Carlingue #4 - Le Rouge Hemi

Page 1

Le Rouge Hemi

Betty Skelton, aviatrice STREAMLINE HAZAN BSA 500 426CI HEMI CHRYSLER ENGINE ‘65 DODGE CORONET SEDAN A/FX fiat 1911 : la bête de turin ARCHITECTURE : LA MAISON BERNARD GM FUTURLINER, la parade du progrès HYDROPLANE TIMOSSI FERRARI ARNO XI 1953

04

#


Véhicules neufs & occasion Importation Homologation Recherches personnalisées Entretien Pièces détachées Préparation Conception et réalisation

88 Avenue de la Libération F-84150 Jonquières jf@jfauto.com

© Studio Carlingue

tél.: 04 90 70 59 50


É D I T O

Lever le pied ? Hors de question ! Carlingue a démarré sur les chapeaux de roue en avril dernier et pas un membre de l’équipe ne s’est résolu depuis à diminuer la cadence, à cesser d’alimenter la chaudière, à lâcher la manette des gaz, à réduire la voilure ou à appuyer sur cette satanée pédale du milieu spécialement dédiée aux pleutres et autres couards. On se relaie même dans l’habitacle jour et nuit afin de maintenir l’accélérateur collé au plancher, pedal to the metal, comme ont coutume de le dire ces Ricains un peu barrés « qui nous inspirent » tant au quotidien. Pour ne pas faire de jaloux et contenter tout le monde, on a un peu cherché ailleurs, histoire de ne pas passer pour des groupies bornées et sectaires. Et du coup, toujours dans le genre viril, on a trouvé notre bonheur. Une Fiat de 1911 qui cubait vingt-huit litres de cylindrée, une ahurissante maison de plus de huit cents mètres carrés en forme d’intestin grêle, implantée sur la Côte d’Azur, une sage mécanique de moto anglaise quelque peu détournée de sa fonction première, un V12 Ferrari qui tartait à plus de deux cent quarante kilomètres heure sur l’eau en 1953, une voiture capable aussi de voler, une caravane itinérante qui a apporté le savoir, la connaissance et le bonheur à des millions de petits Américains du fin fond de la cambrousse pendant deux décennies, un moteur V8 de grande série, qui a fait gagner une seconde aux quatre cents mètres à tout le plateau inscrit sur les courses de dragster du milieu des années 1960, une Dodge Coronet de 1965, préparée aux petits oignons et... tout ce qui est resté (provisoirement) dans les cartons faute de place, parce ce que ce numéro quatre aurait pu s’appeler « Le Numéro Double ». Les idées, de ce côté-ci de la photocopieuse, ce n’est pas ce qui manque et ça tombe plutôt bien parce que, en ce qui me concerne, j’ai encore soixante numéros à tirer avant de faire valoir mes droits théoriques à la retraite... Alors, vu qu’on ne sait pas où l’on va, autant y aller à fond ! Bonne année et à très vite...

Jean-Paul Milhé


SO MMAIRE 08

16

LES NEWS

ICONE

Quoi de neuf dans la sphère vintage

Betty Skelton, Air & Land Daredevil

20

1 9 1 1 F I AT S 7 6

La Bête de Turin

04

#

40

HYDROPLANE 1953 Timossi Ferrari Arno XI

34

ARCHITECTURE La Maison Bernard


58

L a P arade du P rogr è s 1936-1956 Du streamliner au Futurliner...

46

STREAMLINE Max Hazan BSA 500

94

ABONNEMENTS

96

LA BOUTIQUE

52

76

The Economy Run

L’histoire du moteur Chrysler Hemi

MOBILGAS

LE ROUGE HEMI

70

98

VOITURE VOLANTE

INSOLITE La vie moderne

Fulton FA-2 Airphibian 1946

84 A/FX

Dodge Coronet 1965 Gasser


DI R EC T EU R D E L A PU B L I CATI O N Jean-Paul Milhé Ré dacteur en c h e f Jean-Paul Milhé redaction@carlingue.net 06 61 25 96 10 LA R EVU E C A R L I N GU E est publiée par les Éditions Maison Rouge SASU au capital de 1000 € - RCS Nevers SIREN 819 160 060 4 rue de la Corne 58240 Chantenay-Saint-Imbert M A Q U ET T E Jean-Pierre Garrat - JPEX Team maquette@carlingue.net PU B LI C I T É pub@carlingue.net 06 61 25 96 10 W E B M A S T ER Evelyne Milhé-Lahmar webmaster@carlingue.net O N T C O LLA B O R É À CE N U M É R O Kiki Desbois, Geoffroy Gatt, Matt Howell, Stefan Marjoram, Yves Gellie, Didier «Fox» Renard. IS S N 2493-819X C P PA P 0517 K 93048 DÉ P Ô T LÉ G A L à parution A N C I EN S N U M É R O S Le bon de commande se trouve en page 94 ABONNEMENTS Le bulletin d’abonnement se trouve en page 95 BOUTIQUE La boutique se trouve en pages 96-97 www. c arlin gue . n e t LA R EVU E C A R L I N GU E

est imprimée en Espagne par : Litografia Rosés Carrer Progrès 54-60 08850 Gavà (Barcelona) Tel. 00 34 936 333 737 www.litografiaroses.com L’envoi de textes ou d’illustrations implique l’accord des auteurs et modèles pour une utilisation libre de droits et suppose que l’auteur soit muni des autorisations éventuellement nécessaires à la diffusion. Les documents, insérés ou non, ne pourront être rendus. La rédaction n’est pas responsable de la perte ou de la détérioration des textes ou des photographies qui lui sont adressés pour appréciation. La reproduction, même partielle, de tout matériel publié est interdite (article L122-4 du Code de la propriété intellectuelle).

La revue Carlingue est éditée par É D I T I O N S M A I S O N R O UGE

6


7


R ET RO K I T C HEN Popcorn Retro Les équipements audio-vidéo domestiques n’ont aujourd’hui pas grand chose à envier à leurs homologues professionnels, pour aménager sa propre salle de projection à la maison est désormais accessible au commun des mortels. Finie la galère de parking, les coups de genoux dans le fauteuil, les bavardages, les sonneries intempestives de téléphones mobiles et tout le reste : l’enfer, c’est les autres ! Oui mais voilà, un bon film, ça donne envie de grignoter en sirotant une bonne petite boisson. La machine à popcorn rétro Andrew James est là pour ça. Avec sa cuisson à air chaud, il n’est pas nécessaire d’ajouter de l’huile ou du beurre à la cuisson des grains de maïs, il vous suffit simplement d’ajouter une cuillère de grains dans le corps du réservoir, d’appuyer sur le bouton marche et le tour est joué ! Il ne vous reste plus qu’à savourer ce léger et doux popcorn prêt en quelques minutes, assaisonné comme vous l’aimez, en sucré ou en salé. Et pour parfaire le tableau, AJ fournit également les gobelets en carton... www.andrewjamesworldwide.com

Nostalgia HDT 600 Vous, votre hot-dog, c’est croustillant que vous l’aimez. Nostalgia Electrics a pensé à vous avec le HDT 600, un « pop-up hot dog toaster » conçu comme un grille-pain à extraction automatique, il permet de griller la baguette de pain à votre convenance grâce à son thermostat gradué de 1 à 5. Au centre du dispositif, un panier métallique est prévu pour recevoir toutes sortes de saucisses (deux à la fois) avec une option grillées là aussi (une pince spéciale est fournie).

Intégré au socle, un tiroir coulissant recueille les miettes pour un entretien facilité, tandis que le cordon électrique s’enroule dans un logement prévu à cet effet dans la base de l’appareil. Tout cela cumulé à un look rétro de bon aloi autorise le HDT 600 à rester à demeure sur le plan de travail de la cuisine, toujours ça de place gagnée dans les placards ! www.nostalgiaelectrics.com

Hot Dog Steamer Avec le CST-1412B, Cuizen s’est penché sur le cas des familles nombreuses (ou des gros mangeurs !) qui se délectent de ces encas simples, goûteux, vite prêts et roboratifs, qu’on déguste tous ensemble autour d’une machine rigolote, ou chacun à son heure, en fonction de son emploi du temps : les hot-dogs par exemple. Ici, c’est le moelleux qui est mis en avant, grâce au mode de cuisson à la vapeur qui cuit les saucisses dans le tiroir du milieu, tout en maintenant au chaud les petits pains briochés dans la partie supérieure. Avec une capacité de douze hot-dogs à la fois, le Hot Dog Steamer peut également s’avérer être une aide précieuse posé sur un coin de table, lors des barbecues entre amis ou lorsque toute l’équipe de rugby du petit dernier se pointe à l’improviste pour regarder le match à la télé... www.cuizen.net

8



V INTAG E MAR K ET

Vespa 946 Red, monocylindre, 124 cm3, refroidissement par air, injection électronique, transmission par variateur et courroie, 11,6 cv à 8250 tr/mn, cadre en tôle d’acier et aluminium, freins à disques, ABS, 97 km/h maxi 9 000€ (150€ reversés à la lutte contre le Sida) www.vespa.com

Blouson cuir rouge Segura Rétro, modèle homme, look vintage, esprit seventies, certifié EPI, doublure thermique intégrale, protections coudes et épaules ajustables, du S au 4XL 386,91€ - www.elegancebike.fr

Ventilateur Aero par Watt & Veke, look rétro années 1960, pivotant et oscillant, plastique teinté et plastique chromé, disponible en rouge, noir et gris argent, H.32 cm x diam.23 cm 125,00€ - www.gutenmorgwen.com

Meuble de rangement déco, bidon d’huile acier 200 l recyclé, existe en blanc, orange et noir, grosse capacité de rangement, deux étagères, porte fermée par aimant, fabrication allemande, H.89 cm x diam.60 cm 399,00€ - www.rose-bunker.fr

Table d’appoint Koffer, forme valise ancienne, structure en métal, piètement en tubes d’acier, L.48 cm x P.31 cm x H.67 cm, charge maxi 10 kg, livrée montée, garantie 2 ans 129,00€ - www.delamaison.fr

10


Avion à pédales Airflow Collectibles, modèle Red Baron, évocation de l’avion de Manfred Von Richthofen, en acier laqué, peinture sans plomb, pneus caoutchouc, pédales antidérapantes, de 3 à 5 ans $539.00 - www.airflowcollect.com

Tirelire chien ballons Poodle, en céramique rouge, inspiration Jeff Koons, fermeture bouchon caoutchouc, existe aussi en rose, orange, vert, blanc, bleu, jaune, noir et chrome, H.21,5 cm x L.22 cm x l.7 cm 19,90€ - www.athomia.com Tourne disque vinyle, look vintage, platine 33, 45 et 78 tours, haut-parleurs 2 x 1W, sortie USB, coloris rouge, L.42 cm x P.20 cm x H.17,3 cm, poids 5,3 kg 239,00€ - www.gf-electro.fr

Chaise transparente rouge Igloo, gamme SCAB, matière polycarbonate, par lot de quatre unités. 99,75€ www.magasindusine-proliving.com Pneu VTT Kenda K-829 Wire Bead Red (2016), dim.26 x 1.95 (50-559 mm), construction classique, existe également en gris, bleu et blanc. 10.99€ - www.bikester.fr 11


VIDÉO CLUB

« LE ROUGE EST MIS » Garagiste avec pignon sur rue, Louis Bertain (Jean Gabin), sous ses airs paisibles, est en fait à la tête d’un gang de dangereux braqueurs. Louis Le Blond, tel qu’on le surnomme, est secondé lors de ses forfaits par Pepito Le Gitan (Lino Ventura), Raymond Le Matelot (Jean Berard) et Frédo (Paul Frankeur), le vieux rabatteur. Interdit de séjour à Paris, Pierre (Marcel Bozzuffi), le jeune frère de Louis, se fait cueillir par la police alors qu’il sortait de chez sa maîtresse, Hélène (Annie Girardot). Le commissaire Pluvier, qui cherche à se renseigner sur Louis, tente d’obtenir sa coopération. Mais Pierre refuse et retourne à la Santé. Remis en liberté provisoire, Pierre est engagé par Louis dans son garage. Mais un soir, il surprend une conversation entre Louis et Pépito concernant un nouveau braquage, qui tourne mal. Louis est appréhendé par la police. Prévenu, Pépito est convaincu que Pierre les a dénoncés... On retrouve dans ce film tous les ingrédients classiques du bon vieux polar à la française, avec derrière la caméra Gilles Grangier et aux dialogues Michel Audiard et Auguste Le Breton qui adaptait là son propre roman, lui qui fut second couteau dans la pègre d’avant-guerre. La sape, les flingues, la gouaille, les bagnoles, le champ’ et les petites pépés, rien ne manque à ce cocktail ultra-classique que détestaient ces messieurs de la nouvelle vague, Godard, Truffaut et Lelouch en tête. On se passera aisément de l’avis de ces messieurs, « Le rouge est mis » est un incontournable dans toute bonne vidéothèque qui se respecte. « Le rouge est mis », film policier français de 1957, réalisé par Gilles Grangier, durée 85 mn, produit pas Cité Fims pour la Gaumont.

« LE BARON ROUGE » (1971) Plusieurs longs métrages ont été consacrés à l’épopée du célèbre aviateur allemand Manfred Von Richthofen, héros de la Grande Guerre et véritable cauchemar, avec plus de quatre-vingts victoires à son actif, des pilotes de chasse du camp d’en face. La version de Roger Corman, réalisateur américain de série B, se distingue par le fait que le film se consacre essentiellement aux combats aériens et à la concurrence effrénée à laquelle se livrait celui qui eut l’outrecuidance de peindre son zinc en rouge alors que la mode en temps de guerre penche plutôt vers le camouflage et un autre as de la voltige, le Canadien Roy Brown. Bien qu’un poil répétitifs, les combats aériens filmés avec beaucoup de réalisme sont en effet au centre du dispositif, nous faisant grâce, pour une fois, de la sempiternelle histoire de mamour du héros et de toutes les digressions habituelles destinées à attirer dans les salles obscures un public féminin qu’une affiche bardée de gros navions crachant du feu n’a guère de chances de séduire. On pardonnera au réalisateur l’erreur historique communément relayée à propos de la chute du héros, dans la mesure où il fallut attendre les années 1990 et l’autopsie de la dépouille pour que les experts se rendent compte que le Fokker Dr I avait été abattu depuis le sol, sans doute, vu le calibre de la bastos et son angle de pénétration, par une batterie anti-aérienne australienne. « Le Baron Rouge » (Von Richthofen and Brown), film de guerre de 1971, réalisé par Roger Corman, avec John Phillip Law (le Baron Rouge), Don Stroud (Brown) et Barry Primus (Hermann Göring), produit par The Corman Company, distribué par United Artists.

12


© Studio Carlingue

MÉCANIQUE ENTRETIEN RÉPARATION ACHAT VENTE DÉPÔT-VENTE IMPORT RÉGULIER VÉHICULES US ÉNORME STOCK DE PIÈCES D’OCCASION EXPÉDITIONS JOURNALIÈRES FRANCE ET ÉTRANGER 487 Rue Nationale, 41230 Mur de Sologne (à 2h de Paris) 0254 838 077 - 06 08 550 992

www.avenirauto.fr

marieastridfromet@wanadoo.fr

XAVIER PINI

© Studio Carlingue

Importateur France vous propose toute la gamme des pièces de tôlerie Brookville Roadster. Coques neuves de reproduction, châssis, éléments amovibles, patches de réparation...

Ford 28-29 Ford 30-31 Ford 32 roadster Ford 32 coupé 3W Ford pickups 28-32 --06 84 30 00 41 sarlelax@orange.fr

13


l’air du temps

Le boulot, c’est un métier qui se perd. Le salariat, aussi, il faut regarder la vérité en face. L’avenir est au job indépendant, ce qui présente un avantage indéniable : si votre petit business se développe de façon favorable c’est grâce à vous et à vos idées, tous les bénéfices (matériels et immatériels) vous reviendront, et dans le cas contraire, c’est de votre responsabilité et non pas de celle des autres... L’idéal, c’est de débuter petit, modeste, ça forge le caractère et ça impose le respect autour de soi, ce qui est primordial lorsqu’on commence à recruter des collaborateurs. La tendance est un retour aux valeurs simples, à la qualité des produits que nous consommons, avec un souci grandissant pour minimiser leur impact sur l’environnement. Etudions le cas de ce triporteur proposé par Amsterdamer. Fabriqué en Hollande, il est aujourd’hui utilisé dans de nombreux pays du Nord de l’Europe pour la vente ambulante de fleurs, de sandwiches chauds ou froids, de café et autres boissons, de friandises, de glaces ou tout simplement

14

pour la promotion de nouveaux produits. Grâce à des roues avant renforcées et des suspensions à lames, il offre une capacité de chargement exceptionnelle de 300 kilos dans le coffre avant. La caisse est en acajou, un bois aussi utilisé dans la construction des bateaux. Le triporteur est disponible en version mono-vitesse avec pignon fixe pour un relief plat exclusivement, avec une boîte Nexus 8 vitesses plus rétropédalage et frein hydraulique, ou avec une assistance électrique qui s’avère indispensable en cas de côtes à monter avec une charge lourde. Un frein tambour dans la roue arrière permet de ralentir ou d’immobiliser le triporteur en pente (frein de parking). Il est livré avec un plan de travail en inox et un auvent avec quatre stores transparents pour protéger les appareils électriques, tout en vous permettant de rouler lorsqu’il pleut. En option, l’auvent peut être équipé d’une partie rabattable pour protéger clients et matériel et d’une mini vitrine réfrigérée. Equipé d’une machine à café professionnelle Rétro, de deux groupes avec chauffage au gaz, batterie et réserve d’eau, il vous permet par exemple de vendre du café en toute autonomie, avec un budget initial avoisinant les 15 000 €. Alors, qui va nous créer un nom de marque percutant et va venir nous régaler sur tous les meetings, à la force de ses mollets, d’un super expresso ou d’un délicieux hot-dog ? www.amsterdamer.fr


carlingue #5 sortie nationale le 15 Avril 2017

Entretien réparation restauration préparation

© Studio Carlingue

développement

Laurent Arnould Quartier Montéou, 83830 Figanières Tél : 06 13 54 91 93 laurent.arnould2@free.fr


icone

Betty Skelton, Air & Land Daredevil Il y a des gens, comme ça, dont la trajectoire surclasse de dix mille pieds celle du quidam moyen. Betty Skelton Erde naît en 1926 à Pensacola en Floride, non loin d’un terrain d’aviation de la Navy.

