Ingenieur jdi 132

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Belgique - België P.P. CHARLEROI X BC 1781

Trimestriel – Mai-juin 2011 – Bureau de dépôt : CHARLEROI X

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Le Journal des Ingénieurs Mensuel N°132 Avril-mai 2011

Rue Hobbema 2 - 1000 Bruxelles Tél. 02 734 75 10 - Fax 02 734 53 15 info@fabi.be - www.fabi.be ÉDITEUR FABI Tous droits réservés. Reproduction et diffusion interdite par quelque moyen que ce soit, sans autorisation préalable écrite de l’éditeur. Les textes et illustrations sont publiés sous la responsabilité de leur auteur. COMITÉ DE RÉDACTION Ir. Jean Lambelé (rédacteur en chef) Pascal-Pierre Delizée (journaliste) Marie Montes (secrétaire de rédaction & coordination) RÉDACTION Philippe Crêteur, Pascal Delizée Ir. Olgan Durieux, Ir.Vincent Gobbe Dr Ir. Benoît Haut Ir. Christian Legrand Ir. Régine Merz, Ir. Alison Vincent AVEC LA COLLABORATION DE : Ir. Jean-Marc Aldric Ir. Bruno Campanella Ir. Gilles Colinet, Ir. Frank Delvigne Ir. Jacqueline Destain Prof. Ir. J.-L. Doucet, Ir. Philippe Druart Ir. Nicolas Goessens Ir. Philippe Maesen Prof. Dr Ir. Alassane Ballé Ndiaye Bernard Piette, Dr Ir. Nicolas Rigo Prof. Ir. Philippe Thonart Dr Ir. C. Vermeulen Tirage : 10 000 ex. Distribution : personnalisée Édition : trimestrielle Format : 210 x 297 mm full quadri

Merci aux nombreux participants de notre dernière Assemblée Générale et mes sincères félicitations à Jacques van Vyve qui a été élu Président pressenti. Le Service public de Wallonie (SPW) compte dans ses rangs plusieurs centaines d’ingénieurs civils, d’ingénieurs agronomes et de bioingénieurs qui, chaque jour, donnent le meilleur afin de sortir notre Wallonie de sa situation difficile. Majorité et opposition sont d’accord pour défendre l’idée que la Wallonie trouvera son salut dans le développement technologique et même la Flandre reconnait les qualités du Plan Marshall wallon. Mais si avec le Plan Marshall 2.vert « Tout le monde y gagne. Vous aussi ! », ce n’est pas l’avis des ingénieurs du SPW. La suppression des échelles de traitement spéciales a pour conséquence non seulement une perte de revenu pour les ingénieurs mais surtout un déficit d’attractivité du SPW pour des ingénieurs compétents et motivés. Les mesures transitoires prises fin 2010 sont comme leur nom l’indique transitoires et déjà attaquées au Conseil d’État. Il est urgent que le SPW établisse un cadastre des fonctions (comme c’est le cas en Région bruxelloise et dans de nombreuses entreprises publiques et privées), détermine les formations, diplômes et titres nécessaires à l’exercice de ces fonc-

tions et fixe des barèmes attractifs. C’est uniquement dans ces conditions que le SPW répondra aux critiques du Conseil d’État et sera en mesure de répondre aux défis technologiques de la Wallonie. La FABI ne défend pas seulement le statut des Ir., elle fait également la promotion de leurs métiers et soigne leur image auprès du grand public. Avec le parrainage de la FABI, l’exposition « Bruxelles, prouesses d’ingénieurs » a ouvert ses portes le 20 mai et sera accessible jusqu’au 2 octobre. Visitez cette exposition avec votre famille et vos amis et participez vous aussi à la promotion des ingénieurs (www.expo-ingenieurs.be). Notre grand projet en 2011 est une plateforme de communication commune avec l’UFIIB et les fédérations professionnelles. Fin octobre, vous serez conviés au lancement de ce projet ambitieux et fédérateur. Ir. Luc Minne, Président

Sommaire Édito

P. 3

Assemblée générale

P. 4

Biologie

P. 6

Potentialités d’application des technologies biologiques pour la dépollution des sols en Wallonie

Logistique

P. 14

La logistique en Wallonie : enjeux et perspectives DÉPARTEMENT CHASSEUR DE TÊTES ET PUBLICITÉ Contact : Albert De Lutis adl@delta7.be Deadline pour matériel publicitaire :

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Membres de la FABI :

Gestion durable

P. 18

Des forêts africaines à gérer durablement Dans notre supplément « Ingénieurs Mag - Communication »

P. 22

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Le Journal des Ingénieurs n°132 - Mai-juin 2011

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Assemblée Générale « Mettre en œuvre un positionnement complémentaire et original » Histoire », Ir. Michel Provost (AIrBr). Pour mémoire, cette nouvelle plateforme œuvrera, notamment, à la mise en valeur et à la protection du patrimoine d’ingénierie – établissement, développement et suivi d’inventaires du patrimoine d’ingénierie – et montrera en quoi le passé est porteur de futur. Nous suivrons de très près les réalisations de ce comité prometteur.

Très apprécié « Monsieur Carbone »

Ir. Luc Minne, Président de la FABI

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Mme Le Begge

Telle est la proposition du futur président de la FABI, Ir. Jacques van Vyve, face à l’effritement du nombre d’affiliés de la FABI. Tant il est vrai que notre fédération a perdu plus de 27 % de son effectif en 10 ans, soit donc plus d’un quart ! Elle comptait 7.527 membres en 2010 contre 10.300 en 2000. Ir. van Vyve a été élu, à une large majorité, lors de l’assemblée générale annuelle de la FABI qui s’est tenue, le 2 avril dernier, dans les locaux de l’Université de Louvain-la-Neuve (UCL). Une assemblée constructive et consensuelle rehaussée par la présence de Mme Liliane Le Begge, l’épouse de notre confrère, Secrétaire général et ami tant regretté, Max. Merci chère Madame ! Dès l’ouverture de la séance, le Président de la FABI, Ir. Luc Minne, a rendu un vibrant hommage à Ir. Maximilien Le Begge. Une minute de silence a été respectée avant les remerciements émus et sobres prononcés, à l’adresse de l’assistance recueillie, par Mme Le Begge. Passant en revue les événements qui ont émaillé l’exercice 2010, M. Minne a félicité l’ensemble des groupes de travail particulièrement actifs au sein de la FABI. Il a également encouragé l’initiateur du nouveau comité FABI baptisé « Patrimoine et

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M. Frédéric Chomé, alias « Monsieur Carbone », était l’orateur invité de la FABI, dans le cadre de cette assemblée générale. D’entrée, le physicien belge a conquis et captivé son auditoire. Pas étonnant, dès lors, qu’à la vitesse de l’éclair, le regard rieur, le discours pragmatique – le verbe parfois très rapide –, le physicien laisse (très) volontiers bouillonner sa fibre verte. Alors, il s’emporte sur les travers de notre société de consommation, avant d’en revenir à ses savants calculs. Énergique et volubile, Frédéric Chomé incarne, tour à tour, l’optimisme de la volonté et la froideur de la lucidité, face au défi des changements climatiques. Ancien collaborateur d’Electrabel, ce docteur en sciences a pertinemment fait du réchauffement et de la mort annoncée des énergies fossiles son cheval de bataille. Une copie de la présentation de M. Chomé peut être obtenue sur demande auprès du secrétariat de la Fabi.

« Une vraie fédération » dynamique et gagnante ! À l’issue de l’élection du futur président de la FABI, nous nous sommes entretenus, en toute transparence, avec Ir. van Vyve. Le Journal des Ingénieurs (JI) : – Quels sont vos objectifs en regard de votre futur mandat de Président de la FABI ? Jacques van Vyve (JvV) : – Mon ambition et mon objectif sont de continuer à profiler la FABI comme une vraie fédération d’associations d’écoles d’ingénieurs et d’assurer la promotion des études et des métiers exercés par les ingénieurs. Pourquoi une fédération ? Au sein des différentes universités, des initiatives sont lancées dans le but de développer et de fédérer des réseaux d’alumni. Chaque ancien diplômé d’une école universitaire est, par définition, un alumnus de son université. En plus, il est invité à faire la démarche de rejoindre les anciens de son école. Bien entendu, l’ampleur de cette démarche, ainsi que les traditions d’appartenance aux asso-


Assemblée Générale ciations, varient d’une école à l’autre. Il faut toutefois constater que ce sont les associations d’anciens des écoles d’ingénieurs qui sont avec celles issues d’écoles de gestion (Solvay, LSM, Verick), de loin les plus importantes.

En tout état de cause, la FABI doit tenir compte de ce contexte et s’y adapter en mettant en œuvre des moyens et des actions en rapport avec ses ressources financières.

plir dans le cadre de cette stratégie…

JI : – Que pensez-vous de la stratégie « Communication » mise en œuvre actuellement par la FABI et l’UFIIB, conjointement ? JvV : – Je supporte la stratégie de communication qui est mise en œuvre. Le fait qu’elle soit supportée également par les associations professionnelles comme Agoria, Essenscia et la Confédération Construction est une démonstration de la valeur ajoutée de la FABI. Il est très important que cette stratégie de communication soit un succès car elle doit redonner à la FABI la visibilité qui lui faisait défaut, ces derniers temps.

« Redonner de la visibilité à JI : – Et la FABI a une mission importante à rem- la FABI ! » JvV : – La raison du développement d’un Alumni, au sein des universités, découle de l’avènement du système d’organisation des études dit de « Bologne ». En effet, la mobilité des étudiants et des professeurs induit l’apparition d’un système comparatif et de classements. Dans ce contexte, les universités veulent créer autour d’elles des réseaux d’anciens, sorte de relais entre elles et ceux qui sont actifs dans la société. En conclusion, la FABI s’inscrit dans ce modèle fédératif, en comparaison avec nos amis néerlandophones qui privilégient l‘appartenance à une organisation d’ingénieurs (KVIV ou VIK pour les ingénieurs industriels), avant l’appartenance à une association d’école. JI : – Pourquoi vouloir tant promouvoir les études et les métiers ? JvV : – La société est à l’aube d’une transformation globale. Elle est confrontée à des défis énormes liés à la croissance démographique, à la mondialisation de l’économie et au rôle joué par les pays « BRIC » et à la croissance des pays en développement. La crise financière et économique que nous avons connue, fin 2008, a relancé les débats sur la croissance de l’économie avec, en filigrane, les limites physiques de notre planète et de ses ressources. Dans ce contexte, la communauté des ingénieurs a un rôle très important à jouer : elle doit retrouver la place qui lui revient, mettre ses connaissances et talents au service d’un développement durable et équitable. Pour remplir ce rôle, il faut convaincre les jeunes de s’engager et, s’ils sont attirés par ces défis, de se lancer dans des études réputées difficiles et exigeantes mais au terme desquelles ils seront gratifiés car quasi sûrs de trouver une place dans la société et l’économie. JI : – Votre impression quant à la diminution du nombre d'affiliés que compte la FABI ? JvV : – Il ne faut pas nier l’évolution constatée, depuis plusieurs années, de la diminution du nombre d’affiliés aux AE. Elle a fait, et doit encore faire, l’objet d’analyses. Elle est, sans doute, le reflet de l’évolution de la société vers une plus grande individualité et aussi la conséquence de l’émergence de nouveaux réseaux sociaux (Facebook, Twitter et LinkedIin). Cette dernière plateforme est fortement développée au niveau professionnel. Il revient aux AE et à la FABI de trouver et de mettre en œuvre un positionnement complémentaire et original.

M. Frédéric Chomé

« Max a ouvert la voie ! » Cela étant dit, il faut reconnaître toutes les initiatives que Maximilien Le Begge a prises pour l’information et la promotion de la profession. Il a constitué une équipe de rédaction et ressuscité « Le Journal des Ingénieurs ». Il a continué à faire réaliser des enquêtes de rémunération, il a assuré la publication annuelle de l’annuaire des ingénieurs, il organisé des activités autour des métiers de la construction – secteur qui lui était cher –, il a organisé des événements assurant la collecte de fonds pour l’opération Télévie. En conclusion, il faut lui reconnaître de l’engagement et de la disponibilité pour la FABI.

Une assemblée très attentive

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Ir. Jacques van Vyve, futur Président de la FABI

« L’union fait la force ! » JI : – Votre position à l’égard des synergies établies entre la FABI et l’UFIIB… JvV : – La décision prise, il y a plusieurs années, de porter à cinq ans la durée des études d’ingénieur industriel et de conférer aux porteurs du diplôme le titre de Master, d’une part, et la reconfiguration du paysage de la formation par la création de pôles regroupant les Hautes Écoles autour des académies universitaires, d’autre part, a amené la FABI à entamer une réflexion sur un rapprochement avec l’UFIIB. Ce sujet va faire l’objet d’une discussion approfondie au sein de son CA. En tout état de cause, « l’union faisant la force », la FABI a déjà décidé de collaborer au cas par cas avec l’UFIIB. Un premier exemple concerne la stratégie de communication autour de la promotion des études et des métiers au travers de la plate forme « Ingénieurs-Métiers ». Un autre domaine de collaboration concernera l’avenir du Journal des Ingénieurs. Dossier réalisé par Pascal-P. Delizée

Jacques van Vyve est Ingénieur civil Électricien, orientation Télécommunications (UCL, 1971) et Docteur en Sciences appliquées (UCL, 1977). Naguère attaché à la Direction commerciale d’Alcatel Bell (Grands comptes), il est administrateur de l’AILouvain depuis 2004 et Président depuis 2008. Il est administrateur de la FABI depuis 2008.

