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L’opinion juridique

La décision Laviolette c. Carrefour Toyota

Attention aux fausses représentations!

Le 15 juin 2020, la Cour supérieure a rendu une décision importante dans le domaine de la vente de véhicules automobiles. La lecture de cette décision me semble incontournable pour les membres de l’AMVOQ parce qu’elle apporte des précisions sur les notions de fausse représentation et d’omission de faits importants au sens de la Loi sur la protection du consommateur (ci-après désigné la « LPC »).

En matière de fausse représentation, la LPC

prévoit notamment :

218. Pour déterminer si une représentation constitue une pratique interdite, il faut tenir compte de l’impression générale qu’elle donne et, s’il y a lieu, du sens littéral des termes qui y sont employés.

219. Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, par quelque moyen que ce soit, faire une représentation fausse ou trompeuse à un consommateur.

Afin de bien comprendre certains des enseignements de cette décision, un résumé des faits est essentiel.

Carrefour Toyota a mis en vente sur un site Internet un Lexus RC-F Performance Package de l’année 2015 avec la description suivante : « un proprio, impeccable !!! – Charlemagne ». Laviolette (ci-après désigné le « Consommateur ») a affirmé que le concessionnaire lui aurait mentionné que l’unique propriétaire antérieur du véhicule était le directeur du concessionnaire Chevrolet 440. Ce dernier aurait utilisé le véhicule à des fins personnelles.

Selon la preuve présentée, le véhicule aurait eu cinq propriétaires antérieurs :

1er propriétaire : Spinelli qui aurait parcouru près de 15 409 kilomètres avec le véhicule;

2e propriétaire : Toyota crédit qui a loué le véhicule à un tiers et qui l’a utilisé jusqu’à 32 500 kilomètres;

3e propriétaire : Spinelli à Pointe-Claire qui utilise le véhicule jusqu’à ce que l’odomètre affiche 41 742 kilomètres;

4e propriétaire : Chevrolet Buick;

5e propriétaire : Carrefour Toyota qui vend le véhicule au Consommateur alors que l’odomètre indique 42 024 kilomètres.

L’un des arguments de Carrefour Toyota était à l’effet que les propriétaires antérieurs d’un véhicule qui ne sont pas des individus n’ont pas à être dévoilés à un consommateur.

La juge de la Cour supérieure n’était pas du même avis : « [11] Accepter cette théorie permet l’utilisation du véhicule pour des essais routiers, comme véhicule de courtoisie ou d’usage personnel d’un employé ou propriétaire de concessionnaire sans jamais avoir à révéler ces faits aux consommateurs. Ainsi, on passe sous silence le fait que quatre concessionnaires successifs ont été propriétaires et utilisateurs du véhicule. L’on voit immédiatement l’avantage économique de cette pratique pour les concessionnaires et les conséquences pour le consommateur.

[12] Un consommateur crédule et inexpérimenté est fondé de croire qu’une publicité qui affirme qu’un véhicule n’a eu qu’un propriétaire signifie qu’une seule personne a été propriétaire du véhicule. Le consommateur a droit à ces informations. […] [15] L’information inscrite dans la publicité, préparée par Carrefour Toyota, est fausse, trompeuse et donc illégale […] » 1

La juge ajoute que les fausses informations transmises par un concessionnaire peuvent prendre la forme de l’omission de déclarer au consommateur un fait important conformément à l’article 228 de la LPC.

En effet, Carrefour Toyota a indiqué dans sa publicité que le véhicule était un modèle « Performance package ». Cette affirmation était inexacte parce que le véhicule a été modifié : les roues et le système d’échappement installés sur le véhicule ne correspondaient pas à ce qui était inscrit dans la publicité. Ainsi, selon le tribunal, l’omission de révéler au consommateur que le véhicule a été modifié constitue une omission de faits importants au sens de l’article 228 de la LPC.

En bout de ligne, Carrefour Toyota a enfreint deux fois la LPC dans le cadre de ce dossier : la mention trompeuse d’un seul propriétaire antérieur dans sa publicité et l’omission de dévoiler que le véhicule a été modifié.

Considérant l’ensemble du dossier, le tribunal a annulé la vente du véhicule et a condamné Carrefour Toyota à verser au Consommateur la somme de 6 044,25 $ à titre de dommagesintérêts compensatoires, ainsi que la somme de 5 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs.

À la lecture de cette décision, la prudence est de mise en ce qui concerne la publicité effectuée dans le cadre des activités commerciales de votre commerce. Plutôt que de tenter de convaincre un consommateur d’acheter un véhicule d’occasion avec une publicité inexacte, il me semble beaucoup plus prudent de favoriser l’honnêteté, l’une des valeurs du code d’éthique des membres de l’AMVOQ!

Laviolette c. 9076-7567 Québec inc. (Carrefour Toyota 40-640), 2020 QCCS 1833, aux para 11-12, 15.

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