Carlingue #5 - Black & White

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É D I T O

Tout nous ramène aux USA dans ce Carlingue #5. Maître Robert Frank tout d’abord, le talentueux photographe américain d’origine suisse, qui a tiré le portrait de ses contemporains à la fin des années 1950 avec une humanité rare et une saine bienveillance, débarrassée de tout artifice. Cette Graham-Paige de 1938 ensuite, importée neuve en France, re-carrossée immédiatement par l’un de nos meilleurs praticiens, Jacques Saoutchik, puis déportée en Afrique du Nord pendant WWII, et finalement rachetée et ré-expédiée aux US afin d’y être restaurée à grands frais. L’Expo universelle de New York de 1939-1940, qui proposait dans sa deuxième année d’exploitation des pavillons de pays n’existant plus en tant que tels, parce qu’on y parlait désormais Allemand. L’Oiseau Blanc des Français Nungesser et Coli, sans doute l’une des premières victimes de l’ouverture de la chasse en 1927, quelque part au large de la côte Est... des États-Unis. Jim Hall, bien sûr, et ses fameuses autos de course Chaparal injustement méconnues de par chez nous. Le MV Kalakala, un splendide ferry-boat américain à qui Michel Sardou, s’il n’avait eu peur de la redondance, aurait pu consacrer une chanson. L’Étonnante, sortie en droite ligne du cerveau en ébullition de l’un de nos jeunes et talentueux constructeurs hexagonaux, mais à l’évidence marqué au fer rouge par les engins de record de vitesse et de courses sur lac salé telles qu’on les pratique dans l’Utah par exemple, depuis le tout début du siècle dernier. L’Antartic Snow Cruiser, enfin, qu’on rebaptisera d’ici peu Antartic Stone Cruiser si l’on n’arrête pas un peu de déconner... Alors bien entendu, on pourrait aussi vous parler de dance country, de l’historique du Stetson, de la Cadillac Seville diesel de 1978 ou des Sons of Anarchy... Mais, bon, on est des gens sérieux, on n’a pas trop de temps à perdre et puis, dans ce numéro thématique « Black & White », on a peut-être retiré la couleur, mais certainement pas la lumière...

Jean-Paul Milhé


SO MMAIRE 08

LES NEWS Quoi de neuf dans la sphère vintage

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THE WORLD OF TOMmOROW The New York World Fair (1939-1940)

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L’ O I S E A U BLANC La folle épopée de Nungesser et Coli

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THE AMERICANS Robert Frank, photographe


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LE GRAND REQUIN BLANC 1938 Graham 97 Supercharged by Saoutchik

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hall of fame Jim Hall et ses fameuses Chaparral

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ABONNEMENTS

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LA BOUTIQUE

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LA CROISIERE S’AMUSE Le Motor Vessel Kalakala

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L’ I N T E R V I E W BONNEVILLE L’Étonnante, BMW Café Racer R69S Série 2 1955

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p E nguin I

INSOLITE

L’Antarctic Snow Cruiser

La vie moderne


DI R EC T EU R D E L A PU B L I CATI O N Jean-Paul Milhé Ré dacteur en c h e f Jean-Paul Milhé redaction@carlingue.net 06 34 37 20 18 (nouveau numéro) C O N C E P T E U R G R A PH I Q U E Geoffroy Gatt M A Q U ET T E Jean-Pierre Garrat - JPEX Team maquette@carlingue.net PU B LI C I T É pub@carlingue.net 06 34 37 20 18 (nouveau numéro) W E B M A S T ER Evelyne Milhé-Lahmar webmaster@carlingue.net O N T C O LLA B O R É À CE N U M É R O Philippe Cousyn, Laurent Bagnard, Benjamin Hebert, Wade Walker, Darin Schnabel, Geoffroy Gatt, Steve Rodriguez, Russ Knudsen, Robert Frank, Laurent Nivalle. LA R EVU E C A R L I N GU E est publiée par les Éditions Maison Rouge SASU au capital de 1000 € - RCS Nevers SIREN 819 160 060 4, rue de la Corne 58240 Chantenay-Saint-Imbert IS S N 2493-819X C P PA P 0517 K 93048 DÉ P Ô T LÉ G A L à parution A N C I EN S N U M É R O S Le bon de commande se trouve en page 94 ABONNEMENTS Le bulletin d’abonnement se trouve en page 95 BOUTIQUE La boutique se trouve en pages 96-97 www. c arlin gue . n e t LA R EVU E C A R L I N GU E

est imprimée en Espagne par : Litografia Rosés Carrer Progrès 54-60 08850 Gavà (Barcelona) Tel. 00 34 936 333 737 www.litografiaroses.com L’envoi de textes ou d’illustrations implique l’accord des auteurs et modèles pour une utilisation libre de droits et suppose que l’auteur soit muni des autorisations éventuellement nécessaires à la diffusion. Les documents, insérés ou non, ne pourront être rendus. La rédaction n’est pas responsable de la perte ou de la détérioration des textes ou des photographies qui lui sont adressés pour appréciation. La reproduction, même partielle, de tout matériel publié est interdite (article L122-4 du Code de la propriété intellectuelle).

La r e v ue Car lin g ue e st é dit é e par : Le s É dit io n s M aiso n R o ug e

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food truc k

La Station Gourmande Par Pierre Coudouy

Difficile de le louper. Le Citroën U23 vert longe tranquillement le stade Lavie, puis le gymnase LéoLagrange. De l’aute côté, l’Université de Pau. Face au parking Hélioparc. Arnaud et Katie installent « La Station Gourmande », le food truck spécialiste du burger en Béarn. Ces deux-là ne sont pas novices, derrière eux, il y a 25 ans de travail dans la restauration, la pizza à emporter ou les saisons au camping sur la Côte basque et les Landes, avec le rythme que cela implique. « On a eu envie d’autre chose, plus calme, histoire de se poser un peu. » C’est en s’inspirant de la chef américaine Kristin Frederick et de son « Camion qui fume », qu’ils décident, en 2015, de se lancer dans un projet de food truck. Là-bas, aux Amériques, cela fait plus de cinquante ans que ces camions ont trouvé leur place… Ici, c’est bien plus récent. Il fallait trouver un concept spécifique et surtout un camion qui se démarque, qui se repère, qu’on n’oublie pas. Tous les deux sont attirés par le vintage, ils veulent un camion qui a de la gueule.

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Après six mois de recherche sur internet, ils jettent leur dévolu sur un vieux classique français, fabriqué entre les années 30 et les années 60, le Citroën U23. C’est dans la région de Lille que la machine va être transformée. Là-bas, ils ont le savoir-faire, la proximité de la Belgique et de ses fameux « camions-friterie » y est pour quelque chose. Le camion n’est pas très grand et il a fallu bien tout calculer et réfléchir pour l’aménagement intérieur.


Mais, là, pour le coup, leur expérience dans la restauration est un vrai atout, dès le départ. Sept mois de travail seront nécessaires... Peu de place à bord, l’organisation doit être parfaite et s’articule autour d’un maximum de préparation en amont, dans le labo, à la maison. La différence se fera sur des bons produits (priorité aux producteurs locaux lorsque c’est possible) et au fait maison. « On a essayé et testé plusieurs pains différents, fabriqués spécialement pour nous par notre boulanger de Gelos (« Le moulin de Pyrène »), avant de trouver celui qui convenait le mieux à notre cuisine. Pour la charcuterie, nous travaillons avec le même artisan (Frédéric Lacoste à Pau) depuis le début et si nous n’avons pas trouvé de fournisseur spécifique pour la viande, nous ne prenons que de la Blonde d’Aquitaine certifiée ». Arnaud précise : « Pour le fromage, on utilise du brebis du coin bien sûr, mais aussi des fromages de partout ailleurs, la France est tout de même LE pays du fromage ! ». Les frites aussi sont faites maison et la Station Gourmande a tenu à proposer un burger végétarien, à base de galette de légumes. A la carte également, des nuggets maison au curcuma et au paprika, panés aux corn flakes et accompagnés d’oignons caramélisés et d’échalotes confites,

sans oublier les desserts confectionnés par Katie, c’est son pré carré. Pour couronner le tout, Arnaud s’est lancé le challenge du « Burger de la semaine », « pour se renouveler, se faire plaisir, chercher des saveurs en fonction des produits de saison. En hiver, pas de tomate ! En revanche, on en a fait avec du brocolis, ça a surpris, mais ça a eu beaucoup de succès ! ». Je me suis donc sacrifié pour le « Spécial » de cette semaine qui se nomme « Hibiscus », préparé avec du Comté, une crème à base de betterave et de citron, de la mangue et les ingrédients habituels (pain, viande etc.). De la couleur… et du goût, je peux vous le garantir ! Bon, comme je ne suis pas gourmand, pour le dessert, je n’ai pas hésité et j’ai foncé sur la panna cotta au coulis de mangue... Oui, je sais, on fait pas un métier facile !

La Station Gourmande : Parking de la technopole Hélioparc, avenue du Président-Pierre-Angot, 64000 Pau (près de l’Université). Lundi, mardi et jeudi midi de 11 h 30 à 14 heures, tous les soirs de la semaine (hors week-end) de 18 h 30 à 21 heures. Possibilité de privatiser le food truck pour de petits événements (fêtes de famille, petits rassemblements à taille humaine, etc.) www.lastationgourmande.fr – Tél. 07 83 36 99 75.

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T wice is Enough

The Black Douglas Motorcycle Company Le beurre et l’argent du beurre, c’est ce que proposent Fabio Cardoni, Giuseppe Guerra et Benny Thomas, les trois cerveaux de The Black Douglas Motorcycle Company. Leur enfance, tous les trois l’ont passée le cul vissé sur une selle de pétahum, à dérouler du câble sur le ruban d’asphalte, à se griffer le cuir dans les ronciers, la boue et les sous-bois ou à emballer de la coquine au guidon de leurs chops de la muerte. La moto, ils l’ont pratiquée sous toutes ses formes, taquinant les 300 km/h sur circuit, pestant contre le mauvais sort, en panne sur une oldie un dimanche soir sous la pluie, à 200 bornes de la maison ou s’arrachant les avant-bras sur les pires spots de trial. Au final, ils ont souhaité construire eux-mêmes la moto idéale, qui combinerait le look de l’ancien à son apogée dans les années 1920 et les qualités d’une routière actuelle, capable de s’intégrer en toute quiétude dans la circulation moderne sans faire perler de grosses gouttes sur le front à chaque freinage d’urgence ou sans se coucher sur le flanc au premier virage venu, abordé sur sol mouillé. Ainsi est née la Sterling. En version 125 ou 235 cc, le spet à l’allure de mamie guindée est propulsé par des moteurs italiens monocylindre modernes bénéficiant du meilleur de la technologie disponible sur le marché, à savoir deux soupapes en tête (culbutées pour la version 235 cc), allumage électronique, batterie au gel, alternateur triphasé 90 W, boîte de vitesses à cinq rapports et pot inox avec catalyseur. De son côté, la partie cycle de type réservoir entre-tubes est posée sur d’élégantes roues

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rayon de 21’ de diamètre, chaussées en pneus Avon Speedmaster, avoisine selon les versions les 95 kg pour une vitesse maxi dépassant les 100 km/h et se décline en 38 combinaisons de couleurs différentes. Le freinage fait appel à deux tambours (« si tu freines, t’es un lâche ! ») et l’autonomie gravite selon les versions autour des 300 km. Selle en cuir, sacoches ou pouf assortis, les options sont nombreuses et font varier le tarif aux alentours des 12 000 €. C’est le moment de ressortir votre pipe en écume, le costume princede-galles ou la redingote et de remonter bien haut les chaussettes de laine écrue sur les jambes du pantalon de golf. Les collègues au bureau ? Ils vont une nouvelle fois cordialement vous détester, mon cher Watson ! www.theblackdouglas.com


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et y apprend son art. Et quel art… Il fait montre d’une puissance vocale étonnante, généreuse mais toujours maîtrisée, portée par une formation de six musiciens réputés pour offrir des concerts à péter la baraque. Apparemment, les Stones eux-mêmes ne s’y sont pas trompés puisque nos loustics ont eu le plaisir de faire plusieurs premières parties pour la mythique formation. Pas mal pour quelqu’un qui doutait de pouvoir être en mesure de faire quelque chose dans ce registre musical et qui a failli plier les gaules du domaine de la musique en 2012. Le créateur en a apparemment décidé autrement. Et le résultat, c’est une Soul traditionnelle des plus belles heures, comme by Ed Fairlane on l’aime, mais qui sonne moderne malgré tout. Leur premier album « Half the City » renferme quelques pépites comme le catchy « Call me », le puissant « Like a Mighty River », le dynamique « Don’t mean a thing », mais La première fois que j’ai entendu ce groupe, sans voir aussi des morceaux aux envolées lyriques plus contenues leurs bobines, je me suis dit « Wow, voilà de la Soul comme « It’s Midnight ». Bon que dire de plus ? Ben, comme je l’aime. Ce black chante magnifiquement ». qu’il faut vous jeter sur cette nourriture de l’âme darePaf, mauvaise pioche ! C’est une bande de faces de craie dare et plus particulièrement sur le nouvel opus « Sea of qui nous gratifie de cette soul digne des meilleurs. Saint Noise », sorti en septembre 2016, qui semble annoncer Sam Cooke, Otis Redding et consorts se sont assurément un tournant stylistique des plus intéressants. En tous penchés sur le berceau de Paul Janeway et de ses petits cas, écoute hautement recommandée… et concerts camarades. Et pourtant ce natif de Chelsea, dans la tout autour du globe cette année, des US à l’Australie périphérie de Birmingham, le Steel City du sud, n’a pas en passant par la République Tchèque ou la Hollande, eu sa chambre décorée des pochettes des label Atlantic, avec une date en Belgique, le 13 juillet, à l’occasion du Motown, Stax ou autres. Loin s’en faut. C’est aux Dour Festival. La France, c’était à l’Elysée-Montmartre cantiques religieux qu’il est nourri, la famille Janeway en janvier dernier, mais ne désespérons pas, ça pourrait étant assez bigote et la musique séculaire plutôt prohibée revenir sur le tapis ! à la maison. C’est donc à l’église qu’il fait ses classes

St Paul and the Broken Bones,

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Entretien réparation restauration préparation

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ROBERT FRANK, PHOTOGRAPHE Images : Robert Frank – Récit : Laurent Bagnard

The Americans


Nous sommes en 1954 et l’Amérique enfin libérée des privations de l’après-guerre est en pleine réalisation de sa position de leader mondial. Dopée au capitalisme triomphant, elle a plongé dès 1946 dans un anticommunisme outrageusement orchestré et a imposé à sa population une pensée unique, étroite, renfermée sur ses valeurs familiales, nationalistes et ségrégationnistes.