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Biologie Potentialités d’application des technologies biologiques pour la dépollution des sols en Wallonie Par Ir. Jean-Marc Aldric, Ir. Philippe Druart, Ir. Philippe Maesen, Ir. Bruno Campanella, Ir. Gilles Colinet, Ir. Frank Delvigne, Prof. Ir. Philippe Thonart et Ir. Jacqueline Destain Les sites et sols pollués représentent un passif environnemental lourd à gérer en Europe et en Wallonie en particulier. Bien qu’il existe une panoplie de techniques de dépollution, les technologies douces sont appelées à se développer pour des raisons évidentes de respect de l’environnement et d’acceptabilité économique. Les microorganismes et les végétaux, ou une association de 6 ceux-ci, offrent de réelles potentialités même si leur mise en œuvre doit encore faire l’objet d’une optimisation. Dans un contexte législatif en pleine mutation, ces technologies ne manqueront probablement pas d’intérêt. I. Introduction

Concerted Action on Risk Assessment for Contaminated Sites in the European Union 2 Contaminated Land Rehabilitation Network for Environmental Technologies 3 Best Available Technology Not Entailing Excessive Cost 4 Article 21 du décret sol, entrera en vigueur sur décision du gouvernement wallon dès que la BDES sera opérationnelle. 5 Haemers J, Soil Remediation market in Europe CEO Deep Green SA, www.deep-green.com présenté en mars 2008. 6 Tableau de bord de l’environnement wallon 2008 – Étude détaillée : Pollution locale des sols en Région wallonne. 7 Brévers F. (2007), La bioremédiation des sols et ses applications en Wallonie, Travail de fin d’études réalisé en vue de l’obtention du master complémentaire en génie sanitaire, FUSAGx. 8 L’assainissement soutenable des terrains contaminés de Wallonie Bruxelles et Québec. Rapport de la deuxième rencontre 10-14/10/2005 rédigé par la délégation québécoise. Consultable en ligne : http://www.assai nissementsoutenablespaque.be. 1

L’Europe dans son ensemble et la Wallonie en particulier sont caractérisées par un passif environnemental conséquent découlant directement d’une activité industrielle lourde. Pas moins de 6.000 sites potentiellement pollués ont été recensés pour la seule Wallonie (Inventaire de la SPAQuE, 20022003). Progressivement, l’Union européenne a développé une stratégie dans le but de réhabiliter les sites pollués de manière financièrement soutenable. C’est dans ce contexte que les programmes CARACAS1 (1996) et CLARINET2 (1998) ont été développés. Plus récemment, la directive européenne 2004/35/CE a instauré la notion de responsabilité civile environnementale tandis que le projet Sols définit un premier cadre européen pour la protection des sols. Les grands principes progressivement instaurés sont : – l’utilisation rationnelle des terres ; – la prise de précautions par les acteurs susceptibles de causer des pollutions ; – la limitation des risques pour la santé humaine, les masses d’eau souterraines et l’écosystème ; – l’inventorisation des sites contaminés et pratiques polluantes.

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C’est dans ce contexte européen qu’a également été développée la notion de technologie BATNEEC3, c'est-à-dire meilleure technologie disponible, à des coûts économiquement acceptables qui pose les jalons pour des technologies environnementales innovantes. Dans l’Europe des 25, on évalue à 3,5 millions, le nombre de sites potentiellement pollués et à 246.000 le nombre de sites pollués, sans compter les 3 millions de sites d’activité potentiellement polluante pour le sol. Pratiquement, en Belgique, une banque de données de l’état des sols est progressivement instaurée dans chacune des trois régions du pays afin qu’une gestion du passif environnemental soit effective en évitant au maximum les pollutions nouvelles et en instaurant une forme de garantie lors des transactions immobilières4. En 2004, le marché réel de la dépollution des sols en Europe (25) était estimé à 5,2 milliards d’euros dont 164 millions d’euros pour la Belgique. Il faut toutefois noter que les pays Hydrocarbures aromatiques monocycliques 10%

Hydrocarbures pétroliers totaux 31%

Hydrocarbures aromatiques polycycliques 17%

Solvants chlorés 20%

Autres 10%

Métaux lourds 12%

Figure 1 : Types de polluants traités en Wallonie Les proportions ont été estimées sur base des réponses formulées par 24 entrepreneurs actifs dans le secteur de l’assainissement.


Biologie d’Europe du Nord ont fortement contribué à ce chiffre (80 % du chiffre pour le Danemark, Biostimulation 7 la Hollande et l’Allemagne réunis), le marché Bioaugmentation 1 des pays de l’Europe de l’Est n’ayant pratiqueBioventing 7 Biosparging 3 ment pas été pénétré5. La Belgique, dans son Bioslurping 1 ensemble, constitue un des marchés euroBio-immobilisation 0 Phytoremédiation 0 péens potentiellement des plus intéressants on site ou Biotertres (biopiles) 0 pour les entreprises. La région flamande posLandfarming 2 Compostage 0 sède déjà 15 ans de recul en instaurant, dès Bioréacteur 4 1995, une législation spécifique. En Wallonie, Venting 5 le nouveau décret relatif à la gestion des sols Extraction d'air sous vide (extraction vacuum) 2 Sparging (stripping) 6 du 5 décembre 2008 instaure des règles Lavage (flushing) 4 claires et des normes précises en matière de Pompage-écrémage (skimming, pompage de la 2 couche flottante en surface de la nappe) gestion des sols et sites pollués ou potentielPump & treat (pompage et traitement de l'eau 6 lement pollués. En fixant une date pivot (30 souterraine si polluants dissous dans la nappe) Extraction double phase (venting combiné au pump avril 2007) différenciant clairement les pollu1 & treat) tions historiques des pollutions nouvelles, le Extraction triple phase ou slurping (venting combiné 2 au pump & treat et au pompage-écrémage) décret impose que des solutions technoloon site ou Lavage ou séparation physico-chimique 1 giques crédibles de remédiation soient applion site ou (non Désorption thermique 3 cables rapidement. Le décret instaure aussi précisé) une valeur légale aux projets d’assainisse1 2 ment qui doivent être approuvés par l’auto9 rité compétente ayant force de permis. Enfin, 2 un certificat de contrôle du sol sera délivré Tableau 1 : Méthodes utilisées par les entreprises d’assainissement pour toute parcelle ayant fait l’objet d’un l’excavation/élimination, l’inertage et le confien Wallonie (technologies citées assainissement ou d’une étude d’orien- nement représentent une proportion non par les entreprises consultées) négligeable des méthodes tation concluant à un risque utilisées (Tableau 1). acceptable. « En matière de en Wallonie, Une étude commandée par traitement biologique, Étonnamment, les technologies biologiques la SPAQuE a évalué le chiffre d’affaires potentiel du il a été constaté que si semblent encore peu la biodégradation des exploitées, seules les techsecteur de l’assainissement nologies de bioventing/biosdes sols entre 2 et 4 milHAP se fait de façon liards d’euros en Wallonie. routinière au Québec, timulation sont citées Avec les nouvelles imposielle semble constituer comme couramment exploitées par les entreprises tions légales, ce marché à ce jour un problème (Figure 2). Elles consistent devrait progressivement insurmontable en essentiellement à stimuler être pénétré. L’évolution de Belgique. Il serait la flore microbienne endola législation environnemengène par une aération tale engendre un marché de certes intéressant de l’assainissement des sols comprendre pourquoi conséquente tout en apportant les nutriments en constante expansion. il en est ainsi »8. complémentaires nécesPourtant, l’approche techsaires au métabolisme minologique et scientifique reste parfois empirique, de surcroît crobien. Plus surprenant encore, aucun des Figure 2 : Technologie de traitelorsqu’une technologie biologique est mise entrepreneurs consultés ne cite la phytorement par bioventing La mise en dépression d’un sol en œuvre. En outre, le coût de traitement de médiation, technologie consistant à utiliser le contaminé permet l’entraîneterres polluées par les technologies conven- potentiel végétal pour extraire ou éliminer ment de composés volatils et leur tionnelles peut rapidement s’avérer exorbi- biologiquement les polluants. Déjà en 2005, traitement tandis que l’ajout de tant. À titre d’exemple, le coût du traitement un rapport s’étonnait de la discordance entre nutriments assure la biodégradation partielle in situ. de terres par désorption thermique est estimé entre 65 et 85 €/T, celui du traitement physico-chimique entre 55 et 75 €/T et celui d’un traitement biologique ex situ à environ 35 €/T. La réhabilitation d’une ancienne station-service coûtera, selon les opérateurs, entre 50.000 € et 100.000 € tandis que la réhabilitation d’une friche de 10 à 15 ha coûtera entre 500.000 et 1.000.000 €6. Selon une enquête menée au sein du Centre wallon de Biologie industrielle7, les pollutions à traiter par les opérateurs actuels sont essentiellement organiques (Figure 1) tandis que les technologies mises en œuvre pour les traiter sont très variées. L’enquête montre aussi que les méthodes physico-chimiques telles que Le Journal des Ingénieurs n°132 - Mai-juin 2011

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Biologie

Figure 3 : Inventaire de la densité des sites à réaménager en région wallonne Extrait du Tableau de bord de l’environnement 2008 Source : SPW DG 04 - DATU

8 Traitement des sols pollués : taux d’utilisation et coût des techniques, Janvier 2005, Étude réalisée pour le compte de l’ADEME par la société Algoé et la société Insavalor du groupe Polden. 10 Annexe 3 du décret du Gouvernement wallon du 5 décembre 2008 relatif à la gestion des sols. 11 Tableau de bord de l’environnement (2008) SPW/DG03/DSD. 12 Carte numérique des sols de Wallonie (CNSW), consultable à l’unité de Géopédologie de ULg GxABT. 13 EPA – TSCA : Environmental Protection Agency - Toxic Substances Control Act. 14 Annexe 1 du décret du Gouvernement wallon du 5 décembre 2008 relatif à la gestion des sols. 15 Il s’agit des différentes formes de PCB rencontrés, ils se différentient par le nombre et le positionnement des atomes de chlore, on retrouve plus de 200 congénères différents. 16 Application d’un dépôt métallique au moyen d'un courant électrique à la surface d'un objet. 17 Laubier et Alzieu (2002), La Recherche, 355, pp. 74-77. 18 Métabolisme microbien nécessitant un substrat carboné principal. Le polluant est alors dégradé par le même métabolisme de façon secondaire. 19 Pelmont (2005), Biodégradations et métabolismes - les bactéries pour les technologies de l’environnement – Collection Grenoble Sciences. EDP Sciences Éditions, Les Ulis, France, 798p. 9

l’emploi du traitement biologique au Québec et en Belgique, plus spécifiquement du fait que les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAPs) ne puissent être bio-traités en Belgique francophone : « En matière de traitement biologique, il a été constaté que si la biodégradation des HAP se fait de façon routinière au Québec, elle semble constituer à ce jour un problème insurmontable en Belgique. Il serait certes intéressant de comprendre pourquoi il en est ainsi »8. Cependant, une étude française exhaustive menée par l’ADEME9 stipule que les techniques de traitement biologique sont en hausse et ce pour diverses raisons : 1) Une demande croissante en techniques de traitement de pollutions organiques efficaces et peu coûteuses. En effet, bon nombre de techniques sont onéreuses et ne constituent in fine qu’un « déplacement » de la pollution dans un milieu confiné. 2) Une évolution réglementaire visant les sites industriels en activité. Comme en France, la prise en considération d’une date pivot, rend obligatoire le traitement des pollutions accidentelles puisqu’elles sont considérées comme nouvelles. Dans de tels cas, les techniques classiques nécessitant l’excavation ne sont pas envisageables, un accroissement de la demande en technologies in situ est dès lors à prévoir. Mais cette demande est non chiffrable. 3) Selon de nombreux acteurs du marché, les prix de traitement devraient continuer à être globalement à la baisse en raison de l’accroissement de la concurrence et des volumes de terres polluées traités.

II. Les sols pollués en Wallonie En Wallonie, les sites pollués sont repris dans un triple inventaire, à savoir les sites à réaménager (SAR, Figure 3), les anciens dépotoirs et les anciennes stations-services. Par ailleurs,

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une banque de données de l’état des sols (BDES) est en cours d’élaboration au sein de l’Administration. Outre les données précitées, cette base de données sera progressivement complétée par les certificats de contrôle de sol des terrains étudiés ou assainis mais aussi par les terrains potentiellement pollués par une activité à risque10. Les seuls SAR, dépotoirs et anciennes stations-services représentent respectivement 1.620 sites, 1.229 sites et 2.030 sites répertoriés11. Ils sont majoritairement présents au niveau du sillon Sambre et Meuse, dans le Borinage et le Tournaisis, hauts lieux de l’activité industrielle caractérisés par une forte densité de population. Nombre d’entre eux font l’objet d’études d’orientation ou de caractérisation tandis que certains font ou devront faire l’objet d’un plan d’assainissement, notamment les SAR présentant un risque élevé (~115 sites). Le type de sol rencontré au sein des SAR répertoriés est rarement investigué. Toutefois, il est souvent limoneux à proximité directe12, la perméabilité est donc comprise entre 10-4 et 10-7 cm/s. Cette dernière valeur est couramment reconnue comme limite inférieure pour l’applicabilité d’une technologie biologique in situ. En effet, pour une perméabilité plus faible, la durée de traitement devient trop longue et le suivi trop onéreux. Même si nombre de sites pollués sont caractérisés par le remaniement des sols ou la présence de remblais divers très hétérogènes, les sols limoneux de certains SAR de la Wallonie peuvent globalement être considérés comme potentiellement « biotraitables ».

III. Les grandes familles de polluants du sol Les hydrocarbures pétroliers Les hydrocarbures pétroliers représentent une fraction importante des pollutions. Ils proviennent d’activités industrielles (stationsservices, industries lourdes, etc.) ou domestiques (cuves à mazout). Ils sont introduits dans l’environnement sous différentes formes, allant du pétrole brut (+ de 2.000 composants) à l’essence (230 composants). D’un point de vue chimique, on distingue : les hydrocarbures saturés dont la chaîne carbonée est constituée de liaisons simples et les hydrocarbures insaturés dont la chaîne carbonée contient une ou plusieurs liaisons. Les hydrocarbures se distinguent également par leur enchaînement linéaire, ramifié ou cyclique. L’essence contient essentiellement des hydrocarbures saturés à courte chaîne (< C9) tandis que dans le diesel, leur chaîne est légèrement plus longue (C10 – C24). En Wallonie, le législateur distingue les hydrocarbures pétroliers normés selon 6 fractions caractérisées par des longueurs de chaînes aliphatiques de 5 à 35 carbones. Les hydrocarbures saturés ramifiés ou cycliques se retrouvent dans les huiles minérales. Les


