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ÊTRE EN AFRIQUE, ÊTRE DANS LE MONDE. TOUT LE

TEMPS.

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CAP À L’EST

C’est devenu un dĂ©bat permanent Ă  la fois rationnel et irrationnel : le poids de la Chine en Afrique. En quelques annĂ©es, l’empire du Milieu s’est imposĂ© comme le premier partenaire du continent africain. Dans le domaine particuliĂšrement crucial des infrastructures, la Chine est devenue le principal bailleur bilatĂ©ral, avec un montant qui excĂšde les financements combinĂ©s de la Banque africaine de dĂ©veloppement (BAD), de l’Union europĂ©enne, de la SociĂ©tĂ© financiĂšre internationale (IFC), de la Banque mondiale et du G8 ! Il y a Ă©videmment la dette, importante, mais aussi l’investissement direct extĂ©rieur (IDE). L’IDE chinois en Afrique s’élĂšverait Ă  prĂšs de 300 milliards de dollars entre 2005 et 2018, selon le groupe de rĂ©flexion American Enterprise Institute (AEI). Et puis il y a ce mĂ©ga-grand plan des nouvelles routes de la soie dans lequel l’Afrique joue un rĂŽle clĂ©. Bref, faisons-nous face Ă  une nouvelle colonisation, plus ou moins subtile, Ă  une mise sous tutelle Ă©conomique via une vague incontrĂŽlable de capitaux, de prĂȘts, d’investissements, de contrats et de contraintes ? La question mĂ©rite d’ĂȘtre posĂ©e. La Chine n’est pas une puissance angĂ©lique, elle dĂ©fend ses intĂ©rĂȘts Ă  long terme. L’avantage, c’est que cette stratĂ©gie permet aussi de rĂ©pondre Ă  des besoins cruciaux de l’Afrique, au moment oĂč les pays occidentaux et les bailleurs traditionnels sont aux abonnĂ©s plus ou moins absents
 Ce cap Ă  l’est pris par l’Afrique n’est pas une option. Pour reprendre un fameux raccourci historique, le XIXe siĂšcle aura Ă©tĂ© europĂ©en, le XXe siĂšcle amĂ©ricain, et le XXIe siĂšcle sera asiatique (et peut-ĂȘtre un peu africain aussi). L’Asie sera le centre de gravitĂ© du futur, le cƓur de l’économie, du commerce, de l’innovation (pour le meilleur et pour le pire, comme le montrent les avancĂ©es chinoises en termes de reconnaissance faciale de masse). L’Asie reprĂ©sente dĂ©jĂ  dĂ©mographiquement la moitiĂ© de l’humanitĂ©. PrĂšs de 5 milliards d’habitants dont 1,4 milliard de Chinois et presque autant d’Indiens.

D’ici Ă  2050, les pays asiatiques contribueront pour plus de la moitiĂ© Ă  la production Ă©conomique mondiale. Et par leurs poids Ă©conomique et dĂ©mographique, ils vont progressivement jouer un rĂŽle majeur dans la rĂ©solution des dĂ©fis globaux : rĂ©gulation financiĂšre internationale, changement climatique, nouveaux modĂšles Ă©nergĂ©tiques, risques technologiques, insĂ©curitĂ© alimentaire
 Dans ce contexte, rien ne prouve que la Chine s’impose comme la puissance ultra-dominante. On a parlĂ© de l’Inde, Ă©videmment. Selon le chercheur Parag Khanna (auteur de The Future Is Asian*), « la Chine, par le biais de nouvelles routes de la soie, va faire monter des puissances rĂ©gionales qui vont attĂ©nuer sa propre hĂ©gĂ©monie.

L’Asie retournera alors Ă  ce qu’elle a toujours Ă©tĂ© historiquement, un Ă©quilibre multipolaire de puissances ». Pour l’Afrique, le choix est donc clair, il faudra s’arrimer Ă  cette zone d’expansion massive.

On voit dĂ©jĂ  Ă  quel point les pays de la façade est du continent, Djibouti et le Kenya en particulier, bĂ©nĂ©ficient de l’énergie en provenance de l’Est. Et si, dĂ©mographiquement, le XXIe siĂšcle sera asiatique, il sera aussi africain : la population de l’Afrique sera de 2 Ă  3 milliards Ă  l’horizon 2050 puis 4,4 milliards en 2100. En clair, l’Asie et l’Afrique reprĂ©senteront 80 % des ĂȘtres humains Ă  la fin du siĂšcle ! Il y a forcĂ©ment une grande stratĂ©gie Ă  mettre en Ɠuvre, une alliance des continents qui serait mutuellement favorable et historiquement rĂ©volutionnaire. Reste Ă  l’Afrique Ă  dĂ©montrer sa capacitĂ© Ă  mieux dĂ©fendre ses intĂ©rĂȘts. Dans la nĂ©gociation, elle n’est pas dĂ©munie : elle a des ressources, des matiĂšres premiĂšres, des perspectives de croissance. Les bons contrats restent possibles, favorisant la crĂ©ation d’emplois, le transfert de technologies, le respect des normes environnementales. Comme le soulignait la chercheuse FolashadĂ© SoulĂ© dans Le Monde du 14 fĂ©vrier, c’est avant tout, cĂŽtĂ© africain, une question de gouvernance. La fameuse gouvernance, Ă©lĂ©ment clĂ©, central, de notre futur ! ■

* The Future Is Asian, de Parag Khanna, Simon & Schuster, 2019.

