Lu si N°13

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Bernard Marsigny

I

l ÉTAIT en pleine déprime. Il ne supportait plus les bruits qui circulaient sur lui. Alors, il avait décidé d’en finir. Il était monté sur la passerelle qui enjambait le canal Saint-Martin. À cette heure de la nuit il n’y avait personne. Il lui suffisait d’enjamber la balustrade et on n’entendrait plus parler de lui. − Vous n’allez pas faire ça ?, dit une voix derrière lui.

Il se retourna et la vit. Elle était rousse et lui sembla jolie. − Pourquoi ?, demanda-t-elle. − Je suis maudit. Tout le monde dit que je suis maléfique. Dès qu’il arrive un malheur quelque part, on me colle ça sur le dos. C’est systématique. En plus, je ne suis qu’un assemblage bâtard. Mettre un 1 à côté d’un 3 n’a jamais créé un ensemble harmonieux. Et pour compléter le tout, je ne suis divisible que par moi-même. C’est plutôt frustrant. − Je suis certaine que vous allez, pour justifier votre attitude, évoquer le « 13 à table ». − Évidemment ! Parce que ça me pourrit régulièrement la vie. Il faut toujours qu’un abruti s’exclame : « Je crois bien qu’on est 13 à table. Ça va porter malheur ! » La solution, c’est alors de trouver au plus vite un SDF affamé, de le ramener et d’annoncer triomphalement : « Avec lui on sera 14 !!! » C’est lamentable ! − Vous savez que j’aime bien au contraire le 13. Pour moi, vous êtes un nombre porte-bonheur ? − Ben voyons ! Vous êtes née un 13 à 13 heures ? Vous allez me parler des vendredis 13, je suppose ? 46


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