Biologie cycloalcanes tels que les stéranes ou les triterpanes peuvent représenter 30 à 50 % de la composition d’un pétrole brut. Les hydrocarbures aromatiques dont la structure de base est le noyau benzènique (C6 cyclique insaturé) peuvent être mono-aromatiques (HAM) ou poly-aromatiques (HAP). Les hydrocarbures de un (benzène, toluène, xylène) à trois cycles (anthracène) sont majoritaires. Ils représentent environ 10 à 30 % du pétrole brut. Il est également possible de retrouver des hydrocarbures oxygénés (phénols, aldhéhydes, etc.), soufrés (mercaptans, sulfure, etc.) ou azotés (pyridine, quinoléine, etc.), toutefois ces molécules sont retrouvées en proportions nettement inférieures dans les polluants. Enfin, les asphaltènes sont des molécules de très haut poids moléculaire, leur structure chimique est très variable. En Wallonie, le législateur a pris l’option d’établir des normes précises pour les BTEX, le styrène et le phénol en ce qui concerne les hydrocarbures monoaromatiques. C’est également le cas pour les HAP de 2 cycles (naphtalène) à 6 cycles (dibenzoanthracène) aromatiques, c’està-dire essentiellement les molécules pour lesquelles une mutagénicité pour l’homme a déjà pu être constatée13. Seize HAPs sont ainsi référencés14. Un exemple particulier de polluant à haute teneur en HAP est le créosote, qui peut en contenir jusqu'à 85 %. Le créosote, aux propriétés biocide et hydrofuge est depuis longtemps utilisé pour l’imprégnation des bois (billes de chemins de fer) et génère à ce titre des pollutions diffuses ou fortement localisées au droit des sites d’imprégnations. Les composés chlorés ou autres halogénés Les composés chlorés sont des dérivés pétroliers couramment employés comme solvants, comme intermédiaires chimiques dans l’industrie des plastiques (PVC notamment), ou comme agents nettoyants. Les principaux sont le di- triou tétrachlorométhane, les chloroéthanes analogues, le chlorure de vinyle (chloroéthène), le dichloréthylène (DCE), le trichloréthylène (TCE) ou le perchloréthylène (PCE). Malgré le grand nombre d’autres composés chlorés, seuls ces derniers sont normés dans la législation wallonne. Les polychlorobiphényles (PCB) sont aussi des polluants récalcitrants et ubiquistes des sols et sédiments. Ils proviennent de leur utilisation conséquente, jusque dans les années 70, comme additifs, lubrifiants et isolants dans l’industrie électrique. Ils sont souvent présents sous forme d’un mélange

de congénères15 plus ou moins chlorés. Tout aussi persistants dans l’environnement mais n’ayant jamais été synthétisés volontairement sont les polychlorodibenzo-p-dioxines (PCDD) et polychlorodibenzofuranes (PCDF). Ces composés sont également trouvés sous forme de mélanges de congénères variables selon le nombre et la position des atomes de chlore substituant le noyau. Ils sont généralement produits dans des processus de combustion mal contrôlés. C’est pourquoi, la législation n’a, actuellement, fixé de normes qu’en ce qui concerne leur émission. Les métaux lourds et le cyanure Les métaux lourds proviennent également d’une activité industrielle intense, parfois de très longue date. Ainsi, l’utilisation de plomb par l’homme et la métallurgie y associée remonte à l’époque romaine. De manière plus récente, l’utilisation de tétraéthyle de plomb dans l’essence a largement contribué à sa dispersion dans l’environnement. Des pratiques industrielles telles que la galvanoplastie16, la fabrication de batteries ou autres pratiques métallurgiques ont largement contribué à la pollution des sols industriels par le cadmium (Cd), le nickel (Ni) ou le zinc (Zn). D’autres industries, comme celles du verre et de l’électronique, ont largement diffusé l’arsenic (As) dans l’environnement. Outre ces derniers, de manière plus générale, les éléments désignés comme métaux lourds sont : le vanadium, le chrome, le cobalt, le cuivre, le sélénium et le mercure. Ils proviennent des industries du bois (antibactériens), de l’industrie chimique (catalyseurs) ou de l’industrie de la peinture (pigments). Une attention particulière doit être apportée à la spéciation de l’arsenic et du chrome. En effet, l’arsenic (III) est plus toxique que l’arsenic (V) tandis que le chrome (III) est largement moins toxique que le chrome (VI). Pour ce dernier, la législation wallonne impose d’ailleurs des normes plus restrictives. Enfin, le cyanure (CN ) est également un polluant particulièrement présent à proximité des anciennes cokeries. Il est issu de la cokéfaction dans l’industrie sidérurgique et constitue un sous-produit particulièrement toxique pour l’homme. Les terres bleues sont illustratives des terres cyanurées, elles constituent une pollution assez complexe à traiter.

IV. Potentialités des micro-organismes Généralités Les microorganismes offrent un large spectre d’applications potentielles dans

les technologies environnementales. À titre d’exemple, les mécanismes par lesquels les hydrocarbures sont dégradés par voie biologique sont relativement bien connus du monde scientifique. Les premières recherches ont été menées sur l’atténuation naturelle des pollutions induites par les marées noires17. Les sols aussi sont pourvus d’une capacité auto épuratrice dénommée l’atténuation naturelle. Dans certains cas, le simple suivi dans le temps de la pollution organique, de sa concentration et de sa dispersion peut être considéré comme une méthode de maîtrise de la pollution. Dans la plupart des cas, l’action de ce « nettoyage naturel » est trop lente pour éviter des situations désastreuses sur le plan environnemental. Il est dès lors nécessaire de comprendre, maîtriser et améliorer les processus biologiques de biodégradation des composés organiques. Une large variété d’acteurs microbiens... Sur le plan fondamental, les chercheurs ont rapidement identifié les microorganismes inévitablement rencontrés dans les sols pollués et acteurs indigènes de la remédiation des pollutions. Parmi ceuxci, les genres bactériens Pseudomonas, Vibrio, Achromonas, Actinomyces, Mycobacterium et Rhodococcus peuvent être cités. À ces espèces, doivent être ajoutés des genres bactériens capables d’utiliser le méthane comme substrat de croissance essentiel, l’attaque des autres hydrocarbures n’est alors qu’une activité secondaire résultant d’un cométabolisme18. Différentes levures sont aussi aptes à dégrader les hydrocarbures, peuvent notamment être cités Candida, Hansenula et Torulopsis19. Plus spécifiques et moins étudiés, sont les champignons du sol. Parmi-ceux-ci, il faut citer les champignons lignivores, responsables de la dégradation du bois dans les litières. La lignine étant un polymère dense et très stable chimiquement, ces organismes ont développé un arsenal enzymatique performant pour les dégrader. L’intérêt particulier dans le cadre de la dégradation des polluants organiques persistants (PCB, dioxines) est qu’il s’agit d’activités enzymatiques extracellulaires. La faible disponibilité des polluants n’est pas un frein en soi. Des essais menés au laboratoire de Toxicologie environnementale ont démontré la capacité de Phanerochaete chrysosporum à minéraliser la dioxine de Seveso. ...pour une grande variété de mécanismes d’action La capacité des bactéries à intégrer dans leur métabolisme des molécules pol-

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Biologie

Figure 4 : Voie de biodégradation aérobie des composés aromatiques L’oxydation progressive conduit à l’obtention d’un intermédiaire catabolique (catéchol) qui après ouverture donnera des composés du métabolisme microbien central.

10 Le gazon d'Olympe (Armeria maritima subsp. halleri) est une plante métallophyte, indicatrice de teneurs élevées en Zn, Pb et Cd dans les sols.

luantes résulte de leur intervention dans les cycles des éléments tels que le cycle du carbone, du soufre et de l’azote. L’utilisation des substrats polluants correspond parfois à une dérivation des systèmes enzymatiques qui, malgré une spécificité de substrats, acceptent des composés de structure chimique proche pour être dégradés et être ramenés vers le métabolisme cellulaire central en passant systématiquement par un intermédiaire métabolique, qui une fois obtenu est consommé par le métabolisme central. Les voies métaboliques de biodégradation sont différentes suivant la structure moléculaire des composés : aliphatiques, cycliques ou aromatiques, chlorés, etc. Elles nécessitent souvent de l’oxygène pour oxyder les composés organiques, la voie métabolique est alors qualifiée d’aérobie. Il existe toutefois des voies métaboliques anaérobies, permettant notamment la dégradation des composés chlorés par déhalogénation réductrice20. Des mécanismes de dégradation anaérobie ont également été observés chez certaines bactéries sulfatoréductrices. La voie aérobie Les mécanismes de biodégradation microbiens sont utiles pour la dégradation des composés aliphatiques à longue chaîne, notamment présents dans le diesel. Ils sont oxydés au moyen d’oxygénases qui vont introduire dans la molécule un atome d’oxygène moléculaire (O2) formant ainsi un alcool qui est oxydé en un aldéhyde et finalement en un acide carboxylique. Cet acide prend part au métabolisme central pour suivre la voie classique de dégradation des lipides (ß–oxydation). Par ces mécanismes, ce sont

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essentiellement les hydrocarbures à longues chaînes (> C10) qui sont dégradés facilement, tandis que les hydrocarbures à courtes chaînes présentent une plus grande toxicité pour les microorganismes due à leur plus grande solubilité21. C’est la raison pour laquelle l’essence est parfois plus difficile à dégrader par voie biologique que le diesel ou le kérosène. Il faut toutefois noter que la vitesse de biodégradation est inversement proportionnelle à la taille de la chaîne aliphatique. La biodégradation aérobie permet aussi de dégrader les composés aromatiques (Figure 4). Dans ce cas, certains microorganismes particuliers possèdent le matériel enzymatique spécifique pour oxyder progressivement les noyaux aromatiques et obtenir un intermédiaire tel que le catéchol qui, après ouverture du cycle, pourra intégrer le métabolisme microbien classique. Les hydrocarbures sont ainsi progressivement minéralisés en dioxyde de carbone et en eau. Enfin, les composés chlorés peuvent aussi être dégradés biologiquement par voie aérobie lorsque le nombre de substitutions chlorées n’est pas trop élévé (< 4). Dans ce cas, c’est une voie de co-métabolisme qui peut être mise en œuvre. L’enzyme clé est alors une méthanemonooxygénase que l’on retrouve chez certains genres bactériens capables d’utiliser le méthane comme substrat (Methylosinus chrisosporium). Dans la pratique, il est possible de stimuler le développement de cette flore microbienne et de son enzyme particulière en injectant du méthane, du butane ou du propane dans le milieu à dépolluer. Plusieurs recherches ont été développées au Centre Wallon de Biologie Industrielle (C.W.B.I.). L’approche originale consiste à sélectionner des microorganismes, seuls ou en consortium, capables de dégrader les hydrocarbures par voie aérobie tout en présentant une résistance au séchage. L’objectif visé est d’obtenir des starters microbiens pouvant se conserver dans le temps et commercialisables. Des résultats obtenus récemment en partenariat avec le BEAGx22 montrent que la bio-augmentation d’un sol caractérisé par une pollution récente, au moyen de tels starters, permet d’accélérer la biodégradation du diesel comparativement à une simple biostimulation. Une autre recherche23 propose un réacteur biphasique contenant des souches appropriées pour traiter les composés organiques volatils éliminés par voie de bioventing. La voie anaérobie Lorsque le nombre de substitutions chlorées (ou autre halogène) sur une molécule polluante est élevé, il n’est plus possible d’envisager l’oxydation par voie enzymatique tant le polluant chloré est déjà oxydé à la base. Dans ce cas, la déhalogénation réductrice (halo-respiration) est préférée, elle s’opère en milieu réducteur (< - 100 mV), le solvant chloré est réduit et un atome de chlore est


Biologie noter que ce procédé est toujours beaucoup plus lent que l’oxydation enzymatique (0,3 µg Cl-/gsédiment semaine)24 et qu’il s’opère davantage par biostimulation que par bioaugmentaiton.

Les essais en pots sont des outils complémentaires aux investigations de terrain pour étudier de manière contrôlée la mobilité des contaminants dans le système sol-plante. La photo illustre un essai comparatif d'apport de chaux, de compost sur trois sols contaminés et une plante-test (Agrostis tenuis).

remplacé par un atome d’hydrogène. Le processus anaérobie est utile pour la dégradation de composés hautement halogénés comme le chlorobenzène ou le PCE. Ce métabolisme particulier est opéré par des bactéries halo-respirantes, en milieu anaérobie stricte et en présence d’hydrogène (H2) comme donneur initial d’électron. Il existe toutefois une compétition, dans le sol, avec les bactéries sulfato-réductrices ou les bactéries dénitrifiantes, utilisant l’hydrogène aussi. Sur le plan pratique, il serait prétentieux de vouloir faire de la bio augmentation au moyen d’une souche spécifique. Certaines recherches du CWBI sont toutefois parvenues à isoler un consortium microbien apte à dégrader les PCBs en présence d’un substrat carboné adéquat dans le cadre d’un programme de recherche & développement (REMEDPCB). Concrètement, un substrat carboné doit d’abord être injecté dans le sol pour permettre aux bactéries aérobies de croître et consommer toute trace d’oxygène, les bactéries nitrifiantes, sulfato-réductrices et ferro-réductrices consomment alors les substrats carbonés non halogénés jusqu'à disparition du Fer(III), des sulfates et des nitrates. Certains microorganismes fermentent ensuite les substrats carbonés non halogénés en produisant l’hydrogène nécessaire aux bactéries halo-respirantes qui peuvent enfin commencer le travail de déhalogénation. Il existe donc un subtil équilibre entre la fermentation des composés organiques non halogénés et la déhalogénation. En fin de processus, les bactéries méthanogènes termineront la biodégradation. La voie de traitement biologique des halogénés et PCB est donc envisageable, il faut toutefois

La biodisponibilité des polluants améliorée par les bio-surfactants La bioremédiation peut être limitée par la biodisponibilité des polluants, ceux-ci pouvant être adsorbés sur les particules de sol, trop faiblement solubilisés ou encore séquestrés. Les substrats hydrophobes comme les hydrocarbures ont tendance à former une phase distincte et leur faible diffusivité en milieu aqueux retarde leur biodégradation tout en limitant aussi leur dispersion dans les nappes. Même si des agents mouillants commerciaux tels que l’Inipol®25 ont déjà été utilisés pour favoriser l’émulsion et l’accessibilité des hydrocarbures, certains germes bactériens ont la capacité de produire des biosurfactants qui favorisent également cette émulsion. Il s’agit souvent de molécules telles que les rhamnolipides ou autres glycolipides produits par des souches bactériennes (Arthrobacter, Rhodococus, Pseudomonas, etc.). Les microorganismes développent aussi d’autres mécanismes comme le montrent les recherches du CWBI : Rhodococcus erythropolis modifie son hydrophobicité de surface en présence d’un substrat hydrophobe, améliorant ainsi sa biodisponibilité26. Des recherches plus récentes menées au même centre27 ont également montré que la présence de lipopeptides permettait d’améliorer la biostimulation probablement en augmentant la biodisponibilité des hydrocarbures même si la solubilisation accrue et la lixiviation des hydrocarbures pétroliers n’a pas été clairement prouvée. De la biostimulation à la bioaugmentation De nombreuses technologies reposent sur la stimulation de la microflore présente par injection d’oxygène sous différentes formes (O2, H2O2, ozone, peroxyde de calcium) et l’adjonction de nutriments complémentaires (phosphate et nitrate essentiellement). Une autre approche consiste à apporter des microorganismes complémentaires aux propriétés particulières, on parle alors de bioaugmentation en vue d’améliorer les potentialités métaboliques de la microflore présente dans le sol. L’intérêt de la bioaugmentation a été largement débattu dans la mesure où elle a parfois donné lieu à des résultats décevants28 qui peuvent, à notre sens, notamment s’expliquer par quelques éléments : – Parfois la bioaugmentation consiste simplement à cultiver en bioréacteur un consortium bactérien issu d’une boue de station d’épuration. Ces microorganismes ne sont pas spécifiquement adaptés à la pollution du sol à traiter.

