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Résonance avec Sophie de Bryas

Résonance, avec Sophie de Bryas

Il y a une trentaine d’années, le processwork arrivait en France par l’intermédiaire de Jennifer de Gandt et Maurice Brasher, qui avaient suivi en Oregon, aux Etats-Unis, un séminaire d’Arnold et Amy Mindell.

Séduite à mon tour, j’ai suivi l’enseignement de Maurice pendant une quinzaine d’années et celui d’autres ailleurs (Max et Ellen Schupbach et Arnold et Amy Mindell) ; j’en ai fait mon activité principale avec le plus grand plaisir et de façon toute naturelle : j’étais dans mon élément, au ‘cœur du feu’ et autour du feu. Enfant, j’assistais à la table familiale à des débats passionnés, où tout ou presque pouvait se dire. Mes grands-pères, l’un fervent communiste (ouvrier) et l’autre gaulliste (patron) s’étripaient dès l’apéritif à propos des affaires du monde. Une atmosphère joyeuse mêlée à la nostalgie d’une enfance heureuse, entourée de grands-mères, tante et oncle dans une ambiance à la fois paysanne et bohême car la plupart étaient artistes peintres, photographe.

Il est certain que j’ai été baignée tôt dans une ambiance propice aux échanges musclés et que j’en ai éprouvé une sensation joyeuse et vibrante : il se passait quelque chose et les explosions verbales pouvaient surgir d’une simple réflexion, d’une information extérieure ou même d’une action mal appropriée lors d’une partie de cartes ou de boules. Plus tard, par mon mariage, j’ai eu la chance de pénétrer dans un autre milieu plus fermé, différent de mon milieu d’origine : l’aristocratie française. Un univers plus feutré ou les conflits sont vécus différemment, une atmosphère particulière et des types de tensions différentes.

Le processwork est à la fois action sociale, développement de soi et connexion à l’univers du rêve, du mouvement et de la danse. Que rêver de mieux n’est-ce pas ?

Aujourd’hui, il n’existe pas de textes publiés en français sur le sujet malgré une trentaine d’ouvrages existants écrit par Arnold ou Amy Mindell et traduits dans une dizaine de langues.

J’ai rêvé offrir au public francophone la possibilité de disposer d’un recueil de textes préfacé par une présentation des auteurs, tous intéressés par cette approche, une liste non exhaustive de personnes en France qui aiment et promeuvent processwork, une discipline exigeante, bien plus développée en Allemagne, Pologne, Grande-Bretagne, Espagne et Italie, pour ne parler que de l’Europe. «Ne pas croire qu’on sait parce qu’on a vu; ne porter aucun jugement moral; ne pas s’étonner(…)

».

Ces mots de l’ethnologue Germaine Tillion résonnent en moi parce que c’est avec cette attitude d’ouverture et de curiosité ethnographique qu’un groupe va pouvoir franchir la frontière symbolique, celle qui lui permettra de comprendre, résoudre ou dépasser un conflit. Et même, d’aller un peu plus loin, parfois vers la désintégration, l’apaisement et la paix, personne ne peut prédire.

Au moment où j’écris ces lignes, en 2019, quelque chose de vraiment nouveau est en train de se passer… les principes de démocratie profonde (Deep Democracy selon Arnold Mindell) imprègnent doucement les strates de la société française (comme « le Grand débat » dans une certaine mesure) ; face aux enjeux actuels, il devient de plus en plus urgent d’avoir à disposition une façon différente d’appréhender les tensions, conflits et les mouvements de contestation.

Aujourd’hui beaucoup sentent la nécessité de « nouveau », d’un revirement collectif, mais nous attendons en général ce changement de l’extérieur, de la famille, d’un parti politique, de la société – et c’est pourquoi cette attente est souvent vaine.

Toute évolution décisive ne peut commencer qu’en nous-mêmes et dans les cellules les plus proches (familles, amis, collègues).

Devenir facilitateur et recevoir en cadeau ce mot si banalisé en anglais et qui vient pourtant de notre langue ; rendre facile le changement qu’il soit interne ou/et en relation avec le monde, et alors pourra-t-on créer un monde où le mouvement de transformation connaîtra des instants de paix et, avec un peu de patience et de bonne volonté, nous saurons quoi faire de tous les conflits qui nous traversent et nous bouleversent et en devenir les témoins, à partir d’un espace de joie et de tranquillité.

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