8 minute read

Heureuse découverte avec Pierre Vuarin

Le processwork, une démarche pragmatique et efficace

Fin 2017, une amie, Sakeenah Ahamed, m'a indiqué avec enthousiasme qu'il existait une approche processwork qui permettait de travailler sur les conflits. Au même moment, je suivais une formation de formateur sur l'Approche et la Transformation Constructives des Conflits (ATCC)17. Cette démarche me donnait de grandes satisfactions. Je sentais que je changeais intérieurement et qu'il était possible de faire face à des situations de conflits de manière différente de celles que j'utilisais jusqu'à maintenant.

J'éprouvais de la curiosité vis-à-vis du processwork. Je fus invité par trois facilitateurs de cette démarche (Maurice Brasher, Sophie de Bryas et Denis Morin) afin d'échanger avec eux concernant un conflit social dans lequel j'étais engagé à propos d'une plateforme d'accueil des demandeurs d'asile et de la situation d'indignité et de violence qui avait été créée. Ils insistèrent, en particulier, sur certains rôles qui apparaissaient comme fantômes dans cette situation impliquant de nombreux acteurs publics et privés. Ceci me paraissait pertinent. Le soir même, je participais au Forum 104 à Paris à un « processus » du processwork avec une douzaine de personnes18 . Je fus directement intégré ainsi qu'une autre personne nouvelle dans la dynamique de travail. Après une exposition rapide des conflits « chauds » que chacun vivait (conflits internes, interpersonnels et dans sa vie sociale et mondiale), nous nous sommes levés de nos chaises. Nous les avons poussées contre les murs et nous sommes rentrés dans un temps d'expression et de déplacement libre en relation avec un des conflits présentés. Ceci s'est réalisé facilement. Néanmoins, il me semblait un peu étrange, de s'exprimer librement autour d'une situation de conflit que l'on venait de découvrir. J'avais la possibilité de pouvoir réagir comme je le faisais d'habitude dans ma vie. Je pouvais aussi choisir de prendre un des rôles présents (le commanditaire, l'écrivain, l'attaché de presse en l’occurrence...). Pour cette première séance, j'essayais comme dans la démarche ATCC de ne pas juger les autres. J'essayais d'exprimer mes ressentis, mes sentiments, ce qui m'affectait. Je voyais que d'autres personnes présentes exprimaient des jugements, changeaient de place allégrement quand elles étaient en accord ou en désaccord avec la dernière expression d'une personne. Elles rentraient dans des rôles. Ceci m'interrogeait. Mais je trouvais qu'existait une forme de liberté. Il me semblait que ce qui se jouait était proche de la vie. Ceci me plaisait. Durant la soirée, nous avons vécu deux processus de la sorte, de vingt à trente minutes. Puis chacun(e), sur un papier ou un carnet personnel, de manière automatique, a répondu six fois à la même question visant à exprimer ce que nous avions appris après cette pratique.

17 Approche et Transformation Constructives des Conflits (ATCC) http://atcc-institut.fr/ 18 https://processwork.info/qui-sommes-nous/

Je me suis rendu compte que j'aimais bien écrire de matière automatique. J'ai découvert que c'était un exercice qui me permettait de libérer des pensées, des idées, des intuitions. La répétition de la même question constituait, de fait, une aide. Cette première pratique de processwork n'a pas révolutionné ma vie. Mais je me sentais content. Après cette séance de deux heures et demie, j'avais l'impression de découvrir des personnes, de m'être un peu ouvert à d'autres qui m'étaient inconnues quelques instants auparavant.

Depuis cette date, j'ai participé, très régulièrement à ces séances mensuelles de pratique de processwork, pourquoi ?

La première des raisons fut le fait que je me sentais bien dans ce groupe qui se renouvelait à chaque réunion ou presque. Je sentais aussi que régnait une forme de sécurité dans un moment qui pouvait se présenter comme à risque et où tout pouvait se passer.

Processus après processus, j'ai découvert en m'écoutant et en écoutant les autres, que beaucoup de choses se passaient lors de ces processus. J'ai découvert le rôle des facilitateurs qui intervenaient lors de ces pratiques. Ce rôle est essentiel. Les facilitateurs n'animent pas le processus mais le ralentissent à certains moments, en essayant de révéler avec les participants ce qui se passe : l'opposition entre deux ou plusieurs personnes, un moment de grande émotion, un changement de sujet de discussion, une information nouvelle qui éclaire la situation, la mise à l'écart ou le retrait volontaire de certaines personnes... J'ai découvert dans le cadre d'une formation au processwork que j'ai engagée avec Maurice Brasher19, le vocabulaire caractérisant ces moments : « polarités »,« hotspots,«timespirit», «edge20 » « rôles fantômes » « processus primaire et secondaire »… La révélation de ce qui se joue dans le groupe est donc une fonction majeure qu'assument les facilitateurs. Je me suis rendu compte que l'on pouvait réaliser des processus avec trois personnes comme avec des grands groupes. J'ai été très intéressé par la facilitation réalisée par Denis Morin, Maurice Brasher et quelques autres membres de leur équipe, à Villejuif, à l'occasion d'un débat sur la transition organisé dans le cadre « du grand débat » initié par Emmanuel Macron. Une quarantaine de personnes étaient présentes. Elles ont participé à un « processus », sans rechigner et avec une certaine facilité. Il est vrai que les personnes étaient un peu moins mobiles dans la salle à Villejuif, que lors des pratiques du Forum 104. Mais le processus a permis d'ouvrir le débat. Il a permis aussi aux personnes de se déplacer physiquement dans l'espace proposé pour la réunion. J'ai pu voir que le fait de pouvoir se déplacer en fonction de ses émotions et de ses positions intellectuelles m'offrait de la liberté. Ceci m'évitait de rester dans une position figée. Je pouvais donc être proche d'une personne sur un point de vue et plus éloigné sur un autre sujet.

