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SOUS TOUTES RÉSERVES !!! - Mot du directeur général
SOUS TOUTES RÉSERVES !!!
Steeve De Marchi, MBA Directeur général AMVOQ sdemarchi@amvoq.com
LES THÈMES DE LA RÉPUTATION, DE LA CONFIANCE ET de la transparence sont associés à l’automobile d’occasion depuis, disons, l’arrivée des premiers véhicules usagés. Ce n’est d’ailleurs pas une nouveauté dans les pages de l’AMVOQ. Les bouleversements qu’entraine l’arrivée du « numérique » dans notre industrie est aussi un sujet qui nous préoccupe tout autant et dont nous avons abondamment parlé au cours des dernières années.
La disponibilité des informations sur le web, la possibilité de « magasiner » en ligne, la facilité pour les consommateurs à comparer plusieurs véhicules de plusieurs commerçants de plusieurs régions, ajoutées à une multiplication des modèles de commerçants, ont entrainé ce que plusieurs appellent « La course vers le bas ». Plus de marchands se partagent le même nombre de clients qui comparent plus de prix. Il faut donc « attirer » le client avec un prix toujours plus bas sur le web… Quitte à être plus « créatif » sur le contrat lorsque finalement le client passe au commerce. Quitte à ajouter des frais parfois légaux ou non et à inciter (forcer…) un client à prendre un beau forfait.
Voici donc les ingrédients qui ont mijoté depuis quelques années pour donner un beau gros recours collectif. Il faut dire que la pandémie (cette chère pandémie…) est venue accélérer la cuisson et a assaisonné copieusement cette belle recette. Premier effet : accélération du transfert presque complet des activités de vente au commerce vers le web. Rien pour ralentir la course vers le bas. Ensuite, il y a eu la diminution, pour ne pas dire interruption, de la production de véhicules neufs et sa cascade d’effets sur l’inventaire. Donc, encore moins de véhicules disponibles pour les commerçants. Et comme si ce n’était pas assez, le dollar canadien ne reprend pas la vigueur qu’on espérait. L’exode des beaux véhicules vers d’autres terres continue. Finalement, on observe une autre conséquence indirecte de cette pandémie : les prix à l’encan sont supérieurs aux prix de détail. Tant qu’à bouleverser un marché… Allons-y gaiement! Comment interpréter tout ça ? Qu’arrivera-t-il du marché de l’occasion au Québec ?
Une analyse à haut niveau
Le recoupement des informations disponibles nous amène à penser que les prix du marché québécois étaient plus bas que le reste du Canada et serait en train de s’ajuster avec le reste du pays. En effet, le Québec continue à exporter ses beaux véhicules vers les États-Unis et aussi, vers d’autres provinces. Par contre, la tendance de l’exportation s’est grandement ralentie chez nos voisins ontariens et est revenue à un niveau très bas dans l’Ouest. Cela expliquerait donc pourquoi les prix de l’encan sont si élevés au Québec comparativement au prix de détail. Il serait donc possible que ce débalancement encan/détail se corrige une fois que notre marché se stabilisera par rapport au reste du pays. Pour ce qui est de l’exode vers les É-U., il est impossible de l’arrêter, mais il semble que les cours de voitures usagées aux États-Unis ne soient pas aussi vides que les nôtres.
Et le recours collectif ?
Eh bien, le recours collectif était une conséquence inévitable, compte tenu des ingrédients présents dans la recette. Tant qu’à parler « cuisine », on peut dire que la table était mise pour qu’on nous serve un beau gros recours collectif pour Noël. J’ajouterais que je crains que ce que l’on observe n’est que le plat principal… Attendez la suite pour le dessert !
Évidemment, la vente de véhicules d’occasion est une industrie très importante au Québec. D’un côté, il y a beaucoup de monde, beaucoup de volume, beaucoup d’argent en jeu. De l’autre côté, il y a des changements majeurs et surtout rapides dans le modèle d’affaires. La majeure partie de la Loi sur la distribution sans représentant qui régit une bonne partie des activités des directeurs commerciaux date de 1998. L’OPC a quant à elle hérité de la gestion des permis en 2015. Il y a eu quelques modifications à la LPC en 2017, mais la dernière modification importante concernant l’automobile date de 2007 (le Décret). Il ne serait pas exagéré de dire que notre industrie a évolué plus et plus vite dans les 20 dernières années qu’elle ne l’a fait dans les 100 années précédentes. Loin de moi l’idée de défendre l’indéfendable ou de cautionner un comportement illégal. Cependant, il n’est pas vraiment surprenant de constater que certains sont plus que créatifs lorsque vient le moment de compenser le fait qu’ils ne font plus d’argent sur la « tôle » à cause d’une obligation de proposer un prix extrêmement bas sur le web. On est parfois plus que créatifs… On devient récréatifs ! Est-ce une conséquence du fait que le Québécois accorde une importance plus grande au « prix le plus bas » que ses concitoyens anglophones ?
Nous ne connaitrons pas l’issue du (des) recours collectif avant de nombreuses années. Chose certaine, cela entraine une publicité négative sur notre industrie. Ce n’est pas demain que le niveau de confiance envers la profession de commerçants de véhicules d’occasion va monter dans l’opinion publique. Comme je l’ai déjà écrit, ne nous méprenons pas. Il existe plusieurs commerçants de voitures d’occasion qui inspirent la confiance et qui font preuve de transparence. À ce jour, 13 membres de l’AMVOQ sont touchés par la demande de dépôt de recours collectif. Cela ne représente seulement que 1 % des membres.
Il devient plus que jamais important de réfléchir sur l’avenir de notre profession si nous voulons prospérer ou même survivre. Est-ce par une surveillance accrue des autorités réglementaires ? Est-ce par la diminution du nombre de joueurs ? Est-ce par une autoréglementation et une autodiscipline ? Il y a déjà eu des discussions entre les différents intervenants de l’industrie. On a envisagé de déterminer ensemble quel est notre avenir plutôt que de laisser les autorités réglementaires le faire à notre place. Jusqu’à maintenant, une telle initiative ne suscitait pas beaucoup d’appétit (on reste dans la cuisine ici…). Avec tous les bouleversements que nous vivons, est-ce que l’industrie est « mûre » pour un tel changement ? À vous de me le dire. De notre côté, nous allons certainement relancer le débat et j’espère que les gens à la table seront plus en appétit.
Avec tous ces propos, j’en oublie presque de vous souhaiter à tous, membres, partenaires et collègues, une belle période des Fêtes. Que la nouvelle année vous apporte prospérité, bonheur et surtout, la santé.