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Il s’agit d’une réaction qui contrôle de façon majoritaire la dégradation des solvants chlorés et notamment pour les plus fortement chlorés d’entre eux. Elle peut être schématisée par la réaction suivante : RCl + H + 2e- > RH + Cl21 Laubier et Alzieu (2002), La Recherche, 355, pp. 74-77. 22 Bureau Environnement Analyses - ULg GxABT. 23 Jean-Marc Aldric (2009), Mise au point d’un réacteur biphasique eau/huile de silicone destiné au traitement des COVs hydrophobes au sein des effluents gazeux, Thèse de doctorat FUSAGx. 24 Field JA. et al., (2008), Microbial transformation and degradation of PCB - Environ Pollut., 155, (1), pp.1-12. 25 Mélange de lauryl phosphate, d’urée et d’un tensio-actif développé par Elf Aquitaine. 26 Aldric JM et al., (2008), Performance evaluation of a water/silicone oil two-phase partitioning bioreactor using Rhodococcus erythropolis T902.1 to remove volatile organic compounds from gaseous effluents J Chem Technol Biotechnol 83. 27 Résultats non publiés. 28 Aldrett et al., (1997), Wat. Res., 3, pp. 2840 – 2848. 20

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Biologie lablement amplifié sous pression de sélection permettait d’accroître sensiblement la vitesse de biodégradation. En outre, il a clairement été démontré que cette amélioration était imputable à un changement induit de l’écologie microbienne au sein des colonnes pilotes. Ces résultats sont particulièrement encourageants car ils laissent présager d’un réel intérêt tant pour le traitement des terres ex situ qu’in situ.

V. Potentialités des végétaux

Réacteur pour la production de starters microbiens de décontamination

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– La bioaugmentation se fait parfois au moyen d’une souche particulière ayant démontré des capacités de biodégradation importantes à l’échelle du laboratoire mais n’étant pas adaptée à l’environnement dans lequel on l’introduit. – La densité d’inoculum mise en œuvre semble parfois trop faible pour que la biomasse ajoutée puisse prendre le dessus dans la compétition avec la biomasse endogène. Des résultats particulièrement intéressants ont été obtenus récemment par la voie de la bioaugmentation. La biodégradation du styrène et du phénanthrène peut être améliorée in situ, comparativement à la simple biostimulation, par l’ajout d’une souche de Pseudomonas aeruginosa productrice d’un biosurfactant29. Des conclusions similaires ont été tirées pour la dégradation du naphtalène30 ou de la fluorène (HAP)31. Ces quelques exemples non exhaustifs montrent l’intérêt réel de la bioaugmentation au moyen d’une souche présélectionnée dans le cadre de l’élimination d’un polluant particulier. La bioaugmentation est aussi très souvent citée dans la littérature pour accélérer la biodégradation de composés chlorés par voie aérobie (chlorobenzoate (CB), TCE ou le trichlorobenzene)32. À l’échelle réelle, plusieurs études montrent aussi tout l’intérêt de la bioaugmentation, notamment en assurant une rapidité de traitement de composés récalcitrants33,34,35. Des recherches du CWBI conduites en colonnes-pilotes sur des terres polluées36 ont aussi permis de démontrer que l’ajout d’un consortium bactérien (à raison de 3.106 CFU/gMS37) issu d’une terre polluée aux hydrocarbures et préa-

Les plantes nettoient notre environnement (air, eau et sol) de manière constante. Certaines sont capables d’exclure des polluants organiques ou minéraux des sols et de réduire ainsi leur transfert dans la chaîne alimentaire. Leur efficacité dépend de leur potentiel d’évapotranspiration, des enzymes de dégradation qu’elles produisent, de leur croissance, de la profondeur de leur système racinaire et de leur capacité d’accumulation naturelle des contaminants. Ces propriétés leur permettent de coloniser naturellement des sites même fortement contaminés parmi lesquels les sites miniers. L’idée d’utiliser des plantes accumulatrices pour extraire et recycler les métaux présents dans le sol est née en 1983, a atteint le public en 1990 et a progressivement été considérée comme une pratique potentielle plus efficace que les stratégies de remplacement, de solidification ou de lessivage. La phytoremédiation s’applique en effet in situ, respecte la structure des sols, prévient l’érosion et l’infiltration des polluants et surtout, elle s’avère nettement moins coûteuse. Les plantes libèrent notamment au niveau de leurs racines, des exsudats qui modifient la solubilité et la disponibilité des éléments. Pour la phytoextraction/ phytostabilisation, les végétaux utilisent

un mécanisme de résistance exploitant des phytochélatines pour séquestrer les métaux et les accumuler. Dans le cas de l’extraction, l’hypertolérance qui est la propriété clé de l’hyperaccumulation doit s’exprimer tant au niveau des cellules racinaires qu’au niveau des cellules de la partie végétative. La plante doit être capable de transloquer l’élément de la racine vers la partie aérienne. Des espèces végétales telles que Thlaspi caerulescens ou Vetiver grass ou Arabidopsis thaliana ont largement été étudiées pour leurs propriétés hyper accumulatrices. Plus récemment, un intérêt a été porté dans nos régions, à certaines espèces ligneuses telles que l’aulne, le frêne, le saule (http://ecoliri.cra.wallonie.be) ou le peuplier. Si ces ligneux accumulent intrinsèquement moins de métaux, leur biomasse est largement supérieure aux espèces herbacées, ce qui constitue un avantage indéniable en terme de quantité de métaux extractibles plus profondément dans le sol.

VI. L’association plante microorganismes Si les microorganismes (bactéries, champignons et levures) semblent particulièrement utiles pour dégrader biologiquement les composés organiques, leur emploi peut aussi être envisagé pour le traitement des métaux lourds, plus spécifiquement en synergie avec un végétal. Les microorganismes peuvent aider les plantes de différente manière. Les microorganismes de la rhizosphère peuvent immobiliser les métaux en les adsorbant à leur surface ou en les complexant sous une forme biologiquement inactive. À titre d’exemple, la précipitation extracellulaire des métaux à été largement décrite chez Rhalstonia metalidurans, une bactérie possédant un panel de résistance aux métaux lourds38. Pour ces

Photo de couverture : Vue d'un site contaminé en hiver en région liégeoise. Les contaminations ont fait disparaître la forêt au profit de pelouses rases au sein desquelles se développent des espèces métallophytes. Quelques espèces ligneuses comme le bouleau ou le saule recolonisent la pelouse. À l'arrière-plan, les sols noirs résultent de contaminations lors de l'exploitation des minerais de blende.

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Biologie différents cas, les microorganismes aident la plante en accumulant le métal. Une des limitations majeures de la phytoextraction est la biodisponibilité des métaux, la plante ne pouvant extraire que la fraction soluble. C’est pour cette raison que la phytoextraction induite est mise en œuvre en utilisant des chélateurs chimiques tels que l’EDTA39 afin d’augmenter la concentration en métal biodisponible dans la solution du sol. L’approche est toutefois périlleuse dans le sens où elle risque d’entraîner les métaux vers la nappe phréatique. Dans ce contexte, des bactéries particulières peuvent être employées (Brevibacillus, Pseudomonas, Enterobacter…), elles produisent des métalophores chélateurs jouant le même rôle que l’EDTA mais à proximité des racines. Les bactéries associées présentent ainsi le métal sous une forme biodisponible, accélérant ainsi la phytoextraction. Certaines de ces bactéries sont qualifiées d’endophytes car elles colonisent le xylème des végétaux ligneux, travaillant en symbiose avec son hôte. Une approche élégante consiste à recoloniser certains ligneux avec une des bactéries endophytes dites « non-obligatoires » et dès lors cultivables en fermenteur dans le but d’améliorer la phytoextraction40. La présence de métaux lourds induit malgré tout un stress pour les plantes utilisées en phytoextraction, limitant leur croissance. Certaines bactéries sont connues pour être promotrices de croissance. Azospirulum lipoferum, en produisant l’acide indol-acétique, une hormone de croissance végétale, stimule la croissance végétale en conditions stressantes. En présence d’autres métaux lourds en grande quantité, une carence en fer peut être perçue par la plante. Pseudomonas putida produit des sidérophores, qui peuvent améliorer la biodisponibilité du fer, rendu indisponible pour la plante. Des recherches menées en partenariat avec le département Sciences du vivant et le laboratoire de Toxicologie environnementale ont montré une amélioration de la croissance végétale en présence d’une souche de Pseudomonas putida en conditions stressantes (terres polluées aux métaux lourds). Dès lors, bien que la concentration mesurée dans le végétal n’ait pas été modifiée, une plus grande quantité de métal a pu être extraite du sol. La majorité des espèces végétales (herbacées ou ligneuses) est présente dans le sol en association avec des champignons pour former des mycorhizes. Selon les espèces et l’intimité de l’association, on en distingue plusieurs parmi lesquels, il faut citer les endo- et les ecto-mycorhizes. Depuis plusieurs dizaines d’années, les recherches ont montré le rôle positif des mycorhizes sur la croissance de la plante, qu’il s’agisse de céréales au champ ou d’arbres en milieu urbain. Mais, au-delà de cet effet promoteur de croissance, les champignons symbiontes vont également avoir un impact sur la mobi-

lité des métaux lourds dans le système solplante. Ils sont, en effet, placés à l’interface entre la racine et le sol. La très grande diversité de ces champignons explique que, selon les cas, la mycorhyzation augmente l’absorption des métaux lourds ou, au contraire, la bloque. Cela ouvre, en tout cas, des perspectives en matière de phytoextraction et de phytostabilisation.

VII. Conclusions Les nouvelles législations en matière de sols contaminés intègrent la notion de meilleure technologie disponible, à des coûts économiquement acceptables. Le tout nouveau décret relatif à la gestion des sols intègre aussi les notions de date pivot et de projet d’assainissement, toutes deux ayant une portée légale clairement définie. Dans un contexte économique particulièrement morose, des technologies moins onéreuses devront être mises en œuvre. L’acceptation du traitement biologique dans un projet d’assainissement est liée à la nécessité d’effectuer des analyses et des essais avant de procéder à une solution de traitement sur mesure. Le temps d’analyses et d’essais peut paraître long mais l’enjeu est de taille. Devant la diversité des sols et des pollutions, il n’existe pas de solution clé sur porte ni de microorganisme providentiel. Toutefois, les nouveaux développements dans la maîtrise des procédés biologiques tels que la bioaugmentation, la biostimulation ou la phytoremédiation orientent vers de nouveaux horizons. Comme d’autres pays l’ont déjà prouvé, le traitement biologique de certaines contaminations devrait progressivement être considéré comme une solution soutenable, efficace et économique avec, progressivement, suffisamment de garanties de résultats et de délais.

Hwang S. et Cutright TJ. (2002), Chemosphère, 47, pp. 891-899. 30 Cavalca et al., (1992), J. Appl. Microbio ., 92, pp. 1058 – 1065. 31 Garon et al., (2004), Chemosphere, 56, pp. 159-166. 32 Soil and sediment remediation, IWA publishing, London, 523p. 33 Ma F.(2009), Bioresource technology, 100. 34 Mancera-Lopez ME. (2008), Biodeterioration and Biodegradation, 61,pp. 151-160. 35 Ma F. (2009), Bioresource Technology, 100. 36 Terres polluées en hydrocarbures pétroliers (huiles minérales essentiellement) à raison de 1750 mg/kgMS, résultat non publiés. 37 CFU/gMS : colonies formant unité, unité de mesure de la concentration en microorganismes inoculée par unité de masse de sol. 38 Nombreuses études de Max Mergeay, Flemish Institute for Technological Research (VITO). 39 Éthylène diamine tétra-acétique, agent chimique formant un complexe soluble avec les métaux lourds. 40 Kieran et al., (2004), FEMS Microbiology Ecology, 48, pp. 109-118. 29

De gauche à droite : Ir. Gilles Colinet5, Ir. Frank Delvigne1, Ir. Philippe Druart2, Ir. Jean-Marc Aldric1, Prof. Ir. Philippe Thonart1, Ir. Jacqueline Destain1, Ir. Philippe Maesen3, Ir. Bruno Campanella4

Les auteurs

Chercheurs, diplômés ingénieurs agronomes ou ingénieurs chimistes et des industries agricoles de la Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux (actuellement ULg Gembloux Agro-Bio Tech), travaillant en collaboration dans différents projets de recherche visant à optimiser la dépollution des sols par voie biologique (bioremédiation et phytoremédiation) 1 Centre Wallon de Biologie Industrielle - ULg Gembloux Agro-Bio Tech, 2Département Sciences du Vivant - Centre Wallon de Recherches Agronomiques de Gembloux, 3Bureau Environnement – Analyses - ULg Gembloux/Agro-Bio Tech, 4Laboratoire de Toxicologie Environnementale - ULg Gembloux/Agro-Bio Tech, 5Unité de Géopédologie - ULg Gembloux/Agro-Bio Tech

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Logistique

La logistique en Wallo et perspectives

Figure 1: Carte des plateformes multimodales wallonnes Source : Logistics in Wallonia

Dans un environnement économique de plus en plus tendu, confrontée à la mondialisation des marchés, à la délocalisation des centres de production ainsi qu’à la diversification des marchandises, la logistique est entrée au cœur de toutes les préoccupations industrielles, économiques et commerciales.

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La situation actuelle

Tableau 1: Taille des réseaux de transport wallons Source : SPF Mobilité et Transport, SPF Économie, Infrabel

Idéalement située à quelques heures en voies d’eau et ferroviaires de Paris, Cologne, Bruxelles, Anvers et Rotterdam, la Wallonie jouit d’un emplacement idéal en tant que porte d’accessibilité au marché européen. Le réseau routier permet d’atteindre à lui seul et en moins de 4 heures environ 59 millions de consommateurs. La Wallonie dispose d’un réseau de transport dense tant pour le transport par rail, route ou voies navigables.

