Carlingue#7 - Happy Planet

Page 1

Happy Planet

100% VINTAGE USA ‘45 COLT ACP ‘64 FORD GAS TURBINE THE CONVERSE ALL STAR MISSISSIPPI PADDLE BOATS ‘37 WILLYS COUPE SURVIVOR ‘32 MODEL B PICK-UP ROADSTER PALM SPRINGS by TOM BLACHFORD ‘42 VOUGHT V-173 FLYING PANCAKE ‘62 LESOVSKY INDIANAPOLIS ROADSTER

07

#


Véhicules neufs & occasion Importation Homologation Recherches personnalisées Entretien Pièces détachées Préparation Conception et réalisation

88 Avenue de la Libération F-84150 Jonquières jf@jfauto.com

© Studio Carlingue

tél.: 04 90 70 59 50


É D I T O

En 1962, Bourvil nous vantait les mérites du clair de lune à Maubeuge et des croisières sur la Meuse. Nous, notre bain de lune, c’est sous le ciel de Californie, à Palm Springs plus exactement, que nous allons le prendre. Tom Blachford sera notre guide, matériel photographique en main. Son sujet de prédilection ? L’architecture mid-century et les jolies bagnoles, tout un programme ! On tentera ensuite de prendre un peu de hauteur, le temps d’une journée en compagnie de Boone Guyton, un pilote d’essai américain à qui les ingénieurs en ont fait voir des vertes et des pas mûres... Vert justement, c’est la couleur retenue par Jim Moore lorsqu’il a construit ce ‘32 pick-up roadster hi-boy. Et si le vert est censé représenter l’espoir, c’est aussi une couleur synonyme d’échec et d’infortune, au théâtre par exemple. Malheureusement pour lui, Jim Moore va passer successivement par toutes ces étapes, parce que les histoires de Moore finissent mal, en général. En 1962 toujours, Lujie Lesovsky construit un de ces petits roadsters à moteur Offenhauser dont il a le secret, afin de permettre au team d’Elmer George d’accrocher une nouvelle victoire aux 500 Miles d’Indianapolis. Le but ne sera pas atteint mais l’auto, restaurée à la perfection s’est vendue $300,000.00 récemment aux enchères, l’occasion pour nous de faire une brève incursion dans plus de cent ans d’histoire du prestigieux championnat Indy Car, aujourd’hui malheureusement détrôné, en terme de popularité, par la Nascar. Et pour nous remettre de nos émotions, c’est sur le Mississippi et non pas sur la Meuse (ce n’est que partie remise, ou remeuse, c’est selon) que nous effectuerons notre croisière : Benjamin est à la barre et nous raconte les origines du bateau à aubes. Sur le pont numéro deux, le jambon braisé se dore la pilule sous la lampe à infrarouges, le jambalaya d’écrevisses et le riz aux haricots rouges n’attendent que vous. Pour finir, je vous invite à pousser la porte de la grange et à découvrir le Saint Graal absolu, un coupé Willys de 1937 dans son jus, un des rares qui n’aient pas été transformés en hot-rod. Vous l’aurez compris, la lecture de ce #7 va être sportive : je ne saurais que trop vous conseiller de glisser un Colt 45 ACP dans votre ceinture, au cas où, de farfouiller dans votre placard à chaussures et de vous munir de votre paire de baskets Converse. Si, si, cherchez bien, on en a tous eu, à un moment donné ou un autre, une paire de Converse All Star dans son existence, ou alors, on a raté sa vie ! Jean-Paul Milhé


SO MMAIRE 08

LES NEWS Quoi de neuf dans la sphère vintage ?

18

CADDY POWERED

‘32 Ford Pick-Up Roadster

07

#

40

T H E F LY I N G PA N C A K E L’avion expérimental Vought V-173 de 1942

28

MIDNIGHT MODERN Palm Springs under the Moonlight by Tom Blachford


46

CONVERSE A L L S TA R La chaussure de basket la plus connue au Monde depuis 1917

54

SIXTY INDY Brève incursion dans les 500 Miles d’Indianapolis

94

ABONNEMENTS

96

68

LA BOUTIQUE

‘64 FORD GAS TURBINE The Truck by Ford Motor Company

76

MISSISSIPPI CRUISING Les bateaux à aubes

84

62

TOUT FEU, TOUT FLAMME Le Colt 45 ACP Le Colt 45 ACP

98

BARN FIND

INSOLITE

Willys coupé 1937 1ère main

La vie moderne


DI R EC T EU R D E L A PU B L I CATI O N Jean-Paul Milhé Ré dacteur en c h e f Jean-Paul Milhé redaction@carlingue.net 06 34 37 20 18 (nouveau numéro) C O N C E P T E U R G R A PH I Q U E Geoffroy Gatt M A Q U ET T E Jean-Pierre Garrat - JPEX Team maquette@carlingue.net PU B LI C I T É pub@carlingue.net 06 34 37 20 18 (nouveau numéro) W E B M A S T ER Evelyne Milhé-Lahmar webmaster@carlingue.net O N T C O LLA B O R É À CE N U M É R O Geoffroy Gatt, Philippe Cousyn, Benjamin Hebert (lagazettedhector.fr), Jim Maxwell, Didier « Fox » Renard et Chad Reynolds. LA R EVU E C A R L I N GU E est publiée par les Éditions Maison Rouge SASU au capital de 1000 € - RCS Nevers SIREN 819 160 060 4, rue de la Corne 58240 Chantenay-Saint-Imbert IS S N 2493-819X C P PA P 0517 K 93048 DÉ P Ô T LÉ G A L à parution A N C I EN S N U M É R O S Le bon de commande se trouve en page 94 ABONNEMENTS Le bulletin d’abonnement se trouve en page 95 BOUTIQUE La boutique se trouve en pages 96-97 www. c arlin gue . n e t LA R EVU E C A R L I N GU E

est imprimée en Espagne par : Litografia Rosés Carrer Progrès 54-60 08850 Gavà (Barcelona) Tel. 00 34 936 333 737 www.litografiaroses.com L’envoi de textes ou d’illustrations implique l’accord des auteurs et modèles pour une utilisation libre de droits et suppose que l’auteur soit muni des autorisations éventuellement nécessaires à la diffusion. Les documents, insérés ou non, ne pourront être rendus. La rédaction n’est pas responsable de la perte ou de la détérioration des textes ou des photographies qui lui sont adressés pour appréciation. La reproduction, même partielle, de tout matériel publié est interdite (article L122-4 du Code de la propriété intellectuelle).

La r e v ue Car lin g ue e st é dit é e par : Le s É dit io n s M aiso n R o ug e


7


vidéo club

L’AMI AMERICAIN (1977) Atteint de leucémie, Jonathan Zimmermann, propriétaire d’un atelier d’encadrement à Hambourg, se sait irrémédiablement condamné. Il rencontre un jour l’Américain Tom Ripley, trafiquant de tableaux. Ce dernier présente à Jonathan l’un de ses amis, qui lui propose de tuer un inconnu contre une forte somme : Jonathan accepte, offrant ainsi une « assurance-vie » et un avenir à sa famille. C’est le début d’une spirale inéluctable... L’Ami Américain de Wim Wenders, genre Thriller, avec Dennis Hopper, Gérard Blain et Bruno Ganz, DVD sorti en 2003, distribué par New Yorker Films.

AMERICAN HERO Melvin est super-héros malgré lui. La trentaine bien entamée, il habite encore chez sa mère et ne vit que pour la fête, les femmes et la drogue. Jusqu’au jour où il réalise que la seule façon pour lui de revoir son fils, que la justice lui interdit d’approcher, c’est d’accepter son destin, et d’exploiter ses super pouvoirs pour lutter contre le crime. Mais dans un monde dans lequel personne ne comprend ni sa situation, ni d’où il tient ses incroyables pouvoirs, ces derniers pourraient bien causer sa perte... American Hero de Nick Love, genre : comédie fantastique, avec Stephen Dorff, Eddie Griffin et Luis Da Silva, DVD sorti en 2016, distribué par Chrysalis Films.

THE ADVENTURES OF FORD FAIRLANE Los Angeles, 1989. Ford Fairlane, détective privé évoluant dans une vie des plus dissolues et aux méthodes extravagantes et peu orthodoxes, doit enquêter sur la mort mystérieuse en plein concert de Bobby Black, star montante du Heavy Metal. Son vieil ami, Johnny Crunch, avec lequel il avait fondé jadis un groupe de rock’n’roll, le sollicite afin de mener l’enquête et plus particulièrement de retrouver une groupie nommée Zuzu Pétales, qui se trouve peut-être liée au meurtre de Bobby Black. Hélas, peu de temps après, Johnny est assassiné à son tour. La confrontation de Fairlane avec le magnat du disque local, Julian Grendel, ne fera qu’attiser sa curiosité et l’incitera à mener à bien son enquête. The Adventures of Ford Fairlane, réalisé par Renny Harlin, avec Andrew Dice Clay, Wayne Newton, Priscilla Presley et Morris Day, durée 104 mn, sorti en 1990, produit par Twentieth Century Fox.

8



Style C ouncil by Ed Fairlane

Le hasard fait parfois bien les choses. Lors d’un séjour à Barcelone, une visite au Palau de la Música Catalana est un incontournable de tout bon touriste qui se respecte. Ce joyau, situé barri Sant Pere, m’a fait découvrir une pépite d’un autre genre. En déambulant sur cette modeste artère, à quelques encablures de là, une devanture de magasin a capté mon regard : Bramby Supply Company. S’offre alors à mon regard ébahi une présentation de bon aloi fleurant bon l’Americana et les produits Union Made où les matières nobles sont reines. Rien à voir ici avec la foultitude d’attrape-touristes si communs dans la capitale catalane. Dès cette vitrine soignée, on est ainsi plongé dans l’ambiance du maître des lieux. Dans un cadre feutré et avenant, mélangeant show room et atelier, nous découvrons les spécialités de la maison, tabliers sur mesures, chemises et sacs, en compagnie du maître des lieux, Fernando Brambilla. Chaleureux à souhait, ce dernier a un parcours qui ne détonne pas avec ses productions de belle facture. Argentin de naissance, issu d’une famille versée dans la chose automobile version Made in Detroit et V8, un père pilote à ses heures, luimême très versé dans la question, il pose ses valises à Barcelone avec derrière lui une carrière dans le domaine de la confection, faite de collaboration avec des marques réputées comme Levis. Cela donne évidemment quelques repères pour se lancer dans une aventure artisanale où le fait main a encore toute sa signification. Travaillant d’abord le denim et le cuir, ses matières de prédilection, il se lance avec un produit phare, le tablier en denim 13 oz avec brelage en cuir argentin (of course !), fait sur mesures, avec une attention toute particulière aux détails. Notez qu’une version en toile épaisse est aussi disponible. Le succès étant au rendezvous, ses productions s’écoulent dans le monde entier que ce soit pour des artisans, des serveurs de bars hype, des vendeurs, etc. Des sacs sur le même principe ont suivi, ainsi que des chemises. Il faut souligner que ces dernières ne sont pas produites carrer Sant Pere mais dans un atelier artisanal spécialisé de la périphérie barcelonaise, cependant toujours avec les mêmes hauts standards,

Bramby Supply Company

10

en très petites séries, et toujours sous sa surveillance. Les matières sont rigoureusement sélectionnées et il n’hésite pas à traverser les océans jusqu’à l’Empire du Soleil Levant pour sélectionner les meilleurs denim et chambray Selvedge produits là-bas. L’avenir proche verra peut-être apparaître ses premiers pantalons et pour maîtriser encore mieux tout le processus de fabrication, il envisage d’installer un atelier complet chez lui ! Cela augure encore de belles réalisations à n’en pas douter... Quelle que soit votre activité professionnelle, il sera heureux d’échanger avec vous pour réaliser ce tablier sur mesures, à vos couleurs, qui vous permettra de vous démarquer de belle manière. A défaut, un coup d’œil sur son site vous permettra de découvrir ses produits et son univers.

Où : Bramby Supply Company Carrer Sant Pere Més Alt, 36 08003 Barcelona Horaires : du mardi au samedi de 15 h 30 à 20 h 30. Contact : Tél. +34 678 729 722. info@brambysupply.com - www.brambysupply.com Langues parlées : Espagnol/Anglais.


Entretien réparation restauration préparation

© Studio Carlingue

développement

Laurent Arnould Quartier Montéou, 83830 Figanières Tél : 06 13 54 91 93 laurent.arnould2@free.fr

ABONNEZ-VOUS!