Je me suis rendu compte que les pratiques du processwork présentaient un grand avantage. On pouvait proposer cette pratique à des groupes très variés, sans aucune préparation préalable des personnes. Cette démarche s'appuyait fondamentalement sur les savoir-faire, les connaissances des personnes présentes, mais elle requérait aussi un savoir-faire du ou des facilitateurs. Une autre chose m'apparaissait intéressante : il n'y avait pas d'objectif fixé au préalable ou durant le « processus ». Le processus était ce qu'il était. Les facilitateurs ne faisaient que souligner des moments, des situations. Mais ce temps vécu, avec ces moments de ralenti, de révélation de ce qui se passait, constituait un plus indéniable pour chaque personne et pour le groupe.

19 Maurice Brasher a introduit le processwork en France,en 1993,il y a plus de 25 ans . Il anime « l'Ecole de Processwork » https://mauriceprocess.wixsite.com/processwork 20 Edge : une limite ou frontière

J'ai alors pris conscience que dans mon approche des conflits, j'avais deux outils qui me semblaient très utiles. L'ATCC me proposait une approche systémique des conflits (entrée par les conflits interpersonnels, par la culture, les structures) avec aussi un outil très performant (PISTES)21 . Ce dernier outil permettait de travailler une situation conflictuelle vécue par une personne en visant à réduire la souffrance vécue. Je trouvais cet outil utile et puissant. Mais je me suis rendu compte que « les processus » de processwork constituaient (parmi l'ensemble des outils de cette démarche) un outil souple, fort, pour travailler avec une personne mais aussi avec des groupes, des conflits mettant en jeu des acteurs variés dans des situations complexes.

Telle est ma réflexion. Aujourd'hui, je tente de créer des occasions d'utiliser si besoin ces deux approches lors d'interventions ou de formations. Dans le cadre de l'Université Internationale Terre Citoyenne (UITC)22 dans laquelle je travaille, nous cherchons à repérer, à pratiquer, à diffuser des démarches et méthodes qui accompagnent les changements transformationnels, qui permettent de transformer les conflits. Je considère que le processwork comme l'ATCC constituent des démarches fondamentales pour aider les personnes, les groupes, afin d'aborder les conflits qui sont au cœur de nos vies personnelles, collectives. Dans les pays du monde entier, il y a un manque cruel de formations autour des émotions, de la transformation des conflits. Les pratiques comme l'ATCC ou le processwork sont de fait encore émergentes. Mais, je l'espère, elles pourront être partagées le plus largement sur notre planète avec d'autres démarches pour faire face aux enjeux du moment.

Le processwork constitue donc une démarche, une approche pragmatique qui peut s'adapter à des situations complexes et variées, à des groupes de différentes tailles. Elle permet de rentrer dans les conflits, de comprendre un peu mieux ce qui se joue, de créer de la conscience individuelle et collective. Ceci constitue un moyen très utile pour nous aider à affronter les conflits interpersonnels, sociaux, qui sont présents autour de nous. Il constitue un apport pour renforcer les capacités de résilience individuelle et collective et affronter les situations de crises, d'effondrements actuels et à venir.

21 L'outil « Pistes » s'appuie sur les émotions vécues et sur les positions que l'on peut occuper (victime, agresseur, garant) http://atcc-institut.fr/

22 L'UITC est un réseau d'une vingtaine d'organisations différentes en Afrique, Europe, Amérique latine (chaires d'université, ong, centres de formations, équipes de recherche, organisations sociales). Elles forment des leaders. Elles réalisent des formations/ actions transformatrices et renforcent la capacité de résilience, de résistance des personnes et communautés face aux enjeux locaux et globaux. https://uitc.earth/

LE PROCESSWORK EST UNE APPROCHE INCLUSIVE

Le processwork, développé par Arnold et Amy Mindell, est une méthode très créative de résolution de conflit, qui permet de laisser s’exprimer tous les points de vue et de débattre tout en avançant vers des points de résolution en s’ouvrant à plusieurs niveaux de compréhension. Un de ses présupposés est que les conflits interpersonnels ou sociopolitiques que nous vivons sont liés à nos propres conflits intérieurs. Le travail se fait donc toujours sur un plan personnel, relationnel et global.

ÉCRIT PAR UN COLLECTIF DE PROCESSWORKERS

( pour nous contacter : https://processwork.info/contact )

MAURICE BRASHER

SOPHIE DE BRYAS

MARIE-CLAIRE DAGHER

ALAIN DUCASS

DENIS MORIN

PIERRE VUARIN

AVEC LE SOUTIEN DE

https://processwork.info Prix : 15€

This article is from: