Positionspapier_Bildung_2025_F_Internet

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« La formation est un des chemins qui permet de sortir de la pauvreté. Mais sans la suppression systématique des barrières structurelles, cette option reste inaccessible pour de nombreuses personnes touchées par la pauvreté. »

Prise de position de Caritas sur la formation des adultes

Améliorer les chances de formation pour réduire les risques de pauvreté

L’apprentissage tout au long de la vie : un vœu pieux pour beaucoup

En bref : Dans notre société du savoir, la formation joue un rôle crucial dans la lutte contre la pauvreté. Elle ouvre non seulement de nouvelles perspectives professionnelles, mais elle permet aussi de vivre de manière autonome. Pourtant, ce sont souvent les adultes aux revenus modestes qui n’ont pas la possibilité d’apprendre tout au long de leur vie.

Les personnes en situation de pauvreté ou de vulnérabilité doivent souvent mettre leurs projets éducatifs en attente, car ils sont incompatibles avec leur réalité. Leur lutte quotidienne pour assurer leur subsistance mobilise toutes leurs ressources mentales et s’accompagne souvent de problèmes de santé, de mauvaises conditions de logement ou de tensions familiales. Le temps et l’argent manquent pour suivre des cours ou des formations continues. Les offres de garde d’enfants coûteuses et les aides financières publiques insuffisantes compliquent encore plus la participation à des mesures de qualification.

Ces obstacles aggravent la situation déjà précaire des personnes en situation de pauvreté et creusent le fossé social. Pour que toutes et tous puissent se former et se perfectionner de la manière souhaitée, il est urgent de prendre des mesures ciblées. Celles-ci doivent être mises en œuvre dès le début de la scolarisation et supprimer les obstacles qui empêchent d’accéder à la formation continue à l’âge adulte.

La formation est l’une des clés de la prévention et de la lutte contre la pauvreté. Elle ouvre les portes du marché du travail et permet ainsi de subvenir à ses besoins. Elle pose les bases de la participation sociale, de l’épanouissement personnel et de la gestion autonome du quotidien. Aujourd’hui, ceux qui n’acquièrent pas constamment de nouvelles connaissances risquent de perdre le fil, car notre monde est constamment soumis à des changements dynamiques en raison des progrès technologiques et de l’interdépendance mondiale croissante. Les exigences du monde du travail et de la vie quotidienne augmentent.

Les personnes qui entrent dans la vie adulte avec des compétences et des qualifications insuffisantes et qui ne suivent pas de formation continue ont plus de mal à suivre le rythme de ces changements rapides. Elles risquent plus de tomber dans la pauvreté, car elles perdent potentiellement plus rapidement leur emploi ou se trouvent dans des emplois précaires qui offrent à peine un salaire minimum. L’apprentissage tout au long de la vie est donc considéré comme une nécessité absolue.

Pourtant, les personnes en situation de pauvreté et de vulnérabilité sont toujours confrontées à des barrières structurelles qui les empêchent d’accéder à la formation continue et au perfectionnement nécessaires. Les défis sont nombreux : les parents ne trouvent pas de structures d’accueil abordables pour leurs enfants, les employeurs encouragent surtout les collaborateurs hautement qualifiés, les compétences de base sont lacunaires, les offres adaptées aux besoins font défaut et le soutien financier des pouvoirs publics est insuffisant. Même les efforts déployés par la Confédération et les cantons au cours des dernières années, par exemple pour améliorer les conditions générales d’obtention de diplômes professionnels pour les adultes ou pour développer des formats de cours innovants, n’ont permis de réduire que partiellement les difficultés existantes.

Il y a un moyen de dépasser cette situation. Si nous parvenons à supprimer ces barrières, nous pourrons offrir de meilleures perspectives de vie grâce à la formation et pour sortir du piège de la pauvreté. La suppression systématique de ces obstacles permettra de créer une société dans laquelle chacun peut développer son potentiel, indépendamment de ses moyens financiers ou de son origine sociale.

Toutefois, la formation (continue) ne remplace pas des salaires décents et des conditions de travail équitables. L’économie mise parfois délibérément sur une main-d’œuvre dont les qualifications professionnelles sont insuffisantes ou inexistantes. Ainsi, les opportunités de formation et un salaire décent sont les deux piliers fondamentaux de la prévention et de la lutte contre la pauvreté.

Le lien entre le manque de formation et la pauvreté

Selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), environ 13,7 % de la population active, soit quelque 680 000 personnes âgées de 25 à 64 ans en Suisse, n’ont pas ou peu de qualifications professionnelles. En 2023, environ un tiers de ces personnes étaient considérées comme menacées de pauvreté et un huitième était directement touché par la pauvreté. En comparaison, en Suisse, 16,1 % de la population est considérée comme menacée de pauvreté et 8,1 % est effectivement touchée par la pauvreté. Le risque accru de tomber dans la pauvreté pour les personnes « peu qualifiées » se reflète dans les statistiques de l’emploi : en 2024, seuls 68,2 % des adultes sans formation post-obligatoire exerçaient une activité professionnelle, contre 84,6 % des personnes qui ont suivi une formation professionnelle initiale et 91 % de celles qui ont obtenu un diplôme d’enseignement supérieur. Selon les dernières statistiques sur les personnes recourant à l’aide sociale, la moitié de celles âgées de 25 à 64 ans n’ont pas de diplôme au-delà de la scolarité obligatoire.

Ces données illustrent le lien entre le niveau de formation et la pauvreté. Un facteur central de la vulnérabilité accrue des adultes sans formation post-obligatoire ou avec un « niveau de formation inférieur » global est leur participation limitée au marché du travail. Les diplômes et certificats formels restent des critères décisifs, et, sans ces qualifications, les opportunités d’emploi sont fortement limitées, ce qui réduit les perspectives d’occuper des postes mieux rémunérés et se transforme généralement en piège, précipitant les personnes concernées dans la pauvreté. Certes, la majorité des adultes qui ont besoin d’une qualification exercent une activité professionnelle, mais tous ne parviennent pas, loin s’en faut, à assurer leur subsistance avec ce revenu. Souvent, leur salaire ne suffit pas pour vivre. Le cumul d’activités professionnelles est donc très répandu, les personnes concernées exerçant plusieurs emplois pour joindre les deux bouts.

Pourquoi les guillemets : une approche critique des termes stigmatisants

Des expressions telles que « personnes peu qualifiées », « faible niveau d’éducation », etc., décrivent essentiellement des personnes qui ont une formation moins formelle ou dont les qualifications professionnelles sont « limitées ». Les guillemets indiquent que ces termes ne sont pas à utiliser à la légère. Ils reflètent des valeurs sociales ou des attentes répandues et doivent donc être utilisés de manière critique.

De telles catégorisations reposent sur des hypothèses normatives selon lesquelles certains diplômes ou parcours de formation sont considérés comme plus souhaitables que d’autres. Par conséquent, les adultes qui n’ont pas suivi d’études supérieures ou qui n’ont pas de compétences dans des domaines spécifiques sont souvent exposés à des attributions dévalorisantes et à des stigmatisations qui peuvent leur peser lourdement. Ainsi, les personnes sont réduites à de prétendus déficits de formation, alors que leur potentiel réel est ignoré. En outre, ces expressions occultent souvent une partie de la réalité, car elles négligent l’influence des inégalités en matière d’accès à la formation.

Le

manque de formation : un tremplin vers les emplois précaires

Parmi les 336 000 travailleurs pauvres, les employés sans formation post-obligatoire sont surreprésentés, comme le montre l’OFS. Par rapport à la moyenne, ces personnes ont trois fois plus de risques de vivre en dessous ou juste au-dessus du seuil de pauvreté, même si elles ont un emploi. Les causes sont multiples : les personnes concernées occupent souvent des postes à bas salaire et ont des conditions de travail atypiques et précaires, telles que des contrats de travail sur appel, des contrats à durée déterminée, l’absence de protection sociale et des horaires de travail irréguliers comme le travail en équipes ou le travail de nuit (Mey 2023). Dans ce contexte, les revenus de ces personnes sont souvent incertains et très fluctuants. Bien que ces emplois soient socialement indispensables, ils n’offrent guère de perspectives d’évolution ou de chances d’obtenir un salaire plus élevé. Les activités typiquement concernées sont le nettoyage, les services de courrier ou les autres branches à bas salaire.

Les conditions de travail dans ces secteurs à bas salaires ne sont pas seulement problématiques sur le plan financier, elles sont également éprouvantes sur le plan physique et psychologique. Nombre de ces emplois sont physiquement pénibles et peuvent être dangereux pour la santé. Le stress permanent lié à ces professions peut entraîner des problèmes psychologiques tels que l’épuisement chronique, l’anxiété ou l’isolement, la dépression, l’épuisement professionnel et le surmenage.

À long terme, cela rend l’intégration professionnelle plus difficile. De plus, les personnes issues de milieux socio-économiques défavorisés manquent souvent d’un réseau de soutien qui pourrait les aider à trouver un emploi ou à progresser dans leur carrière.

D’autres discriminations liées au sexe, à l’âge ou au statut de séjour augmentent encore le risque de pauvreté : les femmes continuent de recevoir des salaires inférieurs et sont désavantagées dans le processus de recrutement ; les travailleurs âgés sont souvent laissés pour compte en cas de menace de licenciement ou dans leur recherche d’emploi ; les personnes dont le statut de séjour est incertain, comme les requérants d’asile ou les sans-papiers, ont souvent un accès limité au marché du travail et aux offres de soutien public. Leur autorisation de séjour est soit limitée dans le temps, soit restreinte, soit insuffisamment légalisée. Même les personnes issues de l’immigration et bénéficiant d’un statut de séjour sûr sont souvent victimes de discriminations lors de la recherche d’un emploi en raison de caractéristiques visibles telles que le nom de famille ou leur apparence.

Comment

la participation à la formation continue dépend du niveau de formation et du portemonnaie

L’une des voies pour sortir de la précarité est donc la formation, initiale et continue. Cependant, les résultats du dernier microrecensement sur la formation initiale et continue montrent clairement qu’en Suisse, les personnes à haut revenu avec un bagage de formation important ont un net avantage en matière d’accès à la formation continue. Ce contraste n’est aussi marqué dans aucun autre pays européen (CSRE 2024, 354 et suivantes).

Graphique 1 illustre les inégalités dans la participation à la formation continue selon le niveau d’éducation. 61,7 % des adultes ayant obtenu un diplôme d’enseignement supérieur ont suivi une formation continue au cours des douze derniers mois. En comparaison, les personnes qui se sont arrêtées après une formation générale (par exemple école de culture générale ou maturité gymnasiale) ou professionnelle ont deux fois moins de chances de participer à ces cours (37,6 %). Les adultes sans formation post-obligatoire ont même un taux de participation quatre fois plus faible (16,4 %).

Graphique 2 illustre à quel point les ressources financières limitées et le manque de soutien de l’employeur influencent les opportunités d’accès à la formation continue. Plus le revenu est bas, plus la probabilité d’avoir suivi une formation continue en entreprise au cours des douze derniers mois est faible. Seuls 26,1 % des personnes actives appartenant au premier quintile de revenu, c’est-à-dire au groupe de revenus les plus faibles, ont bénéficié de mesures de formation continue soutenues par leur employeur. Dans la tranche de revenus la plus élevée, 60,8 % ont bénéficié d’un soutien de leur employeur pour leur formation continue professionnelle.

Les formations continues à l’âge adulte renforcent donc les inégalités de formation et de revenus et les conséquences sont terribles. Les personnes ayant un « niveau d’éducation inférieur » et un faible revenu restent prisonnières de leur statut social, ce qui rend toute ascension impossible. La pauvreté devient ainsi souvent un état permanent, une situation problématique non seulement pour les individus concernés, mais aussi pour la société dans son ensemble, car elle contribue à creuser le fossé social et à aggraver la pénurie de maind’œuvre qualifiée.

Participation à une formation continue au cours des 12 derniers mois, selon le niveau de formation en % de la population résidente permanente âgée de 25 à 74 ans

Degré tertiaire

Degré secondaire II

Figure 1

Exemple de lecture : 16,4 % des personnes âgées de 25 à 74 ans ne disposant d’aucun diplôme d’études supérieures ont participé à une formation continue au cours des douze derniers mois.

Source : Office fédéral de la statistique (2022), Microrecensement sur la formation initiale et continue

Participation à une formation continue à des fins professionnelles au cours des 12 derniers mois selon le revenu (en quintiles) en % de la population résidente permanente âgée de 25 à 64 ans

Salaire très élevé (5ème quintile)

Salaire élevé (4 ème quintile)

Salaire moyen (3 ème quintile)

Salaire bas (2 ème quintile)

Salaire très bas (1 er quintile)

L’employeur soutient la participation

L’employeur ne soutient pas la participation

Pas de participation

Figure 2

Exemple de lecture : 26,1 % des personnes âgées de 25 à 64 ans ne disposant d’aucun diplôme supérieur à la scolarité obligatoire ont participé à une formation continue au cours des douze derniers mois. En outre, 6 % ont suivi une formation continue sans le soutien de leur employeur. En revanche, 67,9 % n’ont suivi aucune formation continue.

Source : Office fédéral de la statistique (2022), Microrecensement sur la formation initiale et continue

Les obstacles à la formation : pression économique et barrières structurelles

Des mesures de qualification ciblées pour les adultes menacés de pauvreté ou concernés par un besoin de formation continue peuvent améliorer efficacement leur intégration sociale et professionnelle. Les politiques ont reconnu l’urgence de la situation et ont déjà entamé des démarches au niveau national et cantonal. Ces efforts soutiennent également l’objectif 4 de l’Agenda 2030 pour le développement durable, qui vise à donner à tous les moyens d’apprendre tout au long de la vie. La loi sur la formation continue, introduite en 2017, constitue la base juridique de certains de ces efforts. L’initiative « Formation professionnelle 2030 » en fait partie. Elle permet de développer en permanence des offres de formation adaptées aux besoins et de continuer à étendre les offres de formations de mise à niveau pour les adultes. En outre, le programme d’impulsion 2020–2024 du SECO a soutenu de nombreux projets de réinsertion des chômeurs de longue durée sur le marché du travail. Le programme de promotion « Simplement mieux ! au travail » offre quant à lui la possibilité d’organiser des formations pratiques en lecture, écriture, calcul, informatique et langues directement dans les entreprises. Dans le cadre du Programme national contre la pauvreté, des bases scientifiques sont élabo rées, des recommandations d’action sont formulées et des projets pratiques sont soutenus, comme par exemple celui de la Fondation pour l’alphabétisation et la formation de base avec Alfa-Telefon Schweiz – une ligne d’assistance gratuite pour les offres de formation dans le domaine des compétences de base et de la mise à niveau.

Malgré toutes ces mesures, les statistiques actuelles de la Confédération et les expériences de Caritas montrent que les adultes disposant d’un budget serré restent largement exclus des formations continues. Quatre barrières structurelles y contribuent.

L’inégalité des chances tôt dans la vie a des répercussions sur l’ensemble du parcours de formation

La recherche montre clairement qu’en Suisse l’origine sociale détermine déjà dans une large mesure les qualifications et compétences ultérieures (Becker 2013). Ce constat n’est aussi prégnant dans presque aucun autre pays, comme le révèle une récente étude transnationale de l’OCDE. Ainsi, l’égalité des chances n’est déjà plus garantie avant l’entrée au jardin d’enfants.

Les enfants issus de familles touchées par la pauvreté sont souvent exposés à des conditions de vie difficiles qui limitent leurs chances de développement. Cela se répercute sur leurs opportunités de formation et sur leur potentiel à s’épanouir selon leurs talents. De mauvaises conditions de logement laissent peu d’espace pour la découverte ou la réflexion et n’offrent pas un environnement propice à l’apprentissage. De plus, les parents n’ont généralement pas non plus la capacité d’encourager leurs enfants de manière ciblée et de les soutenir dans leur formation. Les difficultés financières et la pression du temps sont omniprésentes et les parents doivent concentrer leur énergie sur la gestion du quotidien. Dans de nombreux cas, les enfants ressentent très tôt ces soucis existentiels, ce qui peut entraîner des difficultés psychologiques telles que la nervosité ou les troubles du sommeil. De plus, le budget serré du ménage suffit à peine à financer des activités extrascolaires ou des cours de soutien. Alors que les enfants issus de milieux modestes profiteraient justement de mesures d’encouragement précoces, ils y participent nettement moins souvent que leurs camarades issus de milieux privilégiés. Cela vaut en particulier pour l’accès aux offres d’accueil extra-familiales telles que les crèches ou les groupes de jeu : les coûts sont souvent trop élevés pour des parents qui rencontrent des difficultés financières.