SOMMAIRE

TEMPS FORTS

3 ÉDITO

Cap à l’est par Zyad Limam

ON EN PARLE

6 Livres : Le dormeur Ă  gages de Tahar Ben Jelloun par Catherine Faye

8 Écrans : Une zone franchement drîle par Jean-Marie Chazeau

10 Musique : Muthoni Drummer Queen, girl power ! par Sophie Rosemont

12 Agenda : Le meilleur de la culture par Loraine Adam et Catherine Faye.

15 C’EST COMMENT ? Oui ou non ? par Emmanuelle PontiĂ©

16 PARCOURS

Germaine Acogny par Astrid Krivian

36 CE QUE J’AI APPRIS

Harry Roselmack par Fouzia Marouf

98 VINGT QUESTIONS À


Laurence Fishburne par Fouzia Marouf

18 Abdelaziz Bouteflika

Un destin algĂ©rien, la fin d’une Ă©poque par Zyad Limam

30 Le franc CFA, notre meilleur ennemi ? par Cédric Gouverneur

38 Benghazi

La vie aprĂšs la guerre par Maryline Dumas

46 Le gazoduc Nigeria-Maroc ira-t-il au bout ? par Julie Chaudier

52 Le couscous, graines de concorde par Frida Dahmani

58 ToutĂąnkhamon : L’étoile Ă©phĂ©mĂšre par Catherine Faye

78 Salif Keita

« L’expĂ©rience m’a apaisĂ© » par Astrid Krivian

84 Rania Benchegra American dream par Fouzia Marouf

66

L’émergence en danger par Jean-Michel Meyer

FONDÉ EN 1983 (34e ANNÉE)

31, RUE POUSSIN – 75016 PARIS – FRANCE

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Zyad Limam

MADE IN AFRICA

88 Escapades : Addis-Abeba le parfum de la « nouvelle fleur » par Luisa Nannipieri

91 Carrefours : Nadine Engelbrecht pense l’habitat de demain par Luisa Nannipieri

92 Fashion : Diarrablu, l’élĂ©gance de l’algĂšbre par Luisa Nannipieri

VIVRE MIEUX

94 Bien nourrir son intestin, la clĂ© de l’équilibre

95 Pour vous soigner au naturel, optez pour les huiles essentielles

96 Lutter contre les acouphĂšnes

97 Articulations qui font mal : on agit !

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DIRECTEUR DE LA RÉDACTION zlimam@afriquemagazine.com

Assisté de Maya Ayari mayari@afriquemagazine.com

RÉDACTION

Emmanuelle Pontié

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Isabella Meomartini DIRECTRICE ARTISTIQUE imeomartini@afriquemagazine.com

Jessica Binois PREMIÈRE SECRÉTAIRE DE RÉDACTION sr@afriquemagazine.com

Amanda Rougier PHOTO arougier@afriquemagazine.com

ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO

Loraine Adam, Julie Chaudier, Jean-Marie Chazeau, Frida Dahmani, Catherine Faye, Alexandra Fisch, Glez, CĂ©dric Gouverneur, Dominique Jouenne, Astrid Krivian, Élise Lejeune, Fouzia Marouf, Jean-Michel Meyer, Luisa Nannipieri, Sophie Rosemont, Nathalie Simon.

VIVRE MIEUX

Danielle Ben Yahmed RÉDACTRICE EN CHEF avec Annick Beaucousin, Julie Gilles.

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DépÎt légal : octobre 2019.

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AFRIQUE MAGAZINE

« L’INSOMNIE », Tahar Ben Jelloun, Gallimard, 272 pages, 20 €.

Le dormeur Ă  gages de Tahar Ben Jelloun

L’écrivain franco-marocain revient avec un THRILLER rocambolesque dans lequel il aborde les nuits blanches de son hĂ©ros avec cynisme et humour noir.

Catherine Faye

« J’AI TUÉ MA MÈRE. Un oreiller sur le visage. J’ai appuyĂ© un peu. Elle n’a mĂȘme pas gigotĂ©. Elle a cessĂ© de respirer. C’est tout. Ensuite j’ai dormi, longtemps, profondĂ©ment. » Commencer un roman par une telle attaque est un pari risquĂ©. Pas pour Tahar Ben Jelloun, 74 ans, qui n’a cessĂ© de construire une Ɠuvre multiforme et propose ici un texte trĂšs diffĂ©rent de tout ce qu’il a Ă©crit jusqu’à prĂ©sent. L’histoire ? Un scĂ©nariste de Tanger, grand insomniaque, dĂ©couvre que pour

pouvoir enfin bien dormir il lui faut tuer quelqu’un. Sa mĂšre est sa premiĂšre victime. HĂ©las, avec le temps, l’effet s’estompe. Il doit rĂ©cidiver. Plus sa victime est une personne importante, plus il dort. Et c’est l’escalade. On dĂ©couvre alors que sa femme, qu’il dĂ©teste, est Ă  l’origine de ses insomnies. Se libĂ©rer d’elle serait donc en rĂ©alitĂ© le seul remĂšde Ă  ses nuits blanches. Il en est incapable. Cette haine est d’ailleurs rĂ©ciproque : elle aussi veut le tuer. Mais elle se montre plus forte que lui. Il a beau se prendre pour un tueur impitoyable et un brillant scĂ©nariste, il se fait avoir par cette femme apparemment insignifiante, qui utilise toutes les ressources imaginables pour le maintenir dans une relation de dĂ©pendance. Dans ce roman d’un dormeur Ă  gages, Tahar Ben Jelloun aborde un mal courant qui touche des millions de personnes, l’insomnie. Mais il y interroge Ă©galement la complexitĂ© des relations entre les individus et le rĂ©el, avec malice, fantaisie et mĂȘme une pointe d’ambiguĂŻtĂ©. Son narrateur est-il d’ailleurs vĂ©ritablement un tueur ou ne raconte-t-il pas tout simplement les scĂ©narios qu’il Ă©labore durant ses nuits sans sommeil ?

