Publication par : Association de la Sommellerie Internationale
Rédacteur, gestionnaire de contenu : Mark DeWolf
Gestion des Partenariats : Ana Sofia Oliveira
Marketing et Communication : Xeniya Volosnikova
Assistante administrative : Claire Monnier
Rédaction : Nina Basset
Traduction : Michèle Aström Chantôme, Manuel Negrete
Conception / Mise en page : Carissa Botha
Photographie : Jean-Yves Bernard, Alex Chris, G.D. Vajra, Matthew Molchen, iStock, Pexels
Photo de couverture : Un jeune sommelier déguste les saveurs fraîches d’un vin portugais moderne avec la ville de Porto en toile de fond.
Collaborateurs :
Michèle Chantôme, Roman Chsherbakov, Jean Desvaux Geerdarry, Mark DeWolf, Frederico Falcão, Janet Kang’ethe, Joseph Manouyer, Marc Pinto, Amrita Singh, Jessica Tan, Diego Tomasi, Francesca Vajra, Karin Vinsth, William Wouters
Bureau exécutif de l’ASI
Président : William Wouters
Secrétaire général : Beáta Vlnková
Secrétaire général adjoint : Ivo Dvorak
Trésorier : Philippe Faure-Brac
Trésorier adjoint : Samuil Angelov
Vice-présidente pour l’Asie Pacifique : Saiko Tamura-Soga
Vice-présidente pour l’Afrique et le Moyen-Orient :
Michèle Aström Chantôme
Vice-président pour l’Europe : Piotr Kamecki
Vice-président pour les Amériques : Matias Prezioso
L’une des plus grandes joies de notre profession est son universalité. Le vin, et par extension la sommellerie, parle un langage qui transcende les frontières, les cultures et parfois même l’adversité. Lorsque je regarde le monde aujourd’hui, je suis profondément inspiré par la façon dont notre communauté continue de s’étendre vers de nouveaux horizons, emportant avec elle non seulement des compétences techniques, mais aussi une passion commune pour l’hospitalité, la culture et les liens humains.
Ce numéro d’ASI Magazine met en lumière cet esprit de croissance, avec des articles qui illustrent comment la sommellerie s’implante dans des
endroits autrefois considérés comme improbables.
L’Afrique et le Moyen-Orient, par exemple, connaissent un éveil remarquable de la culture du vin et de l’hospitalité. Certes, il existe des défis, certains structurels, d’autres religieux, mais la passion trouve toujours un moyen de s’exprimer. Du Maroc à l’Afrique du Sud, en passant par l’île Maurice, le Zimbabwe, le Kenya et même les hôtels de luxe des Émirats arabes unis, les sommeliers tissent des réseaux, forment de nouveaux professionnels et créent des opportunités pour les talents locaux. Ces développements me rappellent que la sommellerie ne se résume pas au service du vin, mais qu’elle est
aussi synonyme d’échanges culturels, d’éducation et d’amélioration des normes d’hospitalité partout dans le monde.
J’ai également eu le plaisir de découvrir un article présentant des sommeliers travaillant dans des pays qui ne sont généralement pas associés au service des boissons raffinées. Le fait de trouver des sommeliers de haut niveau dans des pays tels que le Kenya, Maurice, le Kazakhstan et les îles Féroé prouve que notre message élargit ses horizons.
Nous nous intéressons également au Portugal, un pays qui, bien que riche d’une longue tradition viticole,
“Les sommeliers tissent des réseaux, forment de nouveaux professionnels et créent des opportunités pour les talents locaux.”
connaît actuellement une renaissance moderne. J’ai eu le plaisir de lire les réflexions de Frederico Falcão sur la manière dont ViniPortugal a promu les cépages indigènes, transformant ce qui était autrefois un défi – des centaines de cépages autochtones, dont beaucoup étaient inconnus des consommateurs mondiaux – en l’atout majeur du Portugal. J’espère que tous les sommeliers, quel que soit leur lieu de travail, adopteront ce profond respect pour l’identité locale.
Et en parlant d’identité, nous mettons à l’honneur Marc Pinto, un sommelier dont le retour dans son Portugal natal est une redécouverte tant personnelle que professionnelle. À travers son regard, nous voyons que les vins
issus de cépages locaux ne sont pas seulement destinés à la vente, mais sont aussi des histoires culturelles à partager, qui nous rappellent pourquoi nous faisons ce métier.
Chez ASI, notre mission reste claire : cultiver les talents, créer des ponts et veiller à ce que, partout où
l’hospitalité est à l’honneur, la sommellerie ait
sa place dans la conversation.
Des vignobles du Douro aux restaurants de Nairobi en passant par les complexes hôteliers de luxe de l’île Maurice, notre profession est vivante et florissante.
Alors, levons un verre de Touriga Nacional du Douro ou d’Alvarinho de Vinhos Verde, ou même une tasse de thé pour ceux qui préfèrent, et trinquons à l’individualité du Portugal et à l’avenir radieux de la sommellerie à travers le monde. Une sommellerie inclusive et magnifiquement mondiale.
“Ces développements me rappellent que la sommellerie ne se résume pas au service du vin, mais qu’elle est aussi synonyme d’échanges culturels, d’éducation et d’amélioration des normes d’hospitalité partout dans le monde.”
Assemblée générale de l’ASI 2026, Table Mountain, Le Cap, Afrique du Sud (Photo : Alex Chris)
Dans mon verre
Mark DeWolf
Gestionnaire de Contenu, Association de la Sommellerie Internationale
Rédacteur ASI Magazine
markdewolf@asi.info
Des vins qui ont le goût de quelque part, pas de quelque chose
S’il y a deux pays viticoles qui me captivent sans cesse, ce sont bien l’Italie et le Portugal. Pour ce numéro, j’ai eu une merveilleuse conversation avec le super sommelier portugais Marc Pinto sur ce qui rend les vins portugais si spéciaux. J’ai également discuté avec Frederico Falcão, président de ViniPortugal, de la manière dont ils ont suscité l’intérêt du monde entier pour leurs cépages uniques. Je ne peux m’empêcher de partager leur amour des raisins portugais et de leurs terroirs distinctifs, en particulier des variétés moins connues comme l’Encruzado (Dão), le Baga (Bairrada), le Ramisco (Colares) et l’Arinto dos Açores (Açores).
De même, le vin italien est une célébration sans équivoque du lieu, et pas seulement au sens français du terme «terroir». En Italie, le lieu n’évoque pas seulement le sol et le climat, mais aussi la communauté et la fierté locale. Existe-t-il un autre pays que le Portugal où les viticulteurs portent leurs racines avec autant de conviction ? Nulle part ailleurs cela n’est plus évident que dans l’étonnante tapisserie des cépages autochtones. Avec plus de 500 cépages indigènes officiellement reconnus - et probablement des centaines d’autres cachés dans de minuscules parcelles et des vignobles d’arrière-cour - l’Italie n’est pas seulement un pays viticole ; c’est une mosaïque de microcultures, de dialectes, de types de sols et d’expressions variétales.
Mon voyage dans le vin a commencé, comme beaucoup d’autres, avec des produits de base internationaux : Cabernet, Chardonnay et, à la fin des années 90, Shiraz australien et Sauvignon blanc néo-zélandais. Mais c’est le vin italien qui m’a fait passer du statut de passionné à temps partiel à celui de geek à temps plein. Il y avait là quelque chose de vraiment fascinant. Chaque vin était tellement unique, mais d’une manière ou d’une autre, ils étaient tous liés. Aucun autre pays n’offre une telle diversité de personnalités et pourtant,
“l’Italie n’est pas seulement un pays viticole ; c’est une mosaïque de micro-cultures, de dialectes, de types de sols et d’expressions variétales.”
quel que soit le cépage ou la région, les vins italiens ont, et ont toujours eu, un caractère italien indéniable.
Ces vins m’ont fait voyager dans le temps et dans l’espace. À tel point qu’ils m’ont poussé à visiter l’Italie et à voir par moi-même qui, où et pourquoi se cachent ces grands vins. Aujourd’hui, j’ai traversé l’Atlantique des dizaines de fois, chaque visite m’apportant de nouvelles expériences, de nouveaux lieux et de nouveaux vins.
Lorsque j’étais jeune sommelier, le Piémont, par exemple, était synonyme de Barolo et de Barbaresco. Bien que je les aime toujours, des visites récentes m’ont ouvert les yeux sur le vieillissement du Timorasso, la minéralité et la fraîcheur du Nascetta, du Gavi et de l’Erbaluce, et la nature juteuse et facile à vivre du Grignolino. Grâce à des producteurs comme G.B. Burlotto et G.D. Vajra, j’ai également appris à apprécier le Pelaverga et le Freisa. Même en Toscane, où le Sangiovese ne cédera jamais sa place, j’aime déguster des vins issus d’autres cépages, comme le Ciliegiolo
et le Mammolo. Même le Vernacciaautrefois considéré comme un produit touristique - peut, entre de bonnes mains, présenter une minéralité, une verve et une aptitude au vieillissement dignes d’un Chablis. C’est du moins ce que m’a appris Panizzi.
En effet, dans un pays longtemps célébré pour ses vins rouges, certains des vins les plus intéressants sont aujourd’hui des vins blancs. Le Verdeca des Pouilles, autrefois relégué à la production de vermouths, est aujourd’hui reconnu pour sa bouche vive et fraîche, ses arômes d’herbes et d’agrumes et sa finale minérale. Ou encore les tons salins, de pomme et d’agrumes du Carricante sicilien. Ou encore l’arôme captivant, la vitalité et la fraîcheur du Pigato de Ligurie. La liste est encore longue.
À l’ère de l’uniformisation mondiale, où trop de cartes de vins se confondent, l’attachement du Portugal et de l’Italie à la diversité est un acte de rébellion discret et un profond cadeau pour les sommeliers. En tant que défenseur de la narration, je suis continuellement inspiré par la façon
dont chaque raisin portugais et italien offre non seulement une saveur, mais aussi un folklore.
Les cépages de ces pays recèlent également une sorte de sagesse gastronomique. Prenez le Frappato, avec son corps léger et ses notes de fraise des bois - il est fait pour la caponata sicilienne ou un Soave Classico accompagné d’un simple risotto. Un Vinho Verde à dominante Alvarinho avec un Arroz de Marisco (riz aux fruits de mer), un Alfrocheiro terreux et un vin riche Jaen du Dão avec un chevreau rôti, ou un plat de porc rôti à la peau croustillante accompagné d’un verre de Bairrada. Dans ces pays, les accords mets-vins ne sont pas une vue de l’esprit, ils sont liés à la communauté, à l’histoire et à l’âme.
En tant que sommelier et écrivain, je pense que nous devons à ces raisins - et aux personnes qui les ont préservés - de les célébrer avec fierté. Car les raisins indigènes d’Italie et du Portugal n’appartiennent pas seulement à ces pays. Ils appartiennent à tous ceux qui croient que le vin doit avoir le goût d’un endroit et non d’un autre. Et c’est là, pour moi, l’âme même de la sommellerie.
DRaisins indigènes, vision globale : La renaissance du vin au Portugal
Avec Frederico Falcão, président du conseil d’administration de ViniPortugal
ans un contexte mondial où la consommation de vin est généralement en baisse, le Portugal fait figure d’exception convaincante. De 2019 à 2023, la production de vin portugais a augmenté de 15 % selon les statistiques de l’OIV (de 2019 à 2024, l’augmentation est de 6,15 %, en raison de la baisse des rendements en 2024), défiant les tendances mondiales et renforçant la position du pays dans le monde du vin. Ces chiffres sont soutenus non seulement par une demande internationale croissante, mais aussi par une forte consommation intérieure et l’influence du tourisme.
Le moteur de cette croissance est ViniPortugal, l’organisation à l’origine
de la marque Wines of Portugal
L’identité viticole du Portugal est ancrée dans plus de 250 variétés de raisins indigènes, produisant des vins qui offrent une alternative distinctive aux cépages internationaux plus largement plantés. Alors que le pays était autrefois dominé par le porto et le madère, ses exportations de vin sont aujourd’hui plus équilibrées, l’accent étant mis de plus en plus sur les vins de table, qui représentent actuellement une part beaucoup plus importante des ventes internationales.
L’industrie vinicole portugaise est devenue plus stratégique ces dernières années, répondant à l’évolution des marchés mondiaux en ciblant les régions émergentes d’Asie
Frederico Falcão
“Ce qui nous distingue, c’est notre caractère unique : plus de 250 variétés de raisins indigènes et des terroirs très distincts.
Les gens goûtent nos vins, les aiment et en achètent d’autres. Le Portugal est vraiment un monde à découvrir.”
et d’Europe de l’Est. Ce virage s’appuie sur une prise de conscience croissante du fait que les prix abordables, les cépages indigènes et l’authenticité régionale trouvent un écho auprès des consommateurs modernes. Dans le même temps, le Portugal continue d’adopter l’innovation technologique parallèlement aux techniques traditionnelles, restant ainsi compétitif tout en préservant son patrimoine vinicole unique.
L’ASI s’est récemment entretenue avec Frederico Falcão, président du conseil d’administration de ViniPortugal, pour discuter de l’évolution du vin portugais, de l’importance des sommeliers pour raconter l’histoire du Portugal et de la vision du pays pour une industrie vinicole plus inclusive, plus durable et plus globale.
ASI : Le Portugal a connu une croissance impressionnante de sa production de vin alors que la consommation mondiale est en baisse. Comment cette croissance a-t-elle été possible ?
Frederico Falcão (FF) : C’est une combinaison de facteurs. Tout d’abord, le Portugal boit beaucoup de vin - nous sommes les plus grands consommateurs par habitant au monde avec 61 litres. Mais il n’y a
pas que les Portugais. Nous avons accueilli plus de 30 millions de touristes l’année dernière, et nombre d’entre eux découvrent nos vins au cours de leur séjour. Ils y trouvent des cépages uniques et un bon rapport qualité-prix, si bien qu’ils finissent par en boire beaucoup pendant leur séjour. D’autre part, les exportations augmentent considérablement. Cette combinaison signifie que nous avons du mal à répondre à la demande.
Ce qui nous distingue, c’est notre caractère unique : plus de 250 variétés de raisins indigènes et des terroirs très distincts. Les gens goûtent nos vins, les aiment et en achètent d’autres. Le Portugal est vraiment un monde à découvrir.