La sélection tôt dans la vie renforce l’inégalité des chances en matière d’éducation

En Suisse, la sélection de l’école primaire vers les différents niveaux de performance du secondaire, intervient très tôt en comparaison internationale. Ceci renforce les inégalités par rapport au reste du monde, comme le rappellent des chercheurs (Möser et al. 2022). Les élèves issus de milieux socioéconomiques défavorisés ont tendance à rester dans le profil d’exigences le plus bas, même s’ils ont de bons résultats scolaires. Les enseignants semblent faire moins confiance à ces enfants ou aux parents peu familiarisés avec le système scolaire. Les ménages à faibles revenus reconnaissent les avantages d’un parcours éducatif plus long, mais ne peuvent

souvent pas en supporter la charge financière. En effet, après le passage à l’enseignement secondaire, les perspectives sont largement prédéterminées : le niveau d’études fréquenté limite considérablement les options d’apprentissage ou d’enseignement général et les programmes d’enseignement diffèrent selon le profil d’exigences. De plus, les classes ne sont pas suffisamment mixtes, que ce soit en termes de niveau ou de milieu social. Cette sélection peut inhiber la motivation à apprendre ainsi que renforcer les écarts de compétences, ce qui rend la perméabilité plus difficile. L’effort seul est rarement suffisant pour passer à un niveau supérieur (Meyer 2018). La plupart du temps, les élèves n’y parviennent que grâce au soutien ciblé d’enseignants ou de mentors.

De nombreuses difficultés – difficultés financières répétées, manque de soutien familial, stress psychologique, crises personnelles – s’accumulent pour les jeunes issus de milieux économiquement modestes, pendant et après l’enseignement secondaire. C’est pourquoi ils rencontrent des difficultés à terminer une formation au-delà de la scolarité post-obligatoire, comme le montrent les chiffres actuels de l’OFS.

Ce n’est donc pas un hasard si une personne débute sa vie professionnelle avec un manque de qualifications – les jalons de cette inégalité sont posés dès la naissance. Les enfants issus de milieux socio-économiques défavorisés courent un risque plus élevé de rester eux-mêmes pauvres et « peu scolarisés ». Par conséquent, les mesures visant à augmenter les chances de formation doivent être prises à un stade précoce.

Apprendre ensemble plus longtemps

Malgré toutes les professions de foi en faveur de l’égalité des chances, le système éducatif suisse ne la garantit pas encore suffisamment, notamment en raison d’une sélection beaucoup trop précoce. Le canton du Tessin adopte une approche différente pour remédier à ces lacunes : tous les enfants peuvent entrer à l’école maternelle dès l’âge de trois ans et rester scolarisés jusqu’à l’âge de quinze ans ; à partir de l’âge de six ans, tous les enfants peuvent fréquenter la même école ; et au niveau secondaire, l’enseignement est séparé par niveau uniquement pour les mathématiques et l’allemand. Avec le projet Superamento dei livelli, cette répartition est même supprimée. Les premiers résultats de ce projet, positifs, montrent que l’apprentissage commun prolongé améliore les chances de formation des élèves issus de foyers défavorisés, sans pénaliser les enfants plus performants : un constat qui trouve des échos sur la scène internationale. Pour que cela réussisse, les classes doivent être soutenues par des ressources humaines et professionnelles suffisantes.

L’encouragement précoce et l’accompagnement lors des transitions sont décisifs

Outre une scolarité commune plus longue, un soutien précoce est indispensable. Une étude d’Averdijk et al. (2019) montre que les élèves qui ont été accueillis un jour et demi à deux jours par semaine dans une crèche de qualité ont de meilleurs résultats en allemand et en mathématiques par la suite. Les enfants issus de familles à faibles revenus pourraient d’autant plus en profiter, mais y parviennent moins souvent en raison du coût élevé de ces offres. Des approches réussies telles que les évaluations des compétences linguistiques dans le canton de Bâle-Ville, les espaces de rencontre des familles dans le canton de Vaud, comme les lieux Accueil parents-enfants, et les consultations parentales à bas seuil comme les Femmeset Hommes-Tische contribuent également à renforcer l’égalité des chances (Vogt et al. 2022).

Plus tard, un soutien ciblé est également indispensable pour les jeunes qui n’ont pas de solution de raccordement après l’école obligatoire. Le Case Management Formation professionnelle, lancé par la Confédération en 2008, offre un accompagnement intensif dans la recherche d’une place d’apprentissage et aide à surmonter les obstacles tels que les problèmes d’argent ou le manque de soutien par la famille. Toutefois, depuis 2016, la responsabilité de ce projet incombe aux cantons, ce qui explique que l’organisation du Case Management dépende des ressources financières et des priorités cantonales et qu’il n’y ait pas de coordination supracantonale à ce sujet.