Prix Goncourt 1987 pour La Nuit sacrĂ©e, l’auteur de L’Enfant de sable (1985) et du Bonheur conjugal (2012) est l’écrivain francophone le plus traduit dans le monde. La publication en 1973 de Harrouda, son premier roman, avait fait scandale car il abordait le tabou de la sexualitĂ©. Depuis, son Ɠuvre est ancrĂ©e dans les mĂ©andres de la sociĂ©tĂ© marocaine, ses problĂšmes et ses violences. Du reste, d’oĂč lui est venue l’idĂ©e de cette fable grinçante ? « L’insomnie est pour moi une vieille compagne, elle vient du traumatisme de ma dĂ©tention dans une prison militaire au Maroc, il y a cinquante ans. » Un Ă©pisode sur lequel il revient dans son prĂ©cĂ©dent roman La Punition, paru l’annĂ©e derniĂšre.

Pour parler de l’insomnie, il s’est d’abord intĂ©ressĂ© Ă  Marcel Proust et Ă  Franz Kafka, deux grands insomniaques. Mais, peu Ă  peu, il comprend que pour traiter d’un sujet aussi grave il faut que ce soit lĂ©ger et drĂŽle. « L’humour noir est la seule chose qui peut nous sauver. » Voici donc venu le temps pour cet Ă©crivain, aussi poĂšte et peintre Ă  ses heures, de s’amuser un peu. « S’il vous plaĂźt
 Un petit peu de sommeil
 Un petit peu de cette douce et agrĂ©able absence
 » Ă©crit-il dans ce roman qui lui permet aussi d’aborder, en filigrane, le sujet dĂ©licat de la mort. Car dormir, n’est-ce pas accepter de lĂącher prise ? De laisser mourir un peu de soi ? En tout cas, une chose est sĂ»re, son hĂ©ros, ce criminel sympathique, dort vraiment, lui, Ă  l’issue de chacun de ses meurtres. La boucle est bouclĂ©e. ■

roman

PROTÉGER

OU MOURIR

« ON LEUR a donnĂ© quinze jours. Quinze jours et une certaine quantitĂ© d’ivoire Ă  rapporter. » C’est une guerre bien particuliĂšre entre braconniers et rangers qui va se jouer entre le delta de l’Okavango et la riviĂšre Chobe, au Botswana. LĂ , les animaux, et en particulier les Ă©lĂ©phants, y ont trouvĂ© un refuge contre la barbarie. Des hommes y veillent nuit et jour, comme Seretse, qui travaille pour le gouvernement

premier roman DÉSIR

D’ENFANT

YEJIDE ET AKIN forment un couple harmonieux, ils ont tout pour ĂȘtre heureux. Tout sauf un enfant. Yejide a essayĂ©, en vain. Lorsqu’une dĂ©lĂ©gation familiale se prĂ©sente Ă  sa porte escortant une seconde Ă©pouse pour sauver l’honneur d’Akin, c’est au-dessus de ses forces. Commence alors pour elle un parcours de combattante pour sauver son couple, dans un contexte de chaos politique. Traduit dans 18 pays, ce rĂ©cit tragi-

« IVOIRE », Niels Labuzan, JC LattĂšs, 250 pages, 18 €.

botswanĂ©en, Erin, qui a quittĂ© la France pour vivre dans une rĂ©serve, ou encore Bojosi, ancien braconnier reconverti en garde. Ce roman inspirĂ© pose une question nĂ©cessaire : que signifierait un monde sans animaux sauvages ? ■ C.F.

RESTEAVEC MOI

« RESTE AVEC MOI », AyĂČbĂĄmi AdĂ©bĂĄyĂČ, Charleston, 320 pages, 22,50 €.

comique, oĂč alternent les points de vue de l’épouse et du mari, propulse la jeune auteure nigĂ©riane, qui a Ă©tudiĂ© l’écriture aux cĂŽtĂ©s de Chimamanda Ngozi Adichie, sur la scĂšne littĂ©raire internationale. ■ C.F.

PARLE ON EN

Clemantine Wamariya a Ă©tĂ© nommĂ©e au conseil du musĂ©e du MĂ©morial de l’Holocauste de Washington par Barack Obama.

« LA FILLE AU SOURIRE DE PERLES », Clemantine Wamariya et Elizabeth Weil, Les Escales, 312 pages, 20,90 €.

témoignage

UNE LEÇON DE VIE

NÉE À KIGALI, Clemantine Wamariya a 6 ans quand le conflit rwandais Ă©clate en 1994. Avec sa sƓur, elle fuit les massacres et traverse sept pays d’Afrique. Recueillie par un couple aisĂ© Ă  Chicago, elle dĂ©couvre soudain une tout autre rĂ©alitĂ©, devient pom-pom girl, fait de brillantes Ă©tudes qui la mĂšnent jusqu’à Yale. Un vĂ©ritable rĂȘve amĂ©ricain
 Mais comment se reconstruire aprĂšs l’enfer ? Quel sens donner Ă  son histoire ? Aujourd’hui militante pour les droits de l’homme, elle publie le rĂ©cit de sa vie. Un tĂ©moignage qui nous incite Ă  regarder au-delĂ  du statut de victime. ■ C.F.