C’est en volant sur le dos que Betty Skelton réalisait ses plus fameuses acrobaties. C’est donc dans cette position qu’est exposé Little Tinker, son fidèle biplan Pitts Special, pendu au plafond du bâtiment du Musée National de l’Air et de l’Espace de Chantilly, dans l’Etat de Virginie.

16

Dès son plus son âge, elle n’a d’yeux que pour tous ces avions qui passent au-dessus de la maison et se désintéresse complètement de ses poupées... A huit ans, elle commence à dévorer tout ce qui lui tombe sous la main en matière de publications consacrées à l’aviation. Ses parents comprennent alors qu’il ne s’agissait pas d’une passade mais d’une réelle passion à s’imprégner de tout, ce qu’il faudra bien assouvir un jour. Dès qu’ils le peuvent, ils amènent donc la petite fille sur les aérodromes où elle branche immédiatement les pilotes, les submerge de questions, les tanne pour voler à leurs côtés en passagère puis de fil en aiguille, finit par prendre le manche à son compte. Elle comprend tout et apprend vite : à l’âge de douze ans, elle est capable de voler seule, ce qui bien entendu était formellement interdit. On vivait simplement à une époque où les normes, les règlements et les tracasseries en tout genre ne tuaient pas dans l’œuf toute velléité d’accomplir de belles choses... Elle obtient sa licence de vol privé à 16 ans et doit patienter jusqu’à sa majorité pour obtenir celle de pilote de lignes commerciales. Elle va donc frapper à toutes les portes pour décrocher un job, mais partout on lui rit au nez.


Avec Betty Skelton, la General Motors s’était dégotée une ambassadrice de charme, capable tout à la fois de piloter l’une de ces toutes nouvelles Corvette et d’en assurer la promotion...


Elle se lance donc dans l’acrobatie aérienne, s’y distingue par des figures très personnelles (dont le sectionnement d’un cordon tendu entre deux poteaux en volant sur le dos à trente mètres du sol), bat des records d’altitude ou de vitesse et remporte des championnats (1948, 1949 et 1950) qui lui permettent de s’offrir Little Tinker, un biplan Pitts S-1C Special de 4,90 m d’envergure pour 4,40 m de long et un poids à vide de 257 kg, personnalisé à ses couleurs et doté d’un moteur Continental C858FJ de 85 hp. Elle vole, tout le temps, par tous les temps et sur tout ce qui existe : ballon dirigeable, hélicoptère, jets... rien ne la rebute ! En 1951, missionnée par le boss de la Nascar en personne, elle prend les commandes d’un vol charter transportant des pilotes de Pennsylvanie jusqu’en Caroline du Nord. Elle lie connaissance avec les gars et une partie du staff qui les entoure et se retrouve invitée de fil en aiguille à Daytona pour la course des 500 miles à l’occasion de laquelle elle se voit confier le volant du pace car, rien que ça.

18


Vendu en 1951, Little Tinker fut finalement racheté par les époux Skelton puis offert au Musée National de l’Air et de l’Espace où il a bénéficié d’une restauration intégrale étalée sur 5 ans, de 1996 à 2001.

Elle en profite pour aller battre un petit record de vitesse sur la plage, 170,40 km/h (soit 105.88 mph) au volant d’une berline Dodge, Elle se découvre ainsi une nouvelle passion, l’automobile, et démarre toute une série de collaborations avec les grands constructeurs qui utilisent au choix son bagout de représentant de commerce (servi par un physique des plus avenants), sa parfaite connaissance des choses de la mécanique, ou ses talents de pilotes. A partir de 1956, elle sera une égérie parfaite pour la nouvelle voiture de sport de la General Motors, la Chevrolet Corvette lancée en 1953 et qui connut un début de carrière difficile face à la puissante Thunderbird du concurrent Ford. Faisant des prouesses au volant des nombreux exemplaires qu’on lui confie et mettant une plastique des plus avantageuses au service de l’image de marque du produit commercialisé par la GM, elle contribuera grandement à son échelon au succès de la petite bombe en résine polyester, surtout qu’un certain Zora Arkus-Duntov, papa du projet et pilote luimême, n’hésite pas à lui confier le volant de l’un des trois exemplaires engagés à Daytona. Chronométrée à 237 km/h de moyenne, là aussi, elle établit un nouveau record. Plus tard, en véritable touche-à-tout, on retrouvera Miss Betty Skelton battant des records de vitesse sur la plage de Daytona (252,65 km/h en 1956), participant à la Baja Peninsula au Mexique, au volant

d’un jet car sur le lac asséché de Bonneville (480 km/h à son actif !) ou pulvérisant un record vieux de quarante ans sur le tracé mythique de la course transcontinentale du Cannonball qui relie New York à Los Angeles à fond les ballons sur route ouverte ! En 1959, elle est surnommée « 7 1/2 » par les 7 astronautes de la mission Mercury : elle a subi le même entraînement à la dure et a passé les mêmes tests de sélection que ses homologues masculins, avec brio, mais n’a finalement pas été retenue par les pontes de la Nasa, allez donc savoir pourquoi... En fait, c’est bien ça l’ennuyeux avec des personnalités féminines telles que Betty Skelton, vous verrez qu’un jour elles finiront par nous demander le droit de vote ou le permis de conduire, je vous en fiche mon billet !

19



Once Upon a Time FIAT S76 RECORD - LA BÊTE DE TURIN Images : Matt Howell et Stefan Marjoram - Récit : Jean-Paul Milhé


Deux exemplaires de cette Fiat S76 Record ont été assemblés en 1911 par le constructeur turinois, en vue de battre le record du monde de vitesse terrestre jusqu’alors détenu, depuis 1909, par l’Allemand Benz et sa Blitzen-Benz (Benz-Eclair).

Dérivé lointain de la gamme de moteurs de la marque qui propulsaient des ballons dirigeables, ce moteur est le résultat d’un règlement absurde visant à limiter l’alésage... mais pas la course !

22

D’abord, il y a la découverte, fortuite ou non. Une petite annonce dans une revue spécialisée, un journal local ou punaisée au mur lors d’une bourse d’échanges, un indice glissé fortuitement dans la conversation par l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours, un tuyau lâché par un congénère déjà bien chargé question projets et qui ne dispose pas à l’instant « T », comme c’est souvent le cas, de la somme nécessaire. Et puis parfois, le bonheur est simple comme un coup de fil, qui vous met sur la piste du Saint Graal, parce que vous le valez bien. Dans ce milieu d’initiés, mieux vaut avoir montré patte blanche, ça ouvre des portes. Un travail effectué dans les règles de l’art, sans concession aux démons de la facilité ou du coût de revient, le respect de l’authenticité même sur une populaire des années 60, 70 ou 80, des échanges de bons procédés qui se soldent dans la joie et la bonne humeur, autant de témoignages et de pièces versées à décharge dans votre dossier et qui peuvent jouer en votre faveur lorsque l’occasion se présentera. Après, il faut briser la glace, sympathiser avec ce pécore près de ses sous qui détient l’objet qui hante vos nuits depuis trop longtemps. Mettre en avant son CV et ses bonnes intentions, s’extasier devant un infâme taudis perdu au fin fond de Pétaouchnock, déguster sans froncer les sourcils ni rajouter cinq morceaux de sucre un robusta tiède de la veille, servi dans un verre autrefois transparent ou pire, un canon d’un vin rouge tout juste bon à décaper le portail, caresser un chat tout miteux ou flatter un gosse au physique ingrat, c’est un métier, ça s’apprend.


Dès 1911, avec Pietro Bordino au volant, la « Bête de Turin » franchit la barre des 200 km/h sur le circuit anglais de Brooklands. En 1912, Arthur Duray atteint les 225 km/h du côté d’Ostende, en Belgique, mais pour cause d’irrégularité dans l’enregistrement, le record n’est pas homologué. Toujours en 1912, la Fiat bat le record du kilomètre lancé à 217,4 km/h de moyenne sur un aller simple, record une nouvelle fois non homologué car il doit être constitué d’un aller et d’un retour.


Afin de ne pas livrer certains secrets de fabrication à la concurrence, une S76 est démantelée en Italie après-guerre, et l’autre est cédée à un aristocrate russe, Boris Soukhanov, qui, suite à une grosse frayeur, l’expédie en Amérique du Sud puis en Australie où elle fut en partie détruite dans un accident.

On peut aussi tomber sur des gens biens, on n’est pas à l’abri. Dans le flot de la conversation, n’omettez pas de vous renseigner sur la présence éventuelle, dans la partie de poker, d’un concurrent sérieux. Si c’est le cas, ne commettez surtout pas l’erreur d’en dire du mal, bien au contraire, hissez-le sur un piédestal, mettez en avant la haute estime et toute l’affection que vous lui portez. Exprimer enfin, et ce pour clore le débat, votre contentement d’apprendre qu’il est enfin sorti de prison ou qu’il en a terminé avec ses problèmes de drogue, on appelle ça « le coup de pied de l’âne » et ça marche à tous les coups. Si vous avez eu le malheur d’amener avec vous un copain un peu trop bavard, qui remet dix balles dans le bastringue chaque fois que le disque de la partie adverse se termine, collez-lui un bon coup de latte en plein sur le péroné, par en dessous la table, à l’abri de la toile cirée : c’est là que ça fait le plus mal et puis avec un « ho, pardon ! » laconique, toute l’assistance comprendra que vous ne l’avez pas fait exprès. Oui,

24

parce qu’on n’est pas venu là pour enfiler des perles ou beurrer les sandwiches, les récits d’ancien combattant ça peut s’éterniser, surtout qu’il y a de la route à faire pour rentrer et que l’affaire n’est pas conclue. Sans paraître vouloir expédier les affaires courantes en empiétant sur les bonnes manières, faites bien sentir à votre auditoire qu’il est temps de passer aux choses sérieuses. Quand la porte de la grange va s’entrouvrir, ne vous extasiez surtout pas. Bien au contraire, dégainez votre tronche des mauvais jours, pensez à l’augmentation des impôts locaux, au programme de la télé ou au goût du céleri rémoulade servi jadis à la cantine du lycée. Et si vous pressentez que votre copain va encore l’ouvrir, occupezvous de lui de manière préventive, il lui reste un péroné de libre... La vraie difficulté désormais va consister à mettre l’accent sur tous les défauts de la machine, présageant de futurs frais de remise en état élevés, sans que le camp adverse ne se vexe et n’agrippe la première fourche à portée de sa main. Tout va y passer : la corrosion, les pièces manquantes ou quasi impossibles à retrouver, les traces de choc, d’ancienne réparation ou pire, de modifications disgracieuses, l’erreur de frappe d’un numéro de série (commune à près d’un véhicule sur trois dans les bonnes années)...



Votre expertise à voix haute aura pour but de saper le moral de l’adversaire et de le faire douter quant au réalisme du prix de vente annoncé. Vous aurez pris grand soin de ne pas aborder ce sujet lors de la première prise de contact, dont le but était simplement de vous qualifier pour la visite in situ : l’ennemi aura ainsi l’impression d’accueillir sur ses terres le pigeon dont il rêve, qui va sortir les liasses de biftons ou le chèque de banque certifié sans négocier le tarif. C’est mal vous connaître, parce la mauvaise foi qui vous caractérise va entrer en scène. L’objet de tous les désirs est doté du plus gros moteur disponible au catalogue des options : il est trop lourd, consomme à l’excès et s’avère un vrai gouffre financier à entretenir. A l’inverse, le plus petit moteur ou le moteur intermédiaire dans la série est un véritable poumon qui peine à traîner cette carcasse bien trop lourde pour lui, et à la revente, il est un handicap. Le véhicule n’est pas doté de vitres électriques teintées : quel manque de panache de la part de l’acheteur initial, sans doute quelque radin ayant érigé la médiocrité en style de vie, la mesquinerie en religion, la petitesse en

Pittaway a réussi le tour de force de récupérer le moteur de l’exemplaire démantelé en Italie, afin de l’installer sur son châssis qui avait été remotorisé de façon plus civilisée. Les plans originaux du constructeur lui seront aussi d’un grand secours pour refabriquer les pièces manquantes ou trop usées.

26


unique ligne de conduite, ce que vient conforter le choix de ce jaune pisseux hautement discutable. A contrario, le sujet de bien des convoitises est muni de vitres teintées électriques : ça tombe en carafe tous les quatre matins, coûtent un œil à remplacer et rajoutent quarante kilos de glissières et autres guides à une auto qui a déjà du mal à se traîner parce que le moteur est trop petit, ou qui consomme sa race parce qu’il est trop gros. Non, décidément, rien ne vaut la bonne vieille manivelle ! La banquette : en voilà bien une invention de Satan : les sièges séparés assurent un bien meilleur maintien au niveau des lombaires. Une sellerie en cuir ? Ca brûle les cuisses de maman en été. En tissu ? C’est impossible à ravoir en cas de tache. Non, décidément, rien ne va sur cette épave, et vous êtes bien brave d’accepter d’en soulager son propriétaire sans lui demander le moindre subside ! Après avoir scrupuleusement vérifié les numéros de série et l’ensemble de la paperasse qu’on vous soumet, arrive le moment de se positionner en tant qu’acheteur sérieux et déterminé, et non plus comme un promeneur du dimanche. Votre offre, indécente au possible, lâchée d’une voix grave et sérieuse en fixant droit dans les yeux l’adversaire, sera suivie d’un silence assourdissant, absolu, pesant mais indispensable, pendant lequel vous fixerez sans mot dire les lèvres de l’« autre » : le premier qui parle a perdu. La contreproposition doit se situer en dessous du prix plancher du salaud d’en face, et à peine au-dessus de votre seuil de tolérance, sachant que si vous vous êtes déplacé et avez garé la remorque porte-voiture à 300 mètres de là, c’est que vous étiez prêt à dépenser plus que de raison pour ce bijou, voire à mettre les gosses en vente sur eBay. Une fois le « oui » décroché, il faudra faire vite, ne pas laisser retomber le soufflé, laisser la place au doute ou à une offre supérieure venue de l’extérieur. C’est là que le copain entre en jeu, qui va aider à pousser l’engin sur la remorque, qui va se coucher parterre pour accrocher les sangles, courir aux quatre coins de l’attelage pour vérifier l’éclairage et ainsi de suite. Pendant ce tempslà, vous vous acquitterez de votre part du contrat selon les modalités prédéfinies par le vendeur, ce qui aura pour conséquence un transfert de propriété du bien convoité. Et comme dit le bon bricoleur pinceau en main à l’approche du printemps : « Donné c’est donné, repeindre ses volets » ! L’explosion de joie, ce sera dans la voiture qu’elle aura lieu, le premier virage passé. Dans de telles circonstances, le fameux copain n’est alors pas à l’abri de prendre une tarte ou un bon coup de poing sur la cuisse, c’est de bonne guerre, faites attention cependant à ce qu’il n’y prenne pas goût... Si vous êtes normalement constitué, votre surexcitation habilement dissimulée (ou pas), ne s’estompera qu’une fois la bête déchargée et garée au centre de la salle d’opération, sous les néons, et la dernière sangle enroulée et rangée à sa place, jusqu’à la prochaine fois. Viendra l’heure de l’inventaire dont découlera la planification des interventions, et l’inévitable séance de photos de détails dont on se félicitera lors du remontage, dans quelques années... Désormais, en arrivant au boulot le lundi, nous n’aurez qu’une hâte, celle de voir venir le weekend, synonyme de longues heures passées dans le garage

Ce moteur de type bi-bloc à quatre cylindres, arbre à cames en tête, allumage triple et 4 soupapes par cylindre, développe une puissance de 290 cv à 1 900 tr/mn, rendue possible en grande partie par une faramineuse cylindrée de plus de 28 l (28 353 cm3).

La boîte de vitesses à quatre rapports transmet la puissance aux roues arrière par le biais de deux chaînes, ce qui autorise à l’ensemble de 1 650 kg (dont une tonne pour le seul moteur) des vitesses de l’ordre de 225 km/h. Etonnamment, la carrosserie est de type biplace, même si on a du mal à imaginer un candidat lever le doigt dans l’assistance...