26 rue de la Chaiserie 25260 Colombier-Fontaine 06 74 86 27 71 www.rt-garage.com

Le bulletin d’abonnement se trouve page 95

© Studio Carlingue

Import et vente de véhicules US vente de pièces détachées Entretien - Réparation Installation GPL


V INTAG E MAR K ET

Converse All Star Low Vintage Baskets basses, drapeau USA, coton délavé pierre. Pointures disponibles : du 36 au 45. 69,90 € - www.spartoo.com

Halter American Flag Robe style vintage à boutons, matière : polyester. Drapeau USA - Tailles : du S au 2XL 35,00 € (port compris) - www.dresslily.com Field Notes Desk Kit Carnet de notes, agenda, répertoire, cahier à spirale et stylo Space Pen Made in Chicago - $164,95 www.fieldnotesbrand.com

Campbell’s Tomato Soup Soupe à la tomate en conserve Boîte de 305 grammes. 2,95 € - www.usgroceries.fr

12

Allyn Scura Legend 031-01 Ecaille de tortue finition miel. Pont en trou de serrure 1940s - 1970s - Origine : Japon. Verre minéral traité anti UV www.allynscura.com


Vines American Bay Rum Lotion capillaire, revitalise et tonifie le cuir chevelu. Parfum masculin et épicé, flacon de 200 ml 9,25 € - www.gouiran-beauté.com

Inglese 4 x 48-IDA Pipe d’admission pour v8 small block Chevrolet. 4 carburateurs double corps type Webar 48-IDA. Revêtement de surface idem finition Holley. $ 4,495 + accessoires. www.jiminglese.com Milwaukee by Jacques Seban Fauteuil de barbier entièrement articulé. Revêtement PVC, structure acier. Noir, marron vieilli, rouge ou bleu 1 160,00 € - www.malys-beauté.com

Heatflow Free Flow Poêle à bois canadien avec échangeur thermique à six tubes - combustion optimisée - foyer en brique réfractaire CA$999,00 - www.woodcookstoves.ca

Fisher Space Pen 400SB-50 50e anniversaire, finition noir laqué, encre noire PR-4. Pointe moyenne. $35,00 - www.spacepen.com

13


tatapoum

La Suède, au total, c’est à peu près 10 millions d’habitants, juste un peu moins que Paris et son agglomération. C’est dire si à la cambrousse, on ne se marche pas sur les arpions... Paradoxalement, ce pays plein de charmes et d’atouts (non, pas la gastronomie !), est celui qui enregistre le plus grand taux de suicide en Europe. Cela vient de la lumière, ou plutôt du manque de lumière sous ces latitudes, dû à la position inclinée de l’axe de la Terre par rapport au Soleil. Alors les Suédois tentent de compenser leur carence en vitamine A qui influe directement sur le moral, en plaçant un peu partout dans leurs intérieurs, des bougies, des loupiottes et d’autres trucs dans le genre. La lumière, Daniel Kordelius (guitare et chant), Johan Svensson (batterie et chœurs) et Tobias Einestad (contrebasse, guitare et chœurs), la portent littéralement en eux. Formé en 2004 à la capitale, Stockholm, leur groupe, The Domestic Bumblebees, s’est forgé une réputation en titane massif sur les tréteaux des plus grands festivals de rock’n’roll de la Planète, en distillant une musique qui s’est popularisée aux USA dans les années cinquante

14

et qui revient comme jamais sur le devant de la scène. Comme le disait Claude François, tout est une question de voltage : pour les Domestic Bumblebees, bye bye le 110 V poussif, welcome le 220 ! L’outrecuidante énergie rock que ces trois-là infligent aux vieux standards n’est pas sans rappeler celle d’un certain Chuck Berry lorsque ce dernier s’est autorisé à amplifier le son de sa guitare électrique au point de faire saigner les tympans de plus d’un gardien du temple ! Et pour avoir assisté à un de leurs concerts à Calafell, en Espagne, dans un petit club branché, je peux vous certifier que ces garçons-là ne se la pètent pas le moins du monde, ils sont heureux d’être là et de distribuer du bonheur à un public chaud-patate qui le leur rend bien. Alors bien sûr, la production en studio, même si les enregistrements s’effectuent dans les conditions du live, a tendance à émousser quelque peu le dard de nos bourdons domestiques, mais il faut bien reconnaître que les quatre albums (dont un, Good Time Blues, un 33 T vinyle pressé en 2008, est déjà épuisé !) ont cette vertu rare de prolonger le plaisir jusqu’à la maison. Ils sont jeunes, ils sont beaux, ils jouent bien... Les salauds ! www.domesticbumblebees.com


Parce que le futur, c’était mieux avant...


rewind

Billy Redden A l’âge de 16 ans, le jeune Billy Redden est repéré dans la cour de son lycée en Géorgie, un Etat du Sud coincé entre la Caroline du Sud à l’Est, le Tennessee au Nord, l’Alabama à l’Ouest et la Floride au Sud. Celui qui valide ce casting, c’est un certain John Boorman, jeune réalisateur anglais de son état, qui s’est déjà fait grandement remarquer au bout de quatre films de cinéma à peine, dont l’imparable « Duel dans le Pacifique », en 1968, mettant en scène dans un huis-clos étouffant, Lee Marvin et Toshiro Mifume. Pour l’heure, Boorman a en tête l’adaptation d’un roman de James Dickey publié en 1970, « Deliverance » (« Délivrance »), l’histoire de quatre copains de la ville, Atlanta, qui décident le temps d’un week-end, de descendre en canoë une tumultueuse rivière avant que celle-ci et toute la vallée dans laquelle elle se déverse, ne soient totalement inondées par la construction en aval, d’un barrage électrique. Cette histoire, qu’on peut décrypter à plusieurs niveaux, c’est celle avant tout d’une Amérique qui cesse d’admirer son nombril, ses pectoraux saillants et ses biceps biens huilés pour observer son propre trou du cul après la turista. Avec son visage allongé et ses yeux légèrement bridés, Billy Redden correspond parfaitement au profil de l’un des personnages qu’a en tête John Boorman, celui d’un jeune redneck fleurant bon la consanguinité supposée des contrées isolées de tout. Des heures de maquillage seront en fait nécessaires afin de transformer le jeune Billy en débile profond, capable de tenir la dragée haute à l’acteur Ronny Cox, dans une joute musicale devenue complètement culte, « Dueling Banjos ». Cette ritournelle au rythme effréné et aux ascensions vertigineuses, a en fait été composée sous le titre « Feudin’ Banjos », en 1955, par Arthur Smith qui, lors de l’enregistrement initial utilisait un plectrum banjo à quatre cordes tandis que son ami Don Reno lui répondait sur un banjo de bluegrass à cinq cordes, d’où le « s » à banjos. La version du film, en 1972, a été arrangée et réenregistrée en studio (au banjo et à la guitare acoustique, donc) par Eric Weissberg et Steeve Mandell, version qui se classera pas moins de 4 semaines à la 2e place du Billboard Hot 100, 1ère position aux classements Cash Box et Record World pendant une semaine et 5e au Singles Chart Hot Country. S’en suivra une mémorable procédure en justice, le morceau ayant été adapté et interprété sans l’accord de son auteur. Celui qui n’a jamais vu non plus une trace du pognon qu’a généré le film (un véritable

16

succès international au box office), c’est Billy Redden. Un temps magasinier dans un Walmart, c’est à la plonge du Cookie Jar Café de Clayton que le retrouve Monsieur Tim Burton en personne, en 2002. Ça vous est sans doute passé au-dessus de la cafetière, mais le bonhomme qui accueille, en leur jouant un air de banjo, les nouveaux arrivants dans la ville de Spectre, dans « The Big Fish », c’est... Billy Redden ! Pour info, le jeune homme était incapable de jouer la moindre note de banjo, et c’est dans un costume sur mesures qu’il se glissera lors du tournage de la fameuse scène (une des premières scènes du film tournées) : les mains croisées dans le dos, il laissait un musico professionnel passer ses bras dans les manches de sa chemise de pécore... Dans trois mois, si Dieu nous prête vie, nous retrouverons Ned Beatty à quatre pattes avec son slip kangourou baissé jusqu’aux genoux avec deux ploucs la bite à la main derrière lui : pas le choix, c’est la deuxième scène culte qui a rendu le film aussi célèbre que « Bullitt », « La Tour Infernale » ou « Fort Alamo » !




1932 FORD MODEL B PICK-UP ROADSTER Images et récit : Jim Maxwell - Adaptation : J.-P. M.

Caddy Powered ! Si l’on se penche avec toute l’attention qu’elle mérite sur l’histoire du hot-rodding dans les années 1950, on s’aperçoit que le moteur culbuté a peu à peu détrôné l’hégémonique v8 à soupapes latérales d’Henry Ford...


Les jantes de 5.5’ de large à l’avant et de 7’ à l’arrière, sont respectivement montées en 165/80R-15 et P235/75-15. Les enjoliveurs sont de classiques reproductions de ceux qui équipaient les Ford en 1940.

20

Le hot-rodding, à la base, c’est principalement un truc de jeunes fauchés qui recyclent à l’envi ce que le ressac a bien voulu déposer sur la plage, ou plutôt, dans le cas présent, sur le parc auto de la casse du coin. Chrysler, Oldsmobile, Cadillac ? Intouchables en neuf ou même en occasion, surtout pour n’en extraire qu’un moteur et une boîte de vitesses. Oui, parce que pour se procurer quelques sueurs froides et autres montées d’André et Aline au volant de cette vieille Ford des années trente au poids plume, deux solutions s’offrent à vous : tenter d’extraire le plus de chevaux possible d’une mécanique à la fiabilité aléatoire ou glisser sous le capot, bien souvent au chausse-pieds, le moteur d’une grosse bagnole plus récente. Parce ce que, qu’on le veuille ou non, en ce milieu des années cinquante, les constructeurs ont commencé à lâcher les chevaux. Un peu par obligation il faut dire, dans un premier temps tout du moins, parce que leur production s’embourgeoise peu à peu et que pour contrer les effets d’une surcharge pondérale conséquente, rien ne vaut une augmentation significative du couple-moteur, ce qui passe immanquablement par celui de la cylindrée. Et puis, blague à part, on n’appâte pas les garçons avec du sucre d’orge et de belles promesses. Une fiche technique avec plein de chevaux annoncés dessus et des victoires en compétition le dimanche, ça ramène plus de monde en concession le lundi que le discours convenu d’un vendeur en costume à carreaux et nœud papillon rouge !


Powermaster vous propose à travers ce magnifique corps de dynamo, toute la technologie d’un alternateur moderne : le beurre et l’argent du beurre en quelque sorte... (ci-contre, à gauche)

Le corps en aluminium de l’allumeur Joe Hunt trahit la technologie moderne qu’il renferme. Avec le ventilo électrique, les pneus radiaux, les freins avant à disques et la crémaillère de direction, ils constituent, au bénéfice de la performance et de la fiabilité, les seules concessions au total look vintage. (ci-contre, à gauche)

Jim Moore, d’Arroyo Grande en Californie, a souhaité marcher dans les pas de ses aînés dans les années cinquante et a tenté de comprendre la démarche qui pouvait être la leur en fonction des contraintes du moment. Il a donc commencé une lente et minutieuse collecte de pièces, avec dans l’idée de se construire un hot-rod typique des années cinquante, à quelques exceptions près, notamment au niveau de la sécurité, parce qu’il souhaitait utiliser le plus souvent possible son

engin. Le destin va comme par enchantement placer sur sa route un moteur Cadillac de 1952 qui cube 331 ci soit, 5,4 l de cylindrée : c’est un bon début ! Ouvert pour examen, le groupe propulseur s’avère en excellent état et ne nécessite a priori qu’une bonne révision et un peu de cosmétique. Au passage, un petit arbre à cames perfo de marque American Camshaft, est ajouté à la sauce, de même qu’un discret allumage électronique. Et si un seul carburateur quadruple corps se suffisait grandement à

21


lui-même en 1952, apparaît en option sur l’El Dorado en 1955 un Power Pack qui inclut une pipe d’admission destinée à recevoir non plus un, mais deux carburateurs quadruple corps. Au hasard de ses pérégrinations, Jim met la main sur l’une de ces pipes d’admission qui commencent à se faire bien rares. Elle fera donc partie du voyage, mais exit les vieux carbus durs à trouver et parfois trop abîmés pour être rénovés. Jim, qui se déplace sur pas mal de swap meet, a très vite compris qu’on lui proposait souvent de vieilles cochonneries astiquées comme un sou neuf, le tout au prix du homard canadien ! Une paire d’Edelbrock 500 cfm neufs figureront donc sur la prochaine liste de commissions. Et s’il n’a pas en tête la couleur définitive de son hot-rod (ni le type de carrosserie en fait !), il rêve d’un bloc-moteur rouge, de durits à essence rouges, de fils de bougies rouges et d’un peu de chrome par-ci par-là : encore un frustré du camion de pompiers sans doute, mais il assume. Un soin tout particulier est apporté aux cache-culbuteurs qui sont peints d’origine, et planqués sous le couvercle, de surcroît. Pour ses collecteurs d’échappement sur mesures, Jim fait appel à un artisan local qui appréhende au mieux la problématique d’un hot-rod : il lui faut concevoir des pièces les plus permissives possibles, tout en les intégrant dans un espace réduit déjà sévèrement envahi par le volume d’un bloc-moteur bien trop gros pour ce frêle châssis et qui plus est, pollué de boîtier de direction, de biellettes et autres renvois. Après, quand c’est trop facile, c’est pas drôle ! Et s’ils ont déjà choisi leur châssis, celui d’un model B de 1932, Jim et sa femme hésitent

22




Pont Ford 9‘, combinés ressorts-amortisseurs réglables en aluminium de marque QA1, ligne d’échappement inox, rien ne manque à l’appel.

quant au style de carrosserie à retenir. Un roadster ? Ils en possèdent déjà un, mû par un très oldschool v8 Hemi De Soto. Un coupé alors ? Oui, certes, c’est beau, c’est une icône indémodable, mais d’une, ils en voient beaucoup lors des meetings sur lesquels ils se rendent et se démarquer un peu ne serait pas pour leur déplaire, et de deux, l’un comme l’autre ont adopté la Californie pour son soleil légendaire et leur garage n’est rempli que de roadsters, de cabriolets, de découvrables et autres convertibles. Vu le prix effarant qu’atteignent les coques d’origine à restaurer du père Henry sur un marché qui a visiblement choppé la fièvre et son cortège de bouffées délirantes, Jim va une nouvelle fois se tourner vers le marché du neuf et de la reproduction. De son châssis made in Kiwi Konnection (Baskerfield, Californie), il est ravi, ça a été vite, c’est bien fait et c’est sécure, alors pour la coque, il va trancher dans le même sens. Brookville vient d’ajouter à son catalogue le pick-up roadster ‘32 et sa petite benne rigolote, pour lui, ça sera banco ! Et puis ça tombe bien parce qu’à l’approche de la soixantaine il a pris un peu d’embonpoint en traînant tout là-bas, du

côté du vignoble de Paso Robles et des bonnes tables qui le bordent, et la caisse que propose Brookville (cf Carlingue #2 - Le Numéro Bleu) est légèrement remaniée au niveau de ses mensurations de façon à offrir une habitabilité accrue et un meilleur équilibre des proportions (plus de 20 cm en longueur par exemple). En clair, ce n’est pas l’outil rêvé pour transporter des bottes de paille ou des cageots de tomates, en revanche, quand on est de par nature accro au T-Bone steak à ces satanées french fries... Côté peinture, Jim là encore souhaite se démarquer et opte pour ce très seyant vert foncé relevé de pomme au niveau des jantes en tôle de 15’ de diamètre. Un choix approprié d’accessoires et une sellerie entièrement réalisée sur mesures selon les indications de Jim viennent clôturer un chantier rondement mené. Pour le happy end cependant, il faudra repasser. Quelques temps après les premiers tours de roue plus que satisfaisants du ‘32, Jim se voit diagnostiquer une longue et incurable maladie.