Sous la férule du président Truman (1945-1953), féroce pourfendeur de Rouges et capitaliste convaincu, le rêve américain s’est paré de son stéréotype blanc, pavillonnaire et consumériste, tandis que depuis 1950, le sénateur Mc Carthy traque le communiste de New York à Hollywood. La Guerre Froide, quant à elle, confortablement installée sur la planète et dans les mentalités depuis 1949 (*), s’exprime à ce momentlà ouvertement en Corée. L’Amérique, sans le savoir, invente pourtant en cette époque trouble la contreculture : en imposant un modèle américain de la bien-pensance tant à sa propre population qu’au reste du monde, elle exacerbe chez la génération montante

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l’envie de vivre hors les dogmes rigides qu’elle tente d’imposer avec sa chasse aux sorcières, sa politique étrangère ou sa propagande publicitaire pour un mieux vivre qui aura moins de 50 ans d’existence... Le 5 Juillet 1954, un jeune blanc, Elvis Aaron Presley, enregistre une reprise d’un vieux blues de ‘46, « That’s Alright Mama » d’Arthur « Big Boy » Crudup et c’est en soi une presque révolution, mais il y en a d’autres en marche, bien loin des sphères où pour l’instant on écrit encore l’histoire. Tout avait commencé en 1947. Plusieurs bandes de motards, dont les Boozefighters qui refusaient d’adhérer aux valeurs de l’American Motorcyclist Association, avaient mis à sac la petite ville d’Hollister, Californie. L’article du magazine « Life » du 21 Juillet traitait pour la première fois de ce qui allait devenir la « Biker Culture » tandis que de l’autre côté du pays, la rencontre entre deux laissés-pour-compte de l’après-guerre, Jack Kerouac et Neal Cassady, révolutionnerait d’ici dix ans la littérature américaine, puis mondiale. Il n’y avait aucun lien entre les motards 1 % (qui indiquait la proportion de moto-clubs rebelles aux lois de l’AMA), Elvis Presley et les deux aspirants écrivains si ce n’est que tous vivaient en deçà des radars de l’establishment. La résultante fut fracassante : les bikers recréèrent la mythologie barbare (avec l’aide de Marlon Brando et du

film de 1953 « L’Equipée Sauvage » de Laslo Benedeck), le « Blanc qui chantait comme un Nègre » personnifia le rock’n’roll et sa sensualité rebelle et les écrivains stellaires, qui ricochèrent d’une côte à l’autre du pays durant trois ans, inventèrent une nouvelle poésie, un nouveau style de vie, une nouvelle (in)conscience : ils devinrent, qu’ils l’eussent voulu ou non, les hérauts de la Beat Generation, suite notamment à la parution du livre de Kerouac « Sur La Route », en 1957. Tous ces « rebelles sans causes » fuyaient d’instinct le conformisme ambiant et le confort obligé de l’Amérique du début des fifties, et désiraient ardemment se jeter corps et âme dans l’aventure qu’est la vie ! En ‘54, ils étaient engagés sans possibilité de retour sur une voie alternative, expérimentale, dangereuse, totalement nouvelle et écrivaient ingénument une nouvelle géographie de l’innocence.

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Les jeunes Beats avaient traversé le pays en stop, en train de marchandises, en bus, en Cadillac empruntée ou en Hudson ‘49 maltraitée... Ils vivaient large, voyaient loin, mangeaient peu et aimaient beaucoup ! Leur fascination pour la vie était tellement communicative qu’ils devinrent les chefs de file d’une contre-culture vivace qui muta une décennie plus tard en culture hippie, grâce encore à Cassady qui se retrouva à l’origine de ce mouvement. En 1954, ils étaient pratiquement des inconnus, tout comme ce jeune Zurichois né en 1924, échoué à New York en 1947, parti au Pérou en ‘48 puis installé en France en ‘50-’53 et présentement de retour dans la Grosse Pomme avec un Leica et une bourse du musée Guggenheim, Robert Frank. Lui avait dans l’idée de témoigner de l’instant, de l’époque, ailleurs qu’en Helvétie ou en Europe. Il avait travaillé pour Harper’s Bazaar et « Life », mais avait décidé de se positionner complètement à l’opposé de la spectaculaire acuité du photo-reportage contemporain (les photographes de Life en sont l’illustration incontournable). Il professe alors ingénument lui aussi une photo instinctive, qui privilégie le cadre et se moque du flou, de la profondeur de champ, de la technique et de l’académisme. Son but désormais ? Traverser l’Amérique en long, en large et en travers et prendre autant de photos que faire se peut, seul ou accompagné de sa jeune épouse Mary. En 1955 et 1956, il prend 23 000 clichés, desquels il extrait 83 vues qu’il compile en un ouvrage jamais épuisé à ce jour, « The Americans », sorti en 1958 et préfacé par Jack Kerouac dans son édition de 1959.

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« Robert Frank, avec ce petit appareil qu’il manie d’une seule main, a tiré de l’Amérique un poème triste qu’il a coulé dans la pellicule ». Coup d’essai, coup de maitre, Frank s’inscrit sans calcul dans la fantastique aventure de la pop culture américaine : il n’y avait pas, à l’époque, de chapelles d’initiés ou de tendances sous-culturelles. Tout était alors en gestation et la Beat Generation n’émergea aux yeux du grand public que vers la fin des fifties, tout comme son livre, spontanément. Croisa-t-il Kerouac en ‘47 ou lors de son voyage de ‘55’56 ? C’est peu probable. Le fait qu’il ait vu et témoigné de cette Amérique de tous les jours, complètement en dehors des canons esthétiques de l’American Way of Life, et qu’il en ait laissé trace dans un humble ouvrage sans autres mots que les courtes légendes des photos, suffit au discret chef de file pour reconnaître la filiation directe entre cet Européen et lui, et eux tous. « The Americans » n’est que rarement cité comme complément

de l’œuvre collective Beat, mais c’est une indélicatesse que nous tenons, à notre modeste mesure, à réparer. Ce livre, dont bon nombre de photos sont devenues part de notre conscience collective, compte tout autant que les productions citées plus avant dans cet article pour comprendre le monde de cette époque, et la fascination qu’elle exerce encore sur nous. Tout y était possible !

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Il suffisait d’une Harley dépouillée pour devenir un flibustier de l’asphalte, de trois accords majeurs pour conquérir le monde, de 83 clichés pour s’inscrire à jamais dans l’histoire du photoreportage, de poèmes émancipés des règles académiques mais pas du rythme du bop pour être enfin lu des jeunes et détesté des profs, ou mieux encore banni par la censure puis réhabilité lors de retentissants procès, définissant au passage la liberté d’expression telle que nous la connaissons encore. Tout ce remarquable brassage influença une nouvelle génération d’esprits libérés du carcan des fifties et de sa

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pudibonderie. Bob Dylan, encore Robert Zimmerman, fut touché très jeune par la grâce de ces pionniers – Elvis compris. Par extension, le monde des sixties devenant « global » bien avant l’internet, les Stones et les Beatles aussi. Le rock’n’roll devenait enfin ouvertement porteparole et façonnait la décennie presque mieux que les décisions politiques en lui donnant des couleurs et une âme, inventant au passage un langage quasiment universel.


Frank fut encore de ce voyage-ci. Il avait troqué son appareil photo pour une caméra et réalisé avec Alfred Leslie « Pull My Daisy », un courtmétrage Beatnik en ‘59, d’après un écrit collectif de Kerouac, Cassady et Ginsberg, un autre membre essentiel de la révolution Beat. Il la reprendra pour filmer les Beatles et en ‘72 défraiera la chronique avec son documentaire controversé sur les Stones, « Cocksucker Blues » – un film sans préoccupations techniques accompagnant la tournée du « plus grand groupe de rock vivant », dans l’intimité comme sur la scène. Le virage libertaire initial virant à la farce tragique, on peut penser que Frank se retira du monde cocaïné des stars de la jet-set pour se consacrer à son art. Il se retira alors au Canada, et revint simplement à l’image fixe, aux collages et à l’expression minimaliste. « Candy Mountain », en 1987, le ramène sur la route le temps d’un long-métrage confidentiel, co-écrit avec Rudolf Wurlitzer (qui avait contribué à « Macadam à Deux Voies »). Il met en scène un jeune musicien à la recherche d’Elmore Silk, luthier légendaire. Il croisera dans son voyage vers le Graal à 6 cordes rien moins que David Johansen, Tom Waits et Joe Strummer. Très peu diffusé à sa sortie, « Candy Mountain » ne laissera pas une trace impérissable dans l’histoire du cinéma (même) underground. Moins qu’anecdotique,

il replace cependant le rock dans une culture populaire plus proche du petit peuple, justement, que les frasques des Rolling Stones, et par la même permet à l’auteur un retour à ses sources. Discrètement. Tranquillement. La boucle est depuis lors bouclée pour cette figure indéboulonnable de notre culture contemporaine et sa contribution à la vague libertaire du milieu du siècle dernier est désormais la nôtre. Photographe révolutionnaire, documentaliste pop, artiste conceptuel, le documentaire « Don’t Blink », réalisé en 2016, lui est consacré et retrace toutes ses périodes. Vous ne pouvez pas le voir dans nos salles de ciné hexagonales, mais bien sûr, vous trouverez toutes les infos connexes sur www.dontblinkrobertfrank.com. (*) Date à laquelle l’URSS s’est dotée de la bombe atomique.

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1938 GRAHAM MODEL 97 SUPERCHARGED BY SAOUTCHIK Images : Darin Schnabel, courtoisie RM Sotheby’s – Récit : Jean-Paul Milhé

Le Grand Requin Blanc Assemblée aux Etats-Unis, transformée en France, expatriée en Algérie pendant la Seconde Guerre mondiale, cette Graham a finalement retrouvé le pays de ses origines...


Pas un concours d’élégance, pas une vente aux enchères ou une prestigieuse exposition thématique sans que ne soit cité le nom de l’un (ou de plusieurs) de nos carrossiers français d’avant-guerre. C’est qu’à l’image de notre industrie du luxe, excellait l’Homme de l’Art. Figoni & Falaschi, Franay, Letourneur & Marchand, Saoutchik, Chapron, Labourdette, Gangloff, Pourtout..., ils ont habillé sur mesures les plus beaux châssis de l’époque, à l’unité ou en petites séries. Ils

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étaient encouragés en cela par une clientèle fortunée et insouciante qui ne concevait pas de se présenter dans le monde autrement qu’au volant de sa toute dernière voiture automobile, cour d’honneur et gravier ratissé, haute couture et souliers vernis, bijoux et chinchilla, chapeau rigolo et parfum envoûtant, lévrier afghan en option. L’argent comptait peu, ce qui permettait de laisser libre cours à l’imagination fertile de dessinateurs talentueux et inspirés. Les ateliers de carrosserie étaient


Saoutchik aurait réitéré son geste à trois ou quatre reprises sur des Graham 38-39. Celle-ci, la seule équipée de ces portes spéciales, est la 1ère du genre, un délire perso du Maître, séduit par cet avant de carnassier marin. La 2e, une 38 également mais avec des montants de pare-brise fixes, aurait pu être retransformée en 39 avec les spécificités de ce millésime.

prospères, et facturaient leur travail à hauteur des heures de main d’œuvre et de la matière engagées, ce qui permettait de nourrir des ouvriers compétents, des compagnons, qui savaient transmettre leurs précieux savoir-faire à la génération qui suivait. Présenté de telle manière, ça donne envie de signer tout de suite, encore faut-il se souvenir que l’apprentissage se faisait bien souvent à coups de pompe dans le train et que maîtriser l’allongement et la rétreinte du métal nécessite des centaines d’heures d’investissement personnel. Gourmande en métaux, en matériel et en ressources humaines, la Guerre (particulièrement la Seconde) a tout emporté. Réquisitionnés, réorientés pour répondre aux besoins de l’instant, démantelés, bombardés, la plupart de ces ateliers n’ont pas pu rouvrir à la Libération, et ceux qui l’ont fait ont disparu dans les années 1950. En cause, une bonne partie de la clientèle tombée sous le feu de la mitraille, parce qu’il était encore noble en ce temps-là, de défendre Mère Patrie. Décimés aussi, les rangs des ouvriers, des contremaîtres et des apprentis, pas plus immunisés que ces messieurs de la haute contre le plomb ennemi. Et puis une étoile jaune cousue sur un pyjama à rayures, ou un triangle inversé rouge, rose, noir ou marron, ça fait pas forcément proliférer les centenaires... Autre difficulté, on ne reconstitue pas un atelier de carrosserie comme un stand de barbe à papa à la kermesse de l’école, et trouver des machines outils

