[ RENCONTRE
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FÉVRIER 22
FRÉDÉRIC BEIGBEDER
« JE SUIS À LA FOIS UN ANIMAL SOCIAL ET UN ERMITE » TEXTE [[[ Chantal de Senger
L’auteur de 99 francs était à Genève fin décembre pour fêter Noël avec sa belle-famille. L’occasion de le rencontrer pour parler de son nouveau roman, de la vodka bio Le Philtre qu’il a lancée en pleine pandémie et de ses projets de film.
L’
écrivain et chroniqueur littéraire sort son neuvième roman, Un barrage contre l’Atlantique, qui raconte ses souvenirs d’enfance et son angoisse du temps présent. Militant de l’hédonisme responsable, Frédéric Beigbeder a lancé une vodka bio et durable avec son frère Charles Beigbeder, entrepreneur et homme politique, et Guillaume Rappeneau, producteur de documentaires. A la fois provocateur et ultrasensible, Frédéric Beigbeder vit désormais à Guéthary dans le Pays basque, loin du tumulte parisien, avec son épouse genevoise Lara Micheli et leurs deux enfants Oona, 6 ans, et Léonard 4 ans. Ecrivain, réalisateur, critique littéraire, DJ, entrepreneur. Vous avez beaucoup de casquettes. Comment vous définiriez-vous, Frédéric Beigbeder ? Aujourd’hui, j’ai abandonné beaucoup de mes casquettes pour vivre de la littérature. Je continue aussi mes critiques littéraires au Figaro et sur France Inter. Mais mes livres sont ma principale source de revenus.
En janvier est sorti votre nouveau roman Un barrage contre l’Atlantique aux Editions Grasset, une autofiction. Quelle part d’autobiographie est présente dans ce livre ? 100%. C’est la suite d’Un roman français qui était mon livre le plus personnel. C’est l’ouvrage le plus intime que j’ai écrit depuis treize ans. Le narrateur – moi – qui adore sortir, danser, aller au cinéma se retrouve du jour au lendemain confiné. J’étais très malheureux qu’on m’enlève toutes ces libertés durant la pandémie. J’ai commencé à écrire des phrases assez tristes, puis ce sont des bribes de souvenirs de mon enfance qui me sont venues, ce monde d’avant oublié aujourd’hui. Où avez-vous rédigé ce roman ? Chez mon ami Benoît Bartherotte. Il a construit un barrage à la pointe du cap Ferret pour protéger sa propriété. Ce barrage fou est une métaphore de notre condition d’être humain aujourd’hui. C’est la troisième partie de mon livre. Le livre parle beaucoup de solitude, comment vivez-vous seul ?
Je suis à la fois un animal social et un ermite. J’ai parfois l’impression d’être seul au milieu de la foule. J’ai quitté Paris en 2017 pour m’installer à 850 km au sud-ouest de la capitale avec ma femme et mes enfants. Vous évoquez l’écriture, la solitude, la quête d’un élan artistique. Vous n’êtes jamais en paix avec vous-même ? Oui, mais cela dure très peu de temps. Après de nombreuses années de psychanalyse, en partie en lien avec le divorce de mes parents quand j’avais 7 ans, j’ai compris beaucoup de choses. Je me suis aussi souvenu que j’ai commencé à écrire à l’âge de 8 ans pour raconter mon enfance… et que je n’ai jamais arrêté ensuite. Ecrire est salutaire pour moi. Quel est votre rituel d’écriture ? J’ai beaucoup d’idées qui me viennent quand je suis dans le train, parfois en conduisant ma voiture, ce qui est beaucoup plus dangereux car je les note toujours. Durant le confinement, je me sentais tellement enfermé que je rédigeais une phrase par jour. Puis, avec le temps, des pages et des pages.