





PRÉSIDENTIELLE 2025 EN CÔTE D’IVOIRE : CECI N’EST PAS UNE ÉLECTION, C’EST UN TRI

La liste électorale est sortie. Mon nom y est mais elle a des absents. Ce ne sont pas juste des noms.Pour moi, ce sont des visages, des voix, des symboles : Gbagbo. Thiam. Soro. Blé Goudé. Rayés de la liste. Non pas parce que le peuple ne veut pas d’eux mais parce que l’État les a effacés. Selon la loi, a-t-on dit. Mais tout le monde sait lire entre les lignes. Enfin, je crois.
De lecture, ce n’est pas la Constitution qui a changé. C’est la manière dont on l’applique L’article 55 dit simplement : Tout citoyen ivoirien de 35 ans, inscrit sur la liste électorale, peut être candidat.
Chez nous, l’inscription est devenue une faveur. Un privilège accordé à ceux qu’on ne craint pas Ceux qui ne bousculent pas l’ordre établi
Ça sert à quoi de parler de démocratie si ceux que l’on craint sont systématiquement écartés avant même que le jeu n’ait commencé ? On ne construit pas un pays en affaiblissant ses piliers On ne parle pas de justice quand elle n’a pas le même poids pour tous, quand elle frappe certains, et ménage d’autres.
Je ne parle pas de camp ou de nom Je parle de principe, de respect du droit D’’intégrité du jeu Parce qu’un pays ne grandit pas avec des exclusions. Effacer un nom, c’est créer une frustration et nourrir une colère sourde. Celle qu’on ne voit pas encore, mais qui gonfle, au fond du peuple. Rayer un opposant ne fait pas naître l’adhésion
Et quand on devra faire le bilan, est-ce qu’on pourra dire qu’on a bâti une démocratie ?
Ou bien seulement un système qui fonctionne pour ceux qui le contrôlent ?
Est-ce qu’on aura offert au peuple le choix, ou simplement l’illusion d’un choix ? Est-ce qu’on pourra regarder les jeunes dans les yeux, et leur dire : « Tu as tes cartes à la présidence », sachant que même ceux qui ont marché, résisté, bâti leur notoriété, se retrouvent barrés par un formulaire, un décret, un jugement ?
On ne fabrique pas la confiance d’un État en effaçant des noms on la fabrique en écoutant même ceux qui dérangent En laissant une place à chaque voix, en refusant la peur comme boussole politique parce que ce pays est plus grand que nos préférences. Et plus fort que nos stratégies de contrôle.
Il y a quelque chose de fragile dans cette démocratie qu’on prétend bâtir. Et ce n’est pas le peuple qui la fragilise. C’est ce besoin obsessionnel de contrôler, de verrouiller. de tout calculer.
Mais le peuple, lui, n’oublie pas. Il observe. Il encaisse. Et un jour, il se souvient Ce jour-là, les bulletins auront peut-être plus de mémoire que les institutions. Et ceux qu’on pensait avoir effacés renaîtront dans les consciences.
LISTE ÉLECTORALE 2025 : GBAGBO, THIAM, BLÉ, SORO… RADIÉS !

