOI ET MARCHE !

La mission Apollo XI

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RIDE IN PEACE Easy Rider

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ABONNEMENTS

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LA BOUTIQUE

70 MISSILE SOL-SOL

L’Aérotrain de Jean Bertin

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BONJOUR VITESSE Françoise Sagan et les voitures de sport

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le f eu au lac

INSOLITE

Glastron Boats

La vie moderne

DI R EC T EU R D E L A PU B L I CATI O N Jean-Paul Milhé Ré dacteur en c h e f Jean-Paul Milhé redaction@carlingue.net 06 34 37 20 18 (nouveau numéro) C O N C E P T E U R G R A PH I Q U E Geoffroy Gatt M A Q U ET T E Jean-Pierre Garrat - JPEX Team maquette@carlingue.net PU B LI C I T É pub@carlingue.net 06 34 37 20 18 (nouveau numéro) W E B M A S T ER Evelyne Milhé-Lahmar webmaster@carlingue.net O N T C O LLA B O R É À CE N U M É R O Didier « Fox » Renard, Wade Walker, Benjamin Hébert (www.lagazettedhector.fr), Laurent Bagnard, Philippe Cousyn, Pierre-Yves Gaulard et Geoffroy Gatt.

LA R EVU E C A R L I N GU E est publiée par les Éditions Maison Rouge SASU au capital de 1000 € - RCS Nevers SIREN 819 160 060 4, rue de la Corne 58240 Chantenay-Saint-Imbert IS S N 2493-819X C P PA P 0517 K 93048 DÉ P Ô T LÉ G A L à parution A N C I EN S N U M É R O S Le bon de commande se trouve en page 94 ABONNEMENTS Le bulletin d’abonnement se trouve en page 95 BOUTIQUE La boutique se trouve en pages 96-97 www. c arlin gue . n e t LA R EVU E C A R L I N GU E

est imprimée en Espagne par : Litografia Rosés Carrer Progrès 54-60 08850 Gavà (Barcelona) Tel. 00 34 936 333 737 www.litografiaroses.com L’envoi de textes ou d’illustrations implique l’accord des auteurs et modèles pour une utilisation libre de droits et suppose que l’auteur soit muni des autorisations éventuellement nécessaires à la diffusion. Les documents, insérés ou non, ne pourront être rendus. La rédaction n’est pas responsable de la perte ou de la détérioration des textes ou des photographies qui lui sont adressés pour appréciation. La reproduction, même partielle, de tout matériel publié est interdite (article L122-4 du Code de la propriété intellectuelle).

La r e v ue Car lin g ue e st é dit é e par : Le s É dit io n s M aiso n R o ug e

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Deux des éminents contributeurs à la revue « Carlingue » sortent chacun leur bouquin perso en ce moment : pleins phares !

Starlettes Découvrez l’épopée, souvent ébouriffante, parfois tragique, d’une centaine de starlettes, ces jolies jeunes filles venues à Cannes dans l’espoir de se faire remarquer par un producteur ou un metteur en scène. L’une d’elle est venue avec sa mère, une autre aborde tous les gens de cinéma qu’elle croise, celleci joue la bêcheuse perchée sur son tabouret au bar du Martinez... Ce recueil est loin d’être exhaustif mais recèle de nombreuses pépites dont les anecdotes elles-mêmes pourraient chacune donner matière à un synopsis de film ! Wade Walker, collaborateur de « Carlingue », est à l’origine de « Starlettes » dont l’élaboration s’est étalée sur deux longues années de recherches et recoupages des infos disponibles pour chaque protagoniste recensée dans l’ouvrage. « Starlettes » est un livre de 200 pages, 400 photos, au format 280 mm x 216 mm et couverture rigide.

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Indios de Barcelona En cette époque où la libre expression est plutôt mise à mal, où le langage parlé ploie sous la férule de la bien-pensance, où le discours contestataire devient l’apanage d’amuseurs publics ou de politiques installés aux extrêmes, la peinture murale revient, sous forme d’intelligence collective, colorer et questionner notre quotidien. A Barcelone, des brigades internationales de peintres font s’écrier les murs, balisent un itinéraire parallèle, parlent du présent, convoquent le passé et contribuent à lutter contre un futur officiellement austère.

INDIOS DE BARCELONA vous propose de vous immerger dans la mosaïque urbaine qu’est la capitale de la Catalogne, où les bombes de peinture détonnent sur les murs de la ville, pour le meilleur et contre le pire.

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SLAVES Le punk rock, c’est vraiment la chienlit : pas moyen de fermer le cercueil, même en sautant dessus à pieds joints.

On a beau signer tous les quatre matins son certificat de décès, il s’en présente toujours un, la gueule enfarinée, pour reprendre le flambeau, le brandir bien haut à la face du monde entier et raviver la flamme. Teenage Bottlerocket en 2001, Spray Paint plus récemment, la liste n’est pas exhaustive, loin s’en faut, mais tous ont en commun d’avoir su extraire l’énergie de ce qui aurait pu tourner à la farce et de se l’être appropriée avec brio tout en y apportant une touche de modernité. Slaves a un petit plus par rapport aux groupes américains suscités, ils viennent du Kent, au Sud de l’Angleterre, là où débouche le tunnel sous la Manche. On y passe en TGV, mais on ne s’y arrête pas, dans le Kent, jamais. La brique rouge, les parties de foot, la pluie fine, la bière à 8,6 %, Isaac Holman et Laurie Vincent connaissent ça par cœur, ça leur confère une légitimité à taper dans ce registre et à scander avec toute la rage qui les caractérise, leurs hymnes puissants et mélodieux. Punk et musiciens, dans la même phrase ? Oui, c’est possible, ils l’ont fait ! Isaac gère le chant et la batterie, réduite à sa plus simple expression, un tom basse, une caisse claire et deux cymbales. Il joue debout, façon cocktail drum, ce qui lui permet d’aller et venir sur scène pour aller choper le public à la manière des grands bateleurs.

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A la guitare, Laurie n’est pas en reste, le format du duo leur interdit formellement de se reposer sur le reste de la fanfare. Ils déclaraient récemment sur Télérama.fr Isaac : « Les liens sont encore plus forts à deux qu’au sein d’un groupe de quatre ou cinq musiciens. C’est plus facile de tout gérer lorsque vous travaillez avec une seule autre personne, en phase avec vous. Tout simplement. » Laurie : « C’est une formule parfaite pour faire les choses à sa manière, tout en se reposant sur l’autre. Cela permet d’inventer facilement de nouvelles manières de jouer. Beaucoup de gens s’étonnent qu’on puisse être aussi puissants, en n’étant que deux. La complicité étroite entre nous est très stimulante. » Imparable ! L’ombre bienveillante de Billy Bragg et de Charlie Harper plane sur ces dignes héritiers et, ce n’est que justice, le succès est au rendez-vous : de petits clubs en mégas festivals, on se les arrache ! Alors, me direzvous, le rapport avec 1969 ? Aucun, certes...

rewind

« Mannix » Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Un temps où la télévision s’était vu fixer comme objectif d’élever le niveau de conscience et de savoir de la population. Comme le dit le sage, si ton objectif est à un an, plante des légumes, s’il est à dix ans, plante des arbres et s’il est à cent ans, éduque tes enfants. Au rayon divertissement, les séries télévisées se sont imposées dès les années 60 comme des rendez-vous incontournables de l’agenda télévisuel quotidien. Produites par les grands faiseurs des studios d’Hollywood, via des filiales « TV », elles avaient peu à envier aux longs-métrages de cinéma, dans la mesure

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où, à part le format 50 mn retenu, elles étaient tournées dans les mêmes conditions, avec le même matériel, les mêmes techniciens, et parfois les mêmes réalisateurs.

Steven Spielberg par exemple, a réalisé, au tout début de sa carrière, un épisode de « Columbo ». Tout cela permettait, par des économies d’échelle, de rentabiliser les studios et d’occuper à plein temps des milliers de personnes. Si certains acteurs de cinéma se pinçaient le nez pour allez se « salir » sur le petit écran, d’autres y ont fait toute leur carrière sans trouver à y redire. C’est le cas notamment d’un certain Krekor Ohanian, plus connu sous le pseudo de Mike Connors qui, après une trentaine de petits rôles au cinéma, se vit confier celui de Joe Mannix dans la série éponyme, diffusée le samedi soir sur CBS de 1967 à 1975 (et à partir de janvier 1969 en France, sur la 1ère chaîne de l’ORTF). Il y campe le rôle de ce détective privé au grand cœur qui

pourfendra les vilains méchants afin de protéger la veuve et l’orphelin.

Et à la fin, il vaincra ! Là où il saura se démarquer, c’est par son élégance naturelle et une silhouette habilement sculptée pendant des années sous les panneaux de basket.

Accessoire indispensable à tout homme moderne, il ne se départira jamais de sa belle voiture, une Oldsmobile Toronado, customisée par Sam Barris pour la saison 1, puis une Dodge Dart GTS convertible de 1968, légèrement personnalisée elle aussi (le producteur Bruce Geller ne concevait pas de voir son personnage se déplacer dans la voiture de Monsieur Tout-le-Monde) et enfin une Plymouth Barracuda convertible de 1971, maquillée en année-modèle 1972 (le convertible Barracuda n’étant plus disponible au catalogue de la marque). Veste à carreaux, coupe de cheveux impeccable, bandeson signée Lalo Schifrin (« Bullitt », « Inspecteur Harry », « Mission Impossible »...), le succès de la série est immédiat. Et en arrière-plan, la présence de Gail Fisher, la secrétaire de Mannix, constituait la première apparition récurrente (avec Nichelle Nichols dans « Star Trek ») d’une actrice afro-américaine sur le petit écran : c’est par le biais de ce genre de « détail » que la télévision contribuait à sa façon à faire évoluer les mentalités. On remarquera par ailleurs qu’entre « Star Trek » et « Cosmos 1999 », les séries d’anticipation et de science-fiction imaginaient à l’unisson un futur où toutes les origines ethniques et les couleurs de peau auraient uni leur force pour vaincre l’adversité. S’il assure une rente financière confortable, ce genre de personnage redondant, dont fait partie Mannix, a tendance à cannibaliser l’image, et donc l’emploi, d’un acteur : lorsque le clap de fin de la série

retentit, il s’avère parfois impossible de se départir du costume endossé. Connors enchaînera avec une autre série qui ne rencontrera pas le même succès, « Today’s FBI », puis sera condamné à faire quelques apparitions dans « Walker, Texas Ranger », « L’Homme qui tombe à pic » ou « La croisière s’amuse » : mais après tout, serrer la main de Gopher sur le pont du « Pacific Princess », ça se tente...

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Let’s

WOODSTOCK MUSIC & ART FAIR, BETHEL – 1969 Images : archives – Récit : Didier « Fox » Renard

Go Party !

Je m’appelle Nash Sullivan. J’ai 17 ans, en cette année 1969. Mon frère, Ethan, 2 ans plus âgé que moi, est mort l’année dernière pendant l’offensive du Têt, à Da Nang. Alors vous comprendrez qu’en ce mois de juillet, j’ai besoin de paix, d’amour, et de rock’n roll.

Et ça tombe bien, c’est exactement ce que proposent les affiches du Festival de Woodstock, qui s’annonce comme le plus grand truc du siècle ! Depuis des mois, la presse nous livre la liste des groupes invités, liste qui n’arrête pas de changer : j’ai entendu parler de Led Zep, Bob Dylan, The Doors, Beck, Moody Blues, Zappa, les Beatles, Jethro Tull ou encore Iron Butterfly… Mais il paraît qu’ils ont tous annulé ! Moi, je suis guitariste, et avec mon pote Ryan Malone, on essaye de monter un groupe. Je suis fan absolu de Peter Townshend, le lead-guitar des Who, un groupe anglais, et ça tombe bien là-aussi, ils sont programmés pour samedi 16. Je viens d’un bled de la proche banlieue de Pittsburgh. J’ai fait une bonne partie du chemin en bus, et là, je me dirige vers Bethel, État de New York, où a lieu le festival de… Woodstock ! Logique… Un patelin à 60 miles au sud-ouest du lieu prévu à l’origine, à cause d’une histoire d’autorisation refusée. Mais le nom de « Woodstock » a finalement été conservé, la publicité ayant déjà été lancée. Je tente la route et le hitch-hiking. La chance me sourit, et je suis pris rapidement par une bande de hippies qui viennent de Californie, traversant les USA dans un ancien bus scolaire transformé.

On est sur la 81, un peu après Harrisburgh, et il reste un bon bout de route. Il y a Snake, qui conduit, John et Tina, Yuka et sa copine Kate… Ils sont cool, elles sont belles, et le voyage s’annonce bien mieux que dans la benne d’un pick-up pourri qui pue le fumier. En arrivant sur Bethel, la circulation s’avère catastrophique : on est pris dans ce que les médias qualifieront plus tard de « pire embouteillage de l’histoire des Etats-Unis ». Le bus est encombrant, et trouver une place pour le stationner devient un casse-tête. Il est déjà tard quand on arrive ce jeudi 14 sur la colline où les véhicules sont parqués.

D’ici, la scène paraît microscopique. Faut dire qu’on est encore loin de l’entrée. Mais le bus n’ira pas plus loin.

Alors on emmène de quoi rester là-bas trois jours, des couvertures, de l’eau, quelques trucs à bouffer, un peu de fric et de quoi fumer…

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Après avoir fait une queue interminable et payé nos 6 dollars chacun, on accède enfin au site. Il y a déjà beaucoup de monde, il paraît qu’ils attendent au moins 50 000 personnes. Du moins, c’est ce que prétendent les organisateurs, M. Lang et A. Kornfeld, des habitués de ce genre de festival. La sono est colossale, j’entends parler d’au moins 12 000 watts ! Moi qui navigue un peu dans le milieu de la musique, je peux vous dire que ça commence à faire beaucoup, 12 000 watts. Des tours de 20 mètres de haut supportent l’éclairage et la sono conçue par Bill Hanley, le spécialiste des gros festivals : des caissons énormes remplis de haut-parleurs JBL et de tweeters Altec, avec des amplis Amcron par dizaines.

Un gars m’a dit que les transformateurs derrière la scène crachaient plus de 2 000 ampères. Presque de quoi alimenter une petite ville comme celle d’où je viens !