25


Désireux de prendre ses dispositions avant le passage de la Grande Faucheuse, Jim se rapproche de l’un de ses bons amis, rencontré en 1954, année où aurait pu être construit son hot-rod. Il s’agit ni plus ni moins que d’un certain Frank Currie, celui-là même qui a fait de la récupération et de la modification de ponts Ford 9’, l’essence même de son business chez Currie Enterprise. Séduit par l’esthétique du PUR et la qualité de sa construction et en même temps ému par le désarroi de son vieux poteau, il n’hésite pas à dégainer le carnet de chèques. Currie rapatrie donc l’engin chez lui, du côté d’Anaheim, dans le sud de la Californie et en profite

Trois pédales ? Oui, en effet, Jim a opté pour une boîte de vitesses manuelle à cinq rapports, issue d’un pick-up Ford Ranger récent. Notez la planche de bord des années 1940 habilement modifiée, le volant à quatre branches, la sellerie cuir, les moquettes passepoilées et la grande qualité de finition de l’ensemble... (ci-contre, à droite)

26

quelques temps après lui avoir simplement adjoint de discrets feux clignotants. Un shooting photo est alors organisé, Frank s’imaginant qu’une parution dans la presse redonnerait du baume au cœur à Jim Moore. Malheureusement, celui-ci n’eut jamais l’opportunité de feuilleter ledit magazine et passa plus tôt que prévu, de vie à trépas. Pour Frank Currie, la vie avec le ‘32 va se compliquer, parce qu’à la simple vision du hot-rod, près de soixante ans d’amitié défilent devant ses yeux. Et puis un jour, un type est venu au garage, un Texan, qui a craqué dessus. Frank n’avait pas du tout dans l’idée de vendre mais l’homme a lourdement insisté et a promis d’en prendre grand soin, alors le pick-up roadster a changé de latitude et coule désormais des jours heureux sous le soleil du Texas, the Lone Star State...




MIDNIGHT MODERN Images : Tom Blachford (DR) - Récit : Philippe Cousyn

Midnight In The Garden Of Sun Il est des villes aux Etats-Unis dont la seule évocation fait travailler l’imagination : Miami Beach, Las Vegas ou Palm Springs par exemple, sont de celles-là...


Cette dernière fait indubitablement partie de cette éminente catégorie, mais il faut admettre qu’on ne la situe pas toujours avec aisance. C’est bien sur une localité de villégiature, mais où ? Au cœur du désert ? Pas loin de la mer ? Les montagnes à proximité ? A l’ouest des Etats-Unis ? Au sud ? En fait un peu de tout cela... Située dans le vaste comté de Riverside, au sud-est de Los Angeles, Palm Springs a une histoire qui n’est pas très éloignée de celle de Las Vegas, la démesure et les casinos en moins. Un goût plus assuré, aussi, dans les choix architecturaux de ses résidents. Né d’abord du désir de quelques pionniers souhaitant développer la culture des agrumes en ce coin de désert grâce à l’irrigation, ce rêve sera balayé par des inondations, puis une sécheresse d’une dizaine d’années à la fin du IXe siècle. Ce seront ensuite des citadins qui les remplaceront, en quête d’un lieu

30


pour soulager leurs asthmes ou rhumatismes grâce à un climat on ne peut plus sec. Et ainsi, au début du Xe siècle, la ville naissante voit débarquer de tout le bassin de Los Angeles de fortunés clients qui veulent profiter du calme du désert et d’un climat hivernal agréable. Avec près de 300 jours d’ensoleillement par an, le site est le candidat idéal. Et cela lui vaudra rapidement le doux nom de Garden of Sun (Jardin du Soleil) et de se voir comparé à l’Arabie de par ses températures, la culture des dattes et les courses de chameaux qui y sont organisées ! Certains de ces riches oisifs y bâtissent déjà des demeures, d’autres occupent les quelques établissements hôteliers de qualité que recèle la localité. Ces happy fews vont en attirer d’autres dans les années 1920, et surtout à partir de 1930, car les stars de Hollywood ne vont pas tarder à y élire leurs quartiers d’hiver eux aussi.

31




Mais le plein essor de la ville n’arrivera qu’après le second conflit mondial. Une sorte d’âge d’or « moderniste » s’empare de ce qui n’est alors qu’une ville de taille assez modeste. Les quartiers dont les noms chantent (Movie Colony, Warm Sands, The Mesa, Las Palmas, etc.) se développent, structurés autour de l’artère principale qu’est Palm Canyon Drive... Aux maisons des célébrités, construites par des architectes de renom tels que Albert Frey, Richard Neutra, Rudolph Schindler, E.  Stewart Williams, s’ajoutent de plus «  modestes  » constructions, sous la conduite de la firme Alexander Brothers (et son duo d’architectes William Krisel et Dan Palmer) destinées à une clientèle moins huppée composée de nombreux retraités. Ainsi ce seront pas moins de 2 500 maisons pleines d’individualité, de classe même, dotées pour la plupart de piscines (ce qui vaudra à la ville d’avoir la plus grande densité de piscines par habitant des USA dans les années 60) qui seront livrées à partir de 1957. Nombre d’unités peuplent encore fort heureusement les Neighborhoods de Palm Springs et ce, miraculeusement, sans avoir été dénaturées. Est-il donc étonnant, au vu de la richesse du sujet, que Tom Blachford, jeune photographe australien et globe-trotter patenté, ait posé là, dans cette oasis au milieu du désert, ses boîtiers et objectifs pour revisiter un sujet que de beaucoup croyait vu et revu à l’envi : l’architecture moderniste « midcentury » de Palm Springs. On pensait les avoir toutes déjà vues ces bâtisses, les connaître dans leurs moindres recoins... Et bien non en fait, on les découvre comme au premier jour grâce à l’œil de notre impétrant. Ayant su se faire accepter, adoubé par la pointilleuse communauté préservationniste du cru, les portes s’ouvrent à lui miraculeusement. Il est aidé aussi de manière décisive dans son approche par des possesseurs de paquebots routiers des 50’s et 60’s, qui vont aider à l’éclosion de ses superbes compositions. Mais son trait de génie est bien sûr lié à la lumière qui irise ces clichés. Surprenante au premier abord cette lumière de pleine lune...

34





Les villas des Twin Palm Estates et autres Mesa Neigborhood prennent sous son objectif un caractère irréel. Le soleil de minuit, qui irradie ces joyaux d’architectures modernistes est propice à laisser notre imagination divaguer. On doute parfois même de la réalité de ces compositions. Ne croirait-on pas avoir presque affaire à une maquette, sorte de diorama où auraient été assemblés de superbes éléments juste pour le plaisir. Le plaisir des yeux certes, mais celui de l’esprit aussi.

38

Nous imaginons sans peine bien des scénarios autour de ces clichés. Notre imagination est en roue libre. Que peut-il bien se passer derrière ces murs... Combien de secrets ces magnifiques édifices renferment-ils ? Quelles stars ont vécu là ? Va-t-on croiser les fantômes d’Elvis et d’Alan Freed, ceux de Howard Hawks et de Walter Lange, ou encore de Bob Hope et Bing Crosby ?


L’ombre de Franck Sinatra plane bien sûr encore audessus de la piscine en forme de piano de sa villa. Pour sûr, nous n’allons pas tarder à saluer Lucile Ball et Desi Arnaz au Thunderbird Country Club. A moins que ce ne soit Marylin Monroe, de retour de chez Peter Lawford, après une soirée arrosée avec les joyeux drilles du Rat Pack en goguette... On se replonge par la magie de l’image dans l’American Way of Life du milieu du Xe siècle. Magnifiée certes mais avec un regard moderne malgré tout et une petite pointe d’ironie que ne renierait pas Doisneau. Ou même peut-être Jacques Tati... Décidément, le soleil de minuit nous en fait voir de drôles de choses. Ouvrons juste les yeux, dégustons ces clichés et laissons la boîte à rêves s’emballer. Merci pour la visite, Monsieur Blachford...

Tom Blachford est un résident de Melbourne en Australie. En parfait globe-trotter, il parcourt le monde à la recherche de nouvelles ambiances et de lumières à capter. Peut-être à cause du fait qu’il n’ait pas une formation initiale de photographe (il a fait des études commerciales), les sujets qu’il aborde font preuve d’un grand éclectisme. Du paysage au portrait, de l’architecture intérieure ou extérieure, des compositions comme celles que nous découvrons ici, tout est savamment orchestré, cadré, proche de l’épure. La lumière y joue bien sûr un rôle majeur à l’instar de son sujet sur Palm Springs. Sa renommée naissante a amené diverses publications célèbres telles que « Domus », « iD », « The New York Times » ou « Vogue Australie » à publier ses photos. www.midnightmodern.com

39


Vought V-173 Flying Pancake Images : archives - Récit : Jean-Paul Milhé

The Flying Pancake



En tant que pilote d’essai né en 1913, Boone Guyton aura tout testé, du biplan mono-moteur à l’avion à réaction. Son apport fut très précieux dans le cadre du développement d’un certain F4U Corsair... Du V-173, fut extrapolé le XF5u tout acier doté quant à lui de deux moteurs en étoile Pratt & Whitney R-2000 de 1350 CV chacun (ci-dessus, à droite)

42

7 h 35. Le 23 novembre 1942. Boone Guyton pose sa fourchette et délaisse pour un court instant ses œufs brouillés, ses tranches de bacon fumé et ses toasts de pain de mie grillés, copieusement tartinés de marmelade d’orange. Son mug de café à la main, il va ouvrir la porte. Un « plop » caractéristique vient en effet de lui signifier que le jeune Howard Johnston est passé au guidon de son vélo, comme tous les matins, devant le petit pavillon de la banlieue de Bradley, dans le Connecticut, et lui a balancé son exemplaire du « Bradley Tribune » auquel il est abonné. Il lui faut encore déposer Tig et Mary à l’école, mais Grace achève à peine de les préparer, il a donc encore dix bonnes minutes devant lui. Rien d’exceptionnel à signaler dans les pages du quotidien, si ce n’est que l’équipe locale de soccer s’est offert ce weekend sa première victoire de la saison contre le dernier du classement. 7 h 50. Boone sort la Ford Super Deluxe Coupe flambant neuve du garage, et, une fois dans l’allée, klaxonne deux fois. Le dossier du siège passager est relevé, la porte grand ouverte. Sur le pas de la porte, Grace embrasse les enfants, puis agite sa main en signe d’au revoir. 8 h 25. Badge en main, Boone se présente à la guitoune du poste de garde. Le Caporal Vance le


La version expérimentale du Flying Pancake se contentait d’une paire de moteurs Continental O-170 de 80 hp chacun, sélectionnés plus pour leur faible encombrement et leur fiabilité légendaire que pour leurs performances.

salue de manière règlementaire et fait immédiatement basculer la barrière d’accès rouge et blanche. Au sortir des vestiaires, le pilote d’essai a revêtu sa combinaison de vol. Casque sous le coude et ordre de mission en main, il s’installe dans la jeep avec chauffeur mise à sa disposition par l’Armée, et se dirige, comme on le lui demande, vers le hangar numéro 13. « Bon sang ! » se dit-il à lui-même, « la journée avait pourtant bien commencé... » Il se trouve en effet au pied d’un étrange aéronef, haut perché sur un train d’atterrissage avant complètement démesuré, sans doute à cause des deux immenses hélices à trois pales de près de cinq mètres de diamètre, censées propulser cette... assiette ! « Bon, je sais que les Grecs dans l’Antiquité s’amusaient à jeter des disques en terre cuite, mais là, tout de même, ils exagèrent ! » Vu la moue dubitative du pilote, un homme d’une trentaine d’années à peine s’approcha. « Bonjour, mon nom est Zimmerman, Charles Horton Zimmerman. Je suis le concepteur de cet avion. L’idée de départ était de construire un avion capable de décoller et d’atterrir à très faible vitesse et sur une très courte distance. L’Air Force a en effet besoin d’un chasseur outrageusement rapide, extrêmement maniable, et qu’on puisse propulser, en cas de conflit armé, au plus près des zones sensibles, depuis le pont d’un bateau par exemple. » « Avec une si faible surface de référence, ça doit voler comme un fer à repasser, non ? » « Votre remarque est tout à fait pertinente. En fait, le

diamètre exagéré des hélices, qui occupent quasiment toute la surface frontale de l’aéronef, permet à cellesci d’annuler les effets dévastateurs des vortex qui se créent en vol dans le sillage des ailes conventionnelles, au niveau de leur bord de fuite. Celle de gauche tourne donc dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, celle de droite, dans le sens des aiguilles d’une montre. Ce diamètre excessif favorise aussi grandement la portance de l’avion à très faible vitesse, en intensifiant le phénomène de levier exercé par l’air qui circule sous l’appareil. La configuration en aile volante nous paraît par ailleurs la seule à assurer tout à la fois maniabilité et vitesse de pointe extrême. » « Je ne vois pas les moteurs, j’espère que vous ne m’avez pas conçu une propulsion par élastique ou autre bizarrerie du même tonneau... » « Non, rassurez-vous. L’avion est propulsé par deux moteurs à essence, intégrés au fuselage, de chaque côté

