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Contribution à la démocratie avec Maurice Brasher

Contribution du processwork à la démocratie

Il n’y a pas de démocratie sans inclusion. Le prix de la démocratie et de la paix est la vigilance, la conscience de l’existence de tous les éléments (mentaux, émotionnels et physiques) à l’intérieur et à l’extérieur de moi. La vigilance est nécessaire pour la protection de la diversité (SITF1 p 18). Au niveau humain, cela veut dire que la vraie démocratie est inclusive déjà de toutes les personnes : elle ne marginalise personne et n’essaie d’éliminer personne. Elle inclut, donc, ennemis et terroristes… Ceci est le cadre, le champ de travail du processwork en ce qui concerne les êtres humains.

De la démocratie représentative à la démocratie profonde

Le processwork peut nous aider à progresser de la démocratie représentative jusqu’à la démocratie profonde. L’histoire de la démocratie dans le monde dit « occidental » est l’histoire de l’établissement progressif de la démocratie représentative, basé sur «le plus grand bien pour le plus grand nombre» (John Stuart Mill). Mais la démocratie représentative ne représente, dans ses instances officielles, que la majorité, ou plus généralement le « mainstream » (courant majoritaire). Elle crée une différence de statut, de pouvoir et d’influence, qui définit les minorités en même temps qu’elle les exclut, jusqu’à créer une catégorie franchement marginalisée qui ne peut (ou ne veut) même pas voter - et donc qui n’est même pas représentée par les instances officielles, décisionnelles.

La prochaine étape de la démocratie à développer

La démocratie est « une forme sous-développée du processwork ». Le mot « demokratia » signifie « pouvoir du peuple » en grec. La démocratie tente d’équilibrer la réalité du pouvoir par l’application de règles. Mais le pouvoir ne se prête pas à être contrôlé ni organisé de cette façon. Le développement de la démocratie exige une prise de conscience « permanente ». Là où le processwork2 travaille, il y a un niveau de conscience qui, lorsqu’il est appliqué, permet d’identifier les signaux « cachés ». « Sans la possibilité de remarquer ces signaux cachés, personne ne remarque combien d’individus et de ‘sous-groupes’ sont en train d’être marginalisés ou exclus.»(SITF, voir note 1).

Ce qu’un individu peut faire

Il n’y a pas de démocratie profonde à l’extérieur sans la même chose à l’intérieur. Il y a donc un volet psychologique en option dans le processwork qui consiste à connaître toutes ses parties, à accepter toutes ses parties, puis à célébrer toutes ses parties. Ceci aboutit évidemment à des

1 Sitting in the Fire, d’Arnold Mindell, Lao Tse Press, 1995. 2 Le processwork met tout avec tout et n’exclut rien. Et pour participer à un processus, il n’y a aucune condition ou niveau requis, aucune règle si ce n’est l’interdiction de porter atteinte à l’intégrité physique de l’autre…

changements dans les relations et dans la réalité vécue « à l’extérieur » : donc à des changements dans ce qui est vécu au niveau de nos groupes, nos villes, nos pays.

Démocratie, pouvoir et rang

La contribution du processwork à la compréhension de la relation entre démocratie et pouvoir est le concept du rang. Une véritable démocratie passe par la conscience du pouvoir, et donc par la loupe qui rend visible le pouvoir qui s’appelle le rang. Le rang désigne tout ce qui rend un individu particulier et puissant, de ses caractéristiques personnelles qu’il n’a pas « gagnées » (taille, langue, par exemple) jusqu’aux caractéristiques acquises par l’effort (argent, éducation, situation professionnelle...). L’utilisation, consciente ou inconsciente, de son propre rang, avec ses réactions au rang des autres, va faire en sorte que (malgré le fait que certains nous disent « tous égaux ») il y en a qui sont plus égaux que les autres… «Le rang est une drogue qui nous rend insensibles à la souffrance des autres. » Arnold Mindell.

Permettre aux groupes de coexister et progresser ensemble

L’outil proposé pour travailler les « grandes questions », au-delà de cette perception accrue de la « réalité de tous les instants », c’est le « processus de groupe » mis en œuvre pendant les Open Forums3 en particulier, qui peuvent grouper de 4 à 400 personnes (et même plus) en travail simultané, face à un problème identifié ou à identifier, avec facilitation.

Une carte vivante de la démocratie en voie de formation

Le processwork agit donc à travers le processus de groupe, qui met ensemble un groupe de personnes sans conditions d’entrée et sans définition précise de mode de participation ; seule condition au processwork, la facilitation. Tout le monde vient avec ses expériences, ses ressentis, ses convictions. Ce que l’on exprime, issu de ses ressentis, va provoquer des réactions, l’accord, le désaccord, la différentiation. Et l’on se déplace : si on est d’accord, on se rapproche de la personne concernée, ce qui donne une carte vivante et en mouvement de l’évolution de l’atmosphère et son contenu. Après quelques « hotspots» (moments de tension forte entre deux pôles) nécessaires, un consensus peut arriver. Le résultat final est souvent un espace où chaque personne, avec ses opinions et ses convictions, a trouvé sa place en relation avec les autres.

Des processus ont été facilités dans de nombreux pays, sous la forme d' « Open Forums» ou de « Worldwork» (travail sur les grands sujets du monde) et parfois dans des situations de conflits armés où planait le risque d'une mort physique des participants. Ils ont fait la preuve de leur efficacité dans ces conditions extrêmes. Mais le processwork apporte aussi une solution à la menace de mort psychologique par « l’étouffement » inconscient des autres : cette solution s’appelle « la démocratie profonde ». Merci à Arnold Mindell, son concepteur.

Présupposés du processwork

• Au-delà de la démocratie représentative, la démocratie profonde prend en compte toutes les opinions, même les plus marginales ;

3 Forums Ouverts

• La prise en considération de tout ce qui est : le processwork permet d’intégrer le quotidien, les informations négligées, les émotions... dans la prise de décision ;

• La dimension personnelle de l’engagement : le processwork présuppose que s’il n’y a pas d’engagement envers soi il ne peut pas y avoir d’engagement envers le collectif. Le processwork implique qu'on s'engage personnellement ;

• La dimension du pouvoir et du rang : les relations sociales créées par le pouvoir et le rang, les droits et les devoirs, tout cela est pris en compte par le processwork ;

• La dynamique de groupe : le processus permet de travailler sur des sujets avec de très grands groupes (jusque-là, un maximum de 400 personnes en France, et plus encore dans d'autres pays) ;

• La mise en lumière de la vie démocratique : le processus de groupe permet de rendre visible la façon dont l’information circule et construit le champ des décisions potentielles ;

• L’inclusion : le processwork prend en compte l’ensemble des personnes, y compris celles qui ne sont pas présentes ;

• La vraie communauté, durable, continue à exister, sort même renforcée, après le passage à travers les conflits. Éviter les conflits affaiblit et parfois détruit la communauté.

«Nous avons fréquemment imprimé le mot démocratie… C’est un mot dont la véritable essence sommeille encore, et qui attend son réveil…»

Walt Whitman, Democratic Vistas,1871

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