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Ce système de sono doit facilement convenir pour au moins 100 000 personnes. Il fait nuit depuis bien longtemps ce jeudi quand on va trouver un endroit pour étaler nos sacs, couvertures, peaux de moutons, et tenter de dormir un peu en prévision de ce qui nous attend demain…

On est peut-être même déjà demain, en fait, j’en sais foutre rien ! Je regarde Yuka et Kate, qui se serrent l’une contre l’autre pour se réchauffer.

Snake tape sur un tambourin en marmonnant des trucs incompréhensibles, tandis que Tina et John s’enlacent sous une couverture : pour la paix et l’amour, ça à l’air en bonne voie ! Pour le rock’n roll, va falloir attendre… Vendredi, les concerts ne commencent qu’à 17 heures. On a passé le temps à discuter, se faire des amis, fumer… Je suis le plus jeune de la bande, je leur parle de mon frère tué au Vietnam, Yuka m’écoute avec attention… Elle doit avoir du sang indien, Yuka. longs cheveux noirs, peau mate, longues jambes, elle me plaît beaucoup… Jupette en daim, franges, colliers divers, bandeau tissé avec motifs cheyennes dans les cheveux… Sa copine Kate m’énerve, par contre. Elle a l’air jalouse. Les concerts commencent enfin ! L’énorme embouteillage qui s’étale autour de Bethel perturbe l’ordre de passage des groupes : Richie Havens en lieu et place de Sweetwater, perdu dans le traffic-jam, Satchidananda Saraswati, une espèce de gourou, fait un speech, parlant d’amour ou j’sais plus quoi…

La sono est mal réglée, le son n’est pas terrible, je ne comprends pas tout, mais ça s’arrange au fil des morceaux. Vont se succéder des chanteurs, comme Bert Sommer, Tim Hardin, Arlo Guthrie, et d’autres dont je ne retiens pas les noms.

La pluie faisant une longue apparition pendant le gig de Ravi Shankar, commence à transformer la belle prairie en bourbier, puis Joan Baez, enceinte de 6 mois, va chanter, après une tirade sur son mari, emprisonné à cause de son refus d’aller se battre au Vietnam. Il est plus de 2 heures du matin quand le sommeil va nous gagner.

Yuka se serre contre moi, ce qui déplaît fortement à Kate, et amuse beaucoup John et Tina… Snake, lui, est déjà perché très haut, comme on dit, et il danse toujours, en tapant sur son tambourin. Le relatif monticule sur lequel nous dormons nous épargne un peu la boue. L’hygiène devient vite un problème, ainsi que l’eau… Des hélicos de l’armée amènent certains artistes, des vivres, des médicaments, survolant ainsi les problèmes routiers. Le battement des pales des gros HU-1 donne des allures de guerre du Vietnam au festival ; pas sûr que j’aie besoin de ça. Samedi, les concerts ont commencé vers midi. Plus tôt dans la matinée, Nelson Rockfeller, le gouverneur de l’Etat de New York, aurait déclaré Bethel « zone sinistrée » ! Je ne me souviens pas vraiment de Quill, le groupe qui a ouvert le bal : j’étais terriblement occupé à embrasser Yuka ! Kate, elle, est partie plus loin, fâchée… Puis après la prestation de « Country » Joe Mc Donald, arrive Carlos Santana. Enfin un vrai guitariste ! Malgré la distance qui nous sépare de la scène, l’émotion est palpable. Quelques groupes plus tard, comme Keef Hartley ou John Sebastian, qui vont servir de « bouchetrous » en l’absence des pointures, la nuit tombe déjà, et on apprend que les grillages de sécurité ayant cédé sous la pression du public, les organisateurs décident de déclarer le festival « gratuit » ! Le public est énorme pour accueillir Canned Heat.

Paraît qu’on frôle le demi-million de spectateurs. Ils finiront vers 20 h 30, par « On the road again », puis Mountain leur succédera, suivi de Grateful Dead pour un trop court moment, leur show étant gâché par des problèmes techniques. Creedence Clearwater Revival aura le même souci de son, la pluie ayant certainement provoqué des pannes d’amplis…

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Il paraît que le concert est enregistré par le célèbre Eddie Kramer (et même filmé !) et qu’un disque en sera tiré. Avec ces problèmes, pas sûr qu’on en tire quelque chose ! J’ai les mains sur les hanches de Yuka, et je dois dire que plus grand-chose ne compte, au moment où Janis Joplin monte sur scène. « Try (a little bit harder) » me ramène à la réalité : quelle pêche, Janis, enveloppée de son manteau bleu, quelle voix ! Il est plus de 4 heures du mat’ quand Sly and the Family Stone entame « Love City »… j’y suis, moi, dans « Love City ». Yuka se laisse aller, elle s’offre à moi…

Si on m’avait dit il y a quelques semaines que je perdrais mon pucelage au milieu de 500 000 personnes, allongé dans la bouillasse, j’me serais bien marré !

Tout autour de nous, des dizaines de couples font comme nous, à commencer par John et Tina. Tout s’entrechoque dans ma tête : musique, drogue, Vietnam, Yuka, le bus, mon frangin, mon pote Ryan, Tina,

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les hélicos, John… Je ne sais pas si prendre ce truc que m’a refilé Snake était une bonne idée, mais bon… Une association de hippies, Hog Farm, gère un peu le site, offrant aide, réconfort et soins à ceux qui font un bad trip.

Un peu à bouffer, aussi. On va passer un moment avec eux, Yuka et moi, juste avant que ne commence le concert des Who, vers 5 heures du mat’ : 24 morceaux, à peine interrompus par l’apparition sur scène d’un activiste hippie, Abbie Hoffman, viré de la scène à coup de guitare par Townshend lui-même ! Bon sang, quel concert ! A la hauteur de ce que j’espérais ! On est déjà dimanche 17, il est plus de 8 heures quand Jefferson Airplane attaque « Somebody to Love » ! J’ai serré Yuka contre moi, c’était le plus beau jour (enfin… nuit) de ma vie ! Et même la très jolie Grace Slick, chanteuse de l’Airplane, ne l’égalait pas dans mon cœur. Ni la boue ni la pluie ne nous ont découragés, je ne sais même plus si j’ai dormi entre la fin du Jefferson et le speech de Max Yasgur, le fermier qui a loué les 250 hectares du site pour 50 000 dollars. Vers 14 heures, Joe Cocker commence son show, pour une heure et demie de soul éraillée.

Une tempête va finir de retarder pour de bon la programmation et Country Joe va venir jouer une deuxième fois, suivi de Ten years After qui va déménager sévèrement. The Band va occuper la scène à son tour et Johnny Winter va mettre le feu au public, rejoint par son frère pour quelques morceaux.

Il est plus de 1 h 30 du mat’ quand Blood Sweat and Tears monte sur les planches. On sent que la fatigue gagne le public. Certains (beaucoup !) ne tiennent que grâce à des substances illicites, mais néanmoins efficaces !

La foule se clairsème doucement. Initialement, le festival devait s’arrêter dimanche soir, mais on a gravement entamé lundi et tout le monde n’est pas encore passé !

Crosby, Stills, Nash and Young enchaînent, puis Paul Butterfield, suivi de Sha-Na-Na. Le jour est levé depuis bien longtemps quand James « Jimi » Hendrix monte sur scène : par tous les saints d’Irlande et d’ailleurs, je ne pensais pas qu’une simple Stratocaster et une poignée d’amplis Marshall pouvaient générer des sons pareils : sans nul doute, ce gars vient d’une autre planète !

Dommage pour ceux qui ont été obligés de quitter le festival, ce moment restera unique. Son évocation de la guerre et des bombardements de B52, là-bas, à Saïgon, me ramène brutalement à la mort de mon frangin, et j’ai la gorge serrée. Bien plus tard, j’ai entendu que Jimi Hendrix, justement, avait touché 18 000 dollars pour sa prestation, quand Johnny Winter n’en touchait que 3 750, et Santana… 3 000 de moins que Winter !

Vous savez quoi ? Si l’émotion se monnaye, alors il a largement mérité ses dollars, Mr Hendrix… Il est un peu plus de midi quand Yuka retrouve Kate, disparue depuis hier. Puis John et Tina reviennent avec Snake, qui est accompagné de Paula et Sondra, deux conquêtes de la nuit, qui vont continuer le voyage avec eux…

Le retour se précise. Moi, vers Pittsburgh, eux, je ne sais pas, leur périple devant les conduire en Floride, je crois… On retrouve le bus, après une petite marche, traversant la prairie ravagée par quasiment un million de pieds. Je vous passe les détails du départ, mais ce fût triste, pénible, poignant… en un mot : terrible.

Aujourd’hui, moi, Nash Sullivan, vieil homme de 65 ans, je peux vous l’avouer : Ces trois jours ont été les plus beaux de ma vie. Je n’ai jamais revu Yuka, j’ai toujours le collier d’ambre qu’elle m’a donné ce lundi 18 juillet, devant le bus… Et 48 ans plus tard, je n’ai rien oublié. Ryan et moi, après Woodstock, on a finalement fait un petit combo de rock, « Famous Flying Irish»…

Je n’ai jamais été ni Pete Townshend, ni John Fogerty, ni Jimi Hendrix, ni Jorma Kaukonen, et la notoriété de notre groupe n’a jamais dépassé les frontières de mon bled… Mais peu importe, je peux fièrement dire : « Woodstock 1969, j’y étais ! ».

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Grandeur et Décadence Images : archives – Récit : Wade Walker

CONCORDE (1 9 6 9 -2 0 0 3 )

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’Europe est exsangue et la France est en piteux état. Non contentes de se partager le gâteau territorial, les deux principales puissances (USA et URSS) ont la mainmise sur l’économie des pays situés dans leur « zone d’influence ». Concrètement pour un pays comme la France, il va falloir s’endetter auprès des Américains pour reconstruire le pays (majoritairement bombardé par eux-mêmes, paradoxalement) et en retour acheter en matériel US l’équivalent du prêt consenti. C’est le fameux Plan Marshall, pas franchement un rapport gagnant/gagnant. Cet arrangement risque même, à terme, de signer la fin de l’ingénierie française dans

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tous les domaines, puisqu’on s’en remet à l’Oncle Sam pour nous fournir ce qui nous manque, c’est-à-dire : tout ! C’est donc vers le milieu des années cinquante, une fois les plaies en bonne voie de cicatrisation, que les industriels français commencent à se réorganiser et à enfin oser espérer quelques perspectives d’avenir. Le domaine de l’aviation n’est pas en reste et, comme la guerre a littéralement laminé le secteur, plutôt que d’essayer de recycler des conceptions datant d’une autre époque, les ingénieurs sont repartis d’une feuille blanche pour imaginer le futur. Les Américains règnent bien en maîtres dans les airs, mais depuis qu’ils sont dépourvus de concurrents, ils ont fini par baisser leur garde.

Le premier coup à ce monopole aérien sera porté par les Anglais avec leur « Comet », premier avion de ligne à réaction conçu par de Havilland. Peu de temps après, c’est au tour de la France de porter l’estocade avec la « Caravelle », premier biréacteur court et moyencourrier construit par Sud-Aviation, qui deviendra Aérospatiale par la suite. Le succès commercial de cet avion pousse ses concepteurs à voir plus loin encore. Le mur du son, cette barrière longtemps estimée infranchissable, a fini par être vaincue par Chuck Yeager en octobre 1947, aux USA : 1 224 km/h, soit Mach 1. Depuis, seuls quelques avions militaires avaient le privilège d’abolir les distances de manière aussi scandaleuse. C’est bien à ce privilège que comptent désormais s’attaquer les ingénieurs français, en commençant à plancher sur un avion longcourrier civil supersonique ! Cependant, de l’autre côté du « Channel », les Anglais ne restent pas les deux pieds dans le même sabot : eux aussi ont en tête de développer un transport de passagers supersonique. Le contexte historico-économique de cette époque interviendra de manière décisive dans la résolution de ce pari risqué.

Les Anglais avaient besoin du soutien de la France pour pouvoir faire partie du « Marché Commun », prémices de l’Europe d’aujourd’hui.

Les Français, de leur côté, avaient acquis une longueur d’avance en matière d’avionique, mais manquaient cruellement d’un réacteur capable de développer la puissance nécessaire au projet. Du reste, pour la « Caravelle » ils avaient dû faire appel au motoriste anglais Rolls-Royce. Plutôt que de s’affronter, et encouragées par leurs gouvernements respectifs, les deux sociétés Sud-Aviation et Bristol Aeroplane Company comparent leurs études préliminaires et sont médusées par ce qu’elles découvrent : sur une majorité de points techniques, elles partagent une vision commune. Dès lors, une fois l’accord de principe défini (signé le 29 novembre 1962), il restera un seul point d’achoppement : le nom de baptême de l’avion. Entre « Super-Caravelle » pour les Français et « Bristol 223 » pour les Britishs, on imagine que les discussions ont dû être interminables avant d’arriver à un compromis acceptable par les deux camps : soufflé par le président français Charles de Gaulle, ce sera « Concorde », pour souligner l’entente entre les deux pays.

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Seulement, voilà : ce mot s’écrit sans le « e » final en anglais ! Après un ultime débat, les Anglais décident de faire une dernière concession. Ce fameux « e » figurera bien dans le nom final, symbolisant par la même occasion l’Entente et leur désir de rejoindre l’Europe naissante… Au chapitre des problèmes à surmonter, il faut tout de même commencer par le fait que des deux côtés du « Channel », non seulement on ne parle pas la même langue, mais on ne mesure pas de la même manière non plus !

Deux bureaux d’études et deux sites de constructions distincts existeront pourtant de chaque côté de la Manche, l’un à Toulouse et l’autre à Filton, avec la délicate mission d’assembler au millimètre (ou au trentedeuxième de pouce) près ce qui aura été produit par son vis-à-vis. Mais ce n’est là qu’une broutille face à la tâche monumentale qui attend les ingénieurs : le but final est de faire voyager une centaine de passagers à deux fois la vitesse du son, c’est-à-dire Mach 2, autrement dit : à la vitesse d’une balle de fusil… Or, au début des années 60, les avions militaires (dont le « Mirage III » de Dassault Aviation, qui avait atteint Mach 2 en 1958) capables d’une telle prouesse ne pouvaient maintenir leur vitesse que trois minutes seulement !