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ou de la matière première (des métaux en feuilles par exemple) va s’avérer des plus délicats. Point d’aide ne viendra du côté de l’État : la priorité a été donnée à la reconstruction et à la réorganisation du pays (en faisant fi parfois de certains curriculums litigieux, au profit de compétences certaines) et il fallait désormais asseoir chaque Français derrière le volant d’une 4 CV Renault ou d’une Citroën 2 CV. Au rayon des calamités, on peut aussi évoquer le cheval fiscal, encore une bonne façon de se tirer une balle dans le pied. Même la Frégate, fleuron de la toute récente Régie Nationale des Usines Renault (créée en 1945), a eu bien du mal a trouver son public. Des problèmes de jeunesse et une sousmotorisation flagrante (elle est apparue en 1950 avec un moteur 4 cylindres de 2 l de cylindrée développant 60 chevaux vapeur à peine), combinés à un certificat d’immatriculation taxé à hauteur de 12 CV fiscaux, ont complètement entravé les résultats commerciaux d’une voiture somme toute jolie et dotée de qualités dynamiques certaines. Confrontée au même carcan administratif, seule la DS de chez Citroën sut tirer son épingle du jeu à la faveur d’une ligne futuriste et de propositions techniques réellement innovantes. Mais pour les voitures bien plus bourgeoises de chez Hotchkiss ou Salmson qui, c’est vrai, n’ont pas su (pu) renouveler leur offre au sortir de la guerre, c’est dire si résonnait au loin le chant du cygne... De cette époque, un seul carrossier de renom survivra tout en conservant son cœur de métier, c’est Chapron, qui créera un cabriolet sur la base de la DS. Les trois frères Graham, Joseph, Robert et Ray, après avoir fait fortune dans la bouteille en verre et la capsule à visser, font un premier pas dans l’industrie automobile américaine en 1919, en proposant des éléments de carrosserie permettant de transformer sa Ford T ou TT (châssis de T renforcé pouvant embarquer une tonne de fret) en camionnette. Cela les amène tout naturellement à construire, sous la marque Graham Brothers, leurs propres utilitaires, empruntant la motorisation de divers constructeurs généralistes dont Dodge, qui finit par distribuer, via son réseau de revendeurs, cette production complémentaire à son offre. L’expansion de leur activité conduit le trio à quitter Evansville dans l’Indiana pour se rapprocher du centre névralgique, Detroit, où ils inaugurent en 1922 un tout nouvel atelier de 1 200 m2. Trois ans plus tard, c’est à Stockton en Californie qu’ils ouvrent une succursale. La même année, en 1925 donc, la firme est absorbée par Dodge et ses trois dirigeants se voient confier des postes à responsabilité au sein de l’exécutif.

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En mars dernier, les enchères pour cette Graham sont montées chez RM Auctions / Sotheby’s à $.770,000. La société de vente aux enchères possède son propre atelier de restauration encadré par des historiens de tout premier plan : c’est là que l’auto a bénéficié des meilleurs traitements.

La marque Graham Brothers disparaît en 1929 lorsque Dodge entre dans le giron de la Chrysler Corp. Sentant le vent tourner dès 1927, les frères Graham, soucieux de garder une part d’indépendance et de se projeter vers d’autres aventures, quittent le navire et se lancent sans trop de difficultés à l’abordage de la Paige-Detroit Motor Company, une entreprise au passé sportif prestigieux, qui se laisse happée pour la modique somme de 3,5 millions de dollars : c’est décidé, les frères Graham vont construire leurs propres automobiles. Le pavillon Graham-Paige fut donc hissé. En absorbant une usine d’emboutissage (the Wayne Body Company) et en déléguant la fonderie des blocsmoteurs de sa conception à Continental (tout en

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utilisant parfois les moteurs de cette marque), GrahamPaige va mettre sur le marché des automobiles encore plus innovantes tant sur le plan esthétique que sur le plan mécanique (les lames de suspension décalées sur le côté du châssis et non pas sous les rails, c’est eux). En 1932, le designer en vogue Amos Northup pond pour Graham-Paige une ligne très moderne, avec une calandre aérodynamique inclinée vers l’arrière, un bouchon de radiateur qui disparaît sous le capot et des ailes très enveloppantes : le succès est immédiat et ce style influencera l’ensemble de la production des années suivantes, tous constructeurs confondus. Mais les Graham-Paige vont par-dessus le marché, acquérir une certaine notoriété en compétition. Et pour cause, dès 1934, la marque propose sur ses modèles 8 cylindres, une suralimentation par compresseur centrifuge à l’instar des Duesenberg. Avec l’abandon du moteur 8 cylindres en 1936, le dispositif fut adapté avec tout autant de réussite sur le 6 cylindres. Northup avait


été reconduit dans ses fonctions et travaillait d’arrachepied à un nouveau design encore plus novateur que le précédent, lorsque le mauvais sort vint le soustraire à l’affection de ses proches, le 8 février 1937. C’est donc en interne que sera finalisée son œuvre, un roc, un pic, un cap, une péninsule, que dis-je un chef d’œuvre : le style Spirit of Motion, rapidement rebaptisé shark nose (nez de requin) par la vindicte populaire. Dès sa sortie en 1938, l’audace et la modernité de ce dessin font l’unanimité dans la presse spécialisée et chez l’ensemble des professionnels du secteur. Le public, lui, ne suivra pas et selon les estimations, entre 6 et 13 000 unités seulement seront assemblées en trois ans de commercialisation, soit le plus mauvais score de la marque depuis sa création. Graham bénéficiait d’un importateur en France, bien servi par une éclatante victoire au Rallye de MonteCarlo en 1929. Le dynamisme de la maison l’a conduit à présenter immédiatement dès 1938 ces nouveaux

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modèles sur tous les salons de l’Hexagone, avec un certain succès puisque la marque remporta pas moins que le Concours d’Élégance de Paris, le Prix de l’AvantGarde à Lyon, le Prix d’Élégance encore à Bordeaux et le Grand Prix d’Honneur à Deauville. Berline, limousine, coupé... étrangement, aucun véhicule découvrable n’était disponible au catalogue. Qu’à cela ne tienne, le carrossier français Pourtout se vit confier la délicate mission de remédier à ce problème. Il réalisa une dizaine de luxueux cabriolets en retirant le toit de business coupes, modèles qui se prêtaient le mieux à la transformation. Mais celle qui s’offre à nous aujourd’hui, parée de ses plus beaux atours, c’est le carrossier d’origine biélorusse Iakov Savtchuk allias Jacques Saoutchik qui l’a réalisé. Dans son atelier de Neuilly-sur-Seine, entouré des meilleurs ouvriers, cet ébéniste de formation laissait libre cours à son imagination et habillait à tour de bras, avec un certain penchant pour l’exubérance, IsottaFraschini, Hispano-Suiza, Rolls-Royce et autre Bucciali.

Les hot-rodders ayant massivement jeté leur dévolu sur les shark nose de chez Graham (et pour cause !), retrouver un moteur d’origine pour celle-ci n’a posé que peu de problèmes...

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La Graham n’est pas une commande de client, juste un coup de cœur personnel. Les modifications notables apportées à l’auto, outre la conversion en décapotable d’un coupé, demeurent sans conteste l’élégante arête dorsale formée sur le couvercle de malle, afin, selon le Maître, « de prolonger la thématique aquatique retenue sur l’avant de l’auto », et surtout les portes escamotables, posées sur l’ingénieux système de charnières pivotantes breveté par l’Anglais James Young. C’est ce qui explique la poignée de porte collée en plein milieu du panneau ! Concrètement, la porte est expulsée vers l’extérieur de la carrosserie avant d’être poussée vers l’arrière de l’auto en pivotant sur un complexe jeu de charnières et de compas fixés sur le pied milieu de caisse et qui permettent à la porte, tout au long de la manœuvre, de rester parallèle à la carrosserie. Saoutchik appréciait tout particulièrement ce genre de prouesses techniques, dans l’esprit du toit escamotable qu’il proposait déjà. Le coup de la porte magique, il le réitérera à maintes reprises, notamment sur des Packard mais aussi et surtout sur l’extraordinaire Hispano-Suiza H6C Dubonnet Xenia Coupé de 1938, un chef-d’œuvre là aussi. Une capote plus discrète et surtout un pare-brise rabattable aux fins montants chromés permettent au premier coup d’œil, de distinguer une Pourtout d’une Saoutchik.

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Lors du Pebble Beach Tour d’Elegance 2015, la Graham précède une Bugatti Type 57C cabriolet de 1939 carrossée par Vanvooren. Lors du concours d’élégance, l’Américaine remportera le Grand Prix. (Photo Tim Scott / Sports Car Digest)

Le point commun entre les deux réalisations, c’est que chacun a complètement respecté le design de la partie avant de la Graham, preuve si nécessaire de l’aboutissement et de la réussite de ce dernier. En 1939... bruits de bottes ! Saoutchik vend la Graham à un militaire français basé en Algérie, Maurice Reb. Sans trop lui demander son avis, Reb et son auto sont rapidement mis à la disposition du Général Alphonse Pierre Juin. En 1942, Reb finira par vendre son auto à l’armée, qui la modifiera pour la faire fonctionner au gazogène et qui finira par remplacer le moteur par un homologue prélevé sur un engin militaire. Il se raconte même que le De Gaulle en personne, durant son séjour nord-africain de 1943-1944, aurait posé son cul dans l’auto avant que son bureau de l’intendance ne la revende, avec des commentaires bien peu élogieux, à un certain Thomas Demetry, Américain de son état et accessoirement employé de la Chrysler Corp. Ce dernier se chargera de la renvoyer à la maison mère, où, après avoir changé de mains plusieurs fois, elle atterrit dans

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un foyer bienveillant qui lui redonna tout son lustre d’antan. C’est qu’en temps de guerre, le carburant, denrée stratégique s’il en est, s’avère extrêmement rare et précieux car il est destiné prioritairement aux opérations militaires et de surcroît, il coûte cher à produire ou à importer et à stocker. Cela vaudra à cette auto gloutonne à souhait (et à bien d’autres de ses congénères de grosses cylindrées) de tomber en disgrâce malgré tout son charme. Et oui Messieurs, en plein cagnard nord-africain, le champagne millésimé tolère mal le quart réglementaire en fer blanc, on ne siffle pas pour autant le Sidi Brahim dans des flûtes en cristal et de toute manière, le canard au sang ne s’accommode que très mal d’une pauvre gamelle de lentilles...



Les deux joyaux d’Henri Dreyfus.


THE NEW YORK WORLD FAIR (1939-1940) Images : archives – Récit : Philippe Cousyn

The World of Tomorrow

L’Exposition universelle de New York de 1939-40 est vue par nos contemporains comme l’un des sommets de l’esthétique Streamline et pour le visiteur d’alors, elle fut le symbole de la marche irrépressible du progrès envers et contre tout. Peut-on pour autant réduire la World Fair à ses aspects, si grandioses fussent-ils ? Flânons ensemble dans les vestiges de ce monde perdu, dans les allées d’un futur qui paraissait encore désirable. Rêveries d’un promeneur solitaire...

Février 2017... Il fait inhabituellement doux en ce milieu d’hiver à l’ombre des tours de Manhattan. Réchauffement climatique ? En tous cas, j’ai comme l’impression d’une gueule de bois monumentale dans ce convoi argenté qui brinquebale en direction des marches de la grosse pomme. Le convoi du Long Island Railroad en direction de Port Washington se traîne. Face quatre, piste 6, Broadway. Les 5.45 du morceau des Clash sur le triple Sandisnista n’arrivent pas à sortir des méandres de mon cerveau. Un paysage sans âme défile.

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Trylon et Périsphère, les symboles de la Fair.

Les bus Greyhound ne tarderont hélas pas à avoir une utilité bien plus prosaïque...

Le Queen’s paraît bien lointain vu de ce tas de tôle en mouvement. Je ne suis pas le seul à avoir la gueule de bois. L’Amérique aussi et le monde entier avec. L’élection surprise du démagogue peroxydé a fait l’effet d’un choc, et dès sa prise de pouvoir, les mesures de restriction d’accès au beau pays de l’oncle Sam ont créé un beau bordel. Doublé d’une envie de gerber. Les murs, la stigmatisation, le « chacun chez soi », on connaît, c’est la mode du moment. Là où je me rends, une grand messe s’était tenue, comme pour conjurer cela, il y a bien longtemps. On avait ouvert les portes et les fenêtres et le regard pointait vers un avenir que l’on espérait encore radieux malgré les nuages qui s’amoncelaient du côté de l’Europe. Ah, j’arrive enfin à la station Mets-Willets Point qui ne nous rappelle en rien l’événement qui s’est tenu ici il y a presque 77 ans. Des poussières d’éternité... J’aurais préféré arriver par le sud, le long de Willow Lake et Fountain Lake, par l’Independent Subway Station, mais cela fait longtemps que celle-ci est à ranger au rayon des souvenirs, son emplacement devenu un parking sans relief. Bref, aller sur place, maintenant, s’imprégner de l’atmosphère de l’endroit. Tourner le dos, vite, à l’architecture kitsch du Citi-Field, le stade de Base-ball des Mets de New York ou de l’incertain Arthur Ashe Stadium, célèbre pour son US Open de tennis. Arpenter Corona Park. Retrouver des signes, l’esprit. Il y a urgence. Prendre à gauche par Park Row vers Court of Communication ou passer par

Avenue of Patriots, ces artères éphémères d’un monde disparu. Et pourtant... Les noms ont cédé la place à d’autres, mais pas l’empreinte laissée au sol par ces allées en arc de cercle si caractéristiques. L’œil initié retrouve ses marques. Me voilà maintenant à l’Unisphère, témoin d’une autre World Fair oubliée, celle de 1964. Là, sous mes semelles, se tenaient fièrement Trylon et Périsphère dus au visionnaire Henry Dreyfus, marquant le centre de l’Exposition universelle 1939-40 de cette vision d’esthète. Et par la même occase, l’esprit du quidam de passage avec sa vision en miniature de la ville de 2039, appelé opportunément « Democracity », coup de pied de l’âne aux dictatures présentes dans l’enceinte de la Fair. « Born in a depression, Born out of good luck, Born into misery... »


Highway Horizons, le bâtiment de la General Motors renferme le Futurama.

Comment un tel manifeste moderniste a-t-il pu naître des soubresauts de 1929 ? Il a fallu certes la volonté, dès 1935, d’une clique de businessmen visionnaires, accompagnés du maire de New York Fiorello La Guardia. Mais surtout une foi inébranlable dans le progrès, aller vers un monde meilleur, tourner la page de cette maudite crise, conjurer. Avec l’espoir comme moteur. Et cet esprit positif normalement associé à nos amis États-uniens, qui se dissout petit à petit aujourd’hui dans l’amertume.

La ville de 1960 vu par GM.

La J 3 d’Henry Dreyfus et la S 1 de Raymond Loewy attirent l’œil mais le futur du rail est au pavillon de la GM avec cette E 3 du Seaboard Railroad.

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La S 1 du Pennsylvannia Railroad carénée par Raymond Loewy sera en action tout au long de l’Exposition.

Une envie d’éduquer les masses peut-être aussi ou « D’accueillir le monde » comme le dira Grover Whalen, le président de l’exposition en préambule de l’« Official Guide Book » édité pour l’occasion. Bref un peu de tout cela, et plus encore. « Feel different one morning maybe it was the rain. » Fichtre, « Broadway » ne va pas me quitter... Oublier la pluie fine qui me glace, chercher ce foutu Guide Officiel jauni dans mes poches sans fonds. Le voilà. Me repérer, m’arrêter avec justesse, fermer les yeux. Inspirer. Les allées prennent doucement vie. Je ne suis plus seul. Ça y est, j’y suis. La foule est là, joyeuse, optimiste, ébahie par ce progrès que l’on peut voir et palper. Ce n’est plus une vue d’artiste, c’est ici et maintenant. Côté pile, c’est le pinacle du style Streamline. Sans limites. Des bâtiments aux voitures, trains, avions, en passant par les bus, les grille-pain par la même, les réfrigérateurs, les chariots à huiles des stations services, les tracteurs, etc. Sans limites... Partout, ou presque, une architecture somptueuse, étonnante. L’art profane qui taquine le divin, pas moins. Et je suis objectif. Dans la Communication Zone toute proche, c’est le building RCA et ses premières télévisions. Puis à droite, Westinghouse et son robot Elecktro qui nous fait son show. Vingt minutes d’étonnement. Mais je ne pourrais pas m’y rendre. L’imagination a ses limites, et ici c’est la

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verrue qui accueille l’US open qui va m’en empêcher. Merde... Bouger, passer le Grand Central Parkway, aller dans la Transportation zone. Les plus grands noms y ont été convoqués, rien que du beau linge. Et le résultat est à la hauteur. Que dire du pavillon de General Motors abritant le Futurama ordonné par Norman Bel-Geddes, ou de son voisin Ford avec Walter Dorwin Teague. Et cette formidable S 1 du Pennsylvannia Railraod, carénée par Raymond Loewy, qui tournera à 96 km/heure durant toute la World Fair.


« But everywhere I looked all over the city
They’re runnin’ in an out of the bars. »

C’est comme si je sentais encore l’odeur de graisse et de vapeur de la bête... Dans toutes les zones le verre, le béton, l’acier et le chrome se sont donné rendez-vous pour une ode à la modernité. Les pays, même les plus modestes, rivalisent pour se présenter sous leur meilleur jour. La Belgique fait appel à l’architecte Van De Velde, le Brésil à Costa et Niemeyer. Partout on montre, on démontre, on explique. La fabrication d’une ampoule électrique ou d’une voiture devient un show à part entière. Déambuler, continuer. Je foule ce qui était « American Commons » dans l’édition 1940 ou plutôt les soubassements du pavillon soviétique, clôt avec la fin de la saison 1939. En creusant un peu, je finirai presque par tomber sur la Capsule Temporelle enfouie quelque part. Ici, là-bas ? Non, je n’en exhumerai pas le magazine « Life » qu’il contient pour mon voyage retour. Pas cette fois. Où est l’empreinte de la main que Babe Ruth, le plus grand joueur de base-ball de tous les temps, avait laissée à la manière d’Hollywood boulevard ? Se poser. Réfléchir. Comme à l’accoutumée, les préoccupations mercantiles ne sont jamais très loin des positions les plus altruistes chez nos amis d’outre-Atlantique. A côté de ceux qui, comme Albert Einstein, voient dans cette exposition un formidable outil d’éducation des masses, le gratin de l’industrie et du commerce s’est donné rendez-vous, lui, pour bomber le torse et montrer ce qu’il y a de mieux sur le marché aujourd’hui. Et plus encore ce qui sera en rayon demain. Faire du business, mais reconnaissons-le avec du style, du panache, de l’imagination comme le prouvent US Steel, Corning, Dupont entre autres. Les lumières de l’exposition, les feux d’artifices me grisent comme ils grisent les millions de passants que je pense croiser. Broadway encore et toujours... Et puis, côté face, il y a la foire à neuneu, là-bas, de l’autre côté du World Fair Boulevard principalement, le Long Island Expressway d’aujourd’hui. Ah cette fameuse Amusement Zone ! Elle connaît un succès foudroyant, attirant presque plus de monde que le côté pile et ses joyaux. Oublions le sérieux un instant. Pourquoi pas un petit saut depuis le Lifesaver Candy Parachute, une chasse à l’éléphant sauvage chez Frank Buck, l’encanaillement du Zorima Garden ou des Live Models...

Une entente encore presque cordiale.

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Du kitsch encore, avec certains des pavillons des États américains ou les représentations hollando-écossaises avec moulin à vent et tutti quanti, des roucoulades Hillbilly ici et là, des vaches dignes d’un bon Salon de l’agriculture, des spectacles de marionnettes à faire pâlir Guignol, etc. Tout est réuni, se télescope, se complète finalement. Un vaste pêle-mêle qui ne fera regretter à personne les cinquante cents de l’entrée. Et puis qu’importe, ce ne sont pas les images que l’on veut retenir de l’événement. Moi pas plus qu’un autre. On préférera carrément oublier d’ailleurs la démonstration « exotique » de pygmées de l’Oubangui-Chari, de « bons sauvages » arrivés directement des tréfonds de l’Empire Français, évoluant dans une ambiance digne de Tintin

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au Congo. Ou encore la ségrégation voulue « bon enfant » des danseurs de ce marathon de danse Lindy Hop, exclusivement noirs. Danser jusqu’à l’épuisement au-dessus d’un volcan prêt à l’éruption, sous le regard goguenard d’un public 100 % blanc. Mouais… Vais-je croiser aussi la famille Middleton ? La fille s’est entichée d’un bobo gauchiste mais la découverte d’un ouvrier bien pensant, croisé des valeurs de l’Amérique, la ramènera heureusement dans le droit chemin. Ce n’est pas encore la chasse aux sorcières maccarthystes, juste des préliminaires bon enfant... Dark side... Gageons que ce ne sont que les reflets d’une époque. La nôtre a-t-elle finalement tant de leçons à donner ? La magie s’estompe, la gueule de bois est de retour. J’ouvre les yeux et il n’y a plus là qu’un parking morne. Où sont passés les cris de joie, les éclats de rire ? La pluie m’a enivré. La légende du lieu aussi. Loser magnifique, perdu au milieu d’un parc dont plus personne


ne veut connaître l’histoire. Je ne vais pas tarder à me faire embarquer par une patrouille du NYPD inculte, croyant avoir affaire à un vulgaire dingue en goguette ! Non décidément, je ne pourrai pas acheter aujourd’hui un cigare chez Faber, Coe & Gregg. D’ailleurs, c’est maintenant ici une zone non-fumeur surveillée par caméras ! Mauvaise pioche... Il ne sera pas possible non plus de m’accouder au comptoir d’un Brass Rail Inc pour manger ses fameux sandwiches au roast beef, ou m’attabler pour quelque chose de plus copieux au Triangle Restaurant, dans l’Avenue of Pionneers, en regardant passer le chaland. Je resterai donc aujourd’hui le ventre vide et le cœur gros. Rêve ou réalité ? Passé ou futur ? Tout le paradoxe de cette Earxposition universelle. Lorsqu’elle ferme ses portes au soir du 27 octobre 1940, la Luftwaffe et les Spifire tournoient déjà dans les cieux londoniens. La city est la proie des flammes, l’Europe continentale sous la botte nazie. Le monde est prêt pour l’embrasement généralisé, brisant net les jolis rêves exprimés naïvement dans la préface de Grover Whalen comme dans le moindre recoin des 932 hectares de la foire. Le progrès, ce sera pour après. Rideau ! Les bus Greyhound ne vont pas tarder à revêtir leur tenue Olive Drab de circonstance et transporter la troupe dans les innombrables bases qui vont pousser comme des champignons. L’acier de la plupart des buildings démontés va patriotiquement servir à l’effort de réarmement d’Uncle Sam. Orphelins de leur Nation engloutie, les cuisiniers du pavillon français vont rester outre-Atlantique. Les Tchèques, Polonais, Belges, Néerlandais, pas mieux lotis, vont être condamnés aussi à l’errance. Les Italiens eux, auront droit à être nourris, logés et blanchis... A sing-sing ! Les quarante-quatre millions de visiteurs de cette dernière grande liesse avant explosion vont bientôt laisser place aux soixante millions de morts de la plus grande conflagration humaine jamais vue... Se réveiller, sortir de la torpeur, le saphir grésille sur le 33 tours éraillé. Où étais-je vraiment ? La nuit est tombée sur mes épaules, sur New York, sur le monde... Ne pas faire les mêmes erreurs. Retrouver la lumière.

Facts and files New York World Fair 1939-1940 (NYWF). Devise : The World of Tommorow. Présidents du comité d’organisation : Grover Whalen (jusqu’à la fin de la saison 1939), Harvey Gibson (1940). Dates d’ouverture : 30 avril-31 octobre 1939 et 11 mai 1940-27 octobre 1940. Surface : 4 920 977 m2. Nombre de visiteurs : 44 932 978. Prix d’entrée à la journée : 50 cents. Budget : 67 millions de dollars. Rentrées : 48 millions de dollars. Déficit : 19 millions, ce qui entraînera la faillite du comité d’organisation. Nombre de Nations présentes : 44. Il faut rajouter à cela les États d’Amérique latine, rassemblés dans le bâtiment de la Pan American Union (8), soit un total de 52 Nations présentes. Les pavillons britanniques et français incluaient les pays de leurs empires coloniaux respectifs. Pour l’édition 1940, les pavillons tchèques et polonais resteront fermés du fait de l’annexion de ces pays par le Reich. L’Union soviétique ne rouvrira pas son pavillon et il sera détruit avant l’ouverture de la saison 1940. Le troisième Reich ne sera pas présent, prétextant des contraintes financières a contrario de l’Italie fasciste ou du Japon. Nombre d’États (États-Unis) représentés autour de la Court of State : 22 auxquels il faut rajouter Porto Rico et la ville de New York. Zones (7) : Communications and Business Systems Zone, Community Interest Zone, Food Zone, Governement Zone, Production and Distribution Zone, Transportation Zone, Amusement Zone/Area. Hauteur de Trylon : 186 m (214 m prévus avant restriction de budget). Diamètre de Périsphère : 55 m (60 m initialement prévus). Durée du show « Democracity » dans le Périsphère : 6 minutes. Vestiges : Le monument du roi de Pologne Wladislas Jagiello installé à Central Park, le pavillon de Belgique réinstallé à la Virginia Union University à Richmond (Virginie), le pavillon de New York est devenu le Queens Museum, la majorité des manèges seront réinstallés au Luna Park de Coney Island.

« It says go, I say go, she says go, so we say go Cos I can see the light all night tonight this night right now. »

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LEVASSEUR PL-8 OISEAU BLANC Images : Musée de l’Air et de l’Espace Le Bourget – Récit : Wade Walker

L’Oiseau Blanc


Dimanche 8 mai 1927, 4 h 45. Depuis minuit, une foule immense s’est amassée sur l’aérodrome du Bourget et une file ininterrompue de voitures bloque les abords de l’enceinte grillagée...