C’est désormais officiel : plusieurs figures majeures de l’opposition ivoirienne ne figurent pas sur la liste électorale définitive publiée dans la nuit du mardi 3 au mercredi 4 juin 2025 par la Commission électorale indépendante (CEI). Parmi les absents : Tidjane Thiam, président du PDCI, Laurent Gbagbo, Guillaume Soro et Charles Blé Goudé.
La CEI a appliqué sans détour les décisions judiciaires en vigueur. Dans le cas de Tidjane Thiam, la radiation est consécutive à un jugement fondé sur le Code de la nationalité ivoirienne Bien qu’il ait officiellement renoncé à sa nationalité française le 20 mars 2025, la justice a estimé qu’au moment de son enrôlement en 2022, Thiam n’était plus juridiquement Ivoirien, ayant acquis volontairement une nationalité étrangère en 1987
La Constitution exige pourtant que tout candidat à la présidence soit exclusivement Ivoirien.
Aucun recours possible
Cette décision, rendue fin avril, n’est pas susceptible d’appel. Et comme l’a rappelé la CEI, aucune révision complémentaire de la liste électorale ne sera engagée d’ici l’échéance du 25 octobre 2025. Résultat : le président du PDCI est inéligible, au même titre que d’autres leaders de l’opposition.
Depuis l’Europe où il séjourne, Tidjane Thiam a dénoncé dans un communiqué une "élimination
Directeur de Publication : Israël Guébo
Secrétaire de rédaction : Jemima Kessié
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politique" et "un exemple supplémentaire de la dérive de la Côte d’Ivoire vers une démocratie de façade". Il annonce avoir saisi le Comité des droits de l’homme de l’ONU, dont les décisions ne sont pas contraignantes mais qui pourrait donner une résonance internationale à sa requête.
Gbagbo, Soro et Blé Goudé également écartés
Quant à Laurent Gbagbo, Guillaume Soro et Charles Blé Goudé, leur exclusion du fichier électoral découle directement de leurs condamnations judiciaires passées, qui entraînent la perte de leurs droits civiques. Si les recours politiques et diplomatiques s’annoncent houleux, sur le plan légal, leur radiation est actée.
En l’état actuel du droit électoral ivoirien, ces figures emblématiques ne pourront pas participer au scrutin présidentiel d’octobre. Une configuration qui risque d’alimenter les débats sur l’inclusivité, la transparence et la légitimité du processus électoral en Côte d’Ivoire
Arthur Debi
Rédacteurs : Arthur Debi, Kledjeni Tayou, Tchimou Berenger, Bainguié Jean-François, Koffi Étile, Teiko Célestin, Vincent Gnamessou, Joël Koné
soir est édité par l’Institut Africain des Médias (IAM)
PRÉSIDENTIELLE EN CÔTE D’IVOIRE : PRIVÉ DE THIAM, LE PDCI SAISIT L’ONU

C’est désormais acté : Tidjane Thiam ne pourra pas participer à la présidentielle d’octobre 2025. Son nom a disparu de la liste électorale définitive publiée dans la nuit du 3 au 4 juin par la Commission électorale indépendante (CEI), conformément à une décision judiciaire rendue le 22 avril dernier. Le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) rejoint ainsi la liste des grandes figures de l’opposition radiées du fichier électoral : Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé et Guillaume Soro.
Derrière cette exclusion se trouve l’article 48 du code de la nationalité, qui prévoit la perte de la nationalité ivoirienne en cas d’acquisition volontaire d’une nationalité étrangère. Tidjane Thiam, devenu français en 1987, a certes renoncé à cette nationalité le 20 mars 2025, mais trop tard selon la justice, qui s’est appuyée sur sa situation au moment de son enrôlement en 2022 La CEI, “bête et disciplinée” selon les mots de son président Coulibaly-Kuibiert, a donc exécuté la décision.
Une riposte internationale
Le coup est dur pour le principal parti d’opposition, qui dénonce une manœuvre d’élimination politique. Le 3 juin, à la veille de la publication de la liste, le PDCI a convoqué une réunion d’urgence et annoncé la saisine du Comité des droits de l’homme des Nations unies Un ultime recours, faute de voie d’appel en droit ivoirien.
« Mon élimination de la liste électorale constitue un exemple éloquent de la dérive autoritaire actuelle », a réagi Tidjane Thiam depuis l’Europe Son avocat, Me Mathias Chichportich, évoque une violation grave des engagements internationaux de la Côte d’Ivoire. L'objectif de cette action : obtenir des garanties pour une élection « équitable, inclusive et démocratique »
La tension monte
Le calendrier s’est brusquement accéléré. Alors que la publication de la liste électorale définitive était initialement attendue autour du 20 juin, la CEI l’a avancée sans explication au 4 juin Un geste perçu comme une tentative de prendre de court l’opposition, d’autant que Thiam, intervenant en visioconférence lors du meeting de la CAP-CI le 31 mai, venait de dénoncer « une orchestration visant à annuler [son] élection démocratique à la tête du PDCI »
Une présidentielle sous tension
Avec 8,7 millions d’électeurs enregistrés, la Côte d’Ivoire entre dans une phase critique de son cycle électoral Mais l’exclusion des principales figures de l’opposition alimente les inquiétudes sur l’équité du scrutin à venir. Le PDCI, lui, appelle ses militants à rester mobilisés derrière “l’espoir Tidjane Thiam”, malgré la disqualification.
Dans un climat déjà tendu, cette affaire pose une question de fond : peut-on parler d’élection inclusive quand les candidatures les plus emblématiques sont écartées, souvent sans recours effectif ?
Arthur Debi
SONKO CHEZ OUATTARA. LES DESSOUS D’UNE VISITE TRÈS POLITIQUE
Le Premier ministre sénégalais a séjourné en Côte d’Ivoire du 29 au 31 mai, où il s’est entretenu avec le chef de l’État ivoirien Alassane Ouattara, mais aussi avec son opposant, Laurent Gbagbo. Coulisses.