27





à redonner vie à ce morceau du patrimoine pas encore classé, ce n’est que partie remise, par l’Unesco. Il faut l’avoir fait au moins une fois dans sa vie pour pouvoir en parler : les moments passés entre amis triés sur le volet (fraîchement repeint, donc), dotés de compétences complémentaires aux vôtres, à transformer une quasi épave en véritable bête de concours, restent à jamais gravés dans la mémoire au rayon des bons souvenirs. Et les parties de pizzas/cannettes de bière de circonstance prennent alors une saveur toute particulière... Car c’est bon de faire, de créer, ça donne du sens à une vie, et lorsque c’est partagé, c’est encore meilleur. Il faut tout de même veiller au grain, d’après les tablettes de la loi, le réconfort doit venir après l’effort et dans la caisse à outils, ce n’est pas le décapsuleur qui doit présenter le plus de traces d’usure... Le casting par ailleurs, sera primordial, à tous les niveaux de l’aventure. Le sableur par exemple (oui, parce qu’on ne fait pas du bon travail sur du métal corrodé recouvert de cambouis et de couches de produits de peinture datant de l’ampèbre et qui ne seront pas compatibles avec ceux qui vont venir), le sableur donc, qui décape à la boule de pétanque des engins de chantier ou des piles de pont, n’est pas forcément le mieux placé pour intervenir dans votre affaire, même s’il se trouve proche de la maison ou qu’il travaille à pas cher pour peu qu’on lui présente des têtes couronnées imprimées sur du papier officiel... Le pilonnement d’un panneau de tôle de faible épaisseur par des grains de sable trop gros et projetés avec trop de pression, va avoir pour effet d’allonger le métal, comme on étale de la pâte feuilletée au rouleau : faire machine arrière, en tentant de rétreindre ce qui s’est déformé, s’avère parfois impossible. Et si ce praticien n’est pas foutu d’appliquer deux couches d’impression phosphatante en respectant la fiche produit de son fournisseur, les proportions de dilution, l’épaisseur des couches exprimée en microns, la pression et la température de pistolage, etc. et qu’il vous restitue un bout de dentelle à vif sur lequel il a déjà commencé à poser ses gros doigts dégueulasses, dites-vous que vous allez enterrer des problèmes qui se rappelleront à votre bon souvenir un jour ou l’autre, et souvent bien plus tôt qu’on ne croit. Il est extrêmement rare que quelqu’un ait acquis tous les savoirs, qu’un carrossier se régale à refaire un pont ou une boîte de vitesses, qu’un électricien auto maîtrise la pose d’une toile de capote neuve et le réglage des jeux de son arceau, qu’un peintre ceinture noire

31


Le pilote d’essai initial, Felice Nazzaro, jugea « La Bête » inconduisible : avec sa hauteur de 1,55 m pour une longueur de 3,75 m et une largeur de 1,30 m à peine, le monstre ne disposait que de freins du type... anecdotique !

en vernis à haut extrait sec et cinquième dan de joint de serti en polyuréthane excelle dans l’angle de chasse ou la vis de richesse, ou qu’un sellier-garnisseur fasse le distinguo entre une barre d’étain à 28 % utilisée par un couvreur sur de la gouttière en zinc et celle à 33 % qui vient combler les soyages les plus délicats... Le résultat final de ce qui pointera le bout de son capot hors de votre repaire sera le fruit d’un long parcours, semé d’embûches, tout au long duquel vous aurez alterné les joies, les doutes et le découragement. Et puis un jour, elle va craquer, cette salope. Elle va cliqueter jusqu’à ce que cette huile à la bonne viscosité ne vienne se tapir dans tous les interstices et jouer à plein son rôle de lubrifiant, elle va pétarader jusqu’à ce que l’homme de la situation ne cesse de faire pivoter l’allumeur sur son axe et ne serre la vis de 6 d’un autoritaire coup de clé de 10, elle va pisser du liquide de refroidissement jusqu’à ce que tout se dilate à la bonne température et que vous ne resserriez les bons colliers, elle va fumer le temps que la peinture ne se cuise comme il faut, les ampoules témoins d’alerte rouge vont peu à peu s’éteindre, les aiguilles des manomètres vont se ranger avec discipline sur la graduation que préconise le manuel, et vous allez enfin régler la distance qui sépare le siège du volant, l’orientation du rétroviseur, l’inclinaison du dossier et la tension de l’éventuelle ceinture de sécurité si votre pétahum est sorti de chaîne après le 1er septembre 1967, appuyer sur la pédale d’embrayage et enclencher, enfin, la première vitesse. Mais ceci est une tout autre histoire dont on ne va pas ici déflorer l’intrigue. Les dernières pages de ce roman d’aventures, il incombera à vous et à vous seul de les écrire. Il était donc une autre fois...

32



Béton Organique



LA MAISON BERNARD Images : Yves Gellie - Récit : Jean-Paul Milhé.

Au printemps 1970, sort en librairie une série de livres pour enfants qui mettent en scène une famille de neufs drôles de personnages multicolores en forme de poire, qui habitent une maison non moins originale...

Plus tard adaptés en dessin animé pour la télévision, les Barbapapa sont nés de l’imagination d’un couple franco-américain, Annette Tison et Talus Taylor. Lors d’une promenade au jardin du Luxembourg, Taylor, anglophone donc, entend un gamin réclamer une « barbe à papa » à sa mère devant la camionnette du marchand de friandises. Il se fait traduire par sa compagne la signification de ce mot dont la phonétique

Les estimations des experts se contredisent (et pour cause !), mais la surface de la Maison Bernard se situerait aujourd’hui quelque part aux alentours des 800 m2 !

36

lui plaît tout particulièrement. A table, au restaurant, l’auteur griffonne sur un coin de nappe une évocation de la confiserie en sucre coloré de rose, lui rajoute des yeux, des sourcils, un sourire et deux petits bras... Ainsi naquirent les Barbapapa. Pour loger tout ce petit monde, c’est Annette Tison qui s’y colle et imagine leur drôle de maison blanche constituée de bulles juxtaposées ou superposées. Architecte de formation, fille du maître d’œuvre Henri Tison, Annette Tison voit se développer avec un vif intérêt ce concept nouveau d’architecture organique, et elle suit de près les travaux d’un certain Antti Lovag... Les terrassiers vous le diront, pour construire une maison sur des rochers, rien ne vaut la dynamite, le marteau piqueur, le bulldozer, la barre à mine et la pelleteuse... Antti Lovag ne mangeait pas de ce painlà. Né en Hongrie en 1920 d’un père Russe et d’une mère Finlandaise, c’est en Suède qu’il se formera tout


d’abord à l’architecture navale et à la construction métallique, avant de s’installer à Paris, fin 1946. Là, il suivra l’enseignement d’architecture et d’urbanisme de l’Ecole des Beaux-arts. Et si c’est auprès de l’architecte et ferronnier avant-gardiste Jean Prouvé qu’il fait ses armes, Lovag lorgne dès les années 1960 vers l’architecture organique, un concept né de la réflexion de l’architecte américain Louis Sullivan dans les années 1880-1890 et développé par son plus fervent disciple, Frank Lloyd Wright. La conviction de Sullivan était que les bâtiments influençaient profondément les personnes y habitant, y travaillant ou même y priant, et pour cette raison l’architecte avait la capacité de modeler les hommes. L’idée-force est donc de construire un habitat qui tient compte à la fois des aspirations

sociales, physiques et spirituelles de l’humain tout en respectant l’environnement choisi et en y intégrant au mieux le bâtiment, comme un organisme vivant pourrait le faire : « Une maison naît de la rencontre des nécessités des gens et de l’esprit du lieu ». À partir de 1963, Lovag travaille aux côtés de Jacques Couëlle, l’un des premiers architectes à développer en France une architecture organique. Plus tard, il collabore avec Jean-Louis Chanéac et Pascal Haüsermann à des projets d’habitats évolutifs. Ensemble, ils conçoivent des cellules susceptibles de se connecter les unes aux autres selon le désir de leurs habitants. De ces multiples interactions professionnelles, petit à petit, va émerger le concept de maisons bulles qui va devenir la signature d’Antti Lovag. Le mécénat et sans doute le bras long

37


de ses richissimes clients vont lui permettre d’exprimer toute sa créativité sans trop se soucier du budget, des délais de livraison ou des règles d’urbanisme sévères et contraignantes. Il se murmure même que pas une de ses constructions n’a bénéficié d’un permis de construire, même si la plupart ont été inscrites depuis à l’Inventaire des monuments historiques. L’année 1968 va être décisive pour Lovag. En quête d’une résidence secondaire sur la Côte d’Azur, Antoine Gaudet, un as de la finance très sollicité, scrute les vitrines des marchands de biens lorsqu’il tombe en arrêt devant la maquette d’un projet de douze maisons bulles qui ne verra finalement pas le jour. Gaudet recherche un bien atypique : il va être servi ! En 1969, démarre au flanc de la montagne de Tourrettes, à Tourrettessur-Loup (06), le chantier de la Maison Gaudet. Au fil des ajouts et des modifications, il durera 30 ans pour s’achever en 2000. S’étalant sur une surface de près de 500 m2, la Maison Gaudet jetait les bases de toutes les réalisations qui suivirent, sur la Côte d’Azur principalement (la Maison Bernard, la Maison des jeunes Picaud à Cannes, le complexe astronomique du collège Valeri de Nice, le complexe ludique du collège de l’Estérel à Saint-Raphaël, etc.) avec une incursion en Rhône-Alpes, à Fontaines-sur-Saône, pour Hélène et

38

A droite, Pierre Bernard, le mécène, à gauche, Antti Lovag, l’artiste. Pour perpétuer cette démarche, chaque année, la Maison Bernard alloue une bourse et invite à demeure, pour une durée de 6 mois, un artiste devant réaliser un projet en rapport avec l’œuvre.

Christian Roux. A la toute fin des années 1960, Pierre Bernard, industriel lyonnais fortuné, tombe quant à lui sous le charme d’un terrain à bâtir nu situé à PortLa-Galère sur la commune de Théoule-sur-Mer, qui cumule les roches rouges de l’Esterel et la vue sur la baie de Cannes et les îles de Lérins. Il s’en porte acquéreur, avec la ferme intention d’y faire construire une maison de vacances traditionnelle, pour lui et sa petite famille. Sa rencontre avec Lovag va faire voler en éclats ses petits projets, et pendant vingt ans, dès 1971, il lui laissera carte blanche afin de développer ses idées, ses techniques et sa conception novatrice de l’habitat. Et par-dessus le marché, le binôme se projettera sur la même commune, de 1975 à 1989, sur un nouveau chantier, celui du Palais Bulles que le couturier Pierre Cardin rachètera en 1992, un an après le décès de Bernard. Cardin mettra une année supplémentaire à parachever l’œuvre, en lui adjoignant un théâtre et une cuisine et en travaillant à la décoration intérieure avec des peintures murales commandées à des artistes.


Un des atouts de Lovag, outre la propension à s’asseoir sur toute forme de convention, c’est son bagage technique. Lovag imagine cette succession de sphères autoportantes qui ne nécessitent pas de fondation et suivent la topologie du terrain sans le dénaturer. Concernant la Maison Bernard, seules la piscine et la cave furent creusées dans la roche. Pour réaliser ses bulles, Lovag utilise une armature métallique en fer à béton cintré, doublée de treillis soudé et sur laquelle est projeté du béton, selon la technique dite du voile de béton. Murs et toit se confondent alors en un seul et même ensemble. En fonction de la destination finale de la pièce et de la trajectoire du soleil, les ouvertures ovales ou sphériques, souvent panoramiques et placées à hauteur de vue, sont positionnées dès le départ, Lovag ajustant le tir en jaugeant l’effet de perspective obtenu en position debout, assis ou couché. Il en profite également pour intégrer le mobilier à la structure (escalier, mezzanine-hamac, étagères, etc.), parce que l’armoire normande de mémé ou la chambre Louis XV ne seront pas du voyage... Son travail est très intuitif : « Les grandes façades et les plans de constructions ne m’intéressent pas, les problèmes humains sont les seuls qui m’intéressent. Il faut créer autour de l’homme des espaces qui lui correspondent ». Afin de valider les volumes d’une pièce, les gestes de l’homme étaient mimés in situ en présence de ses clients, qu’il impliquait

au maximum dans le projet : difficile de faire plus empirique. Quelques crobars torchés sur le coin d’une table au petit matin, un café à la main, suffisaient à organiser le planning de la journée de celui qui habitait sur ses chantiers pour mieux s’en imprégner et qui se définissait, non pas comme un architecte (il n’était d’ailleurs pas diplômé), mais comme un « habitologue ». On imagine sans peine que les artisans missionnés pour intervenir dans de telles conditions devaient s’armer de patience et de beaucoup de diplomatie : pour avancer sur un chantier qui rompt avec tous les us et coutumes, il faut savoir arrondir les angles. A ce propos, l’angle droit, une abomination tout droit sortie du cerveau de l’homme, avait été banni du langage de Lovag : essayez donc de trouver un angle droit dans la nature... Ça se tient !

Restaurée sur une période de 5 ans à grand renfort de couleurs par l’architecte Odile Decq, missionnée par les enfants Bernard, Isabelle et Jean-Patrice, la Maison Bernard se visite, par petits groupes, essentiellement le mardi, sur rendez-vous (www.fonds-maisonbernard.com)

39


Expresso Molto Stretto TIMOSSI FERRARI ARNO XI 1953 Images : archives - Récit : Jean-Paul Milhé.



Installer un moteur de formule 1 dans la première coquille de noix venue est à la portée de n’importe quel bon bricoleur. Enfin, presque...

Avoir dans sa famille un cousin concepteur d’un avion détenteur d’un record de vitesse, ça collerait la pression à tout bon Latin qui se respecte. L’Italien Achille Castoldi ne fait pas exception à la règle : il n’est autre que le cousin de Mario Castoldi, embauché en 1922 par la société Macchi pour transformer son honnête hydravion M.24 de la Première Guerre mondiale en véritable racer capable de remporter la Coupe Schneider. L’ultime édition de cette dernière eut lieu en 1931 et le titre revint aux Anglais. Il fallut donc attendre le 23 octobre 1934 pour que la version MC.72 de l’avion assure une vitesse moyenne de 709 km/h sur trois passages au-dessus de l’eau, ce qui fait de lui aujourd’hui encore l’hydravion à moteur à piston le plus rapide du monde. Pas maladroit de ses dix doigts lui non plus, Mario exerce ses talents non pas dans les airs, mais sur l’eau. Tout à la fois pilote et ingénieur, il offre à l’Italie, en 1940, un record du monde de vitesse à bord de « Arno », premier bateau de course d’une longue lignée à venir. Le speedboat de marque Picciotti est propulsé par un moteur Alfa-Roméo type 158, qui lui autorise à placer la barre à 130,517 km/h, record absolu pour cette classe des 400 kg. Mis à part une petit détour du côté de chez Maserati, Castoldi restera globalement fidèle aux moteurs Alfa-Roméo qui lui permettront de briller sur le circuit des courses d’hydroplanes, dont il va s’éloigner en 1951 afin de se consacrer principalement à la chasse au record du monde de vitesse.

42


Il se détourne alors du motoriste milanais Anonima Lombarda Fabbrica Automobili et se met en quête d’un groupe propulseur, capable de catapulter un bateau de la classe des 800 kg sur la première marche du podium. En fin stratège, il va s’appuyer sur son amitié avec Alberto Ascari et Luigi Villoresi, deux pilotes de la toute jeune Scuderia, afin de se faire introduire auprès d’Enzo Ferrari. Une fois la phase d’approche accomplie, il ne restait plus à Castoldi qu’à convaincre le Commandatore de lui céder un moteur digne de ce nom. L’homme n’est guère difficile à convaincre car il se trouve qu’il est doté d’une bonne mémoire et qu’il se rappelle que Castoldi, pendant l’Occupation allemande, a dissimulé dans son atelier d’Abbiategrasso, quelques Alfetta 158 de course afin de les préserver d’une réquisition certaine.

Castoldi va donc être servi au-delà de ses espérances car il hérite de l’un de ces fabuleux V12 de 4,5 l et 390 cv qui équipait la monoplace Ferrari 375 F1 victorieuse à Silverstone, en 1951, du Grand Prix automobile de Grande-Bretagne. Cette couronne de laurier était la première conquise par le team italien dans ce championnat du monde créé l’année précédente, en 1950. Immédiatement, Castoldi fait convertir le V12 au méthanol et lui fait apposer une paire de compresseurs volumétriques afin d’en porter la puissance à plus de 550 cv.

43


Grâce à un taux de compression de 12 : 1, deux bougies par cylindre, un allumage confié à une magnéto double et à une paire de carburateurs quadruple corps Weber, Castoldi disposait d’une arme redoutable, surtout qu’au vu des premiers résultats plus qu’encourageants, Enzo Ferrari n’hésita pas à missionner Stefano Meazza, l’ingénieur motoriste en chef de la Scuderia afin de mettre tout ce petit monde au diapason. Pour que le

44

plumage soit à la hauteur d’un tel ramage, Castoldi conçoit, en 1952, une ultime évolution de son « Arno », le « Arno XI », dont la construction est confiée au chantier Timossi Azzano sur le lac de Côme. Ossature bois, coque en contreplaqué marine recouverte d’un plaquage d’acajou verni, aucun détail n’est négligé afin de permettre à l’hydroptère de se dresser à la vitesse voulue sur ses deux foils avant (voir Carlingue #3 - Eric Tabarly et son bateau Paul Ricard), l’hélice à deux pales tournant à 10 000 tr/mn constituant le troisième point d’appui de l’ensemble.


Castoldi atteint le but qu’il s’est fixé le 15 octobre 1953 sur le lac d’Iseo, à la vitesse de 241,708 km/h. Peu de temps après, il se fait cependant une grosse frayeur aux commandes d’un bateau de 1 700 kg cette fois et dans la foulée, Mario Verga, son concurrent principal, perd la vie dans un spectaculaire accident. Sentant le vent tourner, Castoldi raccroche les gants et cède « Arno XI » au riche industriel italien Nando Dell’Orto qui en fait modifier l’aérodynamique au niveau de la pointe arrière et du museau. Il continuera ainsi à piloter le bateau en compétition durant quelques années, jusqu’en 1968, signant au passage une honnête deuxième place au championnat du monde des 900 kg, en 1965. En 1990, « Arno XI » change de nouveau de main et son nouvel acquéreur le gratifie de la méticuleuse rénovation de fond en comble qu’il mérite. Le moteur est renvoyé à la maison mère, à Maranello, où l’atelier de restauration lui offre une seconde vie et en extrait quelques chevaux de plus, portant ainsi la puissance à 700 cv. En 2012, l’hydroplane est présenté en tête d’affiche lors d’une vente aux enchères au Grimaldi Forum de Monaco, qui se tient à l’occasion du Grand Prix de formule 1, et il est depuis lors exposé en fort bonne compagnie au musée Ferrari de Maranello. Le record de Castoldi, quant à lui, reste invaincu à ce jour, à l’image de celui du cousin et son avion. Bon sang ne saurait mentir...

45


Real Steel... 1949 BSA 500 B33 STREAMLINER Images : Max Hazan - Récit : Jean-Paul Milhé

Expresso Molto Stretto



Max Hazan est un artiste. Chacune de ses œuvres repousse un peu plus loin encore la limite entre le fonctionnel, le pratique et le beau. Cette BSA ne déroge pas à la règle...

Cette BSA... c’est vite dit. On devrait plutôt évoquer ce qu’il reste de la marque anglaise, à savoir, le moteur. Tout le reste, si l’on excepte les jantes et les pneus, a été sculpté dans le métal. Le vénérable monocylindre de 500 cm3, produit de 1947 à 1960, est resté sur l’établi un long moment, à se faire admirer du coin de l’œil. Il s’imaginait sans doute regagner un jour le cadre de l’une de ces honnêtes motocyclettes fabriquées du côté de Birmingham dans l’immédiat après-guerre, quant il fallut se résoudre à abandonner la production de fusils et de canons en attendant la prochaine secousse... C’était mal connaître le maître des lieux et son cerveau en perpétuelle effervescence. Le moteur ne s’était pas méfié, l’environnement lui paraissait des plus propices à la cure de jouvence, lui qui n’avait connu jusqu’alors que d’infâmes bouibouis crasseux et les coups de clef anglaise pas toujours donnés avec tendresse et précision. Ici, dans cet atelier de Los Angeles, on travaillait dans le calme et la sérénité, on ne faisait pas dans l’abattage et la grande série, chaque deux-roues qui entrait ou sortait semblait avoir reçu les meilleurs traitements, a priori, pas de quoi se faire de mouron. Surtout que sur les étagères, coupes, trophées et autres diplômes attestaient du sérieux de la maison. Mais un jour, le client a franchi le seuil de la boutique et a dit « c’est mon tour, j’en veux une ». Face à la détermination de son interlocuteur, l’homme de l’art dégaina son feutre magique et propulsa l’encre noire d’un geste ample, aérien et sans retenue : au bout de quelques minutes, il retourna la feuille vers son futur mécène et déclama sur un ton qui ne laissait guère de place à la contradiction : « je vais faire ça ! ». La traditionnelle poignée de mains scella le destin de l’artiste qui venait de se prendre deux ans ferme, sans possibilité de faire appel. Le projet va s’articuler sur deux axes majeurs : la fabrication d’un garde-boue arrière enveloppant dans le plus pur style streamline en vogue

48


dans les années 1930 et la mise en valeur de ce groupe propulseur inhabituel chez des Yankees, plus au fait des bicylindres en V made in Milwaukee... Tout le reste ne sera que détails, soignés à la perfection cela va sans dire. Tout ici est fait main, du cadre enveloppant la noble mécanique à la fourche dotée d’un original système de suspension, en passant par le fond de selle, le bac à huile ou cette ligne d’échappement longue comme un jour sans pain. Ce qui fait la différence dans le boulot de Max, c’est que l’esthétique de la moindre petite pièce, du moindre support, du plus petit guide, n’est jamais délaissée au profit de l’aspect fonctionnel de la chose : il démontre ainsi que les deux ne sont pas irréconciliables. Tout est basé sur une réflexion à deux niveaux : lorsque la fonction d’une pièce est déterminée, il ne reste plus qu’à trouver le moyen d’en soigner l’esthétique afin que celle-ci s’intègre parfaitement à l’ensemble du tableau : on imagine mal Mona Lisa avec un bandeau fluorescent dans les cheveux ou un piercing dans la narine... Parfois les solutions s’imposent d’elles-mêmes, parfois il est nécessaire de tâtonner. Le bac à huile par exemple, est la troisième mouture de cet élément indispensable au bon fonctionnement d’une machine, mais qui a tôt fait de gâcher l’harmonie et la fluidité des lignes. Monté sur silentblocs de caoutchouc chargés d’absorber leur quote-part de vibrations, après un essai en bronze et un autre en aluminium, le précieux réservoir est finalement réalisé... en pyrex ! Cette marque déposée américaine de produits en verre thermostable propose en effet un verre borosilicate à faible coefficient de dilatation, dérivé en droite ligne de celui qui fut mis au point à la toute fin du XIXe siècle et qui permit à la société Corning Glass Works de développer, en 1879, la première ampoule pour Thomas Edison. Il fallait juste y penser... Mais le morceau de choix de cette création reste sans nul doute le garde-boue enveloppant dans sa

49


globalité la roue arrière constituée d’une jante Excel en 19’’, lardée d’un pneu Firestone en 4’’ de large. C’était la première incursion de cet ancien menuisier reconverti en constructeur moto, dans le joyeux petit monde de la carrosserie automobile. Ou quand le maillet tonneau en buis et le tas épinçoir prennent le pas sur le tournevis cruciforme et la clef à cliquet. Réalisées dans de la feuille d’aluminium, les deux demies coques réunies au centre grâce à de sublimes attaches maison, ont pour mission de recouvrir la totalité des pièces en mouvement, exception faite de la couronne. De quoi s’arracher les cheveux par poignées entières pour tout vous dire, car il a fallu taper comme jamais dans du rondin d’aluminium

50

et de chromoly afin de concevoir un moyeu qui autorise aussi le démontage de la roue : là encore, c’est du grand Art. Bien entendu, concevoir et réaliser les divers guides et renvois qui permettent à la succession de trois chaînes d’entraîner la roue arrière ne fut pas une partie de plaisir, mais une nouvelle fois, le résultat dépasse tous les pronostics. Max Hazan s’évertue à proposer sur chacune de ses créations, une nouvelle architecture de fourche et de suspension avant : biellettes, moyeu, bras, supports, phare... tout a été sculpté dans du billot d’acier de 6 x 3 et rien ne vient gâcher le tableau, surtout pas le guidon, qui, poignée de gaz mise à part, joue à la perfection la carte du dépouillement et de la nudité. Dans ce


véritable parcours du combattant, résumé presque à la va-vite en quelques phrases imprimées sur un bout de papier, on retiendra une accalmie, la trêve des confiseurs en quelque sorte. Il s’agit de la réfection du moteur, qui s’est avérée des plus aisées grâce une conception simple et rustique, à l’image du son émis (et des performances) qui renvoient en droite ligne, d’après notre artisan du jour, au monde agricole ! Seules quelques pièces impossibles à dégotter en neuf ou en occasion ont nécessité de jouer à nouveau du tour et de la fraiseuse, c’est le cas notamment des culbuteurs, les durites d’huile et quelques petites pièces internes en mouvement. L’opération a été grandement facilitée,

rendons-lui justice, par la documentation technique fournie à l’époque par le constructeur et qui aura sans doute permis à bien des utilisateurs de par le Monde, de se sortir de la panade à moindre coût. Mais, me direzvous, que fait-on de ces 142 kilos de ferraille bien léchée lorsqu’on estime l’heure venue de la déposer du chevalet et d’aller rincer les pinceaux ? Et bien, lorsqu’on est un esthète doublé d’un mécène et que l’on aime fort à propos partager ses jouets, on l’expose à la vue de tous, dans un musée par exemple, ce qui est présentement le cas. Et c’est au Haas Motorcycle Museum de Dallas, au Texas, que cela se passe. Ah ! Dallas, ton univers impitoyable...

51


THE MOBILGAS ECONOMY RUN Récit : Jean-Paul Milhé, images d’archives.

Coup de Pompe... Si l’on excepte un logo qui a traversé les ans sans broncher, l’histoire de Mobil ne représente rien de vraiment palpitant. Hormis un détail peut-être...



En 1911, la Cour Suprême des Etats-Unis d’Amérique déclare illégale la situation de quasi-monopole à laquelle s’est hissée la Standard Oil Company, créée en 1870 par un certain John D. Rockefeller et ordonne sa dislocation. De l’un des tout premiers trusts de l’ère industrielle qui produisait du pétrole, le transportait, le raffinait, et commercialisait tous les produits dérivés, en même temps qu’il tordait le bras de ses concurrents en pratiquant une politique de bas prix extrêmement agressive, vont naître trente-quatre nouvelles compagnies, dont la Standard Oil Company of New York (Socony), qui déposera la marque « Mobiloil » en 1920. La suite on la connaît, au fil des acquisitions et des fusions, Socony mue en Socony-Vacuum Oil Company (1931), en Socony Mobil Oil Company (1955), puis finalement en ExxonMobil en 1999. La marque « Mobilgas », quant à elle, devient « Mobil » en 1963, sous l’impulsion d’un cabinet de création graphique de New York, Chermayeff & Geismar. Fidèles à leur réputation, les créatifs de la maison se sont montrés tout particulièrement avantgardistes en s’appuyant sur le théorème auquel se réfère tout bon communiquant de nos jours encore : « less is more ». Oui, « moins, c’est plus » ! Plus efficace surtout, ce qui représente le but ultime à atteindre pour toute forme de communication. Et on peut dire que le logo Mobil coche à lui seul toutes les cases du cahier des charges. Quatre lettres bleues et un « o » rouge, le tout sur fond blanc (des couleurs familières, franches et rassurantes) une typographie simplissime, parfaitement lisible et sans chichis, identifiable à mille lieues au premier coup d’œil, des proportions parfaites dans le volume et l’équilibre, et vous passez plus de cinquante ans à cueillir les fruits d’une notoriété acquise sur la base d’un génial trait de plume. Même Pégase, le cheval ailé, fils de Poséidon, ami des Muses et chargé par Zeus d’apporter les éclairs et le tonnerre sur l’Olympe, emblématique mascotte des débuts (comme Dino chez Sinclair), fera les frais de ce relooking exemplaire. Mais la vérité est ailleurs... Le 2 avril 1953, au volant d’une Ford Mainline 6, Les Viland arrive à Sun Valley dans l’Idaho, au terme d’un périple de 1 940 km dont l’altitude a oscillé entre 600 mètres au-dessus du niveau de la mer et 2 250 mètres. Parti de Los Angeles, il a traversé Bakersfield, Fresno, Stockton, Carson City, Reno, Boise et Twin Falls avant de franchir la ligne d’arrivée en vainqueur de l’année du « Mobil Economy Run ». Comme l’atteste le reliquat du réservoir additionnel installé dans le coffre de son véhicule et le témoignage de son copilote et des deux membres de l’American Automobile Association qui l’ont accompagné tout au long du trajet, il a consommé en moyenne 8,7 l aux 100 km (27,03 miles par gallon d’essence) tout en respectant le Code de la route et

54


les limitations de vitesse. Cela lui vaudra, en plus d’un joli trophée, d’une chaleureuse poignée de main et de sa photo dans le journal, une prime de $ 500 versée par son employeur, Ford. L’idée originelle du « Mobilgas Economy Run » (baptisé « Gilmore Economy Run » à sa création en 1936, avant que la marque ne soit absorbée par Mobil en 1940), était de mesurer la consommation réelle d’un véhicule neuf, dans les conditions de circulation normales que peut rencontrer un conducteur lambda, et non pas sur un banc à rouleaux dans une atmosphère confinée (et maîtrisée) comme s’y livrent les laboratoires de mesures de l’United States Environmental Protection Agency. Mobil sponsorisait et fournissait carburant et lubrifiants, l’AAA était l’autorité indépendante qui organisait sur le terrain et supervisait les débats. Avant chaque édition, les véhicules éligibles étaient sélectionnés dans des concessions qui n’étaient pas averties au préalable, afin de prévenir tout risque de tricherie. Ils étaient ensuite inspectés, puis leur châssis et leur capot étaient scellés. Impossible dès lors d’aller jouer du tournevis dans le compartiment

55


moteur ou d’échanger la carrosserie ou le châssis par une version light. Le réservoir de carburant d’origine était déconnecté au profit d’un élément spécifique installé dans le coffre et permettant une mesure précise de son contenu. Tout est parti du Gilmore Stadium de West Hollywood, où les concessionnaires locaux venaient s’affronter dans les compétitions de midget car, avant de prolonger les débats sur route ouverte dans les hauteurs de Los Angeles, dans le cadre de rallyes thématiques, dont le plus disputé était celui qui consistait à parcourir la plus grande distance possible avec le minimum de carburant embarqué. D’une distraction locale est née une compétition d’envergure nationale tant les constructeurs, alertés par leurs dealers du succès rencontré au bord des routes, firent montre d’un vif intérêt pour la chose. Déjà, en 1936, la consommation de carburant apparaissait comme un argument massue auprès d’une clientèle d’utilisateurs au portefeuille abîmé par la crise de 29 et qui n’allaient pas tarder à se retrouver rationnés au titre de l’effort de guerre. L’« Economy Run » fut même interrompu durant toute la durée du deuxième conflit mondial armé, tant l’approvisionnement des lignes de front en carburant revêtait un caractère stratégique de première importance. Les Big Three (Ford, General Motors et Chrysler) n’ont eu de cesse de « peser » sur le règlement de la compétition afin de faire pencher le fléau de la balance dans le sens qui leur était favorable. Ainsi, chaque marque des trois grands groupes fournissait ses propres pilotes, bien souvent des professionnels aguerris, formés pour la circonstance à toutes les techniques de la conduite au « pied léger »... Les résultats, curieusement, étaient calculés sur la base d’un rapport entre le poids du véhicule et la distance parcourue pour telle quantité de carburant, une sorte de kilomètres/tonnes en somme. En 1956, suite au drame intervenu lors des 24 Heures du Mans l’année précédente, l’AAA jette l’éponge et renonce à assumer l’organisation de toute compétition automobile. L’United States Auto Club est alors fondé et va se pencher sur le berceau des championnats de monoplace (IndyCar), de midget, de sprint-car et de stock-car. En 1959, il présente les nouvelles règles qui vont régir le « Mobilgas Economy Run », à commencer par un calcul plus logique de la consommation des véhicules en fonction de la distance parcourue.

56


Huit classes étaient toujours proposées, en fonction de la taille ou de la cylindrée des autos éligibles. 1959, c’est l’année du paroxysme et de la démesure chez les constructeurs américains, tout émoustillés par la conquête spatiale qui se profile à l’horizon. Cette annéelà, c’est donc fort logiquement qu’une compact car s’impose dans l’« Economy Run ». Sur 47 engagés, c’est finalement une fort modeste Rambler American qui battra tout le monde à plate couture avec une conso de l’ordre de 9,3 l aux 100 km. Et au terme d’un parcours de plus de trois mille bornes, de LA jusqu’à Kansas City dans le Missouri, c’est une autre Rambler, un modèle Six, qui rafla la deuxième place avec une conso de 10,2 l aux 100, puis une Studebaker... Pour les trois grands, qui ne proposaient pas dans leur catalogue du moment de petits gabarits, ce fut la soupe à la grimace, ils tentèrent d’évincer de la compétition ces « petits » concurrents, qui eurent l’outrecuidance de venir piétiner leurs plates-bandes et qui furent finalement relégués dans une classe à part. Au-dessus de la mêlée, c’est chez Mobil qu’on se frottait les mains : par un subtil jeu de billard à trois bandes, le nom de la marque se retrouvait intimement lié à l’« Economy Run ». Dans l’esprit du consommateur, faire le plein chez Mobil, c’était donc économiser de l’argent et le dépenser avec discernement. Tout cela bien entendu, c’était bien avant que les marmottes ne se mettent à emballer le chocolat dans du papier d’aluminium...

57


LA PARADE DU PROGRÈS GENERAL MOTORS,1936/1956 Images : GM Media Archives - Récit : Jean-Paul Milhé

Passé Composé...