ASI : Si l’on regarde en arrière, le Portugal était plus traditionnel et fermé dans les années 1980. Ce passé a-t-il contribué à votre succès actuel ? FF : Absolument. Dans les années 70 et même 80, nous étions assez fermés. On trouvait peu de vins portugais en dehors de nos frontières, et bon nombre des marques connues aujourd’hui n’existaient même pas. Cela a changé lorsque nous avons adhéré à l’Union européenne en 1986. Depuis lors, la transformation a été remarquable. Aujourd’hui, nous assurons la promotion des vins portugais dans le monde entier sous la marque «Wines of Portugal» dans 15 pays, en mettant en valeur nos 14 régions viticoles. Cette diversité est à la fois notre avantage et notre défi. Quand les gens pensent à l’Argentine, ils pensent au Malbec. À la NouvelleZélande ? Sauvignon Blanc. Mais le Portugal ? Il peut s’agir de porto, de madère ou de l’un des 250 cépages que compte le pays. C’est complexe, mais c’est aussi notre force.
ASI : Avec une telle diversité, la collaboration avec les sommeliers est-elle essentielle à la diffusion de votre message ? FF : Extrêmement. Pendant la pandémie, alors que les restaurants étaient fermés, nos vins ont gagné des parts de marché dans les supermarchés. Mais pour nous développer réellement, nous devons être plus présents dans les restaurants et les bars à vin, des espaces où les sommeliers jouent
un rôle clé. C’est pourquoi il est si important de travailler avec l’ASI et les sommeliers du monde entier. Ils sont les conteurs qui expliquent nos régions et nos cépages face à face.
ASI : Quels sont vos marchés les plus prometteurs ?
FF : Vous serez peut-être surpris d’apprendre que l’Angola est notre premier marché en termes de volume. Cela dit, il est assez sensible aux prix et cette relation témoigne de notre lien historique (plutôt que de considérer l’Afrique comme un marché de croissance). Mais nous investissons également dans des marchés comme la Corée, la Chine, la Thaïlande, la Malaisie et l’Europe de l’Est. L’Ukraine, par exemple, réagit très bien à nos efforts de promotion. Une présence précoce sur ces marchés nous donne une meilleure chance de construire des relations durables.
ASI : Le porto et le madère ont autrefois dominé les exportations portugaises. Cela a-t-il changé ?
FF : De façon spectaculaire. Le porto représentait autrefois 65 % de la valeur de nos exportations. Aujourd’hui, il représente environ 30 %. Les vins de table, souvent élaborés à partir de raisins indigènes moins connus, sont en tête de peloton. Dans
le Douro, où le porto est produit, les viticulteurs produisent davantage de vins tranquilles ( ) pour diversifier leur portefeuille. Ils trouvent également des moyens inventifs de servir et de commercialiser le porto. L’essor du porto et du tonic préemballés en est un bon exemple.
ASI : Le Portugal est connu pour sa viticulture moderne. Comment équilibrez-vous l’innovation et la tradition ?
FF : Nous avons parcouru un long chemin depuis les années 80. Les jeunes viticulteurs formés à l’étranger ont ramené de nouvelles techniques - j’ai moi-même travaillé en Australie. Mais aujourd’hui, on assiste à un retour au respect du terroir et des méthodes traditionnelles : fermentation en argile ou en béton et, de manière générale, réduction des interventions. La différence aujourd’hui est que nous avons la science pour soutenir la vinification naturelle avec le contrôle et la compréhension.
ASI : Vos cépages indigènes vous ontils aidé à vous adapter au changement climatique ?
FF : Le changement climatique nous affecte - temps plus chaud, moins d’eau. Mais nos cépages
indigènes sont bien adaptés. En fait, de nombreuses variétés presque oubliées sont replantées en raison de leur résistance. Nous organisons même des dégustations axées sur ces «joyaux cachés» afin de mettre en valeur leur potentiel.
ASI : La consommation nationale est élevée, mais comment vous assurezvous que les jeunes générations au Portugal restent intéressées par le vin ?
FF : Au Portugal, la génération Z boit encore du vin, ce qui est différent des tendances mondiales. Le vin est abordable ici - une bonne bouteille peut coûter seulement 4 euros dans un supermarché. Cette accessibilité permet aux jeunes de rester engagés. Dans d’autres pays, où le vin coûte cher, les jeunes se tournent vers la bière, les cocktails ou s’abstiennent complètement. Le caractère abordable a été la clé de notre inclusivité.
ASI : Le Portugal est admiré pour sa capacité à offrir un bon rapport qualité-prix sans sacrifier la qualité. Quelle est l’importance de ce positionnement ?
FF : Très important. Notre objectif est d’augmenter le prix moyen et la valeur de manière durable, sans perdre notre accessibilité. Un grand vin portugais peut encore coûter moins de 30 euros. C’est pourquoi nous gagnons des adeptes dans le monde entier.
Au nom de l’ASI et de la communauté des sommeliers, nous vous remercions d’être restés fidèles à vos cépages indigènes, à votre identité régionale et à votre engagement en faveur d’un prix abordable. Le Portugal joue un rôle essentiel dans la diversité et l’accessibilité du monde du vin.
Les nouvelles frontières de la sommellerie : l’Afrique et le Moyen-Orient
Avec Michèle Chantôme
Pendant des décennies, le monde de la sommellerie professionnelle a été étroitement lié aux grands pays viticoles d’Europe et, plus récemment, aux marchés dynamiques d’Asie et d’Amérique. Mais ces dernières années, l’Afrique et le Moyen-Orient sont apparus comme de nouvelles frontières passionnantes pour la profession, portés par la croissance économique, un secteur touristique florissant et la passion d’une nouvelle génération de professionnels de l’hôtellerie désireux de perfectionner leur art.
Michèle Chantôme, vice-présidente de l’Association de la Sommellerie
Internationale (ASI) pour l’Afrique et le Moyen-Orient, soutient cette transformation. Pionnière dans l’expansion mondiale de la sommellerie, Michèle Chantôme a passé des décennies à défendre cette profession, à fonder des associations et à créer des opportunités dans des régions où la culture du vin en est encore à ses balbutiements ou, dans certains cas, où les restrictions sociales et religieuses font du service du vin un sujet sensible.
Depuis que l’ASMA marocaine est devenue membre de l’ASI en 2012, des pays tels que l’Afrique du Sud, Maurice et le Zimbabwe ont rejoint
la communauté internationale, tandis que le Kenya et le Liban ont récemment fait leurs premiers pas vers la création d’associations officielles de sommeliers. Si les hôtels de luxe, les croisières et le tourisme international restent les principaux moteurs de l’intérêt pour la sommellerie, des associations nationales et des initiatives telles que la Fondation Gérard Basset et la Sommeliers Academy of South Africa contribuent à former et à inspirer de jeunes talents.
Dans cette interview, Michèle Chantôme partage ses réflexions sur les défis culturels et logistiques liés
Michèle Chantôme
à l’introduction de la sommellerie dans ces régions, les succès qu’elle a constatés et les raisons pour lesquelles elle pense que les sommeliers d’Afrique et du Moyen-Orient seront un jour au même niveau que les meilleurs sommeliers du monde.
ASI : Au cours de la dernière décennie, comment avez-vous vu évoluer la sommellerie en Afrique et au Moyen-Orient ? Quelle est la force motrice derrière ce nouvel intérêt et cette expansion de la sommellerie dans ces régions ?
Michèle Chantôme (MC) : L’Afrique est reconnue comme le continent de l’avenir, avec le plus gros potentiel de croissance sur le plan économique. Il est donc excitant d’accompagner cette progression, notamment dans le domaine de l’art de vivre, en respectant l’inclusion et la diversité chères à l’ASI.
“Les jeunes qui travaillent dans un bar ou un restaurant sont de plus en plus attirés par le monde du vin.”
À part le Maroc où j’ai fondé l’ASMA, devenue membre de l’ASI dès 2012, l’Afrique du Sud et l’Île Maurice ont rejoint l’ASI en 2015, il y a dix ans. Le Zimbabwe a suivi en 2020. Le Kenya vient d’intégrer le
Collège des Postulants en mai 2025. Pour le Moyen-Orient, seul le Liban a pu postuler, non sans difficultés, en 2023. La situation dans cette région du monde est plus que problématique et ralentit aussi considérablement les efforts d’Israël. Les Émirats Arabes Unis sont également dans les starting blocks mais font face à des difficultés structurelles. Pourtant de nombreux établissements de luxe emploient làbas des sommeliers étrangers.
Dans tous ces pays, producteurs de vin ou pas, ce sont les infrastructures touristiques qui attirent les jeunes. Malheureusement, ils doivent souvent se former sur le tas car peu d’écoles hôtelières existent, et si elles enseignent l’hôtellerie et la restauration, elles n’assurent que très rarement, pour des raisons religieuses, des cours sur les boissons alcooliques. D’où la nécessité d’avoir des associations nationales de sommeliers qui peuvent assurer la formation en matière de vins et autres breuvages.
Les jeunes qui travaillent dans un bar ou un restaurant sont de plus en plus attirés par le monde du vin. En République Démocratique du Congo, c’est une association de barmen qui s’élargit pour accueillir une branche sommellerie. De nombreux Congolais travaillent à l’étranger, dans les Émirats, ou sur des bateaux
“J’étais consciente des difficultés qui m’attendaient, mais forte de mon expérience dans le monde de la sommellerie et de ma connaissance de la plupart des pays et des peuples concernés, je n’ai pas hésité.”
de croisière. Il existe également une importante diaspora zimbabwéenne en Afrique du Sud et en Europe. C’est une richesse pour l’association du pays qui peut profiter de l’expérience internationale de certains de ses membres. Les compagnies de croisières se réfèrent maintenant aux Certifications et Diploma ASI pour recruter leurs sommeliers. Au Nigéria, ce sont souvent les clubs d’amateurs de vin, animés par des importateurs, qui motivent les jeunes. La Tanzanie, en particulier la région touristique de Zanzibar, devrait s’intéresser au vin et donc à la sommellerie. En tant que serveur dans un restaurant, un jeune peut facilement rêver de gravir les échelons en devenant maître d’hôtel ou sommelier.
L’intérêt pour le métier de sommelier dans ces pays est grandissant grâce aux actions engagées par l’ASI. N’oublions pas que le but premier de notre association internationale est la promotion du métier. Nos relais, outre les vice-présidents, en sont les sommeliers eux-mêmes qui s’expatrient à la demande de palaces et restaurants gastronomiques dans le monde entier. Ils motivent et forment une équipe de commis, de sommeliers et suscitent bien souvent la création d’une association, quand ils ne la fondent pas eux-mêmes.
ASI : Pouvez-vous nous raconter une réussite dans votre travail, où la sommellerie s’est implantée dans un pays qui n’avait auparavant aucune culture ni industrie viticole ? MC : Ça remonte aux années 90. Il y a plus de trente ans… Je venais de lancer le concours du Meilleur Sommelier d’Europe pour le Champagne Ruinart, en 1988, et dans le règlement, pour éviter des allégations de démarches bassement commerciales, j’avais stipulé que dans chaque pays une association officielle de sommeliers devait dûment sélectionner son candidat. Or peu de pays d’Europe étaient alors dotés d’une association de sommeliers… J’ai donc pris mon bâton de pèlerin et, avec l’aide de Giuseppe Vaccarini et le soutien financier de la Maison Ruinart, j’ai sillonné l’Europe du Nord et de l’Est pour porter la bonne parole ! Nous avons, parfois aidés par les importateurs de Ruinart, réussi à
rallier des pays où le mot même de sommelier était inconnu. Surtout dans les pays non-producteurs de vin.
De 14 associations nationales répertoriés par l’ASI en Europe en 1988, nous sommes passés à 34 au début des années 2000. Le cas des pays baltes est particulièrement parlant. L’association d’Estonie va fêter ses 25 ans cette année. C’est une association très active lancée par un passionné de vins, Rein Kasela, qui avait apprécié la gastronomie et les vins français à l’occasion du Tour de France cycliste dont il était l’un des juges. C’est donc en partie grâce à lui que Mikk Parre est devenu Meilleur Sommelier d’Europe 2024 ! Et que dire de Raimonds Tomsons, de Lettonie, Meilleur Sommelier du Monde 2023 ? Sans une association lettonne, il ne serait peut-être même pas devenu sommelier… Je ne peux pas m’empêcher de croire que le Trophée Ruinart a participé à cet essor de la sommellerie partout en Europe. Et j’en suis très fière. N’oublions pas Mikaël Söderström, Meilleur Sommelier d’Europe 1990 et Andreas Larsson, également suédois, Meilleur Sommelier d’Europe en 2004 puis Champion du Monde en 2007 ! Et là, je n’évoque que les pays non-producteurs de vin à l’époque bien sûr !
ASI : Dans quelle mesure le soutien de l’ASI a-t-il contribué à former une nouvelle génération de sommeliers en Afrique et au Moyen-Orient, et qu’apportent ces professionnels émergents au débat mondial sur le service du vin ?
MC : Le premier pas à l’ASI a été franchi en 2020 avec l’élection à la présidence de William Wouters qui a accepté de rendre effective une disposition écrite des statuts de l’ASI concernant les vice-présidences continentales. Seuls continents représentés jusqu’alors : l’Europe, les Amériques et l’Asie & Océanie (devenue depuis Asie & Pacifique). La zone Afrique & Moyen-Orient n’était pas incarnée… Je suis reconnaissante bien sûr à William de m’avoir fait confiance, sachant que la tâche ne serait pas facile. J’étais consciente des difficultés qui m’attendaient, mais forte de mon expérience dans le monde de la sommellerie et de ma
connaissance de la plupart des pays et des peuples concernés, je n’ai pas hésité. J’aime les défis. On ne savoure ses succès que par rapport aux obstacles rencontrés…
Les sommeliers, actuels et futurs, d’Afrique & du Moyen-Orient apportent une fraîcheur et une spontanéité qui manquent parfois dans des pays traditionnels où les professionnels sont « formatés » et parfois même blasés face à l’éventail de possibilités qui leur est offert tant au niveau des vins que de la gastronomie. Pour la plupart, ils découvrent un monde nouveau qui les fait rêver. Ils sont enthousiastes. Grâce à l’ASI, ils peuvent rencontrer de grands sommeliers du monde entier à l’occasion de concours internationaux et de camps d’entraînement. Ils veulent leur ressembler. Dans les palaces et établissements gastronomiques accueillant de nombreux touristes, ils se sentent investis d’une mission : ils sont les ambassadeurs des vins mais aussi de l’art de vivre de leur pays. Ils prennent leur rôle très au sérieux et essaient sans cesse de s’améliorer.
ASI : À l’avenir, quels pays ou régions relevant de votre viceprésidence présentent selon vous le plus fort potentiel de croissance pour la profession de sommelier, et pourquoi ?