Dans le cas du Concorde, il allait falloir tenir toute la durée du vol ! Autre problème à résoudre : l’avion devait certes voler à Mach 2, mais devait aussi pouvoir se maintenir en vol à vitesse subsonique, ainsi qu’à faible vitesse pour les procédures de décollage et d’atterrissage. C’est précisément ce cahier des charges exigeant qui procurera à l’aéronef cette ligne majestueuse et intemporelle, un design qui, aujourd’hui encore, place le Concorde en bonne place au top ten des constructions futuristes. En effet, l’aile « delta » de forme néo-gothique, de 25 mètres d’envergure et totalisant 420 m2 de surface, s’acquitte de cette tâche non seulement avec une redoutable efficacité, mais aussi avec une élégance rarement réitérée dans le domaine de l’aviation civile. Sa forme triangulaire, en droite filiation de la voilure des avions de combat des années 50, permet une pénétration dans l’air et une portance optimales, du fait de ses bords d’attaque très fins et à double courbure. A une époque où l’informatique est à peine balbutiante, c’est à même le sol que cette aile est dessinée et étudiée par les bureaux d’études en charge du projet. Autre détail donnant à l’avion son aspect racé, c’est son nez pointu, conçu de la sorte pour une meilleure pénétration dans l’air. Mais dès le début de la conception, il est apparu que lorsque l’appareil serait en phase de décollage, d’atterrissage ou en manœuvres

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au sol, la visibilité de l’équipage se trouverait réduite à néant. Pour pallier ce problème, les ingénieurs ont alors conçu un système de nez basculant, offrant à l’équipage une vision parfaite de la piste en toute circonstance. En phase de vol, le nez se repositionne dans le prolongement de la carlingue et une visière vient recouvrir les pare-brises pour un meilleur écoulement du flux d’air. Avec un poids de 185 tonnes, si faire décoller et voler un tel pachyderme semble impensable, lorsqu’il revient au sol il faut également être capable de le stopper. Pour la première fois dans l’histoire de l’aviation on aura recours au carbone pour freiner l’appareil.

Si aujourd’hui une telle technologie semble banale sur les voitures de sport, il convient de se rappeler que c’est sur le Concorde qu’elle a été expérimentée et mise au point. De la même manière, le Concorde a été le premier avion piloté par des gouvernes électriques et pour la première fois en Europe, certaines pièces de l’appareil ont été fabriquées sur des machines-outils à commande numérique.

Autre détail important, le Concorde devant évoluer à 18 000 mètres d’altitude (deux fois plus haut que les avions classiques), l’écart thermique entre la température de l’air et celle de l’appareil évoluant à Mach 2 était tel que la carlingue s’allongeait de 20 cm sous l’effet de la dilatation !

Un nouvel alliage d’aluminium, de cuivre et de magnésium a dû être conçu pour l’occasion. D’une manière générale, toutes les expérimentations abordées sur le Concorde ont fini par être peaufinées et établies comme technologies standard sur les appareils de la génération suivante, développés et construits par Airbus.

De fait, une telle débauche d’innovations nécessite généralement une répartition rigoureuse des tâches et une synchronisation parfaite des équipes impliquées dans les différents processus. Bien que situées dans deux pays différents, celles-ci se partagèrent le travail en fonction de leurs maîtrises technologiques respectives.

Pour faire simple, on peut dire que les Anglais prirent globalement en charge l’avant (dont le nez basculant) et l’arrière de l’appareil, ainsi que l’intégration des moteurs et les Français eurent en charge la conception de tout le milieu de l’avion, ainsi que les trains d’atterrissage.

Les moteurs ont quant à eux été conçus conjointement par Bristol Aero Engines (division de Rolls-Royce) et la Snecma. Avec cette répartition assez équitable des fonctionnalités et des difficultés à surmonter, on peut penser que le Concorde serait apparu logiquement comme une œuvre commune des deux pays impliqués, mais aujourd’hui encore, questionnez un Français, il vous répondra que le Concorde est évidemment français.

Aucun doute ne subsiste non plus de l’autre côté du « Channel », puisque le Concorde est évidemment British ! Peut-être est-ce dû au fait que deux prototypes différents furent construits : l’un à Toulouse-Blagnac et l’autre à Bristol-Filton… Le 2 mars 1969, le Concorde effectue son premier vol et c’est un réel succès. Le carnet de commandes se remplit d’ores et déjà, alors que bon nombre de problématiques restent encore à régler, mais le consortium franco-britannique semble pouvoir envisager la suite des événements sereinement.

L’année suivante, en octobre 1970, l’avion franchit le mur du son et atteint Mach 2, piloté par André Turcat.

Cependant, de l’autre côté de l’Atlantique, le spectre d’une crise se dessine peu à peu. Les USA font une telle boulimie d’énergie que leurs stocks pétroliers ne suffisent plus.

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En 1973, ils abandonnent les accords de Bretton Woods qui, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, avaient institué le dollar américain comme valeur pivot du système monétaire mondial. La conséquence directe de cette mesure est une dévalorisation très nette du dollar, contraignant les membres de l’OPEP à abandonner cette monnaie au profit du cours de l’or, plus stable, pour redéfinir le prix du baril de pétrole.

Il en résulte une augmentation vertigineuse du cours du pétrole (près de quatre fois le prix de 1970), ce qui porte un coup fatal à l’entreprise Concorde. Toutes les commandes, sans exception, sont annulées ! Voler à deux fois la vitesse du son, c’est formidable, mais consommer entre 14 et 17 litres de kérosène aux cent kilomètres par passager (20 tonnes par heure !), c’est beaucoup trop pour des compagnies ayant déjà du mal à joindre les deux bouts. Les deux seules compagnies à rester sur les rangs seront Air France et British Airways, les opérateurs nationaux des deux pays ayant conçu le projet, avec sept appareils chacun. Bien que la bataille commerciale fût perdue d’avance, il restait le prestige. Le 21 janvier 1976, le premier vol commercial Air France du Concorde, en direction de Rio de Janeiro, est lancé. A la même seconde, à Heathrow, un autre Concorde de la British Airways décolle en direction de Bahreïn. L’ère du voyage supersonique est bel et bien lancée, l’ogre américain est bien distancé mais la pilule est amère… Vingt-sept ans plus tard, le 31 mai 2003, après bien des péripéties pour amener New York à 3 h 30 de Paris, le vol AF001 se pose une ultime fois sur le tarmac de Roissy avec 79 passagers à bord, une foule immense étant venue lui rendre un dernier hommage autour des pistes de l’aéroport. La non rentabilité des rotations (malgré un billet à 8 000 € environ pour Paris – New York), sa consommation et l’accident tragique survenu le 20 juillet 2000 (faisant 113 victimes) ont eu raison du Grand Oiseau Blanc. Aujourd’hui encore, bien qu’il ait été conçu au tout début des années 60, le Concorde détient le record absolu du vol transatlantique le plus rapide réalisé par un avion de ligne entre Londres et New York (2 h 52 mn 59 s) et entre New York et Paris (2 h 59 mn 40 s). La même distance est parcourue en 7 h 47 mn en moyenne par les avions actuels...

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CONCEPT HOLDEN HURRICANE 1969 Images : NetCarShow.com – Récit : Jean-Paul Milhé

Nom de Code : RD 001 Les concept-cars des années 1950/60/70 nous faisaient la promesse d’un avenir palpitant, teinté de futurisme, de conquête spatiale, de bitoniaux qui clignotent et d’avancées technologiques spectaculaires. Ça ne faisait aucun doute, à l’aube de l’An 2000, les voitures voleraient...

Holden, Bolwell, Buckle Motors, Purvis... le marché australien de l’automobile n’a pas toujours fait la part belle aux automobiles aux phares bridés, et avant que le pick-up Toyota Hi-Lux et la berline Corolla ne se taillent la part du lion sur le podium des ventes annuelles, juste devant la Hyundai i30, il y avait un peu de place pour les constructeurs locaux. Oh certes, l’ombre de deux des Big Three planait.

Ford et General Motors en effet, ont très vite compris que pour être profitables, leurs activités se devaient d’être implantées sur chaque continent, au plus près du marché local, quitte à y construire des modèles spécifiques (la Ford Facon $ XB de Mad Max, par exemple). Et si Ford avance toujours à visage découvert, General Motors a plus tendance à se dissimuler derrière le rachat de marques indigènes, Vauxhall en Grande-Bretagne, Opel en Allemagne, Baojun en Chine ou Holden en Australie. Cette dernière a été fondée en 1856 par James Alexander Holden à Port Melbourne dans l’État du Victoria, au Sud-Est de l’île. D’abord impliquée dans la confection de selles pour chevaux, la firme se rapproche de l’industrie hippomobile avant de muer tout naturellement en 1908, en constructeur automobile.

L’entreprise est rachetée très tôt, en 1931, par la General Motors et va bénéficier de l’appui technique, logistique et financier de ce géant afin de poursuivre et d’amplifier son développement. A la toute fin des années soixante, la firme a le vent en poupe et décide de marquer les esprits en présentant au monde entier un concept-car révolutionnaire, la Holden Hurricane. Le maître-mot

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de l’opération consistera en la recherche d’applications concrètes à l’automobile, de la technologie futuriste dont bénéficient les vaisseaux spatiaux et autres satellites russes, chinois ou américains qui pullulent alors audessus de nos têtes, à la manière des canoës en plastique sur l’Ardèche en plein mois de juillet ! Sur le plan esthétique, autant dire que les designers ne se sont pas grattés avec le dos de la cuillère : en forme de coin, le coupé deux places revendique une aérodynamique hors pair, testée en soufflerie et accentuée par une hauteur maximale qui ne dépasse pas les 990 mm.

Vu qu’on n’est pas dans la conception d’une énième bétaillère, l’option portes est proscrite à la faveur d’un cockpit posé sur vérins hydrauliques, qui se mue vers l’avant afin de rendre accessibles des sièges passagers se soulevant automatiquement, tout comme la colonne de direction, pour se mettre davantage à la portée des deux candidats au voyage. C’est le polyester, synonyme de gain de poids et de facilité de mise en œuvre en cas de production en grande série qui fut choisi comme matériau de base pour la partie carrosserie, l’acier conservant la faveur des ingénieurs au niveau du châssis. Et pour que le ramage se hisse à la hauteur du plumage, les trois blocs qui constituent la coque sont aspergés d’une peinture renfermant des paillettes d’aluminium. Ces dernières ont la faculté de jouer avec les rayons du soleil et d’offrir des reflets très seyants : on en est encore chez Holden au balbutiement de la peinture métallisée.

Pour faire décoller une fusée, il faut de la puissance. Ici, c’est tout bonnement un moteur v8 de 4,1l (253 ci) de cylindrée, totalement inédit, installé en position centrale arrière et accouplé à une boîte de vitesses mécanique à 4 rapports, qui est retenu. A noter que cette architecture est déjà présente en compétition sous des étendards célèbres tels que Lola ou Ford GT40 (qui s’inspire de la Lola MK6). Des périphériques spécifiques sont cependant conçus spécialement pour ce moulbif ; c’est le cas notamment, d’un tout nouveau carburateur quadruple corps et d’un système de sélection des vitesses à commande hydraulique qui feront les beaux jours de la marque durant des décennies.

Ce bloc-moteur se retrouvera bientôt sous le capot des modèles Holden de série à venir et ce sera pratiquement la seule application à court terme.

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Ce qui relève de l’innovation également, ce sont les quatre freins à disques, classiquement ventilés à l’arrière mais refroidis hydrauliquement à l’avant, avec radiateur d’huile et tout le toutim. La suspension quant à elle, fait appel, à l’instar des meilleures voitures de sport, à des triangles superposés et à des combinés ressorts-amortisseurs.

Dans le détail, la Hurricane dispose d’autres équipements totalement inédits et qui feront les beaux jours de l’automobile... quarante ans plus tard ! Le conceptcar propose en effet un système de navigation interagissant avec des capteurs magnétiques disposés aux intersections tout au long du réseau routier, renseignant le conducteur quant à l’itinéraire à suivre au moyen de flèches lumineuses regroupées dans un des cadrans du tableau de bord. Ce système baptisé

Pathfinder (éclaireur) peut être considéré comme l’un des ancêtres de notre GPS actuel. Au rayon sécurité, un arceau tubulaire est intégré à la structure, une alarme incendie surveille le bon déroulement des opérations sous le capot, le réservoir de carburant est rempli de mousse, à l’image de ce qui se fait depuis peu en compétition et les toute nouvelles ceintures de sécurité à inertie ne consistent plus en de simples sangles ajustables, mais sont désormais dotées d’un enrouleur automatique.

Autre innovation notable, toute l’instrumentation de bord (électronique s’il vous plaît !) est dotée d’un affichage digital, renvoyant aux calendes grecques l’aiguille de Grand Papa. La radio est munie d’une recherche automatique des stations, la température de l’air conditionné se règle automatiquement et chemise sur le bateau, pour palier à un problème structurel de visibilité arrière, la Hurricane

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dispose d’un circuit de télévision en circuit fermé : une caméra installée discrètement dans le bloc arrière permet au conducteur d’effectuer ses manœuvres en scrutant l’écran (en noir et blanc) positionné au sommet de la console centrale. L’ambiance générale à bord s’inspire par ailleurs bien davantage de Star Trek que du Petit Taudis dans la Prairie ! Toutes ces innovations et les recherches approfondies qu’elles ont nécessitées ont mobilisé tout le staff du département Recherche et Innovation de la GMH pendant des mois, ce qui fait de la Hurricane l’un des concept-cars les plus chers de l’histoire de l’automobile.

Le succès rencontré lors de la présentation du prototype lors du Melbourne Motor Show de 1969 fut tel, qu’il redora le blason de la marque Holden dans des proportions inespérées, lui permettant de franchir la barre symbolique du million de voitures (bien plus sages) écoulées les années qui suivirent. Consécration ultime, La Hurricane vint apporter sa pierre à l’édifice

entrepris par la plupart des designers italiens de l’époque, Marcello Gandini pour Bertone en tête.

Abandonnée dans un centre de formation d’apprentis afin que ceux-ci se fassent la main dessus, la Hurricane a souffert. Mais c’était sans compter sur une nouvelle génération de managers de la marque tels que Rick Martin, Mickael Simcoe ou Paul Clarke, soucieux d’honorer comme il se doit son passé : Holden peut se targuer en effet d’abriter en son sein l’un des trois seuls bureaux d’études homologués de la GM, et la Hurricane (RD 001 signifie premier projet du département Recherche & Développement) fut à l’origine de plusieurs autres concept-cars tout aussi ambitieux : la GTR-X, le Coupe 60, le GMC Denali XT ou la Efijv.