« Si la montagne ne va pas à Mahomet, Mahomet ira à la montagne. » C’est sans doute inconsciemment que Charles Franklin Kettering s’est inspiré de ce proverbe arabe afin de mettre sur pied l’une des plus spectaculaires opérations de promotion commerciale des années 1930... Bien qu’il ait revêtu une casquette d’homme d’affaires, Charles Kettering était avant tout un ingénieur doublé d’un inventeur à l’imagination fertile. Dès 1911, au sein de sa propre société, la Dayton Engineering Laboratories Company (Delco), installée depuis 1909 à Dayton dans l’Ohio, il met au point un ingénieux système de démarreur électrique assisté par une batterie et une bobine. L’application trouve tout naturellement sa place sous le capot de ces voitures automobiles qui sillonnent alors le monde depuis une quinzaine d’années à peine, et c’est Cadillac, dont l’un des utilisateurs est mort des suites d’un retour de manivelle intempestif, qui l’adopte en premier. Pour la manivelle justement, le ciel s’assombrit.

58


59


La société Delco commercialise également des générateurs motorisés (groupes électrogènes) qui fournissent de l’électricité dans les coins les plus isolés du pays, alors que le réseau collectif n’en est qu’à ses balbutiements dans les grandes villes. Bref, alors que les affaires sont plutôt florissantes, en 1916, Kettering vend son entreprise à la General Motors et accède au sein de cette dernière à un poste de directeur du laboratoire central de recherches. Là, sous sa direction, les ingénieurs vont plancher sur l’amélioration du fonctionnement du moteur diesel, le vitrage de sécurité, les gaz réfrigérants, le rendement des carburants, le freinage hydraulique, etc. Le plomb dans l’essence, c’est à lui et à l’un de ses jeunes collaborateurs qu’on le doit : bien qu’ayant travaillé avec des résultats probants sur l’éthanol (ou alcool éthylique), Kettering plaidera en faveur de l’additif au plomb dit « tétraétyl » dont il avait déposé le brevet. On peut donc faire peser sur les épaules d’un seul homme 90 % de la pollution de l’air aux États-Unis et la majeure partie des cas de saturnisme qui ont fait des ravages sur la santé des mioches. Conflit d’intérêts, quand tu nous tiens... Et si l’on veut charger encore davantage la barque, avec la co-invention du fréon, ce gaz réfrigérant utilisé dans les systèmes d’air conditionné décrit comme l’un des pires gaz à effet de serre jamais recensé, on tient là un bonhomme qui aurait causé sur la planète plus de dégâts à lui seul que la peste, le choléra et les albums de Christophe Maé réunis !

60

L’exposition universelle de 1933-1934 se tint à Chicago, célébrant au passage le centenaire de la ville et son lourd passé industriel. Conçue dès 1928 en pleins prémices de la Grande Dépression de 1929, elle s’était donné pour objectif de ré-enchanter l’avenir et de braquer le faisceau lumineux sur l’ensemble des avancées technologiques qui auguraient de lendemains qui chantent. « Century of Progress » (« Le Siècle du Progrès ») fut donc tout naturellement le sous-titre adopté afin de border les contours de la thématique. Pour un succès, ce fut un succès : en près de deux ans, pas moins de 48 millions de visiteurs arpentèrent les quelque 175 hectares du site. La General Motors s’était particulièrement impliquée dans cette manifestation et ses vastes installations vantaient les mérites, à travers une myriade de dioramas, de vitrines, de maquettes, d’éclatés, de prospectus et de tableaux pédagogiques, le savoir-faire de l’industrie de pointe américaine, donc a fortiori de la maison. S’étant hissé jusqu’au fauteuil de vice-président de la GM en charge de la recherche et du développement, Kettering (« Boss Ket » tel qu’on le surnommait) suggéra à l’oreille du président du conseil d’administration, Alfred P. Sloan, de surfer sur la vague de ce succès et de mettre sur la route, dès la fin de l’exposition statique, une caravane itinérante de véhicules spécialement aménagés pour l’occasion afin de présenter tout ce matériel promotionnel aux quatre coins de l’Amérique profonde.


Dès 1936, « The Parade of Progress » va sillonner les États-Unis pour présenter au public les dernières innovations technologiques de la General Motors. A l’image des grands cirques itinérants, le convoi s’exhibe en parade dans les rues des villes étapes avant de s’établir sur un terrain approprié en périphérie.

Ainsi naquit le concept « The Parade of Progress ». Deux ans pleins, 1934 et 1935, vont être nécessaires à la firme pour rassembler tous les éléments du puzzle. En première ligne, une flotte de huit remarquables Streamliners fut construite par Fischer, la division carrosserie de la GM dans son usine de Fleetwood à Détroit. Basés sur des châssis standard de camion d’un empattement de 5,66 m, ces utilitaires étaient motorisés par un 6 cylindres en ligne à essence de 3,9 l de cylindrée, l’un des fleurons de la firme. Mais c’est bel et bien par leur carrosserie avant-gardiste au style ponton (les portes se fondent avec les ailes avant et le panneau arrière), leur museau profilé, leur parebrise panoramique, leurs ailes avant semi-intégrées, leurs ailes arrière carénées et leur toit bombé et effilé comme une coque de bateau renversée, que ces fourgons se démarquaient. On retrouvait là tous les canons du style aérodynamique streamline inspiré de la goutte d’eau et qui trouvait écho en ce temps-là dans de nombreux domaines tels que l’électroménager, le train ou même l’architecture, constituant ainsi une branche tardive du mouvement Art déco.

61


Pour couronner le tout, les huit Streamliners arboraient une livrée rouge et blanche du plus bel effet, alliée à de nombreuses moulures et autres ornementations chromées. Positionnés sur les lieux de la manifestation côte à côte, par grappes de trois, à équidistance, ils étaient reliés l’un à l’autre, une fois leurs panneaux latéraux ouverts, au moyen d’estrades recouvertes de barnums de toile, ce qui permettait de proposer une exposition traversante (et gratuite !). Le septième, accolé à un chapiteau de 1 200 places, constituait la scène sonorisée où était proposé un

62

spectacle « vivant » d’une heure trente environ. Le huitième et dernier était destiné à transporter une partie du matériel nécessaire, le reste étant réparti dans neuf semi-remorques de marque Chevrolet et GMC et dont les remorques étaient elles aussi carrossées dans l’esprit streamline. Une limousine dite « command car » au châssis long se joignait au convoi et officiait en tant que bureau mobile et quartier général des opérations. Cette Chevrolet de 1936 était dotée pour la toute première fois d’un équipement qui allait bientôt faire fureur au pays du gadget : l’air conditionné.


A chaque étape était également exposé un exemplaire flambant neuf de chacune des marques du groupe : Chevrolet, Pontiac, Oldsmobile, Buick, LaSalle et Cadillac, le but avoué étant, en plus d’éduquer les masses, de faire progresser la notoriété de la GM (et de ses sousmarques telles que Frigidaire) et donc de générer des ventes à court ou moyen terme (pas de commerce sur place, éthique oblige). Tous les 2 000 miles, ces voitures étaient échangées chez le concessionnaire du coin par des semblables à nouveau neuves, comme on prenait des chevaux frais dans l’ancien temps au relais de poste. Question petit personnel, ça ne rigolait pas non plus, une cinquantaine de jeunes diplômés des bonnes écoles assuraient l’animation et l’accompagnement de la visite, et étaient également réquisitionnés pour conduire les véhicules ou charrier le matériel. Ils en gardent paraît-il un souvenir inoubliable et en parlent encore, pour les survivants, avec des étoiles dans les yeux... Si l’on compte les techniciens et le staff d’encadrement, ce n’est pas loin d’une soixantaine de personnes qui prirent place à bord de 28 véhicules au total, au petit matin du 11 février 1936. Direction Lakeland en Floride pour une première exhibition. Cette première « Parade du Progrès » ira à la rencontre, via 251 villes de moyenne ou de petite taille, de 12,5 millions d’Américains émerveillés par un tel spectacle. De grandes villes reçurent également les honneurs de la parade, New York par exemple, qui l’hébergea durant une année entière, le temps de l’exposition universelle de 1939. La Parade fit aussi quelques incursions au Canada, au Mexique et à La Havane.

La deuxième génération de « La Parade » est actualisée en 1940 avec ses « Futurliners » et leurs dômes en plexiglas, tant redoutés par les chauffeurs pour cause d’effet « cocotte-minute ».

En 1940, pour sa nouvelle campagne, la Parade du Progrès fut légèrement remaniée. Le chapiteau originel de 1200 places se mua en une structure en aluminium très moderne appelée « Aer-O-Dome » supportant une toile de vinyle argentée et capable désormais d’abriter 1500 visiteurs. Le contenu de l’exposition en lui-même avait été enrichi et réactualisé, mais le plus spectaculaire changement fut opéré du côté des camions. Exit les huit Streamliners, bonjour les douze « Futurliners ». Au bureau de style, le vice-président de la GM depuis 1937, Harley J. Earl (le papa entre autres de la Corvette) est à la manœuvre, et ça se voit ! Finis les châssis de camions standards habillés de neuf, le Futurliner est une construction entièrement nouvelle assurée cette fois-ci par la Yellow Truck and Coach Company de Pontiac, dans le Michigan. D’une longueur de 10 mètres, d’une largeur de 2,45 m et d’une hauteur de près de 3,50 m, le Futurliner est une sorte de croisement entre un bus, une locomotive et... un grillepain ! Outre son esthétique particulièrement soignée et son gabarit hors du commun, le Futurliner regorge de détails spécifiques tels que dôme translucide sous lequel est installé le chauffeur, à plus de 3 mètres du sol et en position centrale, le nombre incroyable de trappes, de portes et de coffres qui s’ouvrent dans tous les sens (19 en tout) ou encore le double essieu avant comportant, comme l’arrière, quatre roues.

63


Chaque Futurliner contenait dans ses entrailles une exposition thématique : le moteur à réaction, les locomotives GM de dernière génération ou encore les diverses applications du moteur diesel.

C’est depuis cette scène ouverte, accolée au chapiteau, qu’était proposé en interaction avec le public un spectacle tout à la fois ludique et pédagogique, d’une durée de 1 h 30 et répété plusieurs fois par jour.



Cette première version des Futurliners ne bénéficiait que d’un anémique moteur quatre cylindres diesel accouplé à une complexe succession de boîtes de vitesses et de réducteurs, l’ensemble assurant au mastodonte de 14 tonnes une vitesse de pointe supersonique de 64 km/h ! Ce train de sénateur et son imposant gabarit ne tardèrent pas à valoir au Futurliner le sobriquet d’« Eléphant Rouge ». L’attaque japonaise sur Pearl Harbor le 7 décembre 1941, et l’entrée des USA en guerre qui s’en suivit, mit fin précipitamment au périple. Les effectifs appelés sous les drapeaux échangèrent donc leurs uniformes de la GM par du kaki ou du bleu, selon les affectations, et la flotte de véhicules fut conduite en Ohio afin d’y être entreposée à l’abri pendant la durée du conflit. Hormis une participation des Futurliners au défilé commémoratif du cinquantenaire de l’invention de l’automobile à Détroit en 1946, il faudra patienter jusqu’en avril 1953 pour que la belle endormie ne sorte de sa torpeur. Sur le principe, elle n’avait guère changé, même si la flotte de véhicules culminait cette fois-ci à 44 véhicules pour 57 hommes d’équipage. Du côté des expositions, on abordait à présent des thématiques encore plus futuristes qu’auparavant, de la propulsion à réaction des avions, testée par les belligérants durant WWII, à l’atome, l’atmosphère, la conquête spatiale, ou plus pragmatique et proche du plancher des vaches, la stéréophonie, la cuisson à induction ou le four à micro-ondes, alors que les anciennes thématiques non encore obsolètes faisaient toujours partie du voyage. Les douze Futurliners avaient entretemps subi quelques modifications. La bulle de plexiglas, à l’origine de bien des insolations du côté des chauffeurs, avait été remplacée par un toit opaque doté d’une surface vitrée panoramique moins importante, et l’air conditionné palliait à présent aux soucis de température.

66



Basé sur un châssis GMC et mû par un moteur Buick, ce fourgon faisait office de scène ouverte sur laquelle était présenté un spectacle de 45 mn. Aussi surnommé « The Little Parade », il officiait de collèges en lycées afin de faire la promotion de la « grande » parade.

Peint sur l’avant, un bandeau blanc mettait davantage en valeur le logo GM doré apposé sur le museau du véhicule. Côté motorisation, c’est un fringuant 6 cylindres essence GMC à soupapes en tête, de 5 l de cylindrée, accouplé à une boîte automatique Hydramatic à 4 rapports, elle-même suivie d’une boîte manuelle à 2 rapports et d’une enfilade de systèmes de transmission qui permettait de rouler au pas lors des parades en ville ou à vitesse plus élevée durant les trajets de liaison. Un réducteur disposant de trois rapports qui se sélectionnaient manuellement à l’arrêt, depuis l’extérieur dans une trappe située dans l’aile arrière, portait à 48 le nombre de rapports disponibles, avec à la clef un gain de 16 km/h en terme de vitesse de pointe. La direction, problématique dès la première version en raison des contraintes énormes subies par les différentes pièces en mouvement, s’était vue dotée d’une assistance qui persévérait à rendre l’âme fréquemment.

Parmi les nombreux véhicules de la Parade accompagnant les Futurliners, un tracteur Chevrolet 5100 de 1955 attelé à sa remorque spécifique.

C’est sans doute ce double essieu avant bien mal conçu qui est à l’origine de l’accident dans lequel fut détruit l’un des Futurliners en 1955. Soumise à des efforts trop importants, la direction avait tendance à lâcher fréquemment. Pas plus au point, le freinage aléatoire de ces mastodontes fut à l’origine d’un carambolage qui édicta de nouvelles distances minimum de sécurité entre les véhicules du convoi.

A vendre, Futurliner à restaurer. Pour collectionneur averti...

68

La caravane se remit donc en route en 1953, avec un premier arrêt à Lexington dans le Kentucky, le 15 avril et Frankfort le 30. Puis ce fut l’Ohio, l’Indiana, le Michigan et ainsi de suite... Il manquait néanmoins un seul acteur à ce nouveau rendez-vous : le spectateur. Assis chez lui dans son fauteuil, abreuvé de réclames, il découvrait désormais avec émerveillement les programmes télévisés qui lui étaient destinés. Ce même média, qui aujourd’hui se fait tailler des croupières par la révolution numérique et Internet, a causé la perte inexorable du spectacle itinérant, et tout particulièrement de la Parade du Progrès ». En 1956, la General Motors siffla la fin du match, et comme ses concurrents, se mit à investir dans des spots publicitaires télévisés qui toucheront davantage de monde avec un coût de revient bien inférieur. Les onze Futurliners survivants (un fut détruit dans un accident en 1955), furent alors disséminés dans


la nature, donnés ou vendus, et sont finalement tous remontés à la surface par suite d’un engouement soudain dans les années 1980. Une petite annonce parue en 1984 dans le « Hemmings Motor News » a mis le feu aux poudres : un farfelu s’était mis en tête de collectionner les Futurliners, en avait patiemment réuni neuf exemplaires dans un hangar près de Chicago et les proposait à la vente, en lot ou à l’unité. Restaurés à l’origine ou modifiés à des fins publicitaires, pour l’opérateur de téléphonie canadien Fido par

exemple, les onze Futurliners sont désormais identifiés et localisés. L’un d’eux est même en cours de restauration en Suède. À l’heure actuelle, lors des rares mises en vente d’un Futurliner, les enchérisseurs lèvent leur petite pancarte jusqu’à plus de 4 millions de dollars. Sans doute quelques nostalgiques qui se remémorent le merveilleux spectacle qui enchanta leur jeunesse au fin fond de leur cambrousse, et à qui on ne fera certainement pas croire qu’un éléphant rouge, ça Trump énormément...



Circulation Alternée

Images : Archives - Récit : Jean-Paul Milhé

F U LTON FA-2 AI RP HI BI AN 1 9 4 6


Depuis la nuit des temps, l’Homme n’a eu de cesse de regarder en l’air, de suivre longuement le vol des oiseaux, l’air envieux...

Et comme il est parfois habile de ses dix doigts, l’Homme a inventé l’avion, tout au début du XXe siècle, une poignée d’années après avoir mis au point la voiture automobile. Le bateau, c’était fait, depuis longtemps, très longtemps, il avait suffi d’observer une feuille flotter au fil de l’eau, dans le ruisseau, après l’orage... Oui, mais voilà, Pépère est un peu tordu et il arrive qu’il ne soit pas tout seul là-haut, dans sa caboche. Eternel insatisfait, il s’est donc mis en tête de faire flotter sa voiture, comme un bateau, puis de la faire évoluer dans les profondeurs aquatiques, comme un sous-marin et enfin, de la faire voler, comme un avion. Savants, chercheurs, physiciens, ingénieurs, inventeurs... ils s’y sont tous mis, un à un, tirant la charrette à hue et à dia, chacun suivant le fil de son propre raisonnement.