« KATANGA, TOME III : DISPERSION », Sylvain VallĂ©e et Fabien Nury, Dargaud, 68 pages, 16,95 €.

bd

DES DIAMANTS ET DU SANG

COURSES-POURSUITES, fusillades et rebondissements, on retrouve tout ce qui fait le sel des prĂ©cĂ©dents volumes de cette trilogie. Une plongĂ©e en BD dans la crise katangaise, entre guerre d’indĂ©pendance et chasse aux diamants. On y rencontre des mercenaires impitoyables, des hommes politiques corrompus, d’anciens nazis, des victimes annoncĂ©es
 L’Ɠuvre est basĂ©e sur des faits historiques prĂ©cis, le propos est quasi documentaire. Un rĂ©cit violent, iconoclaste et pour autant jubilatoire. ■ C.F.

Une zone franchement drĂŽle

Raconter le choc des cultures entre des jeunes Parisiens branchĂ©s et les habitants dĂ©brouillards des citĂ©s : c’est le PARI RÉUSSI de Mohamed Hamidi pour dĂ©passer les clichĂ©s avec le sourire. par Jean-Marie Chazeau

FORT DU SUCCÈS de La Vache (plus d’un million d’entrĂ©es en France en 2016), le rĂ©alisateur franco-algĂ©rien joue de nouveau sur l’opposition des contraires : aprĂšs le bled et la France, c’est Paris et sa banlieue. L’histoire d’une entreprise de communication qui a longtemps profitĂ© des avantages fiscaux qu’offre une zone franche, La Courneuve, en y installant
 une simple boĂźte aux lettres. SommĂ© par les services des impĂŽts d’y emmĂ©nager vraiment sous peine de devoir rembourser plusieurs millions, Fred, le bouillant dirigeant de cette petite sociĂ©tĂ© (excellent Gilles Lellouche), emmĂšne ses salariĂ©s de l’autre cĂŽtĂ© du pĂ©riphĂ©rique. Ils y dĂ©couvrent les voitures brĂ»lĂ©es (le tournage a eu lieu avant les gilets jaunes sur les Champs-ÉlysĂ©es
), les incivilitĂ©s,

« JUSQU’ICI TOUT

VA BIEN », (France) de Mohamed Hamidi. Avec Gilles Lellouche, Malik Bentalha, Sabrina Ouazani.

les magouilles, les gangs et les trafics de drogue
 mais ce n’est jamais trĂšs mĂ©chant ni violent. Un regard bienveillant qui n’empĂȘche pas de provoquer le rire : c’est la force des situations et des comĂ©diens. Les Parisiens bon teint dĂ©barquent avec leurs prĂ©jugĂ©s, mĂȘme une beurette qui a pris du galon y revient Ă  reculons (lumineuse Sabrina Ouazani). Le casting du recrutement local imposĂ© pour la zone franche donne lieu Ă  une galerie de portraits trĂšs drĂŽle. En passeur de ces deux mondes, le trĂšs lunaire Samy (Malik Bentalha, ex-Jamel Comedy Club, vu dans Pattaya et Taxi 5) fait parfois glisser le film vers la comĂ©die romantique, sans miĂšvrerie. Pas vraiment un pamphlet, tant le film insiste sur ce qui fonctionne au-delĂ  du pĂ©riph : solidaritĂ©, gĂ©nĂ©rositĂ©, adaptabilitĂ©. Un peu trop idĂ©aliste ? C’est ce qu’on se demande, vingtcinq ans aprĂšs La Haine, quand surgit seulement Ă  la fin, comme un avertissement, le titre du film
 ■

animation

La clĂ© de l’espoir

PETITE PALESTINIENNE d’un camp de rĂ©fugiĂ©s Ă  Beyrouth, Wardi dĂ©couvre l’histoire des siens depuis 1948, l’annĂ©e de la catastrophe (la Nakba) pour les 700 000 Palestiniens expulsĂ©s Ă  la crĂ©ation de l’État d’IsraĂ«l. Un jour, son arriĂšre-grand-pĂšre lui confie la clĂ© de sa maison en GalilĂ©e et une porte sur bien des souvenirs. Dans ce film, les flash-back sont animĂ©s en 2D, les personnages sont des marionnettes d’une trĂšs fine expressivitĂ© et le dĂ©cor

du camp trĂšs rĂ©aliste. LĂ -bas, en 70 ans, « la seule chose qui a changĂ©, ce sont les tours : Ă  chaque nouvelle gĂ©nĂ©ration, un Ă©tage ». PoĂ©tique et politique Ă  la fois, pour petits et grands. ■ J.-M.C.

comĂ©die La ïŹlle de son pĂšre

PRÉSENTÉ AU DERNIER FESTIVAL de Toronto, c’est le premier film nigĂ©rian sĂ©lectionnĂ© par la plateforme Netflix. RĂ©alisĂ©, produit et coĂ©crit par une star de Nollywood, Genevieve Nnaji, qui incarne elle-mĂȘme la fille du patron d’une entreprise de transport (Lionheart), ambitieuse mais respectueuse de son pĂšre. Quand elle pense pouvoir lui succĂ©der, la compagnie est au bord de la faillite
 On sourit et on suit avec plaisir les tribulations de la superbe et magnĂ©tique hĂ©roĂŻne, qui s’impose en douceur dans un monde machiste et corrompu. Les (courtes) sĂ©quences de priĂšres Ă©vangĂ©liques et de musiques signalent qu’on est bien dans un film made in Nollywood, mais sans perdre le spectateur qui n’en a pas les codes. En prime, les vues aĂ©riennes d’Enugu montrent un Nigeria affairĂ© et moderne, mĂȘme loin de Lagos. ■ J.-M.C. « LIONHEART » (Nigeria) de Genevieve Nnaji. Avec elle-mĂȘme, Nkem Owoh, Peter Edochie.

documentaire Papa, pourquoi ?