MC : Difficile à dire ! Il y a des talents partout. Le rôle des associations nationales de sommeliers est de les aider à s’épanouir, à se perfectionner. Pour cela, il faut une bonne logistique, donc un budget de fonctionnement est indispensable. La recherche de sponsors, de partenaires financiers, est d’autant plus difficile dans les pays non-producteurs de vin. Il faut citer le rôle important joué par la Gerard Basset Foundation qui accorde des bourses à certains étudiants méritants. L’ASI, quant à elle, propose des guidelines, des bootcamps, des examens et des concours qui aident également à la formation des jeunes.
Nous aurons l’occasion en 2027, en Afrique du Sud, de juger des progrès réalisés par des sommeliers autochtones en quelques années à
l’occasion du premier Concours ASI du Meilleur Sommelier d’Afrique & Moyen-Orient.
ASI : Quel conseil donneriez-vous aux jeunes d’Afrique ou du Moyen-Orient qui souhaitent devenir sommeliers ? MC : Le métier de sommelier est particulièrement attractif. Il faut juste le faire découvrir aux jeunes, les faire rêver, avant même de les accompagner dans leur formation. Commencer par acquérir les connaissances de base, se présenter aux examens de l’ASI, aux concours nationaux, puis essayer de trouver un stage auprès d’un bon sommelier pour se perfectionner. Je leur conseillerais également de regarder les concours de l’ASI et de lire les interviewes de nos champions. Découvrir, par exemple, que Gérard Basset a commencé par la plonge avant de travailler en salle puis de devenir sommelier, remporter des concours au niveau national, européen, mondial, et d’être le plus titré au monde. Déjà une légende de son vivant, il ne peut qu’inspirer les jeunes.
Par ailleurs, ne pas oublier que c’est un métier de service, de contact, d’échange. Il faut beaucoup d’empathie, aimer partager…
ASI : Pensez-vous qu’un jour les sommeliers d’Afrique et du MoyenOrient rivaliseront avec les meilleurs
sommeliers d’Europe, d’Asie et d’Amérique ? Y a-t-il des sommeliers issus de pays non traditionnels (c’est-à-dire autres que l’Afrique du Sud) que vous considérez comme les futures stars de la sommellerie ?
MC : Les jeunes en Afrique et au Moyen-Orient ont généralement soif d’apprendre. Ils sont très motivés. Ils ont la volonté de réussir. De plus, beaucoup d’entre eux sont très doués pour le service.
Nul doute qu’avec un bon accompagnement certains d’entre eux arriveront à concourir à armes égales avec les candidats des autres continents. Il est encore trop tôt pour faire des pronostics mais un temps viendra où les sommeliers africains et moyen-orientaux se distingueront dans les concours de l’ASI.
Patience !
Viva Italia ! Une histoire d’amour entre Singapouriens et les variétés indigènes d’Italie
Avec Jessica Tan
ÀSingapour, où les parcours professionnels suivent souvent des voies prévisibles - médecin, avocat, comptable, ingénieur - la décision de Jessica Tan de passer d’une carrière dans la technologie à une carrière dans le vin italien était quelque peu radicale. Ingénieure en informatique de formation, avec un curriculum vitae ancré dans l’effervescence technologique de San Francisco, Jessica n’a pas prémédité son parcours vers le vin, mais l’a fait de manière fortuite, avec peut-être un soupçon de rébellion.
Élevée dans un foyer où le vin faisait partie intégrante des dîners familiaux, elle y a été exposée très tôt et de manière informelle. Mais ce n’est qu’à son retour des ÉtatsUnis à Singapour qu’une rencontre fortuite l’a amenée à changer de cap. Un entrepreneur américain à la recherche d’une personne intéressée à la fois par la technologie et le vin l’a invitée à rejoindre une startup. Bien qu’admettant son manque de connaissances formelles, Jessica a dit oui, et c’est ainsi qu’a commencé un voyage qui allait tout changer.
La réaction de sa famille a été mitigée. Dans une culture qui privilégie la stabilité, la consternation de sa mère - marquée par la remarque «Quand auras-tu fini de jouer ?» - reflétait l’opinion générale de la société sur l’hospitalité, considérée comme une profession peu sérieuse. Mais Jessica a persisté. Elle a pris un congé sabbatique à travers l’Asie du Sud-Est, puis a lancé une société de conseil, organisant des dîners privés et donnant des conseils sur les caves, se forgeant ainsi une réputation bouteille par bouteille.
C’est son mentor, Ch’ng Poh Tiong, spécialiste des vins de Bordeaux et président régional de Decanter, qui lui a permis de franchir un cap décisif. «Pour réussir, il faut se concentrer», lui dit-il. Quelques mois plus tard, lors d’une dégustation à l’aveugle, Jessica est tombée sur un vin effervescent qu’elle n’arrivait pas à situer. Il ne s’agissait ni de Champagne, ni de Franciacorta, ni de Cava, mais d’un Ribolla Gialla d’Eugenio Collavini. L’acidité vivifiante et la profondeur minérale de ce vin lui ont été une révélation. Elle avait trouvé sa voie dans les cépages italiens.
Aujourd’hui, Jessica Tan est l’une des voix les plus convaincantes d’Asie en matière de vins italiens. Dans cette conversation, elle évoque la résistance culturelle, les dégustations mémorables et la joie de découvrir les trésors vinicoles cachés de l’Italie.
“Je me souviens que lors d’une dégustation, quelqu’un avait appelé le Chianti «chee-antee» au lieu de «kee-ahntee». C’est à ce moment-là que j’ai compris que nous avions besoin d’un outil qui couvre
la prononciation, le contexte régional et les notes de dégustation.”
ASI : Qu’est-ce qui, en Italie, a renforcé votre décision de vous concentrer sur ses vins ?
Jessica Tan (JT) : Tout d’abord, j’aime la cuisine. En grandissant, lorsque mes parents nous laissaient choisir où manger le week-end, c’était invariablement italien ou japonais. Mais surtout italien. Ce qui m’a vraiment attirée dans l’étude des vins italiens, c’est la chaleur et l’ouverture d’esprit des gens.
Prenez Gianni Gagliardo, de Barolo. Lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois, il m’a proposé de m’héberger pendant trois mois pour me faire découvrir la région. Je n’ai pas pu accepter son offre, mais j’ai continué à apprendre. Puis j’ai entendu Ian D’Agata parler lors d’une masterclass de Vinitaly à Hong Kong. Ce fut un tournant. J’ai fini par me rendre à Vérone pour assister à son cours de cinq jours.
Mon mari, qui était à l’époque mon petit ami, m’a également apporté un soutien incroyable. Et, bien sûr, de nombreux viticulteurs, agents et responsables des exportations ont généreusement partagé avec moi des décennies de données et d’expérience.
ASI : Pensez-vous que l’échange de connaissances entre les sommeliers et les producteurs se fait dans les deux sens ?
JT : Absolument. De nombreux domaines viticoles me disent qu’ils apprécient que quelqu’un comme
moi apporte une perspective différente à leur activité. L’idée que les producteurs apprennent de leur public n’est pas nouvelle.
Prenons par exemple le Wine Project de Ian D’Agata. Il réunit environ 70 sommeliers, importateurs et éducateurs à l’occasion d’un événement annuel appelé Collisioni in Piedmont. Ces voyages à travers des régions comme les Abruzzes et les Marches nous ont ouvert les yeux et les palais. Lors de l’un de ces voyages, j’ai découvert que le Verdicchio vieilli pouvait avoir le même goût que le Meursault ou le Puligny-Montrachet. J’ai également réalisé que le Trebbiano Abruzzese est totalement différent du Trebbiano Toscana, plus prolifique. Et j’ai acquis une nouvelle appréciation du Montepulciano.
“Ce qui m’a vraiment attirée dans l’étude des vins italiens, c’est la chaleur et l’ouverture d’esprit des gens.”
Dans le Piémont, grâce au même projet, j’ai découvert des cépages comme le Nascetta et le Timorasso, bien avant qu’ils ne deviennent populaires.
ASI : En tant que passionné des cépages indigènes, avez-vous des favoris ?
JT : J’ai tendance à diviser l’Italie en quatre quarts. Dans le nord-est, j’aime le Torcolato fait à partir de Vespaiolo, et bien sûr la Ribolla Gialla. Pour les rouges, j’aime les vins issus exclusivement de Corvina Veronese.
Dans le nord-ouest, le Schiava du Trentin se distingue. Parmi les blancs, le Timorasso, le Nascetta et l’Arneis - le «petit coquin» du Piémont - sont mes préférés.
Dans le centre de l’Italie, je suis fascinée par le Nasco de Sardaigne, un ancien cépage réduit à deux rangées de vignes avant l’Argiolas, et que l’université locale a fait revivre.
Il y a aussi l’Abrostine, un cépage teinturier cultivé par seulement deux domaines en Toscane, près du mont Amiata. Il est aromatique et concentré et rappelle souvent le Nebbiolo. Je l’ai servi à des amateurs de Bourgogne qui m’ont dit : «Ouah ! Où puis-je acheter ce vin ?».
Dans le sud, j’aime le Verdeca (Pouilles) pour les blancs et le Nerello Mascalese (Sicile) pour les rouges. Cela dit, l’Italie nous surprend toujours. Les producteurs ouvrent parfois des bouteilles de bibliothèque fabriquées avec des raisins qu’ils ne produisent plus - survivants d’une époque où les cépages indigènes ont été éliminés au profit des cépages internationaux. Je suis reconnaissante à ceux qui les ont gardés en terre. Grâce à eux, nous avons encore des histoires - et des vins - à partager.
ASI : Lorsque vous enseignez ces cépages moins connus, les comparezvous aux variétés internationales pour les rendre plus familiers ?
JT : Exactement. Pour le Nerello Mascalese, par exemple, je le compare souvent au Pinot Noir. Selon le producteur et le style de vinification, je dirai : «Celui-ci ressemble davantage à un pinot noir bourguignon ; celui-là à un pinot noir néo-zélandais».
Pour les buveurs plus expérimentés, je peux même comparer la Contrada de l’Etna aux communes bourguignonnes. Cela permet aux gens d’avoir un point de référence.
ASI : Vous avez créé une incroyable ressource en ligne, Wine Safari Italia Qu’est-ce qui l’a inspirée ?
JT : Covid. Mais l’idée est née en 2018, lorsque j’ai réalisé à quel point les gens connaissaient mal les cépages italiens - et à quel point ils les prononçaient souvent mal. Je me souviens que lors d’une dégustation, quelqu’un avait appelé le Chianti «chee-an-tee» au lieu de «kee-ahn-tee». C’est à ce moment-là que j’ai compris que nous avions besoin d’un outil qui couvre la prononciation, le contexte régional et les notes de dégustation.
En 2019, j’ai organisé un événement sans vins «A, B, B, B, C», c’est-à-dire sans Amarone, Barolo, Barbaresco,
Brunello ou Chianti. Nous étions 150 personnes, y compris des sommeliers. Les vins étaient regroupés par région et chaque sommelier présent à la table pouvait prononcer les cépages et les expliquer en toute confiance.
“De nombreux domaines viticoles me disent qu’ils apprécient que quelqu’un comme moi apporte une perspective différente à leur activité.”
Nous avons créé des étiquettes avec des guides de prononciation, des notes sur les cépages et des informations sur les appellations - ce contenu est devenu l’ossature du site web. Lorsque la pandémie a frappé, j’ai décidé de prendre mes notes et de construire quelque chose de plus permanent. Nous avons tout recoupé avec des livres et des bases de données officielles pour garantir l’exactitude des informations. Deux ou trois ans plus tard, le site était prêt.
ASI : Quelle est la situation du vin italien à Singapour aujourd’hui ?
JT : Depuis 2015, le marché a connu une croissance régulière, d’environ 3,5 % par an en volume et un peu plus en valeur. Bien que le marché soit petit par rapport aux normes mondiales, Singapour est très avisé en matière de vin.
Vous verrez toujours de l’Amarone, du Barolo, du Brunello sur les cartes des vins, mais de plus en plus de restaurants proposent des blancs comme le Verdicchio, le Garganega et le Trebbiano di Lugana au verre, surtout lorsqu’ils s’accordent bien avec les plats.
ASI : Quelle est l’importance de la communauté des sommeliers dans cette croissance ?
JT : C’est très important, et c’est un soutien incroyable. Il suffit de regarder le récent Bootcamp de l’ASI qui s’est tenu ici. Alors que quatre organisateurs principaux l’ont dirigé, 25 personnes ont participé activement à la discussion de groupe. Ce type de collaboration est rare et inspirant.
Si les sommeliers dirigeaient le monde, il n’y aurait pas de guerre !
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Retour à la maison dans un nouveau paysage viticole portugais
Lorsque Marc Pinto a quitté le Portugal pour faire carrière dans l’hôtellerie, le vin n’était guère plus qu’un rituel quotidien à la table familiale. Né à une demiheure de Porto, ses souvenirs d’enfance se résument à des voyages dans la vallée du Douro pour acheter en vrac du vin de paysan non étiqueté et à des bouteilles spéciales que l’on sortait à l’occasion de célébrations. «Je ne m’étais jamais imaginé sommelier», admet M. Pinto. «Je pensais que je finirais dans le tourisme, peut-être dans la gestion, mais certainement pas dans le vin.
Aujourd’hui, Marc Pinto est l’un des sommeliers les plus respectés du Portugal. Sa carrière l’a mené d’une école hôtelière du nord du Portugal aux salles de restaurants étoilés au guide Michelin en Espagne, avec en point d’orgue un rôle de chef sommelier au Lasarte, l’établissement trois étoiles de Martin Berasategui à Barcelone. Son séjour à l’étranger, entouré de Bourgogne, de Bordeaux et des plus grands vins d’Espagne, a fait de lui un sommelier de classe mondiale. Mais c’est son retour au Portugal en 2018, pour ouvrir 50 Seconds by Martin Berasategui à Lisbonne, qui a remodelé sa compréhension du vin portugais et l’a convaincu que le pays était à l’aube d’une révolution des vins fins.
“Mais cette expérience m’a façonné : elle m’a appris la précision, la profondeur et la manière de communiquer sur le vin au plus haut niveau.”