Leurs occupants sont coincés à l’intérieur par la densité des curieux agglutinés tout autour. Les chanceux qui ont un laisser-passer de presse ou bien de VIP, arrivent péniblement à se frayer un chemin jusqu’au hangar du 34ème régiment d’aviation où se reposent les héros du jour. La nouvelle était tombée la veille à 19h00, heure de Paris : l’aviateur Charles Nungesser et son navigateur François Coli allaient tenter la traversée de l’Atlantique d’Est en Ouest, d’une seule traite et sans ravitaillement, avec un amerrissage à New York, devant la Statue de la Liberté. En effet, la solution retenue par l’équipage est un hydravion Levasseur modifié pour la circonstance, équipé d’un moteur Lorraine-Dietrich 12 cylindres de 450 chevaux. L’appareil a déjà montré sa fiabilité lors de bon nombre de raids, mais jamais un tel défi n’a été relevé à ce jour ! Raymond Orteig, un homme

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d’affaires américain d’origine française, avait d’ailleurs lancé un défi à son nom, offrant $25 ,000 dollars (environ $341,000 de nos jours) au premier qui franchirait l’Atlantique entre Paris et New York, sans escale, dans un sens ou dans l’autre. Aux États-Unis, plusieurs équipages sont déjà sur les rangs et là-bas, en haut lieu, on clame que « les USA doivent être les premiers dans les airs », préfigurant la bataille que l’on connaît de nos jours entre Airbus et Boeing. La date et l’heure du décollage de l’équipage français avait été tenues secrètes le plus longtemps possible, afin d’éviter des tentatives éventuelles de sabotage. Baptisé « l’Oiseau Blanc », le volatile français est tout de même plutôt trapu : 14,60m d’envergure pour 9,70m de long. Il arbore des décorations militaires sur la dérive ainsi que la fameuse tête de mort sur deux tibias, surmontée d’un cercueil et de deux chandeliers, insigne personnel de Nungesser. L’avion est lourd avec ses 4000 litres d’essence embarquée, presque 5 tonnes au total, tellement lourd que le train d’atterrissage devra être largué dès le décollage ! Le strict minimum vital a été retenu pour cette traversée, pour éviter d’alourdir davantage l’appareil : pas de système radio (!), équipement réduit à une combinaison de cuir pour combattre l’humidité, doublée de soie pour essayer de garder le maximum de chaleur. Pas d’instruments de navigation non plus, toujours pour ce crucial problème de poids. De nos jours, une telle désinvolture vis-à-vis des normes de sécurité serait juste impensable… C’est Coli qui devra faire le point et guider l’équipage sur la bonne route mais, de toute façon, celle que les deux aviateurs ont choisie est la plus courte, les vents étant porteurs sur la moitié du trajet prévu. Ils ne devraient en théorie ne survoler que la mer, donc pas de danger de rencontrer un relief inattendu. Pour la seconde moitié, il faudrait croiser les doigts…


8 mai 1927 – 5h17. L’avion est sorti du hangar et placé sur la piste d’envol. Les pilotes arrivent deux minutes plus tard en voiture, étreignent les amis et officiels qui sont venus les accompagner et Nungesser dit simplement : « Ça va passer ! », avant de prendre place aux commandes. Les cales sont enlevées et dans un rugissement de ses 450 chevaux, l’avion s’élance sous les acclamations de la foule. Il mettra quand même presque une minute pour arriver à décoller et mettre le cap vers le nord, après avoir largué son train d’atterrissage. Cinq avions de la base aérienne décollent à leur tour pour escorter l’Oiseau Blanc sur une portion de trajet et feront demi-tour à Etretat, après avoir constaté que l’avion se comporte normalement. C’est la dernière fois que Nungesser et Coli auront donné signe de vie. Qui étaient ces deux pilotes ? Deux as de la Grande Guerre, Nungesser méritant tout bonnement un film à lui seul pour relater sa vie qui fut faite de tellement d’aventures extravagantes que, même dans une fiction,

on aurait du mal à en admettre la teneur ! 45 avions ennemis abattus officiellement, une bonne centaine en tout si on inclut les victoires non homologuées, cet officier est brave, c’est sûr, mais pas franchement discipliné. D’un combat à seul contre six, il réussit à s’extraire, son appareil et ses vêtements criblés de balles, mais lui restant miraculeusement intact. Et comme à chaque retour d’un combat victorieux, il faut qu’il fasse le zouave en effectuant des loopings et autres figures non réglementaires au-dessus de la piste d’atterrissage. Cela poussera le commandant de la base, excédé, à lui dire un jour : « Allez faire vos pitreries chez l’ennemi ! ». Était-ce un ordre ? Quoi qu’il en fût, Nungesser redécolla et alla faire quelques tonneaux, loopings et autres chandelles au-dessus de la base Allemande qui en oublia de lui tirer dessus ! Bien d’autres faits d’armes retentissants sont à mettre à son actif et Hollywood ne s’est pas trompé en lui dédiant un film où il joua lui-même son propre rôle : « The Sky Raider », sorti en 1925, à l’apogée de sa gloire. Coli, quant à lui, était également un officier charismatique dont les hommes saluaient le courage au cours des deux années qu’il passa dans les tranchées. Après avoir appris à piloter, il fut affecté à l’escadrille N62 dont il passa rapidement aux commandes, qualifié de « pilote de tout premier ordre » par la hiérarchie militaire.

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Malgré deux blessures graves (commotion cérébrale et perte d’un œil), il refusa de se faire évacuer et continua à assurer le commandement de son escadrille. Le tintement des médailles ornant leur deux poitrails réunis auraient couvert sans nul doute le vacarme du LorraineDietrich s’ils les avaient portées au décollage… Voici donc quels étaient ces hommes qui s’élancèrent le matin du 8 mai 1927. A Paris, en fin d’après-midi, la foule afflue vers le hall des grands quotidiens, seuls à détenir les informations d’une manière générale : pas de radio ou de télévision à l’époque, l’info passe obligatoirement par les journaux et ils ont installé des panneaux d’affichages géants pour l’occasion. Et c’est logiquement par eux que les nouvelles contradictoires de la journée du 9 mai vont commencer à tomber. Tout d’abord, c’est l’anxiété qui s’installe, le premier télégramme en provenance de New York faisant état de très mauvaises conditions atmosphériques : tempête de neige et visibilité nulle ! L’Oiseau Blanc doit normalement arriver à New York vers 21h00, heure française, mais malgré cette première alerte, tout semble se dérouler comme prévu, la première dépêche les signalant au sud de Terre-Neuve arrivant à 18h00. New York suit peu de temps après en annonçant qu’un destroyer américain aurait aperçu l’avion aux environs de Terre-Neuve. Puis, un peu plus tard, le Ministère de la Marine à New York annonce que les aviateurs Nungesser et Coli avaient été aperçus à Portland sur la côte est, volant à 160km/heure. Et encore deux ou trois autres dépêches les faisant doucement glisser vers New York, point de chute tant attendu. A 23h00, l’Aéro-Club de France annonce que Nungesser et Coli sont enfin arrivés et c’est un déferlement de liesse qui gagne Paris et les grandes villes de province, la foule organisant des manifestations spontanées en l’honneur des deux héros où le drapeau français est agité avec ferveur. Dans le feu de l’action, une dépêche de Washington est cependant passée inaperçue : l’Arsenal de Boston informait le Ministère de la Marine que son information signalant l’Oiseau Blanc à Portland n’avait pas pu être confirmée et il apparaissait probable que l’avion signalé était un garde-côte. Puis, vers 3h00 du matin, alors que le bruit des pétards et des bals improvisés s’estompe peu à peu, la nouvelle tombe, laissant une immense impression de gueule de bois à la nation toute entière : - New York, 20h30 heure locale. Aucune nouvelle de l’avion de Nungesser et Coli. Cette nouvelle est rapidement suivie par celle de Saint-Jean de Terre-Neuve, avec la même constatation laconique. Bien que la durée théorique du vol fût dépassée, New York

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décide de prolonger l’attente en allumant quatre grands projecteurs pour balayer le ciel au-dessus de la base des garde-côtes, à Sandy-Hook. En vain… En France, c’est la consternation et la colère qui s’installent. Comment de telles fausses informations ont-elles pu être publiées ? La réponse tient toute entière dans ce petit télégramme émanant de Washington et passé inaperçu. La confusion est d’autant plus facile à concevoir qu’à l’époque tous les avions militaires américains étaient de couleur claire. Leur gouvernail arborait les mêmes bandes bleu, blanc et rouge que les avions français (ainsi que certains avions anglais). Et pour finir, les conditions météo étaient telles que très peu d’avions étaient de sortie ce jour-là. L’ampleur de l’événement que représentait ce challenge sur le plan international était tel, que les observateurs occasionnels se trouvant sur une trajectoire potentielle de l’Oiseau Blanc ne pouvaient pas douter que ce fût lui et pas un autre. Le mardi 10 au petit matin, des recherches sont lancées par les marines française, américaine, canadienne, anglaise, danoise et suédoise au large de l’Etat de Maine et au sud de Terre-Neuve, mais également en Manche et vers le Groenland, sans succès. Quelques témoignages sont recueillis, mais semblent contradictoires. Lentement, au fil des jours suivants, la possibilité de la disparition pure et simple de Nungesser et Coli fait son chemin, que ce soit en mer ou bien dans les terres inhospitalières aux alentours de l’embouchure du Saint-Laurent au Canada.


Quatre-vingts ans plus tard, un homme d’affaire français, Bernard Decré, décide de remettre en lumière l’exploit des deux aviateurs français et, à la faveur de certaines découvertes surprenantes qu’il a faites, dépose une demande d’homologation de la traversée de Nungesser et Coli auprès de la Fédération aéronautique internationale à Lausanne. Pilote lui-même, et en connaissance des relevés météos établis pour la journée fatidique, il a entrepris d’essayer de définir les options les plus probables pour lesquelles les deux pilotes ont dû opter. Il en ressort trois routes, la plus probable étant la route la plus au sud, passant par Saint-Pierre et Miquelon, pour entre autres éviter la neige débarquant du Labrador. Rappelons que l’avion ne disposait d’aucun instrument, le seul vol possible étant à vue ! Avec la tempête de neige qu’ils ont rencontrée en arrivant sur le continent américain et une visibilité quasi nulle, ils ne pouvaient pas s’engager au-dessus de la terre ferme, au risque d’entrer en collision avec la première colline venue. D’où la piste Saint-Pierre où, à ce jour encore, il poursuit inlassablement ses recherches. Saint-Pierre, où les langues se sont déliées petit à petit, avec le temps… Presque un siècle plus tard, le sujet est encore tabou. En 1927, la prohibition en application depuis 1919 aux USA obligea les trafiquants en alcool à trouver des bases d’approvisionnement proches du territoire américain, tout en étant hors d’atteinte juridiquement. Il se trouve que l’archipel français SaintPierre et Miquelon remplissait exactement les critères requis pour devenir l’une des plaques tournantes les plus

actives du trafic. Et de fait, pour une population d’à peine 5000 habitants, Saint-Pierre-et-Miquelon était à l’époque le premier client des caves rémoises, important cinq millions de bouteilles de champagne par an ! Sans compter les vins et whiskys divers entreposés en plein jour sur les quais en attendant d’être acheminés la nuit vers la côte canadienne. Toute l’activité locale était centrée sur ce trafic lucratif, régi par la mafia : les bateaux ne pêchaient plus depuis longtemps, les seuls poissons à bord servant à planquer la véritable cargaison en cas de contrôle. À l’époque, le «Parrain» résidait régulièrement au Robert, l’un des plus anciens hôtels de Saint-Pierre, qui conserve encore pieusement le canotier offert par le truand. Généreux, Al Capone fit même un don à l’évêque pour la réfection de la cathédrale.

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Si le silence ne se rompt que difficilement, aujourd’hui encore, c’est que tout le monde connaît l’histoire et partage une part de responsabilité dans le drame qui s’est joué ce jour-là. Ou plutôt «les » drames. En effet, cela fait maintenant 30 heures que Nungesser et Coli sont dans les airs, exténués sans nul doute car ils n’ont pas dormi et le froid est intense. En vue de l’archipel, ils volent à basse altitude dans la brume, dans l’espoir d’amerrir en lieu sûr, sachant qu’il ne pourront sans doute pas aller beaucoup plus loin, les vents violents et les conditions météo les ayant contraints à consommer certainement plus d’essence que ce qu’ils avaient prévu. Malheureusement pour eux, cette terre, assez inhospitalière en elle-même, l’est encore plus en raison de la tension extrême qui y règne. Les Etats-Unis avaient déjà sommé la France de venir faire le ménage sur ce territoire qui provoquait des dommages considérables sur le sol nord-américain. La France, de son côté, faisait la sourde oreille, n’étant pas pressée de faire naître un mécontentement chez une population devenue prospère, donc tranquille sur le plan politique, sans même parler des intérêts que certains gros bonnets de la capitale pouvaient avoir ici. Ainsi, dire que la région grouillait de bateaux de toute sorte ce matin-là est un euphémisme. Et qu’aucun d’entre eux n’ait vu ou entendu l’Oiseau Blanc est tout simplement impossible. Et effectivement, un jour de 2013, un habitant de l’archipel dit à Bernard Decré : « vous n’apprendrez rien ici sur la disparition de L’Oiseau Blanc, car tout le monde connaît la famille de bootleggers qui a tiré sur l’avion ». Tiré sur l’avion ! Pourquoi diable un marin, fût-il trafiquant, aurait-il tiré sur l’avion ? Tout simplement à cause des mêmes raisons qui avaient fait naître l’euphorie en France la veille au soir : dans l’autre sens cette fois-ci, car les contrebandiers, eux, avaient pris l’avion pour un gardecôte ! Même couleur, même drapeau peint sur la queue de l’appareil. Un mousse présent à bord et ayant raconté son histoire bien plus tard, déclara qu’il avait vu les deux pilotes se pencher au-dessus d’eux alors que l’avion les survolait. Cette révélation est déjà consternante en soi, mais le cauchemar ne semble malheureusement pas terminé pour les deux aviateurs… Car il semble que ces tirs n’aient pas été ceux qui envoyèrent l’avion à la mer.