Manque de compétences de base : un enjeu sous-estimé

Des compétences de base solides comme la lecture, l’écriture, le calcul et les aptitudes numériques sont essentielles pour mener une vie autonome. Elles sont également considérées comme une condition préalable à l’apprentissage tout au long de la vie. Pourtant, un adulte sur trois en Suisse (1,67 million de personnes) n’a pas ces compétences. Ces lacunes compliquent les tâches quotidiennes telles que le remplissage de formulaires, la gestion d’un budget ou l’utilisation de services bancaires en ligne. Sans ces compétences, les personnes risquent de davantage être exclues de la vie sociale et du monde du travail, et leurs perspectives d’emploi sont souvent limitées. Le manque de connaissances se manifeste généralement aussi dans les contacts avec les autorités. Par exemple, les personnes qui ne comprennent pas bien les informations sur les délais ou qui ne savent pas se servir d’un site Internet pour soumettre une demande peuvent moins souvent bénéficier de soutien. Cette situation est une source de stress, de

surcharge et de surmenage pour les personnes concernées. Pour faire face à leur quotidien, certaines ont besoin de l’aide de leurs amis et de leur famille. À long terme, le manque de compétences de base peut conduire à la pauvreté, au surendettement et à l’isolement.

Selon l’étude internationale PIAAC de l’OCDE, les adultes sans formation post-obligatoire manquent plus souvent de compétences de base. En Suisse, environ 40 % de ces personnes sont défavorisées pour la lecture et le calcul, et sont stigmatisées pour ces lacunes, qui sont considérées comme étant de leur propre fait. Des facteurs tels que des expériences d’apprentissage négatives, des coups du sort personnels ou des chances de formation limitées ne sont généralement pas pris en compte. Les différences de compétences en Suisse s’expliquent en grande partie par l’origine sociale, comme le montre l’enquête PIAAC.

Renforcement ciblé des compétences de base

Les chiffres confirment qu’il est urgent d’agir. Bien que la Confédération ait déjà beaucoup investi dans des programmes de promotion des compétences de base, les résultats sont encore insatisfaisants. Les adultes disposant d’un budget limité et ayant besoin d’une formation continue doivent être mieux soutenus. Pour ce faire, il est essentiel de disposer d’offres d’information, d’accompagnement et de conseil gratuites et à bas seuil, qui offrent un environnement protégé (voir encadré).

Les bons de formation se sont également révélés utiles pour améliorer l’accès aux offres de formation. Dans certains cantons, les personnes âgées de 18 à 65 ans peuvent, grâce à ces bons, suivre un cours de compétences de base pour 500 francs par an afin d’améliorer leurs connaissances en lec -

Offres à bas seuil éprouvées pour la promotion des compétences de base

Le LernLounge du canton de Lucerne est un exemple remarquable d’offre à bas seuil. Depuis 2023, les personnes intéressées peuvent se rendre dans ce centre d’accueil sans inscription et utiliser les ordinateurs sur place pour un franc par jour. Le personnel spécialisé soutient l’acquisition des compétences de base, informe sur les possibilités de formation continue et aide à remplir des formulaires ainsi qu’à trouver un logement ou à postuler à un emploi. Grâce à un triage ciblé, les visiteurs sont orientés vers les services adéquats. Selon les responsables du projet, l’accès facile à la formation et l’espace protégé dans lequel les spécia -

ture, écriture ou informatique. Les personnes qui n’ont pas de diplôme post-obligatoire et dont les moyens financiers sont limités profitent particulièrement de cette mesure. Dans le canton de Lucerne, plus de 3000 bons ont été utilisés entre 2020 et 2023. 41 % des personnes qui ont reçu ces bons n’avaient pas de diplôme post-obligatoire. Compte tenu des résultats positifs, le projet sera poursuivi jusqu’en 2028.

Désir de formation versus réalité de la vie : comment la pauvreté bloque l’accès à la formation

Les personnes qui vivent à la limite ou juste au-dessus du seuil de pauvreté ne peuvent souvent pas concilier leur désir de formation avec la réalité de leur vie. Les difficultés financières, les obligations familiales ou l’instabilité de leurs conditions de vie créent des obstacles insurmontables. En raison de ces charges multiples, les personnes concernées doivent concentrer leur temps et leur énergie sur leur subsistance et restent prisonnières de leur gestion du quotidien. À cela s’ajoutent souvent des problèmes de santé et de mauvaises conditions de logement. Selon une enquête sur le budget des ménages, l’augmentation des coûts des loyers, des primes d’assurance maladie et des autres dépenses a été particulièrement ressentie par les personnes menacées ou touchées par la pauvreté. Ainsi, beaucoup ont dû encore plus se serrer la ceinture ces dernières années. Lorsque les soucis d’argent et la peur permanente d’une nouvelle aggravation sont présents, il est difficile de penser à la formation continue. La plupart mettent donc de côté leurs objectifs de formation et s’enlisent dans leur situation précaire.

listes abordent la réalité quotidienne du groupe cible sont très appréciés.

Le cybercafé « Planet13 » à Bâle propose des cours de langue et d’informatique gratuits, un conseil juridique et des aides à la rédaction. Créé en 2007, ce projet est géré de manière autonome par des personnes en situation de pauvreté et s’adresse à d’autres personnes touchées ou menacées par la pauvreté. Il sert également de lieu de rencontre pour échanger des informations et échapper à la stigmatisation du monde extérieur. Ces deux exemples permettent aux adultes d’apprendre à leur rythme et de faire valoir leurs souhaits.

Accèder à la formation continue leur est particulièrement difficile

Voici trois groupes de personnes pour lesquelles la participation à des formations continues s’avère être particulièrement un défi.