72

Romanciers, cinéastes, illustrateurs et dessinateurs ne se privèrent pas d’apporter leur pierre à l’édifice, tant il est aisé de coucher sur pellicule ou sur papier vélin les délires les plus extravagants. Ainsi, de Jules Verne à Stan Lee ou de Ian Fleming à George Lucas, la fiction s’est nourrie de la science, même si cette dernière, fière et peu reconnaissante, n’admettra jamais la réciproque. Comme s’il était honteux pour le professeur Tartempion de reconnaître que, lui aussi, assis sur le trône, le pantalon baissé sur les chevilles, a dévoré pendant des heures les aventures des « Quatre Fantastiques » dans « Strange » ou « Titans »... Le grand public quant à lui, a compté les points, avec un enthousiasme non dissimulé. Il s’est imaginé la vie à bord du « Nautilus » du capitaine Nemo, a assisté, les


yeux éberlués, au majestueux décollage de la Citroën DS de Fantômas, au plongeon de la Lotus Esprit de James Bond (*) ou à la destruction de l’Etoile Noire par Luke Skywalker aux commandes d’un X-Wing. Il a adoré, a applaudi et il en redemande, toujours et encore. Robert Edison Fulton Jr. est né dans le beau monde, en 1909. Son deuxième prénom par exemple, vient de Thomas Edison, inventeur du phonographe et grand ami de son père, Robert Fulton Sr., le boss des camions Mack. Du côté maternel, son grand-père, Ezra Johnson Travis avait créé, après la Guerre de Sécession, des lignes régulières de transport en diligence qui devinrent les célèbres lignes de bus Greyhound sous l’impulsion de son oncle, Elgin Travis. Difficile dans un tel contexte d’espérer mener une petite vie peinarde et sans relief. Les voyages formant

la jeunesse, il fut donc envoyé à Lausanne, en Suisse, pour suivre un cursus en architecture, sanctionné par un diplôme intermédiaire décroché haut la main en 1931, à Harvard, qui s’achèvera en deux années terminales à Vienne, en Autriche. Il sauta alors sur la première motocyclette venue, une Douglas bicylindre, histoire d’aller voir comment on construisait ailleurs, et ralliera Tokyo, au départ de Londres, en 18 mois, durant lesquels il aura parcouru 40 000 km, se faisant tirer dessus par les tribus Pashtun au Pakistan, effectuant un bref séjour dans les prisons turques, se faisant dépouiller par les bandits irakiens ou bénéficiant comme un prince de l’hospitalité des radjahs indiens. De son périple, il rapportera des kilomètres de pellicule qu’il compilera en 1983 dans un film autobiographique intitulé « The One Man Caravan ».

73


A son retour, ses talents de réalisateur lui ouvriront les portes de la compagnie aérienne Pan American Airways, en mal de courts métrages promotionnels. Arrive WWII et Fulton crée une usine d’équipements aéronautiques, la Continental Inc. Là, avec ses équipes, il invente le tout premier simulateur de vol qui ne trouve pas preneur au sein de l’armée et qu’il reconvertit en simulateur de tir pour les mitrailleurs embarqués. A la fin du conflit, il met à profit tous les savoir-faire réunis autour de lui pour mettre au point une idée saugrenue qui lui trotte dans la tête depuis un certain temps, l’avion qui roule ou la voiture qui vole, c’est selon. Il déplore en effet les heures perdues à sillonner les routes du pays en voiture afin de procéder aux démonstrations de son simulateur de tir. Il aimerait bien raccourcir ces trajets, tout en restant autonome arrivé sur place. Ainsi naquit l’« Airphibian », un ensemble constitué de deux modules, l’un comprenant le cockpit, dans lequel prenaient place deux passagers, regroupant les commandes et le tableau de bord, prolongé par un compartiment moteur abritant un Franklin à six cylindres à plat, compressé et refroidi par air, d’une puissance de 165 hp.

74

D’une cylindrée raisonnable de 5,5 l (335 ci), ce moteur était le plus souvent utilisé monté en position verticale sur des hélicoptères, mais il fit aussi les beaux jours, dans une version à refroidissement liquide, des fameuses automobiles Tucker. Cinq minutes à peine, montre en main, étaient nécessaires au quidam moyen, sans connaissances particulières en mécanique ni quelque outil que ce soit, à connecter ce premier module à la partie arrière comprenant les ailes et la queue. Une fois la hauteur de la partie « avion » ajustée au niveau des roulettes amovibles, il suffisait de rapprocher les deux modules, de verrouiller les crochets prévus à cet effet (à la manière de la capote sur un cabriolet), de replacer les goupilles de sécurité, d’escamoter les roulettes arrière et de basculer les carénages de roues avant, de réinstaller l’hélice (accrochée sur un support placé sur le côté du fuselage) sur son pas et de la verrouiller, puis de mettre le contact en gardant un œil sur la loupiotte de sécurité : en cas de manquement à l’une ou l’autre de ces opérations, le moteur refusait de démarrer. D’une longueur de 6,76 m pour une envergure de 10 m, l’appareil de 953 kg en charge pouvait alors décoller pour un vol de plus de


550 km à une vitesse moyenne de 177 km/h (193 km/h en pointe), parcouru à une altitude maximum de 3 658 m. Quatre exemplaires de l’« Airphibian » furent assemblés et il fallut attendre décembre 1950 pour que le préposé de la Civil Aeronautics Administration n’appose son précieux coup de tampon sur le certificat d’homologation, catégorie 1A11. Immatriculé N74104, cet exemplaire a bénéficié d’une restauration intégrale dans les années 1990 et se trouve aujourd’hui exposé au Musée National de l’Air et de l’Espace de Chantilly, en Virginie du Nord. Car il n’y eut pas de suite. Les sommes colossales requises pour passer à la production en série de son invention, ont contraint Fulton Jr. à céder ses droits à un industriel aux reins solides qui n’en exploita jamais le potentiel. Pour autant, Fulton ne fut pas le seul à parvenir à ses fins, Moulton Taylor et son Aerocar ou Smolinski qui croisa un Cessna 337 Skymaster avec une Ford Pinto en attestent. Tout a par ailleurs débuté en 1772, lorsqu’un chanoine s’est précipité du haut d’une tour à bord d’un cabriolet doté d’une paire d’ailes. Ce fut le premier mort d’une longue série... « Le progrès n’est que l’accomplissement des utopies. » — Oscar Wilde.

Le point commun entre tous les projets de voitures volantes qui ont vu le jour en ce bas monde, c’est qu’ils cumulaient tous les défauts de l’avion avec tous ceux de l’automobile, comme ça, pas de jaloux. La plupart de ces bitza, moitié Concorde moitié fer à repasser, révélaient en effet de bien piètres performances en vol, tout en proposant un aspect fonctionnel sur route des plus aléatoires. La firme slovaque Aeromobil a pris ce problème à bras le corps et proposera dès cette année à la vente son Aeromobil 3.0, ultime évolution de ce que l’on présente comme une voiture de sport qui pourra atterrir dans votre jardin. Dotée d’un moteur Rotax 912, cette carrosserie de 450 kg à vide, aux formes futuristes et aux ailes qui se replient, est capable de voler à plus de 200 km/h ou de rouler à plus de 160 km/h en emportant deux passagers. Si la longueur de l’engin avoisinant les six mètres reste invariable, l’envergure de 8,20 m est quant à elle ramenée à 1,60 m en phase routière. La carrosserie en fibre de carbone habillant une structure d’acier autorise une consommation raisonnable de 7,5 l sur route et du double dans les airs, pour une autonomie respectivement de 500 et de 700 km. L’Aeromobil est bien entendu truffée d’innovations techniques telles que le réglage d’angle d’attaque des ailes ou le déploiement automatique d’un parachute en cas de panne. Ce dernier a par ailleurs fait montre de toute son efficacité au mois de mai 2015, lorsque l’aéronef a échappé à tout contrôle de l’un de ses concepteurs, Stefan Klein, alors que ce dernier évoluait à plus de 300 mètres du sol. « Une simple histoire de réglage » nous dit-on...

(*) Un des six exemplaires de l’auto utilisés lors du tournage de « L’Espion qui m’aimait » (sorti sur grand écran en 1978) était incapable de rouler, mais avait effectivement été transformé en un sous-marin parfaitement opérationnel.

75


LE MOTEUR C HRYSLER HEMI Images : archives - Récit : Didier « Fox » Renard

Le Rouge Hemi Courant 2008. Je rentre dans la concession Chrysler-Dodge qui jouxte mon supermarché favori. Une magnifique 300 C break trône au milieu du hall…

Sa ceinture de caisse plutôt haute, ses vitres miniatures, son capot immense, sa calandre massive, tout confère à lui donner un aspect brutal, agressif, mastoc. Je tourne autour de ce gros vaisseau autoroutier, et du fond de son bureau, un gars s’avance, tout sourire. « Elle est belle, hein ? » J’acquiesce d’un petit sourire en coin. C’est vrai que je me verrai bien rouler dans ce genre d’engin moderne. Le gars ouvre la porte, me détaille l’intérieur, me vante tel ou tel truc. Je reste distant, ce n’est qu’une balade « en curieux », je n’ai pas la moindre intention de vendre un lobe de mon foie pour acheter un engin pareil, vous pensez bien… Et le vendeur (puisqu’il s’agit bien d’un vendeur) me lâche l’argument massue : « Et celle-ci est équipée du tout nouveau moteur Acheuhemmhi ! » « Pardon ? Le moteur quoi ? » « Le moteur Acheuhemmhi… » « Acheuhemmhi ? C’est quoi, ça, le moteur Acheuhemmhi ? » « Hé bien, ce sont les initiales du nouveau moteur Chrysler : H.E.M.I » « Tiens donc… Et ça veut dire quoi, ça, H.E.M.I ? » « Heu…Je suppose que… un truc du genre High Energy… heu… Motor… Injection ? » A cet instant précis, je me suis vraiment demandé ce que je faisais là. Alors j’ai commencé par lui dire que, non, Hemi n’est pas un acronyme, que ça ne veut en aucun cas dire High machin-truc. Et après qu’il m’ait offert un café, que l’on se soit confortablement installés dans de moelleux fauteuils, j’ai mis en marche la machine à remonter le temps. Que signifie le mot « hemi » qui transforme n’importe quel fan de motorisation US en chihuahua tremblotant, en boxer baveux, à l’idée d’évoquer cette cathédrale mécanique ?



Sans doute le 1er moteur de l’Histoire à proposer tout à la fois des chambres de combustion de forme hémisphérique et un arbre à cames en tête, le Welch présenté au salon de Chicago en 1903.

Cela signifie tout simplement que la forme de la chambre de combustion, située bien évidemment dans une culasse, est de forme hémisphérique. De la forme (et à peu près de la taille) d’une demi-boule de pétanque, parfaitement ronde. Et voilà tout ! Quoi, c’est vraiment tout ? Ce n’est donc que ça, un moteur Hemi ? Elle est donc là, la révolution mécanique ? Une chambre de combustion en forme de demi-globe ? Mais… Pourquoi ? Comment ? Revenons un peu en arrière et tordons le cou à une légende urbaine, voire même un mythe : Chrysler ou Dodge n’ont jamais revendiqué l’invention de la culasse à chambre de combustion hémisphérique. De nombreuses marques de voitures ont utilisé ce système bien avant Chrysler ! Et certaines avaient même déjà un « arbre à cames en tête », c’est-à-dire un arbre à cames situé dans la culasse, agissant (directement ou non) sur les soupapes. Une Peugeot « Grand Prix » de course de 1912 avait un système similaire, avec des chambres de combustion « pentées », qui utilisait 4 soupapes par cylindre ! D’autres marques des années 20 utilisaient aussi des arbres à cames en tête, avec des culasses à 4 soupapes par cylindre : Delage, Ballot, Bugatti, Chevrolet, Duisenberg, pour ne citer que les plus célèbres. Ces configurations moteurs étaient très prisées pour les engins de course, bien évidemment ! Mais ce n’était pas à proprement parler des moteurs hémisphériques. Non, le véritable

78

« vrai » premier Hemi, avec chambres de combustion hémisphériques est, sauf erreur grossière, le Welch qui fut présenté et vendu au salon de Chicago en… 1903 ! Hemi, et arbre à cames en tête, s’il vous plaît ! Rien que ça. Et pourtant, en 1902, la société Truscott présentait elle aussi un moteur Hemi ! Un gros bicylindre en fonte qui ressemblait plus à une machine à sous qu’à un pur sang, avec d’invraisemblables basculeurs à l’air libre, et qui devait sortir une malheureuse poignée de canassons, bien suffisante pour faire se mouvoir ce qu’il fallait bien nommer une « automobile » Alors ? Truscott-Welch ? Welch-Truscott ? Qui a copié l’autre ? Qui a déposé le brevet en premier ? Il semblerait bien que ce soit Welch qui ait commercialisé le véritable premier Hemi, en 1903, donc. Mais Truscott vendait un moteur destiné aux bateaux qui ressemblait étonnamment au 4 cylindres Welch, deux ans plus tard. Guerre commerciale ? Espionnage industriel ? Association ? Le mystère plane… Franchissons quelques décennies, et revenons à l’histoire de notre Hemi. Mais d’abord, quels sont les critères pour qualifier un moteur de « Hémisphérique » ? Une chambre de combustion épousant la forme parfaite d’une demi-sphère, on l’a vu. Deux soupapes, une d’admission, une autre d’échappement, de part et d’autre de la chambre, et pile au centre, une bougie. Deux soupapes de taille respectable, permettant un flux important, et une bougie centrée, voilà qui est prometteur en terme de puissance. En effet, les formes torturées des chambres de combustion des moteurs US, avec leurs soupapes alignées en rang d’oignon ne favorisent pas l’explosion, ni l’avancée du front de flamme lors de la phase « explosion » du mélange gazeux. Ni l’évacuation des gaz brulés, et pas mieux côté admission ! Alors que là, fort de sa forme parfaitement ronde, bien allumée par une bougie centrale, l’explosion

Le premier V8 à culasses hémisphériques du groupe Chrysler était proposé dans une déclinaison de cylindrées et de configurations différentes selon la marque et le modèle retenu. Fire Power chez Chrysler, il devenait Fire Dome ou Fire Flite chez De Soto et Red Ram chez Dodge.


est parfaitement alignée avec tous les côtés du piston. Regardez une explosion atomique : une belle boule de feu, bien ronde, puis un joli champignon, bien rond lui aussi, qui monte en corolle, bien régulier. Ne cherchez pas. Il se passe exactement la même chose à l’intérieur d’une culasse Hemi ! Une belle explosion qui pousse bien du centre vers les bords, de manière régulière, sans mettre le piston de travers dans son cylindre, brûlant jusqu’au dernier atome de mélange air-essence, mélange qui n’a pas le moindre recoin où se planquer, pas comme dans ces ignobles culasses « wedge », avec des recoins partout. Ah, petit inconvénient : le volume forcément très important d’une chambre de forme hémisphérique impose l’utilisation d’un piston fortement bombé, afin de réduire le volume interne au moment de la phase « compression », sous peine d’avoir le taux de compression d’une brouette. Et deuxième inconvénient : l’effroyable complexité des basculeurs qui vont avoir la lourde tâche d’appuyer sur les soupapes pour les ouvrir ! En effet, si sur le papier le moteur Hemi apparaît d’une désarmante simplicité, la conception torturée des basculeurs devient un casse-tête chinois ! Rappelons un brin pour ceux qui ne suivent pas ou pour ceux dont l’architecture d’un V8 US reste un mystère, comment ça marche : l’ensemble pistons-bielles fait tourner le vilebrequin, jusque-là, tout va bien. Pour « gérer » les cycles admissioncompression-explosion-échappement, on utilise un arbre à cames, dont le mouvement est transmis par une chaîne, via le vilebrequin. L’arbre à cames, en position centrale au creux du V du moteur, transmet ses « ordres » aux basculeurs par des tiges, dites « de culbuteurs » (oui, basculeurs et culbuteurs, c’est la même chose) Jusque-là, vous suivez, rien de plus simple. Bien cachées dans les culasses qui surplombent le bloc, les soupapes sont côte à côte, bien rangées en file indienne dans l’ordre des cylindres, et donc les basculeurs font de même : ils sont sagement rangés dans le même ordre. C’est bien, c’est beau, mais très vite, on se rend compte que la taille des soupapes est étroitement liée à l’alésage du cylindre. En effet, les soupapes mises côte à côte ne peuvent excéder le diamètre de l’alésage. Du coup, l’avantage se transforme en inconvénient… Ça se complique sévèrement dans le cas d’une culasse Hemi : les soupapes sont l’une au-dessus de l’autre ! Avantage : étant fortement inclinées, la taille des soupapes n’est plus limitée par le diamètre du cylindre, et peuvent donc gagner en surface. Mais les basculeurs se retrouvent avec des longueurs incroyables, imposées par l’emplacement des tiges de culbuteurs, qui elles, restent côte à côte.

Sous le capot d’une très désirable De Soto Adventurer de 1956, le Hemi de 341 ci se dénommait Fire Flite. 996 exemplaires, tous des coupés hard-top équipés d’une boîte de vitesses automatique, furent vendus cette année-là.

A partir de 1959, Chrysler revient à une architecture moteur plus conventionnelle et moins coûteuse à fabriquer. Jusqu’en 1963, c’est le Max Wedge et ses culasses dites en « coin » qui tiendront le haut du pavé chez Mopar.