La carrière de Marc Pinto a commencé presque par accident. Un échec à un examen de mathématiques l’a détourné d’un cours de gestion hôtelière et il s’est retrouvé dans une école hôtelière axée sur le service. «J’ai travaillé dans le bâtiment avec mon père, puis dans des restaurants le week-end», se souvient-il. «À l’école, un professeur appelé Victor Pinho - l’un des plus grands mentors du nord du Portugal - n’arrêtait pas de parler de vin. Champagne, porto... il était obsédé. J’étais le seul étudiant à prendre des notes, et j’ai alors réalisé que le vin était peut-être fait pour moi».
Après avoir obtenu son diplôme, Marc Pinto a cherché des stages qui lui permettraient de s’immerger dans le monde du vin. Sa détermination l’a conduit à Barcelone. Une fois sur place, il était destiné à travailler dans un bar de piscine, mais «je les ai suppliés de me laisser suivre une formation à l’Enoteca de l’Hotel Arts, un restaurant deux étoiles Michelin réputé pour sa carte des vins. Ils ont fini par céder. J’ai perdu 20 kilos pendant ces six mois, avec des journées de 16 heures à polir des verres et à réciter des grands crus de mémoire. Mais c’était la première fois
Avec Marc Pinto
Marc Pinto
“Le travail d’un sommelier consiste à préparer le palais du client, et pas seulement le vin.”
que je travaillais avec des personnes préparant les examens de la Court of Master Sommeliers ou les diplômes du WSET. C’est là que j’ai commencé à m’intéresser sérieusement au vin».
Il a rejoint Lasarte peu de temps après. En l’espace de deux ans, il est passé du poste d’assistant à celui de chef-sommelier, supervisant une cave de 5 000 bouteilles et 600 étiquettes. Pendant son séjour, Lasarte a obtenu sa troisième étoile Michelin en 2015. «C’était intense», dit-il. «J’étudiais trois heures tous les matins, puis je travaillais au service jusqu’à minuit. Mais cette expérience m’a façonné : elle m’a appris la précision, la profondeur et la manière de communiquer sur le vin au plus haut niveau.»
Lorsque Marc Pinto est retourné au Portugal en 2018, il avait passé des années à se concentrer sur les vins internationaux. «En Espagne, les vins portugais n’étaient qu’une note de bas de page - principalement les rouges du Douro, quelques Alentejo, Porto et Madère. À mon retour, j’ai dû réapprendre à connaître mon propre pays.»
Lors de l’ouverture de 50 Seconds, Marc Pinto a élaboré une carte des vins divisée en deux parties
égales, l’une internationale et l’autre portugaise. Mais pour remplir la moitié portugaise, il a fallu suivre un cours accéléré. «Je n’ai eu que 21 jours pour créer la carte des vins, de l’approvisionnement à l’achat de la verrerie. J’ai dû demander de l’aide. Ignacio Loureiro, directeur du restaurant et sommelier, m’a communiqué ses listes de vins et m’a expliqué les producteurs. Ensuite, j’ai voyagé partout - dégustations, vignobles, rencontres avec les vignerons. C’était comme si je partais de zéro».
Ce qu’il a découvert l’a surpris. «La plus grande révélation a été les vins blancs. Après 2001, le Portugal a adopté les technologies modernes - fermentation à température contrôlée, meilleure hygiène dans les caves. Cela a permis aux viticulteurs de produire des vins blancs d’une pureté, d’une fraîcheur et d’une complexité tout simplement impossibles à obtenir auparavant. Aujourd’hui, nos vins blancs peuvent rivaliser avec les meilleurs vins de Bourgogne ou d’Italie du Nord.
Marc Pinto estime que la force du Portugal réside dans sa diversité et son exceptionnel rapport qualitéprix, même s’il reconnaît que les petits volumes de production limitent la visibilité internationale. «Nous sommes encore jeunes en tant que pays de vins fins. La révolution du vin de table n’a vraiment commencé que dans les années 1990 - Dirk Niepoort a mis en bouteille son premier Robustus en 1990, et même cela était controversé à l’époque. Nous n’en sommes donc qu’à deux générations de production sérieuse de vins fins».
La production à petite échelle du Portugal reste un obstacle à la reconnaissance mondiale. «Notre v in rouge le plus emblématique, le Barca Velha, ne produit que 30 000 bouteilles tous les deux ans. Comparez cela à l’Unico de Vega Sicilia en Espagne, qui peut produire jusqu’à
120 000 bouteilles lors d’un bon millésime. Il est difficile de construire un marché international lorsque les importateurs ne peuvent obtenir que 60 bouteilles à la fois.
Il met également en garde contre la tentation de se lancer à corps perdu dans la premiumisation. Depuis la COVID, on assiste à une poussée des prix plus élevés, des styles plus «grands vins», mais nous devons être prudents. La réputation du Portugal est fondée sur la valeur, qu’il s’agisse d’une bouteille à 15 ou 100 euros. Si nous allons trop vite, nous risquons de perdre cet avantage.
Pour Marc Pinto, être sommelier au Portugal aujourd’hui ne se résume pas à vendre du vin ; c’est aussi une question de contexte et de confort. «Je compare souvent les vins portugais aux styles internationaux, non pas parce que j’en ai envie, mais parce que cela permet aux clients de se sentir à l’aise. Si vous aimez un vin fruité et rond, je trouverai un équivalent portugais et le servirai de manière à mettre en valeur ce que vous aimez en premier lieu, puis à révéler progressivement ses autres couches. Le travail d’un sommelier consiste à préparer le palais du client, et pas seulement le vin.»
Après avoir travaillé des années à l’étranger, Marc Pinto concilie aujourd’hui son rôle à 50 Seconds avec Wine Me Up, une société de conseil qu’il a cofondée pour conseiller les collectionneurs privés et les restaurants en matière de programmes vinicoles. Sa passion pour les vins portugais est évidente et contagieuse.
«Le Portugal est encore jeune, mais il est extraordinaire», déclare-t-il. «Nous avons des cépages uniques, des terroirs incroyables et des vins qui peuvent rivaliser avec les meilleurs du monde, souvent à moitié prix. Le monde commence à s’en rendre compte et, pour moi, le fait d’être ici aujourd’hui, d’aider à raconter cette histoire, est la meilleure partie du retour à la maison».
“Cela a permis aux viticulteurs de produire des vins blancs d’une pureté, d’une fraîcheur et d’une complexité tout simplement impossibles à obtenir auparavant. Aujourd’hui,
nos vins blancs peuvent rivaliser avec les meilleurs vins de Bourgogne ou d’Italie du Nord.”
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La qualité qui se dégage des régions portugaises est indéniable. Les vins préférés de Marc Pinto se lisent comme une carte routière de la diversité du pays :
Assemblages Encruzado du Dão
«Les sols granitiques et les vignobles d’altitude donnent des vins frais et complexes. Un Encruzado 100 % ou un assemblage avec du Cerceal et du Bical peut offrir encore plus de complexité. Il existe une qualité de classe mondiale à moins de 50 euros.»
Baga de Bairrada
«Autrefois rustique, le Baga est aujourd’hui produit dans un style raffiné, plus léger et plus élégant, avec des couches de complexité et un incroyable potentiel de vieillissement.»
Negra Mole de l’Algarve
«Un rouge léger et frais avec une acidité naturelle, parfait pour les fruits de mer grillés. Sa texture se situe entre le Pinot Noir et le Pinotage.»
Carcavelos de Lisbonne
«Un vin fortifié historique, vieilli et complexe, mais encore abordable. Buvez-le près de l’endroit où il a été produit pour en profiter pleinement.»
Loureiro de Vinhos Verdes
«Dépassant les vins pétillants et bon marché de Vinho Verdes, les producteurs de qualité élaborent des vins à base de Loureiro de Ponte de Lima qui offrent des notes de fleur d’oranger et de mandarine, qui sont à la fois minérales et fraîches.»
Arinto des Açores
«Les sols volcaniques leur donnent une incroyable minéralité. Lorsqu’ils sont soigneusement élevés en barrique, ces vins rivalisent avec les meilleurs blancs d’Europe centrale.»
Soutenez l’ASI
Nous faisons appel à vous en cette période particulièrement difficile pour l’Association de la Sommellerie Internationale (ASI). Une récente cyberattaque a compromis notre système de messagerie électronique, entraînant la perte de fonds essentiels par le biais de factures frauduleuses. Cette violation compromet notre capacité à poursuivre les activités essentielles qui soutiennent les jeunes sommeliers à travers le monde.
En tant qu’organisation à but non lucratif dirigée par des bénévoles et représentant 75 associations nationales, l’ASI défend depuis longtemps l’éducation, le développement professionnel et les concours internationaux.
Pour nous remettre sur pied, nous avons lancé la campagne de financement « Soutenez l’ASI » sur GoFundMe.
Votre don, qu’il soit ponctuel ou récurrent, nous aidera à poursuivre nos programmes éducatifs et à soutenir des événements tels que les prochains concours du Meilleur Sommelier d’Asie & Pacifique (Kuala Lumpur 2025) et du Meilleur Sommelier du Monde (Portugal 2026) et le Bootcamp des Amériques (2026).
Avec votre soutien, nous pouvons surmonter cette épreuve et assurer l’avenir de la sommellerie mondiale.
Plus d’informations
https://gofund.me/df48f85a
La sommellerie aux confins du monde
La sommellerie est profondément ancrée dans les traditions européennes. Cependant, grâce à un esprit pionnier, cette profession se répand rapidement dans des régions autrefois considérées comme éloignées des centres classiques de la sommellerie. Sur les marchés émergents d’Eurasie, d’Afrique, de l’océan Indien et des îles lointaines du monde, des professionnels passionnés de l’hôtellerie font découvrir à leurs clients l’univers des boissons raffinées.
Cette série, intitulée « La sommellerie aux confins du monde », dresse le portrait de ces pionniers, des professionnels qui développent la culture des boissons raffinées dans des régions où les vignobles sont rares, les quotas d’importation limités et où le conservatisme des consommateurs prévaut souvent. Du Kazakh Roman Chsherbakov, déterminé à faire connaître le riesling kazakh sur la scène internationale, à la Kenyane Janet Kang’ethe, qui façonne l’histoire du vin en Afrique de l’Est, en passant par le Mauricien Jean Desvaux Geerdarry, qui défend la diversité dans un pays sans vignobles, et Karin Vinsth, qui harmonise les saveurs du terroir des îles Féroé avec le vin, ces sommeliers incarnent à la fois la passion et la persévérance.
“Nous avons vraiment le sentiment que ce que nous faisons est important, que nous changeons les perceptions, tant sur le vin dans le pays que sur le pays à travers son approche du vin.”
La sommellerie au cœur de l’Eurasie
Avec Roman Chsherbakov
Roman Chsherbakov est sommelier chez Villa dei Fiori et Peppoli, ainsi que responsable du développement commercial chez Ecotrade Wine Company. Il est le meilleur sommelier du Kazakhstan 2024-2025, détient le diplôme Argent de l’ASI, a remporté deux fois le Blind Tasting Trophy Kazakhstan (2022) et a participé à l’ASI Bootcamp pour l’Asie & Océanie à Kuala Lumpur.
ASI : Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans le monde du vin et de devenir sommelier au Kazakhstan ?
Roman Chsherbakov (RC) : J’ai commencé ma carrière dans un restaurant de type steakhouse. Le niveau de service y était assez élevé et, même si nous n’avions pas de sommelier attitré, tous les serveurs faisaient de leur mieux pour étudier et vendre les vins que nous connaissions. Nous assistions régulièrement à des sessions de formation organisées par des négociants en vins, ce qui a éveillé mon intérêt pour l’autre côté du métier, celui où l’on ne porte plus de tablier, pour ainsi dire.
Un autre facteur important était la nature de notre travail, basé sur la commission. Naturellement, je voulais vendre des bouteilles plus chères, mais pour cela, je devais comprendre pourquoi elles coûtaient plus cher. Cela m’a amené à me former de manière approfondie et à m’orienter progressivement vers une carrière de sommelier à plein temps.
ASI : Y a-t-il des défis particuliers à relever pour devenir sommelier dans un pays comme le Kazakhstan, qui n’a pas une longue tradition de sommellerie par rapport aux pays d’Europe occidentale ou d’Amérique du Nord ?
RC : L’un des principaux défis est le conservatisme marqué des consommateurs. La plupart des
clients préfèrent s’en tenir à ce qu’ils connaissent déjà. Ils ne sont pas particulièrement intéressés par la découverte de nouveaux styles de vins ou l’élargissement de leurs connaissances. Les grandes marques de champagne, par exemple, se vendent très bien ici, mais il faut déployer des efforts considérables pour convaincre quelqu’un d’essayer un Bourgogne moins connu ou un vin qui sort de sa zone de confort.
Une autre difficulté réside dans l’accès limité à de nombreux vins. Le Kazakhstan n’est pas encore considéré comme un marché important pour le vin, de sorte que certaines allocations ne nous parviennent tout simplement pas. Il existe un petit groupe de passionnés qui aimeraient boire des bourgognes de grande qualité, mais ces vins ne sont tout simplement pas disponibles chez nous, ce qui est vraiment dommage.
ASI : Dans de nombreux pays où les régions viticoles sont petites et émergentes, les sommeliers, en particulier ceux qui travaillent dans les restaurants, ont joué un rôle majeur dans la promotion et la valorisation des vins locaux. Pensezvous la même chose des sommeliers au Kazakhstan et dans ses régions viticoles émergentes ?
RC : Absolument. Il est très facile de se sentir patriote lorsque le produit est vraiment excellent. Au Kazakhstan, nous avons des vins issus de terroirs exceptionnels et de vignobles
Roman Chsherbakov
incroyablement pittoresques. Arba Wine est l’un des plus remarquables. Je pense que d’ici 5 à 10 ans, il ne sera plus seulement connu localement, mais aussi internationalement, car ses vins sont vraiment excellents.
Nos rieslings, par exemple, sont déjà de classe mondiale. Je pense qu’ils peuvent facilement rivaliser avec les rieslings de la même catégorie de prix partout dans le monde.
ASI : Y a-t-il des opportunités ou des avantages à être sommelier dans un marché du vin émergent comme le Kazakhstan ?
RC : L’un des aspects les plus passionnants du métier de sommelier au Kazakhstan aujourd’hui est le sentiment que nous sommes à l’aube de la création d’une véritable culture du vin dans le pays. Nous avons vraiment le sentiment que ce que nous faisons est important, que nous changeons les perceptions, tant sur le vin dans le pays que sur le pays à travers son approche du vin.
À mesure que l’intérêt pour le vin grandit, de plus en plus d’établissements recrutent des sommeliers. La communauté des sommeliers étant encore relativement petite et jeune, nous nous connaissons tous, nous comprenons le niveau d’expertise de chacun, ce qui crée naturellement une saine concurrence. Ce type d’environnement vous pousse à progresser plus rapidement et à évoluer plus vite en tant que professionnel.
ASI : Auriez-vous un conseil à donner à ceux qui envisagent de devenir sommelier au Kazakhstan ?
RC : Avant tout, il faut aimer ce que l’on fait. Faites de la théorie votre meilleure alliée : sans connaissances solides, il est très difficile d’entrer dans une salle de restaurant avec assurance et d’expliquer pourquoi une région est plus intéressante qu’une autre, surtout lorsque vous avez affaire à des clients conservateurs qui préfèrent les vins qu’ils connaissent.
Mais n’oubliez pas non plus qu’être sommelier ne se résume pas à la théorie. Au fond, c’est avant tout une question d’hospitalité. Un sommelier est quelqu’un qui crée l’ambiance, qui veille à l’atmosphère du restaurant, et pas seulement quelqu’un qui recommande des bouteilles. Cette présence émotionnelle est tout aussi importante que les compétences techniques.
“Un sommelier est quelqu’un qui crée l’ambiance, qui veille à l’atmosphère du restaurant, et pas seulement quelqu’un qui recommande des bouteilles.”
Développer la sommellerie au Kenya
Avec Janet Kang’ethe
Janet Kang’ethe est sommelière au Social House Nairobi et membre de Team Wine Kenya, l’équipe de dégustation à l’aveugle qui participe au championnat mondial de dégustation à l’aveugle organisé par La Revue du Vin de France.
“Les sommeliers ont joué un rôle essentiel dans cette évolution, en favorisant l’éducation au vin, en organisant des expériences et en plaidant pour des normes plus élevées en matière de service et d’appréciation du vin dans tout le pays.”
ASI : Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans le monde du vin et de devenir sommelière au Kenya ?
Janet Kang’ethe (JK) : Après avoir travaillé dans l’hôtellerie pendant cinq ans, j’ai remarqué un manque récurrent dans les connaissances et le service en matière de vin. Les clients posaient souvent des questions auxquelles le personnel ne pouvait pas répondre de manière adéquate, et les cartes des vins étaient généralement élaborées par les fournisseurs plutôt que par quelqu’un qui comprenait vraiment l’identité du lieu ou la clientèle. Ce manque de conseils personnalisés et de structure dans le service du vin m’a fait prendre conscience qu’il y avait là une réelle opportunité d’amélioration. Pendant le confinement lié à la COVID-19, j’ai pris l’initiative d’explorer comment je pouvais contribuer à combler cette lacune. C’est alors que j’ai commencé à me plonger dans l’apprentissage du vin, dans le but d’apporter plus de professionnalisme, d’intentionnalité et de passion au service du vin dans le secteur de l’hôtellerie au Kenya.
ASI : Y a-t-il des défis particuliers à relever pour devenir sommelier au Kenya ?
JK : Absolument. L’éducation au vin en est encore à ses débuts au Kenya. Si la sensibilisation augmente, l’accès à des ressources pédagogiques de qualité, telles que des supports de lecture, des dégustations et des programmes certifiés, est limité et souvent prohibitif. De plus, il est très
Janet Kang’ethe
difficile de découvrir une grande variété de vins du monde entier, ce qui est essentiel pour développer son palais, en raison de leur disponibilité limitée et des coûts d’importation élevés. De plus, de nombreux hôtels et restaurants ne voient pas encore l’intérêt d’investir dans un sommelier dédié. Par conséquent, ce rôle est souvent négligé et ce métier ne bénéficie pas du soutien institutionnel nécessaire pour se développer pleinement.
ASI : Comment la perception du vin et le rôle des sommeliers ont-ils évolué au Kenya ces dernières années ?
JK : Le marché du vin kenyan a connu une croissance significative ces dernières années. Nous assistons aujourd’hui à l’émergence d’une véritable culture du vin, soutenue par une communauté active et curieuse. Des événements tels que le Gambero Rosso Tre Bicchieri, les festivals du vin et du fromage et la Nairobi Wine Fair sont devenus plus fréquents, offrant des plateformes d’éducation, de découverte et de connexion entre les consommateurs et le monde viticole mondial. Ces expériences ont encouragé les Kenyans à s’ouvrir davantage à la dégustation de différents cépages et à l’apprentissage du vin. Les sommeliers ont joué un rôle essentiel dans cette évolution, en favorisant l’éducation au vin, en organisant des expériences et en plaidant pour des normes plus élevées en matière de service et d’appréciation du vin dans tout le pays.
ASI : Y a-t-il des opportunités ou des avantages à être sommelier sur un marché du vin émergent ?
JK : Absolument, il y a de nombreuses opportunités passionnantes. À mesure que le marché du vin se développe, de plus en plus d’établissements reconnaissent
l’intérêt d’avoir un sommelier dédié. Nous sommes de plus en plus considérés comme des acteurs clés au sein des équipes de restauration, chargés non seulement de sélectionner des cartes des vins équilibrées et réfléchies, mais aussi de former le personnel et d’améliorer l’expérience globale des clients.
L’un des principaux avantages d’être dans un marché émergent est la possibilité de façonner l’industrie à partir de zéro. Il y a de la place pour innover, éduquer et avoir un impact réel. Nous commençons également à nous faire connaître à l’international grâce à des événements prestigieux, tels que les Blind Tasting Championships en France, auxquels j’ai eu le privilège de participer. Ces opportunités nous apportent une expérience inestimable et nous aident à nous connecter à la communauté mondiale des sommeliers.
ASI : Avez-vous des conseils à donner à ceux qui travaillent au Kenya ou dans les pays voisins et qui envisagent une carrière de sommelier ?
JK : Mon conseil ? Soyez curieux, restez humble et goûtez tout ce que vous pouvez (avec modération !). Pas besoin d’une cave sophistiquée, commencez avec ce qui vous entoure, prenez des notes et posez des questions.
Participez à des dégustations, rencontrez d’autres amateurs de vin et n’ayez pas peur de vous tromper, cela fait partie du plaisir. Surtout, n’oubliez pas que vous n’apprenez pas seulement à connaître le vin, vous apprenez à raconter des histoires à travers lui. Profitez du voyage. Il pourrait bien vous mener de votre premier tourbillon à une dégustation à l’aveugle en France ! Et bienvenue dans le monde délicieux de la sommellerie !
Rehausser le profil de la sommellerie à Maurice
Avec Jean Desvaux Geerdarry, Sommelier adjoint par intérim - Heritage Resorts Golf, Maurice
Pour Jean Desvaux Geerdarry, devenir sommelier n’était pas tant un choix de carrière conscient qu’une vocation. « C’est le vin qui m’a choisi », dit-il en repensant à son parcours, qui l’a mené de maître d’hôtel à l’un des sommeliers les plus reconnus de Maurice. Aujourd’hui, au sein de l’équipe Heritage Resorts & Golf, Jean est devenu un ambassadeur passionné du vin dans un pays qui ne possède pas de vignobles.
Tout juste après avoir remporté l’Ubuntu Trophy avec l’équipe de Maurice, Jean nous parle de sa fierté de représenter son pays, de la valeur des échanges culturels avec les sommeliers du monde entier et de sa mission qui consiste à inspirer les autres à travers le vin.
ASI : Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir sommelier ?
Jean Desvaux Geerdarry (JDG) : Lorsque je travaillais comme maître d’hôtel, la société (Heritage Resorts & Golf) m’a proposé d’étudier le vin et de devenir sommelier. À l’époque, je ne connaissais pratiquement rien au vin, mais j’ai accepté de relever le défi. Avec le recul, j’ai l’impression que c’est le vin qui m’a choisi pour devenir son ambassadeur.
ASI : Étant originaire de l’île Maurice, qu’appréciez-vous le plus dans le fait de vivre et de travailler dans votre pays natal, en particulier dans le secteur de l’hôtellerie ?
JDG : Oui, je suis fier d’être Mauricien. Vivre et travailler ici est vraiment une chance. Je me sens bien intégré chez Heritage Resorts & Golf, qui prend grand soin de moi et m’a toujours soutenu dans mon parcours professionnel.
Jean Desvaux Geerdarry
ASI : Quels sont les défis et les avantages d’être sommelier à Maurice ?
JDG : L’un des principaux défis est que nous n’avons pas de vignobles ni de caves dans la région. Cependant, cela nous permet également d’avoir l’esprit ouvert, car nous ne sommes influencés par aucune tradition viticole particulière. En fait, nous avons plus de 12 importateurs de vin et notre entreprise importe également directement de France, d’Italie et d’Afrique du Sud.
ASI : Annabella’s, un restaurant très prisé du complexe, est décrit comme une brasserie aérée. Compte tenu de l’héritage français de l’île Maurice et de la présence de touristes français, la carte des vins est-elle exclusivement française ? Ou proposez-vous également des vins d’autres régions, comme l’Afrique du Sud ? Quelle satisfaction vous a procuré la récente distinction décernée par Wine Spectator ?
JDG : Notre carte des vins propose des sélections du monde entier et, fait intéressant, nous vendons en réalité plus de vins du Nouveau Monde que de France. Les vins sud-africains occupent une place importante dans notre carte, car il s’agit de la région viticole la plus proche de nous. Les clients européens nous demandent souvent de leur faire découvrir des vins du Nouveau Monde, ce qui est une expérience enrichissante pour nous.
Nous sommes extrêmement fiers et reconnaissants d’avoir été récompensés par Wine Spectator Cela valide le travail acharné de toute l’équipe et nous motive à continuer à placer la barre plus haut.
ASI : Vous et l’équipe Maurice avez récemment remporté l’Ubuntu Trophy. Cette expérience a-t-elle été gratifiante ? Dans quelle mesure est-il important pour vous d’échanger avec des sommeliers en dehors de Maurice ?
JDG : L’Ubuntu Trophy était ma première compétition internationale, et la remporter a été une expérience incroyable et inoubliable.
Il est très important pour moi d’échanger avec des sommeliers d’autres pays. Nous venons tous de cultures différentes et nous apportons chacun notre propre perspective sur le vin. Je me suis fait de très bons amis pendant la compétition et j’ai beaucoup appris, non seulement à travers la dégustation, mais aussi en partageant mes connaissances et mes expériences.
“Notre carte des vins propose des sélections du monde entier et, fait intéressant, nous vendons en réalité plus de vins du Nouveau Monde que de France.”
“M’apprenant ce qui fonctionneet ce qui ne fonctionne paslorsqu’il s’agit de combiner des saveurs féroïennes avec différentes boissons.”
Fermenter de nouvelles idées d’accords au bout du monde
Avec Karin Visth
Peu d’endroits semblent aussi isolés et aussi profondément ancrés dans la tradition que les îles Féroé. Sculpté par le vent et l’océan, cet archipel de l’Atlantique Nord, situé presque à équidistance de l’Islande, de la Norvège et de l’Écosse, est un lieu où les méthodes ancestrales de conservation des aliments façonnent encore le palais de tous les jours. Le restaurant Ræst et ROKS, à Tórshavn, célèbre cette identité culinaire.
Karin Visth, sommelier de formation née en Suisse, y dirige l’équipe d’accueil en tant que directrice du restaurant et chef sommelière, tandis que le chef Sebastián Jiménez propose des saveurs originales à partir d’ingrédients locaux et issus de l’agriculture durable, qu’il transforme en utilisant des techniques traditionnelles de salaison et de fermentation.
Visth s’est d’abord installée dans cette oasis sauvage pour permettre à sa voix de s’exprimer, ce qui aurait été plus difficile en Suisse. Elle a d’abord fait imprimé sa marque au célèbre restaurant Koks, qui a obtenu deux étoiles Michelin en 2019 avant sa fermeture en 2024. Elle y a poussé le programme de boissons vers de nouveaux sommets, contribuant à porter la gastronomie féroïenne à un niveau supérieur.
Visth continue de repousser les limites, en associant des techniques patrimoniales et des ingrédients locaux à des vins, des spiritueux et des boissons fermentées du monde entier provenant de producteurs réfléchis et durables. Dans cette conversation, nous explorons la façon dont Visth aborde l’élaboration d’un programme de boissons dans l’un des coins les plus isolés d’Europe.
ASI : Qu’est-ce qui vous a poussée à vous installer dans une région du monde aussi isolée ?
Karin Visth (KV) : J’ai grandi et fait une grande partie de mes études en Suisse, un pays réputé pour ses traditions gastronomiques riches et bien établies. Dans un paysage culinaire aussi solide, il aurait été difficile pour une jeune femme chef et sommelière d’avoir le même impact que j’ai pu avoir ici, dans les îles Féroé.
Lorsque je suis arrivée aux îles Féroé, la scène culinaire était encore jeune et en pleine évolution. J’ai découvert un endroit avec des ingrédients bruts incroyables et des aliments d’une qualité exceptionnelle, mais avec très peu de restaurants, pas de sommeliers et aucune documentation sur la façon d’associer la cuisine féroïenne à des boissons.
Pour moi, c’était le défi parfait - et l’endroit idéal - pour m’engager pleinement, faire preuve de créativité et contribuer à façonner quelque chose à partir de zéro.
ASI : Quels sont les défis liés à la gestion d’un programme de boissons dans les îles Féroé ?
KV : L’un des plus grands défis au début a été de trouver comment associer le vin avec les saveurs plus piquantes et intenses des aliments fermentés traditionnels des îles Féroé. J’ai dû sortir des sentiers battus et laisser de côté les vins plus conventionnels. Au lieu de cela, j’ai exploré les accords avec le sherry, le madère, la bière et même le saké Koshu vieilli du Japon, qui a fini par trouver son chemin jusqu’aux îles Féroé.
L’approvisionnement en vin n’a jamais été un problème majeur, car nous sommes bien reliés au Danemark et, grâce à ces liens, nous avons accès à presque toutes les bouteilles que
Karin Visth
nous souhaitons. En revanche, il a été plus difficile de recruter du personnel. Néanmoins, j’ai eu la chance de constituer des équipes solides et passionnées.
Pour approfondir nos connaissances en matière de vin, nous avons créé une petite école de vin interne. Chaque semaine, j’enseigne à notre équipe un sujet spécifique sur le vin, pour l’aider à mieux comprendre les vins et les boissons que nous servons.
ASI : Avec un menu aussi hyperlocal et souvent issu de la cueillette, comment vous y prenez-vous pour associer des vins à des ingrédients qui ne sont pas familiers à la plupart des amateurs de vin du monde entier ?
KV : Notre cuisine utilise de nombreuses saveurs et de nombreux ingrédients qui ne sont pas traditionnellement associés au vin, et je savais donc que j’avais besoin d’une compréhension plus approfondie de l’éventail complet de la nourriture féroïenne. J’ai passé beaucoup de temps à rencontrer des agriculteurs et des fournisseurs locaux, afin de connaître toutes les étapes du processus de production de ces ingrédients uniques.
Fort de ces connaissances, j’ai procédé à d’innombrables essais d’association, m’apprenant ce qui fonctionne - et ce qui ne fonctionne pas - lorsqu’il s’agit de combiner des saveurs féroïennes avec différentes boissons.
Pendant la basse saison du restaurant, j’ai également eu l’occasion de voyager beaucoup, en visitant des régions viticoles et des producteurs du monde entier. Ces expériences m’ont permis de nouer de solides relations avec les viticulteurs et les vinificateurs, ce qui s’est avéré très utile pour
élaborer un programme de vins réfléchi et passionnant.
ASI : Comment intégrez-vous la dimension locale dans votre programme de boissons ?
KV : L’aspect local de notre association de boissons est important pour notre restaurant. Nous proposons un accord sans alcool à base d’herbes locales, de baies et d’autres ingrédients provenant des îles Féroé. Cette option est devenue très populaire et nous permet de mettre en valeur la richesse et la variété de nos matières premières d’une manière unique.
Par exemple, l’un de nos produits phares est un cocktail clarifié à base de lait, de type punch, fabriqué à partir d’extraits et d’infusions d’herbes sauvages, servi en accompagnement du dessert.
Je fais également partie de l’équipe de dégustation et d’assemblage de
la distillerie Faer Isles. Je suis fière d’intégrer à nos menus les spiritueux des îles Féroé et la bière d’Oy, une petite microbrasserie (OY) de Tórshavn.
ASI : Qu’espérez-vous que les clients retirent de l’expérience du vin chez Koks, en particulier ceux qui visitent les îles Féroé pour la première fois ? KV : Ce que j’aime dans nos accords de boissons, c’est l’équilibre entre la tradition et la découverte. Nous servons des sélections classiques et élégantes comme le champagne, le bourgogne ou le riesling allemand, mais nous ajoutons aussi une touche en incluant des joyaux moins connus, comme le pinot noir de petits producteurs des Alpes suisses. Nos clients se voient offrir un aperçu approfondi de la culture culinaire des îles Féroé, accompagné d’accords judicieusement choisis qui combinent l’excellence familière avec des surprises inattendues et délicieuses.
“Pour moi, c’était le défi parfait - et l’endroit idéalpour m’engager pleinement, faire preuve de créativité et contribuer à façonner quelque chose à partir de zéro.”
Levez votre verre dans des régions difficiles
Avec Amrita Singh et Michèle Chantôme
Dans les pays où les croyances culturelles ou religieuses découragent la consommation d’alcool, la sommellerie peut sembler un choix de carrière improbable. Pourtant, des pionnières comme Amrita Singh, cofondatrice et présidente de la Sommeliers Association of India (SAI), et Michèle Chantôme, vice-présidente de l’ASI pour le Moyen-Orient et l’Afrique, prouvent le contraire. Toutes deux soutiennent la redéfinition de l’éducation en matière de boissons dans des régions où le vin fait autant l’objet de débats que d’appréciation. Les réalisations d’Amrita Singh en Inde et le plaidoyer inlassable de Michèle Chantôme en Afrique et au Moyen-Orient illustrent que la sommellerie, lorsqu’elle s’inscrit dans un cadre culturel, gastronomique et professionnel, peut transcender les barrières sociales.
Renforcer la légitimité en Inde
« L’Inde, qui abrite la population la plus importante et la plus jeune du monde, est l’un des marchés de consommation les plus dynamiques au monde », commence Amrita Singh, dont les mots reflètent à la fois les opportunités et les défis. « Avec 100 millions de personnes atteignant l’âge légal pour consommer de l’alcool tous les cinq ans, les vins haut de gamme, les boissons artisanales et les boissons non alcoolisées connaissent un essor sans précédent. »
Mais Amrita Singh s’empresse d’ajouter que le chemin vers la création de la SAI a été loin d’être simple. « Les obstacles ne concernaient pas l’alcool en soi, mais la légitimité, les précédents et l’éducation », explique-t-elle. « Nous avons dû créer une institution à partir de zéro, sans cadre préalable, sans soutien institutionnel ou financier, et dans un environnement juridique et réglementaire très fragmenté. »
Les attitudes culturelles étaient tout aussi complexes. « Le métier de sommelier est encore émergent, souvent mal compris et manque de reconnaissance officielle en Inde », explique Amrita Singh. « Dans un marché traditionnellement axé sur les spiritueux forts, nous avons dû sensibiliser le secteur à la nécessité d’une association de sommeliers, en créant des réseaux avec des professionnels de l’hôtellerie et en encourageant l’appréciation des accords mets-vins comme raison principale. »
Cette persévérance a porté ses fruits. Aujourd’hui, la SAI est reconnue comme un catalyseur de changement, qui élève les normes de service, forme de jeunes talents et façonne une culture du vin plus éclairée et plus inclusive. L’évolution du secteur viticole en Inde offre d’énormes opportunités aux sommeliers. Avec l’expansion de la classe moyenne, l’essor des restaurants haut de gamme et la curiosité croissante pour les tendances mondiales en matière de vin, les professionnels qualifiés sont de plus en plus recherchés pour faire le lien entre les producteurs, les restaurants et les consommateurs.
Amrita Singh considère les sommeliers comme des ambassadeurs culturels clés : « Nous avons la chance de façonner l’éducation au vin, de concevoir des programmes œnologiques et de promouvoir des accords mets-vins régionaux et durables qui reflètent la diversité de la cuisine indienne. Avec l’arrivée de marques de vin internationales sur le marché et l’innovation des caves nationales, les sommeliers sont idéalement placés pour faire rayonner le vin indien sur la scène internationale. »
L’année écoulée a été marquée par de nombreux changements pour la SAI. « Nous sommes extrêmement heureux de partager les étapes importantes que nous avons franchies au cours de notre toute première année », déclare fièrement Amrita Singh. « Nous avons lancé avec succès des initiatives clés en matière d’adhésion, de partenariat et de parrainage, introduit la formation ASI avec la Certification 1 et le Diploma, et organisé avec fierté le premier concours SAI Best Sommelier of India. » Cet événement prestigieux a attiré 14 sommeliers exceptionnels, issus non seulement des principaux groupes hôteliers indiens, mais aussi de Dubaï, d’Italie, des Maldives, de Singapour, de Nouvelle-Zélande et de compagnies de croisière internationales.
L’Inde s’est également fait remarquer à l’échelle mondiale, avec la participation de cinq sommeliers au Bootcamp ASI Education à Singapour, une première historique. Pour l’avenir, l’enthousiasme d’Amrita Singh est
palpable : « L’Inde sera représentée pour la toute première fois au concours ASI du meilleur sommelier d’Asie & Pacifique en 2025 par notre brillant candidat, Jai Singh, lauréat du prix SAI du meilleur sommelier de l’Inde 2025. Ces étapes importantes ne sont qu’un début. »
Pour Amrita Singh, l’avenir de la sommellerie indienne ne se résume pas à la compétition. « Pour favoriser un avenir durable et inclusif, nous investissons dans l’éducation, le mentorat et les programmes de sensibilisation qui permettent aux talents issus de divers horizons de s’épanouir », explique-t-elle. « Nous collaborons activement avec des instituts hôteliers, des caves et des organisations mondiales afin de normaliser la formation et de
“Notre vision est de bâtir une communauté dynamique et inclusive où la passion, les connaissances et la durabilité font progresser la profession.”
– Amrita Singh
Amrita Singh
créer des parcours d’apprentissage accessibles. Notre vision est de bâtir une communauté dynamique et inclusive où la passion, les connaissances et la durabilité font progresser la profession. »
Des défis parallèles en Afrique et au Moyen-Orient
Alors que Amrita Singh s’efforce de changer la perception du vin en Inde, Michèle Chantôme est confrontée à un défi encore plus profond : la religion. « C’est principalement l’Islam, religion très répandue dans la plupart des pays d’Afrique et du Moyen-Orient qui met un frein au développement de l’enseignement du vin et donc du service des boissons alcooliques », explique Michèle Chantôme. « Ce qui me fait rager, c’est qu’en étudiant le Coran en détail, on ne trouve jamais d’interdiction formelle de consommer de l’alcool. Il est même dit qu’on ne doit pas prier Allah en état d’ébriété.»
Les écoles hôtelières, déjà rares dans de nombreuses régions, incluent rarement l’éducation au vin dans leurs programmes. « Pour compenser cela, Jean-Vincent Ridon, de Sommeliers Academy, propose des cours par vidéoconférence à des pays tels que le Congo, le Nigeria, la Zambie, le Botswana, la Namibie et le Liban », note Michèle Chantôme.
Certains pays restent particulièrement restrictifs. « Au Maroc, pays que je connais particulièrement bien, le Roi est aussi Commandeur des Croyants. Bien que ce soit une monarchie constitutionnelle particulièrement moderne, l’Islam continue à dicter ses lois. Du moins à les influencer fortement. Dans d’autres pays d’Afrique et du Moyen-Orient, où il n’y a pas de religion d’État, l’établissement d’associations de sommeliers est beaucoup plus simple», ajoute-t-elle. Elle souligne toutefois les progrès remarquables réalisés ailleurs, citant le travail de Jean-Vincent Ridon en Afrique du Sud et au Zimbabwe, et saluant des étapes importantes telles que la Certification ASI 2 de Sharroll Mukendi-Klaas, première femme africaine à obtenir ce titre.
Une vision commune Pour ces deux femmes, l’éducation reste la pierre angulaire du progrès. Amrita Singh envisage un avenir où les sommeliers feront partie intégrante de l’identité gastronomique de l’Inde, reliant la cuisine locale aux traditions viticoles mondiales tout en défendant la durabilité. La mission de Michèle Chantôme va dans le même sens : en encourageant l’éducation et en créant des parcours de certification, elle et ses collègues jettent les bases qui permettront à la sommellerie de prospérer même dans des régions où l’alcool reste un sujet socialement sensible.
Ensemble, elles prouvent que la sommellerie ne se résume pas au contenu d’un verre, mais qu’elle est aussi une question de culture, de respect et de rapprochement entre les mondes.
“Pour compenser cela, JeanVincent Ridon, de Sommeliers Academy, propose des cours par vidéoconférence.”
– Michèle Chantôme
Rencontrez les concurrents
Alors que les concurrents s’apprêtent à monter sur scène en Malaisie pour le Concours ASI du Meilleur Sommelier d’Asie & Pacifique 2025, nous aimerions vous présenter les candidats.
Dorianne Neimard Australie Reeze Choi Chine
Ratmir Akhmetov Kazakhstan Yi Ying Yong Malaisie
Jungmin An République de Corée
Jai Singh Inde
Raymond Andi Bajo Tambunan Indonésie
Suraj GC Nouvelle-Zélande
Patrick Chiu Taïwan
Ian Santos Philippines
Suppawat Teeta Thaïlande
Miyuki Morimoto Japon
Celine Yung Singapour
Tram Tran Vietnam
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Rapports des correspondants régionaux
Explorer le patrimoine culinaire et vinicole du Liban
Avec Joseph Mounayet, correspondant de l’ASI au Moyen-Orient
Le Liban, avec ses anciennes traditions viticoles et son art culinaire dynamique, est en train de s’imposer sur la carte gastronomique mondiale.
Des vignobles de la vallée de la Bekaa aux restaurants dynamiques de Beyrouth, le pays offre un riche mélange d’histoire, de terroir et d’innovation.
En tant que président de l’Association des Sommeliers du Liban (ASLIB) et correspondant d’ASI Magazine, Joseph Mounayer a été témoin de l’essor de la culture vinicole et gastronomique du Liban. Ce guide met en avant les restaurants qui, selon lui, excellent à la fois dans la gastronomie et dans la sélection des vins, et qui façonnent l’avenir de la gastronomie libanaise grâce à des cépages locaux comme l’Obaideh et le Merwah et à des sélections internationales raffinées.
8 restaurants incontournables pour les amateurs de vin et de cuisine au Liban
Burgundy - Gastronomie raffinée et excellence en matière de vins
Situé dans le quartier Gemmayze de Beyrouth, le Burgundy est une référence en matière de haute cuisine et de vins fins. Attendez-vous à un menu de dégustation d’une grande précision et d’une grande élégance, complété par une carte des vins de classe mondiale allant des grands crus de Bourgogne aux grands crus de Bordeaux.
Fred Kitchen & Bar - Vins de qualité et accords raffinés
Ce petit bijou de Beyrouth défend les vignobles libanais tout en proposant des viandes, des fruits de mer et des plats de saison de première qualité. Les accords mets-vins sont réfléchis et changent constamment, ce qui rend chaque visite unique.
Metropole - Brasserie élégante et culture mondiale du vin
Situé dans le centre-ville de Beyrouth, le Metropole mélange les influences
françaises et méditerranéennes dans une ambiance de brasserie chic. Sa carte des vins va des icônes bordelaises aux joyaux libanais, parfaits pour des accords variés dans un cadre haut de gamme.
Marly’s Bar & Restaurant - Cosy, décontracté, axé sur le vin Une hospitalité chaleureuse, une carte des vins éclectique qui fait la part belle aux producteurs libanais et des plats copieux et bien préparés font du Marly’s un lieu de prédilection pour ceux qui recherchent une expérience à la fois détendue et raffinée.
Kampai - La cuisine asiatique et l’accord des vins
Kampai prouve que les saveurs asiatiques et le vin peuvent s’harmoniser à merveille. Rieslings, Pinot Noirs et Chablis croquants complètent les délicats sushis, sashimis et teppanyaki.
Butlers - Des repas sophistiqués avec des conseils d’experts Élégant et accueillant, le Butlers se distingue par son sommelier Joseph Haddad, Meilleur Sommelier du Liban 2024, qui guide les clients de manière
Joseph Haddad, Butlers
experte à travers des accords de vins français, libanais et internationaux.
Le Sushi Bar - Pionnier des accords sushi-vin
Ce restaurant favori de Beyrouth associe des plats japonais délicats à des chablis minéralisés, des champagnes vieillis et des pinots noirs élégants. Le personnel compétent garantit une expérience raffinée et sans faille.
Stove - Charme saisonnier des néo-bistrots
Véritable joyau caché, Stove propose des menus saisonniers à base d’ingrédients, accompagnés de vins libanais de qualité et de classiques de l’ancien monde. Son cadre intime est parfait pour les viandes grillées au charbon de bois et les petites assiettes élégantes.