Il n’en fallait pas plus pour que l’auto soit restaurée dès 2006 (une nouvelle fois à grands frais malgré la contribution bénévole de la plupart des gars du studio) afin de retrouver tout son lustre d’antan, et ce, dans un souci d’authenticité rarement égalé. En 2011, elle retrouvait le rang qui est le sien lors du Motorclassica Classic Car Show de Melbourne, où lui fut réservé un accueil des plus chaleureux. Alors, passé l’An 2000, la promesse est-elle tenue, les voitures volent-elles ? Oh oui, certes, elles volent, mais tellement bas... Après tout, comme aimait à le rappeler souvent Jacques Chirac, paraphrasant le général De Gaulle, « Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent » …

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MISSION APOLLO XI – 1969 Images : Nasa – Récit : Benjamin Hebert (La Gazette d’Hector)

Alune-toi et marche !

Vous avez fait quoi ces 4 derniers jours ? On vous demande ça parce que c’est le temps qu’il a fallu à quelques-uns pour faire la rando du siècle : une escapade vers la Lune, rien de moins...

Le 20 juillet 1969 à 21 h 56, heure US, le centre de contrôle de la NASA, situé à Houston, recueille le degré de stress le plus élevé jamais constaté dans les années 60. L’équipe d’astronautes à terre, baptisée CAPCOM, suit mètre après mètre la trajectoire de la capsule de l’expédition Apollo XI. Plus de 600 millions de paires d’yeux dans le monde assistent médusés à l’événement du siècle. Un homme va marcher sur la Lune. Deux hommes, Neil Armstrong et Buzz Aldrin grâce à leur caméra Hasselblad diffusent au monde entier le film le plus surréaliste jamais produit : la terre vue de 384 400 km !

Un homme, un parcours, une conquête...

Cette épopée prend forme 20 ans auparavant. Le parcours de Neil Armstrong illustre parfaitement le virage que prennent les Etats-Unis après la Seconde Guerre mondiale.

Poussée par les ambitions de l’URSS à conquérir l’espace (à défaut d’Amérique), la patrie de l’Oncle Sam a très vite pris le mustang par la crinière et franchit le mur du son grâce à Chuck Yeager à bord du Bell X-1 le 14 octobre 1947. Chuck Yeager sera l’acolyte d’Armstrong au cours de la carrière de pilote d’essai de ce dernier. Passionné par les avions dès son plus jeune âge, le jeune Neil est emmené par son père, commissaire aux comptes pour l’État de l’Ohio, aux courses aériennes de Cleveland. Une révélation. Il passe son brevet de pilote à l’aéroport de Wapakoneta en 1945. Il a alors 16 ans et n’a pas encore son permis de conduire. A sa majorité, il entre à l’Université de Purdue. Ses études, au coût certain, sont financées par le plan Holloway qui prend en charge les six années d’études d’ingénieur en échange de trois années dans la Navy. Armstrong obtient une licence en aéronautique mais doit partir faire son service militaire en 1950. Il suit une formation de pilote de chasse. Affecté sur le porte-avions USS Essex, il participe à la guerre de Corée et réalise 78 missions sur son chasseur F9F Panther. En 1955, après avoir obtenu son diplôme d’ingénieur, Neil Armstrong intègre la NACA, ancêtre de la NASA. Pilote d’essai, Neil met au point, au choix, bombardier, chasseur et les fameux Bell-X et North American X-15. Il monte à

63 km d’altitude avec ce dernier à une vitesse avoisinant les 6 600 km/h. Autant dire que l’on prie pour que les soudures de la carlingue tiennent pour ne pas faire le jump du siècle ! A cette époque, Armstrong travaille avec Chuck Yeager, le premier homme à avoir atteint officiellement le mur du son. Neil totalise 2 450 heures de vol sur plus de 200 appareils. En mai 1958, il est sélectionné pour faire partie du programme « Man in Space Soonest » de l’armée de l’Air. Trois ans plus tard, il est désigné parmi les six pilotes susceptibles de piloter l’avion X-20 Dyna Soar dans l’espace. Un avion capable d’effectuer un ensemble de missions incluant la reconnaissance, le bombardement, le sauvetage d’astronaute, la maintenance de satellites et le sabotage de satellites ennemis… suivez mon regard ! Ce projet de $ 660 millions sera abandonné mais le projet ressortira des cartons 20 ans plus tard lors de la conception de la navette spatiale américaine.

Les Etats-Unis en retard sur la Russie Pendant ce temps, le 25 mai 1961, le Président John Fitzgerald Kennedy, fraîchement élu, exacerbé par les Soviets en avance dans la conquête spatiale, décide de mettre sur la table tous les moyens nécessaires afin qu’un Américain marche sur la Lune et revienne sain et sauf dans les 10 ans à venir : « We choose to go to the moon ! ».

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A cette époque, aucun vol orbital habité américain n’a alors été réalisé.

A contrario, les Russes continuent de pavoiser et multiplient les sorties tels les livres de « Oui Oui » : une chienne dans l’espace (1957), un homme dans l’espace (1961), une femme dans l’espace (1963). La NASA lance plusieurs programmes spatiaux destinés à préparer les futures expéditions lunaires : Gemini pour mettre au point les techniques de vol spatial et de reconnaissance cartographiques, Apollo pour se rendre sur la lune. Neil Armstrong, toujours motivé, se jette sur le programme Apollo et pose sa candidature pour devenir astronaute. Sa candidature arrive avec une semaine de retard. Ce n’est sans compter sur un certain Dick Day avec qui Armstrong avait collaboré sur la base d’Edwards. Ni vu ni connu, le dossier Armstrong, arrive en haut de la pile.

Ce dernier se trouve à passer la visite médicale tant redoutée. Neil Armstrong est retenu et fait partie du groupe d’astronautes baptisé « The New Nine », le 13 septembre 1962. Il est le premier astronaute civil non militaire d’active. Mais l’affaire Apollo s’engage mal. Le 27 janvier 1967 un incendie au sol se déclare au sein du vaisseau spatial Apollo I lors d’une répétition. Les trois astronautes décèdent, ne

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parvenant pas à ouvrir la capsule. Outre la réduction des matériaux hautement inflammables dans la cabine, l’écoutille fut modifiée pour pouvoir être ouverte en moins de 10 secondes. Cette avarie entraîne un retard sur le programme de deux ans. Les six vols Apollo suivants ne sont pas habités et permettent de valider les tests du lanceur Saturn.

Apollo VII, en octobre 1968, est la première mission habitée, destinée à valider les modifications effectuées sur le vaisseau suite à l’incendie d’Apollo I. Les trois astronautes présents diffusent pour la première fois les images à la télévision américaine. Les trois missions qui suivent valident le module lunaire et les phases d’atterrissage. Armstrong est membre de l’équipage de réserve de la mission Apollo IX. Le 5 avril 1967, il apprend qu’il est retenu parmi les 17 astronautes susceptibles de faire partie de la première mission lunaire. Sur la base du système de rotation des équipages, Armstrong commandera la mission Apollo XI. Le Saint Graal !

Un module lunaire Depuis 1962, la NASA travaille sur le module lunaire LEM (Lunar Excursion Module) destiné au débarquement sur la Lune. Seule cette solution permet en effet de tenir l’échéance fixée, en réduisant la masse à satelliser, en limitant les coûts ainsi que les risques techniques. Le LEM comporte deux étages : un étage de descente dont le rôle principal est de faire atterrir verticalement le module grâce à un moteur à poussée variable et un étage de remontée doté de son propre moteur, dans lequel se situe la cabine pressurisée où séjournent les astronautes. La conception et la construction du module lunaire sont réalisées sous la maîtrise d’œuvre de la société aérospatiale Grumman, constructeur américain du célèbre chasseur Hellcat.

Quinze modules lunaires seront construits, dix voleront et six atterriront sur le sol lunaire au cours de la période 1969-1972. Pour parvenir au taux de fiabilité visé, la NASA envisage de donner aux astronautes la possibilité de réparer les composants défaillants. Mais ce choix suppose de les former à des systèmes nombreux et complexes, d’emporter des outils et des pièces de rechange et de rendre accessibles les composants à réparer, ce qui les rend vulnérables à l’humidité et à la contamination. La NASA renonce à cette solution en 1964 et décide d’intégrer dans la conception du vaisseau des solutions de contournement, fournissant une alternative pour chaque anomalie susceptible de se produire. En cas de panne de sous-systèmes complets jugés vitaux, des systèmes de secours doivent pouvoir prendre le relais dans un mode plus ou moins dégradé.

Ainsi le système de navigation dispose d’un système de secours développé par un autre constructeur pour éviter qu’une même faille logicielle mette en panne les deux systèmes. La configuration du train d’atterrissage est l’objet de nombreux débats car les ingénieurs ne disposent, jusqu’en 1966, d’aucune donnée précise sur la consistance du sol lunaire. Dans le doute, la NASA modifie ses spécifications initiales en demandant à Grumman de faire passer la taille des semelles situées à l’extrémité des jambes du train d’atterrissage de 22 à 91 cm de diamètre. Mais dans cette nouvelle configuration, le LEM ne tient plus dans le carénage qui doit l’accueillir au sommet de la fusée Saturn V : il faut donc prévoir un train d’atterrissage articulé qui ne sera déplié qu’une fois le module lunaire extrait de son carénage. Pour des raisons d’encombrement également le nombre de jambes passe de cinq à quatre.

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Dans son architecture, le LEM comporte deux étages : un étage de descente, dont le rôle principal est de faire atterrir verticalement le module lunaire et un étage de remontée, doté de son propre moteur et dans lequel se situe la cabine pressurisée où séjournent les astronautes.

En 1968, les entraînements avec le module lunaire Apollo, appelé Lunar Landing Research Véhicules, puis Lunar Landing Training Véhicules s’enchaînent. Le 6 mai 1968, Neil Armstrong se scratche avec l’engin mais parvient à s’éjecter à temps. Le 23 décembre 1968 Armstrong est désigné commandant d’Apollo XI, Buzz Aldrin pilote du module lunaire et Mickael Collins pilote du module de commande. Aldrin pensait qu’il serait désigné pour être le premier à marcher sur la Lune compte tenu de son expérience sur le programme Gemini, mais l’agencement du module en décida autrement. Le commandant avait un accès plus facile pour sortir en premier. Vive le Chef !

Un événement mondial retranscrit à la télévision Le 16 juillet 1969 à 13 h 32 le lanceur Saturn V de plus de 3 000 tonnes s’arrache dans un écran de fumée du complexe de lancement 39 de Cap Canaveral et file pour se placer en orbite basse autour de la terre. Lors du lancement, Collins trouve que la fusée Saturn V est « agitée de hoquets », mais son troisième étage propulse comme prévu le vaisseau vers la Lune. Trois jours après, Apollo 11 survole la face cachée de la Lune et Collins allume pour six minutes le moteur SPS de 9,3 tonnes de poussée qui va consommer onze tonnes de carburant pour freiner le vaisseau de 9 170 km/h à 6 115 km/h et

le placer sur une première orbite au péri-lune de 113 km et à l’apo-lune de 312 km. Le voyage dure quatre jours.

Arrive l’instant où Collins doit détacher le module lunaire Eagle de la cabine Columbia. Il prévient ses deux compagnons « Nous y sommes, Aigle… Attention les gars ! ». Le module s’éloigne et Collins reste en alerte pour les secourir si l’atterrissage sur la Lune avorte ou s’ils décollent plus tôt que prévu. Le troisième étage est rallumé pour prendre la trajectoire vers la lune. Le module lunaire, qui a réalisé treize révolutions autour de la Lune, se sépare du CSM désormais occupé par le seul Collins et entame une descente vers le sol lunaire.

Les consignes sont claires : privilégier la sécurité par rapport à la précision. Durant la descente, Armstrong est gêné par des alarmes « 1202 » de l’ordinateur de bord qui gère le pilotage automatique et assure la navigation, un ordinateur aussi puissant que nos calculatrices Texas instruments du Lycée soit 4 kb de mémoire vive (RAM) et 74 kb de disque dur. On croit rêver ! La zone d’atterrissage ne doit pas être cernée de falaises, de reliefs trop élevés, rudes, cratères profonds.

Pour que le pilote du module lunaire puisse repérer le site retenu pour l’atterrissage, il doit bénéficier de conditions d’éclairage très particulières : le soleil doit éclairer le sol depuis l’Est sous un angle compris entre 4° et 14° pour pouvoir repérer les cratères. Trente sites d’atterrissage avaient été passés au crible par la NASA s’appuyant sur les observations réalisées par les sondes lunaires lancées en 1966 et 1967. Un seul site situé sur la mer de la Tranquillité satisfait les contraintes. La mer de la Tranquillité est une mer lunaire située sur la face de la Lune tournée vers la Terre. Il s’agit en fait d’une vaste plaine de roche volcanique correspondant à un ancien bassin d’impact, formé peu après la naissance du système solaire, il y a 4,5 milliards d’années.

Neil Armstrong loupe sa trajectoire et doit prendre le contrôle du module en manuel. Il ne reste que 45 secondes de carburant pour atterrir. Un atterrissage qui a lieu à 7 km du lieu prévu… oups ! Il est 20 h 17, nous sommes le 20 juillet 1969. « Houston, ici la base de la Tranquillité. L’Aigle a aluni… » Tels furent les mots d’Armstrong après avoir atterri. Houston répond : « Reçu Tranquillité. Nous comprenons que vous êtes au sol.

Vous aviez un paquet de types en train de devenir bleus.

On respire à nouveau. Merci ». Durant la mission, une équipe est installée au centre de contrôle des vols habités à Houston. Elle maintient le contact avec l’équipage en transmettant les instructions des techniciens et des scientifiques au sol et en répondant aux demandes des astronautes d’Apollo XI. Les hommes qui forment cette équipe baptisée CAPCOM (Capsule Communicator interlocuteur vaisseau) sont des astronautes qui se relaient pour assurer une couverture permanente 24 h/24.

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Une magnifique désolation Six heures après l’atterrissage, la cabine est dépressurisée et l’écoutille ouverte. Armstrong descend de l’échelle.

Arrivé à la dernière marche il déclare : « Je vais descendre du LEM maintenant », avant de se tourner et de poser son pied gauche sur la surface lunaire à 2 h 56 et prononce cette phrase mythique : « That’sone small step for man, one giant leap for mankind ». Près de 450 millions d’auditeurs dans le monde écoutent alors la radio.

