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préambule
Comment intervenir en tant que paysagistes dans une réserve naturelle ? Le terme réserve naturelle évoque souvent l'idée romantique d'une nature sauvage, vierge, ne portant pas de marques de transformations liées aux activités humaines. Or le lac de Malaguet est un paysage anthropisé, transformé par des actions de drainage, de rétention, de plantation, de pâturage, etc.
Pourtant pour une partie des usagers du lac, la question d'une nouvelle strate d'interventions humaines, de la création de nouveaux aménagements le long du sentier fait peur. « Même construire un banc ce serait déjà trop » déclare une habitante. Un panneau indiquant la législation en vigueur dans la RNR est régulièrement mis à terre, comme pour dire : « cesser d'imposer des règlements dans ce site sauvage où l'on vient chercher une certaine liberté ». Dans un monde où l'on a assigné une fonction à la plupart des espaces, il semble légitime de vouloir conserver ces espaces naturels tels qu'ils nous apparaissent aujourd'hui, sans défnir des usages spécifques, en laissant le promeneur se les approprier de manière active et inventive.
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La question de l'aménagement suscite le débat, car elle renvoie chez certains à une idée d'homogénéisation : retrouver en chaque lieu le même mobilier et les mêmes sols répondant aux mêmes normes de sécurité et d'accessibilité. Elle peut également évoquer une forme d'autoritarisme : c'est ici que l'on doit s'asseoir, manger ou rêvasser.
Les aménagements présents aujourd'hui le long du sentier remplissent des fonctions bien précises et nécessaires : passe-clôture permettant aux promeneurs de rentrer et sortir des pâtures tout en maintenant les bêtes à l'intérieur, pontons pour passer les zones humides les pieds au sec et protéger ces milieux sensibles, signalétique pour baliser l'itinéraire, etc...
Plusieurs éléments laissent malgré tout à penser que de nouvelles interventions le long du sentier peuvent tout de même être intéressantes.
-Les paysages de la réserve sont soumis à de nouvelles dynamiques dues à des évolution des activités agricoles et sylvicoles ces dernières décennies, et qui posent la question de l'adaptation des modes et des périmètres de gestion.
-Les milieux naturels rares qui font la raison même du classement du lac sont méconnus de la plupart des promeneurs, et méritent donc qu'on mette en lumière leur valeur et leur fragilité, dans une optique pédagogique.
-La venue des touristes autour du lac pose également la question des conditions d'accueil pour un plus grand public.
Il apparaît intéressant de croiser les regards du naturaliste et du paysagiste sur la question de la gestion des milieux. Ce qui crée la beauté et la richesse de la réserve du Lac de Malaguet, c'est l'alternance entre espaces boisés et espaces pâturés ou fauchés. Lors de nos rencontres, des anciens nous ont parlé des pâtures qui autrefois descendaient jusqu'au lac, sans qu'un cordon boisé ne les sépare comme c'est le cas aujourd'hui, du fait que la diminution de la pression de pâturage. Se pose désormais les questions suivantes : quelles zones laisser s'enfricher ? Sur quels espaces paraît-il intéressant de lutter contre la dynamique de boisement en supprimant un roncier, un peuplement de genêts ou un hallier ? Un des enjeux de cette étude est de réféchir à comment maintenir un équilibre intéressant entre espace ouvert et espace couvert pour proposer une expérience de paysage riche.
De nouvelles interventions amènent à reposer la question de la pédagogie et de la sensibilisation des visiteurs. Dans de nombreux espaces protégés, la communication se fait à travers des panneaux donnant à voir les espèces faisant l'intérêt et la rareté d'un milieu. La présence de ces panneaux peut parfois être vécue comme une médiation intrusive qui gêne la découverte du promeneur. L'idée n'est pas de supprimer cette transmission, mais de trouver de nouveaux supports, par le biais par exemple d’un livret distribué au départ du sentier. A travers les futurs aménagements, plutôt que la connaissance technique d'une espèce spécifque, il semble intéressant de travailler sur l'expérience de découverte d'un paysage, à travers des interventions qui proposent un nouveau rapport entre le visiteur et les milieux qui l'entourent.
Ces créations le long du sentier doivent permettre la pause, l'observation, la contemplation. Il s'agit d'inventer des interventions qui ofrent des manières nouvelles de s'installer, et par la même, proposent une nouvelle expérience des paysages. Ces créations doivent résonner avec les processus de gestion à l’œuvre sur la réserve, en mobilisant par exemple des ressources générées par les actions de défrichage. Ces installations doivent parler du paysage à travers leur matérialité, à travers l'utilisation de ressources trouvées sur le territoire,
Le déf à relever au cours de cette mission est d'inventer des interventions qui questionnent le rapport du promeneur à l'espace de la réserve : des créations ouvertes, qui invitent à une appropriation inventive et active du visiteur, des créations qui par leur matérialité évoquent les paysages environnants, et les ressources qu'ils recèlent, des créations qui mettent en lumière les dynamiques à l’œuvre sur l'espace de la RNR, et sa gestion par les humains et par les animaux de ces diférents milieux, des créations qui permettent une cohabitation harmonieuse entre les humains, les animaux domestiques et la faune et la fore sauvages.
Trois niveaux d'interventions semblent se profler :
1-Des interventions de gestion (abattage, élagage, taille, débroussaillage...) qui permettent de transformer les paysages de la réserve, et de préserver notamment certains espaces ouverts qui ont tendance à se boiser et à se refermer.
2-Des interventions aux entrées de la réserve qui constituent les accès au sentier : le parking et la plage, ainsi que le début de la piste forestière. Ce sont les premières perceptions que les visiteurs ont de la réserve, et marquent la transition entre l'espace habité, « aménagé », et l'espace plus sauvage de la réserve.
3-Des interventions sur quelques stations qui ponctuent le sentier, afn de proposer des lieux de pauses