Taille des réseaux de transport wallons en km (2008) Réseau ferré Réseau navigable Réseau autoroutier Réseau routier provincial/régional Réseau routier communal Le Journal des Ingénieurs n°132 - Mai-juin 2011

+ de 1.600 + de 450 + de 870 + de 7.500 + de 48.000

Ce réseau multimodal repose sur des infrastructures de transport bien développées en Wallonie. Parmi celles-ci, nous noterons le port autonome de Liège, troisième port intérieur d’Europe avec un trafic de plus de 21 millions de tonnes de fret en 2010. La Wallonie dispose également de deux infrastructures aéroportuaires de premier choix à Charleroi et à Liège. L’aéroport de Liège est le 8e aéroport européen en matière de transport de fret avec 640.000 tonnes en 2010. Ces deux aéroports jouent un rôle essentiel pour les industries pharmaceutiques et biotechnologiques friandes de ce mode de transport. Ces infrastructures font partie intégrantes de plateformes multimodales assurant la connexion entre les différents réseaux de transport : Charleroi Dry Port, Dry Port Mouscron-Lille International, Liège Logistics, Liège Container Terminal et le terminal conteneur d’Athus. Ces plateformes multimodales sont des nœuds du réseau permettant le transfert du fret d’un réseau de transport à un autre. En outre, ces plateformes peuvent intégrer des activités logistiques à haute valeur ajoutée telles que le stockage, la transformation et la maintenance des marchandises. Selon l’étude Cushman & Wakefield 2009, le classement des meilleures régions européennes en matière de logistique donne le podium suivant : la province de Liège, la province du Limbourg et la province du Hainaut, loin devant Anvers situé à la 9e position ou Lisbonne placé à la 61e position. Les prévisions pour 2020 démontrent l’attractivité de la Wallonie à long terme : 1) Hainaut, 2) Limbourg, 3) Liège. Ce classement intègre un panel d’indicateurs tels que les coûts, les systèmes de transport, l’accessibilité, l’offre, la main-d’œuvre et le savoir (l’accessibilité et les systèmes de transport comptant pour 58 %).

Les capacités de développements futurs, enjeux et défis À moyen terme, la Région wallonne devra répondre à la congestion des ports maritimes tels que celui d’Anvers (178 millions de tonnes en 2010) et de Rotterdam (430 millions de tonnes en 2010) – les deux plus importants ports maritimes européens – en se positionnant comme partenaire de ceux-


Logistique

nie : enjeux Par Dr Ir. Nicolas Rigo, Ir. Nicolas Goessens, Bernard Piette, Prof. Dr Ir. Alassane Ballé Ndiaye ci. Le transport fluvial permettra d’offrir une alternative pour les flux de marchandises entre les ports maritimes et l’arrière pays. À ce propos, quelques chiffres intéressants peuvent être considérés. En 1998, la distribution à partir du port d’Anvers vers l’hinterland se faisait principalement par route, à hauteur de 70 %, le reste étant acheminé via le réseau ferré ou les voies navigables. Dix ans plus tard, l’utilisation du rail et de la voie d’eau a connu une croissance de près de 15 %. Ces chiffres témoignent d’un « rebalancement » modal en constante évolution. Afin de satisfaire à de tels objectifs, la Wallonie se doit de se doter d’infrastructures performantes. De grands projets sont actuellement en cours de développement.

Figure 2 : Simulation de la future plateforme multimodale Trilogiport Source : Port autonome de Liège

• Le Port Autonome de Liège va se doter fin 2012 d’une grande plate-forme multimodale « Trilogiport » disposant d’un terminal à conteneur tri-modal (routier-ferré-fluvial) d’une superficie d’environ 15 ha.

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• Dans le Hainaut, le projet Garo Centre, terminal tri-modal routier-ferré-fluvial permettra à court terme un trafic minimal de 60.000 tonnes de produits sidérurgiques et de 15.000 containers par an. • Le Canal Seine-Nord qui sera mis en service en 2016 représentera un nouveau système pour le transport de marchandises entre la France, la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne. • Il faut également citer le projet CAREX (pour Cargo Rail Express) ayant pour objectif l’utilisation du réseau TGV pour le transport express de marchandises. Ce projet prévu pour 2015 mettra en œuvre un service de navettes ferroviaires à grande vitesse reliant les aéroports de Londres, Lyon, Amsterdam, Paris et Liège.

Figure 3 : Projet Garocentre à La Louvière Source : Port Autonome du Centre et de l'Ouest Figure 4 : Projet Canal Seine-Nord Europe Source : Voies navigables de France

• Citons enfin le projet relatif à la biologistique (appelé Biolog Europe) et dont le but est de développer des activités logistiques à très haute valeur ajoutée à destination des entreprises dans le secteur pharmaceutique et des biotechnologies. Parallèlement à ces grands projets d’infrastructures, la logistique comme d’autres secteurs d’activités est confrontée aux nouvelles contraintes environnementales. La Commission européenne vient, à ce sujet, de publier

son « White Paper 2011 » intitulé « Roadmap to a single European area – Towards a competitive and resource efficient transport system ». Ce document liste une série de propositions Le Journal des Ingénieurs n°132 - Mai-juin 2011


Logistique certainement par l’innovation. Alors que certaines entreprises disposent de leur propre département R&D, d’autres font appel à des centres de recherche agréés ou des laboratoires universitaires. Il est dès lors essentiel que ces différents acteurs interagissent de façon optimale.

L’importance de la R&D Le pôle de compétitivité Logistics in Wallonia se veut un acteur essentiel assurant l’interface entre les centres de recherches, les laboratoires universitaires et les industriels du transport et de la logistique.

Figure 5 : Projet EURO CAREX Source : EURO CAREX

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visant, entre autres, à réduire de 60 % les émissions de carbone à l’horizon 2050 dans le secteur du transport. En outre, le gouvernement wallon, par son projet de Déclaration de Politique régionale wallonne 2009 – 2014, met en avant, entre autres, la nécessité de définir une vision globale de développement du secteur du transport et de la logistique et de promouvoir l’intermodalité du réseau. Il lui importe de garantir au secteur une « cohérence territoriale, économique, sociale et environnementale », ce qui définit précisément la notion de développement durable. Ceci doit dès lors permettre de positionner durablement la Wallonie sur les grands corridors de fret européens. Ces enjeux et défis doivent-ils être relevés par les industriels du secteur seuls ? Il est un fait que l’innovation technologique et scientifique doit pouvoir proposer des solutions novatrices créatrices de valeur ajoutée aux entreprises. L’accroissement systématique de l’attractivité et de la compétitivité de la Wallonie comme terre de la logistique passe

Quelques adresses utiles : Qalinca-Logistics : www.qalinca.com DART – Let’s make your supply chain sustainable : www.dartconsult.com Pôle de compétitivité Logistics in Wallonia : www.logisticsinwallonia.be Biolog Europe : www.biologeurope.com Canal Seine-Nord Europe : http://www.seine-nord-europe.com/ Euro Carex : http://www.eurocarex.com/ Port autonome de Liège : www.port-autonome.be Port autonome du Centre et de l’Ouest : http://www.le-paco.be/fr/ Projet de déclaration de politique régionale wallonne 2009-2014 : http://gouvernement.wallonie.be/declaration-de-politique-regionale-wallonne White paper 2011 : http://ec.europa.eu/transport/strategies/2011_white_paper_en.htm Union wallonne des Entreprises : www.uwe.be Voies navigables de France : http://www.vnf.fr Le Journal des Ingénieurs n°132 - Mai-juin 2011

Logistics in Wallonia est un des cinq pôles de compétitivité mis en place par la Région wallonne dans le cadre du Plan Marshall. La vocation principale du Plan Marshall était de faire des choix stratégiques clairs et de concentrer les moyens sur des projets précis, clairement identifiés et s’inscrivant dans une stratégie globale. La Région wallonne, avec la reconnaissance du pôle de compétitivité « Logistics in Wallonia », a décidé de mettre en valeur sa situation géographique et a pour ambition de faire de la Wallonie, LA terre de la logistique. Ce pôle de compétitivité finance des projets de recherche à caractère industriel dans quatre thèmes principaux : - la création d’une véritable multimodalité, en permettant un suivi des flux, une optimisation des transports favorisant les modes de transport durable et en rendant plus efficace les ruptures de charges ; - l’amélioration de la sécurité et de la sureté des chaînes logistiques, en assurant une traçabilité intégrale des produits, en réduisant les risques de contrefaçon et en assurant un contrôle de la chaîne du froid ; - le développement d’une logistique durable, en assurant une distribution urbaine répondant aux contraintes de la ville de demain, en augmentant la capacité de transport des divers modes, en développant des solutions durables pour la collecte à recycler ; - la gestion de la logistique interne et des processus industriels, en permettant un partage de l’information sur l’ensemble de la supply chain. En relation directe avec les industriels du secteur ou par l’intermédiaire de Logistics in Wallonia, les centres de recherche universitaires consacrent leur énergie à trouver des solutions durables pour le développement des activités logistiques et de transport. L’unité Qalinca Logistics de l’Université Libre de Bruxelles propose une expertise de pointe afin de pouvoir fournir des solutions innovantes aux acteurs industriels du secteur.


Logistique Qalinca Logistics propose une approche à trois axes de la logistique : méga, macro, micro. Le niveau méga permet d’analyser la logistique à l’échelle d’un réseau d’entreprises et met en avant des thèmes de recherche et d’enseignement tels que la modélisation et simulation des flux, l’optimisation des flux de distribution ou encore les systèmes de transport multimodal. Le niveau macro permet l’analyse des processus logistiques à l’échelle globale d’une entreprise en amont (approvisionnement) et en aval (livraison chez le client). Les thèmes abordés reprennent la gestion de la chaîne des stocks, le benchmarking et l’audit des chaînes logistiques ainsi que l’évaluation de l’empreinte carbone. Enfin, le niveau micro étudie les processus logistiques intra-entreprises et met en évidence les démarches qualité et la gestion de la production, entre autres. Cette unité met en place, en collaboration avec le gouvernement de la Région de Bruxelles Capitale et INNOVIRIS, la spin-off « DART – Let’s make your supply chain sustainable » qui propose des services et solutions logicielles en vue de l’évaluation et du benchmarking des chaînes de transport combinant la rentabilité, les impacts environnementaux tels que les émissions de carbone, et des considérations sociales et sociétales telles que la congestion des réseaux, les nuisances sonores et autres. L’objectif est d’aider les chargeurs, entre autres, à identifier les chaînes de transport optimales, créatrices de valeurs.

Dr Ir. Nicolas Rigo

Ir. Nicolas Goessens

est Docteur en Sciences de l’Ingénieur diplômé de l’ULg. Auparavant, il a obtenu une licence en Sciences mathématiques, un master en ingénieur et un master en management. Il a travaillé en tant que chercheur au département ANAST de l’ULg. Il est également professeur invité à l’université centrale d’Équateur et de Manaus. Il est actuellement chargé de recherche au sein de l’unité Qalinca Logistics de l’ULB et chercheur-entrepreneur porteur de la spin-off « DART – Let’s make your supply chain sustainable ».

est Ingénieur civil Électromécanicien de l’ULB et termine la deuxième année du master en gestion industrielle et technologique de la Solvay Brussels School of Economics and Management. Il travaille depuis plus de deux ans à l’ULB, d’abord comme assistant en mathématiques appliquées puis comme chercheur à l’unité de recherche Qalinca Logistics. Il est également business development manager du Centre interuniversitaire d’Étude de la Mobilité depuis 2010.

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Conclusion À la lecture de cet article, il apparaît désormais assez clairement que la Wallonie devient LA terre d’accueil de la logistique de par son positionnement géographique, son infrastructure réseau en constante évolution (via d’importants investissements privés-publics), entre autres. Afin de systématiquement accroître l’intérêt logistique et donc économique de la Wallonie en vue de l’implantation de nouvelles entreprises internationales, la collaboration entre pouvoirs publics, acteurs privés et unités de recherche se révèle certainement être le facteur clé du succès. Ceci repose donc dès le départ sur la formation des futurs acteurs du secteur, l’immersion des étudiants dans le monde industriel et la valorisation industrielle des travaux de recherche technologique et scientifique réalisée au sein de laboratoires universitaires mais également sur des politiques wallonnes et européennes bien définies comme dans la Déclaration de Politique régionale wallonne ou le « White Paper 2011 ». Cette combinaison de ressources et compétences doit permettre de pérenniser l’attractivité de la Wallonie en matière de transport et logistique.

Prof. Dr Ir. Alassane Ballé Ndiaye Bernard Piette est le directeur du Pôle de Compétitivité « Logistics in Wallonia » depuis le 1er mai 2007. Après des études en langues et en communication, il a travaillé pendant 10 ans au département international de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Liège et 4,5 ans au département international de la Chambre de Commerce de Maastricht, ce qui lui a permis d’accumuler une vaste expérience en commerce international, en gestion de projets de développements économiques (et notamment des projets européens) mais également de se bâtir une expérience non négligeable dans la gestion des différences culturelles belgo-néerlandaises.

est Ingénieur civil des Ponts-etChaussées, MBA et Docteur en Sciences appliquées. Il a étudié la gestion logistique et le supply chain management au MIT et à la Stanford University. Il est actuellement Professeur, titulaire de la chaire Logistique & Qualité et Directeur de l’unité de recherche Qalinca Logistics à l’ULB. Il est également Directeur exécutif du Centre interuniversitaire belge d’Étude de la Mobilité des Transports et de la Logistique (CIEM), Chercheur sénior et Chargé de cours adjoint à l’ULg, Visiting Scholar à l’Université de Californie à Berkeley et professeur invité en logistique et supply chain management dans une dizaine d’universités d’Amérique du Sud, du Maghreb, d’Afrique subsaharienne et d’Asie du sud-est.

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Gestion durable

Des forêts africaines à gérer durablement Par Prof. Ir. J.-L. Doucet et Dr Ir. C. Vermeulen Laboratoire de Foresterie des Régions tropicales et subtropicales, Unité de Gestion des Ressources forestières et des Milieux naturels, Gembloux Agro-Bio Tech, Université de Liège

L’Afrique centrale abrite le second plus grand massif de forêts denses humides après le bassin amazonien. Totalisant plus de 160 millions d’hectares, il héberge une exceptionnelle biodiversité, tout en représentant des puits de carbone d’une importance mondiale. Plus de 10.000 espèces de plantes supérieures s’y côtoient et constituent un stock total de carbone estimé à plus de 40 milliards de tonnes (De Wasseige et al., 2009). Des forêts africaines au passé chahuté Il n’existe pas un type unique de forêt tropicale africaine mais de nombreuses variantes dépendant du climat, du sol, de l’altitude et des actions anthropiques récentes ou même anciennes. En effet, les forêts d’Afrique centrale n’ont pas toujours été semblables à ce qu’elles sont aujourd’hui. Elles ont connu un passé très « chahuté ». La dernière phase aride, survenue il y a environ 2.500 ans, se serait traduite par une extension brutale des savanes et des végétations pionnières au détriment des forêts. C’est précisément à cette période que les populations bantoues en provenance des territoires du nord auraient colonisé cette vaste zone. Depuis lors, l’Homme a profondément modelé les forêts africaines. Avant d’être regroupées par les forces coloniales le long des axes routiers, les populations africaines vivaient au cœur des forêts qu’elles défrichaient au gré de leurs besoins en terres agricoles. Elles y pratiquaient une agriculture sur brûlis et se déplaçaient dès que la fertilité des terres diminuait en laissant derrière elles de vastes zones propices à la régénération d’espèces végétales avides de lumière (van Gemerden et al., 2003).