Deux semaines après le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, Ousmane Sonko a, à son tour, été reçu par Alassane Ouattara à Abidjan. Cette visite, initialement prévue début avril, avait été reportée in extremis. C’est Ousmane Sonko qui avait téléphoné à Alassane Ouattara afin de l’informer de son souhait d’effectuer une visite officielle en Côte d’Ivoire.
Le président des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) a un solide réseau dans le pays. Très proche de Adjé Silas Metch, le ministre délégué chargé des Sports et du Cadre de vie, il est également ami avec Stéphane Kipré, le premier vice-président du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) de l’ancien président Laurent Gbagbo. L’homme d’affaires ivoirien est par ailleurs un ami de l’ex-chef de l’État Macky Sall.
Médiation avec l’AES
Arrivé à Abidjan dans la soirée du 29 mai avec quatre membres de son gouvernement, Ousmane Sonko s’est installé au Sofitel Hôtel Ivoire Dès le lendemain, il a rencontré son homologue, Robert Beugré Mambé, avec qui il a revisité les 48 accords de coopération signés en juillet dernier dans le cadre d’une commission mixte Tous deux se sont convenu d’organiser un forum afin de promouvoir les opportunités d’investissements dans leurs pays respectifs À l’issue de leur déjeuner, le Premier ministre sénégalais a revêtu des attributs de prince Akan, groupe ethnique dont est issu son homologue ivoirien
Il a ensuite été reçu par le président Alassane Ouattara, avec lequel il a évoqué le renforcement de l’axe Abidjan-Dakar.
Ousmane Sonko, qui était à Ouagadougou le 16 mai, où il s’est entretenu avec le capitaine Ibrahim Traoré, appuie par ailleurs la médiation menée officiellement par Bassirou Diomaye Faye entre la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES). Auprès d’Alassane Ouattara, qui a répété être favorable au retour des « pays frères » au sein de l’organisation sous-régionale, le chef du gouvernement sénégalais s’est engagé à poursuivre les discussions avec les pouvoirs militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger.
Visite à Laurent Gbagbo
Ousmane Sonko a également demandé son accord au chef de l’État, qu’il a appelé « Papa », avant de rendre visite à Laurent Gbagbo, candidat toujours inéligible à la présidentielle d’octobre prochain. Il partage avec ce dernier, qu’il a rencontré le lendemain, les mêmes idées souverainistes et panafricanistes et estime que les années passées en prison les rapprochent Le cas de Tidjane Thiam, le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), lui aussi radié de la liste électorale, n’a pas été évoqué officiellement À l’issue de sa visite, le Premier ministre s’est rendu à Bouaké à bord d’un des avions de la flotte présidentielle ivoirienne La capitale du Centre est jumelée depuis 2018 à Ziguinchor, la ville où Ousmane Sonko a grandi Une rue de Bouaké porte d’ailleurs le nom de la capitale de la Casamance Le maire Amadou Koné, également ministre des Transports, lui a présenté à cette occasion un film institutionnel de sa ville, meurtrie par la crise politico-militaire (2002-2007), puis post-électorale (2010-2011), et qui a bénéficié d’importants investissements. Jeune Afrique