Les premiers pas sur la lune sont filmés par une caméra vidéo et retranscrits en direct. Un événement mondial. Plus de 15 minutes plus tard, c’est au tour d’Aldrin de poser le pied sur la lune. « C’est quelque chose n’est-ce pas ? Une magnifique vue » s’enthousiasme Armstrong et Aldrin de répliquer « Une magnifique désolation ». Les deux hommes dévoilent une plaque commémorant leur vol avec le dessin de deux hémisphères, un texte avec le nom et la signature des trois astronautes et du président Nixon. Le texte est lu à voix haute : « Ici des hommes de la planète Terre ont pris pied pour la première fois sur la Lune, juillet 1969 après J.-C. Nous sommes venus dans un esprit pacifique au nom de toute l’humanité ». Il plante ensuite le drapeau américain avec une tige métallique pour le maintenir horizontalement faute d’atmosphère et de vent. Le pauvre Collins reste quant à lui en orbite autour de la Lune dans le module de commande, tandis que ses coéquipiers Neil Armstrong et Buzz Aldrin alunissent et marchent sur la surface lunaire. À l’époque, il fut décrit comme « la personne la plus solitaire sur et en dehors de la planète » — quand le module de commande volait au-dessus de la face opposée de la Lune, il était à au moins 3 200 kilomètres de ses collègues astronautes, et à plus de 350 000 kilomètres du reste de la population terrestre. Dans son journal de bord, il écrira à ce sujet qu’il « représentait la vie à lui tout seul » et que « ce sentiment lui plaisait ». Un petit cratère situé près du site d’atterrissage d’Apollo XI, sur la Lune a été baptisé « Collins crater » en son honneur. A son retour, il deviendra le premier Directeur du Musée National de l’Air et de l’Espace de Washington. Il n’existe que cinq photos d’Armstrong sur la Lune, prises avec l’unique Hasselblad fixé sur le torse d’Armstrong qu’Aldrin lui a descendu à l’aide d’une corde depuis l’intérieur du module lunaire. Plusieurs instruments scientifiques sont

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installés sur la surface du satellite. Armstrong parcourt 60 mètres et dépose un petit paquet d’objets en mémoire des défunts cosmonautes soviétiques Youri Gagarin et Vladimir Mikhaïlovitch Komarov et des astronautes d’Apollo I. Au total Buzz et Neil resteront 2 h 30 sur la lune. A titre de comparaison, la mission Apollo XVII restera quant à elle plus de 21 heures à explorer la lune.

Les deux cosmonautes ont récolté 21,7 kg d’échantillons de sol lunaire. Aldrin photographie le site, l’empreinte de sa botte lunaire et le module. Alors que Buzz Aldrin réintègre le module, il casse l’interrupteur permettant de mettre à feu le moteur de l’étage du LEM. Aldin se sert de la pointe d’un stylo pour l’enclencher et quitter ainsi la lune. Le drapeau américain est couché par le souffle du décollage.

L’odyssée de l’espace 1945 : A la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis et l’Union soviétique récupèrent la technologie des missiles V2 du régime Nazi. L’URSS acquiert rapidement la maîtrise de ces missiles hyper puissants.

4 octobre 1957 : L’Union soviétique utilise un missile balistique pour mettre sur orbite le premier satellite Spoutnik.

3 novembre 1957 : Premier être vivant, la chienne Laïka.

29 juillet 1958 : Le président américain Dwight Eisenhower crée l’agence spatiale civile, la NASA. 4 janvier 1959 : Première sonde lunaire russe.

12 avril 1961 : Premier homme dans l’espace, Youri Gagarine.

16 juin 1963 : Première femme dans l’espace, Valentina Tereshkova.

18 mars 1965 : Alekseï Leonov premier homme à marcher dans l’espace. Il raconte : « Je m’avançais vers l’inconnu et personne au monde ne pouvait me dire ce que j’allais y rencontrer. Je n’avais pas de mode d’emploi. C’était la première fois. Mais je savais que cela devait être fait [...]. Je grimpai hors de l’écoutille sans me presser et m’en extirpai délicatement. Je m’éloignai peu à peu du vaisseau [...]. C’est surtout le silence qui me frappa le plus. C’était un silence impressionnant, comme je n’en ai jamais rencontré sur Terre, si lourd et si profond que je commençai à entendre le bruit de mon propre corps [...]. Il y avait plus d’étoiles dans le ciel que je ne m’y étais attendu. Le ciel était d’un noir profond, mais en même temps, il brillait de la lueur du Soleil... La Terre paraissait petite, bleue, claire, si attendrissante, si esseulée. C’était notre demeure, et il fallait que je la défende comme une sainte relique. Elle était absolument ronde. Je crois que je n’ai jamais su ce que signifiait rond avant d’avoir vu la Terre depuis l’espace. » « C’est beau comme du Dostoïevski. » 20 juillet 1969 : Neil Armstrong, premier homme à marcher sur la Lune.

14 novembre 1969 : Mission Apollo XII : sixième mission habitée du programme Apollo, et la deuxième à se poser sur la Lune.

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Le vaisseau pénètre dans l’atmosphère à environ 11 km/s et atterrit 15 mn plus tard, à 16 h 50, dans l’océan Pacifique, à 3 km du point visé. C’est le porteavion USS Hornet qui récupère l’équipage. Les trois astronautes sont mis en quarantaine pour parer tout risque de contamination pendant 21 jours dans une caravane Airstream, car, même en quarantaine, il faut rester chic et made in USA ! Plus tard, la Lune sera déclarée stérile et sans danger. L’équipage est fêté à travers les États-Unis et dans le Monde entier lors d’une tournée de 45 jours. Armstrong devient professeur au département de génie aérospatial de l’université de Cincinnati et Aldrin se réfugie un temps dans l’alcool.

En effet, quand on a connu l’ivresse de la mer de la Tranquillité et le rôle du siècle, plus rien n’est désormais pareil.

EASY RIDER – DENNIS HOPPER – 1969 Images : archives – Récit : Laurent Bagnard

Ride In Peace

En 1967, Peter Fonda est en tournée promo à Toronto pour la sortie de son dernier film, « The Trip ». Il craque sur sa voisine de table, Jacqueline Bisset, reçoit un Zippo gravé en guise de récompense puis s’en retourne sans Jackie à son motel pour signer des autographes sur des photos à son effigie. Son interprétation dans « The Wild Angels », un des nombreux biker-movies qu’il tourne à l’époque, lui avait apporté sinon la gloire du moins une certaine reconnaissance ; en état de grâce – au bon endroit au bon moment – il pense soudain à l’histoire qu’il aimerait réellement voir à l’écran, son propre film, en somme, mais il n’a malheureusement aucune compétence pour la mise en scène ! « J’étais un peu barré, mais je regardais une photo de moi et Bruce Dern sur un chopper » relate-t-il « et je vois soudain le Nouveau Western. Deux gars à la coule en bécane qui traversent le pays après un bon coup ». Il enregistre donc son idée sur une bande magnétique opportune puis décroche le téléphone à quatre heures du matin pour appeler son pote, l’acteur Dennis Hopper qui, lui, a des velléités de réalisateur !

Pour Easy Rider, Dennis Hopper endosse deux casquettes, celle de réalisateur et celle d’acteur...

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En ce soir décalé – la Californie de Hopper n’étant pas sur le même fuseau horaire que le Canada de Fonda – les deux beautiful losers d’Hollywood décident d’une collaboration qui, à tout le moins, surfera sur la vague des films exploitant le thème des motards sauvages – sauf que de leur point de vue, les protagonistes seraient plus libres que sauvages, ce qui les ennoblirait d’une aura définitivement plus cool... L’époque réclamait alors du mythe barbu et barbare, et ce depuis la publication du reportage gonzo d’Hunter S. Thomson, « Hell’s Angels : The Strange and Terrible Saga of the Outlaw Motorcycle Gangs ».

Conséquemment, les films d’hirsutes motards aux bécanes assassines s’enchaînaient depuis lors, pour le plus grand bonheur des bikers qui y jouaient souvent leur propre rôle et pour celui des jeunes acteurs, qui suivaient la méthode Brando de « L’Equipée sauvage » et s’encanaillaient avant de pouvoir éventuellement laisser libre cours à leur talent dans d’autres films plus subtils ! Fonda, fils de, connaissait bien le milieu, faisait de la moto et carburait tranquillement aux psychotropes en vogue. Prince en devenir de la contre-culture cinématographique naissante – sa vision canadienne devant s’avérer payante deux ans plus tard – il avait parmi ses accointances un certain Jack Nicholson, qui avait donné dans le film à deux cylindres et quatre temps (« Rebel Rousers », par exemple), et voulait en découdre avec le système Hollywoodien.

En attendant d’être pleinement révélé, il se laissait aller aux opiacés divers, comme il se devait alors. Hopper, lui, avait été pote avec Jimmy Dean lors de la découverte du cinéma intelligent des années 50 et depuis lors cultivait une image de bad boy oscillant entre théâtre et séries B (« Glory Stompers », pour le côté motos rebelles), provocations diverses, sévères bitures et engagement pro hippie.

Côté organisation en cette fin de décennie, la mainmise des studios sur le monde du cinéma US commençait à vaciller. La Nouvelle Vague française et européenne avait culbuté de nombreux standards du genre, et les bases mêmes de la bienpensance et du manichéisme d’Hollywood avaient été récemment sapées par la sortie de l’attachant – et violent – « Bonnie & Clyde », d’Arthur Penn, ainsi que par le magnifique « Le Lauréat », de Mike Nichols.

L’ère de la domination des studios sur les réalisateurs allait rapidement prendre du plomb dans l’aile et les réalisateurs américains auraient bientôt la responsabilité pleine et entière de leur œuvre, grâce à l’implication de maisons de productions indépendantes. Ces petites « boîtes de prod » désiraient en effet prendre les risques financiers – et dégager les grands studios des investissements et du contrôle des films qu’elles choisissaient de faire réaliser – mais conservaient des rapports purement business avec Hollywood qui possédait à l’évidence ce qu’elles n’avaient pas : un circuit de distribution.

Peter Fonda, sur les conseils de Nicholson, s’adressa donc directement à Bob Rafelson, qui possédait la société Raybert (puis BBS Productions) en partenariat avec Bert Schneider. Ces derniers avaient de l’argent, de l’ambition, et voulaient secouer à l’européenne la léthargie des mid-sixties du cinéma américain. Rafelson avait rencontré un Dennis Hopper complètement ravagé dans une fête, et avait dit à son associé : « Ce mec est complètement dingue. Mais j’ai foi en lui et je suis sûr qu’il va nous faire un film remarquable ! ». Peter exposa son projet en fumant le pétard de l’amitié avec lui, et obtint quasiment instantanément la modique somme de $ 40 000 pour tourner des bouts d’essais, charge à lui et à son copain Hopper de constituer leur équipe et faire

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leurs preuves. En fils de leur époque, ils rassemblèrent des potes pas forcément pros, décidèrent de répartir les tâches dans un conséquent brouillard de hash puis filèrent à la Nouvelle Orléans filmer le Carnaval avec Fonda dans le rôle de Wyatt le penseur (Captain America) et Hopper dans celui de Billy, son alter ego sous amphétamines. Ils recrutèrent les délicieuses Karen Black et Toni Basil qui deviendraient d’aimables filles de petite vertu dans le film et foncèrent vers la Louisiane tourner « The Loners », titre provisoire d’une esquisse de film non-écrit, réalisé par Hopper, produit par Fonda et tourné pour l’instant en 16 mm, à l’arrache, sans chef opérateur, sans script... et sans motos.

Cliff Vaughs est à l’origine de la conception du chop’ le plus copié au Monde. Curieusement, il n’apparaît pas plus au générique que Ben Hardy, un autre black qui se chargera de la fabrication de la brêle. Le cinéma de l’époque, interdit aux chiens et aux Indiens ? (ci-dessus)

Quatre brêles des domaines, des Hydra Glide de ‘50, avaient été achetées pour $ 500,00 par la production.

Fonda, qui savait ce qu’était un chopper, avait contacté Ben Hardy, un bike builder black qu’il avait rencontré à l’occasion du tournage des « Anges Sauvages » en ‘66.

Il lui avait demandé de fabriquer trois choppers pour Captain America, avec comme condition expresse que le réservoir soit peint aux couleurs du drapeau, plus un bobber plus facile à manier pour Billy-Hopper qui n’était pas un motard expérimenté. Cliff Vaughs, un comparse de Hardy lui aussi Afro-Américain, s’occupa du design de la bécane qui inspira le plus de modifications au monde sur base Harley ! Il est intéressant de noter ici que la firme de Milwaukee refusa net de sponsoriser le film en offrant des motos, au prétexte que cette histoire, ses héros (!) et leur style leur feraient la pire des publicités (*). Dans la même veine, les deux blacks ont été effacés du générique du film... En 1969, le cinoche était encore une affaire de petits blancs.

Bref, revenons à nos joyeux drilles sous acide à La Nouvelle Orléans. Sans plan de tournage, d’après les directives floues d’un Dennis Hopper totalement paranoïaque, ils tournent quelques kilomètres de pellicule… en dehors de la période du Mardi gras, puis retournent à Los Angeles pour essayer de monter une séquence cohérente, un mix de leurs rushes avec des

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images d’archive. Hopper, constamment sous cocktails alcool/came, pense qu’il va, comme Jésus-Christ, être persécuté et mourir assassiné à 33 ans, et devient progressivement une menace pour son entourage et sa famille. Dépité par les résultats du trip à La Nouvelle Orléans, mais plein d’espoir quant à la suite qu’il compte donner à une histoire qui n’est pas encore écrite – et qui, malgré l’embauche du scénariste Terry Southern (« Docteur Folamour ») ne le sera jamais – statue avec Peter Fonda sur le début du film. Deux copains vont au Mexique chercher de la cocaïne qu’ils planquent dans des batteries de moto. (« L’héroïne était trop connotée », raconte Hopper des années plus tard. « La cocaïne était la drogue des rois, je le tenais du promoteur Ted Shapiro, qui luimême, le tenait de Duke Ellington »). La coke valant infiniment plus cher que toute autre drogue à l’époque, la revente permet aux deux affranchis de traverser le pays en bécane et par là même de donner une vision sur le vif de l’Amérique de la fin des sixties : paysages grandioses et étroitesse d’esprit définissent les limites de cette aventure, au cours de laquelle les protagonistes rencontrent des paysans aimables, des hippies accueillants, des flics stupides, un avocat déglingué, des putes accommodantes, des rednecks... et la mort.