Wardi et son arriĂšre-grand-pĂšre ou comment transmettre son histoire Ă  travers les gĂ©nĂ©rations et dans l’exil.

« WARDI » (NorvÚge-France-SuÚde) de Mats Grorud Avec pour la VF les voix de Pauline Ziadé, Aïssa Maïga, Saïd Amadis.

LE RÉALISATEUR ALASSANE DIAGO rend visite Ă  sa mĂšre, qu’il avait filmĂ©e en 2009 dans Les Larmes de l’émigration. Dans la cour de sa maison au SĂ©nĂ©gal, elle raconte sa rĂ©signation (« c’est la volontĂ© divine ») et sa tristesse d’avoir vu partir son mari, qui n’est jamais revenu. Le cinĂ©aste, qui n’apparaĂźt pas Ă  l’image, se rend ensuite au Gabon, Ă  la rencontre de ce pĂšre qui y a fondĂ© un autre foyer. L’homme parle trĂšs peu mais se laisse filmer dans son quotidien, et face camĂ©ra il Ă©coute ce fils retrouvĂ© tardivement, sans effusion, plus qu’il ne lui rĂ©pond. Il faut attendre prĂšs d’une heure pour que soit posĂ©e la question qui fĂąche : « Pourquoi as-tu abandonnĂ© ta famille ? » De cette lente confrontation rugueuse naĂźt une formidable Ă©motion qui cueille le spectateur quand il ne s’y attend pas. ■ J.-M.C. « RENCONTRER MON PÈRE » (France) d’Alassane Diago.

Muthoni Drummer Queen Girl power !

Pour son troisiÚme album, la chanteuse kenyane affirme pour de bon son féminisme et sa passion pour la musique urbaine. Incomparable.

« JE REPRÉSENTE une femme africaine puissante. J’ai inventĂ© (et continue d’inventer) une vie sur des chemins artistiques moins frĂ©quentĂ©s. Je pense que j’aide les gens Ă  imaginer leur propre grandeur. J’aime ça. » Mesdames et messieurs, bienvenue dans l’univers haut en couleur de Muthoni Ndonga, la musicienne la plus enthousiasmante du Kenya d’aujourd’hui. Son audace verbale est au diapason de sa musique, fĂ©ministe, secouĂ©e de rythmes intransigeants et de mĂ©lodies sensationnelles. En effet, son nouvel album, She, brosse le portrait de battantes. « Kenyan Message » donne la parole Ă  une doctoresse engagĂ©e, « Million Voice » nous plonge dans la peau d’une rĂ©fugiĂ©e somalienne, « Caged Bird » rend hommage Ă  son Ă©crivaine de prĂ©dilection, Maya Angelou
 Elle, Muthoni, domine le terrain avec son flow tour Ă  tour langoureux et fĂ©roce, mĂȘlant sans complexe ses influences R’n’B’, hip-hop, reggae, afrotrap et soul. Sur un titre comme « Squad Up », on entend mĂȘme du rock’n’roll diablement Ă©lectrique. Muthoni ne manque pas d’inspiration, elle a fait de sa plume une arme, au mĂȘme titre que son timbre vocal. Issue d’un milieu modeste, elle a dĂ» faire preuve de pugnacitĂ© pour occuper la scĂšne, mĂȘme si elle rĂȘve depuis toute petite d’ĂȘtre sous le feu des projecteurs. C’est Whitney Houston qui l’a fait

« SHE

», Muthoni Drummer Queen, Yotanka Records

vibrer pour la premiĂšre fois : « Le contrĂŽle de sa voix et son look averti dans “I Wanna Dance With Somebody” m’ont vraiment impressionnĂ©e. Je voulais absolument chanter comme elle ! » Quelques annĂ©es plus tard, elle dĂ©couvre ce qu’est le show scĂ©nique grĂące Ă  Michael Jackson : « Ce n’est que par les clips et des extraits d’émissions tĂ©lĂ©visĂ©es que j’ai pu rĂ©aliser Ă  quel point la danse et les costumes Ă©taient bons ! Qu’il pouvait chanter et danser tout en ayant cette prĂ©sence plus grande encore que la scĂšne oĂč il Ă©voluait. » D’oĂč un irrĂ©sistible amour du beat, qu’elle pratique avec ses talents de percussionniste et qu’elle cultive aujourd’hui aux cĂŽtĂ©s du duo de producteurs suisses avec lesquels elle façonne ses chansons, GR! & Hook. Ensemble, ils ont enregistrĂ© She lors de sessions bootcamp en Suisse. Entre-temps, elle a Ă©tudiĂ© les relations internationales et la philosophie Ă  l’United States International University Africa, au Kenya, et a fondĂ© le festival Blankets & Wine Ă  Nairobi


Ces jours-ci, Muthoni est d’ailleurs dans la capitale kenyane avec GR! & Hook pour imaginer de nouvelles chansons. Pas du genre Ă  se reposer sur ses lauriers, l’artiste compte bien continuer Ă  prouver que rap et fĂ©minisme font bon mĂ©nage. ■

MÉLODIE

COUSUE DE FIL D’OR

Avec Thread of gold, le trio d’Hejira revient en beautĂ©.