43


Les hélices de près de 5m de diamètre imposèrent aux ingénieurs de prolonger la verrière jusque sous les pieds du pilote, afin d’optimiser son champ de vision dans les phases d’approche et de décollage.

du cockpit. C’est un complexe système d’embrayage, d’arbres de transmission et de cardans qui actionne les hélices. Pour l’instant, nous ne cherchons pas à battre des records de vitesse, mais simplement à valider cette configuration et les qualités dynamiques en vol du V-173. Vous disposerez tout de même de deux moteurs refroidis par air de type Continental O-170, des quatre cylindres à plat opposés, dans leur version la plus poussée, l’A80 qui délivre 80 hp. Ce groupe propulseur a fait ses preuves depuis bien longtemps et

44

puis la construction en bois entoilé de ce prototype, lui assure un poids plume. » « Bon sang, mais on vous a informé que j’ai une femme et des gosses, moi ? » « Oui, et des crédits à rembourser, aussi. Si vous me le permettez, M. Guyton, j’ajouterais qu’une maquette dotée de petits moteurs électriques a été testée en vol et en soufflerie, et que les résultats obtenus sont plus que probants : je ne vous envoie pas sciemment au casse-pipe, croyez-moi ! » Zimmerman se gardait bien de dévoiler les coulisses de l’affaire : voilà des mois et des mois en effet que ce vol d’essai inaugural était reporté sans cesse, la complexe transmission générant d’inquiétantes vibrations lors des essais préliminaires de roulage. Là, les hélices à deux pales du Corsair avaient été remplacées par ce modèle à trois pales de plus grand diamètre, les angles de cardans et leur connectique et la longueur des arbres de transmission, sérieusement revus et corrigés. Cent-quatre-vingt-dix vols du V-173 succédèrent à celui de Boone Guyton entre 1942 et 1943. Un certain Charles Lindbergh en prit même les commandes un jour, et s’avoua extrêmement surpris par la maniabilité de l’engin et les qualités de vol à faible vitesse dont il faisait preuve. Du prototype expérimental, dériva un engin plus radical, le Vought XF5U, cinq fois plus lourd du fait de sa construction tout acier et des deux moteurs quatorze cylindres en étoile Pratt & Whitney R-2000 de 1 350 chevaux chacun, lui autorisant une vitesse de pointe de 765 km/h. Cette fois-ci, les hélices pouvaient être basculées partiellement en arrière, un peu à la manière des rotors d’hélicoptère. Le principal problème rencontré, était le positionnement des armes que


souhaitait l’Air Force, en raison du rideau infranchissable que représentait le diamètre de ces fameuses hélices. La gestation du projet et surtout sa mise au point furent tellement lentes, que le jour où la société Vought, déjà pas mal accaparée par l’assemblage du Corsair et du OS2U Kingfisher, un petit hydravion catapulté de reconnaissance, de lutte anti sous-marine et de sauvetage en mer, se déclara prête à passer en phase de production, on lui annonça la fin de tous les programmes d’études d’avions à hélices, et le remplacement de ces derniers au sein de l’Air Force par des jets à réaction. 7 h 35. Le 24 novembre 1942. « Dis papa, c’est vrai ce qu’on raconte en une de ton journal ? » « Quoi donc ? » « Que les soucoupes volantes existent bel et bien et que l’une d’entre elles aurait été aperçue dans le ciel au nord de l’Etat hier matin. » « Ne t’inquiète pas, mon chéri. Tout ça, c’est du baratin de journalistes. Ils sont décidément prêts à tout pour vendre du papier, ces gens-là... »

Lors d’un vol un peu « sportif », le pilote dut se résoudre à se poser sur une plage. A la vue de deux piétons figés sur sa trajectoire, il monta debout sur les freins, causant ainsi un roulé-boulé de l’appareil qui n’endommagea que les hélices : crash test validé !

45


CONVERSE ALL STAR Images : archives - Récit : Jean-Paul Milhé

Blue canvas Shoes



Quel peut être, à votre avis, le point commun entre Lebrac dans « La Guerre des boutons » (1962), le joueur de basket Magic Johnson, Richard Dreyfuss dans « Les Dents de la mer » ou Kurt Cobain de Nirvana ?

Et bien tous, et bien d’autres bien entendu, portent des Converse All Star. Cette marque est aujourd’hui l’une des plus connues aux USA, voire de par le monde entier. Cette success story à l’américaine débute en 1908, dans la petite ville de Malden, dans le Massachusetts, au nord de Boston. Là, la toute nouvelle société Converse Rubber Shoe Compagny se lance, comme son nom l’indique, dans la fabrication de galoches, ces chaussures basses entièrement en caoutchouc à semelle antidérapante, destinées à la pratique du sport. Mais ce qui fait la fortune de l’entreprise, c’est la botte en caoutchouc fourrée à $ 5 qui devient en 1910, au bénéfice d’un hiver particulièrement rigoureux en Nouvelle-Angleterre, la chaussure la plus utilisée. Deux mille paires sortent alors quotidiennement de l’usine, mais son fondateur, Marquis Mills Converse, souhaite se diversifier, ne pas conserver tous ses œufs dans le même panier et répondre à une demande croissante sur le marché de la chaussure de sport, la pratique de ce dernier tendant à se généraliser dans tout le pays. Il imagine donc, en 1915, une sneaker, une chaussure de

48

sport basse et polyvalente, qui conserve le caoutchouc au niveau de la semelle, mais adopte la toile (marron dans un premier temps, puis noire) pour le reste. Et si Mills destine tout particulièrement sa nouvelle création à la pratique du tennis, les basketteurs ne tardent pas à lui réclamer une chaussure plus adaptée à leur sport : la Converse, basket montante assurant un meilleur maintien des chevilles lors des sauts, apparaît en 1917. Une rencontre entre Mills et un basketteur en vue de l’équipe des Akron Firestone en Ohio, Charles Taylor, va être déterminante pour le produit et son avenir.


Ce dernier suggère en effet de subtiles modifications, telle que la pastille ronde de caoutchouc cousue sur le côté et qui vient protéger la malléole interne des joueurs, une zone très sollicitée sous le panier. Ces petits changements vont faire toute la différence et très rapidement, la Converse All Star va être adoptée sur tous les parquets nord-américains. La fin de sa carrière sportive se profilant à l’horizon, Taylor, qui a déjà beaucoup contribué à la notoriété de la chaussure, rejoint les rangs des représentants de la marque en 1921. Mallette à la main, il n’aura de cesse de sillonner tous les Etats de l’Union, jusqu’à sa retraite, en 1968 et de se démener pour assurer la promotion de la marque. Son impact sur les ventes est tel, qu’en 1932, la signature de Chuck Taylor apparaît sur la chaussure, déjà rebaptisée « All Star » en 1920 : c’était l’un des derniers souhaits émis par Marquis Mills avant sa mort, qui survint en 1931.

49


Cette simple signature qui confère tant de crédit au produit, constitue l’une des toutes premières collaborations à succès connues, entre un sportif et un professionnel équipementier. Par ailleurs, la Converse All Star, va continuer à évoluer sans jamais perdre son âme originelle, c’est un vrai cas à part dans l’histoire de l’industrie mondiale. On peut ainsi la trouver en cuir, la palette des couleurs va croître au fil du temps, les imprimés et des séries limitées vont faire leur apparition et la Converse est disponible au choix, en chaussure basse ou montante. Paradoxalement, c’est sur les terrains de sport que la marque va se faire distancer par des concurrents sans cesse à la manœuvre pour proposer des produits plus performants, plus efficaces, plus innovants. Mais qu’importe, la All Star a su échapper à sa destination première et a su gagner la rue, voire même se hisser sur les podiums de certains défilés de mode avant-gardistes. Elvis en portait, James Dean en portait, les skateurs dans les années quatrevingts en ont fait un

50


51


totem incontournable de leur look, une nouvelle génération de rockers complètement indépendants vis-à-vis de l’industrie du disque et moins dans le « spectacle » va se détourner de l’écrase-merde traditionnel et de la botte mexicaine au profit de la Converse All Star, Kurt Cobain de Nirvana en tête... pas mal pour une pompe de 1915, non ? En 1984, la marque va connaître l’apogée de sa gloire en devenant sponsor officiel des Jeux Olympiques de Los Angeles, un juste retour aux sources en quelque sorte. Pourtant les nuages s’amoncèlent peu à peu à l’horizon, le chiffre d’affaires décline d’année en année, la profitabilité s’effrite comme un petit beurre dans la poche arrière du pantalon. Même la délocalisation de la production en Asie du Sud-Est, aux détours des années 2000, ne permettra de redresser la barre, et finalement, en juin 2003, la marque se voit contrainte de céder aux avances de la société Nike. Cette dernière, avec son chiffre d’affaires annuel de 9,9 milliards de dollars, n’a aucun mal à poser 269 millions d’euros sur la table, soit 69 millions de plus que le CA de Converse pour l’année en cours. A grand renfort de marketing, on est rapidement passé de 200 à 720 millions de CA en 2008, puis à 1,4 milliard en 2013. L’offre s’est étoffée et Converse produit aussi aujourd’hui (toujours en Asie) les Jack Purcell, les One Star, les Varvatos et les Star Players et puis surtout, est repartie à la conquête du marché de la chaussure de sport, en proposant notamment les Weapon, les Wade, les Icon Pro et les Maverick, toutes présentes en NBA. Une fois encore, le constat est sans appel, l’efficacité d’un réseau de distribution, on n’a pas inventé mieux pour écouler une production. Et en guise de conclusion, on pourrait paraphraser, une fois n’est pas coutume, l’ami Coluche : « Il suffit que les gens achètent pour que ça se vende...».

52



1962 LESOVSKY INDIANAPOLIS ROADSTER Images : archives + courtoisie RM Sotheby’s - Récit : Jean-Paul Milhé

Sixty Indy Sur la planète Terre, les trois courses automobiles les plus prestigieuses sont dans l’ordre, le Grand Prix de Monaco, les 24 H du Mans et... les 500 Miles d’Indianapolis.



Ces trois compétitions bénéficient d’une véritable prime à l’ancienneté : 1929 pour Monaco, 1923 pour les 24 H et 1911 pour Indianapolis. Parcourir le plus vite possible 804,672 km sur une piste de près de 4 km de long, bordée d’empilages de briques pour atténuer les sorties de route, une sorte de rectangle aux coins arrondis et surélevés qui tourne toujours dans le même sens (à gauche), c’est ce que propose annuellement depuis 106 ans, cette dernière. Et mieux vaut gagner, car dans ce Far East, il n’y pas de place sur un éventuel podium à l’européenne, pour célébrer les losers, le deuxième, voire le troisième : seule la victoire est belle ! Et croyez-le ou non, sur cette course typiquement dans l’esprit américain, ce sont bel et bien les Français qui sont venus les premiers jouer les trouble-fêtes : Jules Goux sur Peugeot en 1913, René Thomas sur Delage l’année suivante puis Gaston Chevrolet sur Frontenac en 1920. Bon, je vous l’accorde, ce dernier d’origine franco-américaine (c’était un Bourguignon né près de Beaune) courait sur du matériel américain, mais alors, quid des deux victoires consécutives de la Peugeot 7,3l, en 1916 et 1919 (les éditions de 1917 et 1918 ayant été annulées en raison de bruits de bottes persistants en Europe...), respectivement aux mains de l’Anglais Dario Resta puis de l’Américain Howdy Wilcox ? En fait, de profondes divergences de philosophie de course vont détourner les Européens des compétitions américaines et inversement. Il faudra attendre les années 1960 et l’outrecuidance d’une écurie anglaise, Lotus, et de son pilote fétiche, Jim Clark, pour redonner quelques couleurs internationales au championnat d’Indy Car américain. Ces gens-là s’autorisent en effet à venir faire la nique à l’Oncle Sam au volant d’une intéressante petite monoplace dont le moteur Ford est placé... en position centrale arrière : hérésie ! Pourquoi donc ces maudits rosbifs ne restentils pas chez eux, sur leurs circuits tortueux pleins de virages qui tournent, d’accélérations et de freinages, de

56


limitations de cylindrée et de consommation de carburant maîtrisée ? Le public américain assiste à des courses de voitures dans le même esprit que celui des Romains qui se rendaient aux jeux du cirque : que le meilleur char gagne, que le lion se régale à déchiqueter du Spartiate, que le Thrace égorge le Mirmillon, que la cervelle gicle, que les boyaux se répandent, que le sang coule, nom de Mars de nom de Mars ! Et puis surtout, à la fin, que ce soit un Américain qui gagne. Depuis 1935, c’est un certain Offenhauser qui s’y emploie. Il a pris la succession de son ancien employeur, Harry Miller, avec lequel il a conçu un moteur grandement inspiré de celui de la Peugeot L76 victorieuse en 1913. Grâce aux performances hors normes de ce moteur à quatre cylindres en ligne et arbres à cames en tête, cubant 252 ci (soit 4,1 l) et dont Offenhauser extrait jusqu’à 380 CV à 5 500 tr/mn, le motoriste, associé à différents teams successifs, cumule pas moins de 18 victoires à

La popularité des courses telles que les 500 Miles d’Indianapolis en font une vitrine de choix pour les constructeurs automobiles en mal de propagande : en 1959, c’est Buick qui officiait à l’Indy 500, et présentait son Electra 225 convertible.