Le tournage se fera dans des conditions abominables, et la consommation d’herbe sera astronomique ! Les défections seront nombreuses parmi l’équipe, Southern n’écrivant rien mais donnant le titre définitif, Hopper dérapant gravement de la névrose à la psychose en passant par la paranoïa, Fonda se renfermant sur son double rôle d’acteur et de producteur délégué, Nicholson ajoutant heureusement son grain de folie à une ambiance déjà bien sous tension... Le scénario sera écrit au fil des jours et des kilomètres, Hopper détestera conduire sa bécane, les choppers seront d’ailleurs volés avant la fin du tournage et seul restera celui de Peter, quasi détruit à la fin du film. La version finale d’« Easy Rider » (tourné cependant avec un budget dérisoire) de plus de 4 heures, voulue par Hopper, rencontrera au final l’incompréhension totale des producteurs et surtout des distributeurs, les anecdotes émaillant la réalisation de cette icône des sixties mériterait à elle seule un film parallèle. Hormis le fait que nombre de scènes soient tournées avec des locaux (voire même éclairées/filmées par des gens de rencontre !), que l’antagonisme hippies/ beaufs n’est jamais simulé, Hopper, en émule du cinéréalité, chauffe littéralement la salle du petit bar dans lequel Wyatt et Billy viennent se restaurer en racontant à la clientèle qu’ils viennent de violer et tuer une nana à

l’entrée du patelin ! Rien de mieux pour se mettre à dos des bourrins du Sud profond... La pire des anecdotes de tournage prend place autour de la scène du cimetière où, hors plateau, Hopper menace de buter quiconque s’approche des rushes (ceci enregistré par son preneur de son), lesdits rushes ouverts plus tard par négligence avant d’être développés (voir les effets spéciaux cheap de ce moment du film !). Ajoutons à la liste un réalisateur/ manipulateur obligeant Peter Fonda à évoquer, face à la caméra, sa mère qui s’était suicidée quand il était enfant alors qu’il est dans les bras d’une statue de la vierge Marie… mais qui se réconforte l’intime avec les deux actrices (**) le soir, dans sa chambre d’hôtel, tandis que Hopper a tellement effrayé (et frappé) sa femme à Los Angeles qu’elle s’enfuit du domicile familial et lui fait retirer le droit de visite à ses gosses !

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De ce chaos émerge cependant un film unique – une fois amputé de deux heures probablement trop autoindulgentes, qui expliquent cependant mieux la course des deux bikers. A l’origine, ils fuyaient la police, avaient envie de se retirer en Floride, acheter un bateau là-bas puis se la couler douce avec leur argent mal acquis. Tout d’abord, le fait que rien ne soit planifié lui donne une spontanéité qu’on ne retrouve pas souvent au cinéma, et même si l’empirisme ne doit pas être une règle d’or, cette alchimie nerveuse produit parfois des œuvres majeures (telle « Apocalypse Now » une dizaine d’années plus tard, toutes proportions largement dépassées !). Il est le premier Road Movie, et en ça un héritage en droite ligne de l’œuvre de Kerouac, parue dix ans auparavant et dont l’écho n’avait pas fini de se faire entendre avec l’Acid Test de Ken Kesey (1964-1969) mais surtout, il colle impeccablement à l’année de sa sortie.

Musicalement, tout d’abord, avec une bande-son remarquablement contemporaine – de Jimi Hendrix au Byrds en passant par Dylan (***) et les inénarrables Steppenwolf – et la présence en forme de clin d’œil du producteur Phil Spector, qui achète sa coke à Billy et Wyatt au début du film (****).

Techniquement, la mise en scène de Dennis Hopper est particulièrement osée : non seulement il filme d’instinct « Dieu nous a donné le meilleur chef opérateur qui soit : Mère Nature ! », mais dirige son premier film en jouant dedans, subissant une pression incroyable que personne ne semble comprendre.

Fragile. Violent. Psychotique. A vif, en fait, il tourne cette fiction comme un documentaire, et s’essaie avec une certaine virtuosité au flash-forward (projections vers le futur, opposées au flash-back, projections du passé dans le quotidien), au mix dangereux des grands espaces et des moments intimistes et réussit brillamment à faire de cet essai un coup de maître. Culturellement, son film rompt avec la violence butée des films de bikers et met en scène des représentants de la culture hippie, en but à l’incompréhension de leurs pairs dans une conjoncture des plus sinistres : Kennedy venait de se faire assassiner et la guerre du Vietnam faisait rage !

La violence est sœur de l’intransigeance qui finalement solde toujours tous les comptes. Comme le dit Wyatt, « we blew it’ » – On a merdé – que l’on peut comprendre comme l’épitaphe de l’époque des fleurs qui les voit se faire bêtement descendre sur le bord d’une nationale.

Solitaires, incompris, leur liberté se résumant à l’errance, ils signent symboliquement la mort toujours possible de

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la contre-culture et par là même celle du rêve américain, cet espoir terriblement mensonger.

Primé à Cannes lors de sa sortie, avec une équipe réduite (Hopper, Fonda, Nicholson) venue récolter ses lauriers, « Easy Rider » invente le Nouvel Hollywood en imposant son cinéma d’auteur sous psychotropes (et psychodrames), et ouvre grand la porte pour Coppola, Scorcese, Lucas, Spielberg, Cimino, etc.

Le mot de la fin reviendrait presque à Hopper qui, dans un accès d’égomania, voulait par ailleurs être crédité comme réalisateur et auteur (tandis que Fonda l’était en tant que producteur/auteur et Southern auteur) :

« Quand on a tourné ce film, on pouvait sentir l’Amérique prendre feu – les Blacks, les hippies, les étudiants… J’ai retranscrit ces feelings symboliquement dans le film, comme par exemple la Grosse bécane chromée de Captain America, cette somptueuse machine décorée de « stars & stripes » avec tout l’argent dans le réservoir qui EST l’Amérique, et à n’importe quel moment, ça peut exploser – BOOOOM – explosion – c’est la fin ! Au début du film, Peter et moi faisons un truc très américain – on commet un crime, on se fait de l’argent facile. C’est l’un des gros problèmes du pays en ce moment : tout le monde veut de l’argent facile.

Pas seulement des crimes simples, évidents, mais des grosses sociétés qui commettent des énormes crimes financiers... » Intronisé « Hollywood hottest director » (le réalisateur hollywoodien le plus chaud du moment) par « Life magazine », il entre directement au panthéon des stars (et des groupies) tandis que les 17 minutes de présence de Nicholson à l’écran le propulsent vers une carrière internationale. Fonda, quant à lui, conclut à Cannes : « Les cadres sup de la Columbia ont définitivement cessé de hocher la tête à force d’incompréhension ; désormais ils dodelinent juste mais n’ont toujours rien compris ! » 50 ans plus tard, Hollywood est toujours là et le Nouvel Hollywood a accouché de millionnaires et de financiers (Spielberg, Lucas, Coppola). Hopper est entré dans la légende, Fonda est resté cool. « Easy Rider » a été répertorié par le National Film Preservation Board pour son apport significatif à la culture des Etats-Unis, et de fait conservé à la Bibliothèque Nationale en 1998.

Le chopper de Wyatt-Captain America restant a été restauré puis vendu aux enchères près d’un million d’euros en 2004.

(*) - Même son de cloche qu’en 1953 lorsque Triumph refusa tout soutien au tournage de « L’Equipée Sauvage » !

Non, culture et business ne marchent jamais ensemble. (**) - Anecdote relatée par Fonda, mais non confirmée par Karen Black. (***) - Dylan offrit sa chanson « That’s alright Ma, I’m only bleeding » à Fonda, afin de compenser la blessure intime de la scène du cimetière. (****) - La cocaïne utilisée dans le film n’est que de la farine. Dixit Fonda : « On n’avait pas les moyens de s’en payer de toutes façons ! ». La scène du deal est tournée à l’aéroport de Los Angeles, LAX, sans autorisation bien sûr.

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L’Aérotrain de Jean Bertin Images : archives – Récit : Philippe Cousyn

Missile Sol-Sol...

En 1969, l’Aérotrain de l’ingénieur français Jean Bertin établissait un nouveau record du monde de vitesse sur son rail en béton en forme de « T » : 422 km/h !

Seraient-ils devenus fous à la rédaction de Carlingue...

Encore un article sur l’Aérotrain ? Je vous arrête tout de suite, pas de redondances. Juste une homonymie...

Nous allons parler ici de « notre » Aérotrain, le Français, le « vrai », l’unique, sans chauvinisme aucun bien entendu. Mais comme son homologue nord-américain, les débuts en fanfare se termineront, hélas, en un jus de boudin à la sauce typiquement hexagonale. L’Aérotrain, c’est d’abord une histoire de souvenirs personnels, nichés dans un coin de mon cerveau, au panthéon des choses que j’aurais voulu voir ou faire et qui n’auront été que partiellement exaucées. Petit retour en arrière... Quelque part dans la première moitié des années 70, lors des voyages en train vers le Sud-Ouest familial, dans le prestigieux Étendard ou les derniers restes du Sud Express, quelle n’est pas ma joie d’aller manger dans le « Grill Express » dès la première heure du voyage. C’était super, pour un môme de mon âge, avec mon plateau perso et une bonne bouffe bien industrielle dont on avait le secret à l’époque. Une sorte de cafétéria sur roulettes, un condensé de Jacques Borel et de la cantoche de l’école. Le paysage qui défile en plus. Et pour parler paysage, entre Paris et Orléans, le passage en Beauce, c’est pas tripant. Sauf que... A chaque voyage, je voyais ce truc en béton haut perché qui m’interpellait. Kezaco ?

L’Aérotrain me répondit-on, le transport du futur ! Rien de moins. Imaginez l’effet que cela peut faire sur un

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gamin à l’imagination féconde. Je ne quittais donc plus des yeux ce ruban rectiligne dans l’espoir d’entrevoir cet avion sans ailes surfant sur son rail à plus de 400 km/h.

Mais comme dans le « Désert des Tartares » mon attente fut vaine... Les inventions de l’ingénieur Bertin faisaient un peu partie de ma jeune existence d’une certaine façon. Car après m’être interrogé sur son train mystérieux que je ne verrais jamais en action à mon plus grand dam, au terme du voyage susmentionné, arrivait la récompense. Je m’émerveillais après des heures d’attente, des quelques minutes de traversée de la Gironde entre Blaye et Lamarque, dans un de ses Naviplanes. Un peu comme au Space Mountain, beaucoup d’attente, un plaisir fugace, mais on en redemande. Le futur, c’était maintenant et cela pulsait... Houlà, c’était du sérieux en ces temps-là. On nous promettait que, quand on serait grand, on irait en vacances sur la lune, pour l’an 2000, les voitures allaient voler. La dernière page de notre manuel d’histoire nous offrait une formidable illustration de ce que serait le XXIe siècle. En gros, le quartier de la Défense avec des monorails pour les transports en communs, à la place des voitures, des projectiles de toutes tailles vibrionnants dans les cieux que taquinaient les plus hautes tours, et des sortes d’Aérotrains pour les déplacements entre ces petits paradis. On était dans le registre de l’histoire en mouvement. Mais parfois, elle balbutie, et ce fut le cas pour notre Aérotrain... Pourtant tout avait bien commencé. L’ingénieur et visionnaire Jean Bertin quitte la SNECMA en 1955 pour voler de ses propres ailes en fondant sa société Bertin et Cie. Elle se concentre alors sur les recherches sur ce que l’on appelle le « coussin d’air » et le brevet de celui-ci est déposé le 17 janvier 1961, grâce à la découverte d’un des ses ingénieurs, Louis Duthion, sur « l’effet de sol ». L’alignement des planètes semble parfait.

La France émerge de sa phase de reconstruction et change de braquet. L’heure est aux grands projets.

Satellite, nucléaire, avion de transport supersonique, projets autoroutiers d’ampleurs... Et grande vitesse ferroviaire... Depuis 1955, la France détient certes le record du monde de vitesse sur rail à 331 km/h, mais la traduction dans le transport intervilles au quotidien se fait attendre. Notre ingénieur entrevoit, lui, d’emblée, des applications dans les transports à grande vitesse pour ce fameux coussin d’air, en mêlant technique aéronautique et guidage par rail d’où va naître le projet d’Aérotrain. Dès 1963, les études commencent et des prototypes prometteurs à échelle réduite voient le jour. Mais il faut aller plus loin, pousser les feux, et construire un tronçon de ligne pilote.

Le lieu est trouvé en l’espèce d’une ancienne ligne ferroviaire avortée entre Paris et Chartres par Gallardon, dont la plate-forme aux caractéristiques permettant des vitesses élevées (courbes ne descendant pas en dessous de 700 m, pas de passage à niveau, rampes ne dépassant pas 10 mm/m) ne verra jamais la pose des rails sur sa totalité. Elle sera abandonnée entre Massy et Gallardon dès 1945. La zone d’essai est donc toute trouvée et une base est établie à Gometz-laVille (Seine-et-Oise, puis Essonne).

Un premier tronçon de ce fameux rail en béton en T inversé est donc établi entre Le Viaduc des Fauvettes et Limours, sur une longueur de 6,7 km. Cela sera suffisant dans un premier temps. Le prototype 01 y fait ses premiers pas, ou plutôt vols. Et les réussites s’enchaînent.

200 km/h y seront atteints en 1966, puis 345 km/h le 14 novembre 1967, après équipement avec un turboréacteur et des fusées d’appoint. C’est l’enthousiasme, plus de 17 pays se montrent intéressés par cette technologie de pointe. Mais pour aller plus vite et démontrer la complète viabilité du concept, il faut avoir plus de distance, des engins avec une plus grande capacité d’emport et plus puissants. Une voie en béton surélevée à 10 m du sol de 18 km entre Ruan (au nord d’Artenay) et Saran (au nord d’Orléans) est construite.

L’Aérotrain Expérimental 01 est un prototype d’aéroglisseur guidé sur rail qui peut accueillir 6 personnes dont le pilote.

En 1966, il atteignait déjà les 200 km/h.

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Au centre en costume clair, Jean Bertin présente à Georges Pompidou une maquette de son projet futuriste, l’un de ceux qui faisait la fierté de la France.

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Sa mise en service intervient début 1969 et les essais vont y commencer immédiatement. C’est ici que vont s’écrire les plus grandes pages de l’histoire de l’Aérotrain entre 1969 et 1974. Le 22 janvier 1969, l’Aérotrain 02 va exploser le record du monde de vitesse sur rail à 422 km/h. Le 5 mars 1974, c’est l’apothéose avec un record à plus de 430,2 km/h avec le I 80-350 (ex-250 remotorisé en 1973). Mais c’est aussi le champ du cygne... Car ce mélange technique gagnant intéresse aussi au plus haut point les autorités françaises qui ne veulent pas être en reste et vont le soutenir, au moins un temps... Le CIAT (Comité interministériel à l’aménagement du territoire) le retient dès 1967 comme un de ses projets phares pour les dessertes entre villes distantes de 150 à 500 km à une vitesse comprise entre 250 et 300 km/h. Et rien moins que Georges Pompidou, tant comme premier ministre que comme président, restera jusqu’au bout un ardent défenseur du projet.