DÈS LE TITRE « Save it for Another », une pop Ă©thĂ©rĂ©e et intimiste jaillit toute en suspension
 AprĂšs le dĂ©cĂšs de son pĂšre, la chanteuse d’Hejira, Rahel Debebe-Dessalegne, est partie Ă  la recherche de ses racines en Éthiopie. C’est lĂ  qu’elle a imaginĂ© ces nouvelles chansons et qu’elle a convoquĂ© le reste du groupe afin de les enregistrer. On retrouve bien la fusion habituelle entre folk, jazz et pop classieuse, mais avec une prĂ©sence plus intellectualisĂ©e des influences africaines du trio. Le rĂ©sultat porte bien son nom : oui, les chansons sont ourlĂ©es d’or par la somptueuse voix de Rahel mais aussi par une instrumentation de haute voltige. ■ S.R. « THREAD OF GOLD », Hejira, Limo Lima Records/Big Wax Distribution

world music

ANITA FARMINE PERSEPOLIS MUSICAL

DE L’IRAN quittĂ© en 1979 Ă  OrlĂ©ans, en passant par les terres algĂ©riennes et Dunkerque, cette multi-instrumentiste accomplie chante en français, en anglais mais aussi en persan. Pour son troisiĂšme album, Seasons, elle prĂ©serve cette recette magique parfaitement assortie Ă  son timbre chaleureux et Ă  son amour des rythmiques – sans oublier la guitare Ă©lectrique qu’elle se plaĂźt Ă  convoquer, histoire de bousculer une ou deux ritournelles
 L’exil, les deuils, le temps qui passe et les nouveaux dĂ©parts nourrissent, de loin en loin, les chansons de cet album qui se veut avant tout intemporel. ■ S.R. « SEASONS », Anita Farmine, PalapapaĂŻ Prod

musique

afropop

RINA MUSHONGA, UN VRAI MELTING-POP

ELLE HABITE le sud de Londres, mais ses origines se situent entre le Zimbabwe et les Pays-Bas. Depuis la sortie de son premier album en 2014, The Wild, The Wilderness, on mise beaucoup sur cette artiste aussi bien influencĂ©e par Paul Simon que par Eurythmics et Santigold. Avec son afropop engagĂ©e sous influence dancehall, Rina Mushonga allie l’organique et l’électro en faisant preuve d’un sens innĂ© des rythmes. De « Pipe Dreamz » Ă  « Jungles » en passant par l’addictif « 4qrts », In a Galaxy rĂ©sonne fort et juste, entre contes africains, mythologie grecque et transes occidentales. ■ S.R. « IN A GALAXY », Rina Mushonga, Pias

hip-hop GET INTO THE GROOVE

ON NE PRÉSENTE plus le duo ghanĂ©en formĂ© par M3nsa et Wanlov the Kubolor, qui, depuis douze ans et cinq albums, rĂ©ussit Ă  dominer les classements de la pop continentale. Aujourd’hui, ils proposent un EP bref mais intense : dans le bien nommĂ© Afrobeats Lol, Fokn Bois s’amuse Ă  explorer le rap et l’électro dans leurs recoins les plus inattendus. EnregistrĂ© entre Accra, Budapest, Londres et Yokohama, ce nouveau disque tĂ©moigne d’un sens de la mĂ©lodie s’affirmant aussi bien en studio que sur le dance floor. ■ S.R. « AFROBEATS LOL », Fokn Bois, Idol

Place aux jeunes artistes, tels Janet Siringwani-Nyabeze (Ă  g.) et Troy Makasa (Ă  dr.).

exposition CAP SUR LE ZIMBABWE

Des ARTISTES PEINTRES

redessinent et interrogent l’actualitĂ© de leur pays.

VINGT-NEUF ARTISTES DU ZIMBABWE ont interrogĂ© pendant sept mois la vie quotidienne de leur pays, mais aussi leur sociĂ©tĂ© Ă  travers la peinture, sur le thĂšme « peindre Ă  la fin d’une Ă©poque ». Five Bhobh (Ă  prononcer « five bob »), c’est le tarif Ă  payer qu’annoncent les chauffeurs de kombi (minibus) au Zimbabwe, une fois les passagers entassĂ©s Ă  l’intĂ©rieur. C’est aussi le nom donnĂ© Ă  cette exposition, oĂč chaque artiste s’est glissĂ© dans la peau d’un passager au cƓur de cet engin-nation, pour dĂ©peindre les multiples questionnements que soulĂšve une pĂ©riode de grande peur. Les Ɠuvres interrogent l’actualitĂ©, inventent mille et un avenirs, racontent des histoires imbriquĂ©es les unes dans les autres. Un voyage chaotique et prĂ©gnant au cƓur de la vie quotidienne zimbabwĂ©enne, dans le plus grand musĂ©e d’Art contemporain africain du monde. ■ C.F. « FIVE BHOBH – PAINTING AT THE END OF AN ERA », musĂ©e Zeitz Mocaa, au Cap, Afrique du Sud, jusqu’au 31 mars. zeitzmocaa.museumw

festival

MUSIQUES ÉLECTRO AU BURKINA FASO

La 4e édition du festival Africa Bass Culture (ABC) se tient du 1er au 10 mars Ă  Ouagadougou et continue du 15 au 17 mars Ă  Bobo-Dioulasso. Bien plus qu’un rendez-vous musical, ABC rĂ©unit l’Afrique digitale Ă  travers des ateliers, des performances, des soirĂ©es DJ-VJ
 Cette manifestation, lieu de rencontres avantgardiste, est le carrefour artistique de l’afro-Ă©lectro sur le continent ! ■ « FESTIVAL AFRICA BASS CULTURE (ABC) », Institut français de Ouagadougou, du 1er au 10 mars 2019 ; Institut français de Bobo-Dioulasso, du 15 au 17 mars 2019.

découverte PLUME ET CRAYON

Des livres mĂȘlant texte et dessin, jamais Ă©ditĂ©s, sortent enfin au grand jour.