57



Les AmÊricains ont un vrai sens du spectacle, y compris dans le sport. A Indianapolis, la piste chemine entre les tribunes et les paddocks : pour le spectateur, il n’y a pas de temps mort !


En 1951, c’est Lee Wallard qui remporte l’Indy 500. Alors pour attirer les flashes des photographes, Rodger Ward n’hésite pas à poser avec son propre bulldog : pas de podium ici, seul le vainqueur est fêté, ce sera son cas en 1962 !

l’Indy 500, dont 16 consécutives de 1947 à 1963. A cette époque-là, plusieurs constructeurs de châssis se disputent la victoire, tels que A. J. Watson, Quinn Epperly et Frank Kurtis. C’est ce dernier qui, en précurseur, a adopté sans hésiter cette configuration « offset » imaginée par un certain Lou Salih et qui donne de si bons résultats. Moteur et boîte de vitesses (à deux rapports) sont décalés sur la gauche du châssis, et le moteur est de surcroît légèrement incliné sur le côté, de manière à rester dans les normes du gabarit souhaité, tout en conservant la possibilité de pouvoir fermer le couvercle ! L’arbre de transmission ne passe donc plus sous le siège conducteur, mais bel et bien à côté, cela permet d’abaisser de manière conséquente le centre de gravité du roadster, gage d’une tenue de route irréprochable. Et puis dans la mesure où la course ne tourne que dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, cette répartition des masses neutralise au mieux les effets de la force centrifuge qui voudrait éjecter la voiture hors des virages davantage et davantage encore quand la vitesse de franchissement augmente. Et c’est bien ce qui handicape les autres voitures de courses équipées de bien plus puissants (mais bien plus lourds) moteurs V8 qui leur confèrent un avantage en ligne droite en terme de vitesse de pointe mais les pénalisent dans les virages et les obligent à surexploiter leurs freins. Certains constructeurs de châssis s’avèrent également être d’excellents mécaniciens. C’est le cas de Lujie Lesovsky, le concepteur pour le team Bellanger, du roadster vainqueur de l’Indy 500 en 1951 avec Lee Wallard au volant. Les voitures construites par Lesovsky font par ailleurs régulièrement parler d’elles en course, aux mains de Rodger Ward (vainqueur en 1959 et 1962), Jim Packard ou encore George Amick (qui remporte plusieurs manches du championnat à la fin des années 1950). En 1959, Johnny Thompson s’octroie la pole position et termine à la troisième place au volant d’un roadster

60


Slick à l’extérieur, sculptés à l’intérieur, les Firestone Safety Lock Cords en 7.60 x 16 à l’avant et 8.00 x 18 à l’arrière sont parfaitement conformes à ceux utilisés sur l’Indy 500, une course qui tourne à gauche, puis à gauche, et encore à gauche...

construit par Lesovsky. En 1962, Elmer George et son épouse Mari, qui n’est autre que la fille de Anton « Tony » Hulman, alors propriétaire du Motor Speedway d’Indianapolis, confient à Lesovsky la mission de leur construire un de ces roadsters dont il a le secret. Elmer n’en est pas à son coup d’essai dans la mesure où il a déjà disputé plusieurs fois les championnats AAA et USAC à la fin des années 1950. Pour cette saison 1962, il s’est trouvé un sponsor de choix, Sarkes Tarzian, une pointure de l’audiovisuel qui bosse, entre autres, au développement des cassettes vidéos de type VHS. L’auto sera donc baptisée « Sarkes Tarzian Special ». Qualifié en 17e position lors des essais, Elmer George dut jeter l’éponge au 147e tour (sur 200), moteur serré. L’année suivante, c’est en 28e position que l’auto se qualifie, mais abandonne cette fois-ci dès le 12e tour. Déçu (mais c’est la dure loi du sport), il cède la monoplace en 1964 au team Richard Kemerly, mais pas un de ses pilotes ne se qualifiera à l’Indy 500, tout juste relèvera-t-on cette saison-là, une 5e place au Milwaukee Mile avec Mel Fenyon au volant. Pire, à Langhorne, Pennsylvanie, une explosion moteur causa un accident qui eut pour effet

de voir le roadster remisé au 2e sous-sol de la concession de voitures de Kemmerly où il fut tout bonnement oublié. Au détour des années 1990, Tom Mittler, un collectionneur de bateaux et d’automobiles de collection et de prestige se porte acquéreur de l’auto, et la confie aux ateliers de John Hajduk afin de la restaurer dans sa version d’origine, aux couleurs de Tarzian. En 1998, le roadster change de nouveau de main et atterrit dans la collection Milhous. Régulièrement, l’auto est présentée lors d’expositions thématiques, au Petersen Automotive Museum de Los Angeles, ou encore à la Louis Vuitton Classic du Rockefeller Center à New York. Vu l’intérêt historique d’un tel engin et la qualité de la restauration dont il a bénéficié, le Sarkes Tarzian Special n’a eu aucun mal à crever le plafond des enchères chez Sotheby’s en 2012, adjugé $300,000.00 pour une estimation oscillant entre $150,000.00 et $250,000.00. Avec un palmarès un poil plus élogieux, on aurait pu multiplier ce nombre par... dix !

61


LE COLT 45 ACP Images : archives - Récit : Didier « Fox » Renard

Tout Feu, Tout Flamme Il en est des armes comme de toutes choses : certaines deviennent des icônes, d’autres tombent dans l’oubli le plus total. Certaines passent à la postérité, et d’autres finissent sur l’étagère des nanards oubliés de Dieu et des Hommes…



Lorsqu’on aborde le sujet des armes à feu, le Colt 1911 en .45 ACP fait figure d’icône. L’arme de poing de l’armée américaine, le flingue de Mike Hammer, le pétard d’Elliott Ness, le soufflant de tous les voyous du cinéma, toutes époques confondues, le symbole d’une Amérique conquérante, c’est bel et bien ce bon vieux « 11 », comme l’appellent les tireurs actuels. Alors qu’il était en train de bidouiller son déjà célèbre Colt 1905 en vue de l’améliorer, John Moses Browning ne se doutait sûrement pas qu’il était en train de créer une légende ! Un peu d’histoire : en cette fin de XIXe siècle, l’armurerie familiale située dans l’Utah, se porte bien, et le fils de Jonathan Browning, John Moses, petit génie de la mécanique fine, est déjà à la tête d’une bonne poignée de brevets, repris par des sociétés aussi célèbres que Colt ou Winchester. Il a déjà à son actif plusieurs engins révolutionnaires, dont une mitrailleuse qui utilise les gaz émis par la cartouche pour le réarmement. Les armes dites « à emprunt de gaz » venaient de naître. Ce principe était tellement révolutionnaire qu’il est encore, à ce jour, utilisé sur la quasi totalité des fusils automatiques. Oui, du M16 à la Kalachnikov en passant par le Beretta AR 70 ou la Mini 14 de nos CRS, toutes ces armes fonctionnent avec le brevet de Monsieur Browning, pondu… au XIXe siècle ! Pas étonnant que ce visionnaire soit à l’origine du flingue le plus populaire du monde. Il faut dire que les pistolets automatiques disponibles sur le marché, en cette fin de XIXe-début XXe siècle, ressemblent à des gagnants du concours Lépine, avec des gueules assez fantaisistes et des calibres qui ne le sont pas moins. Mannlicher, Borchardt, Luger sont les premiers et quasi seuls disponibles sur le marché mondial. Leurs mécaniques fines et capricieuses en font des objets délicats à manipuler, et chers à fabriquer. John Moses Browning, quant à lui, pense à quelque chose de plus simple, de plus rustique, disons-le, de plus « américain » !

64

L’épopée de l’Ouest sauvage n’est pas si éloignée, et le calibre des armes utilisées dans le « Far West » s’est toujours situé autour de .44, .45, après avoir évolué du .32, .36, .38… Le bon vieux Colt Single Action Army, le « Peacemaker » en calibre 45 Long Colt avait déjà fait parler de lui durant les batailles menées contre les Indiens. Le Général Patton en exhibait même une paire à sa ceinture, munis de célèbres crosses en ivoire, lors de la Seconde Guerre mondiale. Quand on parle de calibre .45, on ne parle que du diamètre de l’ogive .45 centièmes de pouce, ce qui nous fait 11,43 mm. Le type de l’étui (« douille » ne s’appliquant qu’aux munitions de fort calibre) la recevant n’étant pour l’instant pas pris en compte, nous y reviendrons plus tard. Donc, fin des années 1890, John Browning imagine un pistolet résolument moderne, bourré d’innovations techniques comme la culasse englobant le canon, et utilisant le principe du « court recul du canon », déjà utilisé sur le Borchardt C-93.


C’est une révolution ! L’arme est massive, longue, préfigurant déjà le futur modèle 1911, simple, peu chère à fabriquer et très fiable. Elle utilise une munition issue elle aussi du cerveau de J. M. Browning, le .38 ACP (pour Automatique Colt Pistol). Une douille droite, sans bourrelet, avec juste une gorge permettant à l’extracteur de la saisir pour l’éjecter et dont le projectile est d’à peu près 9 mm. Après un « torture test » effectué par l’armée américaine, ce pistolet sera adopté comme arme réglementaire. En 1905, première grosse modification : le canon et la culasse sont raccourcis, et le calibre passe à .45. En effet, à la demande de l’armée américaine, qui souhaite une cartouche plus puissante que le frêle .38 ACP, la munition de .45 ACP vient de voir le jour. Le décor est planté : ce calibre deviendra le « standard » US, et sera utilisé dans une pléthore d’armes à feu, dont l’illustre mitraillette Thompson et son mythique chargeur « camembert ». Elle n’est pourtant pas exempte de défaut, cette munition : lourde, plus lente que les munitions en service sur le Vieux Continent, provoquant un important recul, et qui plus est, de fort diamètre, ce qui limite la capacité du chargeur à 7 coups. De plus, une ogive lourde comme celle du .45 induit une trajectoire très courbe, qui nuit fortement à la portée des armes l’utilisant. En 1911, nouvelles améliorations

65


pour le modèle 1905, qui reçoit l’appellation M1911. Ca y est ! « Il » est né ! Le mythique Colt .45 est sur les rails du succès… Sa ligne incroyablement futuriste tranche avec les armes européennes, qui font figure d’engins « d’un autre siècle » ! Cette ligne franchira les années sans une ride, traversera les conflits, mondiaux ou non, puisque le Colt .45 servira pendant la Guerre

66

14-18 dans les troupes américaines (et anglaises, chambré en 455 Webley), puis rebelote pour 39-45 aux mains des GI éparpillés aux quatre coins du globe. Sans oublier le Vietnam, la Corée, bref partout où les USA sont allés guerroyer, à tort ou à raison… A noter que, pour pouvoir fournir l’importante demande des temps de guerre, la fabrication sera confiée à la maison Colt, bien sûr, mais aussi aux sociétés Ithaca, Singer (!), Remington et Union Switch. Le Colt .45 sera l’arme de la police américaine, de l’armée, de la Navy, des Seal’s, des troupes spéciales, etc. De sa création en 1911 jusqu’en 1985, date à laquelle l’Oncle Sam lui dira bye bye pour passer au 9 mm Parabellum, via le Beretta 92 fabriqué par la filiale US, protectionnisme américain oblige. Après des années de bons et loyaux services, ce brave pétard quittait le devant de la scène au profit d’un petit jeune qui multipliait par deux sa capacité, au tir plus tendu, aux sécurités plus efficaces, à la munition plus polyvalente, bref une arme plus moderne. Il aura aussi été l’arme des voyous, des truands et de la pègre, un peu partout sur la planète, pendant un siècle. Mais dans ces milieux-là aussi, le 9 mm Luger finit par supplanter le .45 ACP. Alors ? L’heure de la retraite a-t-elle sonné pour ce vénérable flingue et son calibre préhistorique ? Que nenni ! Les tireurs sportifs s’étant emparé de cette véritable institution américaine, le Colt .45 reste une des bases préférées des customiseurs de tout poil, des


préparateurs acharnés, des dizaines de marques (officielles ou non) qui le déclinent dans des centaines de versions : canons courts, longs, grosses carcasses, grandes capacités, compact ou non, avec visées fixes ou évoluées, dans des tas de calibres aux vertus étonnantes, tels le .41, le .38 super auto, le 10 mm, etc. Des noms comme Springfield Armory ou Les Baer (et tant d’autres…) en ont fait des armes de concours fabuleuses, ajoutez à ça tout ce que les accessoiristes et fabricants d’optiques ont pu développer pour ce formidable pétard, et vous obtenez le type même de l’arme qui ne disparaîtra jamais !