79


Donc deux rampes sont obligatoires, des formes de basculeurs tarabiscotées, une foule de pièces en mouvement, le tout nécessitant une place folle, sans oublier un trou pour, accessoirement, y caser une bougie ! Ceci expliquant pourquoi une culasse Hemi fait quasi le double de taille d’une culasse standard (et le double de poids, aussi). 1942. L’Amérique est entrée dans le conflit mondial depuis un an. Walter P. Chrysler, lui, est mort depuis deux ans. L’effort de guerre mobilise tous les grands groupes industriels, à commencer par ceux liés à l’automobile. Le groupe Chrysler n’échappe pas à la règle, et le bureau de recherche de la partie moteur planche sur une motorisation d’avion. Le P-47 va servir de bureau d’études volant pour une nouvelle architecture moteur. Un V16 inversé voit le jour, avec des culasses Hemi. L’ambition de Chrysler est de fournir un moteur plus puissant encore que le célèbre « Double Wasp » qui équipe celui que l’on appelle déjà le « Thunderbolt ». La barre des 490 mph est visée, et celle des plus de 2 500 hp aussi. Hélas, les résultats obtenus ne sont pas à la hauteur, et il n’est donc pas encore né, le moteur qui va détrôner le R 2800, le célèbre 18 cylindres de chez Pratt & Whitney.

Pour beaucoup, le Saint Graal : une Chrysler 300 C de 1957 avec, sous le capot, le Hemi dont la cylindrée est portée à 392 ci (6,4 l) pour une puissance affichée de 375 hp.

80

Cet avion prototype a traversé l’histoire de l’aviation américaine sous le nom de code XP-47H, (X pour Xperimental) et le moteur, dont six exemplaires seulement furent construits resta, quant à lui, connu sous le nom de code XI-2220-11. Les plans furent rangés dans une armoire, et la guerre finira au son des moteurs en étoile de la firme concurrente (dont, ironiquement, les culasses étaient… hémisphériques, soit-dit en passant !) Quelques années après la tourmente mondiale, la jeunesse américaine en quête de liberté et de sensations fortes, fait renaître une discipline qui a vu le jour juste avant la guerre : le hot rodding. Une vieille auto des années 20-30, dont on gonfle (ou remplace) le moteur, et voilà nos apprentis pilotes qui s’affrontent sur un petit bout de ligne droite à la sortie de la ville. Le dragster était né. Même si Monsieur tout le monde voit cela comme un amusement réservé aux mauvais garçons, voyous et autres blousons noirs, les constructeurs commencent à parler « horse power », vitesse, performances dans leurs catalogues. Le vieux mais terriblement populaire V8 Ford à soupapes latérales devenu obsolète du haut de ses plus de 20 ans d’existence, il fallait se tourner vers autre chose. Et c’est à ce moment que Chrysler a dû se souvenir de ce moteur d’avion expérimental, mort-né 10 ans plus tôt, mais dont les culasses avaient quelque chose de plus que celles des autres moteurs ! Le bureau de recherches plancha donc sur un nouveau moteur, plus compact, plus performant que ceux de la concurrence (particulièrement Cadillac et Oldsmobile, bien placés dans la recherche de la performance) avec une durée de vie supérieure, puisque les décideurs de chez Chrysler voulaient un moteur qui puisse tenir 100 000 miles sans changer une pièce ! James Zelder présenta un projet, qui fut refusé par son propre frère, au sein du bureau de recherches. Bataille d’ingénieurs au Research Center chez Chrysler, et le projet est enfin accepté en cette année 1948. Ce sera un 330 ci (5 400 cc) à culasses hémisphériques. Son nom de naissance n’est pas très sexy, puisqu’il s’appelle A182, et évoluera jusqu’à s’appeler A239, la version finale, cubant, elle, 331 ci. Le voilà donc enfin, ce moteur Hemi ! Ah non, zut, encore loupé, il s’appellera « FirePower », en définitive… Compact, annonçant une puissance de 180 hp, voilà qui le place loin devant tout ce qui se fait chez la concurrence, et mine de rien, c’est le premier V8 de chez Chrysler. Présenté en 1951, il équipera toute la gamme Chrysler New-Yorker, Saratoga, Imperial ainsi que la 300 C pour les quelques années qui suivirent. Au fil des années et des modèles, sa cylindrée évoluera, passant de 331 ci, 354 ci et 392 ci. Il sera décliné sous le nom de « FireDome » chez DeSoto, filiale du groupe Chrysler, à partir de 1952, en


utilisant des cylindrées différentes : 276 ci, 291 ci, 330 ci, 341 ci et 345. Dodge, autre filiale du groupe, installa ce moteur dans ses voitures sous le nom évocateur de « Red Ram », avec encore d’autres configurations, à partir de 1953. Attention, toutefois : même s’il s’agit de moteurs de la même famille, ils comportent néanmoins certaines différences mécaniques. Ce moteur sera à l’origine de la course à la puissance qui va sévir durant des années entre les principaux constructeurs américains, carrément ! D’ailleurs, les pilotes ne s’y trompent pas, et ce moteur va briller dans toutes les disciplines mécaniques de l’époque. Janvier 1955, Chrysler sort la mythique 300-C, qui se vante de posséder 300 chevaux. Ce sera la première voiture de série qui annonce cette puissance. Un temps malmené par Cadillac, Chrysler vient de clore le débat avec une auto qui va s’imposer comme « la » référence en matière de puissance. Au fil des courses, le « FirePower » va bâtir sa réputation de moteur puissant, et donner ses lettres de noblesse à la firme crée par Walter P. Chrysler. Tim Flock va d’ailleurs gagner le championnat Nascar avec une 300-C. Puis arrive 1959. Et le vaillant petit moteur doit quitter le devant de la scène, pour laisser la place à des moteurs beaucoup plus simples mécaniquement, et au prix de revient beaucoup moins élevé pour le fabricant. Adieu « FirePower », et bonjour les nouvelles générations de moteur à culasses « wedge » et leurs chambres de combustion en coin, biscornues à souhait, l’augmentation importante de cylindrée

L’année où il apparu en dragster, le Chrysler 426 Hemi a fait gagner une seconde aux 400m à tous ceux qui l’utilisaient, le team Ramchargers en tête.

A partir de 1964, la deuxième génération de Hemi n’est plus disponible qu’en 426 ci de cylindrée (7 l), chez Dodge et Plymouth uniquement. Willem Weertman, Chrysler Chief Engineer, le présente ici devant une Dodge Polara (à gauche) et une Plymouth Sport Fury.

81


En 2014, le Hemi soufflait ses cinquante bougies. Sa version « street », apparue en 1965, lui avait valu le surnom affecteux d’Elephant Motor, tout un programme...

de ces nouveaux moteurs compensant largement la perte de puissance subie. Des esprits chagrins ou des fouineurs impénitents vont bien sûr faire remarquer que l’ingénieur Zora Arkus-Duntov, qui deviendra le papa de la Corvette chez GM quelques années plus tard, a sorti des culasses hémisphériques pour améliorer grandement les performances des petits flathead Ford, avec quasiment la même architecture que les culasses du FirePower, et cela dès 1947 ! Les célèbres culasses Ardun, hautement recherchées par les hot-rodders purs et durs. Certes… Mais les travaux de recherche chez Chrysler remontaient à 1942, rappelez-vous le moteur prototype du P47. Alors ? Fuite technologique ? Copie ? Avancées parallèles ? Espionnage ? Idée « dans l’air du temps » ? Sûrement un peu tout ça mélangé, mais ça méritait d’être signalé ! Même s’il quitte les catalogues, le FirePower reste la base préférée des racers de tout poil : gavé de nitrométhane, compressé, il va devenir l’arme absolue des dragstrips, motorisant tous les « fuelers » de Don Garlits, par exemple.

82

1963. Le bureau de recherches en motorisation de Chrysler décide de plancher sur un nouveau moteur pour gagner Daytona en 1964. Tom Hoover, l’ingénieur chargé de cette besogne, pense immédiatement qu’il sera beaucoup plus facile de sortir beaucoup de puissance d’un moteur type hémisphérique que de partir d’une base classique de moteur « polysphérique » comme Chrysler en propose depuis l’abandon du FirePower. Et pour la première fois, enfin, le nom de « Hemi » est lâché ! Ça y est, il est né, le fameux moteur Hemi. Le nom est enfin déposé, et ce sera sa nouvelle appellation commerciale. Et il en jette, ce moteur Hemi : gros V8 de 426 ci (presque 7 litres de cylindrée, reprenant la cylindrée de son ancêtre, le 426 Max Wedge), deux carburateurs, culasses en aluminium, des soupapes énormes , 4 boulons par palier de vilebrequin, une bête ! En 1964, quatre voitures à moteur Hemi sont inscrites à Daytona. Elles finiront respectivement 1ère, 2e, 3e et 4e ! La surprise est totale dans le petit monde de la course. Ce moteur devient instantanément le cauchemar des autres constructeurs, et la Nascar va même changer les règles, demandant à ce que les moteurs produits le soient à plusieurs centaines d’exemplaires, et installés dans des autos destinées au grand public, pour pouvoir courir. Pour ces raisons, Chrysler ne pourra participer à la saison 1965. Mais dès décembre 1964, la Belvedere « Super Commando 426 » est pourtant fournie avec un moteur Hemi de 425 chevaux ! Ces voitures sont vendues sans garanties, moteur de course oblige. 1965 voit produire le 426 « racing Hemi », nom de code A-990, avec culasses aluminium et pipe d’admission en magnésium, pour lutter contre l’ennemi de toujours : le poids. Ce moteur pouvait prendre 6400 rpm sans broncher, et il se murmure que sa puissance réelle était plus proche de 500 hp que des 425 annoncés… Dès 1966, le 426 devient le « Street Hemi ». Une version prétendument assagie de son grand frère, avec un taux de compression revu à la baisse et de nouvelles culasses en fonte, plus lourdes que les culasses en alu conçues à l’origine. Nouvelles tubulures d’échappement, nouvelle pipe d’admission, tout est fait pour fiabiliser ce moteur de course et le rendre accessible à Monsieur tout le monde. Ces années glorieuses voient naître des équipes fameuses, initiées par Chrysler et Tom Hoover, comme les « Ramchargers » par exemple. Nous sommes en plein dans la philosophie du « Win on Sunday, sell on Monday », qui veut dire en gros que la marque qui gagne le dimanche sera vendue le lundi, et beaucoup de garages se tirent la bourre, défendant « leur » marque bec et ongles. Certains dealers sont totalement dévoués à la performance, proposant même des autos qui n’existaient pas au catalogue Dodge. Norman « Mister Norm » Krause, à la tête du célèbre garage Grand Spaulding Dodge situé à Chicago, « fabriquait » des Dart équipées des 383 et 440, en séries limitées, complètement acquises à la cause du dragster !


Cette fois, on entre de plain-pied dans les années « Muscle Cars ». Et le 426 Hemi va s’en tailler les meilleures tranches. En 1969, Ford tenta d’enrayer la marche victorieuse de l’Hemi en sortant le Boss 429, moteur issu du 385 ci, qui présentait des culasses très fortement inspirées de celles du 426 de la division Chrysler. Sans toutefois être qualifiées de « hémisphériques », brevet Chrysler oblige, les culasses du Ford 429 ont le même principe, avec des soupapes l’une au-dessus de l’autre, entraînées par des basculeurs situés de part et d’autre de la culasse (mais fixées de façon individuelle, et non sur des rampes communes, comme chez Chrysler). Le Hemi régnera sur les courses d’accélération pendant absolument toute la durée de sa production. Près de 900 « race Hemi » sont produits entre 64 et 68, toutes voitures confondues, et la production du « Street Hemi » tourne autour de 10 000 exemplaires, entre 1966 et 1971. Puis, à partir de 1970, Chrysler décide d’abandonner ce moteur… De nouvelles clauses d’assurances pointent le bout de leur nez, et les possesseurs de Muscle Cars sont dans le collimateur : les prix flambent pour les amateurs de gros moteurs surpuissants et rouler Hemi devient cher. De même, les normes antipollution commencent aussi à faire des ravages, et les moteurs les plus puissants sont, là aussi, la cible des législateurs. Sans parler du prix de l’essence qui ne va pas tarder à exploser lors du premier choc pétrolier de l’histoire de l’Humanité. De plus, le prix de fabrication du 426 Hemi est bien plus élevé que le prix d’un « classique » 383 ou 440 ci… Et ne parlons pas du prix des équipements imposés par la pose d’un Hemi dans une auto de l’époque : inutile de préciser qu’il faut absolument tout renforcer pour résister à la puissance du gros V8 issu de la compétition. Les freins doivent être à la hauteur, ainsi que la transmission, le pont arrière, l’embrayage, la boîte de vitesses, etc. Cela grève fortement le budget ! 1971, le dernier Hemi sort de la chaîne. Il aura tout gagné, en Nascar, en Nhra, dans toutes les catégories possibles et imaginables. On considère que ce moteur a imposé sa griffe pendant 25 années dans le milieu de la compétition automobile. Personnellement, je dirais bien plus. Savez-vous que, à l’heure actuelle, ce type de moteur équipe toujours les moteurs à pistons les plus puissants utilisés en compétition ? Les fabuleux Top Fuel Dragsters, des monstres de plus de 10 000 chevaux (oui-oui, dix mille) capables de couvrir les 300 m (normes récentes, avant c’était 400 m) en moins de 4 secondes et à plus de 500 kph utilisent toujours des moteurs à culasses Hemi ! Certes beaucoup plus modernes dans les matériaux utilisés, mais à l’architecture en tout point identique à celle de 1965 ! Et finalement, on peut se dire que la différence n’est pas si énorme, vu qu’en 1970, des culasses Hemi à deux bougies par cylindre (comme utilisées en Top Fuel) étaient déjà disponibles à la vente (et bien sûr utilisées par des pilotes du calibre de Dick

Landy, Don Garlits et bien d’autres). « Alors, voyezvous, le moteur Acheuhemmhi, non seulement n’est pas nouveau, mais… » Un ronflement me parvient du fauteuil d’à côté. Mon interlocuteur est plongé dans un profond sommeil, peuplé de voitures en wheeling, de pneus qui fument, de rugissements de moteurs, d’odeur de nitrométhane. Je le savais, j’aurais pas dû rentrer dans les détails. Je me lève en silence, me dirige vers la sortie, et repasse devant la 300 C du show-room… Je ne suis pas sûr que, même elle, se rende bien compte du monument mécanique qui roupille sous son capot. Ni du morceau d’histoire qu’il représente. Une chose est sûre : pour tous les fans, les vrais purs et durs, pour les aficionados de Chrysler, Dodge, Plymouth, « Hemi » reste un mot magique ! Et il est toujours craint par les autres… Il fait désormais partie de la légende. Mieux : il EST la légende !

Abandonné au début des années 1970 à cause des primes d’assurance qu’il engendrait et de la flambée des cours du pétrole, le Hemi signait un retour fracassant, dans une toute nouvelle version, sous le capot de la Chrysler 300 en 2004.

83



‘65 DODGE CORONET A/FX Images : Kiki Desbois - Récit : Jean-Paul Milhé.

Bas de Laine de Proust La nouvelle génération de collectionneurs de véhicules anciens retape de la Citroën Visa, de la Simca 1100, de la Renault 16 ou de la Yamaha 125 DT...


C’est un phénomène générationnel très répandu dans le milieu du véhicule dit « de collection », on a tendance à y pénétrer en en rachetant un qui a marqué son enfance, sa jeunesse, son adolescence. La berline familiale du père, la petite bombe sportive de l’oncle un peu fou-fou, la belle anglaise du notaire, la Juva 4 de l’ami Ricoré ou la Mustang 1967 de Belmondo dans « Le Marginal », le 103 SP bleu ou le Vespa Ciao des années lycée ou tout simplement la 205 Junior sur laquelle on a passé son permis de conduire, les exemples se multiplient à l’infini, tout comme les déclics qui ont généré tel ou tel attachement. Et comme on vit à l’heure actuelle une époque palpitante (!) tant sur le plan économique que politique, dans les médias, la création, la mode ou le courant musical mainstream, le phénomène a tendance à s’amplifier. Même le tube de l’été apparu dans les années 1960 avec les Yéyés, est passé à la trappe, plus rien ne semble sortir du lot. De nos jours, avec cette sacro-sainte hégémonie galopante de la norme et de l’uniformisation, allez donc distinguer une Mazda d’une Peugeot, une Toyota d’une Opel, un Nokia d’un Samsung, un Airbus d’un Boeing. Alors désormais, plus un dimanche sans son marché retro-vintage, plus une concentre d’américaines sans son concert de rockabilly, plus une ville de moyenne importance sans son restaurant-diner, damier de carrelage rose et bleu, banquettes en skaï assorties, écusson de tôle peinte Route 66 et Marylin en plastique, échelle 1...

86


Les injecteurs d’origine GM sont littéralement gavés en essence au moyen d’une pompe électrique Weldon, montée directement sur le réservoir de carburant spécial compétition et assurant jusqu’à 50 psi de pression.

Les Américains ne sont pas en reste, eux qui s’accrochent, avec un patriotisme parfois un peu trop exacerbé, à un passé somme toute récent. Le petit Jim Hetrick de Lake Forest en Californie par exemple, a passé une bonne partie de son enfance sur les gradins de l’Orange County internationnal Raceway, pas tellement côté circuit routier mais plutôt côté piste d’accélération sur 1/4 de mile, une des passions de son père. Situé à l’intersection de l’Interstate 5 et de Santa

Ana Freeway et fermé en 1983, l’OCIR fut construit au beau milieu des années 1960 et représentait, au jour de son inauguration, l’installation la plus moderne dédiée au drag racing, ce qui lui valut d’emblée le surnom de Supertrack. Et si la piste, qui revêtait des conditions d’adhérence et de sécurité optimum, avait été tout particulièrement soignée, le public n’était pas en reste : gradins ultra modernes, sièges avec dossier, sonorisation, stands de restauration rapide, fontaines à eau, toilettes...