LA FONDATION MARTIN BODMER et le musĂ©e d’Art moderne et contemporain de GenĂšve proposent « Cahiers Ă©crits, dessinĂ©s, inimprimĂ©s », qui rĂ©unit des ouvrages d’artistes, d’écrivains ou de philosophes jamais imprimĂ©s mais suffisamment travaillĂ©s pour ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des livres Ă  exemplaire unique. OĂč parentĂ©s graphiques et familiaritĂ©s visuelles Ă©tablissent des passerelles entre diffĂ©rents univers Ă©crits, dessinĂ©s, tracĂ©s ou coloriĂ©s tels ceux du Franco-Suisse Marcel Miracle et de l’Ivoirien FrĂ©dĂ©ric Bruly BouabrĂ© (1923-2014). Celui qui, suite Ă  une « rĂ©vĂ©lation divine », archiva le monde contemporain Ă  la façon d’un entomologiste, glanant traces du rĂ©el et du spirituel. Une cosmogonie qu’il consignait en milliers de dessins rĂ©alisĂ©s aux stylo Ă  bille et crayons de couleur sur du papier cartonnĂ© de petit format. Un immense artiste africain qui, grĂące Ă  son invention de l’alphabet bĂ©tĂ©, avait dĂšs 1958, bien avant l’heure du succĂšs, retenu l’attention du grand savant, naturaliste et anthropologue ThĂ©odore Monod. ■ L.A. « CAHIERS ÉCRITS, DESSINÉS, INIMPRIMÉS », Fondation Bodmer, GenĂšve, Suisse, jusqu’au 25 aoĂ»t 2019. fondationbodmer.ch

Le festival ABC, un haut lieu de la musique digitale.

commémoration

Révolution tunisienne

Le Mucem revient sur ces 29 jours qui, il y

a huit ans, ont entraßné la chute de BEN ALI.

Au programme, des photos d’archives et des caricatures. Ă©vĂ©nement

L’EXPOSITION PRÉSENTÉE AU MUCEM (Ă  Marseille) est une adaptation de « Before the fourteenth, instant tunisien – Archives de la rĂ©volution », inaugurĂ©e au MusĂ©e national du Bardo, prĂšs de Tunis, le 14 janvier (jusqu’au 31 mars), Ă  l’occasion du 8e anniversaire de la rĂ©volution tunisienne. Elle en retrace les moments historiques, entre l’immolation par le feu du jeune vendeur de rue Mohamed Bouazizi (17 dĂ©cembre 2010) et la fuite du prĂ©sident Zine el-Abidine Ben Ali (14 janvier 2011) aprĂšs vingt-trois ans de pouvoir sans partage. Vingt-neuf jours dĂ©cisifs qui racontent la rĂ©volution. SpontanĂ©e, indĂ©pendante de toute idĂ©ologie et sans guides politiques, celle-ci a trouvĂ© son expression dans l’image et a inaugurĂ© le mariage des nouvelles technologies et de la rue, introduisant un nouveau mode de mobilisation et d’action politique, de nouvelles expressions artistiques. L’exposition s’articule autour d’un vaste fonds d’archives : vidĂ©os, photos, blogs, statuts Facebook, articles de journaux, enregistrements de tĂ©moins, caricatures, graffitis, slogans, dessins, poĂšmes et chansons, et aussi communiquĂ©s et dĂ©clarations de la sociĂ©tĂ© civile, collectĂ©s Ă  travers tout le pays. ■ C.F. « INSTANT TUNISIEN, ARCHIVES DE LA RÉVOLUTION », Mucem, Marseille, du 20 mars au 30 septembre 2019. mucem.org

Une fleur d’acier, de verre et de bĂ©ton de fibres pour incarner la puissance qatarie.

LA ROSE DES SABLES DE DOHA

Le

NOUVEAU

MusĂ©e national nous plonge dans l’histoire

multiséculaire du Qatar.

APRÈS EMMANUEL MACRON, qui avait inaugurĂ© le Louvre Abou Dhabi avec l’homme fort des Émirats arabes unis, cheikh Mohammed ben Zayed Al-Nahyane, en novembre 2017, c’est au tour du Premier ministre français, Édouard Philippe, de se rendre Ă  Doha, ce 28 mars, pour couper le ruban rouge du nouveau musĂ©e emblĂ©matique qatari, sous le haut patronage de l’émir du Qatar, cheikh Tamim Ben Hamad Al-Thani. Un musĂ©e de 40 000 m2, en forme de rose des sables, imaginĂ© par l’architecte Jean Nouvel et construit autour du palais historique, qui vient d’ĂȘtre restaurĂ©. ConcrĂštement, le MusĂ©e national, dont la directrice n’est autre que la sƓur de l’émir, cheikha Al-Mayassa, prĂ©sidente de Qatar Museums Authority, exposera des Ɠuvres contemporaines d’artistes qataris et internationaux, des objets rares et prĂ©cieux, parmi lesquels le cĂ©lĂšbre tapis de perles commandĂ© par le maharajah de Baroda en 1865, ornĂ© de plus de 1,5 million de perles du golfe Persique (Ă©meraudes, diamants, saphirs), et offrira une expĂ©rience immersive dans l’histoire du Qatar, allant de 700000 avant JĂ©susChrist Ă  nos jours, le long de plus de 2 km de galeries. L’art de la dĂ©mesure
 ■ C.F.