Remplacé, supplanté, vieillot, dépassé, désavoué par les institutions, le Colt .45 fait à présent le bonheur de millions de tireurs à travers le monde. Avec un catalogue impressionnant d’ogives, de poudres, d’étuis, de pièces détachées et d’accessoires, je suis prêt à parier que la géniale invention de Mr J. M. Browning n’a pas fini de faire parler d’elle ! Plus de cent ans au compteur, et toujours au top… Chapeau, John : nice shot !

67



Big Red 1964 FORD GAS TURBINE Images : archives - Récit : Jean-Paul Milhé

Les engins les plus farfelus sont pain béni pour une revue comme « Carlingue ». Après la « Crêpe volante » de la page 38, intéressons-nous à présent à un gros camion pas tout à fait comme les autres...


En 1964, la moitié des 66 000 kilomètres qui constituent aujourd’hui le réseau autoroutier nordaméricain étaient en service. Dix ans plus tard, à la faveur d’un effort d’investissements sans précédent, les travaux seront enfin achevés et permettront de relier directement la plupart des villes de 100 000 habitants ou plus. Dans cette optique, le Département du commerce suggéra un assouplissement conséquent des lois et règlements en vigueur, portant sur la limitation de la longueur et du poids des véhicules commerciaux de transport routier. Ceci était destiné à encourager les constructeurs à imaginer le porteur au long cours idéal pour les années à venir. La réponse de la Ford Motor Compagny ne se fit pas attendre. Conçu spécifiquement pour répondre à la demande sur le réseau intérieur en plein développement, le Ford Gas Turbine débute sa carrière en 1964. Rapidement surnommé « Big Red », l’imposante cabine verticale en polyester, attelée à ses

70


deux remorques aux roues affleurantes afin de favoriser l’aérodynamique et donc les économies de carburant, ne manquait pas d’attirer sur elle tous les regards. Et les trente mètres du convoi n’y sont sans doute pas étrangers non plus. Le côté ostentatoire de la chose ne doit cependant pas occulter la volonté sincère de la FoMoCo de jeter les bases de ce que devrait être le tracteur du futur, un futur qui se voulait proche, voire immédiat et qui frappait déjà à la porte. La preuve, c’est sous le capot de Big Red qu’on la trouve : exit le moteur multi cylindre à pistons, place à une turbine de 600 hp autorisant au mastodonte une autonomie de 600 miles (près de 380 km) à pleine charge, soit un poids total en charge (tracteur, remorques et fret) de 77 tonnes : dans l’assistance, qui dit mieux ? Si l’on replace ces données techniques étourdissantes dans le contexte de l’époque, on s’aperçoit que vis-à-vis du meilleur matériel existant proposé sur le marché, le Ford Gas Turbine disposait d’une puissance de frappe telle qu’il pouvait dans la majorité des cas, se déplacer dans de bonnes conditions en utilisant à peine la moitié de sa puissance maximale, ce qui lui permettait d’allouer sans difficulté quarante-cinq de ses chevaux en réserve, pour alimenter un groupe réfrigérant ou tout autre équipement. A ce stade du récit, vous attendez sans doute le « mais »... Après les premiers essais, il s’est avéré que la turbine était tout particulièrement silencieuse et que ses rejets, quasi invisibles, ne généraient pas d’odeur particulière. Mais les différents conducteurs qui se sont relayés au volant de Big Red, ont tout particulièrement apprécié l’extrême confort de la bête par rapport aux camions traditionnels, toutes marques confondues, dans lesquels ils avaient l’habitude de se ruiner les vertèbres lombaires. Cela était dû en grande partie à la suspension pneumatique sur coussins d’air qui venait prêter main forte à des amortisseurs télescopiques sur le train avant : du jamais vu auparavant sur un utilitaire

71


CHEZ GENERAL MOTORS Un design outrancier fait toujours couler plus d’encre que l’inverse : sur ce point, le Titan III ne manque pas d’argument ! Notez les bouches d’admission d’air parfaitement surdimensionnées quoique fonctionnelles, qui intègrent une rampe de trois feux escamotables en journée pour un meilleur coefficient de pénétration dans l’air.

Plus de volant dans la cabine du Titan III, mais une console à double roues pour une direction assistée à l’excès, ce qui n’était pas du luxe à l’époque. Sièges ergonomiques, radio FM, 4 haut-parleurs, téléphone, boîte automatique, air conditionné et pare-brise panoramique faisaient partie des équipements censés rapprocher les standards de confort d’utilisation d’un utilitaire de ceux de l’automobile.

CHEVROLET TITAN III En 1966, Chevrolet présente sa réponse au Ford Gas Turbine, le Titan III, une élégante et futuriste cabine installée sur un modèle de tracteur de 34,8 T de PTR déjà existant. Les ingénieurs de chez General Motors croyaient en effet eux aussi dur comme fer à l’avenir du moteur à turbine sur lequel ils planchent depuis plus de quinze ans. Apprendre à dompter une telle motorisation et surmonter les nombreuses contraintes qui en découlent s’avèrent tout à fait passionnant. Les gaz d’échappement par exemple, présentent une température d’expulsion bien trop élevée, susceptible de faire fondre l’asphalte, qui pourrait s’avérer dangereuse pour le public piéton, et qu’il faut donc abaisser au moyen d’échangeurs thermiques qui réinjectent de l’air chaud dans le foyer de combustion, ce qui permet d’évacuer un air débarrassé de son surplus de calories. La vitesse de rotation de la turbine GT-309 ensuite, pouvait culminer allègrement aux alentours des 35 000 tr/mn, qu’il fallait ramener à 4 000 tr/mn pour autoriser le passage des six rapports de la boîte de vitesses automatique Allison. Et la liste des problèmes à régler était encore longue. Ce qui n’enlève en rien aux qualités intrinsèques du moteur à turbine, sa propension à brûler 100 % du carburant qu’on lui injecte,

72

pour des émissions de gaz d’échappement quasi propres, un poids plume et une fiabilité accrue par rapport au moteur à pistons du fait d’un nombre moindre de pièces en mouvement, etc. Mêmes causes, mêmes effets : l’annonce faite de nouvelles normes anti-pollution, le coût de revient très élevé et l’inertie d’un public de professionnels pas encore prêt à franchir le pas, signeront l’arrêt de mort de ce qui restera, comme tant d’autres, rien moins qu’un projet expérimental sans suite.


de cette sorte. Et le déballage technologique ne s’arrêtait pas en si bon chemin. Pour accéder à la cabine, qui culminait à près de quatre mètres de haut, il suffisait aux occupants d’actionner un interrupteur disposé à hauteur d’homme, qui déclenchait l’ouverture de la porte choisie et l’abaissement d’une échelle rétractable qui viendrait docilement se ranger sous le plancher, dans un compartiment prévu à cet effet, dès la porte refermée : imparable ! Cerise on the cake, la cabine en ordre de marche, se retrouvait légèrement pressurisée, tout ça pour chouchouter les deux chauffeurs censés se relayer au volant pour de longs trajets quasiment sans arrêts... Inutile de préciser qu’un distributeur de boissons chaudes ou froides était présent à bord de la vaste cabine dans laquelle un homme de 1,80 m pouvait se tenir debout sans problème. Cette habitabilité et le souci d’éviter au maximum les arrêts du convoi afin d’optimiser les trajets, ont conduit les ingénieurs de chez Ford à multiplier les équipements à bord : four électrique, lavabo, robinets, table et couchette escamotables et même une cuvette

de WC avec incinérateur électrique incorporé faisaient partie du voyage. Face au conducteur et à son siège ergonomique, une planche de bord façon console, regroupant huit manomètres, dont six étaient dédiés au contrôle des fonctions vitales de la turbine, les deux autres renseignant sur la vitesse de croisière et le niveau de charge des batteries. Le conducteur pouvait choisir de sélectionner manuellement les quatre rapports de la boîte de vitesses Allison, au moyen d’un petit joystick placé sur la planche de bord, ou de laisser cette dernière fonctionner sur le mode automatique. A ce stade, les ingénieurs de chez Ford eurent à cœur de préciser que n’importe quel chauffeur routier pouvait maitriser l’engin en quelques minutes à peine, la conduite différant fort peu d’un tracteur traditionnel, si ce n’est qu’elle avait été largement simplifiée et facilitée. Toujours par souci de confort, un écran de télévision avait été positionné face au passager, avec tout de même un petit paravent latéral empêchant le conducteur de suivre son feuilleton préféré ou le match de base-ball, volant en main. Il va

Il faut aligner pas moins de sept Ford Consul Cortina (113 E) pour représenter à l’identique la longueur du Ford Gas Turbine. Certains Etats auraient souhaité mettre en place une autorisation spéciale avant de voir ce pachyderme emprunter leur réseau routier et les infrastructures qui en découlent.

73


s’en dire que les deux hommes bénéficiaient d’un circuit d’air conditionné séparé en plusieurs zones. Tout cela n’avait qu’un seul but : faire rouler ce bahut nuit et jour en limitant les arrêts aux changements de conducteur, au ravitaillement en carburant et aux opérations de chargement et de déchargement de marchandises (dans des stations prévues elles aussi à cet effet, et situées en bordure des highways, passant ainsi le relais à de petits camions pour assurer la desserte locale et permettre à Big Red de remettre ses pneus sans plus attendre sur l’autoroute). Avec cette optimisation du temps de roulage, le Ford Gas Turbine n’eut aucun mal, lors des phases de tests routiers, à faire la démonstration de sa pertinence par rapport au sacro-saint moteur diesel omniprésent dans le transport routier. Le principal écueil que pouvait rencontrer Big Red, était dû à sa hauteur vertigineuse, véritable handicap dans certains États pour passer sous les ponts ou l’auvent des stations-service. Il faut préciser aussi que cette vision de l’optimisation du transport serait parfaitement possible aujourd’hui, à l’image de ce qu’il se fait dans le transport maritime de containers actuel, où des logiciels puissants calculent le placement de chaque unité en soute en fonction de son poids, de sa densité, et de sa destination. Oui, mais il y a plus de cinquante ans en arrière, Big Red n’a pas convaincu, et sans doute son prix de vente et l’inconnue que représentait la propulsion sous cette forme de turbine ont lourdement pesé dans la balance, du côté des décideurs des grandes boîtes de transport routier. Qu’à cela ne tienne, les études menées sur cet engin préfiguraient l’esprit qui animait le bureau d’études de la marque et dans lequel seraient conçus les nouveaux modèles grand public à venir chez le généraliste Ford et ses filiales plus haut de gamme, Mercury et Lincoln. Mais alors, me direz-vous, qu’est devenu Big Red ? C’est la fameuse équipe de Nascar Holmann & Moody qui a racheté le truck grâce à ses connections chez Ford, dont elle préparait pas mal de

74

Comment ça marche ? L’air comprimé arrive dans une chambre de combustion où le carburant est pulvérisé, puis enflammé. La dilatation de l’air entraîne alors les turbines. Pour lutter contre la température très élevée des gaz d’échappement, Chrysler avait développé un système d’échange thermique entre les gaz d’échappement et d’admission, de manière à ce que la température des gaz expulsés soit plus basse que sur un véhicule conventionnel ! Autre avantage, la turbine consomme l’ensemble du carburant injecté, dans les gaz d’échappement sont absents les traces d’hydrocarbures non brûlés ainsi que le monoxyde de carbone.

modèles (Galaxie, Shelby, Mercury...). Aux dernières nouvelles, on l’aurait aperçu tout au fond d’un hangar de l’aéroport de Charlotte, en Caroline du Nord. Mais cette info remonte à loin. Encore un monument qu’on reverra surgir un jour dans une vente aux enchères prestigieuse. On en apprendra alors encore davantage sur cette machine de rêve : patience !


et enfin, chez chrysler Dès 1963, au terme de plus de dix ans de recherches, Chrysler confiait 50 Turbine, son coupé hard-top dessiné par l’Italien Ghia, et cela pour une durée de 3 mois, en échange du simple remplissage d’une fiche d’évaluation. Parmi les 30 000 candidatures reçues de la part des clients de la marque, 203 familles seront tirées au sort pour participer tour à tour au programme. La turbine glissée sous le capot ne développait que 130 cv à 47 500 tours/mn mais était dotée d’un couple phénoménal de 576 Nm disponible dès le ralenti, calé à 22 000 tours/mn. Avec cinq fois moins de pièces en mouvement qu’un moteur classique, la turbine ne requérait qu’un minimum d’entretien et s’avéra parfaitement fiable pendant toute la phase de test. Cette configuration autorise l’emploi de carburants divers et variés, essence sans plomb (ce dernier formant des dépôts néfastes), diesel, kérosène... tout produit ayant des propriétés de combustible, en fait. Les « moins » retenus par les essayeurs : la difficulté de maîtriser l’accélérateur en fonction de la température atteinte, la consommation qui pouvait dépasser les 50 l aux cent kilomètres et l’affreux bruit émis par l’échappement, souvent comparé à la succion d’un aspirateur ! Les « plus », l’absence de toute vibration, le confort, le silence de fonctionnement, la puissance, l’avant-gardisme du projet... En cas de gros volumes de production, le coût de revient de la turbine aurait pu se rapprocher d’une voiture à essence normale. Malheureusement, les perspectives de ventes à court terme n’étaient pas suffisantes et sur 55 exemplaires produits, 46 ont été détruits. Sur les 9 restants, 6 ont été désarmés puis donnés à des musées, un est exposé au musée Chrysler, un autre au Musée des transports de Saint-Louis et le dernier appartient au présentateur de TV, Jay Leno.