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Photo 1 : Progression de l’agriculture au détriment de la forêt © Q. Meunier

Cet impact humain a pu s’étaler sur plusieurs siècles et expliquerait la persistance de forêts plus ouvertes, notamment les forêts à marantacées dans le nord de la République du Congo. Plusieurs études menées par Gembloux Agro-Bio Tech (ULg) montrent que ces actions anthropiques pourraient être à l’origine des massifs étendus d’espèces ligneuses commerciales (dont le tali, le movingui, l’okoumé, l’assaméla, l’ayous, etc.). Pour étayer leurs dires, les chercheurs se

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basent, entre autres, sur la découverte de noix de palme calcinées, de charbons de bois ou de morceaux de poteries dans les peuplements de ces espèces (Bourland et al. 2010). Leur datation montre que l’Homme a occupé de façon très intensive la forêt africaine au cours des deux derniers millénaires. Des zones aujourd’hui dépourvues de villages étaient autrefois très habitées. Loin de la virginité que l’on aime leur conférer, les forêts africaines ont donc été très fortement travaillées par l’Homme au cours des siècles. L’actuelle richesse de ces forêts est l’héritage de générations passées de cultivateurs et de cueilleurs. La richesse future de ces forêts est donc liée à une exploitation réfléchie des ressources naturelles et à la mise en place de modalités de gestion assurant leur régénération.

Des populations locales entre tradition et modernité Les six pays les plus boisés d’Afrique centrale1 comptaient en 2006 plus de 88 millions d’habitants. Ils se caractérisent par une forte croissance démographique, estimée à 2,9 % par an (FAO, 2009). La plus grande partie de la population vit d’une petite agriculture itinérante sur brûlis pratiquée pour la subsistance. Cette pratique agricole, qui utilise la forêt comme réserve foncière pour son expansion, consiste à brûler la végétation (y compris les arbres) pour libérer les précieux éléments minéraux indispensables à la culture sur des sols généralement très pauvres. Après quelques années d’exploitation, lorsque la fertilité diminue, la terre est laissée en jachère et la forêt se réinstalle. Le système peut être considéré comme durable pour autant que la densité de population ne soit pas trop élevée. Comme expliqué auparavant, c’est d’ailleurs ce système qui a été à l’origine de l’expansion de la plupart des espèces exploitées aujourd’hui pour leur bois. Mais au-delà d’un certain seuil, proche de 40 habitants par km², le temps de jachère se réduit dangereusement et la forêt ne peut plus se réinstaller. C’est 1

Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, RCA, RDC


Gestion durable cette agriculture qui apparaît comme étant la principale cause de déforestation dans la sous-région. Cette déforestation, estimée à environ 0,2 % par an, reste malgré tout modeste par rapport à ce qui se passe dans d’autres régions du monde. La FAO (2009) estime que, quelque soit la région concernée, ce sont toujours les activités agricoles qui expliquent le plus la réduction de la couverture forestière (figure 1). Ainsi, en Amazonie, la conversion directe des terres à une agriculture permanente à grande échelle interviendrait pour 47 % de la déforestation ! Dans d’autres régions, notamment dans le sud-est asiatique, les monocultures (dont le palmier à huile) progressent inexorablement au détriment des forêts. En complément de l’agriculture sur brûlis, les populations du bassin du Congo vivent de la collecte des produits forestiers tant pour leur alimentation que pour leurs besoins en énergie domestique. On estime qu’environ 65 millions de personnes utilisent des produits forestiers non ligneux (PFNL) d’origines végétales en Afrique centrale, tant pour les produits médicinaux que pour la nourriture et les matériaux de construction (De Wasseige et al., 2009). La viande de brousse et le poisson sont les PFNL animaux les plus souvent récoltés. Viennent ensuite les insectes comestibles et le miel. La viande de brousse représenterait de 30 à 80 % de l’apport protéique des communautés dépendant de la forêt. La pression peut donc être localement considérable sur les populations animales. Les populations africaines utilisent également les produits de la forêt pour l’artisanat.Tandis que de nombreux masques sont taillés dans le bois, les pagnes de fibres et autres paniers en lianes tressées sont quelques éléments d’une culture matérielle aux origines séculaires. Hélas, celle-ci a tendance à faire place petit à petit aux objets industriels. Pour cuire les aliments, le villageois fera appel au bois de feu ramassé en forêt. Mais la principale source d’énergie d’Afrique centrale, jadis collectée au sol, est aujourd’hui prélevée directement en forêt par abattage. Des massifs forestiers entiers disparaissent ainsi petit à petit pour fournir en charbon de bois les grands centres urbains. En République démocratique du Congo, il s’agit là d’une cause majeure de dégradation des forêts. Enfin, les populations locales exploitent aujourd’hui le bois de façon artisanale à des fins commerciales. Si les forêts communautaires du Cameroun et du Gabon constituent des initiatives louables pour développer une foresterie sociale et communautaire légale menée par et pour les populations locales, la plupart des prélèvements sont réalisés de façon anarchique et illégale. Ces pratiques constituent une menace directe pour les peuplements d’arbres proches des villages.

Une exploitation forestière aux impacts variables On peut estimer que 40 % de la superficie forestière d’Afrique centrale est sous un statut de concession forestière, donc dédiée à l’exploitation du bois. Toutefois, ces forêts ne jouent qu’un rôle mineur dans le commerce international des produits ligneux puisque leurs parts relatives dans la production mondiale peuvent être estimées à moins d’un pourcent, tant pour les grumes (bois non transformés) que pour les produits transformés. Il est ainsi éloquent de constater que la Belgique produit à elle seule la moitié du volume de grumes et davantage de bois transformés que toute l’Afrique centrale, alors que sa superficie forestière est 300 fois plus petite (FA0, 2003) ! Les grandes sociétés d’exploitation forestière opérant en Afrique centrale font généralement partie de groupes à capitaux étrangers (européens ou asiatiques) opérant parfois sur plusieurs millions d’hectares. Ces sociétés exportent principalement le bois sous forme de grumes ou de sciages vers l’Europe ou l’Asie.

Figure 1 : Causes directes des variations de la superficie forestière dans les pays d’Afrique tropicale de 1990 à 2000 (FAO, 2009)

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Photo 2 : L’ayous, une des espèces les plus exploitées du continent africain © JL. Doucet

Le marché du bois est très sélectif et l’exploitation est limitée en conséquence à quelques espèces. Ainsi, plus de trois quarts des exportations sont assurés par moins de 10 espèces, quel que soit le pays. En général, une ou deux espèces totalisent 50 % des exportations, c’est le cas de l’okoumé au Gabon, de l’ayous et du sapelli au Cameroun, de l’okoumé et du sapelli au Congo. Cette grande sélectivité a pour corollaire une exploitation moyenne de 0,5 à 2 pieds par hectare, soit seulement de 5 à 15 m³. L’impact sur le couvert forestier demeure en conLe Journal des Ingénieurs n°132 - Mai-juin 2011


Gestion durable

Photo 3 : L’éléphant, une espèce commune des forêts d’Afrique centrale en l’absence de braconnage © JL. Doucet

Photo 4 : La traçabilité, une étape fondamentale de la certification forestière © JL. Doucet

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Références N. Bourland, Y. L. Kouadio, G. Colinet, J.-L. Doucet. 2010. Pericopsis elata (Harms) van Meeuwen in southeastern Cameroon: ecological and pedological approaches to improve the management of an endangered commercial timber species. The International Forestry Review, 12(5), 111. C. De Wasseige, D. Devers, P. de Marcken, R. Eba’a Atyi, R. Nasi, P. Mayaux. 2009. Les forêts du bassin du Congo – État des Forêts 2008. Communautés européennes, Luxembourg, 424 p. FAO 2003 - State of the World’s Forests 2003. FAO, Rome, 151 p. FAO 2009 - State of the World’s Forests 2009. FAO, Rome, 152 p. B. S. Van Gemerden, H. Olff, M. P. E. Parren, and F. Bongers. 2003. The pristine rain forest? Remnants of historical human impacts on current tree species composition and diversity. J. Biogeogr. 30: 1381–1390.

séquence limité avec 10 % de couvert perturbé dont la majeure partie se referme très rapidement, pour autant que le laps de temps entre deux coupes soit suffisant. Cependant, en se focalisant sur un nombre réduit d’espèces et de pieds de qualité supérieure, l’exploitation peut se traduire par un « écrémage » des peuplements : seuls les plus beaux pieds sont exploités, les générations suivantes étant assurées par des individus de moindre qualité. Par ailleurs, la plupart des espèces exploitées ont un tempérament héliophile, c’est-à-dire nécessitant une mise en lumière rapide et importante dès le stade « semis » pour poursuivre leur développement. Leur régénération est donc rare dans le sous-bois et l’ouverture de couvert provoquée par l’exploitation s’avère en général insuffisante pour permettre une régénération significative. On assiste en conséquence à un appauvrissement progressif du peuplement en certaines essences. Ceci est d’autant plus préoccupant que l’on connaît très peu de choses de l’écologie de ces espèces. En ouvrant des pistes dans des massifs forestiers autrefois difficilement accessibles, l’exploitation forestière peut être responsable d’une recrudescence de la chasse et du braconnage à destination des grands centres urbains. Sans un contrôle strict de l’accès aux routes nouvellement créées, la forêt peut se vider de sa faune. Les campements forestiers représentent également une demande en viande de brousse considérable de la part d’une population ouvrière fortement monétarisée. Sans mesures d’accompagnement spécifiques, cette demande peut « défauner » entièrement les massifs des alentours. Sachant que la plupart des espèces d’arbres ont des fruits dispersés par des animaux (au moins 60 %), les conséquences peuvent se faire ressentir sur l’ensemble de l’écosystème. Par ailleurs, bien que représentant un important pourvoyeur d’emplois et de développement local (au Cameroun, 50 % des taxes forestières sont reversées aux communes et villages), des conflits peuvent surgir d’une compétition pour les ressources entre sociétés forestières et populations locales. Le sapelli en est un bel exemple, il est exploité pour son bois et les chenilles qui se développent dans son feuillage sont localement très recherchées comme aliment par les populations. Enfin, en créant des « villes en forêt », l’exploitation propage d’inévitables fléaux que sont les maladies sexuellement transmissibles ou l’alcoolisme. Et bien que l’expansion du monde occidental et de ses valeurs ne soit pas le seul fait de l’exploitation forestière, sa présence au cœur des massifs contribue également à la lente acculturation des peuples au mode de vie encore traditionnel. En

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effet, l’ouverture des massifs par la route s’accompagne également d’une affirmation du pouvoir de l’État, d’un progrès des commerces et des télécommunications, d’une extension de l’argent comme mode d’échange et de l’arrivée des églises évangélistes. Un ensemble de profonds changements qui font des sociétés humaines d’Afrique centrale des sociétés en pleine mutation.

La gestion durable, une garantie de préservation des écosystèmes forestiers Grâce à un effort croissant des pays d’Afrique centrale, qui ont adapté au cours des dernières années leurs législations forestières, on peut estimer qu’une gestion durable se met progressivement en place sur environ 30 millions d’hectares dans cette région, ceci en complément d’un réseau d’aires protégées en constante augmentation. Cette gestion passe par l’élaboration de plans d’aménagement qui intègrent les trois fonctions essentielles de l’écosystème forestier, soit les fonctions de production, écologique et sociale. Elle repose sur un inventaire statistique des ressources (en bois mais aussi en produits forestiers non ligneux, dont la faune) et des enquêtes socio-économiques. Elle se traduit notamment par la définition d’un plan d’affectation du sol (production, protection, conservation, agroforesterie), par l'adoption de diamètres minima d’exploitation compatibles avec la reconstitution de la ressource (souvent entre 70 et 100 cm), par le choix d’un temps de passage entre deux coupes visant les mêmes objectifs de reconstitution (généralement compris entre 25 et 30 ans), et in fine par la division de la concession en autant d’assiettes annuelles de coupe (figure 2). L’exploitation proprement dite est précédée d’un inventaire en plein et d’une cartographie précise de l’ensemble des pieds exploitables afin de réduire les dégâts au peuplement d’arbres. Certaines compagnies vont même au-delà des exigences légales en développant d’importants programmes d’intervention dans le cadre de la gestion de la faune et de la lutte anti-braconnage, de promotion d’alternatives alimentaires (élevage, pisciculture), de l’appui à la foresterie communautaire, de la régénération assistée de la forêt.Tel est le cas des partenaires de Gembloux Agro-Bio Tech (ULg) : Pallisco, CEB/Precious Woods, Wijma, Rougier. Cette bonne gestion est d’ailleurs reconnue internationalement par l’attribution d’un certificat indépendant de gestion durable FSC. Cette certification, à l’instar de la certification PEFC (PAFC) garantit au consommateur européen que le bois qu’il achète respecte des normes d’une très grande exigence du point de vue social et environnemental. Actuellement, environ 5 millions


Gestion durable d’hectares de forêts naturelles sont déjà certifiés en Afrique centrale. On peut raisonnablement penser qu’à relativement brève échéance, la plupart des grandes concessions forestières (surtout à capitaux européens) seront dotées d’un plan d’aménagement moderne. Pour y arriver, les entreprises forestières sont de plus en plus demandeuses d’un appui technique et scientifique. Aujourd’hui, elles n’hésitent plus à s’entourer des compétences de divers centres de recherches et organisations non gouvernementales (ONG). La situation est cependant différente pour les petits exploitants, souvent nationaux, qui sont dépassés par la technicité requise et par les coûts élevés de l’aménagement (de 2 à 5 € par hectare, uniquement pour l’élaboration d’un plan d’aménagement). La tentation est alors grande d’évoluer dans le secteur informel et illégal… Selon divers observateurs, ce secteur est loin d’être négligeable dans certains pays et interviendrait de façon notable dans les volumes de bois exploités. Pour y remédier, l’Union européenne appuie un ambitieux programme intitulé FLEGT visant, à terme, à stopper toute exportation de bois illégal grâce à un appui dirigé spécifiquement vers ces pays.

Figure 2 : Division de la concession forestière en 30 assiettes annuelles de coupe Après le passage de l’exploitation, chacune d’elles est laissée en repos pendant 29 ans.