« NATIONAL MUSEUM OF QATAR », Doha, Qatar. qm.org.qa

UN CENTRE DE FORMATION PANAFRICAIN QUI INVESTIT DANS L’HUMAIN

Conçu pour accompagner la montée en compétences des talents africains,

de l’entreprise de renforcer leurs expertises mĂ©tiers.

professionnels externes. Depuis peu, il propose également

LE PARTAGE D’EXPÉRIENCE

AU SERVICE DE L’EXCELLENCE

OPÉRATIONNELLE

500 PARTICIPANTS

22 FORMATEURS

7 PAYS REPRÉSENTÉS EN 2018, 791 PERSONNES 183

BĂ©nĂ©ficiant d’une renommĂ©e internationale, le CFPP s’appuie sur l’expertise de formateurs

sein des équipes de Bolloré Transport & Logistics. Ils sont sélectionnés pour leurs compétences, leur rigueur mais aussi pour leur capacité à transmettre leur savoir-faire avec passion. Le CFPP propose en outre des programmes sur-mesure en adéquation

des professionnels en formation.

DES CERTIFICATIONS INTERNATIONALES, GAGES DE QUALITÉ À ce titre, le centre est par ailleurs rĂ©guliĂšrement

UN ACCOMPAGNEMENT EN FAVEUR DE L’ALPHABÉTISATION

Au-delĂ  de la formation initiale, le CFPP s’est vocation principale de faciliter l’intĂ©gration sociale compter au moyen de supports numĂ©riques.

Émilien Konan, Formateur au sein du CFPP tĂ©moigne :

« Les collaborateurs que nous accueillons au CFPP peuvent s’exercer Ă  leur rythme au moyen d’une application simple d’utilisation. Nous veillons tout particuliĂšrement Ă  les accompagner durant leur apprentissage en instaurant un suivi rĂ©gulier mĂȘme aprĂšs

Les cours qu’ils reçoivent leur apportent

quotidienne. Voulant ĂȘtre un employeur de de contribuer au dĂ©veloppement

OUI OU NON ?

On connaĂźt, trĂšs spĂ©cifiquement en Afrique centrale, le syndrome de la porte fermĂ©e et la lueur de bonheur qu’on lit dans la pupille du portier observant avec dĂ©lice la file d’attente qui s’est formĂ©e devant telle administration, telle ambassade, tel grand magasin ou tel stade. Un grand classique : la porte Ă  double battant ouverte Ă  moitiĂ© pour que les gens s’écrasent les uns contre les autres en la franchissant, ou celle qui se ferme quinze minutes avant l’horaire prĂ©vu, claquĂ©e pile au nez d’une pauvre retardataire qui croyait (Ă  juste titre) ĂȘtre dans les temps. Le maĂźtre de la porte, hĂ©ritier d’une once de pouvoir ponctuel, petit havre de plaisir dans son quotidien bien terne, en use et en abuse. Normal. Il a l’immense pouvoir de dire non. On connaĂźt encore le vendeur renfrognĂ©, derriĂšre son Ă©tal de lĂ©gumes au marchĂ© presque content de ne pas avoir les avocats que vous cherchez. Ou encore le fonctionnaire ravi de vous annoncer, aprĂšs vos quarante-cinq minutes de queue, que les timbres fiscaux sont en rupture
 Bref, le non bien frontal, trĂšs bantou et un brin caractĂ©riel, c’est presque culturel. Il rabat le caquet Ă©ventuel du client fortunĂ© ou pressĂ©, de celui qui croit que la vie est facile, et que l’on doit satisfaire ses dĂ©sirs, alors que le petit employĂ©, lui, il souffre. Plus loin, disons globalement en Afrique de l’Ouest, on se heurte Ă  un autre type de non, beaucoup moins direct, peut-ĂȘtre plus subtil, fruit d’une culture bien diffĂ©rente, celle du « faux oui ». En gros, quoi que vous demandiez ou souhaitiez, on vous rĂ©pond oui neuf fois sur dix, avec un grand sourire vissĂ© sur le visage. Ce qui, dĂ©jĂ , crĂ©e une ambiance plus conviviale. Certes. Pourtant, avec le temps, vous vous rendez compte que les oui tardent Ă  ĂȘtre suivis d’effets. On vous dit « bien sĂ»r, je vais vous trouver ça », et, aprĂšs plusieurs relances, votre interlocuteur continue Ă  vous jurer sur tous les saints qu’il n’y a pas de problĂšme, que

c’est sĂ»r, ça va le faire
 Mais, rien. Idem pour une signature, que l’on vous promet tous les jours, et qui souvent ne vient jamais. Bref le « faux oui » se transforme vite en un « vrai non » qui ne dit pas son nom. DiffĂ©rents cieux, diffĂ©rentes mƓurs. AprĂšs, chacun ses goĂ»ts. Le visiteur, touriste ou homme d’affaires, a le choix. Vaut-il mieux se heurter Ă  un non direct ou ĂȘtre baladĂ© pendant des jours par un faux oui ?

Le truc, c’est de ne pas perdre de vue, qu’à Dakar comme Ă  Douala, obtenir un vrai oui, ce n’est pas toujours facile. Que ce soit pour cause d’impuissance non avouĂ©e ou le fruit d’un caractĂšre rebelle, c’est quand mĂȘme, au final, un goĂ»t immodĂ©rĂ© pour le non qui prĂ©domine. Qu’on se le dise ! ■

À

Dakar comme à Douala, obtenir un vrai oui, ce n’est pas toujours facile.

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