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Un autre témoignage, venu d’une autre embarcation de trafiquants présente dans la zone, relate le fait qu’un navire de garde-côtes américains a lui aussi ouvert le feu sur l’Oiseau Blanc ! Et il semble bien que cette fois-ci ils atteignirent leur cible. Un témoin à terre avait vu l’avion se traîner avec difficulté, une épaisse fumée blanche s’échappant de l’avant de l’appareil. Mais pourquoi les garde-côtes avaient-ils à leur tour pris l’Oiseau Blanc pour cible ? Cette fois-ci, c’est sans doute à cause de cet insigne que Nungesser avait fait peindre sur la carlingue : une tête de mort sur deux tibias, le symbole universel de la piraterie ! A moins que… à moins qu’on n’ait donné l’ordre explicite à ce bateau de descendre l’appareil… Aberration ? Pas si sûr… Le 9 mai, un patrouilleur des garde-côtes américains, le « Modoc », se trouvait au cap Race à la pointe sud de Terre-Neuve, à l’entrée de la baie des Trépassés. Précisément sur la route de L’oiseau Blanc, selon les calculs de Bernard Decré. Et sur le journal de bord du bâtiment, pour ce jour-là, une seule inscription, tapée à la machine : « Exercices


de tir ». Simple coïncidence ? Exercices de tir lorsque les environs sont saturés de contrebandiers ? On pourrait éventuellement se laisser convaincre, s’il n’y avait cet autre fait troublant : l’amiral Billard, commandant de ce patrouilleur, avait été en contact constant ce jour-là avec un membre républicain du Congrès, Hamilton Fish III, lui-même mécène de « Columbia », l’un des trois avions américains dans les starting-blocks à Roosevelt Field, pour tenter la toute première traversée de l’Atlantique ! « Les Américains doivent être les premiers dans les airs »… Sur l’île aux Marins, au large de Saint-Pierre, Bernard Decré a récemment été interpellé par un cliché non daté et exposé dans un petit musée privé : sur le quai du port de Saint-Pierre, un cadavre vient d’être repêché, vêtu d’une combinaison semblable à celles que portaient les aviateurs de l’époque. Était-ce l’un des deux as français ? Mystère. Il continue à fouiller inlassablement les fonds marins et le passé tumultueux des habitants de l’archipel. A force de persévérance, peut-être arrivera-til à faire un jour toute la lumière sur cette affaire… Car

tant qu’on n’aura pas retrouvé la carcasse de l’appareil, ou ce qu’il en reste après presque un siècle, la vérité ne pourra jamais être appréhendée. Le 20 mai 1927, 12 jours après Nungesser et Coli, Charles Lindbergh réussit l’exploit de la traversée impossible, dans l’autre sens, seul à bord du « Spirit of St. Louis ». Mais la première chose que demanda Lindbergh en descendant de son appareil, après s’être battu avec un mécano français qui lui vola son serretête en guise de souvenir-trophée, fut : « A-t-on des nouvelles de Nungesser et Coli ? ». Non, on en n’avait pas, mais bien qu’il soit à peu près sûr aujourd’hui que les deux héros avaient pratiquement touché au but, l’Amérique avait cependant gagné ce pari : elle avait bel et bien été la première dans les airs, à ouvrir une route que les compagnies aériennes d’aujourd’hui empruntent régulièrement, sans même une pensée pour ceux qui ont risqué leur vie pour la défricher. Alors, au risque de paraître puéril, permettez-moi de porter un toast à la mémoire de Nungesser, de Coli et allez, soyons sport, de Lindberg également.

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Hall... of Fame ! CHAPARRAL SPORTS RACING CARS Images : archives - Récit : Jean-Paul Milhé

Expresso Molto Stretto



Lorsqu’on évoque un Texan, ancien pilote reconverti en constructeur de voitures de sport, déboule immédiatement sur le tapis le nom d’un certain Carroll Shelby. Cette fois-ci, mauvaise pioche !

James Ellis Hall, allias Jim Hall, est de douze ans le cadet de Shelby. Petit dernier d’une richissime famille impliquée, comme c’est souvent le cas au Texas, dans l’exploitation pétrolière, il débute logiquement un cursus d’études en géologie, lorsqu’à peine un mois après son entrée en cours, ses parents et sa sœur se tuent en avion. L’un de ses deux frères aînés, Charles, reprend alors le business familial, tandis que Jim hérite logiquement d’un tiers de la fortune. Peu enclin à mémoriser la structure des cristaux de roches, il change radicalement de voie pour sa deuxième année d’études et se lance à corps perdu dans ce qui le passionne depuis toujours : l’ingénierie mécanique. Diplôme en poche, en 1957, il se place dans le sillage de son frère Dick et le rejoint au sein d’une petite entreprise en plein développement... Carroll Shelby Sports Car ! Le « Sorcier Texan » décèle assez rapidement en son jeune congénère des qualités intrinsèques certaines et ce dernier, qui a fait ses armes en course sur l’Austin Healey 100 de son frangin, se voit confier un volant dans les prémices de ce qui va se structurer dès le début des années 1960, en divers championnats nationaux et internationaux de voitures de sport, dédiés soit à la vitesse pure soit à l’endurance. Talentueux et passionné, Jim Hall noue dans ce milieu en pleine ébullition, des amitiés sincères avec des gens qui brilleront à ses côtés tout au long de sa vie.

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C’est le cas d’un certain James « Hap » Sharp, de sept ans l’aîné de Hall, qui lui prêtera en 1960, le volant d’une Lotus 18 privée afin de participer, entre autres, au tout nouveau Grand Prix des États-Unis où il décrochera une honnête septième place. Hall fera un détour par l’écurie BRP d’un certain Alfred Moss, père de Sterling Moss, mais au vu de résultats somme toute moyens, il se résoudra à développer un projet initié dès 1960, celui de concevoir et de construire ses propres voitures de course.


Fortuné lui aussi, et plus qu’enthousiaste, Hap Sharp le suit dans cette nouvelle aventure. Autant dire que l’expérience acquise sur la piste par les deux hommes, va leur servir dans de larges proportions. L’imagination, la créativité et l’esprit d’analyse feront le reste... Il leur faut tout d’abord trouver un nom de baptême pour la marque qu’ils souhaitent créer. Ils vont opter pour Chaparral, cet espèce de buisson qui traverse l’écran dans les westerns et surnom du Grand Géocoucou, oiseau coureur nord-américain (roadrunner) immortalisé par un dessin animé célèbre, Bip-Bip et le Coyote. La MK1 effectue ses premiers tours de roue sur le circuit de Riverside en octobre 1961. Hall et Sharp ont missionné Troutman et Barnes pour construire ce

pur dérivé de la Scarab de Lance Reventlow conçue en 1957, mais modifiée selon leurs indications. Déjà, le souci de la répartition des masses se fait sentir : ce qui sert de dosseret aux pilotes (dont Jim Hall himself ), à travers la fine épaisseur de la carrosserie en aluminium, c’est le pont arrière ! L’excellent v8 de la Corvette (un 283 ci stroké en 318 ci) est quant à lui positionné très en arrière sur un châssis tubulaire des plus conventionnels, dans l’esprit d’un moteur central autorisant une répartition des masses de l’ordre de 55% sur l’essieu arrière. Quatre exemplaires furent assemblés, deux pour le team (Hall se réservant le 2ème au châssis légèrement rallongé conférant plus de place au pilote) et deux destinés à la vente. Un cinquième châssis nu fut construit et expédié à la demande du client, en GrandeBretagne. A Riverside, Hall se hisse d’emblée sur la 2ème marche du podium, juste derrière l’extraordinaire Maserati Birdbage, ce qui le conforte dans ses choix techniques.

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Mais on sent bien que le bonhomme fait ses vocalises, s’échauffe la voix et emmagasine de la confiance pour revenir plus tard et surtout plus fort. Pendant deux ans, de 1961 à 1963, la MK1 fait donc ses gammes, alterne le pire et le meilleur, se classe 2ème à Riverside en 1962, 3ème à Daytona, casse son boîtier de direction à Sebring, troue un piston lors du Grand Prix du Canada, surchauffe lors du Player’s Trophy... Hall serre les dents et

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prend des notes. Trop « taper » dans un moteur, négliger l’extraction d’air chaud dans le compartiment moteur, se contenter de pièces de trains roulants existantes dans le commerce pour catapulter et tenter de diriger dans des virages serrés à mort et des courbes à n’en plus finir un missile sol-sol qui pèse son petit poids... ça fait le bonheur des photographes et des langues de vipères, mais pour espérer gagner, sans compter sur le forfait des concurrents, il va falloir sérieusement revoir la copie. La victoire intervient enfin, aux 12 heures de Sebring en 1962, où la MK1 se classe 6ème au général et 1ère de sa classe.


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La 2A apparaît en 1963. C’est la première « vraie » Chaparral. Trois versions vont voir successivement le jour, la A, qui avait un peu trop tendance à lever du nez à grande vitesse, la B, munie de spoilers avant qui corrigeaient très efficacement le problème d’aérodynamique, l’appui de l’air sur ces appendices plaquant efficacement au sol le museau de la bête, puis la C, qui abandonnait la boîte à rapports mécaniques pour une homologue à passage des rapports semiautomatique. Révolutionnaire, le châssis caissonné était construit en polyester, tout comme la carrosserie qui le recouvrait. Seul colin Chapman et sa Lotus Elite avait emprunté cette voie jusqu’alors... C’est un ingénieur aéronautique spécialisé dans les matériaux composites, Andy Green, qui apportera son expertise au projet, en échange d’un financement de ses activités de construction navale, de voiliers plus précisément. Le moteur se retrouvait cette fois-ci en position centrale arrière, Hall touchait donc du doigt ce dont il rêvait la nuit depuis un certain temps, une voiture légère et rapide, littéralement vissée au bitume en toutes circonstances. En octobre, la 2A est engagée pour la

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première fois et Hall signe la pôle position. En course, il est malheureusement contraint à l’abandon suite à un incendie du circuit électrique survenu dès le 4ème tour. Fin de saison en demi-teinte malgré un fort potentiel décelé là encore et la 2A remonte au créneau en 1964 avec une carrosserie à l’aérodynamique retravaillée et aux échappements déplacés : désormais, les huit tuyaux du diable crèvent le capot arrière et crachent toute leur joie de vivre vers les cieux. Après une honnête 2ème place lors de la première course de la saison, la 2A va s’imposer sans contestation possible dans les deux suivantes, signant au passage le début d’une longue série de victoires. En parallèle, les liens avec Chevrolet que le programme « GT40 » de Ford inquiète au plus haut point, vont se resserrer.


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A la clef pour Chaparral, une boîte semi-automatique des plus performantes, en échange de toute l’expertise de Hall et de ses comparses dans l’élaboration d’un châssis performant pour la future Corvette GS-II.b... Tout au long de la saison 1965, Chaparral et les différentes évolutions de la « 2 » font mordre la poussière aux Ford et aux Ferrari, alternant les pole positions, les records du tour et les victoires sèches. En 1966, apparaît le très disputé championnat Can-Am, dans lequel les Chaparral continuent de briller mais avec moins de vigueur que la saison précédente en raison d’une concurrence acharnée et de règlements techniques de plus en plus contraignants. Engagé sur deux fronts (Can-Am et endurance), Hall fait évoluer ses voitures en fonction des règlements et des contraintes techniques. Avec un nouveau châssis en aluminium, la 2D, carrossée en coupé, remporte sa première compétition en Europe, les 1000 km du Nürburgring, et Phil Hill et James Hall signent un doublé à Laguna Seca. Dotée d’une boîte de vitesses semi-automatique, la barquette 2E comporte cependant toujours trois pédales : celle de l’embrayage permet désormais au pilote d’incliner un imposant aileron afin d’optimiser l’appui de la voiture en virage ou en ligne droite et de l’assister dans les freinages. Aussi étrange que cela puisse paraître, personne n’avait encore pensé à utiliser un aileron sur une voiture de course, même pas en Formule 1. En 1967, le team adopte le big block Chevrolet et renforce à cet effet son châssis. Sur huit courses, la 2F signera cinq records du tour et remportera la victoire lors de la dernière course, à Brands Hatch.

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En 1970, apparaît la plus controversée des Chaparral, la 2J, surnommée « l’aspirateur ». Se basant sur le fait que si ce n’est pas interdit, c’est autorisé, Hall a conçu à l’arrière de son prototype un caisson fort disgracieux, mais qui abrite deux énormes ventilateurs qui viennent aspirer l’air sous la voiture, créant un effet de succion plaquant littéralement l’auto au sol. Après trois poles positions obtenues en quatre participations, l’utilisation d’un moteur additionnel (celui qui actionnait les ventilos dans le cas présent) fut proscrite et l’aspirateur condamné à rester au placard. Aux concurrents qui se plaignirent de prendre dans le pare-brise toutes sortes de projections, Hall suggéra laconiquement de tenter de le doubler... En parallèle, effrayés par les performances ahurissantes des Ford Gt40 aux 24 Heures du Mans (plus de 350 km/h dans les Hunaudières), les officiels avaient décidé de limiter la cylindrée des voitures de course à 3 l, renvoyant ainsi au bercail Ford, Chevrolet, leurs dérivés et autres Ferrari 3,5 l. Chez Porsche, on se frotta les mains... Hall s’éloigna un temps des circuits

avant de revenir en 1978 avec une monoplace LolaCosworth qui permet à Al Unser de remporter les 500 Miles d’Indianapolis. L’année suivante, c’est à l’ingénieur anglais John Barnard que Hall confie la construction de la 2K « wing car » que Johnny Ruterford fera triompher à l’Indy 500 en 1980. Le team Jim Hall Racing restera en activité sur le sol américain jusqu’en 1996, année au terme de laquelle Jim Hall se retira du sport automobile, à l’âge de 61 ans. Et Wile E. Coyote dans tout ça ? Il ne rattrapera jamais Bip-Bip...

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MV KALAKALA (1935 -2015) Images : Steve Rodriguez et Russ Knudsen - Récit Benjamin Hébert (www.lagazettedhector.fr)

La Croisière s’amuse Tacoma, banlieue sud de Seattle, le 22 janvier 2015. Les engins de démantèlement crèvent la vieille carcasse de l’oiseau, un oiseau d’argent de 84 mètres de long, deuxième objet le plus photographié dans le monde après la tour Eiffel en 1935...



L’oiseau est fatigué, ballotté de port en port depuis 1967 à la recherche du mécène qui le fera renaître. En vain. Œuvre d’un marin passionné, le Capitaine Peabody, ce dernier fit de lui le premier bateau à la structure entièrement lisse, sans aucun rivet. Si la caravane Airstream devait avoir un cousin des mers, le « MV Kalakala » en serait le digne représentant. Une première mondiale Tout commence en 1926. Key Transit Co. exploite les tramways de San Francisco qui descendent les habitants de la ville vers le terminal du Port. La compagnie a également deux bateaux à vapeur le « Peralta » et le « Yerba Buena », qui sillonnent la Baie de San Francisco. Le 6 mai 1933, un incendie criminel dévaste le terminal Key Line à Oakland où est amarré le « Peralta ». Ses chaudières se sont refroidies pendant la nuit, le bateau ne peut donc s’éloigner seul du quai.