Familles monoparentales ou parents avec des obligations de garde d’enfants Pour les parents, la marge de manœuvre financière et temporelle est extrêmement limitée. C’est d’autant plus vrai pour les familles monoparentales. L’accueil extra-familial des enfants est parfois si cher que le salaire des parents permet tout juste de couvrir ces frais. Cela pousse beaucoup d’entre eux à occuper des emplois à temps très réduit ou à temps partiel, avec une couverture sociale insuffisante, et augmente le risque de s’enfermer (encore plus) dans le piège de la pauvreté. La double charge du travail domestique et de soins non rémunéré et de l’activité professionnelle est énorme. Les horaires de travail irréguliers aggravent le problème : le manque de prévisibilité bloque l’accès à la formation continue. Sans un encadrement peu coûteux, il est pratiquement impossible de participer à des mesures de qualification. De plus, pour les personnes qui sont dans des situations précaires, il est difficile de trouver encore de l’énergie pour se former. L’expérience des consultations sociales et de l’aide au désendettement de Caritas montre que l’absence de réseau et la responsabilité unique de l’éducation des enfants constituent un fardeau psychologique considérable.

La prise en charge de proches âgés ou malades limite également les possibilités temporelles et financières et renforce la charge. De ce fait, les objectifs de formation se réduisent.

Personnes issues de l’immigration

Les adultes issus de l’immigration évoquent souvent dans les consultations sociales de Caritas le fait que leurs diplômes obtenus à l’étranger ne sont pas automatiquement reconnus. Ainsi, leur entrée sur le marché du travail suisse est plus difficile. La recherche d’emploi s’avère compliquée et certains se retrouvent dans des postes à bas salaires pour lesquels ils sont surqualifiés. En Suisse, certaines professions ou branches réglementées offrent la possibilité de valider des diplômes de formation obtenus à l’étranger. Mais le processus est coûteux et prend souvent beaucoup

de temps. Selon la profession et l’organisme de reconnaissance, les frais peuvent s’élever jusqu’à 3000 francs. L’ensemble du processus, de la documentation des qualifications professionnelles à l’examen de la demande, est long. Enfin, les personnes concernées doivent en premier lieu améliorer leurs connaissances linguistiques, le cas échéant. Dans certains cas, des examens ou des unités de formation continue supplémentaires sont même nécessaires.

Il y a toutefois des obstacles importants à une deuxième formation ou à une formation continue, comme les réglementations en matière de droit de la migration, qui misent sur une insertion professionnelle rapide. Le soutien de l’État se limite majoritairement à des programmes d’intégration au marché du travail, à des stages sans perspective d’emploi fixe ou à l’accès immédiat à un emploi dans la branche des bas salaires. De plus, les cours de langue ne sont subventionnés que jusqu’à un certain niveau, alors qu’une compétence linguistique appropriée est une condition préalable à la participation à des formations continues.

Le lien étroit entre droit de séjour et subsistance peut mettre une pression supplémentaire sur les plans de formation. La peur de perdre leur titre de séjour ou de subir des conséquences négatives lors de la procédure de naturalisation contraint de nombreuses personnes issues de l’immigration à mettre de côté leurs projets de formation continue au profit d’un emploi qui leur permet de rapidement subvenir à leurs besoins de manière autonome.

Personnes âgées

L’âge est une autre barrière à la formation continue. L’occupation des personnes dans cette phase de leur vie est particulièrement faible, alors que le besoin existe : de nombreuses personnes âgées disposent de qualifications qui ne sont plus demandées ou n’ont pas suivi de formation continue depuis des années. Alors que certaines ont perdu leur emploi et ne parviennent pas à se réinsérer, d’autres ont un parcours professionnel précaire et ne cherchent plus activement à se former. De plus, avec l’âge, la période pendant laquelle les coûts de formation continue peuvent être compensés par un revenu plus élevé se réduit. Des problèmes de santé graves peuvent également s’ajouter à cela.

Dans de nombreux cas, une situation de vie précaire ne permet pas de suivre une formation continue. Une source de revenus assurée pour couvrir ses frais de subsistance (c’est-àdire nécessaires pour vivre) est donc une condition fondamentale pour la réalisation de projets éducatifs. De plus, les tâches liées à la prise en charge limitent encore davantage la marge de manœuvre en termes de temps et d’argent. Afin d’améliorer les chances de formation des adultes touchés par la pauvreté et ayant besoin d’une qualification, la subsistance pendant la formation ou la formation continue et, le cas échéant, la garde des enfants doivent être assurées par des prestations (de service) de l’État ou d’autres offres de soutien (voir chapitre suivant). Parallèlement, les offres de formation devraient être conçues de manière à être compatibles avec la réalité de la vie des personnes concernées et à ce que formation, subsistance et obligations de prise en charge puissent de combiner.

Des offres adaptées à la réalité de la vie quotidienne Pour une meilleure adaptation aux réalités de vie des personnes concernées, il est indispensable de proposer des offres adaptées à leurs besoins. Des modèles réussis montrent comment cela peut être mis en pratique. Les programmes modulaires et les programmes flexibles en termes de temps et de lieu sont particulièrement recommandés. Dans le canton de Berne, par exemple, il existe des places de formation à temps partiel pour les adultes qui ne peuvent pas suivre une formation à temps plein en raison de tâches d’assistance ou ménagères. La réduction du temps de travail permet de mieux concilier les obligations privées et de suivre une formation en quatre ans. À Lucerne, un apprentissage raccourci d’assistant en soins et santé communautaire est proposé de manière modulaire. La formation comprend huit modules répartis sur deux ans et complétés individuellement. Cette structure répartit les contenus d’apprentissage dans des unités réduites, ce qui rend l’apprentissage plus systématique et moins écrasant. Un emploi à 40 % au minimum est recommandé, mais le taux d’activité peut être adapté de manière flexible, de sorte qu’un temps de travail plus élevé est également possible.

Des parcours de qualification alternatifs sont essentiels

Une autre offre adaptée aux besoins est celle des parcours alternatifs de qualification qui mènent à un diplôme formel. Il s’agit notamment de la validation de certificats étrangers et d’une longue expérience professionnelle. Cette procédure n’est toutefois pas encore disponible dans toutes les professions, ni dans tous les cantons, et nécessite généralement un investissement considérable en temps. De plus, les personnes concernées doivent souvent naviguer de manière autonome. Dans le canton de Genève, le Centre de Bilan apporte un sou -

tien professionnel pour l’élaboration du dossier de validation avec la documentation des compétences. En 2023, le centre a pris en charge 345 personnes et a augmenté de manière significative leurs chances de réussite. Ce soutien ciblé permet de réduire considérablement les obstacles de participation à la procédure.

Les entreprises favorisent l’apprentissage tout au long de la vie

Les employeurs contribuent eux aussi de manière déterminante à la promotion de l’apprentissage tout au long de la vie. Ils peuvent soutenir activement les efforts de formation de leurs collaborateurs en proposant des modèles de temps de travail flexibles et en autorisant les formations continues et les perfectionnements sur le temps de travail. Le programme « Simplement mieux ! … au travail » permet aux entreprises de proposer gratuitement des formations pratiques sur le lieu de travail. Il est financé grâce aux fonds de la loi sur la formation continue. De nombreuses entreprises et leurs employés font part de leurs expériences positives et d’une amélioration notable de leurs compétences professionnelles.

Manque de financement systématique pour les formations initiales et continues

Les frais de formation et de déplacement, le matériel pédagogique et, surtout, l’éventuelle perte de revenus pendant que la personne participe au cours constituent des obstacles majeurs à l’accès aux offres de formation. En Suisse, les adultes de condition économique modeste ne bénéficient pas d’un véritable soutien pour se former ou se perfectionner. Soit il n’y a pas de financement, soit les critères d’éligibilité sont très stricts, avec par exemple des limites d’âge ou des restrictions concernant le statut de séjour ou le parcours de formation antérieur.

Lacunes dans les coûts directs de la formation

Les coûts de certains cours de formation continue sont élevés et peuvent avoir un effet dissuasif. Selon le microrecensement sur la formation initiale et continue, 24 % des personnes interrogées qui n’ont pas suivi de formation continue au cours des cinq dernières années ont cité les obstacles financiers comme principale raison de leur renoncement

La situation est particulièrement difficile pour tous ceux qui souhaitent obtenir leur diplôme professionnel sans passer par un apprentissage – soit en étant directement admis à l’examen final, soit dans le cadre d’une procédure de validation. Ils ne reçoivent pratiquement aucun soutien financier de la part des

cantons. Par exemple, les coûts des cours interentreprises ne sont pas pris en charge lorsque les adultes se présentent directement à l’examen de fin d’apprentissage, alors qu’ils sont indispensables à la réussite. De plus, dans certains cantons, les frais de procédure de validation sont élevés et dans près de la moitié des cantons, les offres d’information et de conseil sont payantes (Schwab et Stern 2023).

Lacunes dans la couverture des moyens de subsistance

Il faudrait des mesures globales pour compenser la perte de revenu pendant la formation continue ou le perfectionnement. Les bourses d’études sont soumises à des limites d’âge qui excluent partiellement la poursuite d’une formation continue, d’un perfectionnement ou d’une réorientation professionnelle. Ces aides financières à la formation ne sont donc pas accessibles à toutes et tous ; de plus, elles ne permettent généralement pas de couvrir les besoins vitaux. Voici un exemple : une personne exerçant une activité à temps partiel dans le cadre d’un apprentissage à temps partiel ne peut couvrir ses frais de subsistance grâce à des bourses publiques que dans douze cantons (Rudin et al. 2022). Les frais de garde d’enfants occasionnés ne sont pas non plus suffisamment pris en compte. Le concordat sur les bourses d’études n’a pas permis d’éliminer les défis existants. Certes, les adultes dépassant les limites d’âge peuvent recourir à des prêts, mais ces prêts comportent toutefois un risque d’endettement. C’est pourquoi une majorité y renonce.

Une intégration rapide sur le marché du travail reste la priorité de l’assurance-chômage (AC) et de l’aide sociale. Les allocations de formation dans le cadre de l’assurance-chômage sont rarement accordées et ne suffisent pas pour subvenir aux besoins quotidiens. Malgré l’offensive de formation continue prônée par la Conférence suisse des institutions d’action sociale, les services sociaux gèrent la promotion de la formation continue de manière très différente.

Supprimer les obstacles financiers

Des bourses d’études garantissant le minimum vital et d’autres possibilités de financement adaptées aux besoins des adultes sont essentielles pour permettre à toutes et tous de suivre une formation initiale ou continue. Il est important qu’il n’y ait pas de limites d’âge strictes et que tous les parcours de formation soient pris en compte. Les bourses du marché du travail de la ville de Zurich pour la formation professionnelle continue, qui ont été introduites en 2023, sont un exemple prometteur. Ces bourses soutiennent les personnes en situation de pauvreté dans leur parcours de formation, non seulement en prenant en charge les frais de cours, mais aussi en compensant le manque à gagner et en offrant, le cas échéant,

les subventions nécessaires pour la garde des enfants. Le montant de la contribution dépend de la situation financière des demandeurs et peut être utilisé pour des diplômes professionnels, des reconversions, des cours de compétences de base ou des formations continues. Ce cadre juridique ouvert offre des solutions flexibles aux situations de vie complexes. Après deux ans, la ville tire un bilan tout à fait positif : les bourses sont une incitation importante pour les personnes qui ne pourraient pas poursuivre une formation sans soutien financier.

Revendications clés de Caritas Suisse

Les chiffres sont impressionnants : le manque de qualifications et de compétences augmente considérablement le risque de pauvreté. Malgré les efforts déployés jusqu’à présent par la Confédération, les cantons et les entreprises, il existe toujours des barrières structurelles qui empêchent les adultes menacés par la pauvreté de suivre des formations continues. Les personnes concernées doivent souvent mettre de côté leurs souhaits de formation, car la pression pour assurer leur propre subsistance est omniprésente, alors que les offres de formation appropriées, un soutien financier suffisant et la reconnaissance de l’expérience professionnelle et des diplômes étrangers font défaut.

Afin de promouvoir les chances de formation des adultes disposant de faibles ressources financières, il est indispensable de prendre des mesures concrètes pour ce groupe cible. Parallèlement, des jalons favorisant l’égalité des chances doivent être posés dès l’enfance. Il est de la responsabilité de tous les acteurs de créer un accès à la formation qui garantisse cette égalité. Pour cela, une étroite collaboration entre les parties concernées et une communication adaptée aux groupes cibles sont indispensables.

Du point de vue de Caritas Suisse, les améliorations suivantes sont essentielles :

1. Réformer

le système de formation en fonction de l’égalité

des chances : entrée précoce, sélection tardive

Le système de formation suisse doit être réformé de toute urgence afin que la réussite scolaire ne soit plus déterminée par l’origine sociale. Afin d’offrir les mêmes chances à tous les enfants, quel que soit leur environnement familial, l’éducation de la petite enfance doit être reconnue comme une partie essentielle de la mission publique d’éducation et être financée de manière adéquate par l’État. L’intégration précoce dans des structures formelles d’éducation et d’accueil, telles que les crèches ou les groupes de jeu, peut être décisive pour les enfants défavorisés, car elle crée un environnement d’apprentissage favorable. Parallèlement, la sélection précoce après l’école primaire en fonction de niveaux de performance stricts doit être repensée, car elle renforce les inégalités sociales.

2. Garantir un financement suffisant pour les formations initiales et continues

Les adultes disposant d’un budget serré ont besoin, pendant les formations et les formations continues, de bourses assurant leur subsistance, qui couvrent non seulement les frais de cours, le matériel pédagogique et les frais d’examen, mais qui compensent aussi la perte de revenu. En outre, les contributions doivent couvrir les frais de garde d’enfants si nécessaire. Cette possibilité de financement doit être accessible à toutes et tous et à tout moment, indépendamment de l’âge, du statut de séjour ou du parcours de formation. Les contributions doivent soutenir des plans de formation adéquats qui contribuent à améliorer les conditions de vie, des compétences de base à la formation initiale, en passant par la reconversion ou les formations continues spécialisées.

3.

Assurer l’accès à l’éducation pour

les parents grâce à des services de garde d’enfants peu coûteux

Il faut également des possibilités de faire garder les enfants à un prix abordable pour que les parents qui ont un faible revenu, et notamment les familles monoparentales, puissent réaliser leurs projets de formation. Actuellement, les obligations de garde, la subvention aux besoins de la famille et les objectifs de formation sont difficilement conciliables pour ces personnes-là.

4. Développer les procédures de validation des acquis

Il est également important de développer les procédures de reconnaissance des diplômes étrangers ou des années d’expérience professionnelle pour le plus de professions possible. Parallèlement, il faut des services de conseil à bas seuil qui proposent un accompagnement pour la constitution des dossiers. Les procédures de validation permettent d’attester officiellement des compétences acquises à l’étranger et par la pratique dans un certificat. C’est important, car un diplôme reconnu est une condition essentielle pour accéder au marché du travail et obtenir un emploi sûr.

5. Promotion active de la formation continue par les employeurs

Les employeurs peuvent jouer un rôle décisif et assumer leur responsabilité sociale en encourageant activement l’acquisition de compétences de leurs collaboratrices et collaborateurs et en établissant une culture durable de la formation continue. Concrètement, ils peuvent mettre à disposition des formations internes à l’entreprise ainsi que des modèles de temps de travail flexibles avec possibilité de réduction du temps de travail pour les employé-e-s. Les travailleurs qui ont besoin d’une formation continue et qui disposent d’un faible revenu doivent tout particulièrement avoir la possibilité de suivre cette formation, car actuellement, ce sont surtout les personnes avec un bagage de formation important et un revenu élevé qui sont encouragées.

6. Développer des offres de formation adaptées aux besoins

De plus, il faut des offres de formation qui s’orientent vers la réalité des adultes en situation de précarité. Des formats faciles d’accès et flexibles en termes de temps et de lieu sont indispensables, en particulier pour les travailleurs pauvres et les parents. Il peut par exemple s’agir de places d’apprentissage à temps partiel, d’offres de cours modulaires, de cours de formation continue hybrides ou de centres d’apprentissage à bas seuil. Les formats axés sur la pratique sont particulièrement précieux, car ils rendent l’apprentissage tangible et directement applicable. La Confédération et les cantons sont invités à mettre en œuvre ces offres de formation adaptées aux besoins, en étroite collaboration avec le marché du travail et la formation continue. Idéalement, la perspective des personnes touchées par la pauvreté doit être intégrée dans le développement (continu), par exemple à travers des approches participatives.

Sources

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Margrit Tountova est une collaboratrice du Service Politique sociale de Caritas Suisse. Aline Masé est responsable du Service Politique sociale à Caritas Suisse. E-mail : amase@caritas.ch

Version en ligne de cette prise de position avec une bibliographie détaillée :

www.caritas.ch/prises-de-position

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