Une ligne suburbaine La Défense Cergy-Pontoise va même être étudiée à partir de 1971, puis finalement commandée par l’Etat sous l’impulsion de ce dernier.

Malgré son décès deux mois plus tôt, le projet est acté le 21 juin 1974.

Pour être dénoncé moins d’un mois plus tard par son successeur, Valéry Giscard d’Estaing, le 17 juillet suivant. C’est un coup d’arrêt fatal pour le projet et peut-être aussi pour son inventeur.

Jean Bertin s’éteint le 21 décembre 1975 sans avoir vu le dernier vol, le 27 décembre 1977, de son bébé le plus prometteur, le I 80 HV. Les Aérotrains rentrent au bercail pour ne plus jamais en sortir.

Le dernier avatar de notre aéroglisseur guidé sera finalement Nord-Américain. La société Rohr, va construire un véhicule sous licence Bertin, dans le cadre du programme d’Etat TACV (Tracked Air-Cushion Vehicle). Il sera livré en 1974 pour une hypothétique ligne en Californie qui ne connaîtra pas de meilleure fortune. Il échouera piteusement au centre d’essai du rail à Pueblo, dans le Colorado, sur une modeste ligne de 2,4 km, faute de crédit, et arrêté dès 1975. Après des années d’abandon, lui et les autres véhicules du programme TACV termineront exposés dans un musée local.

L’Aérotrain Expérimental 02 est un prototype d’aéroglisseur à grande vitesse guidé sur une voie en béton à un seul rail. Propulsé par un réacteur, il pouvait embarquer deux personnes et servit en 1974 à la mise au point des silencieux de l’avion supersonique Concorde.

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Mais qu’est-ce qui l’a tué ? En fait, lui-même et ses choix techniques radicaux tout simplement !

Les pouvoirs publics, en autorisant des essais grandeur nature, n’avaient pas pour autant donné leur aval sans réserve à un plan de développement de ce moyen de transport hybride, séduisant mais un peu « hors sol ». Il faut se remettre dans le contexte de l’époque où l’on faisait feu de tout bois. La croissance de l’économie française dans les années 60 est telle qu’on la compare souvent à un Japon européen tant les transformations se font à marche forcée. Mais il y avait aussi plusieurs fers au feu... On a donc souvent accusé la SNCF d’avoir torpillé ce projet qui aurait dû représenter les transports du futur mais signer la mort de son réseau classique. Mais le Train à Grande Vitesse, le fameux TGV (son prototype voit le jour en 1969, presque en même temps, après un feu vert au plus haut niveau gouvernemental lui aussi) à un avantage indéniable.

Et celui-ci, qui l’ancre dans la réalité présente et future, va sûrement faire toute la différence : il est opérable sur les lignes dédiées à la grande vitesse bien sûr, mais peut rouler aussi sur le réseau déjà existant et irriguer jusque dans les profondeurs de nos provinces. Nul besoin de créer ex-nihilo un nouveau maillage coûteux et hors de proportions avec les avantages à attendre. La crise pétrolière de 1973 passant par-là aura aussi son impact sur tous les moyens de transport à traction autonome. Le TGV, initialement à turbine à gaz pour ses prototypes 001 et 002, sera facilement adapté à la traction électrique et pourra utiliser les infrastructures sous caténaires en pleine expansion. La greffe sur l’Aérotrain ne sera même pas tentée pour les versions interurbaines (contrairement d’ailleurs au Suburbain S 44 alimenté lui électriquement).

Le 7 décembre 1976, c’est le début des travaux de la ligne nouvelle entre Paris et Lyon (LGV 01). Les dés sont définitivement jetés. Mais cela vaudra pour des projets étrangers tout aussi ambitieux, comme le Transrapid allemand, le Maglev, à sustentation magnétique, qui seront mort-nés comme le premier ou ne connaîtront que des développements modestes en Chine, loin des ambitions initiales. Seule une liaison japonaise entre Tokyo et Osaka prévue pour

ouvrir en 2027 pourra prétendre porter le flambeau des moyens de transport intervilles alternatifs à grande vitesse. Le bilan, cependant, est maigre. Que restet-il aujourd’hui d’un vol guidé à 5 mm du sol mettant Orléans à vingt minutes de Paris ? La ligne dans la Beauce entre Artenay et Saran est toujours présente, fantomatique, interpellant peut-être encore les enfants d’aujourd’hui... Trop coûteuse à démolir, elle semble figée pour l’éternité, trônant ici au milieu des champs de betteraves, émergeant là, au milieu des bois d’Orléans, près de Saran. Inutile désormais, témoin d’une époque enthousiaste où fleurissaient des desseins ambitieux. Les idées d’exploitation touristique ont avorté. Des projets ont même été faits pour équiper ce ruban de béton de panneaux photovoltaïques. Un artiste, Guy Lozac’h, a habillé quelques centaines de mètres de ses œuvres de la « Géographie Amoureuse ». Puis plus rien... Quoique la démolition de 120 m de ligne en 2007, pour le passage de l’autoroute A 19, fera l’objet d’un mini psychodrame tant les passions restent vives parmi les thuriféraires du projet encore meurtris par la disparition des prototypes S 44, le 17 juillet 1991 et I 80, le 22 mars 1992, dans des incendies d’origine criminelle. Fort heureusement les prototypes 01 et 02 ont été sauvegardés et n’ont pas connu le sort funeste des deux précités. Ils apparaissent ici et là dans des expositions en France et en Europe pour témoigner à leur façon du génie hexagonal contrarié.

Plus au nord, là où elle m’interpellait vers 1975-76, une courte section vers Gometz-le-Châtel a été conservée et remise en état. Des panneaux rappellent aux badauds et promeneurs ce qu’a représenté ce T en béton inversé.

Plus qu’un moyen de transport prometteur, le futur qui était en marche... et ses aléas ! The future is unwritten qu’on vous a déjà dit...

Les différents Aérotrains - L’Aérotrain 01 : 6 places. 200 km/h. Le premier de la portée...

- L’Aérotrain 02 : 2 places, le record du monde de 1967, c’est lui. Il ressemble plus à un avion de chasse qu’à un engin de transport public, mais il a permis de défricher vraiment la grande vitesse sur coussin d’air.

- Le I 80-250/HV : Le modèle « Interurbain » de 80 places prévu pour des vitesses initialement de 250 km/h. Modifié en 1973 avec un turboréacteur et devenu HV (Haute Vitesse) qui permit le record du monde de 1974. C’est lui aussi le dernier à circuler.

- Le S 44 : Le modèle « Suburbain » de 44 places à moteur linéaire électrique. Sa ligne est totalement différente de ses confrères.

La ligne Ruan-Saran en chiffres : Longueur : 18 km.

Nombre de poteaux porteurs : 900.

Structure : Tronçons monoblocs de 120 m en béton. « Stations » : 3. Ruan et Saran aux extrémités sont des plates-formes de retournements, Chevilly au centre y possède un hangar de stockage.

Coût de la construction (en francs) : 24 986 790 francs (hors taxes).

Le S44 est un Aérotrain suburbain à sustentation sur coussin d’air (assurée par un V8 Chevrolet !) et à moteur linéaire qui devait rouler sur le projet de ligne Cergy - La Défense.

Il a malheureusement brûlé dans le hangar de l’ancienne base d’essais de Gometz-la-Ville.

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Le Feu au Lac Glastron Boats – Groupe Bénéteau Images : Glastron Boats – Récit : Jean-Paul Milhé

L’euphorie des années soixante va conduire à l’émergence en Occident d’une véritable civilisation des loisirs. Pour la navigation de plaisance, de beaux jours se préparent...

Les bateaux en résine polyester et fibre de verre sont apparus au sortir de la Seconde Guerre mondiale, bénéficiant des dernières avancées technologiques en la matière, issues de recherches intensives liées à l’effort de guerre. Les Etats-Unis, en effet, ont énormément misé sur la quantité (et la qualité) de matériel mis sur le tapis et une organisation sans faille du ravitaillement, afin de gagner la guerre sans trop tarder et, accessoirement, soigner une de leurs pires angoisses, se retrouver avec un Staline et ses hordes de bolcheviques sanguinaires installés sur les plages de l’Atlantique, prêts à pousser un peu plus loin la chansonnette et à exporter la dictature du prolétariat chez l’Oncle Sam ! Il se murmure même que, faisant peu de cas de l’idéologie nazie, l’intention première du général Patton et de ses sbires, était de fournir aux soldats allemands vaincus un nouvel uniforme, quelques boîtes de corned-beef et de les renvoyer sur le front de l’Est se foutre sur la gueule avec la racaille communiste, le véritable ennemi juré. Bob Hammond, durant le conflit, a travaillé chez Douglas Aircraft au développement de ces matériaux relativement nouveaux que représentaient le plastique et les résines polymères. Le but avoué était bien entendu de rendre le matériel plus facile à produire en très grandes séries mais aussi plus performant, plus léger et

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donc moins gourmand en carburant (le nerf de la guerre qui a poussé Hitler à se risquer, à ses dépends, en URSS tant il frôlait la panne sèche). Les couteaux rangés dans leurs étuis et le calumet de la paix fumé, Hammond intégra la Lone Star Boats de Grand Prairie au Texas.

Là, il bouleversa le destin de ce fabricant de coques de bateaux en aluminium en concevant, en 1953, un bestseller absolu, le « Meteor ». Bénéficiant de toute l’expertise de son créateur, ce bateau en polyester, au design novateur et au coût de revient imbattable, n’aura aucun mal à s’imposer sur le marché.

Mais Hammond voit plus loin que la simple barque de pêche : il pressent un avenir bien plus palpitant dans le secteur en plein boum de la navigation de plaisance. Quinze ans après la fin de WWII, l’économie américaine ne s’est jamais aussi bien portée et le niveau de vie des concitoyens s’élève à vue d’œil. Quand il est en confiance et qu’il a quatre ronds dans la poche, l’Américain consomme. Et il est gourmand, l’animal ! Télévision couleur, four à micro-ondes, chaîne stéréo, air conditionné... il veut tout ! Et comme ce pays favorise et encourage la réussite personnelle, les fortunes se font (et se défont parfois) et une nouvelle génération d’oisifs fortunés voit le jour.

Il faut bien les occuper, ces gens-là...

Sports d’hiver, golf, piscine individuelle, de nombreux segments du marché des loisirs vont bénéficier de cette embellie économique. Bob Hammond sent bien qu’il faut s’engouffrer dans la brèche et proposer des bateaux de plaisance plus accessibles, plus esthétiques, plus ergonomiques, plus puissants et plus confortables. Par rapport au bois, le polyester présente un avantage non négligeable : il ne demande que peu d’entretien, une aubaine pour cette caste de rentiers bedonnants qui se voit mal passer ses week-ends la toile émeri et le pinceau à la main.

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Au terme d’un casting judicieux, Hammond va s’associer avec Bill Gaston, un concessionnaire de bateaux d’Austin, très au fait des tendances du marché, Robert Shoop, un redoutable businessman à la tête de Capitol Casket Co., et enfin Guy W. Woodward, qui dirige une firme commercialisant... tous les produits entrant dans le processus de fabrication de pièces en polyester. De cette association, va naître en 1956, une marque promise à un bel avenir, Glastron (« glas » pour le matériau et « tron » parce que ça faisait hightech). C’est avec une levée de fonds de $ 25,000 et un garage loué à Arlington que va démarrer la success story. L’un des tout premiers bateaux conçus et fabriqués par Hammond, un très élégant 15 pieds, constituera aussi le salaire du premier employé de la firme, un magasinier du nom de Mel Whitley, qui avait fait des pieds et des mains pour se joindre à l’aventure. Une petite unité de production est construite à Austin, non loin de la concession Gaston, elle-

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même installée près du gigantesque lac Travis, bien pratique pour effectuer des essais clientèle et achever de convaincre les prospects les plus récalcitrants à faire tomber l’oseille... Vingt-quatre bateaux furent construits en cette première année de production : un véritable exploit ! Beaux, bien conçus, bien finis, bien équipés, bien motorisés, ils trouveront preneurs sans souci. En 57, deux modèles sont proposés au catalogue, toujours sur la base du 15 pieds, le « Fireflite », qui trahit par sa finition luxueuse l’orientation que souhaite emprunter la marque et le « Surf-flite », à vocation plus utilitaire, doté d’une banquette plus sommaire et

de nombreux rangements pour le matériel de pêche.

Au niveau du bureau du marketing, on s’agite déjà du bulbe et Glastron est la première marque à proposer un nuancier de couleurs variées (Matador Red, Fire orange, Charcoal grey et Aqua blue), à l’image de ce qu’il se fait dans l’industrie automobile. En 1958, apparaît le premier hard-top de l’histoire, la gamme s’élargit vers de plus petits gabarits (14’) mais le fait le plus marquant, c’est l’apposition sur les flancs de la coque, d’une très élégante moulure chromée dans le plus pur style de celle qui orne ceux du modèle Bel Air millésimé 1957 de la marque Chevrolet. Avec leurs phares intégrés, leur pare-brise panoramique, leur abondante ornementation chromée et des lignes galbées, évoquant sans détour les belles voitures américaines de cette fin des années cinquante, les bateaux Glastron se démarquent de la concurrence et s’identifient au premier coup d’œil. La marque commence à faire parler d’elle, en bien, et cette petite musique douce parvient jusqu’aux oreilles de trois collaborateurs d’un important journal de presse écrite d’Austin. Ils décident, en collaboration avec la firme, de rallier Houston à New York, via le golfe du Mexique et la côte atlantique, soit un voyage de près de 4 200 km, parcourus en 10 jours à bord d’un modèle « Seaflite » de 17’, propulsé par une paire de fringants moteurs Johnson hors-bord. Ce petit coup de com’ et un bouche-à-oreille plus que favorable, portent les ventes de l’année à 900 exemplaires et pas loin de $ 500,000 de chiffre d’affaires ! Dès 1960, il faut pousser les murs pour faire face à la demande : l’usine est donc agrandie et sa surface portée à 3 000 m2. De présentations de nouveaux modèles toujours plus novateurs (plus de 30) en couronnes de laurier glanées sur maintes compétitions sportives, Glastron poursuit son irrésistible ascension, malgré un marché qui commence à s’essouffler. Et c’est là qu’intervient James Bond ! Pour le vol plané en bateau que prévoit le scénario du 8e opus de la série, « Vivre et laisser mourir » (« Live and let die ») tourné en 1973, c’est en effet un Glastron GT-150 qui est retenu.