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Trois employés de Key Line brisent alors une des fenêtres et récupèrent la recette de la journée ($ 8,000) puis coupent les lignes d’amarrage. Le « Peralta » ne dérive malheureusement pas assez loin et le bateau n’échappe pas au feu. Cette tragique soirée scelle le destin d’une renaissance unique dans l’histoire navale. Le Capitaine Alexander Peabody de la Puget Sound Navigation Co. de Seattle, également connue sous le nom de Black Ball Line, rachète l’épave du « Peralta » pour $ 6,500. En pleine période Art déco, le courant de design Streamline porte l’industrie. Peabody veut faire de ce navire le premier bateau aérodynamique au monde et s’allie pour atteindre son objectif à un ingénieur de chez Boeing, Louis Proctor. Le coût de la construction est évalué à $ 900,000 (aujourd’hui environ 12,1 millions $).


L’ensemble des pièces sont soudées en utilisant l’arc électrique pour élever la température des métaux à souder jusqu’au point de fusion. Une première sur un tel chantier. Pour autant, à l’usage la structure en acier du navire sera jugée préjudiciable au fonctionnement de la boussole du navire. Le pont et la timonerie (cabine de commandement) seront reconstruits ultérieurement en cuivre. C’est le publiciste de la Puget Sound Navigation Company (PSNC) qui le baptise « MV Kalakala ». Ce nom signifie « Oiseau Volant » dans la langue de la tribu indienne locale des Chinooks. Les initiales MV désignent, quant à elles, Motor Vessel (navire à moteur). Les Etats-Unis excellent déjà dans les techniques de publicité, les « Mad Men » sévissent déjà. Une opération de teasing est lancée pour le streamliner des mers. Une première campagne cite uniquement le nom « Kalakala », une deuxième ajoute « Kalakala, Seattle, WA » et enfin une troisième conclut avec une photo du navire. Le bateau est construit sur les chantiers navals du Lac Washington à Kirkland. La construction est supervisée par James Murphy et l’architecte naval Helmuth W. Schmidt. Une superstructure monobloc est construite sur la coque. Toutes les ouvertures et hublots sont directement percés sur la carlingue.

La légende du Pacifique Nord Le 3 juillet 1935 à 12 h 45, la bouteille de champagne se fracasse sur l’oiseau d’argent. Destiné à transporter 1 943 passagers et 110 véhicules, le « Kalakala » fait un départ triomphant. Plus de 100 000 personnes sont agglutinées le long des quais Coleman.

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Sous la responsabilité du capitaine Wallace Mangan, le « Kalakala » file à plus de 17 nœuds (32 km/h) grâce à son tout nouveau moteur Busch-Sulzer diesel d’une puissance de 3 000 cv. Plus de 500 invités ont pris place à bord de ce ferry unique : décor Art déco, escalier en fer forgé et en laiton, chaises de velours rouge, rien n’est trop beau pour le vaisseau amiral de la PSNC. Les 2 000 enfants des écoles locales, invités pour une mini croisière, en prennent plein les yeux. Pour contenter tout le monde, le « Kalakala » reste ouvert au public jusqu’à minuit : la légende du Pacifique nord était née. Dès le lendemain, l’oiseau volant débute ses traversées quotidiennes dans le Puget Sound, bras de mer de l’océan Pacifique situé aux États-Unis, dans le nord-ouest de l’État de Washington. A partir de 6 h 30, six voyages aller-retour sont effectués chaque jour. Il faut s’acquitter 45 cents pour les passagers et de $ 1,10 pour les véhicules. Le petit déjeuner est servi au « Double Horseshoe Cafe » avec jambon, œufs, pain grillé et pommes de terre pour 0,75 cent. Tous les soirs à 20 h 30, changement de décor, le « Kalakala » emmène les noctambules jusqu’à minuit pour une « Moonlight cruise » au son du Joe Bowden Flying Bird Orchestra.

C’est en 1976 que ce bateau synonyme de progrès et de modernité, est équipé du tout premier radar à usage civil : un atout précieux pour naviguer dans la brume parmi les crabiers et les crevettiers.

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Lors d’un voyage aux Etat-Unis, Queen Elizabeth II a honoré de sa présence le pont supérieur du « Kalakala » durant une bonne partie de la traversée.

Les couples se bousculent pour payer $ 1 et aller danser le charleston, le foxtrot, le lindy-hop ou le balboa. Les chaises en velours sont déplacées pour laisser place au dance floor. Des cartes postales sont imprimées dans tout le pays et assurent la promotion de ce ferry d’un nouveau genre. Le « Kalakala » Streamline n’a rien à envier aux locomotives dessinées par Raymond Loewy ou les autobus Greyhound. Son carénage rutilant lui confère une modernité sans précédent dans l’histoire de la navigation. En 1940, le « Kalakala » est choisi pour parader dans le cadre de l’inauguration du tristement célèbre pont de Tacoma… qui s’effondrera quatre mois plus tard, balayé par les vents. Mais la Seconde Guerre mondiale éclate, le « Kalakala » est réquisitionné pour transporter les ouvriers du chantier Naval de Puget Sound, jusqu’à 5 000 par jour, aidé en cela par le « Chippewa ». Le bateau est souvent vandalisé, les chaises passées par-dessus bord, les vitres sont brisées… la vente d’alcool est définitivement supprimée et les douches sont condamnées. En ces temps difficiles, le « Kalakala » gagne le surnom de « Cheval de bataille de Puget Sound » pour sa participation à l’effort de guerre. En 1946, le bateau reçoit le premier radar commercial. Le cygne d’argent devient grenouille Au milieu des années 50, « Kalakala » apparaît dépassé. La plate-forme accueillant les voitures se révèle trop petite pour accueillir les nouveaux modèles beaucoup plus imposants. Des bateaux « new generation » prennent le pas dans les eaux du Puget Sound.

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La décision est prise de l’affecter à la « route » Port Angeles – Vitoria en Colombie-Britannique (Province du Canada). Malheureusement, le ferry vieillissant connaît de plus en plus de problèmes notamment dus à ses légendaires vibrations. Les moteurs étaient mal alignés, l’ensemble du navire vibrait. Le « Silver Swan », comme ses propriétaires le nommait, devint rapidement « The Silver Beetle » : le cygne devient scarabée... Le « Kalakala » retrouve une gloire éphémère lors de l’Exposition universelle de Seattle, en 1962, appelée aussi Century 21 Exposition, où il rivalise en termes de visites avec la Space Needle, une tour futuriste.

En 1967, le « Kalaka « est définitivement retiré du service. Crime de lèse-majesté le Cygne d’argent est tout d’abord assigné à la pêche aux crabes en Alaska, avant d’être transformé en usine de transformation de la crevette.

La France a perdu le paquebot France, les Etats-Unis, le ferry-boat Kalakala. Tous deux ont porté haut les couleurs de leurs pays respectifs, et ont subi le même sort, dépecés dans un chantier naval et vendu au prix de la tonne de ferraille...

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Sur le quai abandonné... Dans les années 80, le bateau est revendu plusieurs fois puis, sauvé en 1991 par un groupe de passionnés, est remis à flots en 1998 et remorqué triomphalement vers Elliot Bay, 32 ans après ses débuts. Devant des difficultés financières récurrentes, le bateau est finalement laissé à l’abandon et est revendu à son dernier propriétaire Karl Anderson, vice-président de Concrete Technology Corp. Sans entretien depuis 50 ans, dépouillé de ses ornements de valeur, les 50 millions de dollars nécessaires à sa restauration n’atteindront jamais les quais de Tacoma. En 2011, l’épave jugée dangereuse est dans un tel état de délabrement que la Garde côtière ordonne sa démolition. Le 4 janvier 2015, l’Airstream des mers part au démantèlement dans l’indifférence générale, fermant le ban à un pan d’histoire navale à 100 000 millions de passagers. Tout juste aura-t-il eu le temps de fredonner « And I’ll stand on the ocean until I start sinkin’ » de Bob Dylan... www.kalakalaorg.wordpress.com

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CAFE RACER BMW R69S SERIE 2 1955 – « L’ETONNANTE » Images : Laurent Nivalle – Récit : Benjamin Hébert

L’interview Bonneville


Ludwig Ascher, est le génial créateur de l’ « Étonnante », une moto pas comme les autres issue de son atelier St-Brooklyn Motorcycle à Saint-Brieuc en Bretagne. Mais qui se cache donc derrière ce spet ?

Question Tekitoi : Salut Ludwig ! Qui es-tu et d’où viens-tu ? Ludwig Ascher : Salut j’ai 30 ans, je viens, à la base, de Conflans-Sainte-Honorine en région parisienne. Je suis complètement autodidacte dans l’univers de la moto. J’ai eu ma première Mobylette à 12 ans, je n’avais pas encore l’âge légal, mais je l’ai achetée 200 francs, à l’époque avec mon argent de poche, à un gars de mon quartier. C’était une 103 SP. Je l’ai toujours, je suis un peu nostalgique avec mes deux roues ! Je suis ensuite parti en Bretagne pour le boulot, je suis intermittent du spectacle, je monte des scènes. En 2013, j’ai travaillé sur mon premier projet moto. J’ai récupéré une vieille BMW de la Gendarmerie et je l’ai refaite. J’ai adoré cette sensation de partir d’un brouillon, de tout refaire et de laisser ma créativité s’exprimer. J’apprends en permanence comme la soudure par exemple. Question why : Pourquoi cette meule, c’est quoi le concept ? L. A. : Déjà, j’adore le style Bonneville et les matériaux nobles. Ces deux aspects résument ma moto. Je veux, quand on regarde cette moto, que les gens se disent « elle a été faite dans les années 50 ». Comme j’aime les bi-cylindres allemands, je suis donc parti d’un cadre de BMW R69S de série 2 de 1955. J’ai voulu faire un moteur de compétition avec des pièces d’usinage. Les pièces de mon moteur sont Home Made ! J’ai réduit la course du cylindre, il n’y a aucune pièce de course achetée. J’ai fait des joints, modifier les dômes

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de culasse. Je me lance des défis et j’arrive toujours à trouver des solutions. Pour moi c’est comme un support artistique. Je ne ferai jamais la même moto deux fois. Question Idol : y-a-t-il quelqu’un qui a tout particulièrement influencé ton parcours ? L. A. : Mon grand-père et mon père sont des fans de belles voitures. Mon grand-père a eu des Corvette et Venturi, c’est sans doute pour cela que j’aime les belles lignes, la belle mécanique et les matériaux nobles. Pour autant, mouton à 5 pattes j’ai été attiré par les deux roues. Question final touch : Avais-tu une idée précise du résultat final, ou les choses se sont-elles mises en place d’elles-mêmes tout au long de la construction ? L. A. : J’avais les grandes lignes, la couleur. Je voulais de belles finitions. Je ne dessine rien, j’ai tout en tête. J’ai juste fait des essais pour les finitions. Question how long ? : Combien de temps as-tu mis à construire ton « œuvre » ? L. A. : J’ai pensé au projet pendant 1 an. Une fois que j’avais toutes les pièces, la phase de construction a duré 7 mois. Il y avait des choses que je ne maîtrisais pas comme la préparation moteur. J’ai passé des nuits blanches à réfléchir. En tout, on ne doit pas être loin des 1000 heures de travail. Question piston : Pourquoi avoir choisi le flat-twin de chez BMW ? L. A. : En fait je suis parti de trois moteurs Flat-Win BMW de 1981 que j’ai récupérés. J’ai pris les pièces qu’il me fallait et j’ai reconstruit un moteur. Le bicylindre est un style qui me convient bien.

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Question simili : Un cadre dépouillé et une mécanique affûtée, on est très proches de l’esprit « Hot rod » des origines, non ? L. A. : Oui toutes mes motos sont typées course de vitesse Bonneville. C’est mon parti pris. On n’est pas loin du Hot rod avec un côté noble de la finition en plus. J’ai mis par exemple, une selle de vélo « made in France » de 1930. Question movie : Quand un film comme « Burt Monroe » sort au cinéma, est-ce que tu adhères ? L. A. : J’ai vu le film pendant que je construisais l’« Etonnante ». J’ai trouvé ça génial et je me suis retrouvé dans sa façon de travailler et le cœur qu’il a mis dans son projet. L’enseignement de tout ça c’est qu’il faut toujours croire en soi ! Question cambouis : Châssis, motorisation, accessoires : fais-tu tout toi-même ou fais-tu appel à des professionnels reconnus dans tel ou tel domaine ? L. A. : Je travaille seul mais j’ai un pote qui m’aide sur l’usinage des pièces et un autre pour le moteur. Question Louis Vuitton : Tu as utilisé des matériaux nobles et notamment du cuir français, pourquoi ne pas avoir privilégié des matériaux plutôt typé « run » ? L. A. : J’ai le souci de l’esthétique comme je l’ai dit, la moto est pour moi un support artistique. Il faut que ça soit des produits nobles : cuir et laiton par exemple et que l’œil soit attiré sur des détails. Il faut se rappeler que les vieilles Motobécane étaient faites avec un réservoir en laiton ! J’aime aussi l’imperfection. La moto doit se patiner. Pour moi, l’âme d’une moto c’est l’imperfection, ça doit vivre ! Question « Même pas mal » : Quelle fut ta plus grosse galère durant la construction de cette moto, le plus gros défi à relever ? L. A. : Tout était un défi. Je suis autodidacte mais dès que j’achète quelque chose, je démonte tout pour comprendre. Je suis donc parti avec l’envie d’y arriver. Ce n’était pas mon métier mais je n’ai pas eu de blocage. Le plus gros défi était finalement de trouver des pièces d’origine comme le moyeu arrière et le couple cônique. Question « Et maintenant ? » : Quel usage réserves-tu à l’« Etonnante » ? Sur quel genre d’épreuves est-elle admissible ?

