Le Mag' APNM Gendarmes et Citoyens - N°118

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Le militaire, ce sous-citoyen... La Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 consacre la possibilité pour un militaire en activité d'exercer des fonctions électives. À compter du 1er janvier 2020, les dispositions suivantes seront donc appliquées. Par dérogation au premier alinéa de l'Article L.46 du code électoral, les fonctions de militaire en position d'activité sont compatibles avec : 1° Le mandat de conseiller municipal dans les communes de moins de 9 000 habitants ; 2° Le mandat de conseiller communautaire dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant moins de 25 000 habitants. Un gendarme ne peut toutefois se présenter sur la commune dans laquelle il exerce habituellement son activité. Ne sont pas éligibles dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de trois ans …. 3° Les officiers et sous-officiers de gendarmerie ainsi que les officiers supérieurs et généraux des autres corps militaires (Article L231 code électoral) Il ne peut être désigné dans des fonctions de délégué (Article L287-1 code électoral) Il ne peut non plus exercer la fonction de mairie ou celle de maire-adjoint (Article L.2122-5-2 du code général des collectivités territoriales) Certains parlementaires se sont félicités de cette évolution significative qui permet, comme tout citoyen normal de s'impliquer dans la vie de sa commune. Sauf que des garde-fous marginalisent une fausse bonne évolution. Le gendarme/militaire n'a pas la possibilité d'être élu dans une ville de plus de 9000 habitants. J'ai eu beau chercher, je n'ai pas trouvé d'argument. Ce qui laisse libre cours à ma causticité légendaire. On peut donc considérer qu'un militaire est trop inculte pour s'occuper d'affaires des communes de plus de 9000 habitants. Passons sur cette disposition incompréhensible pour n'importe quel administré doué de bon sens. Une autre exclusion concerne l'impossibilité d'être élu maire, adjoint ou désigné pour porter une délégation. Un béni-oui-oui en somme ? Si le militaire s'engage dans une liste municipale, c'est à priori pour aider à gérer les affaires de la commune. Si on lui interdit d'occuper un poste à responsabilité, on le cantonne à faire le nombre. Et au delà, on lui retire ce qui fait l'essence d'un mandat d'élu, participer à la vie de la cité. Le législateur n'a pas manqué également d'appliquer les mêmes restrictions dans le cas où ce militaire serait conseiller communautaire d'un établissement de moins de 25000 habitants. Le gendarme est également tenu à ne pas se présenter dans la circonscription dans laquelle il exerce ou qu'il a quittée depuis moins de 3 ans. Si cela paraît logique pour la première partie, comment expliquer qu'il ne puisse s'impliquer dans la vie de la commune où il demeure dès qu'il fait valoir ses droits à pension ? Les débats en commission n'apportent aucune explication valable à ce sujet. Alors résumons. Un gendarme (militaire) qui souhaiterait s'engager sur une liste municipale devra renoncer aux responsabilités, se cantonner à un rôle très secondaire dans une petite commune en dehors de sa circonscription d'affectation, même après avoir pris sa retraite. Il faut avouer que ça ne fait pas spécialement rêver. N'importe quel repris de justice peut se présenter sur une liste électorale dans une commune de n'importe quelle taille, à n'importe quel poste et prendre des décisions qui impactent la vie de chacun, mais on retire au gendarme, au casier judiciaire intact, cette possibilité. Après le sacerdoce d'une vie professionnelle au service de ses concitoyens, ceux d'entre vous qui seraient tentés par une aventure électorale devront d'abord réfléchir à la place que vous réservent ceux qui vous gouvernent. Le militaire c'est cet éternel sous-citoyen qui a obtenu le droit de vote après la seconde guerre mondiale et après les femmes, qui donne sa vie pour la défense de la Nation (ou des intérêts politiques de certains dirigeants), qui est limité dans son droit d'expression et qui le premier janvier 2020 pourra enfin entrer dans un conseil municipal. Quelle revanche ! 33


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