Exploiter la forêt pour mieux la préserver… Gérer sur le long terme les forêts tropicales est un véritable défi tant nos connaissances de ces écosystèmes demeurent limitées. Vouloir prohiber l’exploitation du bois tropical revient à priver les pays du Sud d’une ressource économique indispensable à leur développement. Le risque est alors grand d’assister à la conversion de ces espaces uniques en d’autres usages qui s’avèreraient finalement bien plus lucratifs (plantations en vue de la production de biocarburant par exemple) mais bien plus menaçants pour la biodiversité. En complément de la mise en place d’un réseau d’aires protégées, les compagnies forestières peuvent jouer un rôle déterminant dans la préservation des forêts denses humides tropicales en les aménageant sur le long terme. Elles peuvent ainsi garantir l’intégrité de massifs de taille parfois considérable. Toutefois, une gestion forestière durable des forêts d’Afrique centrale n’est envisageable qu’avec le concours des États concernés qui doivent à la fois légiférer en la matière et contrôler la gestion forestière. Le soutien de la communauté internationale (bailleurs de fonds, organisations internationales, ONG, centres de recherche et de formation) est tout aussi indispensable pour la mise en place d’outils et d’incitants de gestion durable (dont la certification) qui doivent être réalistes et adaptés aux contextes locaux.

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Prof. Ir. Jean-Louis Doucet

Prof. Ir. Cédric Vermeulen

est ingénieur agronome des Eaux et Forêts de la Faculté des Sciences agronomiques de Gembloux. Il a débuté sa carrière en 1993 dans une station de recherches au Gabon. Après diverses missions dans d’autres pays africains, il travaille au WWF de 1998 à 2001. De retour à la Faculté de Gembloux, il présente sa thèse en 2003 et est ensuite nommé professeur. Partisan d’une recherche appliquée au service du développement, il collabore avec l’ensemble des acteurs économiques, des populations rurales aux sociétés d’exploitation forestière. Actif sur plus de 2 millions d’hectares de forêts denses humides, le Laboratoire qu’il dirige est aujourd’hui un acteur clé du développement durable des forêts africaines. Jean-Louis Doucet est également professeur à l’École Régionale Postuniversitaire d’Aménagement et de Gestion Intégrés des Forêts et Territoires Tropicaux à Kinshasa.

est docteur en sciences agronomiques et ingénierie biologique. Il travaille depuis une quinzaine d’années en Afrique, d’abord comme assistant technique et chercheur au sein de différents projets de gestion des ressources naturelles, en République centrafricaine, au Cameroun, au Burkina Faso, puis comme chargé de cours pour la Faculté de Gembloux Agro-Bio Tech. Ingénieur en aménagement du territoire, il s’est spécialisé dans la problématique du facteur humain dans la gestion des ressources naturelles. Affecté au Laboratoire de Foresterie tropicale et subtropicale, il y enseigne aujourd’hui la gestion participative des milieux naturels et la gestion de la grande faune terrestre tropicale. Il est également titulaire de la chaire de gestion de la grande faune terrestre à l’École Régionale d’Aménagement Intégré de Kinshasa. Contact : cvermeulen@ulg.ac.be

Le Journal des Ingénieurs n°132 - Mai-juin 2011


Le magazine de recrutement des ingénieurs, informaticiens et emplois de haut niveau Communication, innovation, environnement, event & news Visitez notre site :

www.topbe.eu Rédaction Philippe Crêteur, Albert De Lutis Robert Freeman, Robert Verdi, Virginie De Lutis Production Infographie : Virginie De Lutis, Biscotto Imprimerie Havaux – Nivelles Distribution : personnalisée Parution : trimestrielle Format : 210 x 297 mm Tirage : 10 000 ex. par la Poste 100 000 ex. par e-mail

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Deadlines - Réservation espaces et annonces : le 15 du mois avant la publication - Fourniture matériel publicitaire : le 20 du mois avant la publication

Editeur Marketing – Publicité Rive de l’Heure 16 6120 Ham-sur-Heure Tél. : +32(0) 71 31 50 00 Fax : +32(0) 71 32 74 19 E-mail : imag@delta7.be URL : www.topbe.eu Services Rédactionnel : adl@delta7.be Emploi : jobs@delta7.be Chasseur de têtes & publicité Albert De Lutis - adl@delta7.be Tous droits réservés. Reproduction et diffusion interdite par quelque moyen que ce soit, sans autorisation préalable écrite de l’éditeur. Les textes et illustrations sont publiés sous la responsabilité exclusive de leur auteur. L’éditeur et la rédaction ne peuvent être tenus responsables du contenu des annonces publicitaires, offres et demandes d’emploi. Les infos et adresses sont données à titre indicatif. Sauf demande expresse préalable à l’édition, les articles et illustrations ne sont pas renvoyés.

BRUXELLES, PROUESSES D’INGÉNIEURS Le Centre International pour la Ville, l'Architecture et le Paysage (CIVA), l'Université Libre de Bruxelles (ULB) et la Vrije Universiteit Brussel (VUB) présentent du 20 mai 2011 au 2 octobre 2011, une exposition didactique sur le thème de l'ingénierie de la construction en Région de BruxellesCapitale, durant les deux derniers siècles, un Patrimoine exceptionnel quasi inconnu du grand public. Un guide, qui permettra de découvrir le patrimoine d'ingénierie bruxellois en parcourant les rues de la ville, sera publié au moment de l'ouverture de l'exposition. Plus d’infos : http://www.expo-ingenieurs.be

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Ce site Internet deviendra, suite à l'exposition, un véritable musée virtuel.


Waste connection Ingénieurs mag - 6/2011

Appuyer au développement d’une « waste connection » performante à Kinshasa Par Jonathan Avau et Alexis Picavet L’Afrique est le continent du monde où la croissance démographique est la plus forte. La population a été multipliée par 4 depuis 1950 pour atteindre 750 millions d’habitants en 2005. Cette explosion démographique a entraîné une augmentation considérable de la population urbaine (multipliée par 11 depuis 1950 avec une urbanisation de 40%). Mais les autorités, dépourvues de moyens, sont dans l’impossibilité de réguler et d’assurer une gestion urbaine, notamment au niveau des services municipaux et de la collecte des déchets. Urbanisation galopante et déstructuration de « Kin-la-belle » A titre d’exemple, avec ses 11 millions d’habitants et des milliers d’arrivants fuyant les conflits armés, l’urbanisation de Kinshasa résume à elle seule la situation chaotique. Actuellement, la vie urbaine d’une grande majorité de la population kinoise se résume à des dettes généralisées, la recherche d’argent ou de nourriture au jour le jour pour faire face aux besoins quotidiens et au manque d’infrastructures d’hygiène et d’éducation. Si les indicateurs sociaux sont meilleurs dans les villes que dans les campagnes, les défis urbains en termes de pollution, de transports, de construction et tout-à-l’égout à ciel ouvert sont immenses. Autrefois prénommée « Kin-la-belle », ses habitants la surnomme aujourd’hui « Kin-lapoubelle ». La gestion des déchets à Kinshasa

constitue à l’heure actuelle l’enjeu prioritaire en matière d’environnement et d’hygiène. La toxicité des substances éparpillées, enterrées ou brûlées conduit à la propagation des maladies épidémiologiques (choléra) ou dites des « mains sales » (fièvre typhoïde, dysenterie, …) et les décharges sauvages des déchets entraînent également la prolifération des parasites (rongeurs) et des vecteurs de maladies (mouches, moustiques…). On peut observer le taux élevé de maladies liées à un problème d’assainissement, dont les enfants en sont les premières victimes. Renforcer les capacités d’actions des acteurs locaux et valoriser la filière « déchets » Le défi majeur consiste en l’appropriation par les acteurs issus de la collecte des déchets et les autorités locales de leur fonction de gestionnaire des déchets de la ville. Cette prise de responsabilité passe notamment en établissant un système de gestion des déchets municipaux efficace porté par les mairies locales, une étude sur les équipements et infrastructures prioritaires d’assainissement nécessaires à leur mise en place et une campagne de sensibilisation de la population. Parallèlement, en réorganisant les filières de récupération des déchets, notamment les filières de compostage et de revalorisation du plastique, de nouveaux débouchés se créent et donc des nouveaux emplois. De simples techniques à portée de tous permettent de redonner vie aux matériaux utilisés en les recyclant et en leur donnant un nouvel usage.

Ingénieurs sans Frontière recherche : Rédacteur en chef pour sa revue Contact : Merci d’envoyer votre CV et une courte lettre de motivation à info@isf-iai.be en mentionnant « Bénévolat en communication ». Jonathan Avau Tel : au 02/894.46.39 Mundo-B, Maison du Développement Durable Rue d’Edimbourg, 26 1050 Bruxelles Mobile : +32(0)477 27 04 88 Mail : info@isf-iai.be Site : www.isf-iai.be

Des projets similaires ont déjà été initiés par Ingénieurs Sans Frontières à Kinshasa et Lubumbashi avec des résultats socio-économiques et environnementaux prometteurs.

Les habitants de la commune de N’djili veulent redonner un nouveau visage à leur environnement. Appuyons-les dans leur projet ! Ingénieurs Sans Frontières et ses partenaires conduisent un projet d’assainissement dans une des communes de la capitale Kinshasa, la commune de Ndjili. Divisée en 13 quartiers populaires répartis sur 11 km², elle compte une population d’environ 440.000 habitants. Tous les jours, plus de 20 tonnes de déchets sont éparpillés dans la commune ce qui entraîne de gros problèmes en matière d’hygiène et d’environnement. L’omniprésence des déchets constitue un frein au développement et à la croissance économique. Le projet vise à améliorer les conditions de vie des habitants par un assainissement contrôlé de leur environnement, en collaboration avec les organisations de collecte primaire, la commune et la Régie d’Assainissement et des Travaux Publics de la Ville de Kinshasa (RATPK) Parallèlement, le projet prévoit de renforcer les capacités des acteurs et autorités locales en promouvant des partenariats publicsprivés au niveau de la concertation, la rémunération et la planification. Participez et contribuez à la réalisation de ce projet d’assainissement et faisons de la commune de Ndjili une ville nouvelle pour ses habitants en devenant expert bénévole chez ISF ou en soutenant l’expérience par un don (fiscalement déductible à partir de 40 €) sur le compte IBAN : BE41 3600 1147 5510 BIC : BBRUBEBB Si vous désirez plus d’informations sur le projet « Ndjili », n’hésitez pas à nous contacter sur info@isf-iai.be

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Event & News

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Jean Militis - Sales Specialist - Systemat (*) Sources: CIM Metriweb, trafic sur References.vacature.com, avril 2011.


Alimentation bio Ingénieurs mag - 6/2011

– la Divine Valentine : pâte molle, douce et crémeuse, 1 mois d'affinage – la Tomme de Jambjoûle : ail des ours, cumin ou paprika – les fromages frais : aux raisins ou persillés à l'ail – les fromages blancs : nature, aux fines herbes, maigre « Une bonne part des problèmes de santé peuvent être résolus par l’alimentation, bio ou non. Il y a des comportements alimentaires qui permettent de vivre plus sainement. »

La ferme de Jambjoûle 26 Le bioingénieur a toujours contribué à améliorer les modes de vie des sociétés. Aujourd’hui et de manière cruciale, les besoins de l’homme se heurtent aux limites de notre planète. La Terre, qui semblait infinie, est devenue petite. À présent, le défi est de continuer à répondre à nos besoins essentiels, mais en accord avec ces contraintes nouvelles. Celles-ci nécessitent le développement de méthodes et de modèles inédits, qui situent l’action humaine au sein de l’écosystème global. Le bioingénieur contribue à relever ce défi en plaçant le vivant au cœur de ses préoccupations. Il recherche un équilibre durable entre ponctions et renouvellements, entre pollution et régénération, entre perturbation et stabilisation.

Ir. Bernard Convié (BC) : – Dès la fin de mes études, je me suis mis au travail, dans l’agriculture. Je me suis, alors, associé à un fermier avec lequel j’ai repris une ferme, en Gaume (Somme Thonne, tout près de l’abbaye d’Orval). J’y suis resté pendant quatre ans. En 2000, alors que j’habitais Chimay, je me suis mis au service de différentes associations dont le syndicat agricole FUGEA. J’ai également travaillé pour l’association Solidarité des Alternatives wallonnes (secteur nonmarchand, association œuvrant pour les personnes en décrochage social), à Charleroi. Mon dernier emploi, en qualité de salarié, était au Centre d’Essais Bio, dont le siège est à Gembloux. Je me suis mis au service d’organismes œuvrant dans le domaine du non-marchand. Le Journal des Ingénieurs (JI) : – Quand vous est venu cet engouement pour l’agriculture biologique ? BC : – J’ai toujours été attiré par l’agriculture, depuis ma plus tendre enfance. J’ai toujours été animé par cet idéal qui consiste à produire son alimentation et par la recherche d’autonomie. C’est sans doute pour cela que j’ai accompli des études d’ingénieur agronome. En outre, j’ai été influencé par un ami de mes parents qui vivait et travaillait en Amérique du Sud, dans le cadre d’une mission de coopération au développement. J’étais moi-même, alors, impliqué dans les Magasins du Monde Oxfam.

La ferme de Jambjoûle, Ir. Bernard Convié et Valérie Calicis

JI : – Vous avez eu l’opportunité de voyager et de découvrir d’autres réalités…

Cette petite ferme familiale de la commune de Rochefort travaille en bio depuis 2003 et possède un élevage de vaches laitières (vaches Jersey) et de brebis. La ferme produit des produits laitiers et des agneaux.

BC : – Au Mexique et au Guatemala, notamment. C’est là que je me suis rendu compte que j’étais mal à l’aise dans le fait d’effectuer une mission de coopération, en qualité d’ingénieur agronome, dans un pays étranger.

Bernard et Valérie sont parents de quatre enfants qui leur ont inspiré le nom de quatre de leurs fromages. Des fromages au lait cru : – le Petit Gabriel : fromage à pâte molle et croûte fleurie – le Sacré Jonas : pâte pressée, de 5 à 6 mois d'affinage – la Tendre Violette : pâte pressée mi-dure, 1 mois ½ d'affinage


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Car, si je disposais bien d’un bagage de connaissances, en revanche, je n’avais aucune pratique. J’arrivais avec la « soi-disant » connaissance, avec le pouvoir et l’argent… Je trouvais que, malgré tout cela, à l’âge de 23 ans, j’avais peu de choses à dire. Je me suis senti assez mal à l’aise et je me suis davantage intéressé à ce qui se passait, en matière agricole, dans mon pays. J’ai commencé à faire quelques stages, volontairement et bénévolement. En participant à l’un ou l’autre voyage d’études. J’ai accompli mon TFE au sein d’une exploitation agricole biologique établie à Méan, dans le Condroz. Il a mis à ma disposition un terrain sur lequel il y avait moyen de réaliser un essai. Cela m’a permis de me rendre sur le terrain, chaque semaine. Du militantisme aux choses concrètes… JI : – Qu’est-ce qui a suscité votre grand intérêt pour l’agriculture biologique ? BC : – Je suis né là-dedans, en fait (rires). Mes parents sont boulangers « bio », à Nivelles (« Le Soleil Levain »), depuis 30 ans, bien avant l’apparition du cahier des charges « bio ». À la maison, nous étions donc en contact avec les producteurs bio, notamment. À ce moment-là, au début des années 70, on commençait à parler de l’influence de l’alimentation sur la santé. Je voulais relier l’agriculture biologique à la vie en communauté : prendre des décisions ensemble, travailler ensemble, l’autogestion… À un moment donné, je me suis dit qu’il fallait arrêter de militer – d’organiser des actions de protestation dans les grands magasins – pour travailler. J’ai vu mes parents travailler. J’ai appris à travailler avec eux. C’est une bonne école. Chez nous, on consommait des aliments bio avant de les produire.