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L. A. : J’ai fait un moteur de course, j’avais donc en tête de faire du sprint. Je me suis engagé sur les courses Café Racer Festival de Monthléry, Biarritz, Glemseck 101 en Allemagne. J’ai ensuite été contacté sur Facebook par Sébastien Lorentz pour être membre des Sultans Of Sprint qui regroupent les propriétaires de motos sprintcustom. On a concouru sur les circuits mythiques d’Europe : Monza, Spa, Monthléry…. J’ai fait 4e l’année dernière, lors de ma première saison, en ratant une course. Depuis j’ai des retours énormes. Question Odometer : Quels étaient tes objectifs en matière de performance et sont-ils atteints ? L. A. : L’« Etonnante » est programmée sur l’accélération et non la vitesse de pointe. Je n’ai pas d’amortisseur à l’arrière par exemple et j’ai un moteur course courte de 853 cm3 issu d’un 1000 cm3.




Question « Oui, mais... » : Quels sont les pires défauts de ton spet, et a contrario, ses plus grandes qualités ? L. A. : Je ne lui trouve pas de défaut, je suis assez satisfait de ce que j’ai réussi à créer. Question People : Quand tu débarques quelque part avec ta meule, quelles sont les premières réactions des novices ou des fins connaisseurs ? L. A. : Pour les novices, je suis très attentif à ce que disent les filles car elles ont un sens de l’esthétique affirmé, ce qui me permet d’avoir un avis sans concession sur mes choix ! Pour les connaisseurs, je suis toujours très flatté d’avoir des compliments des gens que j’admire dans le métier. Question Next : Si ce n’est pas trop indiscret, sur quel projet travailles-tu en ce moment ? L. A. : Je travaille sur un nouveau projet qui sera différent. Cette fois-ci je fabrique le cadre moi-même. J’ai été aidé d’ailleurs par Ludovic Gaag de Crazy Racer, plusieurs fois champion du monde AMD. Le moteur BMW choisi est extrêmement pointu. Je vais aussi tester de nouveaux matériaux comme le verre ou le titane. En revanche, je pense que je la vendrais pour financer d’autres projets. Avis aux amateurs… mais elle ne sera pas donnée. Question Yankee : Si tu devais choisir : Indian ou Harley ? Côte Ouest ou côte Est ? Un week-end à Bonneville ou une semaine sur la route 66 ? L. A. : Indian et Harley, je ne choisis pas, j’aimerais beaucoup travailler avec eux sur des projets. Actuellement, j’ai un petit projet avec BMW. Pour les Etats-Unis, je choisi la côte Ouest car je suis Breton ! C’est la culture du Hot Rod. Mais pour être honnête je ne ferme pas la porte à New York, je suis un fan de Basket et de Rap. Bonneville ou Route 66, je choisis Bonneville. Je devrais y aller en 2018 avec les Sultans. C’est un lieu mythique pour moi que je ne connais pas encore. Question Bande Originale : Est-ce que tu bosses en musique, et si « oui », qu’écoutes-tu en ce moment ? L. A. : J’ai une culture Rap et Rock. Quand je bricole, j’écoute Patrick Sweany. C’est ambiance Californie ! Question Verdict : As-tu quelque chose à déclarer pour ta défense ? L. A. : Pourvu que ça dure, de toute façon je suis un récidiviste ! Ludwig Ascher 06 88 44 58 19 st.brooklyn.motorcycles@gmail.com www.facebook.com/StBrooklynMotorcycles

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ANTARCTIC SNOW CRUISER 1936

Images : Boston Public Library – Récit : Jean-Paul Milhé.

Lorsque le super continent du tout début, le Pangée, commence à se fractionner il y a plus de deux cents millions d’années, sous l’effet du glissement des plaques tectoniques, il va accoucher par le sud de l’Inde, de l’Australie et de l’Antarctique...

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L’antarctique, c’est la destination idéale pour vos vacances. Pensez donc, quatorze millions de kilomètres carrés peuplés au grand maximum de mille personnes en hiver et jusqu’à cinq mille personnes en été, tous des chercheurs confinés sur les quelques stations d’expérimentation scientifique installées là de façon permanente par la Russie, les États-Unis ou la France et l’Italie (réunies, ces deux-là, dans des installations communes), ou ponctuellement l’été par le Japon, la Chine, l’Allemagne et la Belgique. Prévoyez tout de même un petit lainage si vous vous décidez, car il peut faire un peu frisquet en terrasse, le soir : jusqu’à moins quatre-vingt-dix degrés en hiver, et au maximum

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quinze degrés en été... La quasi totalité de la surface du continent est recouverte de glace, avec une épaisseur moyenne de 1,6 km d’épaisseur, autant dire qu’à la buvette, si vous réclamez un deuxième glaçon pour votre pastis ou votre canon de rosé, on peut fournir ! Il n’y pleut pas beaucoup en revanche, mais se prendre 1,20 m de neige sur le coin de la cafetière en 24 heures y est chose commune. Et pour parfaire le tableau de l’agence de voyages, l’ensemble du territoire est balayé en permanence par des vents des plus violents.


Ce continent bénéficie d’un statut à part : pas de population indigène, donc pas de Nation, pas de gouvernement, mais une sorte de no man’s land géré par des traités internationaux visant à protéger l’environnement et à limiter l’exploitation des ressources minières ou autres, à de la recherche scientifique. Même les chiens de traîneaux y sont à présent interdits, espèce non endémique jugée trop prédatrice... Tout ça, on le sait maintenant. Mais dans les années 1930, tout ou presque restait à inventer, à découvrir. Alors pour aller crapahuter en terre inconnue, chercheurs et ingénieurs du Chicago’s Armour Institute of Technologie, sous la houlette de Thomas Charles Poulter, ont joint leurs efforts entre 1937 et 1939 afin de mettre au point l’arme absolue, la tête chercheuse à quatre roues que rien n’arrête, l’Antarctic Snow Cruiser. Le résultat de cet essorage collectif de méninges fut à la hauteur de la démesure qu’on attend de tout projet farfelu mené à bien sur le sol américain. Le bébé mesurait en effet pas moins de 15 m de long, 6 m de haut, de 3,70 m à 4,90 m de large selon que les roues étaient rétractées ou pas. Le tout pesait pas moins de 37 tonnes en charge, poids réparti sur quatre roues directrices de 3 m de diamètre, dont les pneus déformables à souhait, spécialement développés pour l’occasion par le manufacturier Goodyear, étaient sensés autoriser le franchissement de n’importe quel obstacle, et notamment les crevasses si fréquentes sur l’inlandsis (sol gelé). Pour lui conférer une autonomie théorique de 8000 km, c’est une motorisation de type hybride (on est en 1936 !) qui fut retenue, mixant le diesel (au moyen de deux moteurs Cummins H-6 de 11 l de cylindrée chacun, pour une puissance unitaire de 150 hp) à l’électrique (un générateur alimentant 4 moteurs électriques placés dans les moyeux de roue).

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Avec des réservoirs de carburant d’une contenance totale de 9 500 l et des batteries de stockage de l’énergie, ce laboratoire roulant pouvait en théorie abriter ses cinq passagers pendant une durée d’au moins un an ! A bord, l’espace était divisé entre le poste de pilotage, le laboratoire tout équipé, une cuisine pouvant se transformer en chambre noire pour développer les photos, une salle des machines, un coin nuit et partout des rangements : le moindre espace était optimisé. Sur le toit, une plate-forme avait été aménagée afin

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de transporter un petit avion de tourisme. Un effort tout particulier avait été consenti au niveau des trains roulants, des vérins hydrauliques permettant de modifier la hauteur de caisse, d’autres autorisant les roues à se rétracter dans les passages de roue pour venir se réchauffer aux gaz d’échappement ou a contrario à s’écarter davantage de la carrosserie. A priori, tous les cas de figures avaient été passés en revue et l’engin était supposé grimper aux arbres. Il avait été convenu, entre les officiels de Washington séduits par le projet qui leur avait été soumis le 29 avril 1939, et la Fondation pour la Recherche qui chapeautait l’Armour Institute, que cette dernière financerait les $150,000 nécessaires à la construction du Pingouin et en superviserait les travaux, avant de le mettre à disposition de la deuxième expédition de l’Amiral Richard E. Byrd prévue pour la fin de l’année. Poulter en serait Commandant en Second.


Le temps pressait donc, et il ne fallut que onze semaines pour construire l’engin, quitte à abréger quelque peu les phases d’essais indispensables. Le chantier débuta le 8 août et le 24 octobre, le Snow Cruiser était mis en route pour la première fois dans la cour de la Pullman Company de Chicago, en charge de la partie motricité. Il ne restait plus qu’à l’acheminer dans les locaux de l’US Antartic Service à Boston, soit un périple routier de 1 640 km à parcourir à la vitesse maximale de 48 km/h. A quai, le North Star, patientait. Tout a bien commencé puisque au tiers d’un parcours jalonné de bravos et de hourras, une panne de direction, à l’approche d’un petit pont de l’Ohio, conduit l’engin tout droit dans le gué, où il resta planté trois jours. Tributaire de la météo, le cargo pouvait appareiller à n’importe quel moment... Il pu le faire le 15 novembre, avec l’Antarctic Snow Cruiser à son bord.

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Le trajet maritime se déroula sans accroc, mais à l’arrivée, manquant de peu, en raison de son poids pachydermique, d’écrouler la rampe de déchargement prévue à cet effet, le Pingouin, au bénéfice d’un coup de gaz salvateur, alla s’échouer dans la neige. Et s’échouer est le terme qui convient parfaitement. Testés dans la boue, les pneus se révélèrent complètement inefficaces tant dans la poudreuse que sur la glace. Dans la neige, ils s’enfonçaient sans résistance jusqu’à ce que l’engin ne se pose sur son soubassement caréné, pédalant ensuite dans la semoule comme un pauvre scarabée sur le dos. Sur la glace, pas moyen de trouver de l’adhérence, la puissance manquait singulièrement à l’appel et pour couronner le tout, les crevaisons se multipliaient de façon exponentielle. Dans un premier temps, les techniciens récupérèrent les deux roues de secours stockées dans le compartiment arrière de l’engin, et les montèrent accolées aux roues avant afin de doubler la surface de roulement. Dans la foulée, ils installèrent des chaînes sur les roues arrière, pour améliorer l’adhérence. Mais au bout de quelques jours, ils en vinrent à la conclusion qu’ils auraient meilleur compte à apprendre à voler à leur Pingouin... En 1939... bruits de bottes ! L’expédition fut écourtée et contrairement à ce qui était prévu, l’Antarctic Snow Cruiser fut laissé là à l’abandon, avec les clefs sur le contact. Le ramener à quai et le faire remonter sur le pont du bateau devait sans doute présenter d’insolubles problèmes.

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Il fut redécouvert sous des mètres de neige en 1958, à la faveur d’un climat mondial apaisé et d’une nouvelle expédition. Lors de la suivante en revanche, il avait disparu ! Un coup des Russes en pleine Guerre Froide ? Il se pourrait que non : la glace est en permanence en mouvement, à l’image des glaciers, et se dirige vers la mer où la banquise vient doubler la surface de ce continent durant les périodes les plus froides, Elle peut même, durant les hivers les plus rudes où même l’eau de mer gèle, prolonger le rivage de 800 km ! Le Pingouin

aurait été localisé : des appareils de détection modernes auraient décelé une masse métallique qui correspondrait à son gabarit... tout au fond de l’eau ! Et allez, $300,000 à la baille ! 300,000 ? Oui, parce que pour couronner le tout, le budget final avait tout simplement doublé. Décidément, quand ça veut pas, ça veut pas !

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Insolite

des bizarretés, on notera le kick de démarrage à portée de main, fort pratique lorsqu’on doit démarrer dans un mètre de neige, ou le levier de vitesses situé tout en haut de la pyramide et qu’on actionne... de droite à gauche. Malgré un premier constat favorable (l’engin est capable d’avaler des pentes de l’ordre de 42 à 45 % et tabasse à 65 km/h en pointe), le prototype ne fut pas retenu par la Grande Muette. Si la déception de l’inventeur fut grande, elle fut sans commune mesure avec celle de nos meilleurs ennemis, et pour cause : observer nos fidèles grognards monter à l’assaut de la colline au guidon d’un tel brêlon avec tout le barda, la mitraillette à la main et les jerricans d’essence en bandoulière, présentait pour leurs troupes une bien trop rare opportunité de se taper sur les cuisses de rire. Et puis ce genre de machines, tout aussi farfelues qu’inefficaces, on n’a pas inventé mieux pour permettre à ceux d’en face d’ajuster pile-poil et en toute quiétude, le tir des mitrailleuses...

La Vie Moderne Durant l’entre-deux-guerres, les engins chenillés avaient la faveur de plusieurs armées : française, polonaise ou japonaise, par exemple. La répartition des masses sur une plus grande surface améliore en effet grandement les capacités de franchissement d’un véhicule, tout particulièrement sur terrain délicat, boue, neige ou sable. A l’inverse, ce dispositif nuit gravement à la vitesse de pointe autorisée et à la consommation de carburant. Et n’évoquons pas les problèmes de bruit de fonctionnement ou de maintenance... De nombreux inventeurs se focalisèrent alors sur le sujet en caressant l’espoir de fourguer à leurs armées respectives, la machine qui assurerait leur fortune. Afin de se démarquer de la concurrence, Adrien Mercier, un Suisse officiant à BoisColombes en région parisienne, se pencha sur le berceau de ce qu’il connaissait le mieux, la moto. Il fallait sans doute avoir pris un bon pet au casque pour accoucher d’un tromblon pareil, combinant la traction avant et la chenille. Le puissant moteur anglais Jap 350 cm3 est en effet installé au niveau de la fourche et il est accolé à une boîte de vitesses Soyer à trois rapports, qui transmet la sauce à une chenille via une simple chaîne. Au rayon

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