87


tout le confort d’un stade de football accueillait à bras ouverts le badaud et les courses officielles de la National Hot-Rod Association. Pour la toute première fois, un tableau d’affichage électrique de douze mètres de haut permettait de suivre des débats arbitrés de la manière la plus consciencieuse possible depuis une tour de contrôle de quatre étages abritant les bureaux de l’administration du site. Du pain béni pour la famille Hetrick qui résidait non loin de là, à cinq miles environ (8 km), soit à moins d’un quart d’heure en voiture... Et lorsque le moment arriva où il fallut se résoudre à prendre position, à désigner son héraut, à se rallier sous une bannière, un étendard, pour le petit Jim, c’est sur Norm Kraus que le choix se porta. Kraus avait débuté sa carrière au début des années 1950 en vendant des voitures d’occasion avec son frère, dans la station service familiale sise à l’angle de Grand Avenue et de Spaulding Avenue à Chicago, dans l’Illinois. Sollicité par Dodge, les frangins dont les résultats étaient probants, acceptèrent de représenter la marque : Grand Spaulding Dodge ouvrit ses portes en 1962, après un sévère relooking des lieux, plus en adéquation avec les ambitions nouvelles de la maison. Les frères Kraus l’avaient constaté par eux-mêmes, la performance était un argument auquel était extrêmement sensible l’acheteur qui vivait avec son temps. Norm, allias « Mr. Norm », percevant en cela un bon moyen de joindre l’utile à l’agréable, commença par créer dès 1963 le Mr. Norm’s Sport Club, histoire de resserrer les liens avec cette clientèle d’énervés, pour finir par engager en course, en 1964, pas moins de deux voitures, l’une propulsée par le fameux 413 ci Max Wedge et l’autre par le tout nouveau moteur à culasses hémisphériques du groupe Chrysler, rebaptisé Red Ram pour la division Dodge (voir p. 76). Pour enfoncer le clou de cette campagne de communication des plus ambitieuses, Norm n’hésita pas à inonder les ondes radio d’un message relayant la toute nouvelle orientation sportive de cette concession Dodge de Chicago (alors que les mots « Dodge » et « performance » étaient rarement jusqu’alors accolés l’un à l’autre dans une même phrase !). Et afin d’être parfaitement en phase avec la clientèle plutôt jeune et plutôt masculine qu’il visait, c’est sur le réseau WLS de Chicago qu’il s’appuya : branchée à fond sur le rock’n’roll et toutes ces nouvelles musiques de dégénérés (dixit l’Américain moyen élevé au bon grain de la bondieuserie et de l’austérité), cette radio se trouvait être celle qui était la plus écoutée par les teenagers sur tout le territoire des Etats-Unis.

88




C’est un boîtier d’allumage MSD 6AL qui gère la qualité et la fréquence d’émission des étincelles. Il est secondé dans sa tâche par une bobine Blaster II, un allumeur Pro Billet et des fils de bougies Moroso.

Cela dit, toute campagne de communication reste vaine si les résultats ne sont pas au rendez-vous, Américain ou pas, on ne lâche pas ses biftons verts chez les losers... Bien conscient de ça, Norm Kraus soigna tout particulièrement la construction d’une nouvelle Coronet à moteur Hemi compressé, son principal cheval de bataille pour la saison 1965, confiée au pilote Gary Dyer et inscrite dans la catégorie reine dans le cœur du public de l’époque : l’A/FX. A : Altered. FX : Factory Experimental. Le succès grandissant des courses de dragsters dans les années 1960 provient en grande partie des « petites catégories », les gassers, courues sur des autos populaires auxquelles le grand public peut s’identifier, issues de la grande série et carburant à l’essence du commerce (gas) par opposition aux fusées-prototypes des « grosses catégories » carburant à l’alcool ou à l’oxyde nitreux. Attirés par la lumière et les éventuelles retombées médiatiques et financières qu’un tel sport peut générer, les grands constructeurs ne vont pas tarder à taper au carreau de la NHRA. En 64, apparaît une classe qui leur est réservée : l’A/FX et son règlement permissif autorisant toutes les extravagances (injection, compresseur, modifications de châssis, etc.). Pas question bien entendu pour les « trois grands » d’interrompre les chaînes de montage dans les usines pour assembler quelques exemplaires de dragsters. Non, ils vont se contenter de fournir

à des préparateurs en vue tels que Dick Landy, the Ramchargers, Roger Lindamood ou Sox & Martin, le meilleur de leurs moteurs et des carrosseries de grande série qu’il va falloir modifier avec un seul but, briller ! La combinaison gagnante en ce temps-là, c’est l’altered wheelbase (empattement modifié) : en avançant le pont et le train avant d’un véhicule, on obtient un meilleur transfert des masses, une motricité et donc une efficacité accrues. De nouveaux paquets de lames de ressort à l’axe décentré permettaient d’avancer légèrement le pont arrière, ce qu’une paire de slicks de grand diamètre permettait d’occulter presque en totalité : seul un œil averti pouvait lever le lièvre. Au final, on obtenait bien un altered wheelbase. Certains préparateurs de l’A/FX exagérèrent à outrance ce glissement des trains roulants vers l’avant en déplaçant les arches de roues des ailes arrière vers l’avant et à l’avant justement, en fixant un essieu rigide sur des lames longitudinales : il en résultait une silhouette étrange, complètement déséquilibrée et aux proportions bizarres, ce qui fut à l’origine de l’appellation funny car, terminologie toujours en vigueur aujourd’hui. Construite selon ces quelques préceptes de bon aloi et munie d’un 426 Hemi conçu par Chrysler pour la compétition et surmonté d’un petit compresseur des familles, la Coronet de Norm Kraus a annoncé la couleur dès sa première participation au Lions Dragway du district de Wilmington à Los Angeles, en signant un imparable 8,63 s qui lui valut même la couverture du « Los Angeles Herald », la feuille de chou locale !

91


Si la plupart des autres teams avaient eux aussi fait péter le plancher de verre des neuf secondes (merci le Hemi !), pas un ne l’avait fait dans de telles proportions. A noter que ce record est resté invaincu pendant des lustres et que ce run d’anthologie figure encore au panthéon du dragster californien dans le top quatre des aficionados. Ce jour-là, Jim Hetrick et son père avaient fait une heure et demie de route pour assister aux courses et le petit Jim a quitté les tribunes, à la fin du spectacle, avec les accoudoirs de son fauteuil à la main... Près de cinquante ans plus tard, pour lui, l’heure de la quille a sonné. Il vend sa boîte, sa maison est payée, les gosses

Le kit d’injection électronique Hilborn comprend des tubes d’admission d’air bien trop courts au goût de Jim qui a fait fabriquer ceux-ci sur mesures en aluminium poli. Leur taille ? 40 cm !

92

volent de leurs propres ailes, il se retrouve donc avec un petit bas de laine à dépenser à sa guise et certains souvenirs ne l’ont pas quitté. En proie à certaines idées fixes, il se dégotte une Coronet de 65. L’auto, inachevée, a été en grande partie restaurée dans les règles de l’Art, et le vendeur n’a pas lésiné sur la belle pièce. Il a, entre autres, fortement à propos investi dans un moteur Hemi de chez Chrysler Performance, acheté neuf en caisse dans une version dérivée cubant 528 ci (8,6 l !) et affichant 640 hp sur la balance. Affublé d’une pipe d’admission cross-ram un poil basique, le moteur tourne mais ne semble pas délivrer tout le potentiel dont il dispose. Et ça tombe bien car Jim a d’autres projets en tête. Son rêve à lui, mixe le souvenir du gasser Coronet de Norm Kraus et l’esthétique outrancière des tubes d’admission d’air qui coiffent les injections Hilborn et qui déchirent le capot de bien des engins de record de vitesse et de street machines depuis avril 1948 ! « Je vous souhaite des rêves à n’en plus finir et l’envie furieuse d’en réaliser quelques-uns. » Jacques Brel.



COMPLÉTEZ VOTRE COLLECTION

#01

#02

#03

Dossier : Surf ’s Up ‘48 Matford canadienne Society : la prohibition ‘64 Triumph 650 custom Eric Tabarly et ses Pen Duick Saga Gee Bee Aircraft part.ii Sinclair oil corporation ‘72 Plymouth Fury Sport Suburban

#04

GM Futurliner, la Parade du Progrès Architecture : la Maison Bernard Streamline Hazan BSA 500 Fiat 1911, La Bête de Turin Mobilgas Socony-Vacuum Betty Skelton, aviatrice 426CI Hemi Chrysler Engine ‘65 Dodge Coronet Sedan a/fx Hydroplane Timossi Ferrari Arno xi 1953

A N C I E N S NU M ÉR O S BON DE COMMANDE A imprimer, à remplir lisiblement et à retourner avec votre règlement à : Éditions Maison Rouge, 4, rue de la Corne - 58240 Chantenay-Saint-Imbert ARTICLE / DÉSIGNATION

QUANTITÉ

PRIX UNITAIRE

TOTAL

Carlingue #1

x

14 €

=

Carlingue #2

x

14 €

=

Carlingue #3

x

14 €

=

Carlingue #4

x

14 €

= =

Frais de port et d’emballage *Inclus pour la France Métropolitaine. Pour envoi dans les DOM-TOM ou à l’étranger, contactez-nous : onlinestore@carlingue.net

Inclus* Montant total de ma commande =

MES COORDONNÉES M., Mme, Mlle Entreprise / organisme Adresse Code postal

Ville

Téléphone

E-mail

JE RÈGLE PAR : Chèque bancaire, à l’ordre des Éditions Maison Rouge

Date :

Carte bancaire

Signature :

N° de carte : Date d’expiration : Crypt :

94

Mandat postal, à l’ordre des Éditions Maison Rouge

(MM/AA)

(3 derniers chiffres au dos de la carte)


AB ON N EZ -V O U S! 1 AN

NEUTRAL

45 €

NEUTRAL, la formule classique de l’abonnement « papier ». Tous les trois mois, recevez Carlingue® dans votre boîte aux lettres...

-20%

45 € au lieu de 56 € pour un an, soit 4 numéros.

DRIVE

28 €

DRIVE, l’abonnement au format numérique. Pour vous, fini le papier, retrouvez Carlingue® en ligne sur votre PC, votre tablette ou votre Smartphone et conservez-le dans votre e-bibliothèque. Au passage, économisez 50 % !

1 AN

-50%

28 € au lieu de 56 € pour un an, soit 4 numéros.

OVERDRIVE

46 €

OVERDRIVE, l’offre Premium : pour 1 € de plus, cumulez l’abonnement papier ET le support numérique !

+1€

46 € au lieu de 73 € pour un an, soit 4 numéros.

BULLETIN D’ABONNEMENT A imprimer, à remplir lisiblement et à retourner avec votre règlement à : Éditions Maison Rouge, 4, rue de la Corne - 58240 Chantenay-Saint-Imbert Je souscris à la formule NEUTRAL (papier) pour une durée de 1 an (4 numéros), soit 45 euros Je souscris à la formule DRIVE (numérique) pour une durée de 1 an (4 numéros), soit 28 euros Je souscris à la formule OVERDRIVE (papier + numérique) pour une durée de 1 an, soit 46 euros MES COORDONNÉES M., Mme, Mlle Entreprise / organisme Adresse Code postal

Ville

Téléphone

E-mail

JE RÈGLE PAR : Chèque bancaire, à l’ordre des Éditions Maison Rouge

Date :

Carte bancaire

Signature :

N° de carte : Date d’expiration : Crypt :

Mandat postal, à l’ordre des Éditions Maison Rouge

(MM/AA)

(3 derniers chiffres au dos de la carte)

95


LA BOUTIQUE CLASSIC TEE

IGNITION

T-shirt gris chiné 85 % coton / 15 % polyester Double bord piqué Sérigraphié Tailles S au XXL

Porte-clés classique en cuir et métal mat, double anneau porte-clés en acier chromé gravé au laser,

22 €

15 € WA R M - U P

RACE IS OVER

Mug en inox double paroi isolante, contenance 220 ml, gravé au laser

Polo manches courtes gris clair softpiqué 90 % coton / 10 % polyester Brodé Tailles S au XXL

28 €

45 €

Snow patrol

DI MAGGIO

Le bonnet tricoté 100% acrylique, logo brodé, taille unique la star des sports d’hiver !

Casquette baseball 100 % coton peigné, visière préformée, fermeture à clip réglable au dos, couleur : gris Sérigraphiée

25 €

22 € ROBBIE

M ATA H A R I

Lunettes de soleil en matière synthétique, protection UV-400 selon normes européennes, coloris blanc, taille unique

Clé USB en cuir avec anneau à clé utilisable en Plug & Play sous Windows, Mac et Linux, fonction Autorun, capacité de stockage de 2 Gb

22 €

22 € Flasque à alcool, inox brossé, bouchon à visser, contenance 200 ml, gravée au laser

contact@carlingue.net 96

45 €

Photographies non contractuelles

BOOTLEG


COLD CASE

T W O PA C K

Sweat à capuche gris chiné 75 % coton / 25 % polyester doublé fleece 270 g/m² fermeture éclair métal sérigraphié Tailles S au XXXL

Duo de stylos Carlingue : un stylo en aluminium à encre bleue, insert perfect grip en caoutchouc, clip, pointe et anneaux en métal, plus un stylo bois en hêtre massif, encre bleue, clip et pointe chromés.

65 €

12 € CHERBOURG

TIME TO RACE

Parapluie en nylon, cadre et manche en métal, poignée bois, diamètre 127 cm Impression sublimation

Montre homme avec boîtier en acier argenté verre minéral bracelet cuir noir Sérigraphiée

55 €

55 €

BON DE COMMANDE A imprimer, à remplir lisiblement et à retourner avec votre règlement à : Éditions Maison Rouge, 4, rue de la Corne - 58240 Chantenay-Saint-Imbert La boutique en ligne : contact@carlingue.net ARTICLE / DÉSIGNATION

QUANTITÉ

TAILLE

PRIX UNITAIRE

TOTAL

Montant total de mes articles [1] Frais de port (10 % du montant total, gratuit au-delà de 100 euros)* [2] Montant total de ma commande [1+2] *Frais de port valables pour la France Métropolitaine. Pour envoi dans les DOM-TOM ou à l’étranger, contactez-nous : onlinestore@carlingue.net

MES COORDONNÉES M., Mme, Mlle Entreprise / organisme Adresse Code postal

Ville

Téléphone

E-mail

JE RÈGLE PAR : Chèque bancaire, à l’ordre des Éditions Maison Rouge

Date :

Carte bancaire

Signature :

N° de carte : Date d’expiration : Crypt :

Mandat postal, à l’ordre des Éditions Maison Rouge

(MM/AA)

(3 derniers chiffres au dos de la carte)

97


Insolite

placé sous... la tourelle, et d’un éclairage de position latéral. Inspiré des auto-tamponneuses, un boudin de caoutchouc cernait tout le pourtour du véhicule dans sa partie inférieure mais ce qui marquait le plus les esprits, c’est ce poste de pilotage surélevé offrant au conducteur une vision à quasiment 360°, de quoi voir venir de loin, là aussi, les embrouilles ! Toujours dans une optique de protéger les passagers, l’habitacle avait été renforcé par un arceau de sécurité, tandis que les portes s’ouvraient en coulissant vers l’arrière. De l’International Auto Show à l’Expo universelle de New York en 1964, en passant par le Foreign & Sports Car Show de Boston, Sir Vival fut présentée partout, Walter C. Jerome tentant désespérément de réunir les fonds nécessaires à la mise en production de son invention. Avec un prix de vente annoncé de $10,000, soit le double d’une Cadillac Serie 62, il obtint à peu près autant de succès que l’inventeur de la pince à dénoyauter les bananes : le Monde n’était sans doute pas prêt !

La Vie Moderne Dans la famille Farfelu, je voudrais le père. Walter C. Jerome est en effet le papa de ce qu’il qualifiait de « véhicule révolutionnaire ». En véritable Don Quichotte des temps modernes, ce diplômé du Northeastern University’s College of Engineering, s’était révolté contre le désintérêt, qui lui paraissait flagrant, des grands constructeurs automobiles envers la sécurité des usagers de la route. Il enfourcha donc son fidèle Rossinante et consacra près de dix ans à la construction d’un prototype de Sir Vival (survival = survie, « fin jeu de mot » comme l’aurait dit Maître Cappelo aux Jeux de 20 heures !) à partir d’une vénérable Hudson de 1948, achetée neuve en concession et découpée dans la foulée en deux parties distinctes et articulées. Ce dispositif permettait, selon Jerome, de mieux absorber l’énergie cinétique de l’impact dû à un choc, qu’il soit frontal ou latéral, et par conséquent de préserver la vie des passagers arrimés à leur siège au moyen d’une autre innovation : la ceinture de sécurité. La nuit, cette configuration permettait d’éclairer l’intérieur des virages, idée reprise plus tard chez Citroën avec les phares directionnels de la DS. Le dispositif d’éclairage était complété par un troisième phare additionnel

98


Modèle : Cruz Couleur : Cola Autonomie : 56 km Vitesse : 38 km/h en mode Race DurÊe de rechargement : 2 heures

The Ride of a Lifetime www.vintageelectricbikes.com


14 €

#4 Janvier/Février/Mars 2017

Les Éditions Maison Rouge 4, rue de la Corne, 58240 Chantenay-Saint-Imbert


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.