Pleins feux sur Tapo - Une célébration moderne du vin libanais
Avec Marwan Massoud, propriétaire de Tapo
Àla suite de notre tour d’horizon des meilleurs restaurants du Liban pour les amateurs de vin et de cuisine, un nom, selon Joseph Mounayer, mérite une attention particulière : Tapo. Alors que Burgundy et Metropole sont des références en matière de gastronomie, et que Stove et Marly’s brillent par leurs accords mets-vins, Tapo représente une nouvelle vague de restaurants libanais - décontractés, accessibles et passionnément axés sur les vins locaux. Joseph Mounayer s’est entretenu avec Marwan Massoud, fondateur de Tapo, pour le compte de l’ASI, afin d’explorer sa vision et la manière dont son restaurant est en train de remodeler la façon dont les vins libanais sont appréciés.
ASI : Quelle était la vision derrière Tapo lors de sa création ?
Marwan Massoud (MM) : Établi en 2023, Tapo a été créé comme un espace décontracté et accessible où les grands vins et les plats réconfortants occupent le devant de la scène. «Nous voulons rendre le vin agréable sans intimidation «, explique Massoud, décrivant comment Tapo associe les vins libanais à des plats internationaux dans une atmosphère décontractée mais raffinée.
ASI : Pourquoi se concentrer sur les vins libanais ?
MM : L’accent que nous mettons sur les vins libanais reflète notre conviction de la richesse du terroir local et notre désir de donner une reconnaissance aux producteurs indépendants. «Nous voulons que les clients découvrent les raisins et l’artisanat locaux, en les reliant à l’histoire du Liban», explique-t-il. Tapo fournit une plateforme pour les vignobles établis et les nouveaux vignobles qui luttent pour se faire connaître.
ASI : Combien de vins libanais y a-t-il sur votre liste, et comment équilibrez-vous les grands noms et les petits producteurs ?
MM : Tapo propose plus de 100 vins libanais, des grands noms comme Château Musar et Ksara aux petits producteurs. Nous travaillons directement avec les viticulteurs, en donnant la priorité aux vins disponibles sur le marché afin que les clients puissent les apprécier à nouveau. La mise en valeur d’expressions uniques et moins connues est une priorité.
ASI : Avez-vous constaté une évolution des préférences des clients ?
MM : Les clients, tant locaux qu’internationaux, sont de plus en plus aventureux et recherchent des vins de boutique, naturels et biodynamiques. Les blancs libanais croquants se marient parfaitement avec des plats plus légers, tandis que les rouges corsés conviennent aux viandes. Des dégustations régulières et des masterclasses encouragent l’exploration et l’appréciation.
ASI : Quelle est l’importance de la formation des sommeliers au Liban ?
MM : La formation est cruciale. Chez Tapo, le personnel bénéficie d’une formation interne, de dégustations et de visites de caves. Bien que nous n’ayons pas encore collaboré avec l’ASLIB, nous sommes ouverts aux partenariats visant à promouvoir l’éducation au vin. Avec les événements à venir et un projet permettant de déguster chaque bouteille, Tapo vise à mettre en valeur le vin libanais dans le monde entier.
En conclusion, il est clair que Tapo est plus qu’un restaurant : il reflète une passion, une culture et un engagement en faveur de l’excellence. Dans chaque plat et
dans chaque détail, Massoud et son équipe offrent une expérience où le vin libanais occupe une place centrale. Nous espérons voir Tapo prendre la tête des initiatives de formation avec l’ASLIB. En juillet prochain, parallèlement au concours du Meilleur Sommelier du Liban, au moins dix sommeliers tenteront d’obtenir la Certification ASI 1. Des établissements comme Tapo seront essentiels pour élever la scène du vin et de l’hôtellerie au Liban. PRÊT-À-ÉCRIRE
ASI Mag Correspondant régional Joseph Mounayer (Moyen-Orient)
À la découverte des racines du paysage variétal du Piémont
Avec Francesca Vajra
Une histoire familiale enracinée dans la terre À l’approche de G.D. Vajra, un homme aux cheveux blancs charge méthodiquement des caisses de vin à l’arrière d’un camion. Ses gestes assurés témoignent de nombreuses années d’expérience.
Presque soudainement, Francesca Vajra apparaît : une femme vive, dans la trentaine ou la quarantaine, au large sourire et aux yeux pétillants derrière des lunettes à monture métallique. «C’est mon père », dit-elle en désignant l’homme qui manie habilement le chariot élévateur.
Malgré sa renommée, G.D. Vajra reste une exploitation familiale. Perchée au-dessus du village de Barolo, elle est réputée pour sa vision : un
profond respect de l’histoire, un amour de la vigne et la conviction que les hommes, d’hier et d’aujourd’hui, font partie intégrante de son terroir. Ici, dans les collines vallonnées des Langhe, les vignes parlent le langage du temps, de la tradition et de la gestion responsable.
Francesca incarne cette philosophie. « Les racines ont une grande importance pour nous, » confie-t-elle. « C’est l’histoire. C’est la tradition. C’est notre lien avec nos aînés, car nous apprenons énormément de nos conversations avec eux. »
La famille Vajra cultive la vigne depuis des siècles, mais G.D. Vajra telle que nous la connaissons aujourd’hui est née d’une conviction et d’une rébellion.
« Un arbre ne pousse pas sans racines. »
Après la Seconde Guerre mondiale, les grands-parents de Francesca ont déménagé à Turin, Aldo Vajra (né en 1953) pendant le boom industriel italien. Selon sa mère, Aldo était destiné à devenir officier de marine, ce qui, comme le note Francesca, était « une petite blague familiale, car il n’y a pas d’accès à la mer dans le Piémont ». Mais un acte de rébellion adolescent a tout changé.
Puni pour avoir participé à une manifestation politique, Aldo fut envoyé travailler pendant un été dans le domaine familial, hérité de la mère de son grand-père. Ce domaine avait une grande importance pour lui, car il lui rappelait sa mère, décédée lorsqu’il n’avait que trois ans. Ce qui devait être une punition devint une vocation. Le travail acharné, associé à la beauté
tranquille du domaine en métayage, éveilla en lui l’amour de la terre. Si la punition a été le déclencheur, la rébellion plus profonde s’est traduite par un retour à la campagne à une époque où le reste du Piémont rural était en train de se dépeupler.
Bien que son père ait insisté pour qu’il étudie les sciences plutôt que l’agriculture, cela n’a fait que renforcer son esprit critique. Lorsque Aldo est finalement revenu à Barolo, ce n’était pas simplement pour planter des vignes, mais pour façonner un nouvel avenir, guidé par la science tout en restant ancré dans la tradition.
«Notre père était en avance sur son temps», explique Francesca. « En 1971, nous avons été parmi les premiers viticulteurs certifiés biologiques de la région. À l’époque, la plupart des gens pensaient que c’était de la folie. »
Dans les Langhe, le Nebbiolo règne en maître, accompagné de ses fidèles compagnons, le Barbera et le Dolcetto. Mais les Vajra pensent que le trône doit être partagé. Leurs vignobles comptent environ 20 cépages, dont des cépages historiques moins connus tels que le Freisa et le Nascetta.
« Nous ne cultivons pas des cépages pour suivre les tendances », explique Francesca. « Nous les cultivons parce qu’ils appartiennent à cette région. Sans eux, l’écosystème et la culture seraient appauvris. »
Ce respect de la biodiversité est profondément ancré dans l’histoire agricole du Piémont, où les agriculteurs plantaient plusieurs cépages non pas pour le prestige, mais pour survivre. Francesca insiste toutefois sur le fait que la qualité n’est pas négociable : « C’est comme les vêtements. Nous ne sommes peut-être pas toujours à la pointe de la mode, mais la qualité de nos vêtements est garantie. »
Le Freisa, souvent considéré comme un vin pétillant aux arômes de fruits rouges, occupe une place particulière dans la philosophie de Vajra. Contrairement à la plupart des viticulteurs, Aldo l’a planté
sur des coteaux exposés au sud, généralement réservés au Nebbiolo.
Au début, ses tentatives ont donné des volumes faibles et un vin plus riche et plus corsé que prévu. Plutôt que de rechercher le style frizzante régional, Aldo a préféré mettre en valeur l’expression plus profonde du Freisa.
« L’université pensait autrefois que notre Freisa n’était pas du tout du Freisa, tellement il était différent », raconte Francesca en riant. « Mais c’est ce qui arrive quand on donne à quelque chose la place qu’il mérite. Il révèle toute sa personnalité. »
Des années plus tard, la science a confirmé que le Freisa était un parent du Nebbiolo, donnant ainsi raison à l’instinct d’Aldo.
Le changement climatique a rendu la résilience des vignobles essentielle. Les tempêtes de grêle, les sécheresses et les pics de température soudains menacent désormais les monocultures.
«Préserver les anciens cépages est une forme de résistance», explique Francesca. «C’est ainsi que nous rendons le vignoble plus fort et le sol plus vivant. C’est ainsi que nous garantissons que quelque chose sera encore là pour la prochaine génération. »
Mais chez Vajra, la durabilité ne concerne pas seulement les vignes. Elle concerne aussi les gens. En 1986, une tempête de grêle dévastatrice a détruit leur récolte. Au lieu de battre en retraite, les Vajra ont pris de l’expansion, encouragés par les anciens du village qui leur ont offert leurs propres parcelles. Ensemble, ils ont reconstruit, vigne après vigne, voisin après voisin.
« Nos parents croient en une sorte d’écologie humaine », explique Francesca. « L’idée que l’on ne cultive pas seul. On fait partie d’une équipe, d’un village, d’un passé et d’un avenir. »
Chaque décision prise chez G.D. Vajra, qu’il s’agisse de la gestion de la canopée ou du moment de la récolte, est guidée par ce que Milena Vajra appelle les « signes et la conscience » : une conscience intuitive, ancrée dans la connaissance et à l’écoute du changement.
Pour les Vajra, le vin est plus qu’un produit, c’est une histoire. « C’est l’origine de notre estime et de notre affection pour les gens qui ont vécu et aimé notre terre », disent-ils. « Une affection qui se transforme en envie de la partager avec nos amis. »
Un vignoble sans racines ne peut pas pousser. Mais un vignoble qui connaît ses racines, qui les écoute, les protège et les transmet, c’est un cadeau.
Malgré sa taille, G.D Vajra reste une entreprise familiale (Photo : Matthew Molchen)
Au-delà du Nebbiolo, du Barbera et du Dolcetto : à la découverte des autres joyaux du Piémont
Avec Wine Safari Italia
Les trois grands du Piémont dominent collectivement le paysage piémontais depuis trois décennies. Le Nebbiolo continue de régner en maître en tant que cépage le plus renommé de la région, à l’origine du Barolo et du Barbaresco, tandis que le Moscato, le Barbera et le Dolcetto lui tiennent joyeusement compagnie. Si les trois grands cépages du Piémont continuent de dominer, le paysage actuel se rapproche de plus en plus de celui du passé.
Arneis (/arnˈɛis/) également connu sous les noms de Bianchetta, Bianchetta d’Alba, Bianchetto, Bianchetto Albese, Bianchetto di Alba, Bianchetto di Verzuolo, Nebbiolo Bianco
L’Arneis, qui signifie « petit coquin », peut être difficile à cultiver car il est sensible à diverses maladies de la vigne. Sa vinification n’est pas moins difficile, car il est sujet à l’oxydation. Autrefois voué à l’extinction, son
existence et sa popularité croissante sont souvent attribuées à la famille Currado, célèbre producteur de Barolo Vietti. Les techniques modernes de gestion viticole et de vinification ont permis aux vignerons de capturer ses caractéristiques aromatiques (fruits à noyau, fleurs blanches, amande), qui peuvent être rehaussées par un contact minimal avec la peau. Les vins d’Arneis sont frais, vifs et linéaires, et représentent parfaitement le terroir du Roero.
Cortese (/kort eze/) également connu sous les noms de Bianca Fernanda, Corteis, Cortese Bianca, Cortese Bianco, Cortese d’Asti, Cortese dell’Astigliano, Courteis, Cortesi, Courteisa, Fernanda Bianca, Raverusto
Le Cortese est connu dans le Piémont depuis plus de 400 ans et est surtout reconnu pour les vins étiquetés Gavi di Gavi. Ces vins sont frais, citronnés et complétés par de délicates notes florales blanches et herbacées, avec un caractère minéral prononcé en finale. La plupart des producteurs le produisent sans élevage en fût, mais certains choisissent de prolonger la période de maturation et de le faire vieillir en fût pour adoucir son acidité.
Bricco delle Viole
Bricco Bertone
Erbaluce (/erbalˈut͡ʃe/) également connu sous les noms de Bianchera, Albaluce, Ambra, Bian Roustì, Uva Rustìa
Appellations piémontaises importantes :
Erbaluce di Caluso DOCG, Piemonte DOC, Costa della Sesia DOC, Colline Novaresi DOC, Canavese DOC
L’Erbaluce est un cépage ancien cultivé dans les sols rocheux des provinces de Biella, Turin et Vercelli, dans le Piémont. À pleine maturité, il prend une couleur jaune rosée caractéristique. Les vins (principalement tranquilles, mais aussi effervescents et, en petites quantités, souvent très recherchés en passito) sont frais, floraux, herbacés et présentent des arômes de pomme verte et de fruits à noyau, avec une finale vive et minérale.