Enfin, un...

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Sur les vingt-six exemplaires livrés à la production, dixsept furent pulvérisés dans cette cascade à la hauteur des ambitions de l’agent secret de sa Majesté ! On est encore loin des 250 bagnoles neuves que bousilleront les Blues Brothers, en 1980, dans un des plus grands carnages de tous les temps, mais tout de même... Qu’on se rassure, c’est bel et bien un cascadeur professionnel qui se tassera les vertèbres dans l’opération, et non pas Sir Roger Moore. Au Guinness book, le record du saut en bateau (34 m) est par ailleurs toujours porté au crédit de Glastron, et cela pourrait perdurer. Bien entendu, le succès du film en salles obscures viendra abonder la notoriété de Glastron auprès d’un public de connaisseurs, ce qui arrange bien les affaires de la marque qui s’essaie, depuis la fin des années soixante, à l’export. Une usine d’assemblage a même été inaugurée en 1970, en Yougoslavie. Le succès n’empêchera cependant pas Bob Hammond de se retirer en 1974, après 17 ans d’une implication sans failles, afin de fonder sa propre entreprise à taille plus humaine, Hammond Boats, qui commercialisera, de 1976 jusqu’au milieu des années quatre-vingts, une chouette ligne de bateaux dont il avait le secret. Vendue en 1990 à Genmar Holdings, Glastron, aujourd’hui, a intégré le giron du groupe français Bénéteau. Oui, vous avez bien lu, une entreprise française de calibre international, s’est payé un des fleurons de l’industrie nautique américaine !

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FRANÇOISE SAGAN ET LES VOITURES DE SPORT Images : Pierre-Yves Gaulard – Récit : Jean-Paul Milhé

Bonjour Vitesse En 1969, Françoise Sagan publie « Un peu de soleil dans l’eau froide », son huitième roman. Comme la personnalité de son auteur, l’œuvre divise...

Françoise Quoirez, allias Françoise Sagan, vient au monde en juin 1935, à Cajarc dans le Lot, une charmante bourgade pas si anodine qu’il n’y paraît, puisque Pompidou en fut conseiller municipal de 1965 à 1969 justement (l’année de son accession à la présidence de la République), que Coluche y interpréta pour la première fois son rôle de Papy Mougeot pour le jeu télévisé « Le Schmilblick » de Guy Lux et que la célèbre proxénète Mme Claude y possédait une ancienne bergerie dans laquelle venaient se reposer ses petites protégées. C’est avec son premier roman, « Bonjour tristesse », paru en 1954, que Sagan est immédiatement propulsée, à l’âge de dix-huit ans, en tête des ventes de livres en France mais aussi à l’étranger, ce qui lui permet de quitter la cambrousse et de s’installer à la capitale où elle va brûler la chandelle par les deux bouts. Sagan n’aimait pas que les belles autos, elle aimait par-dessus tout la vitesse, de préférence, les cheveux au vent : toute sa vie, les décapotables à vocation sportive auront eu sa faveur. Rarement auteur n’aura autant noirci de lignes sur ce sujet que Sagan : « Qui n’a jamais aimé la vitesse n’a jamais aimé la vie — ou alors, peut-être, n’a jamais aimé personne ». Carrément ! Madame n’est pas forcément fidèle en revanche : un temps, le pognon coulera à flots, elle pourra se le permettre, alors Cendrillon changera souvent de carrosse. Elle jette en premier son dévolu sur une Jaguar XK 120.

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Si Sagan avait succombé au charme de la 1ère série de XK, la 120, Pierre-Yves nous présente ici une 140, sa digne héritière apparue en 1954.

Apparue en 1948 au catalogue de la marque, soit tout juste vingt ans après la création de celle-ci par un certain William Lyons, la XK se distinguait du reste de la production mondiale de l’époque, par un moteur 6 cylindres en ligne, dérivé de celui de la SS mais surmonté d’une très performante culasse à double arbre à cames en tête (Double Over Head Camshaft), qui lui autorisait une vitesse de pointe de 192 km/h, soit 120 mph, d’où son nom de baptême. Dotée d’une ligne So British et proposée à un tarif plus qu’attractif, la XK va rencontrer un succès tel que Jaguar va devoir modifier son outil de production afin de transformer la structure en bois recouverte de panneaux d’aluminium en une coque tout acier, moins fastidieuse à produire.

Deux cents exemplaires seulement de coques alu auront été livrés à une clientèle de privilégiés impatients, alors si aujourd’hui vous approchez un aimant de la carrosserie d’une XK proposée à la vente et qu’il n’adhère pas, soit vous avez touché le Tiercé dans l’ordre, soit la voiture

est recouverte à outrance de mastic polyester et dans ce cas, fuyez ! La XK deviendra LA voiture des stars par excellence, le tout Hollywood ne voyait que par elle, glamour oblige. Les folles nuits parisiennes vont donc retentir elles aussi, du son rauque du 3,4 l poussé dans ses derniers retranchements et des craquements de la boîte Moss qui exigeait un double débrayage à la montée et à la descente, entre la première et la deuxième vitesse : « ces bruits subtilement harmonieux à l’oreille et au corps ». Pourtant, au cours de l’été 1956, c’est aux manettes de rien de moins qu’une incroyable Gordini type 24 S bleu France qu’on peut croiser (ou se faire doubler !) Françoise Sagan. Cette chariote n’est rien de moins qu’une véritable voiture de course ayant couru les 24 Heures du Mans ! Afin de bien maîtriser la bête et s’octroyer, au passage, davantage de sensations, Sagan n’hésite pas à se faire donner des leçons de pilotage par Dédé La Sardine, allias André Guelfi, un ancien pilote reconverti dans les affaires.

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Elle prend confiance, la Sagan, et cela lui jouera des tours, comme à tout un chacun. En 1957, la dure loi de la gravité va se rappeler à son bon souvenir (et à celui de ses trois passagers) : c’est du côté de Milly-la-Forêt, dans l’Essonne, que les secours vont l’extraire de ce qu’il reste de l’Aston Martin DB 2/4 qu’elle vient de mettre sur le toit au petit matin du 13 avril. Pendant son séjour à l’hôpital, elle croisera la route du Palfium 875, un produit dérivé de la morphine qui la soulagera de ses douleurs physiques : pour le restant de ses jours, les « produits » feront désormais partie du voyage...

Sitôt remise, elle remontera en selle, prêtant son image à l’ingénieur Jean Albert Grégoire, romancier à ses heures et chantre de la traction avant, afin d’assurer la promotion de la Grégoire Sport. En 1958, retour aux belles petites anglaises avec une AC Bristol rouge pompier, suivie deux ans plus tard par une Ferrari 250 GT Spider California, une folie. S’en suivront une Jaguar Type E et un retour chez Aston, au travers d’un coupé DB6, première infidélité aux roadsters et autres cabriolets. En 1966, c’est un autre coupé DB6 que lui livre le garage Mirabeau, concessionnaire Aston Martin pour la France. En option, Sagan a commandé un moteur Vantage et un pont autobloquant. Un amateur d’origine suisse découvrira cette auto quelque part au fin fond de la Bourgogne, chez un petit garagiste, boîte de vitesses cassée. En parallèle, Sagan publie, des romans, des pièces de théâtre, des traductions, des adaptations. Pour ce désinvolte « petit monstre », tel que l’avait surnommé François Mauriac en Une du « Figaro », l’écriture est un besoin vital, comme celui de glander ou de festoyer. C’est même la seule activité qui la pousse à sortir de son lit... en début d’après-midi.

Moteur avancé pour plus d’espace dans l’habitacle, nouvelle direction à crémaillère, pare-chocs plus enveloppants, calandre remaniée, la 140 s’embourgeoise par rapport à la 120, qui restera la petite sauvageonne de cette lignée de Jaguar.

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Dans le rôle du « charmant petit monstre » tel que l’avait surnommé François Mauriac, Pauline s’est prêtée avec beaucoup de docilité aux facéties de Pierre-Yves, derrière l’objectif : qu’elle en soit grandement remerciée !

Elle joue aussi, et elle gagne parfois, même si elle finira comme bien souvent, criblée de dettes. Un de ses gains au Casino de Deauville (8 millions de francs tout de même !) lui permettra de s’offrir en 1958 le manoir du Breuil à Equemauville, près d’Honfleur.

Elle suivra ainsi les conseils avisés de son père à propos de l’argent : « A ton âge, c’est dangereux : dépensele ! » Ce qui inspire son œuvre, c’est ce qui l’entoure, la petite bourgeoisie désœuvrée et futile, qui s’ennuie en se contemplant le nombril, qui se contente de passer le temps en s’inventant des problèmes là où d’autres

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trouveraient des solutions. La « petite musique » qui s’échappe de l’œuvre de Sagan évoque la passion, la sensualité, les ruptures amoureuses, les escapades à Deauville pour aller sucer des écrevisses, la température de l’eau à Saint-Trop’, les problèmes d’étanchéité de la capote de la Jag’ et tous ces trucs passionnants. Il y a un public pour ça. Alors bien sûr, pour se donner bonne conscience, elle n’hésite pas à s’engager, le stylo à la main, pour signer des pétitions, parce que la guerre, c’est moche... En mai 1968, à son arrivée en assemblée générale des étudiants grévistes au théâtre de l’Odéon, elle est interpellée de la sorte : « La camarade Sagan est venue dans sa Ferrari pour encourager la révolution ? » « Faux, rétorque-t-elle. C’est une Maserati ! » Mais alors, quid du bouquin paru en 1969, « Un peu de soleil dans l’eau froide ? » Je dois avouer qu’en ce qui me concerne, j’ai calé à la page douze, et j’en resterai là. Ça devait parler d’amour ou de conneries dans le genre !

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45 €

D r SP E N C ER R EID

DI MAGGIO

Sac bandoulière en feutre de 3 mm d’épaisseur, rabat avec fermeture par bande auto-agrippante, deux pochettes à l’avant, bandoulière réglable

Casquette baseball 100 % coton peigné, visière préformée, fermeture à clip réglable au dos, couleur : gris Sérigraphiée

42 €

22 € ROBBIE

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Lunettes de soleil en matière synthétique, protection UV-400 selon normes européennes, coloris blanc, taille unique

Clé USB en cuir avec anneau à clé utilisable en Plug & Play sous Windows, Mac et Linux, fonction Autorun, capacité de stockage de 2 Gb

22 €

22 € Flasque à alcool, inox brossé, bouchon à visser, contenance 200 ml, gravée au laser

contact@carlingue.net 96

45 €

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BOOTLEG

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T W O PA C K

Sweat à capuche gris chiné 75 % coton / 25 % polyester doublé fleece 270 g/m² fermeture éclair métal sérigraphié Tailles S au XXXL

Duo de stylos Carlingue : un stylo en aluminium à encre bleue, insert perfect grip en caoutchouc, clip, pointe et anneaux en métal, plus un stylo bois en hêtre massif, encre bleue, clip et pointe chromés.

65 €

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TIME TO RACE

Parapluie en nylon, cadre et manche en métal, poignée bois, diamètre 127 cm Impression sublimation

Montre homme avec boîtier en acier argenté verre minéral bracelet cuir noir Sérigraphiée

55 €

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Insolite

La Vie Moderne Dur de statuer sur le cas de l’Allemand Martin Kersting.

Ce Monsieur vient en effet de consacrer tout son temps libre, pendant trois longues années, à restaurer à la perfection une moto MZ ES 250/2 de 1969. Conçue et assemblée en ex-Allemagne de l’Est, cette machine somme toute rustique, au doux parfum chatoyant typique de l’ancien bloc de l’Est, a été surnommée dès son apparition sur le marché, le tube cathodique, en raison de l’esthétique fluide et aérienne de son bloc optique frontal. A vrai dire, tout est moche sur une MZ, et Martin ne se vexera pas puisque c’est lui qui l’affirme.

Et il s’y connaît en canon de beauté, le bougre, lui qui porte comme personne des chaussettes noires dans ses claquettes bleues. Et il n’a pas attendu que ce soit la mode, lui. Nu-pieds en cuir ou en plastique, crocs, espadrilles... le placard à chaussures de cet esthète regorge de trésors à faire pâlir d’envie une star de Bollywood ! En tout cas, quand il restaure, il ne fait pas semblant, et quand on connaît la piètre qualité des matériaux utilisés de l’autre côté du mur, un tel résultat force le respect. Décortiqué jusqu’au dernier boulon, le tracteur (quelqu’un a dit « la moto » ?) a bénéficié dans les moindres recoins du travail acharné de ce maniaque des têtes de vis bien alignées, qui préférerait se flageller les abricots avec

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un bouquet d’orties plutôt que d’utiliser deux types de rondelles différents lors du remontage d’une pièce.

Il n’en est pas fier, mais Martin s’est tout de même autorisé trois entorses à la fiche technique d’origine : un passage en 12 V de tout le système d’allumage, avec des ingrédients modernes, le remplacement du carburateur d’origine par un homologue qui fonctionne et qu’on peut éventuellement tenter de régler et la pose d’une selle de type militaire, en deux parties, parce que le canapé-lit originel avait tendance... à alourdir la ligne.

Le plus étonnant dans cette histoire, c’est que blague à part, ce motard 100 % pur jus roule avec sa machine, si ! Et il ne rechigne pas à mettre la poignée en coin, le type, jusqu’à 120 km/h en pointe, voire 125 par beau temps et vent arrière. Il se délecte même du doux ronron de son moteur bicylindre de 19 cv qui, malgré ses 48 balais, chuque encore ses 4,5 l aux cents... Alors, Monsieur le Président, concernant mon client, deux choix s’offrent à vous, en votre âme et conscience : la chemise blanche avec les manches attachées dans le dos ou la médaille du mérite. Cruel dilemme...

Modèle : Cruz Couleur : Cola Autonomie : 56 km Vitesse : 38 km/h en mode Race DurÊe de rechargement : 2 heures

The Ride of a Lifetime www.vintageelectricbikes.com

14 € #6 Juillet/Août/Septembre 2017

Les Éditions Maison Rouge 4, rue de la Corne, 58240 Chantenay-Saint-Imbert