LES BATEAUX A ROUES A AUBES Images : archives - Récit : Benjamin Hebert

Mississippi Cruising



Après la planche à voile, le speed sail et le kite-surf, voici la toute nouvelle mode importée des Etats-Unis : le paddle. Toute nouvelle, façon de parler...

Le paddle ne date en effet, pas d’hier. Les rois polynésiens étaient les premiers à affronter des vagues debout sur de grosses planches en bois, armés d’une pagaie. Mais l’Amérique a toujours sous-estimé la richesse de son histoire. Son paddle date du XIXe siècle et il parcourait le fleuve Mississippi. L’image d’Epinal qui nous vient d’emblée à l’esprit, fait référence au dessin animé « Tom Sawyer » (ou au film de 1938 du même nom), tiré du célèbre roman de Mark Twain. On y voyait le petit Tom faire la course, sur les rives du Mississippi, avec un paddle boat à la roue à aubes majestueuse. Destiné à la navigation intérieure, sur les grands fleuves, les lacs et les estuaires, le paddle boat est un bateau à vapeur à fond plat et à faible tirant d’eau. Il utilise une ou plusieurs roues à aubes pour sa propulsion. Cette invention, on la doit aux ingénieux Chinois. La dynastie Song maintenait déjà sa suprématie navale au Xe siècle grâce à

78

la rapidité de ses bateaux à roue à aubes, actionnée à la main par de vaillants guerriers. L’utilisation de l’énergie humaine disparaît avec l’invention du Français Denis Papin, en 1685, de la roue à aubes actionnée par vapeur sous pression dans des chaudières alimentées au bois ou au charbon. Cocorico ! Les premières roues à aubes étaient à pales fixes, ce qui était hydro-dynamiquement peu efficace. Le système fut amélioré avec l’arrivée des pales articulées, entraînées par des biellettes sur une sorte de came en forme d’étoile. Ce dispositif était appelé « Star System », une expression typique dont le sens a aujourd’hui quelque peu dévié… La Seine en terrain d’essais C’est l’ingénieur américain Robert Fulton, grand concepteur de bateaux, qui fut l’un des pionniers des navires à roues à vapeur. En 1783, il rejoint la France pour travailler avec son acolyte le marquis de Jouffroy, concepteur du « Pyroscaphe », bateau à vapeur équipé de roues à aubes. Durant le Directoire (1995-199), il expérimente un sous-marin, baptisé « Nautilus »,


par deux fois refusé par les « autorités ». Après le coup d’État de Bonaparte, Fulton revient avec sa géniale invention. Cette fois-ci c’est la bonne. Bonaparte, friand d’innovations, lui donne le feu vert. Après une première plongée dans la Seine, à Rouen, en juillet 1800, les essais se poursuivent au large du Havre en 1800, puis en 1801, à Camaret, dans le Finistère. Au mois d’août 1801, un vieux brick est mouillé en rade de Brest. Le « Nautilus » le fait sauter en réussissant à fixer convenablement sa mine. L’ego regonflé à s’en faire péter le veston, Fulton teste, en 1803, un prototype de bateau à vapeur. Brisé sous le poids de la machinerie, le bateau coule. Fulton se remet au travail et le 9 août de cette même année, il réussit à faire fonctionner le premier bateau à vapeur, sur la Seine. Fulton songe à offrir son invention aux États-Unis. Il prend les dispositions nécessaires pour faire adopter par les Etats-Unis (nés en 1783) ce système de transport. Le Congrès dresse alors un acte public, aux termes duquel il accorde le privilège exclusif de naviguer sur toutes les

eaux de cet État, au moyen de la vapeur pour une durée de vingt ans. Une aubaine pour le fleuve Mississippi. Ce dernier commence au lac Itasca dans le Minnesota, traverse dix États et finit son périple dans le Golfe du Mexique. Le Mississippi est l’un des plus grands fleuves du monde. Il couvre 6 210 km de longueur avec ses nombreux affluents comme la rivière Missouri, qui arrive des Rocheuses du Montana, ou les rivières Ohio, Tennessee, Arkansas... Autant dire que le fleuve est prédestiné à recevoir les bateaux de Fulton. Un mythe est né.

79


New Orleans, premier paddle boat du Mississippi Fort de son succès avec son « Clermont », sur la rivière Hudson dans l’État de New York, en 1807, Robert Fulton inaugure alors le réseau fluvial du Mississippi en 1811. Le « New Orleans » est le premier Paddle boat du Mississippi. Il assure la liaison entre Natchez et La Nouvelle-Orléans, qui deviendra alors le plus grand port du Mississippi. La « Comète » est le deuxième bateau à vapeur du Mississippi. Lancé en 1813 à Pittsburgh, il est beaucoup plus petit que le « New Orleans ». Il est le premier bateau à vapeur du Mississippi à être propulsé par un moteur à haute pression léger et efficace, tournant une roue de pagaie arrière. En effet, deux types de bateau étaient proposés à l’époque. Les bateaux à roues à aubes sur les côtés appelés « sidewheelers », et ceux avec une seule roue à l’arrière intitulés « sternwheelers ». Les sidewheelers, plus spectaculaires, devinrent des navires de combat pendant la guerre de Sécession, avec un système de paddle caréné et blindé. La propulsion par roues à aubes était bien adaptée aux premières machines à vapeur dont le fonctionnement était extrêmement lent. Le mécanicien pouvait graisser les bielles en marche. Dans les années 1810, 20 bateaux circulaient sur le fleuve pour atteindre 1 200 unités vingt ans plus tard. La plupart sont baptisés du nom des villes longeant le fleuve. Outre des passagers, les bateaux transportaient de la marchandise, notamment du coton, du riz, du bois, du tabac et de la mélasse. Les vapeurs sont alimentées par du bois, puis du charbon. Les navires en bois faisaient environ 90 mètres de long et 24 mètres de large. Les collisions et les contournements étaient des périls constants. Les navires, avait une durée de vie de cinq ans en raison de la rupture des coques en bois, d’un mauvais entretien, des incendies, de l’usure générale et de l’explosion des chaudières. Poker et Jazz remplacent les balles de coton Les premiers voyages sur la rivière Mississippi, de l’Ohio jusqu’à La Nouvelle-Orléans, prenaient trois semaines, de quoi susciter des vocations au jeu de poker, les longues traversées étant en effet propices aux interminables parties de cartes. Les ligues puritaines de certaines grandes villes faisaient la chasse aux joueurs professionnels. Plutôt que de se faire lyncher, ces derniers trouvaient refuge sur les bateaux qui devinrent de vrais casinos flottants.

80


Plus tard, l’amélioration constante des moteurs et des chaudières permirent de réduire le trajet à quatre jours. Moins intéressant pour les cartes ! Saint-Louis devient un important point d’approvisionnement pour le Mississippi. La ville se dynamise grâce à cela. Dans les années 1850, Saint-Louis devient la plus grande ville américaine à l’ouest de Pittsburgh et le deuxième plus grand port du pays, avec un tonnage commercial dépassé seulement par New York. C’est l’apogée du Paddle boat qui reste sujet aux incendies. Chaudière et bois ne font pas bon ménage. Le pire de tous les accidents intervient à la fin de la guerre civile, en avril 1865, lorsque la navette à vapeur « Sultana », portant une charge trop importante de soldats récemment libérés du camp de prisonniers confédérés, explose, provoquant environ 1 800 décès. Mais l’esprit de compétition ne refroidit pas. Des courses de vitesse sont organisées sur le fleuve.

81


Le « Natchez VII », construit en 1869, en est l’un des héros. Avec huit chaudières et une capacité de 5 500 balles de coton, il est resté en service près de 10 ans, après 401 voyages sans avaries. Il devient célèbre suite à une course mythique contre un autre champion à vapeur du Mississippi, le « Robert E. Lee » à SaintLouis, en juin 1870. Il est possible de faire une croisière aujourd’hui sur son descendant. Du transport de marchandises, le sens du commerce déjà prégnant des Américains les incite à proposer des croisières doublées de parties de poker, puis plus tard de concerts de jazz. Le chemin de fer pointe le bout de son nez, avec la construction de la première ligne transaméricaine en 1869. Il faut se réinventer. Le lent déclin commercial des lignes de Paddle boats amène donc les exploitants à transformer ces bateaux spectaculaires en bateaux de croisière au début du XXe siècle. Ils servent également de bateaux postaux. Les espaces de stockage laissent place aux cabines de voyageurs et aux parquets de danse. Jusqu’en

82

1942, ces bateaux jouèrent un rôle non négligeable dans la popularisation du jazz. Un certain Louis Armstrong fut employé par la Streckfus Steamboat Line de 1919 à 1922. Après la Seconde Guerre mondiale, les hélices viennent à bout des bateaux à aubes, mais aujourd’hui, ce fragment important de l’Histoire de l’Amérique continue d’exhiber ses boiseries aux touristes voulant embarquer sur les traces de Tom Sawyer. Non, décidément, le Mississippi ne sera jamais un long fleuve tranquille...



1937 WILLYS COUPÉ Images et récit : Chad Reynolds - Adaptation : J.-P. M

Barn Find Sheridan Hale a acheté ce coupé Willys neuf en 1937. Il se pourrait bien que cela soit le dernier exemplaire survivant en état d’origine...



Lorsque Chadly Johnson, un des gars de chez MetalWorks m’a informé par e-mail de l’existence de ce projet de restauration dans leurs locaux, j’ai cru mourir ! Quoi ? Une Willys première main ? Un exemplaire pas transformé en gasser de surcroît ? Etonnant ! Et ce qu’il est encore davantage, c’est que les deux fils de Sheridan, Ken et Norm, lorsqu’ils ont décidé, à la mort de leur père, de faire restaurer à l’origine la voiture, ont eu toutes les peines du monde à trouver un garage qui respecte le souhait de leur défunt père de ne pas transformer cet exemplaire en hotrod. Originaires de Californie, ils ont donc poussé plus au Nord, en Oregon, afin d’y rencontrer toute l’équipe de MetalWorks à qui cela

86

ne posait aucun problème de remettre l’auto dans sa configuration d’origine et de la rendre aussi neuve qu’à sa sortie d’usine. Voici donc l’histoire de cette Willys de première main que tout bon rodder qui se respecte tuerait père et mère pour se la procurer... Le coupé Willys qui s’exhibe là, sous vos yeux ébahis, a de quoi faire trembler des genoux la quasi majorité des hot-rodders présents à la surface de la planète Terre.


A la fin des années 1950 et au tout début des années 1960, les coupés Willys ont en effet dominé sans partage ce que l’on a baptisé plus tard The Gasser Wars. Ce petit coupé au poids plume avait en effet tous les atouts nécessaires pour accéder au rang de parfait dragster, et l’immense majorité de ces autos s’est retrouvée le nez en l’air, haut perché sur un essieu rigide avec un énorme moteur v8 sous le capot (voir encadré p.92). Quelques décennies plus tard, c’est la mode du Pro-Street qui fera fureur dans la rue, l’affectation et les modifications vont donc radicalement changer, mais l’inéluctable et irréversible extinction de la race poursuit son petit bonhomme de chemin, jusqu’à atteindre le point fatidique de non retour. A tel point que si l’on demandait à un jeune quidam sur un meeting à quoi ressemblait le coupé Willys livré neuf en concession, il nous parlerait de moteur compressé, d’arceau-cage et d’énormes pneumatiques dissimulés sous la carrosserie... Entre-temps, la cote de l’engin est montée en flèche, cela est dû au passé prestigieux de la bête sur les courses de dragsters qui se couraient à une époque héroïque où tout restait à inventer.

87


Et pour ça, pour s’approprier un bout de patrimoine, une parcelle de la légende, les collectionneurs sont prêts à payer le prix fort. Mieux, on restaure à présent ces autos non pas à leur état originel, mais bel et bien dans leur configuration « course » la plus en phase avec leur palmarès. Sheridan, le père de Ken et de Norm, était âgé de seize ans en 1937, lorsqu’il se porta acquéreur de ce coupé Willys acheté neuf chez le dealer du coin. Pourquoi un tel choix ? Pour une question de budget, tout simplement. Cette voiture était en effet la seule à portée de sa bourse plate. Cette première auto, Sheridan va l’utiliser pendant des dizaines d’années, sachant que pour son boulot, il avait transformé une antique Star de 1925 en utilitaire, ce qui permettait d’économiser un peu la Willys.

88



90


En 1960, il la repeint tout de même, par ses propres moyens, dans sa couleur verte d’origine. Un film tourné en Super 8 ce jour-là en atteste... Chacun des deux fistons a appris à conduire au volant de la Willys, sur le chemin qui conduisait à la maison familiale, comme ça se faisait à une époque décidément révolue où on se rendait à l’examen de passage du permis de conduire au volant de son propre tacot. C’est Norman, le cadet des deux fils, qui décida de se rendre au lycée au volant de la Willys, au détour de l’année 1967. Mais un officier de police zélé ne tarda pas à mettre un terme à l’idylle naissante entre un minot et sa jolie petite voiture : devant l’impossibilité

de remplacer un phare défectueux, faute de pièces détachées, il dut se résoudre à pousser l’auto sous un abri et à ne plus reposer un pneu sur la voie publique, parce que le règlement, c’est le règlement. Quasiment oubliée de tous, la Willys va passer près de cinquante ans au purgatoire, jusqu’à ce que Sheridan ne vienne à s’éteindre, à l’âge de 93 ans. A l’heure de l’inventaire et du partage des biens, Norm et Ken ont tout à fait logiquement retrouvé la Willys là où Norm l’avait garée à son retour du lycée, et d’où elle n’avait jamais plus bougé. Sheridan, pendant ce demi-siècle d’immobilisation du véhicule, a décliné des dizaines et des dizaines d’offres de rachat de la bête, dont certaines très alléchantes, au motif qu’il refusait de voir cet exemplaire se faire trafiquer.