Nascetta (/naʃˈɛtːa/) également connu sous le nom d’Anascetta, Nas-cëtta
Appellations piémontaises importantes : Langhe DOC
Producteurs notables :
Elvio Cogno, Rivetto, Le Stretto, Rocche Costamagna, Ca’ del Baio, Poderi Cellario
La Nascetta est une étoile montante du Piémont, ou peut-être une étoile ternie qui retrouve enfin son éclat grâce à la reconnaissance de ses qualités par les producteurs. Longtemps cultivée à Novello, dans la province de Cuneo, au Piémont, la Nascetta a été délaissée en raison de ses rendements irréguliers et de sa vigueur, qui rendaient la gestion des vignobles plus laborieuse. Les producteurs ayant privilégié la qualité à la quantité, elle gagne aujourd’hui en notoriété et en renommée. Dans une région où les vins blancs (à l’exception du Moscato) sont réputés pour leur subtilité, le Nascetta offre une complexité aromatique qui, selon Jessica Tam (Wine Safari Italia),
« combine les caractéristiques du Sauvignon Blanc, du Vermentino et du Riesling : les bouteilles jeunes révèlent des notes fruitées et herbacées, tandis que le vieillissement apporte des notes de miel et de vanille avec une subtilité balsamique rappelant le Vermentino. Salé et savoureux, le Nascetta offre une acidité persistante malgré des niveaux modérés, gagnant en complexité avec le temps. »
Timorasso (/timorˈasso/) également connu sous les noms de Morasso, Timoraccio et Timuassa
Appellations piémontaises importantes : Colli Tortonesi DOC
On ne peut parler du Timorasso sans mentionner Walter Massa (Vigneti Massa). On lui attribue le mérite d’avoir sauvé ce cépage de l’extinction dans les années 1980. Il est cultivé dans le sud-est du Piémont, près de Tortona, dans l’appellation
Colli Tortonesi DOC, et est souvent étiqueté sous le nom de Derthona (le nom traditionnel de la ville). Le Timorasso est un vin charpenté et riche en arômes, avec une acidité vive et franche dans sa jeunesse. Les versions jeunes peuvent présenter des notes d’agrumes, une touche minérale et des arômes floraux discrets. Cependant, des versions plus riches et plus structurées, élevées en fûts de chêne, sont également produites. Avec le temps, ces vins gagnent en complexité et développent des notes de miel et une texture riche, tout en conservant leur acidité vive, comme en témoignent les millésimes plus anciens de Massa.
Freisa (/freˈiza/) également connu sous les noms de Monferrina, Monfreisa, Fessietta, Freisa di Chieri, Fresa, Spannina
Appellations piémontaises importantes : Freisa d’Asti DOC. Langhe Freisa DOC. Piemonte Freisa DOC, Albugnano DOC, Canavese DOC, Freisa di Chieri DOC, Gabiano DOC, Rubino di Cantavenna DOC
“Si les trois grands cépages du Piémont continuent de dominer, le paysage actuel se rapproche de plus en plus de celui du passé.”
Le Freisa, dérivé du latin fresia qui signifie « fraise », est cultivé depuis longtemps dans les environs de Neive. Génétiquement proche du Nebbiolo, il partage une partie de sa structure tannique, mais avec un charme rustique. Autrefois très répandu, il était réputé pour son rendement élevé et sa résistance aux maladies. Les vins de Freisa vont du sec au doux, du tranquille au mousseux, et de nombreux producteurs les élaborent dans un style frizzante. Cependant, avec un terroir et une vinification appropriés, ils peuvent donner des vins secs plus corsés et structurés, avec des arômes de fraise et de cerise acidulée qui se mêlent à une acidité élevée et à une touche tannique.
Grignolino (/ɡriɲol ino/) également connu sous les noms de Balestra, Verbesino, Arlandino, Rossetto, Barbesino
Appellations piémontaises importantes :
Barbera del Monferrato
Superiore DOCG, Grignolino d’Asti DOC, Grignolino del Monferrato Casalese DOC, Piemonte DOC, Monferrato DOC, Barbera del Monferrato DOC, Gabiano DOC, Rubino di Cantavenna DOC
Producteurs notables :
Braida di Giacomo Bologna, Castello di Neive, Accornero, Crivelli
Le Grignolino, originaire des collines du Monferrato, dans le Piémont, est un cépage rouge historique mais méconnu, autrefois réputé pour produire des « chiaretti », des vins rouges légers très appréciés au XVIe siècle. Son nom, qui vient du piémontais « grignolo » (« pépin »), fait référence à ses nombreux pépins et à son goût tannique. Sa forte acidité, qui faisait autrefois « grincer des dents » (Grignolè) les buveurs, ajoute à sa réputation austère.
De couleur pâle et plus proche d’un rosé structuré, il est réputé difficile à cultiver, ce qui lui vaut d’être comparé au pinot noir. À son apogée, le grignolino brille par sa robe orange-grenat, ses arômes floraux et de fruits rouges, et sa bouche vive marquée par une acidité vive, des tanins croquants et une finale nette et alléchante.
Pelaverga Piccolo (/pelavˈ erɡa p ˈikːolo/) également connu sous le nom de Pelaverga di Verduno
Appellations piémontaises importantes : Verduno Pelaverga DOC
Producteurs notables :
G.B. Burlotto, Fratelli Alessandra, Castello di Verduno
Le Pelaverga Piccolo, originaire du Piémont, est principalement cultivé autour de Verduno, avec de petites plantations à Roddi d’Alba et La Morra. De seulement trois hectares en 1987, ses vignobles s’étendent aujourd’hui sur près de 20 hectares, reflétant un regain d’intérêt.
À son apogée, le Verduno Pelaverga produit des vins relativement pâles aux arômes de fraise, de framboise, de poivre concassé et d’herbes, avec une acidité gracieuse qui équilibre la richesse sirupeuse occasionnelle des millésimes chauds.
Bien qu’éclipsé par le Nebbiolo, grâce à des producteurs tels que G.B. Burlotto, le Pelaverga, avec son mélange de complexité, de fraîcheur et d’accessibilité, est en train de devenir une étoile montante de la région.
Vieilles vignes Glera : l’âme du Prosecco Superiore
Avec Diego Tomasi
Sur les pentes escarpées et ensoleillées de Conegliano et Valdobbiadene, les vignobles s’accrochent aux flancs des collines dans ce que les habitants appellent fièrement la « viticulture héroïque ». Ici, la tradition est profondément ancrée. Les vignes ne sont pas arrachées lors de rénovations radicales, mais entretenues de génération en génération, seules quelques vignes étant remplacées chaque année. Il en résulte une mosaïque vivante où se côtoient jeunesse et maturité, avec de jeunes vignes vigoureuses poussant à côté de troncs noueux qui ont résisté à soixante-dix, voire quatrevingts récoltes.
Selon Diego Tomasi, directeur du Consorzio di Tutela Conegliano Valdobbiadene Prosecco Superiore, cette pratique enrichit le profil organoleptique des vins. « Les très vieilles vignes apportent structure et acidité grâce à leur système racinaire profond et aux substances de réserve stockées dans leurs troncs et leurs racines. Les jeunes vignes, avec leur métabolisme réactif, contribuent à l’exubérance aromatique et aux sucres. » Certains producteurs, reconnaissant le caractère unique des fruits issus de vieilles vignes, mettent en bouteilles des sélections spéciales, telles que Ruggeri et Nino Franco, connues pour leur structure plus riche, leur meilleure structure et leur aptitude au vieillissement.
Le caractère unique du Glera dans ces collines est profondément lié à son terroir. L’appellation compte neuf types de sols différents, formés au cours de millions d’années de sédimentation marine. Les variations de la composition minérale, de la matière organique et de la rétention d’eau influencent le système racinaire de la vigne, ce qui se traduit par des expressions diverses dans le vin. Diego Tomasi explique : « Le Glera est particulièrement sensible (à son terroir) ». C’est cette combinaison de vieilles vignes et de terroir unique qui, selon Diego Tomasi, distingue le Conegliano Valdobbiadene Prosecco Superiore du Prosecco DOC standard. Les vins sont plus frais, plus délicats et de plus en plus reconnus pour leur capacité à vieillir. « Nous commençons à voir que nos vins peuvent être appréciés à la fois dans leur jeunesse, consommés jusqu’à 15 mois après la mise en bouteille, et en cave.
Beaucoup peuvent vieillir en bouteille pendant trois à quatre ans », note Diego Tomasi, une évolution impressionnante pour un style connu pour être consommé jeune.
Pour Diego Tomasi, il est essentiel que les professionnels et les consommateurs comprennent l’héritage du Glera. Audelà de ses qualités sensorielles, le Prosecco Superiore incarne un paysage, une histoire de viticulture héroïque et une communauté de viticulteurs dont le travail est désormais reconnu par l’UNESCO. « Toutes ces valeurs matérielles et immatérielles enrichissent la qualité perçue, le caractère unique et la distinction entre DOC et DOCG », explique-t-il.
Le Prosecco Superiore n’est pas seulement un vin effervescent, c’est l’aboutissement de siècles de tradition, de terroir et de la sagesse tranquille des vieilles vignes de Glera, dont les racines sont profondément ancrées dans la culture et l’histoire de cette appellation vénérable.
Diego Tomasi
Nouvelles de nos membres
Maria Boumpa nommée Sommelier de l’Année 2025 au Royaume-Uni
L’IWSC, en partenariat avec la UK Sommelier Academy, a couronné Maria Boumpa, directrice des vins chez Da Terra, Sommelier de l’année 2025 au Royaume-Uni. La finale en direct, qui s’est déroulée le 8 juillet, a fait suite à deux jours d’évaluations intensives auxquelles ont participé 43 des meilleurs sommeliers du Royaume-Uni. Maria Boumpa (ASI Diploma Or) a impressionné les juges par sa précision, son sang-froid et la profondeur de ses connaissances, devançant un autre ASI Diploma Or, Dion Wai (Raffles at The OWO), qui s’est classé deuxième, et Joanna Nerantzi (5 Hertford Street), qui a terminé troisième.
Le jury était composé de Raimonds Tomsons, Meilleur Sommelier du Monde ASI 2023, qui a salué les compétences et le professionnalisme des finalistes. Christelle Guibert, PDG de l’IWSC, a souligné le rôle du concours dans la promotion de la communauté et de l’excellence en déclarant : « Il s’agit de bien plus qu’un titre, c’est une source d’inspiration et un moyen de mettre en relation les sommeliers de tout le Royaume-Uni. »
Des prix spéciaux récompensant des performances exceptionnelles dans des domaines individuels ont été décernés à :
• Kristina Gladilina (Lita) - Épreuve pratique
• Maria Boumpa (Da Terra) – Théorie
• Emma Denney (Claridge’s) - Accords mets et vins
• Joanna Nerantzi (5 Hertford Street) - Dégustation de vins
• Dion Wai (Raffles at The OWO) - Dégustation de spiritueux
“Il s’agit de bien plus qu’un titre, c’est une source d’inspiration et un moyen de mettre en relation les sommeliers de tout le Royaume-Uni.”
– Christelle Guibert
Associação Brasileira de Sommeliers crée de nouvelles voies, de nouvelles possibilités
L’ABS (Associação Brasileira de Sommeliers) Rio a créé le projet « New Paths, New Possibilities » (Nouvelles voies, nouvelles possibilités) qui vise à soutenir les personnes en situation de vulnérabilité économique qui souhaitent devenir sommeliers et professionnels de l’industrie du vin grâce à un programme de bourses. Cet engagement en faveur de l’inclusion sociale et de la démocratisation de l’éducation pousse l’ABS à ouvrir ses portes à ceux qui en ont le plus besoin, en leur offrant de réelles opportunités de développement professionnel.
L’Association des Sommeliers du Liban (ASLIB)
organise une masterclass de sommeliers
Le 24 juillet, la ville de Dhour Shweir au Liban a accueilli une masterclass de sommeliers animée par les célèbres experts Joseph Mounayer et Jean-Vincent Ridon. Cette session de trois heures a mis en évidence le rôle essentiel de la formation dans le métier de sommelier, offrant aux participants un aperçu approfondi de l’art du service du vin, des techniques de dégustation professionnelles et des responsabilités plus larges du sommelier moderne. Grâce à des dégustations guidées de vins libanais et à des démonstrations en direct des rituels de service, tels que la décantation, le contrôle de la température et l’accord mets-vins, les participants ont pu mieux comprendre les compétences, les connaissances et la finesse qui caractérisent le métier de sommelier. Cette initiative a été développée afin d’inspirer une nouvelle génération de sommeliers au Moyen-Orient en favorisant une culture d’apprentissage continu, de professionnalisme et de respect du vin.
Construire une identité viticole à Maurice
Jérôme Carlier, sommelier en chef et responsable des boissons pour Heritage Resorts, et membre de l’Association des sommeliers de Maurice (ASIM), s’est donné pour mission de créer une identité viticole distinctive dans l’océan Indien. Fort de 23 ans d’expérience, Jérôme Carlier supervise les programmes œnologiques de 13 restaurants, deux hôtels cinq étoiles, un club de plage, un restaurant gastronomique et des villas privées au sein du domaine historique de Bel Ombre.
L’un de ses principaux objectifs est d’améliorer l’expertise de son équipe. Chaque année, les sommeliers, dont Jean Desvaux Geerdarry, sommelier adjoint par intérim (présenté à la page 31), voyagent à l’étranger pour rencontrer des vignerons et approfondir leurs connaissances. Cette année, Jérôme Carlier se rendra en Champagne et à Bordeaux avec trois sommeliers mauriciens.
Le mois dernier, Jérôme Carlier a organisé la deuxième Semaine de la Sommellerie, lancée par Heritage Resorts en 2024. Cet événement a réuni des chefs étoilés Michelin, des vignerons et des sommeliers pour des masterclasses et des cours spécialisés, favorisant ainsi le développement d’une communauté œnologique solide et solidaire.
« Notre objectif est d’inspirer la croissance et l’excellence tout en encourageant la prochaine génération de sommeliers dans l’océan Indien », explique Jérôme Carlier.
La SASA élit son nouveau Bureau
Pour la première fois de son histoire, la South African Sommeliers Association (SASA) sera dirigée par une équipe exécutive féminine, avec la sommelière et éducatrice de renom Laurie Cooper élue présidente et Erica Taylor, collaboratrice de longue date de la SASA, élue vice-présidente. Des membres masculins ont également été élus pour compléter le Bureau : Lennox Nyengera, Andrew J Shelley et Jean Vincent Ridon
En mémoire de Cees Vos
Vendredi 25 juillet, la communauté internationale des sommeliers a perdu un collègue et ami respecté, Cees Vos, décédé à l’âge de 80 ans.
Cees a été un moteur du développement de la sommellerie aux Pays-Bas. Pendant 15 ans, il a occupé le poste de président de la Nederlands Gilde van Sommeliers (NGS), association membre de l’ASI depuis 1991. Organisateur né, il s’occupait de tout, notamment de nombreux voyages œnologiques inoubliables en Australie et dans son Afrique du Sud bien-aimée, avec pour objectif de faire en sorte que chacun se sente le bienvenu.
Il était connu pour sa générosité et était toujours prêt à aider ses collègues, que ce soit en leur donnant des conseils de carrière ou en encourageant les jeunes sommeliers à poursuivre leur passion. Son énergie, sa bonne humeur et sa volonté de repousser les limites ont fait de lui une figure mémorable dans le monde du vin. Sa contribution à la sommellerie ne sera pas oubliée.
L’ASI présente ses sincères condoléances à son épouse, Betty, et à leurs enfants.