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Une belle entreprise familiale… JI : – Votre épouse, licenciée en kinésithérapie, se consacre exclusivement aux activités de la ferme… BC : – En effet, Valérie, travaille avec moi, surtout à la transformation et à la vente. Elle ne s’occupe pas des animaux. Elle œuvre également dans le jardin potager. L’exploitation compte 112 ha, au total. Mais, je nuance : 45 ha de prairies sont situés ici, au village. Et entre 65 et 70 ha sont actuellement en réserve naturelle. Ce sont des terrains relativement pauvres où je pratique du pâturage extensif avec des moutons. C’est le fruit d’une convention que j’ai conclue avec une association naturaliste qui s’appelle « Ardenne et Gaume », financée par la Région wallonne, notamment. Du mois d’avril au mois de novembre ou décembre, j’envoie des moutons – environ 200 – pâturer ces réserves naturelles. Cela nécessite un suivi qui n’est pas négligeable. Pour l’instant, j’installe sur chaque parcelle des clôtures électriques. Je déplace les troupeaux selon un plan de pâturage qui est fourni par les naturalistes. Outre mon épouse, une troisième personne nous aide également dans l’entreprise. En

général, je commence ma journée entre 6h et 6h30 pour terminer vers 19h ; parfois, c’est plus tard car il y aussi les tâches administratives (les démarches et la comptabilité sont, parfois, très pesantes). Mais, ce ne sont pas des journées où l’on est sous pression, stressés en permanence. Il m’arrive de prendre le déjeuner pendant une bonne heure et de m’arrêter pour des visiteurs. Il y aussi les enfants dont il faut s’occuper : l’école, le dentiste… Certes, il y a des périodes un peu plus agitées comme l’agnelage qui nécessite davantage de travail, pendant six semaines. Un circuit artisanal et de commercialisation relativement court JI : – Quant à la constitution de votre bétail… BC : – Il est constitué d’un troupeau de vaches laitières. Actuellement, elles sont au nombre de 23, outre la descendance, soit un peu plus de 50 bovins. Tout le lait est transformé ici, à la ferme, au travers de notre gamme de produits laitiers : lait, beurre, crème, yoghourt et une large palette de fromages. Le troupeau de vaches – ce sont des « Jersey », particulièrement intéressantes pour la transformation, eu


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égard à leur lait très riche –, la transformation du lait et la commercialisation des produits laitiers constituent la majeure partie de notre activité. Et c’est ce qui génère la plus grande partie du revenu. À côté de cela, nous avons un deuxième troupeau de moutons composé d’environ 250 mères – des races rustiques considérées comme menacées, en région wallonne, et que nous tentons de relancer. Ce troupeau a deux fonctions : l’entretien des espaces naturels – une nouvelle fonction que l’on donne, de plus en plus, aux ruminants – et la production d’agneaux qui sont commercialisés à l’automne – essentiellement, auprès de particuliers. Je travaille avec un abattoir de Gedinne et avec un boucher de Buissonville (à 10 km d’ici). Je propose aux clients particuliers des colis de viande d’agneau, en soulignant que ces agneaux ont pâturé, avec leurs mères, dans les réserves naturelles. Nous avons encore d’autres animaux mais en moindre importance : 50 poules – leurs œufs sont vendus, ici, en magasin – et quelques cochons pour valoriser les sous-produits de la laiterie (vendus aussi au client). JI : – Votre offre de produits, diffusée via votre site Internet, est variable et diversifiée…

BC : – Tout cela est en fonction de la production et des produits disponibles. Quand nous sommes arrivés en cette ferme, en janvier 2003, nous n’avions pas encore la possibilité de pâturer ces réserves naturelles. Nous ne savions pas vraiment ce que nous allions faire avec cette ferme qui nous était mise en location, moyennant un loyer relativement modeste. Nous savions que nous ne prenions pas trop de risques. Pour exploiter au mieux cette petite ferme, nous avons décidé de valoriser un maximum les produits : inutile de produire en grandes quantités, à prix faibles. C’est à ce moment-là que nous avons décidé de produire puis de transformer le lait et de le vendre un maximum en direct, en essayant d’éviter les grossistes). Nous avons démarré avec six vaches…

L’incontournable « Petit Gabriel » de la Belle Ferme de Jambjoûle BC : – Nous sommes restés dans un circuit artisanal et de commercialisation relativement court. Nous vendons entre 15 et 20 % de notre production, ici, au magasin. Le reste est revendu à des commerçants qui eux-mêmes sont présents sur les marchés hebdomadaires. Il

« Manger bio, ce n’est pas carême tous les jours ! » Les produits bio peuvent être considérés comme étant plus chers. Mais, cela est un peu réducteur. Cela signifierait que l’on calculerait uniquement le panier placé dans le caddie, lorsqu’on est au magasin. Et qu’on ne regarde pas à ce que l’on économise autre part. Je reste, en effet, persuadé que nous réalisons des économies en matière de soins de santé. Nous avons la chance d’avoir des enfants qui ne sont quasiment jamais malades. Parce qu’ils se nourrissent sainement. Manger exclusivement bio change également la manière de consommer. Et la part de la viande, dans la consommation hebdomadaire d’aliments est diminuée. Or, la viande représente quand même une grande partie du coût de l’alimentation, au profit de céréales, d’œufs et de davantage de légumes : des denrées qui coûtent moins cher. On peut consommer bio sans que cela coûte plus cher. Mais, il faut accepter de modifier son mode d’alimentation. Il y a moyen de faire la fête avec des repas sans viande. En revanche, si l’on veut copier l’alimentation classique, le bio est plus cher. Même si on mange moins en quantité lorsqu’on consomme des céréales complètes ou semi-complètes. Les légumes aussi sont plus consistants… Ir. Bernard Convié


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n’y a, dès lors, qu’un intermédiaire. En outre, nous n’avons qu’un seul grossiste pour un produit. Il vient toutes les semaines, de manière régulière. Mais, il ne représente qu’une faible partie du chiffre d’affaires. Grâce à lui, toutefois, notre fromage « Le Petit Gabriel » – qui a été primé ! – se retrouve dans des crémeries spécialisées. Il s’agit d’un excellent fromage fermier que nous vendons à la pièce et qui est conditionné en caisse de 12 unités. Sur chaque étiquette, il est indiqué « Ferme de Jambjoûle ». Nous sommes d’ailleurs davantage connus, aujourd’hui, sous le nom de notre ferme que sous mon nom de famille. Et cela n’est pas plus mal. Nous participons peu aux foires commerciales, à l’exception du salon Valériane (rendez-vous incontournable de l’alimentation bio). Parce qu’il nous manque l’énergie et le temps nécessaire pour mener à bien ce type d’activités. Le travail reste à faire ici : traire, faire le fromage… En outre, jusqu’il y a quelques mois, nous n’avions pas de surplus. Nous ne cherchions pas vraiment de nouveaux clients. Nous avons augmenté un peu la production. Et nous comptons, désormais, de nouveaux revendeurs de nos produits, notamment, en région bruxelloise. La machine est relancée… Et quasiment l’ensemble de notre production est écoulé. Il est vraiment paradoxal de constater que la consommation locale de nos produits est peu importante. Certes, des clients réguliers habitent la région. Mais, la majorité de la production est vendue dans les centres urbains (Bruxelles, Namur, Huy…). Faire le marché de Ciney ou de Rochefort, avec des fromages bio, cela n’est pas rentable pour nos revendeurs. La quatrième catégorie de clients – qui sont venus à nous, depuis environ deux ans – est constituée de groupements d’achats (de 20 à 30 familles qui contactent les producteurs) situés à Rochefort, Marche, Ottignies, Rixensart, Louvain-la-Neuve et Bruxelles. JI : – Les normes en vigueur peuvent-elle « tuer » la démarche bio ? BC : – Elles peuvent être, en effet, dissuasives ou décourageantes. Mais, je ne pense pas que cela soit insurmontable. Il faudrait presque engager une secrétaire pour nous suivre à la production, pour gérer la traçabilité et se tenir au courant de toutes les recommandations. Je pense aussi que, depuis l’instauration de l’autocontrôle par l’AFSCA, il y a eu beaucoup d’assouplissement. C’est moins sévère qu’au départ. Ils ont compris que nous n’avions pas les mêmes moyens que dans les industries agro-alimentaires et que nous n’avions pas les mêmes risques. Pour le moment, nous sommes d’ailleurs en train de revoir tout le processus d’autocontrôle de la fromagerie, en nous faisant aider par la Cellule de qualité des produits fermiers, financée par la Région wallonne. À côté de cela, nous avons aussi engagé un programme de mesures agro-environnementales vis-à-vis de la Région wallonne. C’est un engagement de cinq ans qui nécessite, lui aussi, tout un suivi administratif.

JI : – Les grands magasins sont-ils effectivement en mesure de distribuer des produits bio en si grandes quantités ? BC : – Je pense que le cahier des charges est certainement respecté. Mais, comme bon nombre d’agriculteurs bio le pensent, ce cahier des charges ne va pas assez loin. Et, justement, il permet un plus grand rapprochement entre l’agriculture conventionnelle et l’agriculture bio. Et, donc, de pouvoir rentrer dans des circuits de grande distribution. Mais, je pense que les produits que l’on trouve dans ces supermarchés ne touchent pas les clients en quête d’une démarche vraiment artisanale. Il s’agit, peut-être, d’un bio à deux vitesses. Mais, les consommateurs ne sont pas les mêmes. JI : – Quel genre de mesures suivez-vous ? BC : – Je dispose de tout un catalogue de mesures agro-environnementales. Il y a, notamment, le maintien des races locales menacées – comme les brebis –, les réserves naturelles – reconnues comme des prairies de très haute valeur biologique –, des fauches tardives, des haies et autres arbres fruitiers. Ces mesures sont publiées sur le site Internet de l’administration de l’Agriculture. L’essentiel réside dans la mise en place de cet autocontrôle.

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JI : – Avez-vous déjà eu l’occasion de « former » des agriculteurs biologiques ? BC : – C’est vrai que j’ai déjà dispensé des cours pour le CRABE – Centre de Recherche et d’Animation du Brabant de l’Est – qui propose un module de formation en agriculture biologique. Mais, j’ai progressivement arrêté de faire cela, par manque de temps. D’autre part, j’ai déjà accueilli des stagiaires de la Faculté de Gembloux. Je suis en contact très régulièrement avec des agriculteurs biologiques, dans le cadre d’échanges d’expériences, notamment. JI : – L’ingénieur que vous êtes rencontre-t-il, parfois, plus de facilité dans son travail quotidien, eu égard à son bagage intellectuel ? BC : – Quand on est face à problème – contamination en fromagerie, problème de santé dans le bétail, blocage dans les terres… –, c’est parfois même un plaisir de retourner dans la matière qu’on a étudiée, de faire des recherches dans ses cours ou dans les livres, d’effectuer des recherches sur des sites Internet. Et quand on est confronté à des questions de microbiologie, de pédologie ou même de santé animale, on sait de quoi on parle. Il est également très intéressant de participer à des formations spécifiques, de renouer avec cet aspect intellectuel. Propos recueillis par Ir. Vincent Gobbe et Pascal-Pierre Delizée

Ir. Bernard Convié est né à Nivelles, de parents bruxellois, notre confrère est porteur du diplôme d’Ingénieur agronome (orientation Agronomie générale tempérée) qu’il a obtenu, en 1996, au terme de ses études à l’Université de Louvain-laNeuve. Le thème de son TFE portait déjà, à l’époque, sur l’agriculture biologique (précédents culturaux dans la culture de froments divers et comparaison de trois méthodes d’analyse de l’azote). Site Internet : www.jambjoule.be


Event & News

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Construct 1980-2010

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Un ouvrage écrit pour le Bacas – Belgian Academy of Applied Sciences – par nos collègues Armand Broucke et Nicolas Maurice Dehousse. C'est un document richement illustré de 160 pages format A4 qui évoque les évènements importants qui se sont déroulés dans notre pays et dans le domaine de la construction. La création des ordinateurs a profondément transformé le paysage industriel,et c'est ce dont nos deux auteurs se veulent porteurs et protagonistes. L'ouvrage présente sur 75 pages quelques 150 illustrations classées par types d'ouvrages : ponts, ouvrages hydrauliques, gares et métros, tunnels, aéroports, stations d'épuration, aménagements urbains, hôpitaux, universités, palais de justice, tours, antennes éoliennes, entreprises industrielles, bâtiments importants, divers et entreprises belges à l'étranger. Il s'agit de réalisations qui ont paru représentatives du monde de la construction dans les limites de ce qui a été précisé. Chacune de ces illustrations est accompagnée d'une brève présentation des maîtres de l'ouvrage, entrepreneurs, ingénieurs-conseils et architectes, du montant de la construction, de son année d'exécution et de l'assureur contrôleur.

L'ouvrage n'a pas de prétention scientifique mais est un témoignage de la situation actuelle du domaine et le porte parole des acteurs de la construction. Ces photographies sont précédées sur 50 pages, par l'histoire de la construction dans notre pays, de 1830 à ce jour, en se référant à des architectes et ingénieurs illustres : Roelandt, Balat, Poelaert, … Horta, VierendeeI, Maus, Bidault, … Gustave Magnel, Louis Baes, … ainsi que des considérations sur le ministère des travaux publics, les routes, les autoroutes, les voies navigables, les barrages, les ports, faisant apparaître l'histoire folle que notre petit pays a connue. Cette partie permet de mieux situer ensuite les trente dernières années porteuses de réalisations définies comme informatisées, c'est-à-dire réalisées au moment de la création des supports informatiques. Le texte est présenté dans trois langues : français, néerlandais et anglais. Rappelons que les auteurs sont des spécialistes de la construction : Armand Broucke est directeur général adjoint honoraire du Bureau Seco et Nicolas Maurice Dehousse a passé toute sa carrière dans l’enseignement de la construction et fut notamment président de l’AILg de 1988 à 2003. Le volume peut être acquis au prix de 25 € + frais de port à l'adresse suivante : Madame Françoise Thomas Académie Royale de Belgique avec la mention « Construct » Francoise.Thomas@ cfwb.be ou encore via www.academieroyale.be

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R D challenge?

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Avion solaire Solar Impulse Présenté par M. Claude Michel Directeur du Partenariat Solvay Solar Impulse

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