91


Aussi, d’un commun accord, les deux fistons ont décidé de redonner une seconde vie au coupé, et de le faire restaurer dans le plus grand respect du cahier des charges originel. Chez MetalWorks, c’est avec une grande émotion que l’on a accueilli l’auto à son arrivée sur remorque, et chacun a désormais à cœur de permettre à Ken et à Norm de ressentir ce que leur père Sheridan a ressenti, pas peu fier, à l’âge de seize ans, lorsqu’il a quitté la concession au volant de sa dernière acquisition, le cœur battant, le portefeuille quasiment vide, et qu’il a enquillé la première, puis la deuxième vitesse, et qu’il a un peu poussé la troisième, histoire de voir ce que cette voiture neuve, sa première, avait dans le ventre... www.metalworksclassics.com

92

Gasser : dragster carburant à l’essence du commerce (gas), par opposition aux purs prototypes utilisant du méthanol ou de l’alcool et qui constituaient l’essentiel du plateau inscrit dans les premières heures de la discipline. La catégorie gasser permettait à tout un chacun de venir s’essayer aux courses d’accélérations sur 1/4 de mile (402,336 m) au volant de sa voiture de série, préparée (ou non) selon un cahier des charges précis, limitant les modifications apportées aux véhicules, notamment au niveau de l’empattement, du recul du moteur dans l’habitacle (set back) et de la hauteur de l’axe du vilebrequin par rapport au sol. Apparue à la fin des années 1950, cette catégorie avait été grandement encouragée par les autorités de Californie qui cherchait déjà à éradiquer les runs sauvages qui se couraient dans le désert, voire pire en ville, le vendredi soir de feu rouge à feu rouge. Avec son gabarit de poche, son poids plume et sa pure bouille de requin marteau, le coupé Willys de 1937 à 1941 (en illustration, un modèle millésimé 1939) a durablement marqué les esprits, surtout dans cette configuration essieu avant rigide surélevé/ lames de suspension longitudinales, qui autorisait un meilleur transfert des masses à l’accélération et donc, plus d’adhérence. Equipés de V8 big blocks de cylindrées délirantes par rapport à leur petit 4 cylindres d’origine, les Willys jouaient à fond la carte du spectacle, au plus grand bonheur des spectateurs. Les gassers ont grandement contribué à la popularisation du dragster en tant que sport, le public pouvant aisément s’identifier dans ces voitures extraites de la grande série et littéralement catapultées en bout de ligne à la manière d’un caillou dans une fronde. Et cela se vérifie de nos jours encore, parce que l’histoire n’est qu’un perpétuel recommencement : sur le Trophée Dragster français proposé par l’ATD, un gasser correspondrait à la catégorie Street Run A, C ou C.


A le voir comme ça, on a peine à imaginer que ce frêle châssis de 2 642 mm d’empattement a semé la terreur sur tous les dragstrips ! Le moteur d’origine proposé par Willys-Overland Motors, consistait en un 4 cylindres en ligne de 2,4l de cylindrée pour une puissance de 66,5 hp, un peu présomptueusement baptisé Go-Devil !

Dans le cadre d’une restauration menée dans les règles de l’art, seule la méthode par le vide a fait ses preuves. Il est aussi très important de se débarrasser des couches successives de produits appliqués sur chaque pièce ou sur la carrosserie : les produits contemporains ne sont pas compatibles avec les résines utilisées à l’époque, et les empiler les uns par-dessus les autres, c’est se tirer, à plus ou moins long terme, une balle dans le pied !

Démonter, surtout quand on ne connaît pas par cœur une auto, c’est tout d’abord repérer : étiquettes adhésives et boîtes de rangement thématiques vous feront économiser pas mal de temps et de sueurs froides lors du remontage.

Le diable se cache dans les détails ! Les ateliers spécialisés dans la restauration apportent une vraie plus-value à votre auto lorsqu’ils en prennent soin comme elle le mérite : il faut garder à l’esprit que sur les chaînes d’assemblage en usine, le travail n’était souvent pas aussi soigné...

93


COMPLÉTEZ VOTRE COLLECTION

#02

#04

#05

#03

#05

#01

#06

14 €

#5 Avril/Mai/Juin 2017

05

#

Les Éditions Maison Rouge 4, rue de la Corne, 58240 Chantenay-Saint-Imbert

couv carlingue #5.indd 1

10/04/2017 16:52

ww w. c a r li ng u e . n e t BON DE COMMANDE A imprimer, à remplir lisiblement et à retourner avec votre règlement à : Éditions Maison Rouge, 4, rue de la Corne - 58240 Chantenay-Saint-Imbert ARTICLE / DÉSIGNATION

QUANTITÉ

PRIX UNITAIRE

TOTAL

Carlingue #1

x

14 €

=

Carlingue #2

x

14 €

=

Carlingue #3

x

14 €

=

Carlingue #4

x

14 €

=

Carlingue #5

x

14 €

=

Carlingue #6

x

14 €

=

Frais de port et d’emballage

Inclus* Montant total de ma commande =

*Inclus pour la France Métropolitaine. Pour envoi dans les DOM-TOM ou à l’étranger, contactez-nous : onlinestore@carlingue.net

MES COORDONNÉES M., Mme, Mlle Entreprise / organisme Adresse Code postal

Ville

Téléphone

E-mail

JE RÈGLE PAR : Chèque bancaire, à l’ordre des Éditions Maison Rouge

Date :

Carte bancaire

Signature :

N° de carte : Date d’expiration : Crypt :

94

Mandat postal, à l’ordre des Éditions Maison Rouge

(MM/AA)

(3 derniers chiffres au dos de la carte)


AB ON N EZ -V O U S! 1 AN

NEUTRAL

45 €

NEUTRAL, la formule classique de l’abonnement « papier ». Tous les trois mois, recevez Carlingue® dans votre boîte aux lettres...

-20%

45 € au lieu de 56 € pour un an, soit 4 numéros.

DRIVE

28 €

DRIVE, l’abonnement au format numérique. Pour vous, fini le papier, retrouvez Carlingue® en ligne sur votre PC, votre tablette ou votre Smartphone et conservez-le dans votre e-bibliothèque. Au passage, économisez 50 % !

1 AN

-50%

28 € au lieu de 56 € pour un an, soit 4 numéros.

OVERDRIVE

46 €

OVERDRIVE, l’offre Premium : pour 1 € de plus, cumulez l’abonnement papier ET le support numérique !

+1€

46 € au lieu de 73 € pour un an, soit 4 numéros.

BULLETIN D’ABONNEMENT A imprimer, à remplir lisiblement et à retourner avec votre règlement à : Éditions Maison Rouge, 4, rue de la Corne - 58240 Chantenay-Saint-Imbert Je souscris à la formule NEUTRAL (papier) pour une durée de 1 an (4 numéros), soit 45 euros Je souscris à la formule DRIVE (numérique) pour une durée de 1 an (4 numéros), soit 28 euros Je souscris à la formule OVERDRIVE (papier + numérique) pour une durée de 1 an, soit 46 euros MES COORDONNÉES M., Mme, Mlle Entreprise / organisme Adresse Code postal

Ville

Téléphone

E-mail

JE RÈGLE PAR : Chèque bancaire, à l’ordre des Éditions Maison Rouge

Date :

Carte bancaire

Signature :

N° de carte : Date d’expiration : Crypt :

Mandat postal, à l’ordre des Éditions Maison Rouge

(MM/AA)

(3 derniers chiffres au dos de la carte)

95


LA BOUTIQUE CLASSIC TEE

IGNITION

T-shirt gris chiné 85 % coton / 15 % polyester Double bord piqué Sérigraphié Tailles S au XXL

Porte-clés classique en cuir et métal mat, double anneau porte-clés en acier chromé gravé au laser,

22 €

15 € WA R M - U P

RACE IS OVER

Mug en inox double paroi isolante, contenance 220 ml, gravé au laser

Polo manches courtes gris clair softpiqué 90 % coton / 10 % polyester Brodé Tailles S au XXL

22 €

45 €

D r SP E N C ER R EID

DI MAGGIO

Sac bandoulière en feutre de 3 mm d’épaisseur, rabat avec fermeture par bande auto-agrippante, deux pochettes à l’avant, bandoulière réglable

Casquette baseball 100 % coton peigné, visière préformée, fermeture à clip réglable au dos, couleur : gris Sérigraphiée

42 €

22 € ROBBIE

M ATA H A R I

Lunettes de soleil en matière synthétique, protection UV-400 selon normes européennes, coloris blanc, taille unique

Clé USB en cuir avec anneau à clé utilisable en Plug & Play sous Windows, Mac et Linux, fonction Autorun, capacité de stockage de 2 Gb

22 €

22 € Flasque à alcool, inox brossé, bouchon à visser, contenance 200 ml, gravée au laser

contact@carlingue.net 96

45 €

Photographies non contractuelles

BOOTLEG


COLD CASE

T W O PA C K

Sweat à capuche gris chiné 75 % coton / 25 % polyester doublé fleece 270 g/m² fermeture éclair métal sérigraphié Tailles S au XXXL

Duo de stylos Carlingue : un stylo en aluminium à encre bleue, insert perfect grip en caoutchouc, clip, pointe et anneaux en métal, plus un stylo bois en hêtre massif, encre bleue, clip et pointe chromés.

65 €

12 € CHERBOURG

TIME TO RACE

Parapluie en nylon, cadre et manche en métal, poignée bois, diamètre 127 cm Impression sublimation

Montre homme avec boîtier en acier argenté verre minéral bracelet cuir noir Sérigraphiée

55 €

55 €

BON DE COMMANDE A imprimer, à remplir lisiblement et à retourner avec votre règlement à : Éditions Maison Rouge, 4, rue de la Corne - 58240 Chantenay-Saint-Imbert La boutique en ligne : contact@carlingue.net ARTICLE / DÉSIGNATION

QUANTITÉ

TAILLE

PRIX UNITAIRE

TOTAL

Montant total de mes articles [1] Frais de port (10 % du montant total, gratuit au-delà de 100 euros)* [2] Montant total de ma commande [1+2] *Frais de port valables pour la France Métropolitaine. Pour envoi dans les DOM-TOM ou à l’étranger, contactez-nous : onlinestore@carlingue.net

MES COORDONNÉES M., Mme, Mlle Entreprise / organisme Adresse Code postal

Ville

Téléphone

E-mail

JE RÈGLE PAR : Chèque bancaire, à l’ordre des Éditions Maison Rouge

Date :

Carte bancaire

Signature :

N° de carte : Date d’expiration : Crypt :

Mandat postal, à l’ordre des Éditions Maison Rouge

(MM/AA)

(3 derniers chiffres au dos de la carte)

97


Insolite

La Vie Moderne L’histoire de Glenn Gordon Davis présente quelques similitudes avec celle de l’un de ses concurrents, Preston Tucker. En 1941, Frank Kurtis construit sur mesures « The Californian » pour l’un de ses clients fortunés, Joel Thorne. Il s’agit d’un petit roadster à trois roues propulsé par le « petit » V8 Ford flathead. Davis en tombe raide dingue et se porte acquéreur de l’auto en 1945. De vendeur de voitures d’occasion à succès, il va devenir constructeur automobile indépendant, comme Keller, King Midget, Playboy, Crosley et... Tuker. The Californian lui a en effet inspiré un roadster à trois roues également, mais de dimensions supérieures, à tel point qu’il pourra transporter sept passagers à la fois, quatre devant et trois derrière. De cette configuration « spéciale », découlera le nom de baptême de la chose, la Davis Divan. Celle-ci est mue par un moteur 4 cylindres de marque Continental accouplé à une boîte Borg-Warner à trois rapports. La légère carrosserie « tout alu » autorise à la Divan d’honnêtes performances malgré une puissance avoisinant les 50 CV à peine, la vitesse de pointe se situant aux alentours des 160 km/h pour une consommation n’excédant pas les 35/50 miles par gallon. Outre son train avant inspiré de l’aéronautique, la Davis propose quelques innovations techniques

98

telles que les portes de phares escamotables et un cric intégré près de chacune des deux roues arrière, utilisant des vérins hydrauliques dégottés en surplus militaire. De la petite usine californienne de Van Nuys, sortiront pas moins de 17 exemplaires de la Divan, entre 1947 et 1949. Là où son parcours rejoindra celui de Tucker, c’est au niveau judiciaire, mais Davis, lui, ne passera pas à travers les mailles du filet. Poussé à la banqueroute par des plus gros, des plus forts que lui, il écopera, en plus de la ruine et de la confiscation de ses biens, de deux ans de placard. Pourquoi n’est-il donc pas resté simple vendeur de voitures d’occasion ? Parce qu’il aspirait à mieux, et qu’il faut parfois, pour obtenir ce qu’on veut, renoncer à ce que l’on a déjà...


Modèle : Cruz Couleur : Cola Autonomie : 56 km Vitesse : 38 km/h en mode Race DurÊe de rechargement : 2 heures

The Ride of a Lifetime www.vintageelectricbikes.com


14 € #7 Octobre/Novembre/Décembre 2017

Les Éditions Maison Rouge 4, rue de la Corne, 58240 Chantenay-Saint-Imbert


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.